La salle 2 de la buvette des parlementaires conserve de l’époque impériale un magnifique plafond peint en décor, seul souvenir de son ornement original qui l’a fait appeler, en 1811, le salon du roi de Rome. Si certaines pièces ont leur bâtisseur, celle-ci en compte deux et doit son ancienne splendeur à l’alliance entre le talent planificateur de Thomas-Pierre BARAGUEY et l’inventivité technique et artistique d’Antoine VAUCHELET.
En 1809, les sénateurs se trouvant à l’étroit dans les bureaux affectés aux travaux de commissions, réclament des quartiers supplémentaires. En 1810, Jean-François CHALGRIN présente donc un plan d’aménagement de cinq salles nouvelles dans le pavillon Est donnant sur le jardin. Selon Arthur HUSTIN, « L’aménagement de ce quartier du palais était en cours lorsque CHALGRIN mourut, le 21 janvier 1811. BARAGUEY, qui lui succéda, le termina et proposa de décorer la pièce d’angle Est du pavillon sur le jardin en la désignant sous le nom de salle du Roi de Rome, titre que le fils de NAPOLÉON venait de recevoir en naissant, le 20 mars 1811172».
Tout dans cette pièce (désignée alors comme la « grande pièce B »), devait faire référence à la ville éternelle et en offrir une représentation à travers divers angles de vues. Le décor était constitué, selon un rapport de l’architecte BARAGUEY adressé aux questeurs du Sénat en juillet 1811, de huit panneaux de tenture « dont le principal sujet [était] allégorique à la naissance du roi de Rome et les autres représent[ant] les monuments antique et modernes de cette capitale » : le Capitole, la place Saint-Pierre, la place du Peuple, le Colisée, le Panthéon, le pont Saint-Ange et le Pont Milvius.
On choisit la manufacture Delaneuville, productrice de velours peints, sise rue des Saints-Pères et représentée par Louis-Joseph LEROY, l’inventeur Antoine VAUCHELET et le peintre Pierre Joseph PETIT (1768-1825), pour exécuter la décoration des panneaux muraux. Elle devait en outre livrer douze fauteuils, six chaises, trois canapés et deux causeuses recouverts de velours de coton qui, grâce au procédé de VAUCHELET, représentaient sur leur fond et leur dossier les diverses vues de Rome.
Le rôle qu’a joué Antoine VAUCHELET (1763-1819) non seulement dans cette pièce mais dans le décor et l’ameublement d’une notable partie du palais nécessite de s’arrêter quelques instants sur ce personnage. Il est le père d’Auguste VAUCHELET, l’auteur du médaillon du roi de Rome (voir supra), et grand-père d’Émile VAUCHELET, qui, mort à l’âge de 20 ans en 1817, a cependant participé à l’œuvre artistique de son père. Négociant parisien et révolutionnaire membre de la section Brutus, Antoine VAUCHELET fut emprisonné en l’an III au Luxembourg pour avoir présenté un fauteuil à MARIE ANTOINETTE durant son procès. Remis en liberté, il mit au point sous l’Empire un procédé permettant de peindre directement à l’huile sur du velours de soie tissé « sans que l’huile des couleurs employées s’étendît et fît tâche sur l’étoffe173», utilisant une huile de lin la plus clarifiée possible. Associant à ses dons d’innovation ceux du sens des affaires, il fit de sa trouvaille, auprès des personnages influents de la Cour impériale, une publicité effrénée, réussissant notamment à vendre à l’impératrice Joséphine une vue de la Malmaison peinte sur velours174.
La commande de BARAGUEY pour le salon du roi de Rome accrut la notoriété de VAUCHELET puisqu’une fois terminé le mobilier, peint par Pierre-Joseph PETIT, l’homme d’affaires le fit exposer pendant quelques temps dans son atelier où défila une grande foule de curieux. L’ensemble reçut du public un franc succès, suscitant notamment l’intérêt de la reine de Naples Caroline MURAT, sœur de l’Empereur, qui en commanda une série analogue avec des vues de Paris pour son palais royal napolitain. En janvier 1812, le décor commandé par BARAGUEY rejoignait enfin sa destination définitive175.
Le plafond peint en décor subsiste de nos jours, et comporte, dans les coins de la pièce, le symbole de la Prudence, emblème du Sénat conservateur. Un lustre, les vues peintes sur étoffes fixées aux murs dans des cadres dorés, une glace en deux morceaux et une cheminée en marbre bleu turquin accueillant une pendule complétaient l’ornementation de la pièce.
Durant la première Restauration, l’Allégorie de la naissance du roi de Rome fut, sur les conseils de BARAGUEY, remplacée par une Vue du forum romain à la réalisation de laquelle participa un des frères ALAUX. L’ensemble des tentures et des sièges a été déposé par le Sénat au musée de la Malmaison en 1933 puis transféré à Fontainebleau en 1984.
Chalgrin, restaurer et adapter
Gisors, moderniser et agrandir
- Alphonse de Gisors
- Une nouvelle salle des scéances
- Le Sénat du Second Empire : « l’élite de la nation »
- La Galerie du Trône de Gisors (actuelle salle des Conférences)
- Le salon de l’Empereur Napoléon III (salon Victor Hugo)
- Le salon du Roi de Rome
- L’Annexe de la bibliothèque et le Lever de l’Aurore
- La Prudence, emblème du Sénat conservateur