MM. Alain Houpert et Yannick Botrel, rapporteurs spéciaux

TROISIÈME PARTIE : LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « DÉVELOPPEMENT AGRICOLE ET RURAL » (RAPPORTEUR SPÉCIAL : ALAIN HOUPERT)

La mission « Développement agricole et rural » correspond au compte d'affectation spéciale éponyme, dit « CAS-DAR » .

Elle a pour objet le financement d'opérations de développement agricole et rural et repose sur deux programmes : le programme 775 « Développement et transfert en agriculture » et le programme 776 « Recherche appliquée et innovation en agriculture ».

1. Une mission dont les moyens sont renforçés depuis 2015

Les recettes du CAS-DAR étaient jusqu'en 2014 constituées de 85 % du produit de la taxe sur le chiffre d'affaires des exploitants agricoles prévue à l'article 302 bis MB du code général des impôts.

Ce taux est passé à 100 % en 2015, puisque c'est désormais l'intégralité du produit de la taxe qui est affecté au compte spécial.

La loi de finances initiale pour 2015 l'a estimé à 147,5 millions d'euros alors que le montant du produit de la taxe affectée au CAS-DAR avait atteint 117,1 millions d'euros en 2014.

Le présent projet de loi de finances pour 2016 évalue à son tour cette recette à 147,5 millions d'euros pour 2016 en tenant à nouveau compte d'une affectation de la totalité du produit de la taxe au compte d'affectation spéciale.

Il faut mentionner que, s'agissant d'un compte d'affectation spéciale, le montant des engagements est ajusté tout au long de l'année au niveau de la recette.

2. L'évolution du déséquilibre entre les recettes et les dépenses du compte

Il convient d'observer qu'à l'exception notable de l'année 2010 et de l'année 2014 19 ( * ) , les recettes du CAS-DAR sont le plus souvent sous-évaluées , ses crédits se trouvant ainsi relativement sous-consommés , comme le montre le tableau suivant.

Exécution et prévision des recettes et des dépenses du CAS-DAR

(en millions d'euros)

Année

Recettes

Dépenses (CP)

Écart

2006

146,00

99,70

+ 46,30

2007

102,00

101,35

+ 0,65

2008

106,84

98,47

+ 8,37

2009

113,50

110,55

+ 2,95

2010

105,06

108,50

- 3,44

2011

110,45

108,38

+ 2,07

2012

116,75

114,35

+ 2,40

2013

120,47

106,98

+ 13,49

2014

117,1

132,4

- 15,3

2015 (prévision économique)

138,00

-

-

2016 (prévision
en LFI)

147,5

-

-

Source : commission des finances

3. Les moyens et les actions conduites au titre des programmes 775 et 776

Les crédits du programme 775 « Développement et transfert en agriculture » demandés pour 2016 sont stables, à 70,55 millions d'euros.

Ils sont principalement destinés 20 ( * ) aux chambres d'agriculture et à leur tête de réseau, l'assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA), ainsi qu'aux organismes nationaux à vocation agricole et rurale (ONVAR). La loi de finances pour 2011 a confié, en outre, à ce programme le financement des actions de génétique animale , auparavant portées par le programme 206.

Ces actions sont notamment placées sous la responsabilité des instituts techniques agricoles 21 ( * ) , qui contribuent ainsi à l'amélioration et à la gestion des ressources génétiques des espèces relevant de leurs compétences, le cas échéant par délégation à des opérateurs.

Quant au programme 776 « Recherche appliquée et innovation en agriculture » , dont les moyens sont à nouveau attendus à hauteur de 76,95 millions d'euros en 2016, il englobe le financement de travaux de recherche appliquée , et plus particulièrement des missions d' expérimentations de FranceAgriMer ainsi que des instituts techniques agricoles et, en particulier, de leurs projets de recherche à moyen et long terme coordonnés par l'association de coordination technique agricole (ACTA).

Il se caractérise par le recours à la procédure de l' appel à projets . Il encourage les partenariats alliant la recherche et l'innovation au développement agricole, d'où son appui sur les unités mixtes technologiques (UMT) et les réseaux mixtes thématiques (RMT) , créés par la loi n° 2006-11 du 5 janvier 2006 d'orientation agricole, labellisés en 2006 et 2007, mais opérationnels surtout depuis 2008.

4. Le renforcement bienvenu des appels à projets qui doivent permettre de contrer la logique d'« abonnement aux aides »

Votre rapporteur spécial se félicite de l'augmentation du financement d'actions par le biais de procédures d'appels à projets (42,43 millions d'euros en 2016, soit 29 % des crédits du compte en 2016, contre 12,82 % en exécution 2014 ; sur le seul programme 776 le taux monte même à 42 %, contre 19 % prévu en 2015). À titre de comparaison, il s'agissait de 16 millions d'euros en 2014 et de 12 millions d'euros en 2012.

Votre rapporteur spécial plaide pour la poursuite de cet accroissement de la part des dépenses destinées à ce type d'actions. Ce souhait résulte notamment du constat déjà formulé relatif à la justification insuffisante des crédits : cette insuffisance ne permet pas de s'assurer que les crédits « fléchés » vers les chambres, les instituts ou les ONVAR vont aux projets de développement et non aux structures elles-mêmes. Dans son rapport annuel pour 2008, la Cour des comptes avait ainsi relevé qu'en matière de développement agricole, « la répartition des aides a toujours été fondée, de fait, non sur la nature des projets, mais sur la reconduction des subventions dans une logique de financement pérenne des structures ».

Une telle « logique d'abonnement aux aides » est aux antipodes d'une démarche de performance. Face à ces critiques de la Cour des comptes, qui avait en particulier souligné l'absence d'avis scientifique extérieur et indépendant pour l'analyse des programmes de développement agricole et rural des ONVAR, des comités scientifiques ont été mis en place depuis 2009.

Il en existe ainsi aujourd'hui trois : le comité scientifique de l'APCA, le comité scientifique de Coop de France et le comité scientifique des ONVAR. La présidence de chacun d'entre eux a judicieusement été confiée à une personnalité scientifique désignée par le ministre de chargé de l'agriculture. Chaque comité est composé d'experts de la recherche, de l'enseignement supérieur, d'organismes de développement agricole ou rural. Les membres sont désignés intuitu personae . Ces comités ont un rôle d'évaluation ex ante . Ils examinent les projets de programmes annuels et émettent un avis extérieur et indépendant, avis fourni à l'organisme concerné et au ministère de l'agriculture. Ils accompagnent également les organismes dans la mise en oeuvre de leur contrat d'objectifs dans le but d'améliorer leurs pratiques.

La prise en compte des avis des Comités scientifiques fait partie des critères d'examen et d'approbation des programmes.

En dépit de ces avancées, votre rapporteur spécial estime que la justification des dépenses reste encore insuffisante pour s'assurer que les crédits ne sont pas distribués en vertu d'une logique d'abonnement des organisations par lesquelles ils transitent .


* 19 En 2014, la contraction des recettes s'explique par la dégradation du chiffre d'affaires des exploitants agricoles entre 2012 et 2013 (- 3,7 %), en raison du paiement de la taxe avec un an de décalage.

* 20 Sur la base du programme national de développement agricole et rural (PNDAR) fixé par l'agence pour le développement agricole et rural (ADAR). Conformément à l'article R. 822-1 du code rural et de la pêche maritime, les actions relevant du PNDAR peuvent faire l'objet d'une subvention financée par le CAS-DAR.

* 21 En 2009, les périmètres des deux programmes de la mission avaient légèrement évolué : le programme 775 « Développement et transfert en agriculture » ne comprenait plus les crédits dévolus aux instituts techniques agricoles, qui avaient été transférés au programme 776 « Recherche appliquée et innovation en agriculture ». En 2011, les actions de génétique animale permettent de rétablir un lien financier entre le programme 775 et les instituts techniques agricoles.