Droits à construire(Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de loi visant à abroger la loi du 20 mars 2012 relative à la majoration des droits à construire, après engagement de la procédure accélérée.

Discussion générale

M. Claude Bérit-Débat, auteur de la proposition de loi.   - (Applaudissements sur les bancs socialistes) On se souvient que le Sénat s'était vigoureusement opposé à la majoration automatique des droits à construire imposée au forceps par le gouvernement précédent, au mépris des dispositions existantes et de l'action des collectivités territoriales. Depuis, trois propositions de loi, dont deux émanent du groupe socialiste et une du groupe UCR, ont été déposées pour revenir sur ces dispositions, preuve que le texte du 20 mars 2012, discuté dans la précipitation, suscite des réticences au-delà des bancs de la gauche. M. Repentin, alors rapporteur de ce texte, avait bien dit qu'il était redondant, source de contentieux, peu efficace et contraire aux logiques territoriales.

Le groupe socialiste, refusant d'opposer l'action de l'État et celle des collectivités territoriales et soucieux de lutter contre les inégalités territoriales, estimait déjà que le problème du logement méritait d'autres solutions : nous proposions ainsi l'encadrement des loyers dans les zones tendues ou la mise à disposition de terrains de l'État aux collectivités territoriales pour la construction de logements sociaux.

L'élection présidentielle a changé la donne, et il est symbolique que le présent texte soit le premier de cette session extraordinaire. La session ordinaire s'est terminée dans l'agitation et la confusion ; nous reprenons nos travaux dans l'écoute et la sérénité. Nous nous sommes largement retrouvés en commission pour revenir sur le texte de mars 2012 ; en cela la position de la majorité des sénateurs du Sénat ne fait que refléter celle des associations d'élus.

La loi du 20 mars reposait sur des hypothèses illusoires et ses effets pervers sont nombreux, plus redoutables que les bénéfices escomptés : inflation, rétention du foncier. Elle illustrait en outre la défiance du gouvernement Fillon vis-à-vis des collectivités territoriales, rendues par lui responsables de la crise du logement. Elle brouillait l'articulation entre l'action des communes et des EPCI (M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis de la commission des lois, renchérit), négligeait les frais financiers importants, jusqu'à 10 000 euros, à la charge des communes.

Cette proposition de loi vaut donc autant par le contenu que par le symbole. A l'origine, elle ne comptait qu'un article abrogeant la loi du 20 mars. Un deuxième article, introduit en commission, met en place un dispositif transitoire pour la quinzaine de collectivités ayant déjà saisi les opportunités offertes par le texte : leur volonté doit être respectée.

La loi du 20 mars ignorait les dispositifs qui permettaient déjà de majorer les droits à construire, fâcheux télescopage qui rendait l'état de droit inutilement complexe.

Le président de la République a choisi de rétablir la justice sociale dans le pays, y compris dans le domaine du logement. Le Gouvernement s'est déjà attelé à la tâche, en préparant un encadrement des loyers dans les zones tendues. D'autres textes suivront, notamment la mise à disposition de terrains de l'État aux collectivités locales pour la construction de logements sociaux. Le Sénat entend participer à cet effort.

Je ne doute pas du soutien du groupe socialiste et je suis sûr qu'une large majorité approuvera ce texte. (Applaudissements à gauche ; M. Pierre Jarlier applaudit aussi)

M. Daniel Raoul, président et rapporteur de la commission des affaires économiques .  - J'adresse mes voeux de réussite à Mme la ministre. J'espère qu'elle appréciera la qualité des travaux du Sénat comme sa liberté de ton.

Le 6 mars dernier, lors de la dernière séance de la session ordinaire, notre Haute assemblée discutait du projet de loi majorant les droits à construire. A l'initiative de sa commission de l'économie, elle s'y était opposée, mais l'Assemblée nationale avait statué définitivement. Le 14 juin, M. Repentin et le groupe socialiste ont déposé une proposition de loi pour l'abroger. M. Kaltenbach a également déposé un texte allant dans le même sens, ainsi qu'une dizaine de membres du groupe UCR, preuve que la volonté d'abrogation dépasse les clivages partisans. Je me réjouis que cette session extraordinaire commence par l'examen d'un texte essentiel pour les collectivités territoriales.

Comme l'a relevé en février dernier M. Repentin, la loi du 20 mars était improvisée, inefficace, inopportune. Annoncée en janvier 2012, elle fut adoptée définitivement le 6 mars : procédure bien expéditive, comme l'écrit M. Jarlier ! Elle n'avait donné lieu à aucune concertation avec les acteurs du logement.

La majoration automatique de 30 % des droits à construire est inefficace car redondante avec trois dispositifs existants, auxquels bien peu de collectivités ont eu recours à ce jour. Pourquoi leur préféreraient-elles le nouveau dispositif ?

Au plan juridique, la majoration n'exonère pas du respect d'autres règles d'urbanisme comme des conventions conclues avec le privé. En outre, en copropriété, une surélévation ou une extension requiert l'unanimité des copropriétaires. Au plan technique, les fondations ne sont pas toujours adaptées. Au plan économique, vu la conjoncture, les COS sont loin d'être saturés. La loi du 20 mars a enfin des effets pervers, parmi lesquels la rétention foncière et la hausse des prix.

Le gouvernement précédent voulait rendre les collectivités territoriales responsables de la crise du logement : rappelez-vous le discours de Longjumeau. Si le dispositif a peu de succès, c'est qu'il est absurde pour une commune qui a passé plusieurs années à élaborer ses documents d'urbanisme et à définir des règles de constructibilité adaptées à son projet de territoire d'y déroger aussitôt : M. Braye avait souligné le paradoxe à propos de la loi Boutin.

La loi du 20 mars impose en outre aux communes de réaliser une note d'information, même si elles ne veulent pas appliquer la majoration. Enfin, le texte est porteur d'insécurité juridique. Quel doit être le contenu de la note d'information ? Et que dire de cette disposition aberrante aux termes de laquelle une commune membre d'un EPCI compétent en matière d'urbanisme pourrait écarter la majoration de droits à construire décidé par celui-ci ?

La commission a approuvé à une large majorité l'abrogation de la loi du 20 mars, suivant en cela les associations d'élus. Elle a prévu des mesures transitoires pour les communes qui se sont déjà engagées dans la voie de la majoration, afin de respecter le principe de libre administration.

Nous ne nous opposons nullement à l'optimisation de l'utilisation des surfaces. Il convient que le Gouvernement prenne des initiatives à l'heure où les collectivités et EPCI élaborent leurs Scot et PLU communautaires. Il faut en premier lieu remettre à plat les trois dispositifs de majoration existants. Comment s'y retrouver dans les méandres du code l'urbanisme ? Le tableau qui figure page 18 du rapport est, de ce point de vue, éloquent. (M. le rapporteur pour avis de la commission des lois brandit le document et le remet à la ministre) Une information de la part du Gouvernement serait bienvenue.

La plupart des amendements n'ont aucun lien avec l'objet du texte ; la commission s'y opposera. Ils pourront sans doute être retirés après les engagements du Gouvernement.

La commission compte sur vous, madame la ministre, pour mettre fin aux recours abusifs : un décret devait être signé avant la fin mars, afin de sécuriser les décisions des collectivités territoriales. Qu'en est-il ? (M. Marc Daunis s'interroge aussi)

Je ne doute pas qu'une large majorité soutiendra cette proposition de loi. (Applaudissements à gauche et sur plusieurs bancs au centre)

M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis de la commission des lois .  - La loi du 20 mars a été votée in extremis, le dernier jour de la dernière session. M. Apparu parlait alors de « renversement de la charge de la preuve » : il s'agissait de trouver une réponse non monétaire au constat répété de la fondation Abbé Pierre sur la situation du logement en France. Après le discours de Longjumeau, l'État, en autorisant une majoration unilatérale des droits à construire, entendait mettre en accusation les collectivités territoriales. Pourtant, dans la communauté urbaine de Lille, pour ne prendre qu'un exemple, les collectivités payent deux fois plus que l'État pour les aides au logement.

Si la loi est abrogée, trois possibilités de majoration subsisteront. Grâce à M. Braye, la loi Molle avait donné aux collectivités la faculté de majorer de 20 % les droits à construire au lieu d'imposer une mesure uniforme ; une trentaine de communes seulement y ont eu recours, selon une enquête menée dans 71 départements. Deux autres dispositifs existent pour le locatif social et l'habitat à haute performance énergétique, utilisés par moins de 300 communes au total. Les collectivités territoriales resteront libres de majorer les droits à construire si elles le souhaitent.

Aucune association d'élus ni même de promoteurs n'a été consultée avant le vote de la loi du 20 mars. Nous les avons entendues et aucune ne soutient cette mesure.

Nous en proposons donc l'abrogation, ainsi qu'une mesure transitoire pour les communes -qui se comptent sur les droits d'une main- ayant déjà pris leur décision.

« Pourquoi se priver d'un formidable outil contre l'étalement urbain ? » nous opposera-t-on, vantant la ville compacte, durable, intense, autant d'épithètes destinées à éviter le terme de densité... Mais nous sommes tous prêts à y travailler en simplifiant le droit et en prenant le problème au niveau des Scot, comme cela est votre voeu, madame la ministre, si j'en crois vos déclarations récentes. (Mme la ministre le confirme) Quant au foncier, si le Premier ministre a repris l'idée de la cession gratuite des terrains d'État, il faudrait revoir l'ensemble des politiques foncières, s'intéresser aussi aux baux emphytéotiques, aux baux à construction ou encore à la rétention immobilière par le biais de la fiscalité. Nous manquons d'une véritable politique foncière, d'un portage foncier dans la durée.

Même l'État choisit la marchandisation ! Ses établissements publics excipent d'une circulaire qui les autorise à négocier avec les collectivités territoriales selon la méthode du compte à rebours, c'est-à-dire en tenant compte des spéculations à venir ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Jacqueline Gourault.  - C'est vrai !

M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis.  - Nous proposons donc l'abrogation de la loi du 20 mars 2012. (Applaudissements à gauche)

Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement .  - Je suis heureuse et honorée de venir soutenir, au nom du Gouvernement, cette initiative parlementaire qui correspond à ses orientations. Croyez bien que je saurai apprécier la qualité des travaux du Sénat comme sa liberté de ton ; je suis convaincue que vous saurez apprécier la mienne...

La loi du 20 mars n'a donné lieu qu'à un simulacre de concertation et elle a été adoptée dans la précipitation. Oui, il faut construire des logements tout en luttant contre l'étalement urbain et la hausse des prix, mais au moyen de dispositifs intelligents et efficaces : la mise à disposition de terrains d'État, jusqu'à leur cession gratuite pour des logements sociaux, sera facilitée ; le Premier ministre entend aller vite. La fiscalité pénalisera la rétention foncière. Il faut aussi travailler sur les droits à construire avec les élus volontaires et favoriser l'investissement des bailleurs sociaux, des institutionnels et des particuliers -mais les incitations fiscales devront être assorties de contreparties sociales et de contrôles. Le logement n'est pas une niche fiscale.

La majoration automatique des droits à construire est un leurre. Elle n'empêcherait pas l'étalement urbain, puisque les zones non desservies par les réseaux publics seraient concernées comme les autres. Les citoyens ne seraient pas associés aux décisions et des décisions contraires à celles des organes délibérants des EPCI pourraient être prises par des communes membres de ceux-ci ; tout l'édifice des PLU intercommunaux serait remis en cause.

La loi de 20 mars traduisait une grande défiance vis-à-vis des collectivités territoriales. Je réaffirme ici la confiance que le Gouvernement accorde aux élus. La question de la compacité urbaine mérite bien mieux !

Je remercie donc M. Repentin, devenu mon collègue, ainsi que M. Raoul. (On applaudit M. le rapporteur sur les bancs socialistes) D'autres voies peuvent être explorées : au printemps prochain, un projet de loi abordera les questions du logement, de l'aménagement et de l'urbanisme, dans un esprit de consensus, de justice et d'efficacité. Outre la densité urbaine, il faudra se préoccuper du foncier, des recours abusifs et de l'articulation des documents d'urbanisme. Une large concertation permettra à chacun d'exposer son point de vue.

Certains amendements sont intéressants, mais il seront mieux venus dans un cadre plus global. Nous ne sommes qu'au début d'un travail législatif que j'espère fructueux. (Applaudissements à gauche)

M. François Calvet .  - Depuis 2007, la crise a lourdement frappé l'immobilier, faisant plonger de 20 % le nombre de mises en chantier. Dans ces conditions, ne laisser aucune chance à la loi majorant les droits à construire est une erreur.

Si la France a mieux résisté que ses voisins, c'est qu'un vaste plan pour le logement, depuis la loi de cohésion sociale de 2005 jusqu'à la loi sur la majoration de 2012 en passant par le Grenelle, a encouragé l'effort conjoint des bailleurs, des collectivités et de l'État.

M. Marc Daunis.  - Quel talent !

M. François Calvet.  - Grâce à quoi, 120 000 logements auront été construits en 2011, quand la gauche n'en a jamais fait plus que 40 000. (On conteste ces chiffres sur les bancs socialistes) Et je crains que le texte que nous annonce la ministre ne fasse long feu.

Pourquoi abroger la loi du 20 mars ? Songez aux familles, qui pourront s'agrandir, quand elles n'ont pas les moyens de déménager ! Cette loi est un moyen d'éviter, en particulier dans le sud, la disparition d'espaces agricoles, l'équivalent d'un département tous les dix ans en France. Il faut, pour y parer, densifier. Ce qui contribue aussi à lutter contre le gaspillage énergétique.

Le prix de sortie au mètre carré ne sera pas augmenté, contrairement à ce que prétend le groupe socialiste.

Le BTP n'est pas délocalisable, il crée des emplois pérennes sur le territoire. Pourquoi le mettre en difficulté ? La loi de 2012 serait redondante ? Je le conteste. Après des années de crise, le contexte n'est plus le même et c'est pourquoi ce texte inversait la logique : majoration sauf délibération contraire. C'est mieux respecter les droits des habitants. Et les communes conservent le choix : rien d'inconstitutionnel dans ce texte. Certains évoquent une contrainte temporelle mais le délai de six mois pour produire la note d'information est largement suffisant. Et l'intercommunalité n'est pas mise à mal.

Pourquoi abroger cette loi avant même son entrée en vigueur ? Comment mesurer son efficacité, ses effets sur le terrain si on la tue dans l'oeuf ? Mieux vaudrait en observer les retombées dans trois ans, comme le prévoyait le texte. En ces temps de crise, toutes les solutions doivent être expérimentées. Voilà pourquoi nous nous opposerons à cette abrogation. (Applaudissements à droite)

M. Joël Labbé .  - Madame la ministre, très chère Cécile, j'ai grand plaisir à vous voir là, dans ce rôle. Je dois dire aussi que j'apprécie beaucoup la liberté de ton dont nous jouissons dans cette enceinte.

On ne peut laisser sa chance à une mauvaise loi, monsieur Calvet. Une loi improvisée, redondante, inefficace, source d'insécurité juridique. Aucune concertation préalable n'a eu lieu, ni avec les professionnels ni avec les élus. Au lieu de résoudre le problème, cette loi l'alimente : elle encourage la spéculation et ne prend pas en compte les politiques locales de l'habitant.

Densifier n'est pas un gros mot : il est synonyme d'accès aux services publics, c'est une réponse écologique à l'étalement urbain. Encore faut-il tenir compte des spécificités des territoires, que les élus sont les mieux placés pour connaître. Or ce texte instaurait la méfiance à leur égard. Et que dire de la procédure, chronophage, qu'il imposait ?

L'abrogation, qui ne lèse pas les communes ayant choisi de se saisir de la loi, n'est que la première étape d'un train de mesures annoncé par le président de la République. Il faudra aussi prendre à bras-le-corps le problème des espaces agricoles. La commission des affaires économiques a mis en place un groupe de travail, parce qu'il y a urgence.

Urgence, aussi, à mobiliser le foncier car, nulle part, les droits à construire ne sont saturés. La puissance publique doit reprendre sa place face à la marchandisation. Je salue, au passage, votre travail, madame la ministre, sur la labellisation des éco-quartiers : l'État est là dans son rôle. L'urbanisme commercial à la périphérie des villes est d'une abominable laideur (protestations sur les bancs UMP) et ne profite qu'aux grandes enseignes en poussant à l'usage de la voiture individuelle, au détriment des centres urbains.

Votre tâche, madame la ministre, est gigantesque. C'est ensemble que nous nous acheminerons vers un retour au bon sens et au mieux vivre ensemble. Nous resterons mobilisés pour mener à bien cette révolution nécessaire des villes et des campagnes, dont nous savons que vous êtes déterminée à la réussir. (Applaudissements sur les bancs écologistes, socialistes et du RDSE)

M. Daniel Dubois .  - On compte 3,4 millions de demandes de logement, dont 1,4 million pour les logements sociaux. Et les mises en chantier reculent, sur les trois derniers mois, de 20 % : 300 000 à 310 000 logements pour 2012, on est loin des 400 000 de 2011, plus loin encore des 500 000 constructions que nous avons appelées de nos voeux, madame la ministre. Pour parvenir à cette objectif, il faut densifier dans les zones tendues : vous l'avez dit vous-même tout à l'heure. La densification, tel est bien l'enjeu du débat. Le président Raoul, maître en l'art de la sémantique, préfère parler d'« optimisation de l'utilisation des surfaces ». Soit. Oui, vous avez raison, les communes ne se sont pas saisies des possibilités existantes : raison de plus de ne pas abroger ce texte !

Trop de précipitation ? Mais alors, pourquoi ne pas, au lieu de l'abroger, l'améliorer ? Nous pensons, pour notre part, qu'il faut revenir sur la fiscalité des plus-values, la rendre inversement proportionnelle à la durée de détention, pour libérer du foncier (MM. les rapporteurs approuvent), lutter contre les recours abusifs, qui conduisent à l'annulation de 15 % des permis.

M. Marc Daunis.  - Eh oui !

M. Daniel Dubois.  - Je regrette que lors des débats, vous n'ayez été ouvert à aucune de nos propositions, pas même à celle de M. Amoudry pour les zones de montagne.

Croyez-vous que la seule cession des terrains de l'État résoudra le problème du logement ?

M. Jean-Jacques Mirassou.  - C'est un début.

M. Daniel Dubois.  - Vous ne proposez rien d'autre qu'abroger, sinon pour brandir le bâton contre les maires qui ne respecteraient pas les 20 % de la loi SRU en quintuplant les sanctions. (« A juste titre » à gauche) Allez-vous sanctionner ce maire de ma connaissance qui n'a pas pu atteindre ce taux parce que ses permis de construire ont été annulés à la suite de recours ? On attendait des mesures positives, une prime aux maires bâtisseurs, plutôt que des pénalités ! (Applaudissements à droite)

M. Marc Daunis.  - Que ne l'avez-nous fait ?

M. Daniel Dubois.  - C'est vous qui êtes aux affaires !

M. Marc Daunis.  - Vous y êtes restés dix ans !

M. Daniel Dubois.  - Je reconnais que la loi Apparu n'apporte pas de réponse à hauteur des enjeux, mais que proposez-vous à sa place ? Rien !

M. Jean-Michel Baylet.  - Vous avez tant fait, tant d'années ! Les Français vous en ont été reconnaissants.

M. Daniel Dubois.  - Si ce texte n'était pas d'abrogation sèche mais proposait des mesures, tous les élus centristes vous auraient suivis. Mais, dans ces conditions, la plupart d'entre eux ne le feront pas. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Mireille Schurch .  - Dix ans de droite au pouvoir ont enfoncé le logement dans une crise profonde.

M. Philippe Bas.  - Inadmissible.

Mme Mireille Schurch.  - Le fondement de vos politiques ? Faire du logement l'objet d'un marché et non d'un service public. La loi Apparu fut la cerise sur le gâteau : énième étage dans la déréglementation de l'urbanisme. Loin de lutter contre la spéculation, elle ne fait que renchérir le foncier, puisque sa valeur vénale est directement liée aux droits à construire.

M. Roland Courteau.  - Bien sûr !

Mme Mireille Schurch.  - L'intervention des collectivités territoriales, des offices publics et des SEM n'en est rendue que plus difficile pour la construction de logements sociaux dans les centres : une atteinte de plus à la mixité sociale.

L'argument de la densification ? Mais les COS sont très rarement atteints : il est encore bien des marges de manoeuvre. Les politiques d'aménagement sont un travail de dentellière : vous taillez dedans aux ciseaux !

Et que dire de l'entaille aux compétences des collectivités territoriales, reconnus par la loi ? Obliger les élus à s'opposer par délibération à un dispositif imposé par l'État est attentatoire au principe de libre administration.

La note d'information ? Ni le contenu, ni les modalités n'en sont précisés, au risque de la plus grande insécurité juridique. A quoi bon cette nouvelle consultation déconnectée des autres enjeux de la politique d'aménagement ? D'autant qu'elles font peser de nouvelles charges sur des collectivités déjà exsangues.

Et que dire de la possibilité pour une commune de se soustraire à la décision de l'intercommunalité ? Il faut clarifier la répartition des compétences entre les communes chargées du droit des sols et les intercommunalités qui peuvent être chargées de l'urbanisme, en réaffirmant le rôle éminent des premières.

Pour toutes ces raisons, nous voterons ce texte d'abrogation, en attendant que le Gouvernement prenne ses responsabilités. Aujourd'hui, l'effort de construction est principalement supporté par les collectivités. Il faut appliquer la loi SRU sur tout le territoire et augmenter le budget dévolu au logement. Nous préconisons d'encadrer des logements et les prix à la vente afin que la proportion de loyer et des charges n'excède pas 20 % du revenu des ménages. Nous demandons qu'il soit mis fin à la pratique barbare des expulsions locatives visant ceux qui ne peuvent se reloger. (Applaudissements à gauche)

M. Pierre-Yves Collombat .  - La loi du 20 mars 2012 est l'exemple même de ce qu'il ne faut pas faire en matière législative. Ce texte écran masque les vrais problèmes tout en fournissant aux promoteurs des occasions d'enrichissement. La cause était entendue avant d'avoir été jugée, et voilà le remède miracle, imposé au forceps. Or les droits à construire sont loin d'être utilisés. La politique de l'offre ne réduira pas plus la crise du logement qu'elle n'a réduit le chômage.

Des possibilités de majoration existaient déjà ; pourquoi avoir lancé cette machine infernale dont l'écrasante majorité des élus locaux demande l'abrogation ? Le but était clairement de leur forcer la main. On marche sur la tête ! L'État revient sur des acquis majeurs de la décentralisation et, lorsque les communes se sont engagées dans l'intercommunalité, on les autorise à s'en affranchir !

Le foncier ? Mais injecter des droits sans discernement, comme on le ferait avec une planche à billets, ne résoudra rien.

Dans les plans de financement de projets de logement social, l'État intervient rarement au-delà de 5 %. Mieux eût valu un amendement à la loi de finances que ce texte. Il est plus que temps de le renvoyer au néant qui l'a conçu. (Applaudissements à gauche)

M. Claude Dilain .  - Trois millions et demi de personnes sont mal ou pas logées, malgré la décision de 1995 du Conseil constitutionnel qui donnait au droit au logement valeur constitutionnelle.

Pourquoi, dès lors, voulons-nous abroger ce texte ? Au-delà du tollé qu'il a suscité, il malmène gravement la liberté des collectivités territoriales, en réduisant cette liberté au seul pouvoir de dire non. A l'inverse, ce texte d'abrogation, grâce à son article 2, respecte la liberté des rares communes qui auront choisi la majoration.

Notre rapport d'information sur la loi Dalo montre que la situation du logement est grave et très contrastée. En Ile-de-France, en région Paca ou Rhône-Alpes, la situation est dramatique. Or la loi Apparu prescrivait la même pilule à tout le territoire. Il faut, au contraire, moduler en fonction des situations, mettre l'équité au service de l'égalité. Construire des logements, certes, mais en accordant l'offre et la demande : savoir où construire, et quel type de logement. Il faut clarté, transparence, efficacité. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Maurice Antiste .  - La loi Apparu, adoptée dans l'urgence pour des raisons électoralistes, passait outre les documents d'urbanisme. Ce texte démagogique n'a trompé personne. Outre que des possibilités de majoration existaient déjà, à hauteur de 50 % pour le logement social, ce texte ne résolvait en rien le problème du foncier. Bien au contraire, il provoquait son renchérissement. Cette majoration automatique venait, de surcroît, contredire bien des règles d'urbanisme. Sans parler de la note d'information, source de dépense supplémentaire pour des communes déjà largement touchées par le désengagement de l'État. Et que dire de la mise en question de la délégation de compétence à l'EPCI, puisque les communes pouvaient prendre des décisions contraires. Surtout, ce texte contrevenait au principe de libre administration des collectivités territoriales.

Pour toutes ces raisons, je voterai cette proposition de loi d'abrogation. Abroger oui, mais proposer du nouveau. Nous comptons sur vous, madame la ministre, et aussi que vous songerez à nos particularités dans les DOM. (Applaudissements à gauche)

M. Gérard Collomb .  - « Abroger oui, mais proposer du nouveau », dit bien M. Antiste. Née de l'imagination fertile de technocrates, la loi du 20 mars faisait fi de l'expertise des élus. Son abrogation fera l'objet d'un large consensus. Dans la communauté urbaine de Lyon, nous sommes presque tous d'accord car chacun perçoit les effets pervers de la loi.

Le mal-logement est réel : 3 millions de demandeurs aujourd'hui, 500 000 personnes vivent dans une habitation de fortune, 100 000 sans-abri. La loi pointait donc un vrai problème...

M. Charles Revet.  - Eh oui !

M. Gérard Collomb.  - ...auquel il faudra s'attaquer. Au premier trimestre, on a observé une baisse de 20 % des ventes et l'on attend moins 40 % au deuxième trimestre, et jusqu'à moins 70 % dans certaines villes ! Le logement est, avec l'économie, l'une des priorités du moment. Il faut s'affranchir des tabous, faire collaborer tous les acteurs, construire des partenariats entre le public et le privé : dans l'agglomération lyonnaise, les 5 000 logements sociaux construits ces dernières années l'ont été avec un concours de 70 % du secteur privé. Les agglomérations doivent être densifiées. Cela suppose de simplifier les procédures, d'éviter les recours abusifs : certains veulent que l'on construise des logements, mais loin de chez eux ! Il faut aussi augmenter le budget consacré au logement. A Lyon, il y a eu 18 millions d'euros pour les aides à la pierre et 33 millions pour l'hébergement d'urgence : il faudrait renverser la proportion.

A cela s'ajoutent le problème du crédit et celui de la baisse des revenus. Faute d'une politique active, je crains un effondrement de la construction.

L'enfer est pavé de bonnes intentions. L'allongement des délais d'exonération de la taxation des plus-values a encouragé la rétention des terrains ! Inspirons-nous aussi de la législation allemande, qui favorise l'investissement privé, et multiplions les prêts à taux zéro. Madame la ministre, vous pouvez compter sur la collaboration des collectivités territoriales. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Cécile Duflot, ministre.  - Le débat sur ce qui suivra cette proposition de loi est déjà engagé. J'ai rencontré toutes les associations d'élus, très contrariées des obligations qui leur étaient faites par la loi du 20 mars. Je suis consciente de la gravité de la crise du logement, au plan économique et social.

L'encadrement des loyers vise à lutter contre cette crise sociale. Pour le reste, il faudra mobiliser tous les acteurs et s'appuyer sur les initiatives des collectivités territoriales. Oui, les aides à la pierre sont nécessaires : que chacun s'en souvienne lors des arbitrages budgétaires ! La loi Scellier est coûteuse et peu efficace : il faudra y revenir. Nous travaillons à un dispositif d'incitation à l'investissement privé qui prenne en compte les impératifs sociaux.

Dans les DOM, nous nous appuierons sur les dispositifs existants. Il faut mettre en cohérence les mesures déjà prises. Le droit au logement doit être rendu effectif. Vous pouvez compter sur ma détermination et sur ma volonté d'écouter les élus, afin d'éviter toute mesure trop uniforme. Clarté, simplicité, transparence, efficacité : tels sont les maîtres mots. (Applaudissements à gauche)

La discussion générale est close.