M. Yvon COLLIN et Mme Fabienne KELLER, rapporteurs spéciaux

II. L'ÉVOLUTION DE L'APD FRANÇAISE

A. LE MONTANT DE L'APD FRANÇAISE

1. Un niveau d'APD en légère hausse en 2012

L'APD française peut être appréhendée au travers de quatre « cercles concentriques » : la mission « Aide publique au développement », les crédits de l'ensemble des missions budgétaires concourant à l'aide au développement (à la fois dans et hors le budget général), les crédits publics (qui incluent la coopération décentralisée) et enfin les montants notifiés au CAD.

Sur la base de ces dotations, comme on l'a déjà vu ci-dessus en évoquant l'évolution internationale, la France est demeurée en 2012 à la quatrième place des États contributeurs les plus importants par le volume de leur APD, après les États-Unis, le Royaume Uni et l'Allemagne, mais avant, dans cet ordre, le Japon, le Canada et les Pays-Bas. Elle occupait la deuxième place en 2009.

L'APD versée par notre pays en 2012 s'est élevée à 12,106 milliards de dollars, soit 9,4 milliards d'euros.

APD de la France entre 2000 et 2012

Source : Commission des finances du Sénat à partir de données de l'OCDE

On retrouve ici le paradoxe soulevé par vos rapporteurs spéciaux lors de l'examen de la loi de règlement pour 2012 : le niveau de l'APD française diminue en dollars (il était de 12,997 milliards en 2011), mais augmente en euros (il était de 9,33 milliards en 2011) .

En termes de pourcentage du RNB, le montant de notre aide est stable, à 0,46 %. Il était de 0,5 % en 2010. Sur ce plan, la France est classée, dans l'ordre, derrière le Luxembourg, la Suède, la Norvège, le Danemark, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la Finlande, l'Irlande et la Belgique, et devant la Suisse, l'Allemagne et l'Australie.

2. Les perspectives pour 2013 et 2014

Les prévisions de l'évolution de l'APD pour 2013 et 2014, retracées dans le document de politique transversale (DPT) sur la politique française en faveur du développement annexé au projet de loi de finances (PLF) pour 2014, prévoient une progression de 541 millions d'euros en 2013 et de 428 millions d'euros en 2014, pour atteindre 10,327 milliards d'euros .

Prévisions d'APD 2011-2015 par type d'activité

(en millions d'euros)

2012

2013

2014

Aide bilatérale

6 169

6 594

7 158

Coopération technique

1 595

1 491

1 485

Aide-projet

2 393

3 320

2 984

Aide-programme

168

167

129

Annulation de dettes et refinancements

1 080

607

1 579

Divers

933

1 008

981

Aide multilatérale

3 190

3 305

3 169

Aide européenne

1 626

1 715

1 731

dont FED

576

689

711

dont budget communautaire

1 050

1 026

1 020

Aide multilatérale hors UE

1 563

1 591

1 438

TOTAL (*)

9 358

9 899

10 327

Source : Direction générale du trésor

L'aide projet comprend notamment les prêts bilatéraux de l'AFD et de la RPE.

L'aide programme inclut les dotations des programmes 209 et 110 aux fonds fiduciaires considérés comme bilatéraux par le CAD.

La progression attendue entre 2012 et 2014 devrait provenir d'une augmentation importante de l'aide bilatérale (+ 989 millions d'euros) qui ferait plus que compenser une légère baisse de l'aide multilatérale (- 21 millions d'euros).

Ces évolutions se traduiront notamment par une augmentation des aides projets (+ 591 millions d'euros), des annulations de dettes et des refinancements (+ 499 millions d'euros) et, en matière d'aide multilatérale, l'augmentation du Fonds européen de développement (FED) (+ 135 millions d'euros).

Vos rapporteurs spéciaux se réjouissent de ces prévisions, mais soulignent que l'expérience montre que l'exécution n'est pas toujours conforme aux prévisions , en partie car elles dépendent d'éléments soumis à un calendrier externe, comme celui des traitements de dettes pratiqués dans le cadre du Club de Paris au bénéfice des pays éligibles.

Ainsi, depuis l'an dernier, le chiffre pour 2012 a été revu à la baisse de 347 millions d'euros, celui de 2013 de 63 millions d'euros et celui pour 2014 de 204 millions d'euros.

D'autre part, vos rapporteurs spéciaux rappellent que l'APD comprend certaines dépenses dont la comptabilisation est critiquable :

- l'aide versée à Wallis-et-Futuna, qui ne correspond pas à l'acception commune de l'aide au développement visant normalement les États étrangers, et l'APD à Mayotte (soit 450 millions d'euros en 2010) qui est restée incluse dans le montant français d'APD jusqu'à son accession au statut de département à compter du 1 er janvier 2011 ;

- l'aide aux réfugiés originaires des pays en développement.

Des interrogations demeurent aussi sur l'inscription en APD des frais relatifs à l'écolage des étudiants ressortissants de pays en développement, inclus dans les frais d'écolage de l'ensemble des étudiants étrangers en France (672 millions d'euros en 2010).

A l'inverse, certaines dépenses publiques qui concourent effectivement au développement ne sont pas comptabilisables en APD selon les normes du CAD, notamment la dépense fiscale assise sur les dons aux organisations de solidarité internationale (OSI), qui sont évalués entre 600 et 800 millions d'euros par an, les mécanismes de garantie (167 millions d'euros en 2011), la sécurisation de l'aide alimentaire et une part de la coopération militaire et de défense.

3. Le détail des prévisions d'APD française en 2014

Comme cela a été indiqué précédemment, l'APD française devrait atteindre 10,327 milliards d'euros en 2014. Ce montant résulte de la somme des versements de l'État assurés à partir du budget général et en dehors de celui-ci, de la coopération décentralisée mise en oeuvre par les collectivités territoriales, d'autres contributions d'organismes publics, parmi lesquelles celles de l'Agence française de développement (AFD) à partir de ses ressources propres, enfin du produit attendu de la taxe de solidarité sur les billets d'avion et d'une partie de la taxe sur les transactions financières.

Le tableau ci-après présente cette décomposition pour 2014. Vos rapporteurs spéciaux soulignent à nouveau que les décalages avec l'exécution peuvent être importants.

Ventilation par grandes masses des prévisions d'APD française en 2014

(en millions d'euros)

2013

2014

Aide publique au développement résultant des crédits budgétaires

7 513

6 938

- dont mission « Aide publique au développement » (hors aide à effet de levier)

2 824

2 622

- dont prêts AFD (hors impact des refinancements)

2 549

2 220

- dont autres

(y compris écolage et réfugiés)

2 140
(1 101)

2 097
(1 093)

Opérations de prêts (RPE et FMI)

195

149

- dont prêts RPE

65

71

Quote-part de l'APD financée sur le budget communautaire

1 026

1 020

Annulations de dettes et refinancements nets

607

1 579

Total État

9 341

9 686

Taxe de solidarité sur les billets d'avion

185

208

Taxe sur les transactions financières

60

100

Collectivités territoriales

65

70

Autres (agences de l'eau, ressources propres AFD)

248

262

Total APD

9 899

10 327

Total APD (en % du RNB)

0,47 %

0,48 %

Source : DPT « Politique française en faveur du développement » annexé au PLF

a) Des ressources budgétaires en baisse

Le document de politique transversale (DPT) « Politique française en faveur du développement » joint au projet de loi de finances pour 2014, fait apparaître que plus de 15 programmes, dont les deux programmes de la mission « Aide publique au développement », concourent, à la politique d'aide publique au développement.

L'effort global du budget général représente 6,938 milliards d'euros en CP , soit 67 % des apports de la France en APD estimés pour l'année, contre 7,513 millions d'euros en 2013.

La mission « Aide publique au développement », pour sa part, correspond à 38 % de ces crédits budgétaires et 25 % des dépenses totales d'APD. La mission « Recherche et enseignement supérieur », avec une prévision de 1,14 milliard d'euros en faveur de cette aide, représente 16 % de ces crédits budgétaires et 11 % de l'APD totale.

b) Une hausse de la contribution nette à l'APD française des opérations de prêts et de traitements de dettes  mais une baisse des décaissements
(1) Les prêts de la « Réserve pays émergents »

La Réserve pays émergents (RPE) est un des principaux outils de la politique d'aide publique au développement de la France, avec 3,5 milliards d'euros de prêts depuis 2000. Elle est mise en oeuvre par la direction générale du Trésor.

Peuvent bénéficier de la RPE les entités publiques (gouvernement central, provincial, agences, ...) des pays éligibles (la vingtaine de « pays RPE »). Les projets doivent ne pas être viables économiquement s'ils étaient financés aux conditions de marché et répondre aux besoins de développement économique durable des pays récipiendaires (critères OCDE).

Il s'agit d'une aide liée, c'est-à-dire que ces projets doivent également contribuer au développement international des entreprises françaises : 70 % au moins des contrats financés doivent correspondre à des achats de biens et services fournis par des entreprises françaises (critère français).

Le décaissement d'un prêt RPE donne lieu à l'enregistrement d'une contribution à l'effort d'APD de la France à hauteur du montant du prêt gouvernemental déboursé. Réciproquement, tout remboursement du capital d'un prêt d'APD s'impute en déduction des déboursements à hauteur du montant remboursé.

En 2014, les versements au titre de la RPE devraient atteindre 420 millions d'euros et les remboursements 357 millions d'euros. La contribution 2014 de la RPE serait donc de 71 millions d'euros.

(2) Les prêts de l'Agence française de développement

L'Agence française de développement (AFD) porte des prêts dont le financement est assuré par deux canaux complémentaires :

- d'une part, l'Agence lève des ressources sur les marchés financiers à des taux de marché (émissions obligataires, placements privés, etc.). Ces ressources font l'objet d'une bonification par l'État, afin que l'AFD puisse offrir aux pays partenaires des taux d'intérêt inférieurs à son propre coût de financement ; Ce dispositif est retracé par l'action n° 2 « Aide économique et financière bilatérale » du programme 110 « Aide économique et financière au développement » de la mission « Aide au développement » ( 174 millions d'euros en CP sont prévus, à ce titre, dans le présent PLF) ;

- d'autre part, l'État octroie à l'AFD des prêts à des conditions très concessionnelles, qui constituent pour l'Agence une ressource dite « à condition spéciale ». Les crédits nécessaires sont inscrits au sein du programme 853 « Prêts à l'Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social dans des États étrangers » de la mission « Prêts à des États étrangers » ( 370 millions d'euros en CP pour 2013).

L'impact de ces prêts, en termes d'APD, est positif à hauteur du montant déboursé lors du décaissement puis négatif, les années suivantes, à due concurrence des remboursements effectués par les pays bénéficiaires. L'impact annuel est égal à la variation de l'encours de prêts, sans qu'il y ait donc une correspondance directe avec les crédits des programmes 110 et 853 précités.

Dans le DPT annexé au présent PLF, cet impact est évalué à 2 220 millions d'euros pour 2014 1 ( * ) .

(3) Les prêts d'aide à l'ajustement structurel

Les prêts d'aide à l'ajustement structurel (PAS) sont octroyés à un taux concessionnel par l'AFD pour financer les programmes économiques et de redressement financier de certains États étrangers. Ils bénéficient de la garantie de l'État français.

La France a octroyé en 2007, dans le cadre de la conférence internationale sur le soutien au Liban qui s'est tenue le 25 janvier 2007 (dite conférence « Paris III »), un prêt de 375 millions d'euros mis en oeuvre par l'AFD pour soutenir le Liban dans la mise en oeuvre de son programme de réformes économiques. Il était prévu que ce prêt soit décaissé en trois tranches de respectivement 150 millions d'euros, 100 millions d'euros et 125 millions d'euros. La première tranche a été décaissée en avril 2008, et 30 millions d'euros de la tranche de 100 millions d'euros ont été décaissés en 2012.

Ce prêt budgétaire à la République libanaise a fait l'objet d'un avenant qui confirme l'annulation de la tranche de 125 millions d'euros initialement dédiée à des réformes dans le secteur des télécommunications, prévoit le report de la date limite de versement au 30 novembre 2014 sur les 70 millions d'euros restant à verser au titre de l'appui aux réformes dans le secteur de l'électricité.

(4) Les activités de refinancement

Des prêts de refinancement sont déboursés directement par l'État dans le cadre d'opérations de restructuration de dette. Les crédits budgétaires nécessaires au décaissement de ces prêts sont imputés sur le programme 852 « Prêts à des États étrangers en vue de la consolidation de dettes envers la France » de la mission « Prêts à des États étrangers ».

Le présent projet de loi de finances prévoit, à ce titre, 704 millions d'euros, pour une estimation d'APD nette de - 2 millions d'euros (les remboursements sont supérieurs aux décaissements).

(5) Les annulations de dettes

Les annulations de créances non militaires et d'échéances d'intérêts de prêts pour le développement participent à l'effort d'APD à hauteur des montants annulés.

L'impact est évalué à 1 198 millions d'euros pour 2014.

c) Une coopération décentralisée en légère hausse

La coopération décentralisée est essentiellement financée par les collectivités territoriales, sur leurs fonds propres. Le ministère chargé des affaires étrangères (MAE) intervient pour des cofinancements, en fonction des priorités retenues.

Les flux d'APD en provenance des collectivités territoriales ont représenté 63 millions d'euros en 2012, soit 7 millions de plus qu'en 2011. Ils devraient se stabiliser à 65 millions d'euros en 2013 et atteindre 70 millions en 2014 . Ces montants apparaissent toutefois nettement sous-évalués si l'on prend en compte les frais de structure - notamment les dépenses de personnel - associés à la mise en oeuvre des actions de coopération décentralisée des collectivités territoriales.

d) La revalorisation de la contribution de solidarité sur les billets d'avion

La contribution de solidarité sur les billets d'avion a été introduite en 2006 en vue de financer des programmes internationaux de santé publique et d'accès aux médicaments pour certaines maladies dans les pays en voie de développement.

Recettes de la contribution de solidarité sur les billets d'avion

(en millions d'euros)

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

45

164

173

162

163

175

185

185

208

Source : Questionnaire budgétaire

Les montants 2013 et 2014 sont respectivement une estimation et une prévision.

La hausse du produit attendue pour 2014 découle du relèvement de ses tarifs, qui étaient restés inchangés depuis sa création , prévu dans le présent projet de loi de finances 2 ( * ) . La modification introduite vise à procéder au rattrapage de l'inflation depuis 2006. Cette actualisation devrait permettre une augmentation, en base, des recettes de la taxe d'environ 12,7 % (environ 23 millions d'euros supplémentaires).

Le produit de la taxe, géré par l'AFD, alimente le Fonds de solidarité pour le développement (FSD) en vue de financer l'accès aux vaccins et médicaments dans les pays en développement : 10 % au plus à travers la Facilité financière internationale pour les vaccins (IFFIm) et 90 % au moins à travers la Facilité internationale d'achats de médicaments « Unitaid ».

Vos rapporteurs spéciaux observent que la mise en oeuvre de ce financement innovant n'a emporté aucun impact négatif visible, ni sur le trafic aérien, ni sur le tourisme. Depuis 2006, ce dispositif a été appliqué par huit autres pays : le Cameroun, le Chili, la République du Congo, la Corée du Sud, Madagascar, le Mali, Maurice et le Niger.

e) Le relèvement de la part de la taxe sur les transactions financières affectée au Fonds de solidarité pour le développement
(1) La taxe française

La taxe sur les transactions financières (TTF) a été créée en 2012. Son rendement attendu était estimé à environ à 1,6 milliard d'euros en année pleine. La loi de finances pour 2013 a prévu que le fonds de solidarité pour le développement (FSD) perçoive 10 % du produit, dans la limite d'un plafond de 60 millions d'euros.

Conformément à ce qui était prévu l'an dernier, le présent projet de loi de finances (article 31) relève à 15 % la part du produit de la taxe affectée au FSD et porte le plafond à 100 millions d'euros en 2014 ; il devrait encore être relevé l'an prochain, pour atteindre 160 millions d'euros en 2015.

Le produit de la TTF devrait s'élever à 690 millions d'euros en 2013 et le présent projet de loi de finances prévoit un montant de 700 millions d'euros en 2014. Les objectifs de 60 et 100 millions d'euros devraient donc être respectés.

En 2013, ces recettes ont permis de financer l'initiative « I3S » (Initiative Solidarité Santé Sahel) en faveur de la santé des enfants de moins de cinq ans dans six pays du Sahel (Mauritanie, Sénégal, Mali, Burkina Faso, Niger, Tchad), ainsi que de participer à l'Initiative pour l'Approvisionnement en Eau et l'Assainissement en milieu Rural (IAEAR) menée par la Banque africaine de développement.

(2) Une taxe qui pourrait faire école

L'avancée des débats sur l'adoption d'une taxe sur les transactions financières (TTF) au profit du développement reste une des priorités portées par la France sur la scène internationale, malgré les difficultés rencontrées avec les partenaires du G20 notamment.

Le G20 de Los Cabos n'ayant pas retenu de référence aux financements innovants dans la déclaration finale de juin 2012, la présidence russe n'a pas souhaité investir dans cette question malgré sa récente adhésion au Groupe pilote sur les financements innovants.

Néanmoins, la France compte toujours des partenaires mobilisés en faveur des financements innovants et de la TTF tant au niveau global (Argentine, Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Congo, Ethiopie, Guinée, Japon, Mali, Maroc, Mauritanie, Norvège, Sénégal, Togo) qu'au niveau européen.

Au niveau communautaire , suite au constat de l'impossibilité de parvenir à un accord à 27, un groupe de 11 États européens se sont associés autour d'un projet de coopération renforcée approuvé par le conseil Ecofin le 22 janvier 2013 : Allemagne, France, Espagne, Italie, Belgique, Portugal, Grèce, Autriche, Estonie, Slovénie, Slovaquie.

La Commission européenne a présenté un nouveau projet de directive le 14 février 2013 qui fait actuellement l'objet de discussions entre les partenaires européens. Cependant, d'importantes critiques ont été formulées à l'égard de ce nouveau texte, tant par les pays non membres de la coopération renforcée que par ceux qui y ont souscrit .

B. LES BÉNÉFICIAIRES DE L'APD FRANÇAISE

1. L'aide bilatérale

L'aide bilatérale nette française s'est élèvée en 2012 à 6 199 millions d'euros selon l'enquête définitive d'APD transmise à l'OCDE.

Cette aide est majoritairement destinée à l'Afrique, particulièrement aux pays d'Afrique sub-saharienne (40 %).

Les deux tableaux ci-dessous retracent la ventilation de l'aide bilatérale française par zone géographique et les vingt premiers récipiendaires.

Répartition géographique de l'aide bilatérale française en 2012

(en pourcentage)

Zone géographique

Part

Afrique

52 %

dont Afrique sub-saharienne

40 %

Amérique du Sud

13 %

Extrême-Orient (Cambodge, Chine, Indonésie, Corée, Laos, Malaisie, Mongolie, Philippines, Thaïlande, Timor-Leste et Viêtnam)

5 %

Amérique du nord et centrale

4 %

Moyen-Orient

4 %

Asie du Sud (Arménie, Azerbaïdjan, Géorgie, Kazakhstan, Kirghize, Tadjikistan, Turkménistan, Ouzbékistan, Afghanistan, Bhoutan, Myanmar, Sri Lanka, Inde, Maldives, Népal, Pakistan et Bangladesh)

3 %

Océanie

2 %

Europe

2 %

Non spécifié

14 %

Source : Direction générale du trésor - déclaration définitive d'APD française 2012

Vingt premiers récipiendaires de l'APD bilatérale nette française en 2012

(en millions de dollars)

Rang

Pays

Montant

Rang

Pays

Montant

1

Côte d'Ivoire

1 289

11

Colombie

126

2

Brésil

861

12

Wallis et Futuna

113

3

Maroc

509

13

Niger

102

4

Chine

316

14

Mauritanie

100

5

Sénégal

306

15

Guinée

99

6

Tunisie

245

16

Haïti

94

7

Égypte

145

17

Cameroun

91

8

Viêtnam

134

18

Kenya

90

9

République dominicaine

133

19

Maurice

84

10

Jordanie

126

20

Mexique

83

Source : Direction générale du trésor - déclaration définitive d'APD française 2012

2. L'aide multilatérale

Le tableau ci-dessous retrace les dix premiers bénéficiaires de l'aide multilatérale française en 2011. Les données 2012 ne sont pas encore disponibles car l'enquête définitive de la France, transmise au secrétariat du CAD en juillet 2013, est en cours de traitement.

Dix premiers bénéficiaires l'APD française multilatérale

(en millions de dollars)

1 - Inde

161

2 - Éthiopie

145

3 - République démocratique du Congo

143

4 - Kenya

121

5 - Pakistan

114

6 - Vietnam

103

7 - Côte d'Ivoire

102

8 - Ghana

98

9 - Afghanistan

90

10 - Nigeria

87

Total dix premiers bénéficiaires

1 163

Total aide multilatérale imputée

4 514

Part des dix premiers bénéficiaires dans le total

26 %

Source : OCDE

C. LES ENJEUX DE LA POLITIQUE FRANÇAISE D'AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT

1. Le respect de l'objectif des 0,7 %

La France s'est engagée, dans le cadre des objectifs du millénaire des Nations Unies, à consacrer 0,7 % de RNB à l'aide publique au développement en 2015, avec une étape intermédiaire de 0,56 % en 2010.

Comme on l'a vu, notre pays en est loin, puisqu'il n'atteint que 0,46 %, soit un niveau inférieur à l'objectif de 2010.

Dans ces conditions, il apparaît évident à vos rapporteurs spéciaux que l'objectif ne sera pas atteint.

Certes, le contexte économique et la nécessite de redresser les comptes publics rendent difficile un accroissement important de l'effort en faveur du développement. Ils soulignent néanmoins que le Royaume-Uni, soumis au même contexte économique, maintient l'objectif d'arriver à 0,7 % de son RNB d'ici 2015 , et se situe d'ores-et-déjà à un niveau plus important que la France (0,56 %).

En février dernier, votre rapporteur spécial Yvon Collin s'est rendu à Londres où il a pu s'entretenir avec Lynne Featherstone, Parliamentary under secretary of State (ministre déléguée) au développement international, avec le président et plusieurs membres de la commission du développement international de la chambre des communes et avec le commissaire en chef de l'ICAI ( Independant commission for aid impact ).

Il est ressorti de ces entretiens que l'atteinte de l'objectif était avant tout une question de volonté politique . Mme Featherstone a souligné que cet objectif faisait l'objet d'un consensus au sein des principaux partis britanniques, du fait, notamment, des efforts qui étaient faits pour s'assurer que ces sommes étaient employées de façon efficace.

Vos rapporteurs spéciaux considèrent qu'il faut que la France adopte une trajectoire précise pour atteindre cet objectif.

Ils se réjouissent néanmoins que notre pays, contrairement à certains de ses partenaires européens, n'a pas appliqué de coupes drastiques dans sa politique d'aide publique au développement.

2. Le renforcement de la part bilatérale de notre aide

Selon les dernières données disponibles figurant dans le DPT annexé au présent projet de loi de finances, la part de l'aide bilatérale dans l'APD nette réalisée par la France en 2012 s'établissait à 66 %.

Ce chiffre est en augmentation par rapport aux années précédentes, et devrait atteindre 69 % en 2014.

Évolution de l'aide bilatérale française depuis 2008

(en millions d'euros)

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Dons

3 527

3 647

3 760

3 328

3 334

3 373

3 288

Prêts nets

422

505

1 090

1 965

1 754

2 614

2 291

Annulations de dette

675

1 009

1 029

817

1 080

607

1 579

Aide bilatérale totale

4 624

5 161

5 879

6 109

6 169

6 594

7 158

Total APD

7 562

9 049

9 751

9 348

9 358

9 899

10 327

Part de l'aide bilatérale

61 %

57 %

60 %

65 %

66 %

67 %

69 %

Source : Direction générale du trésor et CAD - les chiffres 2013 et 2014 sont des prévisions.

Comme la commission des finances l'a souvent observé, le niveau élevé de l'aide multilatérale - comme, par ailleurs, celui des annulations et refinancements de dettes - se réalise au détriment de l'aide bilatérale « de terrain », sous forme d'aide aux projets et de coopération technique, laquelle est nettement plus visible pour le rayonnement international de notre pays.

Vos rapporteurs spéciaux saluent donc le rééquilibrage en cours en faveur du bilatéralisme.

3. Le renforcement des capacités d'action de l'AFD

Votre rapporteure spéciale Fabienne Keller s'est rendue en avril dernier au Maroc pour réaliser un contrôle sur la politique française d'APD en matière d'énergie et de transport 3 ( * ) . À cette occasion, elle a pu être sensibilisée aux difficultés qu'éprouve désormais l'AFD à intervenir dans ce pays, qui est pourtant un des principaux bénéficiaires de notre APD et l'un de nos importants partenaires commerciaux.

En effet, l'AFD étant une institution financière, elle est soumise au respect des ratios prudentiels qui s'appliquent à tout établissement bancaire, et notamment au « ratio grand risque » 4 ( * ) , qui prévoit qu'elle ne peut engager plus de 25 % de ses fonds propres pour un même emprunteur ou garant. Elle également soumise aux normes réglementaires de « Bâle III », qui renforcent les exigences en termes de fonds propres.

Les simulations que l'AFD a réalisées en prévision de la mise en place de ces normes réglementaires montrent qu'avec un volume d'activité stable et le maintien des caractéristiques actuelles de la ressources à condition spéciale 5 ( * ) (RCS) , l'AFD ne respectera plus la limite des grands risques dès 2015, dans cinq pays (Maroc, Tunisie, Vietnam, Brésil, Chine et Kenya) pour les expositions souveraines et dans trois pays pour les expositions non souveraines (Afrique du Sud, Turquie et Maroc).

La limite de 25 % est déjà atteinte au Maroc. Dès lors, les signatures de nouvelles conventions de prêts se trouvent limitées aux remboursements en capital (50 millions d'euros en 2013).

Vos rapporteurs spéciaux estiment qu'il serait souhaitable de desserrer la contrainte résultant du respect du « ratio grand risque » et invitent le Gouvernement à étudier les différentes pistes le permettant, notamment en jouant sur la RCS, afin de ne pas entraver l'action de l'AFD.

La question du renforcement des fonds propres de l'AFD - un milliard d'euros serait nécessaire - devra être tranchée dans le contrat d'objectif et de moyens qui doit être adopté début janvier .

4. L'annonce d'une loi de programmation de l'APD

Vos rapporteurs spéciaux se félicitent que, dans le prolongement du travail de concertation mené dans le cadre des « assises du développement », le comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) se soit réuni le 31 juillet dernier, alors que sa dernière réunion datait de 2009.

Le CICID a pu notamment redéfinir les priorités géographiques de la politique d'APD, afin de se concentrer sur les pays les plus en difficulté. Le CICID a également acté la création du Conseil national du développement et de la solidarité internationale (CNDSI), chargé de maintenir de manière souple une concertation régulière entre l'État, les élus et l'ensemble des parties prenantes du développement.

Vos rapporteurs se réjouissent également de l'annonce par le Gouvernement du dépôt au Parlement, au début de l'année 2014, d'un projet de loi d'orientation et de programmation sur la politique de développement et de solidarité internationale. Ce sera la première fois que le Parlement sera ainsi associé à la définition de notre politique d'aide publique au développement.

Ils émettent le souhait que ces initiatives dans le domaine de l'APD augurent d'une volonté ambitieuse du Gouvernement en cette matière.


* 1 Cette contribution à l'APD est présentée dans la partie « prêts » mais est comptabilisée dans la partie « ressources budgétaires », étant donné qu'elle est financée à partir de crédits budgétaires des programmes 110 et 853.

* 2 Voir le commentaire de l'article 36.

* 3 « Définir l'ambition de l'APD française dans l'énergie et s'inspirer des succès marocains » (rapport n° 804 - 2012-2013).

* 4 Règlement du Comité de la réglementation bancaire et financière (CRBF) n° 93-05 du 21 décembre 1993 modifié relatif au contrôle des grands risques.

* 5 Prêt de long terme (30 ans) qui peut, selon le ratio considéré, être comptabilisé dans les fonds propres.