MM. Christian BOURQUIN et André FERRAND, rapporteurs spéciaux

CHAPITRE II -
LES PROGRAMMES RELEVANT DU PÉRIMÈTRE INITIAL DE LA MISSION « ÉCONOMIE »

I. LE PROGRAMME 134 « DÉVELOPPEMENT DES ENTREPRISES ET DU TOURISME »

A. PRÉSENTATION DES CRÉDITS POUR 2014

1. Les modifications apportées au périmètre du programme

Aux 13 actions composant le programme 134, le projet de loi de finances pour 2014 prévoit la création d'une action supplémentaire (l'action n° 5 « Fonds de soutien aux collectivités territoriales ayant contracté des produits structurés ») pour accompagner les collectivités territoriales face aux charges financières liées à de tels emprunts. Ce fonds, qui est prévu pour être abondé à hauteur de 100 millions d'euros pendant 15 ans, recevra 50 millions d'euros au titre du programme 134 . La partie restante est financée par le programme 122 « Concours spécifiques et administration » de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » à hauteur de 25 millions d'euros et de crédits déjà délégués à l'Agence nationale de services et de paiement pour le reliquat. À cet égard, vos rapporteurs spéciaux s'interrogent sur la pertinence du fléchage de ces crédits via la mission « Économie » : un financement intégral par la mission « Relations avec les collectivités territoriales » aurait pu constituer un véhicule plus conforme à l'esprit du pacte de confiance et de responsabilité entre l'État et les collectivités locales .

Par rapport à la loi de finances pour 2013, les autres modifications qui affectent les dispositifs du programme sont les suivantes :

- la reprise par la DGCIS des activités de l'agence nationale des services à la personne (ANSP) à compter du 1 er janvier 2014 se traduit par un transfert du titre 3 vers le titre 2 de 1,195 million d'euros pour la prise en charge de la rémunération des 14 agents de l'ANSP et par un transfert vers le programme 218 « Conduite et pilotage des politiques économique et financière » (mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines »). En conséquence, la dotation pour charges de service public allouée à l'ANSP qui était inscrite en LFI 2013 sur l'action 02 « Commerce, artisanat et services » (mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ») est supprimée, la DGCIS poursuivant directement l'action publique en faveur de ce secteur ;

- le transfert vers le programme 155 « Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail » (mission « Travail et emploi ») de 4,56 millions d'euros pour le financement du fonctionnement des DIRECCTE dont les crédits étaient transférés chaque année, en cours de gestion, du programme 134 vers le programme 155 ;

- enfin, le transfert en provenance du programme 180 « Presse » (mission « Médias ») de 150,5 millions d'euros dédiés à l'aide au transport postal de la presse. Ces crédits sont inscrits sur l'action 04 « Développement des communications, des postes et de la société de l'information ».

2. Une dotation budgétaire en baisse de 5,5 %

Pour l'exercice 2014, le programme « Développement des entreprises et du tourisme » regroupe près de 1 027 millions d'euros de crédits de paiement répartis entre quatorze actions :

Evolution et répartition par action des crédits demandés pour 2014

Intitulé de l'action

LFI 2013
CP
(en millions d'euros)

PLF 2014
CP
(en millions d'euros)

Solde
2014/2013
(en millions d'euros)

Variation
2014/2013

Commerce, artisanat et services

101,4

88,1

- 13,3

- 13,1%

Action en faveur des entreprises industrielles

213,3

195,8

- 17,5

- 8,2%

Développement des télécommunications, des postes et de la société de l'information

293,9

194,8

- 99,1

- 33,7%

Fonds de soutien aux collectivités territoriales ayant contracté des produits structurés (nouveau)

0,0

50,0

50,0

Développement international des entreprises

103,9

97,8

- 6,1

- 5,9%

Expertise, conseil et inspection

17,9

18,6

0,7

3,9%

Régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP)

22,9

22,9

0,0

0,0%

Régulation et contrôle des marchés de l'énergie (CRE)

19,3

18,9

- 0,4

- 2,1%

Mise en oeuvre du droit de la concurrence (Autorité de la concurrence)

20,6

20,7

0,1

0,5%

Régulation concurrentielle des marchés

70,5

72,1

1,6

2,3%

Protection économique du consommateur

121,8

120,8

- 1,0

- 0,8%

Sécurité du consommateur

42,7

45,3

2,6

6,1%

Financement des entreprises et attractivité du territoire

19,7

43,7

24,0

121,8%

Développement du tourisme

38,7

37,2

- 1,5

- 3,9%

TOTAL

1 086,6

1 026,7

- 59,9

- 5,5%

Source : projet annuel de performances « Économie » annexé au projet de loi de finances pour 2013

La diminution globale de 5,5 % de la dotation pour 2014 résulte en particulier d'une économie de l'ordre de 100 millions d'euros réalisée à l'action « Développement des télécommunications, des postes et de la société de l'information » sur l'aide au transport postal de la presse en raison de la baisse tendancielle issue des accords de 2009, de la fin du moratoire sur les tarifs postaux et de l'ajustement effectué avec la Poste à la suite de la mise en place du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi.

Les autres actions plus particulièrement affectées par la contraction des crédits demeurent, comme l'an passé, « Commerce, artisanat et services » et « Action en faveur des entreprises industrielles » qui constituent le pôle de soutien aux entreprises :

- le FISAC , doté de 27 millions d'euros 1 ( * ) , se voit encore amputé de 5 millions d'euros par rapport à 2013 (32,3 millions d'euros après 42 millions d'euros en 2012) ;

- la suppression de l'ANSP et l'internalisation de ses missions au sein des services ministériels vise à réaliser une économie de 2,8 millions d'euros en 2014 ;

- la dotation des politiques industrielles de soutien à la compétitivité des PME , est encore réduite de 8 millions d'euros (46,4 millions d'euros au lieu de 54,7 millions d'euros en 2013 et 63 millions d'euros en 2012) ;

- et la subvention aux centres techniques industriels (CTI) est diminuée de 3,4 millions d'euros (20 millions d'euros au lieu de 23,4 millions d'euros en 2013 et 26 millions en 2012).

Les deux autres actions également marquées par des réductions de crédits concernent le pôle du développement international, de l'attractivité et du tourisme :

- l'agence de développement touristique Atout France dont la dotation s'établit à 31 millions d'euros au lieu de 31,7 millions ;

- l'agence française pour le développement international des entreprises Ubifrance (97,8 millions d'euros contre 99,8 millions en 2013)

- l'agence française pour les investissements internationaux (AFII) dont la subvention pour charges de service public est ramenée de 14,2 millions d'euros à 13,9 millions d'euros.

A l'inverse, deux secteurs voient leurs crédits progresser :

- les moyens de l'action « Financement des entreprises et attractivité du territoire » sont plus que doublés ( + 24 millions d'euros ) afin de renforcer l'activité de garantie de Bpifrance et de faciliter l'accès au financement des PME en métropole et outre-mer ;

- le pôle de la protection des consommateurs, qui regroupe trois actions (« Régulation concurrentielle des marchés », « Protection économique du consommateur » et « Sécurité du consommateur ») bénéficie, comme on l'a vu plus haut, de moyens renforcés dans la perspective de la mise en oeuvre du projet de loi relatif à la consommation, en cours d'examen par le Parlement. Afin de développer les missions de contrôle, de régulation des marchés et de protection des consommateurs, il s'agit de consolider les moyens de la DGCCRF, dont les crédits avaient connu une forte diminution sur les trois derniers exercices 2 ( * ) .

B. LES OBSERVATIONS PARTICULIÈRES SUR CERTAINES ACTIONS

1. La crise du financement du FISAC
a) L'effet de ciseau de l'accumulation des dossiers et de la fonte continue des crédits

L'élargissement et l'assouplissement des possibilités d'aides effectués par la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008 ont suscité une progression rapide et forte du nombre de dossiers pouvant répondre aux conditions posées par la nouvelle réglementation (783 dossiers reçus en 2008, 1218 en 2012). Dans le même temps, les crédits affectés au FISAC ont diminué (60 millions d'euros en 2008, 32 en 2013 et 27 millions pour 2014), ce qui a conduit à différer des décisions ministérielles d'attribution d'un nombre croissant de dossiers instruits.

Cet effet de ciseau a entraîné un allongement des délais de prise des décisions d'attribution de subvention pour un nombre croissant de dossiers d'opérations territoriales déposés et instruits par les services de l'État.

Evolution des crédits du FISAC depuis 2011

(en millions d'euros)

Dotations

Montant 2011

Montant 2012

Montant 2013

Montant 2014

LFI 2011, 2012, 2103 et PLF 2014

64,0

42,7

32,3 (1)

27

Régulation budgétaire et redéploiements internes

2,6

- 0,9

Total disponible

66,6 (1)

41,8 (1)

(1) Les dotations 2011 et 2012 ont été complétées par les réimputations sur le compte FISAC de crédits non utilisés par les bénéficiaires des subventions de ce fonds (15,4 millions d'euros en 2011 et 12,8 millions d'euros en 2012).

Les contraintes budgétaires accrues auxquelles est soumis le FISAC ont conduit le précédent gouvernement, en avril 2012, à redéfinir le cadre d'intervention du FISAC dans un sens plus restrictif, notamment en excluant le financement des aménagements urbains (voirie, parking..) des communes de plus de 3 000 habitants.

Activité du FISAC de 2011 au premier semestre 2013

S'agissant des opérations territoriales (opérations urbaines, opérations rurales, études), le nombre de dossiers reçus par la DGCIS s'élève à 1 570 en 2011, à 1 218 en 2012 et à 312 au 1 er semestre 2013.

En 2011, 57,1 millions d'euros ont été alloués à 1 081 opérations. En ce qui concerne 2012, le montant des crédits alloués aux opérations territoriales représente une somme de 31,3 millions d'euros qui a permis de financer 396 opérations. En ce qui concerne le premier semestre 2013, 181 opérations ont été financées pour un montant de 11,9 millions d'euros.

120 dossiers ont fait l'objet d'une décision de rejet en 2011, 46 en 2012 et 12 au 1 er semestre 2013. Les principaux motifs de rejet sont les suivants : rentabilité insuffisante de l'entreprise, risque de distorsion de concurrence, dossiers se situant hors du champ d'intervention du FISAC, consommateurs finaux représentant moins de 50 % du chiffre d'affaires de l'entreprise.

En ce qui concerne les opérations nationales, le FISAC a apporté :

- 1,6 million d'euros en 2011, 2,8 millions en 2012 et 1 million au premier semestre 2013 aux pôles d'innovation de l'artisanat ;

- 8 millions d'euros en 2011, 7,84 millions en 2012 et 3,1 millions au 1 er semestre 2013 à l'EPARECA ;

- 13,5 millions d'euros en 2011, 8,25 millions en 2012 et 2,2 millions au 1 er semestre 2013 aux actions de développement économique réalisées par les chambres de métiers et de l'artisanat ;

- une dotation de 2 millions d'euros en 2012 pour indemniser les entreprises sinistrées suite à des intempéries dans le sud de la France.

Source : réponse au questionnaire budgétaire

b) La réforme à venir des conditions d'attribution des crédits du FISAC

Dans ce contexte particulièrement difficile, une mission d'inspection a été lancée fin 2012, par le ministère de l'artisanat, du commerce et du tourisme, pour procéder à une évaluation complète du FISAC et proposer une réforme appelé de ses voeux par vos rapporteurs spéciaux lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2013.

Dès l'examen du budget pour 2011, le Sénat avait déjà été à l'initiative du relèvement, de 21 millions d'euros, de la dotation de ce fonds afin de le porter à 64 millions d'euros. Pour le budget 2012, nos collègues députés avaient abondé de 1,842 million d'euros la subvention de l'EPARECA qui est prélevée sur la dotation de l'État allouée au FISAC, la portant ainsi de 6 millions à 7,842 millions d'euros. Mais dans tous les cas, vos rapporteurs spéciaux rappellent que ces transferts de crédits ne sont pas satisfaisants , car ils n'apportent pas de solution pérenne et consistent à opérer des ponctions sur d'autres programmes également sous tension : ainsi le programme n° 220 « Statistiques et études économiques », qui doit faire face à la modernisation de l'Insee et à l'opération de délocalisation à Metz d'un centre statistique.

Une réforme du dispositif est donc nécessaire pour lui redonner sa pleine efficacité. Tel est l'objet du projet de loi sur l'artisanat, le commerce et les très petites entreprises dont l'objet est de proposer :

- la mise en place de nouvelles modalités de sélection des dossiers (appel à projets) permettant de respecter l'enveloppe budgétaire annuelle ;

- un recentrage sur le soutien à apporter aux communes rurales et aux quartiers prioritaires de la politique de la ville, pour les aider à maintenir et à développer leurs activités commerciales et artisanales ;

- une réorientation des crédits sur les opérations s'inscrivant dans les priorités gouvernementales, établies chaque année.

Malgré cette perspective de réforme, vos rapporteurs spéciaux regrettent l'orientation prise par le présent projet de loi de finances pour 2014 dont la dotation prévue pour le FISAC, encore réduite, est fixée à 27 millions d'euros (20 millions d'euros hors EPARECA).

Aussi, conscients du caractère insatisfaisant de la procédure de modification de crédits qui consiste à ponctionner un programme pour en abonder un autre, ils proposent malgré tout, et pour le principe, un amendement de crédits afin d'augmenter de 5 millions d'euros 3 ( * ) les moyens du FISAC prévus pour 2014 , afin de maintenir les crédits à leur niveau de 2013, soit 32 millions d'euros.

2. La réforme des opérateurs en charge de l'internationalisation et de l'attractivité de l'économie française
a) L'opportunité de regrouper des moyens dispersés entre plusieurs agences

Devant la réduction lente mais progressive des subventions pour charges de service public des trois agences Atout France, Ubifrance et AFII, et le risque de saupoudrage des dotations budgétaires, vos rapporteurs spéciaux ont conduit des travaux en vue de la présentation, le 10 juillet dernier, du rapport sur le dispositif public de soutien aux exportations agroalimentaires 4 ( * ) dont l'objet était d'apporter des pistes d'améliorations complémentaires aux orientations prises par le Gouvernement en faveur d'une nouvelle stratégie axée sur la structuration des filières agroalimentaires, d'un rôle accru des régions et d'un rapprochement des missions d'Ubifrance avec celles de SOPEXA en matière agroalimentaire.

Le Gouvernement a annoncé avoir mis à l'étude la création d'une structure commune à Ubifrance et SOPEXA sous la forme d'une coentreprise en joint venture pour regrouper les fonctions de soutien à l'export agroalimentaire, ce qui pourrait correspondre à une première réponse aux recommandations de vos rapporteurs spéciaux. Mais celle-ci reste à expertiser car le risque existe que, sous couvert de simplification, se multiplient sur le terrain des initiatives parallèles et des structures nouvelles sans rationalisation de l'existant. Ainsi, il apparaît indispensable que le déploiement en régions de Bpifrance, avec le soutien de conseillers Ubifrance, ne soit pas doublonné par les actuels représentants des ministères au sein des Dirrecte et du ministère de l'agriculture.

b) La réforme à venir des agences Ubifrance et AFII

L'IGF a rendu, en novembre 2012, un rapport sur l'efficacité du service rendu par l'agence Ubifrance 5 ( * ) puis dans le cadre de la modernisation de l'action publique (MAP), la mission d'évaluation sur l'efficacité du dispositif d'appui à l'internationalisation de l'économie française 6 ( * ) a préconisé une mesure phare consistant à fusionner les agences Ubifrance et AFII. Le CIMAP du 17 juillet 2013 a décidé de « rapprocher » ces deux EPIC. A cette fin, une mission de préfiguration, conduite par Pierre Lepetit, a été chargée fin septembre d'étudier les modalités d'un tel rapprochement. Elle rendra ses conclusions avant le prochain CIMAP, c'est-à-dire vers la fin novembre 2013.

Vos rapporteurs spéciaux se félicitent de cette perspective mais rappellent que les conclusions du rapport Bentejac-Despont sont plus ambitieuses et prévoient la création d'un grand ensemble, dénommé « France internationale » dont la finalité serait de représenter l'intégralité de l'offre internationale de la France, y compris le tourisme - donc Atout-France - ainsi que la marque France.

A cet égard, l'enjeu ultime d'une telle approche, soutenue par vos rapporteurs spéciaux, serait la constitution de maisons « France à l'étranger » qui pourraient recevoir les agences de l'État comme les représentations des régions et leurs actions à l'export.

CHAPITRE II -
LES PROGRAMMES RELEVANT DU PÉRIMÈTRE INITIAL DE LA MISSION « ÉCONOMIE »

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* 1 Dont 7 millions fléchés vers l'établissement public d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA).

* 2 La baisse des crédits de fonctionnement en 2014 par rapport à 2013 observée sur les crédits de l'action « Protection économique du consommateur » s'explique principalement par le transfert en base d'un montant de 0,77 millions d'euros correspondant aux crédits de fonctionnement des agents de la DGCCRF affectés dans les DIRECCTE au profit du programme 155 « Conception, gestion et évaluation des politiques du travail et de l'emploi ».

* 3 Cet abondement de crédit est gagé par une réduction de 2 millions d'euros de la dotation de l'action n° 1 « Infrastructure statistique » du programme 220 « Statistiques et études économiques » et de 3 millions d'euros de l'action n°1 « Définition et mise en oeuvre de la politique économique et financière de la France au niveau national, international et européen » du programme 305 « Stratégie économique et fiscale ».

* 4 Rapport n° 736 (2012-2013) « L'agroalimentaire français face au défi de l'export : pour une réforme ambitieuse du dispositif public de soutien » présenté par Yannick Botrel, Joël Bourdin, Christian Bourquin et André Ferrand.

* 5 Rapport n° 2012-M-026-02.

* 6 Rapport rédigé par Alain Bentejac et Jacques Desponts (juin 2013).