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Table des matières



Changement de dénomination d'un groupe

Hommage à une délégation omanaise

Nouvelle organisation territoriale de la République (Procédure accélérée - Deuxième lecture) (Suite)

Explications de vote

Mme Jacqueline Gourault

M. Dominique de Legge

M. Philippe Kaltenbach

M. Ronan Dantec

M. Christian Favier

M. Pierre-Yves Collombat

M. Philippe Adnot

Scrutin public solennel

Intervention du Gouvernement

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique

Renseignement (Procédure accélérée)

Discussion générale commune

M. Manuel Valls, Premier ministre

M. Philippe Bas, rapporteur de la commission des lois

M. Jean-Pierre Raffarin, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

M. Didier Guillaume

Mme Esther Benbassa

Mme Cécile Cukierman

M. Jacques Mézard

M. David Rachline

M. Yves Détraigne

M. Jean-Jacques Hyest

M. Pierre Charon

M. Jean-Pierre Sueur

Mme Michelle Demessine

M. Jean-Marie Bockel

M. Claude Malhuret

M. Michel Boutant

Mme Catherine Morin-Desailly

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense

Demande de priorité

Retrait d'une question orale

Accessibilité aux personnes handicapées (Procédure accélérée)

Discussion générale

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion

Mme Claire-Lise Campion, co-rapporteure de la commission des affaires sociales

M. Philippe Mouiller, co-rapporteur de la commission des affaires sociales

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales

Mme Aline Archimbaud

M. Dominique Watrin

Mme Hermeline Malherbe

M. Olivier Cigolotti

Mme Michelle Meunier

Mme Isabelle Debré

Discussion des articles

ARTICLE 2

ARTICLE ADDITIONNEL

ARTICLE 3

ARTICLE 4

ARTICLE ADDITIONNEL

ARTICLE 6

ARTICLE ADDITIONNEL

Intervention sur l'ensemble

M. Olivier Cadic

Ordre du jour du mercredi 3 juin 2015

Analyse des scrutins publics




SÉANCE

du mardi 2 juin 2015

111e séance de la session ordinaire 2014-2015

présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : M. Jean Desessard, M. Jean-Pierre Leleux, Mme Catherine Tasca.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Changement de dénomination d'un groupe

M. le président.  - Par courrier en date de ce jour, M le président Bruno Retailleau m'a informé du changement de dénomination du groupe qu'il préside, qui s'appelle désormais : « Les Républicains ». (Exclamations diverses)

Mme Jacqueline Gourault.  - Quelle surprise ! (M. Roger Karoutchi s'amuse)

Hommage à une délégation omanaise

M. le président.  - (Mmes et MM. les sénateurs et les ministres se lèvent) J'ai le plaisir de saluer à la tribune du Sénat une délégation de quatre parlementaires et deux fonctionnaires du Conseil d'État du Sultanat d'Oman, c'est-à-dire la Chambre Haute du Parlement omanais.

La délégation est conduite par Son Excellence M. Abdallah Al Dhahab. Elle est accompagnée par les membres du groupe d'amitié France-Pays du Golfe, présidé par notre collègue Mme Nathalie Goulet.

La délégation est en France, jusqu'au 4 juin, pour une visite d'étude consacrée au renforcement des liens entre cette assemblée et le Sénat français et aux grands enjeux de la protection de l'environnement dans la perspective de la COP 21.

Après une première réunion avec nos collègues du groupe d'amitié, la délégation va mener cet après-midi des entretiens avec des représentants du ministère des affaires étrangères, notamment dans la perspective de la Conférence sur le climat qui se tiendra à Paris en fin d'année. Demain, elle se rendra à l'Ifremer puis échangera avec nos collègues de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

Cette visite marque donc une étape importante dans la construction du lien entre les assemblées de nos deux pays.

Au nom du Sénat de la République française, je souhaite à nos homologues du Conseil d'État omanais, une cordiale bienvenue, ainsi qu'un excellent et fructueux séjour. (Applaudissements)

Nouvelle organisation territoriale de la République (Procédure accélérée - Deuxième lecture) (Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public sur le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.

Explications de vote

Mme Jacqueline Gourault .  - (Applaudissements sur les bancs UDI-UC ; Mme Bariza Khiari applaudit aussi) Une très large majorité du groupe UDI-UC votera le texte issu de notre deuxième lecture. Je salue le remarquable travail de nos rapporteurs, MM. Hyest et Vandierendonck, qui ont maintenu une parfaite cohérence avec notre vision de première lecture (M. Philippe Bas confirme), sans oublier le président de la commission des lois. (M. Philippe Bas remercie)

La région a vu ses missions stratégiques renforcées avec le transfert des compétences économiques, de l'aménagement du territoire et de l'emploi - sans remise en cause de la structure de Pôle Emploi. Le Sénat a ainsi porté son ambition décentralisatrice. Le département, dont la vocation est la solidarité tant sociale que territoriale, aura en charge la voirie, les collèges et les transports scolaires. Dans un souci de clarification des compétences, nous avons tenu bon sur la compétence économique des régions et sur le rôle des intercommunalités : ainsi, on saura « qui fait quoi ».

Le Sénat a réintroduit la procédure de co-élaboration du schéma régional de développement économique, d'innovation et d'internationalisation (SRDEII), et renforcé celle du schéma régional d'aménagement et de développement durable du territoire (SRADDT). Le mécanisme de seconde délibération est lui aussi abouti.

L'intégration communautaire est adaptée à la spécificité des territoires. Le Sénat a décalé d'un an la révision du schéma départemental de coopération intercommunale, ainsi que celui d'Ile-de-France. Il a maintenu la nécessité de l'accord d'un tiers au moins des communes membres de chaque EPCI appelé à fusionner, au sein de la majorité requise à l'article 17 bis B, pour favoriser un fonctionnement harmonieux de la nouvelle intercommunalité. Il a reporté au 1er janvier 2017 la création de la métropole du Grand Paris, monsieur Karoutchi...

M. Roger Karoutchi.  - Je n'en voulais pas ! (Exclamations à droite)

Mme Jacqueline Gourault.  - ...et modifié le mode de représentation des communes au conseil de la métropole et aux conseils des territoires.

Le tourisme, l'assainissement et l'aménagement du territoire ne seront plus des compétences obligatoires mais optionnelles des intercommunalités - à la différence de la gestion des déchets.

Le Sénat a maintenu l'intérêt communautaire comme principe fondateur du transfert des compétences obligatoires des communautés de communes -à l'article 18- et la majorité qualifiée en vigueur pour décider de l'intérêt communautaire -à l'article 22 quater B.

Enfin, le Sénat a supprimé l'article 22 octies, qui ouvrait la voie à une élection des conseillers communautaires déliée de l'élection municipale. M. le ministre Vallini a lui-même confirmé que le Gouvernement voulait s'en tenir au système actuel...

M. Hubert Falco.  - Un homme pragmatique, qui connaît les territoires !

Mme Jacqueline Gourault.  - J'espère que vous êtes à la même heure, madame Lebranchu... (On en doute à droite)

Le Sénat n'a pas vu l'utilité du Haut conseil des territoires qui relève en outre du domaine réglementaire - il l'a supprimé. (On s'en félicite au centre et à droite)

Il a également supprimé l'action récursive de l'État contre les collectivités territoriales. Enfin, le Sénat a voté la création d'une collectivité unique de Corse.

Je reviens au maintien du seuil de l'intercommunalité à 5 000 habitants : nous savons qu'il devra être relevé un jour ou l'autre mais il faudra l'adapter à la diversité des territoires ; et associer les élus locaux dans le cadre la CDCI, qui doit, avec le préfet, jouer un vrai rôle.

Ce doit être un aiguillon pour inciter les élus à travailler ensemble, à l'échelle réaliste, au service des habitants. La rationalisation de la carte intercommunale sert, à mon sens, à l'amélioration des services à la population qui est le coeur de l'action des communes.

(Applaudissements au centre et à droite)

M. Dominique de Legge .  - (Applaudissements à droite) Deux constats s'imposent. À l'évidence, le Gouvernement a une vision à périmètre variable des territoires. Après la suppression du conseiller territorial, qui avait le grand mérite de rendre possibles des évolutions fondées sur la réalité des territoires, (Applaudissements à droite) le Gouvernement a fait supprimer, puis rétablir la clause de compétence générale ; il a projeté de supprimer les départements, puis y a renoncé...

M. David Assouline.  - Déjà entendu !

M. Dominique de Legge.  - La baisse des dotations se poursuit malgré les promesses de François Hollande.

M. Hubert Falco.  - Hélas !

M. Dominique de Legge.  - Madame la ministre, après tant d'heures de débat, nous n'avons toujours pas compris votre projet pour les territoires : vous n'avez fait que jeter les élus dans le désarroi.

Je constate que le Sénat a joué son rôle. (Applaudissements à droite) Il a supprimé l'élection directe des conseillers communautaires, qui signent la mort des communes. Il n'a pas voulu substituer au jacobinisme d'État un jacobinisme régional.

Monsieur Vallini, vous avez déclaré devant les maires de l'Isère que « l'État de droit ne devrait pas devenir un État d'entrave »...

M. Bruno Sido.  - C'était en Isère...

M. Dominique de Legge.  - Dommage que vous ne vous soyez pas écouté plus attentivement... (M. André Vallini, secrétaire d'État, rit) Nous avons refusé de transférer le collège, la voirie et les transports scolaires aux régions, dont nous avons en revanche renforcé les compétences économiques allant ainsi dans le sens de la décentralisation.

Le seuil de 20 000 habitants pour les intercommunalités n'avait aucun sens, l'Assemblée nationale l'avait elle-même reconnu en inventant des exceptions sous forme de formules arithmétiques...Ainsi les territoires ayant une densité moyenne comprise entre 51,3 et 103,6 habitants au km2 - appréciez les chiffres après la virgule ! (On apprécie à droite)...

M. Alain Bertrand.  - Il ne s'agit que de moyennes !

M. Dominique de Legge.  - ...pourraient-ils y déroger, en calculant « 20 000 divisé par la densité nationale et multiplié par la densité départementale » : quelle monstruosité que de décider ainsi le vivre ensemble local ! (Vifs applaudissements au centre et à droite)

Quant au Haut conseil des territoires, c'est devenu une obsession chez les députés. Comme si le Sénat n'était pas, de par la Constitution, le représentant des territoires ! (Applaudissements à droite)

La balle est dans votre camp, madame Lebranchu. Entendrez-vous le Sénat ? Ou laisserez-vous l'Assemblée nationale concevoir son meilleur des mondes territoriaux, où le schéma prime sur l'action, la structure sur les hommes et le nom sur le territoire ? Je ne veux pas croire que ce mécano improbable n'ait d'autre but que de réguler la baisse des dotations que vous avez programmée. En conditionnant leur octroi à la mise en oeuvre d'une telle organisation, vous misez sur l'échec de votre propre texte pour mieux justifier ensuite votre désengagement.

C'est parce que nous refusons ce scenario du pire, que nous portons la voix des territoires et voterons ce texte amendé. Voilà le message des Républicains. (Applaudissements à droite)

M. Alain Bertrand.  - Et que dit l'UMP ?

M. Philippe Kaltenbach .  - Je prends la parole aux noms de mes collègues socialistes, et républicains, bien sûr. (Marques d'agacement à droite, sourires à gauche) Au cours de cette deuxième lecture, le Sénat a joué son rôle. Je salue l'écoute du Gouvernement et le travail remarquable des rapporteurs. (« Très bien ! » à droite)

Nos territoires veulent de la stabilité, cette réforme a vocation à s'inscrire dans la durée - il s'est d'ailleurs écoulé vingt ans entre les actes I et II de la décentralisation. La République n'est pas un mécano que l'on monte et démonte au gré des majorités.

Voix à droite - C'est pourtant ce que vous avez fait ! (On proteste sur les bancs socialistes)

M. Philippe Kaltenbach.  - Il y a des convergences entre les deux assemblées : sur la suppression de la clause générale de compétence des régions et des départements, sur les compétences économiques des régions, sur le recentrement des départements autour de leurs compétences sociales - auxquelles s'ajouteront les routes et les collèges...

M. Bruno Sido.  - Et les transports scolaires ?

M. Philippe Kaltenbach.  - ...sur la collectivité unique de Corse. Les divergences qui demeurent peuvent être surmontées, sur le transport scolaire, le tourisme, le renforcement des intercommunalités.

Sur deux points, le groupe socialiste regrette l'attitude de la majorité sénatoriale et notamment du groupe « LR ». (Protestations à droite)

M. Bruno Retailleau.  - Les républicains !

M. Philippe Kaltenbach.  - Le seuil de l'intercommunalité : c'est en se rassemblant que les communes seront plus fortes et rendront un meilleur service à la population ? J'avais proposé un seul de 25 000 habitants, comme le groupe UDI, mais le groupe « LR » (Nouvelles protestations sur les bancs des Républicains) a préféré conserver le seuil de 15 000 habitants.

M. Éric Doligé.  - Marchandage !

M. Jean-Claude Lenoir.  - Et la liberté des communes ?

Il faudra trouver un compromis. La droite s'est employée, une fois de plus, à détricoter la loi SRU, indispensable à la mixité, à la cohérence et à la paix sociale...

M. François Calvet.  - Quel toupet !

M. Hubert Falco.  - Comment financer les 25 % de logements sociaux ?

M. Philippe Kaltenbach.  - Voilà pourquoi le groupe socialiste s'abstiendra (Applaudissements sur les bancs socialistes ; Mme Laurence Cohen et M. Jean-Marc Gabouty applaudissent aussi)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Pas convaincant ! (On renchérit sur plusieurs bancs à droite)

M. Philippe Kaltenbach.  - Espérons que la CMP parviendra à l'équilibre. Nous attendons des députés qu'ils nous entendent. Nous refusons l'élection des conseillers communautaires au suffrage supracommunal (marques d'approbation à droite), le Haut conseil des territoires (même mouvement) et l'abaissement de la minorité de blocage pour l'élaboration du PLUI.

M. Hubert Falco.  - Bravo !

M. Éric Doligé.  - Vive les Républicains !

M. le président. - Veuillez conclure...

M. Philippe Kaltenbach.  - Des ouvertures doivent être faites de part et d'autre. (Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes ; Mme Laurence Cohen applaudit aussi)

M. Ronan Dantec .  - Après une semaine de débats qui ne m'ont pas toujours enthousiasmé, je suis rentré ce week-end en Loire-Atlantique, où j'ai déjeuné avec des élus locaux de sensibilités politiques diverses. Que n'avais-je entendu ici sur l'exaspération des élus de terrain ! Je me voyais déjà voué aux gémonies pour ma défense de l'élection des conseillers communautaires au suffrage universel direct. Et pourtant ! J'ai été critiqué... pour la remise en cause par le Sénat du seuil intercommunal de 20 000 habitants. Les élus s'y sont déjà préparés !

M. Michel Bouvard.  - Chez nous, cela inquiète !

M. Ronan Dantec.  - Les élus ont défendu les conseils du développement. La France du XXIe siècle, ce n'est pas que le refus de toute réforme ! Les élus m'ont parlé de fusions de communes, de mutualisations. En Loire-Atlantique, de tels projets sont nombreux. Nos débats étaient à des années-lumière... Pour répondre aux souffrances réelles de certains territoires, nous aurions dû porter la réforme de la DGF. Il s'en est fallu de peu qu'une proposition de loi soit déposée pour supprimer les régions !

Le groupe écologiste s'abstiendra (On s'en amuse à droite). La création d'une collectivité territoriale unique de Corse est une avancée. Mais nous regrettons la suppression de la simple faculté de créer une taxe de mouillage dans les aires marines protégées gérées par les collectivités -c'était une première adaptation législative. Le pouvoir d'adaptation législative et réglementaire des régions en revanche a été renforcé grâce à un amendement écologiste. C'est une timide avancée. Le refus de donner suite aux demandes des régions devra faire l'objet d'une décision motivée du Premier ministre.

Le rapporteur Jean-Jacques Hyest a également accepté notre proposition d'encadrer les pouvoirs du préfet, car les SDCI doivent être un outil de décentralisation.

Le Sénat est resté au milieu du gué. Il appartient au Gouvernement d'aller au bout d'une logique que nous soutenons et qui est bien mieux comprise dans les territoires qu'on ne le dit.

Si l'action des élus ne permet pas de résorber les inégalités territoriales, alors il y aura des blocages.

Le groupe écologiste, comme toujours, s'est montré un peu en avance sur son temps (marques d'ironie à droite). Mais il est bien dans le sens de l'histoire ! (Même mouvement ; applaudissements sur les bancs écologistes et sur quelques bancs socialistes)

M. Christian Favier .  - Le diagnostic est partagé : à terme, cette réforme signe la mort des communes. Dès 2010, le groupe communiste, républicain (Exclamations) et citoyen a dit sa crainte que les intercommunalités ne deviennent peu à peu des collectivités territoriales de plein exercice, en lieu et place des communes. Les élus locaux partagent notre inquiétude.

Votre tentation d'imposer l'élection des conseillers communautaires au suffrage universel direct traduit vos intentions, madame la ministre. Les communes deviendront une coquille vide, sans pouvoirs ni moyens. Est-ce là votre conception de la démocratie ? Notre vision n'est pas celle d'une France du XIXe siècle, mais d'une France républicaine, vivante, innovante, s'appuyant sur des territoires d'action au plus près des citoyens libres de s'engager. Cessez de nous accuser d'archaïsme ! Défendre les communes, c'est défendre une République démocratique, sociale et solidaire, fondée sur le principe de subsidiarité !

À travers cette supracommunalité, les départements, aussi, sont visés : la métropole de Lyon, si souvent citée en exemple, a absorbé une grande part du département du Rhône. Là où les métropoles passent, les départements trépassent... (On apprécie la formule à droite)

Votre seule ambition est de réduire les services publics locaux pour réaliser des économies. Vous louvoyez pour éviter l'inconstitutionnalité et vous actionnez le levier budgétaire en réduisant drastiquement les dotations alors que la dégradation des conditions de vie de nos concitoyens appelle à renforcer les services publics locaux.

À regret, le groupe CRC votera contre. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Pierre-Yves Collombat .  - Balayant la loi Maptam votée il y a quelques mois, la loi NOTRe se voulait d'abord le premier étage de la disparition des départements. Étrangement, l'Assemblée nationale n'est pas revenue sur la suppression du transfert des collèges et des routes aux départements votés par le Sénat. L'offensive anti-Sénat s'est pourtant poursuivie, avec le rétablissement du Haut conseil territorial. La surprise, ce fut l'attaque anti-commune menée par les députés. On est en droit de se demander ce qu'elle venait faire là. Impossible qu'un sujet aussi sensible ait été abordé à l'insu du plein gré des plus hauts sommets de l'État. Le masque est tombé. Les yeux grand fermés, le Gouvernement est prêt, tout en proclamant, la main sur le coeur, et d'une voix vibrante, son amour aux communes et à « ses élus désavoués » (Rires à droite), à les lyophiliser : relance de la suppression des syndicats, nouvelle révision de la partie intercommunale, relèvement du seuil de l'intercommunalité à 20 000 habitants, assouplissement de la minorité de blocage en cas de fusion, possibilité pour un EPCI de décider à la majorité qualifiée de l'extension des impôts locaux et enfin élection au suffrage universel direct des conseillers communautaires. La suite est connue : attribution aux intercommunalités de la clause de compétence générale, de la DGF, mutualisation obligatoire des impôts locaux.

Grâce à ses rapporteurs, le Sénat a sauvé les meubles. Pour cette raison, et bien que n'ayant pas fait mon deuil de la clause de compétence générale des départements et des régions, bien que n'acceptant pas la tutelle des chambres régionales des comptes sur les collectivités territoriales, je voterai ce texte. Mais le Gouvernement est si sûr de sa réforme qu'il se vante à Bruxelles et jusqu'à la City... Que restera-t-il aux communes ? La démocratie, répond M. Vallini. Cela ne s'invente pas ! Une démocratie de carton-pâte, une démocratie Potemkine ! (Exclamations)

Souvenez-vous de l'histoire de France. Ce sont les régimes autoritaires qui ont toujours rogné les pouvoirs des municipalités, tout en maintenant parfois leurs apparences. Relisons Tocqueville, qui écrivait, dans L'Ancien Régime et la Révolution : « Le peuple, qui ne se laisse pas prendre aussi aisément qu'on ne l'imagine aux vains semblants de la liberté, cesse alors partout de s'intéresser aux affaires de la commune et vit dans l'intérieur de ses propres murs comme un étranger...Les plus grands intérêts de la ville semblent ne pas le toucher. On voudrait qu'il allât voter, là où l'on a cru devoir conserver la vaine image d'une élection il s'entête à s'abstenir. »

Lors des dernières élections municipales, l'abstention a encore progressé et le parti jusqu'alors majoritaire a essuyé de lourdes pertes. Le bon peuple n'a pas envie d'être modernisé malgré lui, et croyez-le, les élus non plus ! (Applaudissements sur les bancs RDSE et sur plusieurs bancs au centre et à droite)

M. Philippe Adnot .  - Le texte issu de nos travaux n'est certes pas parfait. Je regrette toujours la suppression de la clause de compétence générale - qui nous a obligés à inventer une exception pour la gestion des lignes aériennes...

M. Bruno Sido.  - Eh oui !

M. Philippe Adnot.  - Je remercie toutefois Mme Lebranchu d'avoir fait un pas vers nous. Puisse-t-elle faire entendre notre voix à l'Assemblée nationale, par exemple sur les transports scolaires.

Le pire, hélas, est peut-être à venir avec les décrets d'application et la révision de la carte intercommunale. Je voterai ce texte, mais il nous faudra rester vigilants. (Applaudissements au centre et à droite)

M. le président.  - Il va être procédé dans les conditions prévues par l'article 56 du Règlement au scrutin public sur l'ensemble du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.

Ce scrutin sera ouvert dans quelques instants. Il aura lieu en salle des Conférences, conformément aux dispositions du chapitre 15 bis de l'Instruction générale du Bureau. Une seule délégation de vote est admise par sénateur.

La séance est suspendue à 15 h 25.

Scrutin public solennel

La séance reprend à 15 h 55.

M. le président. - Je veux d'abord remercier les secrétaires du Sénat qui ont assuré le dépouillement du scrutin, Mme Catherine Tasca et MM. Jean Desessard et Jean-Pierre Leleux.

Voici le résultat du scrutin n°194 sur l'ensemble du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 226
Pour l'adoption 191
Contre 35

Le Sénat a adopté le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.

(Applaudissements au centre et à droite)

M. le président.  - Je remercie les rapporteurs et le président de la commission des lois de leur travail en profondeur. (Applaudissements)

Intervention du Gouvernement

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique .  - Je m'associe aux remerciements adressés aux rapporteurs et au président de la commission des lois.

À l'issue de cette deuxième lecture, voici les points qui nous demanderont encore des heures de travail : le Sraddet qui ne sera pas prescriptif - c'est un recul par rapport à la première lecture, idem pour la minorité de blocage des collectivités territoriales et, enfin, sur le mécanisme de substitution-représentation au sein des syndicats intercommunaux.

On peut difficilement attendre 2034 pour mener à terme la loi SRU quand on voit la gravité du problème du logement.

Le seuil de l'intercommunalité a été ramené à 5 000 habitants tandis que les pouvoirs du préfet ont disparu. Là encore, il faudra revoir le dispositif.

Le report de la création du Grand Paris sera sans doute corrigé : 90 % des élus sont pour une entrée en vigueur rapide.

Le Sénat a voulu ouvrir le débat sur les compétences économiques et le tourisme ; il sera sans doute plus difficile d'obtenir un accord sur le deuxième point. Ports, transports en général, la discussion se poursuivra avec l'Assemblée nationale qui compte aussi beaucoup d'élus locaux et de maires de petites communes.

Nous disposons d'une semaine pour aboutir à une vision commune. Comptons déjà sur les convergences d'ores et déjà gravées dans le marbre de la loi parce que l'Assemblée nationale s'est ralliée à vos propositions : la voirie et les collèges aux départements, la création de la collectivité unique de Corse, l'égal accès aux services publics.

On a fait au Gouvernement le procès d'intention qu'il voudrait supprimer les communes au prétexte qu'il défend l'intercommunalité. Nos 36 000 communes sont une force, c'est notre histoire. L'intercommunalité doit être vue comme une possibilité pour les petites communes de faire ensemble, d'être plus fortes.

Un accord est possible en CMP. C'est notre espoir ! (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes ainsi que sur quelques bancs centristes)

M. le président.  - Nous nous reverrons en espérant que nous puissions avancer.

La séance est suspendue quelques instants.

Renseignement (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après engagement de la procédure accélérée, relatif au renseignement et la proposition de loi organique relative à la nomination du président de la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR). Pour ces deux textes, la conférence des Présidents a décidé d'organiser une discussion générale commune.

Discussion générale commune

M. Manuel Valls, Premier ministre .  - (Applaudissements sur les bancs socialistes) Depuis trois mois, le Parlement débat de l'encadrement juridique des activités de renseignement. Le Sénat se saisit aujourd'hui de ce débat. Il est inhabituel que le Premier ministre défende un projet de loi devant vous, en présence de la Garde des Sceaux, des ministres de l'intérieur et de la défense. Cette exception se justifie par l'ampleur du texte : enfin, la France se dote d'un appareil législatif complet sur les techniques de renseignement. Je dis, enfin, car la France accuse un net retard en la matière.

Ce texte approfondit notre État de droit. Il instaure un contrôle sur chaque opération de surveillance. Il garantit les libertés fondamentales des citoyens, qui auront droit à un recours juridictionnel. Ce sont autant d'avancées.

Il est tout aussi inhabituel que le président de la République saisisse le Conseil constitutionnel avant l'adoption d'un texte. C'est que le respect de la vie privée est en jeu.

Le 25 juin 1991, quand le Garde des Sceaux Henri Nallet présentait le projet de loi sur le secret des correspondances, il disait avoir conscience de relever un défi. Aujourd'hui, il n'en va pas de même car ce projet de loi est issu d'un long travail parlementaire approfondi et transpartisan.

Le premier organe de contrôle a été créé en 2007, la délégation parlementaire au renseignement. Je rends hommage à ses présidents successifs, MM. Hyst, Sueur et Raffarin. Une communauté du renseignement a été formée à la même date. Le Conseil national du renseignement et la fonction de Coordonnateur national du renseignement ont été créés en 2008, et l'Académie du renseignement en 2010, afin que la communauté du renseignement se professionnalise et se coordonne davantage. Les missions de contrôle de la délégation parlementaire au renseignement ont été élargies dans la loi de programmation militaire de 2013, et un amendement sénatorial particulièrement courageux a étendu la loi de 1991 aux données de connexion. Les députés Urvoas et Verchère ont co-signé un rapport parlementaire sur le sujet en 2013 ; une inspection des services de renseignement a été créée en 2014.

Autant dire que le projet de loi que vous allez examiner est l'aboutissement d'une réflexion approfondie dont droite et gauche ont vu l'utilité. Elle est, en ce sens, profondément républicaine.

Le président de la République a décidé de légiférer en juillet 2014, soit avant les attentats de janvier dernier. Copenhague, Tunis, le Kenya : le terrorisme frappe partout. Certaines des recommandations de la commission d'enquête sur le djihadisme, coprésidée par Nathalie Goulet et André Reichardt, et dont le rapporteur était Jean-Pierre Sueur, sont intégrées à ce texte. Le rapport de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale « sur la surveillance des filières et des individus djihadistes », présidée par Éric Ciotti et dont les conclusions ont été présentées ce matin à l'Assemblée par Patrick Mennucci, offrira de nouvelles pistes de réflexion au Gouvernement.

La France fait face à d'immenses défis, dans un monde marqué par l'imprévisibilité, la multiplication des crises et la diversification des menaces. Il faut les appréhender avec lucidité et y répondre, afin que notre pays puisse défendre son territoire, ses ressortissants, ses intérêts et ses valeurs dans le respect de l'État de droit.

Anticiper, détecter, analyser et comprendre les menaces qui pèsent sur la France, c'est garantir la sécurité du pays. Je rends hommage à ces travailleurs de l'ombre que sont les agents du renseignement. Sun Tzeu, cher à M. Raffarin, avait raison de dire : « Une armée sans agents secrets est exactement comme un homme sans yeux ni oreilles. »

La menace terroriste a explosé. Quelques chiffres pour faire prendre conscience de cette réalité : 1 730 Français sont recensés dans le djihad en Syrie ou en Irak. Le chiffre a plus que doublé en un an, 471 y sont actuellement et 110 recensés comme morts, soit dix de plus que lorsque je présentais ce texte à l'Assemblée nationale. La semaine dernière, Daech revendiquait deux attentats suicides menés par des Français, ce qui porte leur nombre à neuf. Cela illustre les redoutables capacités d'endoctrinement de Daech et la perversité de cette organisation barbare qui attire des étrangers dans ses rangs pour les sacrifier.

Le nombre d'individus à surveiller ne cesse de progresser : 10 000 Européens enrôlés dans le djihad d'ici la fin de l'année. Face à cette menace, nous renforçons la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) de 1 000 postes d'ici 2017, la police judiciaire, la justice et l'administration pénitentiaire de 2 180 postes, 30 % de ces recrutements ayant lieu en 2015.

Nous devons aussi mesurer la montée en régime des cybermenaces -qui n'ont rien de virtuel : ce sont des actes de sabotage et des atteintes inacceptables contre les libertés d'information et d'expression. L'espionnage économique nous coûte de nombreux emplois. Et la vigilance de nos services de renseignement ne doit pas être réservée à nos fleurons industriels, aux seules filières nucléaire, aéronautique ou de défense. Elle concerne aussi de nombreuses entreprises innovantes de taille intermédiaire. Le renseignement est aussi un outil précieux pour la décision diplomatique et militaire.

Nous devons, enfin, prévenir les actions menées sur notre territoire par des groupes subversifs décidés à se livrer à des actes de violence et à porter gravement atteinte à la paix publique. La loi de 1991 laissait une trop grande part à l'interprétation. C'est ainsi que la surveillance préventive du hooliganisme violent relève tantôt de la sécurité nationale, tantôt de la prévention de la délinquance et de la criminalité organisée. Le principe de légalité exige davantage de clarté, ce qui ne signifie pas que l'on porterait en quelque manière atteinte à la liberté d'opinion et de manifestation. Les opérations de surveillance ne seront autorisées que si elles sont proportionnées aux risques encourus.

Ce projet de loi détaille donc les finalités pour lesquelles les services de renseignement pourront demander le recours à des techniques de surveillance comme l'intrusion informatique ou la sonorisation de lieux privés. Ces finalités ont été précisées par votre commission. Le Gouvernement a opté pour une définition de ces motifs légaux beaucoup plus stricte ce que la Convention européenne des droits de l'homme autorise.

Ce texte, pour la première fois, fixe un cadre juridique pour les interceptions de communications par téléphones portables et internet ; pour la première fois aussi, sur les techniques de renseignement utilisées à l'étranger. Étrangement, ceux qui s'émeuvent de ce texte ne s'émeuvent pas de l'absence de cadre légal jusque-là.

Il faut pouvoir suivre les terroristes sur leurs réseaux car ils utilisent tous les outils du numérique pour leurs actions de propagande et d'embrigadement, ainsi que pour échanger. C'est pourquoi nous autorisons le recours aux algorithmes : afin de détecter des terroristes jusqu'alors inconnus et des individus connus qui recourent à des techniques de dissimulation. Moins d'un djihadiste sur deux avait été détecté avant son départ en Syrie ; nous devons pouvoir faire mieux.

Ce texte présente dans un même mouvement -ne nous fions pas aux caricatures- de grandes avancées en matière de protection des libertés publiques. Il offre infiniment plus de garanties que le dispositif légal parcellaire actuel. Il n'est pas question de moyens d'exception ni d'une surveillance généralisée des citoyens. L'extension des compétences de la Commission de contrôle le garantit.

Toutes les opérations de surveillance menées sur le territoire national seront portées à la connaissance d'une commission de neuf personnes comprenant deux hauts magistrats administratifs, deux hauts magistrats judiciaires et quatre parlementaires dont deux de l'opposition.

Le président de la CNCIS sollicitait le renforcement de la Commission à hauteur de 25 personnes. Le groupement interministériel de contrôle verra lui aussi ses moyens renforcés. Une première évaluation estime les moyens nécessaires à 200 personnes, contre 135 aujourd'hui, et 7 millions d'euros de budget annuel supplémentaires. Au total, 250 personnes seront ainsi dédiées aux fonctions de contrôle. J'ai demandé à l'inspection générale des services de renseignement de présenter des propositions concrètes et d'en faire part à la Délégation parlementaire au renseignement.

Je le dis au président Raffarin, un lien de confiance direct continuera de relier l'autorité politique et le délégataire : la responsabilité ne sera pas diluée. Je salue l'amélioration rédactionnelle adoptée par la commission des lois sur ce point. Et le Gouvernement est d'avis de soumettre les demandes de données de connexion les plus lourdes au visa du ministre. Le contrôle administratif sera, c'est la première fois, doublé par un contrôle juridictionnel. Le Conseil d'État ne pourra pas se voir opposer le secret défense et pourra enjoindre aux services de faire cesser un contrôle.

Ce sera un système de contrôle global, cohérent et digne d'un État démocratique, loin de je ne sais quel dispositif adopté outre-Atlantique.

La frontière entre renseignement et judiciaire n'est pas toujours simple à trouver mais elle existe. Nous devons veiller à la maintenir, même si, comme tout fonctionnaire, les personnels des services de renseignement sont tenus d'aviser le procureur de la République de crimes ou de délits dont ils auraient connaissance dans l'exercice de leurs fonctions. Ce même désir de veiller à l'équilibre entre sécurité et liberté, entre administratif et judiciaire, a inspiré les rapporteurs et les présidents des commissions des lois à l'Assemblée nationale et au Sénat. La possibilité de recourir à la procédure de l'urgence absolue a ainsi été restreinte ; l'autorisation de recueil en temps réel des données de connexion des terroristes a été réduite à deux mois ; les modalités de recours aux dispositifs techniques de proximité de type IMSI catcher ont été reprécisées.

Sur la surveillance en milieu pénitentiaire, le Gouvernement considère intéressante la piste suggérée par le Sénat pour une meilleure coordination entre l'administration pénitentiaire et les services de renseignement.

Le Gouvernement proposera que le délai de conservation des données de connexion soit porté à quatre ans, et non réduit à trois. Il est important également que le délai de conservation des correspondances recueillies par le biais d'interceptions de sécurité soit maintenu à trente jours. Un amendement viendra préciser les modalités de centralisation des données recueillies au moyen d'un dispositif technique de proximité de type IMSI catcher. Si la centralisation exclusive des informations recueillies par le GIC n'est pas souhaitable, une copie de contrôle lui sera systématiquement adressée par les services et sera ainsi à la disposition de la CNCTR.

Le Gouvernement proposera d'apporter en outre des garanties supplémentaires, par exemple de prévoir, s'agissant des opérations nécessitant une intrusion domiciliaire, une saisine automatique du Conseil d'État lorsqu'un avis défavorable de la CNCTR n'aura pas été suivi. Le Conseil aura alors vingt-quatre heures pour se prononcer sur la validité de l'autorisation. Ou encore, s'agissant des algorithmes de détection, la destruction rapide des données concernant des personnes sur lesquelles les recherches complémentaires effectuées n'ont pas confirmé de lien avec le terrorisme. Il faudra aussi repréciser les mesures de surveillance internationale ; dès qu'un numéro d'abonnement ou un identifiant sera rattachable au territoire français, les correspondances seront exploitées selon les mêmes règles que si elles avaient été émises sur le territoire national.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Très bien !

M. Manuel Valls, Premier ministre.  - Merci. Contrairement à ce qu'on affirme, la DGSE n'exerce pas une surveillance massive des Français, n'a pas accès aux centres de stockage des opérateurs et ne procède à aucune interception en dehors des interceptions de sécurité légales.

Ce texte n'est pas un aboutissement. La loi de 1991 a joué son rôle de garde-fou avec efficacité, ce projet de loi en fera de même.

J'ai noté que des amendements ont été déposés sur le contrôle des fichiers des services de renseignement -ce que demande aussi la présidente de la Cnil. S'il faut veiller à ne pas instaurer un double contrôle des mêmes données, nous devons renforcer le contrôle interne.

Autre sujet, la coordination entre les services de renseignement. Grâce aux ministres de l'intérieur et de la défense, elle s'est améliorée. Pour preuve, la constitution d'une cellule sur les filières djihadistes irako-syriennes qui réunit tous les services de renseignement. Poursuivons l'effort pour éviter les doublons et les pertes d'informations.

Ce texte mérite une discussion à la hauteur des enjeux. Je souhaite qu'il recueille un large soutien et que tous les groupes fassent preuve d'un esprit de responsabilité.

Comme Édith Cresson en 1991, présentant la loi sur les interceptions de sécurité, je vous invite, c'est un honneur, à franchir le pas en adoptant cette loi. (Applaudissements sur les bancs socialistes et sur quelques bancs au centre ; MM. Philippe Bas, rapporteur, et Jean-Pierre Raffarin, rapporteur pour avis, applaudissent aussi)

M. Philippe Bas, rapporteur de la commission des lois .  - Le Sénat républicain a toujours été un farouche défenseur des libertés publiques. D'où que nous siégions, nous assumons l'héritage de Victor Hugo, de Victor Schoelcher, de Robert Badinter, sans récuser Georges Clemenceau ou Michel Debré. Le Sénat, c'est la République dans toutes ses dimensions : la liberté et l'autorité. Puisse la grande tradition du Sénat libéral et républicain nous inspirer les bonnes réponses.

Le débat va nous conduire au coeur de notre contrat social. La question est fondamentalement politique et se pose aujourd'hui à propos des nouvelles techniques d'intrusion dans la vie privée. Comment renforcer la sécurité sans mettre en péril les libertés ? Comment préserver le secret indispensable aux activités de renseignement, tout en imposant à celles-ci des limites qui supposent un regard extérieur ?

La République depuis longtemps a élaboré une méthode : approfondir l'État de droit en s'appuyant sur ses institutions et ses procédures sans que jamais la fin justifie les moyens, sans que l'urgence s'impose au droit, sans que nécessité fasse loi. L'exigence du Sénat est d'inscrire cette loi dans le droit commun, conformément à l'esprit de la Déclaration de 1789, qui a énoncé les droits naturels et imprescriptibles de l'homme, tout en leur imposant des bornes pour « défendre les actions nuisibles à la société ».

Le texte confronte les intérêts fondamentaux de la Nation et la sauvegarde de la vie humaine aux exigences aussi fortes que sont le respect de la vie privée et la garantie des libertés fondamentales. Il donne un cadre légal aux services de renseignement. Pour autant il ne renforce pas les moyens des services de renseignement, ce n'est pas son objet. Il n'a rien à voir avec la caricature qui en a été faite. Les critiques qui lui sont faites, cependant, sont autant d'anticorps pour que l'État de droit résiste à des inoculations toxiques pour les libertés.

La conception, l'architecture de ce texte repose sur des fondements solides. Nous devons en faire une grande loi républicaine. S'il met des bornes à la liberté et au respect de la vie privée, il le fait avec mesure et responsabilité sans renoncer à l'essentiel. Il n'est pas une réaction aux crimes de janvier mais s'inspire des travaux de la délégation parlementaire et de notre commission d'enquête sur le djihadisme. Il vise à sauvegarder nos intérêts nationaux et notre sécurité. Il n'instaure pas une surveillance de masse, dont la République n'a que faire ; le Sénat y veillera. D'ailleurs, l'efficacité suppose un contrôle ciblé.

Ce projet de loi apporte de nouvelles garanties aux citoyens, restreint les possibilités de surveillance de l'État avec des règles et des contrôles qui n'existaient pas. L'encadrement des techniques de renseignement est nécessaire, tant lors de l'autorisation qu'au moment de leur mise en oeuvre. Le juge sera chargé de faire respecter nos droits fondamentaux. Je vous propose ainsi une ligne simple : plus les techniques seront intrusives, plus les garanties devront être importantes.

La réforme s'inspire de la loi de 1991 et en étend le dispositif à tous les services et à toutes les techniques. La commission des lois a précisé la notion d'entourage, limité dans le temps le recours aux IMSI catchers et restreint le champ des données qui pourront être ainsi interceptées aux seuls numéros de téléphone et cartes SIM, en excluant les fadettes.... Elle a encadré le recueil des données en temps réel de personnes préalablement identifiées comme présentant une menace terroriste, et circonscrit l'usage de la technique de l'algorithme. Elle a renforcé les garanties pour l'usage des techniques les plus intrusives.

Nous avons souhaité imposer la pleine application du principe de légalité aux techniques de renseignement pour sortir du non droit. Nous avons ainsi défini avec précision, au premier article, le cahier des charges de la légalité en matière de renseignement ; il s'imposera aux services, à la CNCTR, au Conseil d'État et au Premier ministre.

Pour que le contrôle soit effectif, une autorité indépendante est créée, dotée de pouvoirs étendus. En cas d'urgence, la procédure ne doit pas conduire à vider de sa substance la procédure de droit commun. La commission des lois a prévu des garanties supplémentaires. La CNCTR sera composée de neuf membres, parlementaires et magistrats, sans représentation de l'exécutif. Son président sera soumis à la procédure de l'article 13.

Une fois l'avis rendu, le Premier ministre doit prendre sa décision ; on pense qu'il suivra l'avis de la Commission, d'autant que le contrôle du Conseil d'État sera effectif... On peut comprendre que le Premier ministre puisse déléguer à des collaborateurs directs, mais il ne faudrait pas que se constituât une sorte de corps d'initiés... La décision ne peut être que politique.

Pas d'État de droit sans intervention du juge. Au juge administratif de suspendre ou d'annuler les excès de pouvoir ; au juge pénal de sanctionner les crimes et délits, y compris ceux commis par un agent de l'autorité publique dans l'exercice de ses fonctions en pénétrant dans un domicile ou en interceptant une correspondance.

Le texte est complet, couvrant la prévention, le contrôle et la surveillance. Le renseignement est une mission régalienne. Des vies sont en jeu. Mais la fin ne justifie pas les moyens. Le juge doit pouvoir être saisi rapidement en cas d'abus. Aussi, la commission des lois a prévu que trois membres de la CNCTR suffiront pour saisir le Conseil d'État. Celui-ci pourra suspendre une autorisation, l'annuler, ordonner la destruction des données recueillies, indemniser les victimes. Grâce à un accès illimité aux pièces du dossier, il pourra agir rapidement.

La loi reconnaît ainsi le rôle du juge pénal. En donnant un cadre légal à des pratiques intrusives comme l'utilisation des balises ou des interceptions à distance, elle crée un délit si ces techniques sont utilisées sans autorisation, ainsi qu'un délit d'entrave si un service refuse de répondre à la demande de la CNCTR.

Le Sénat a aussi considéré d'autres questions : la protection des journalistes, avocats et parlementaires ; les délais de conservation des données ; l'encadrement des procédures d'urgence ; la place des lanceurs d'alerte ou encore le renseignement pénitentiaire.

Nous nous ferons les défenseurs des libertés, mais avec le souci de l'efficacité de l'action publique. Fidèle à sa tradition, le Sénat entend être une nouvelle fois au rendez-vous de l'état de droit. (Applaudissements au centre, à droite, et sur plusieurs bancs socialistes)

M. Jean-Pierre Raffarin, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées .  - Placer l'action des services de renseignement dans un cadre défini par le législateur, voilà la marque d'une démocratie parvenue à maturité. Un législateur qui doit agir en responsabilité.

Monsieur le Premier ministre, nous saluons votre ambition. On a longtemps pensé qu'un tel texte risquait d'affaiblir l'action de nos services. Mais dans une société démocratique, ouverte, c'est plutôt l'absence de cadre légal qui est risqué. Imaginez qu'un terroriste intente et gagne son procès contre la République et ses services de renseignement pour avoir employé des moyens illégaux...

Nous devons donner à nos services, qui font un travail remarquable et dangereux, les moyens d'agir dans un cadre juridique stable, solide et contrôlé. Ce texte était attendu. Premier du genre, il met fin à une exception parmi les démocraties.

Il réaffirme la notion de politique publique du renseignement, qui s'apprécie sur deux notions, la stratégie de sécurité nationale et la défense et la promotion des intérêts fondamentaux de la Nation. Le renseignement est une compétence régalienne de l'État, dans plusieurs directions. Car le spectre des menaces est large : terrorisme, espionnage industriel ou scientifique, criminalité organisée. L'action des services s'étend à la collecte d'informations destinées à permettre aux autorités de conduire de façon autonome la politique étrangère et de défense ; c'est fondamental. On ne peut renforcer la République en affaiblissant l'exécutif, raison pour laquelle nous devons nous rassembler.

II est ainsi important d'autoriser les services à recourir à des techniques modernes de renseignement, pourvu que leur usage s'inscrive dans un cadre légal qui garantisse la protection contre les atteintes abusives à la vie privée et aux libertés.

Cette loi n'est pas une loi d'exception. Simplement elle vise un domaine non encore couvert par le droit. Nous avons proposé des amendements et je remercie la grande commission des lois de les avoir adoptés. La coopération la plus large est nécessaire en la matière. L'autorité d'un texte dépend aussi de la qualité de la majorité qui le vote -je me souviens de la loi sur le voile à l'école...

Nous avons pris en compte la notion d'intérêts fondamentaux de la Nation ; nous avons resserré la CNCTR, conforté son autorité et son indépendance ; nous avons abaissé la durée de conservation des correspondances interceptées, interdit l'utilisation de certains dispositifs à l'égard de personnes appartenant à des professions protégées.

Restent quelques préoccupations. Seul l'exécutif doit définir les priorités de politique étrangère. Le Premier ministre doit assurer son autorité : les personnes compétentes doivent avoir une délégation claire. Ce texte nous fait courir peu de risques. Je suis davantage préoccupé par l'utilisation des techniques modernes d'écoute par des officines privées, et je crains que celles-ci ne recrutent des personnes ayant eu la main sur nos services de renseignement. Un contrôle est nécessaire. (Applaudissements à droite)

Les dérogations à la procédure d'habilitation au secret défense doivent être limitées. Une habilitation ès qualités est-elle opportune ? Le secret défense n'est pas banal et répond à des finalités bien précises. Je n'en ferai pas, cependant, un point de blocage.

Au total, l'efficacité de cette loi dépendra pour beaucoup des moyens alloués. Veillons aussi à ne pas mettre en oeuvre des procédures trop bureaucratiques.

Sous ces réserves, la commission des affaires étrangères donne un avis favorable à l'adoption de ce texte. À l'heure où tout le monde se sent républicain, donnons à la République les moyens de sa défense. (Applaudissements au centre, à droite et sur plusieurs bancs socialistes)

M. Didier Guillaume .  - Face à ceux qui veulent remettre en cause notre République, nous devons nous rassembler, défendre nos libertés. Le groupe socialiste et républicain votera ce texte fondamental. Je salue le travail réalisé par la commission des lois. Ce texte est l'objet de polémique notamment de la part de ceux qui ne l'ont pas lu. Ce texte n'est pas une loi de circonstance. Faut-il rappeler les attentats de janvier, la cyberattaque contre TV5 Monde ? Nos valeurs étaient visées. Des personnes sont mortes parce qu'elles étaient juives, dessinateurs, policiers.

Socialistes et républicains, nous nous sommes toujours opposés aux lois d'exception. Ce texte n'est pas un Patriot Act à la française, il fixe un cadre à l'action de nos services, en leur donnant des moyens. Il n'est pas liberticide, le dire est mensonge ou désinformation. Le Sénat a toujours défendu les libertés. Ce sont les terroristes, les soldats d'une idéologie totalitaire qui les menacent. Nous devons nous défendre, sans restreindre les libertés fondamentales. Tel est l'enjeu.

Une loi-cadre était nécessaire pour empêcher les pratiques arbitraires et autoriser l'usage encadré des techniques de pointe toute en garantissant les libertés. Les Français aiment la liberté plus que tout - avec l'exigence de la sécurité. Je remercie la Garde des Sceaux, les ministres de l'intérieur et de la défense qui ont su faire preuve d'écoute. Nous sommes en guerre contre le terrorisme. Nous devons nous rassembler. Cessons de barguigner, comme on dit en province. Rassemblés, nous vaincrons les terroristes. Désunis, nous serons défaits et nous risquons d'oublier nos valeurs. Adoptons cette loi d'équilibre nécessaire à notre pays. (Applaudissements sur les bancs socialistes et sur plusieurs bancs à droite)

Mme Esther Benbassa .  - Le groupe écologiste est réservé sur le recours quasi systématique à la procédure accélérée qui prive le Parlement de la possibilité de légiférer dans de bonnes conditions. L'actuelle majorité n'avait pas de mots pour le déplorer sous le précédent Gouvernement.

Ce texte répond-il aux attentes légitimes des citoyens ? Est-il compatible avec les valeurs de notre démocratie ? Le groupe écologiste n'est pas parti en guerre contre un texte considéré a priori comme liberticide. Au contraire, il travaillera à l'améliorer. Nous ne devons pas décevoir tous ceux qui sont descendus dans la rue le 11 janvier pour dire leur indignation, leur attachement à la liberté d'expression, leur refus du racisme et de l'antisémitisme. La majorité a répondu aux attentats de Mohammed Merah par la loi du 21 décembre 2012.

Elle n'a pas empêché Mehdi Nemmouche de perpétrer son crime à Bruxelles le 25 mai 2014.

Alors fut votée la loi du 23 novembre 2014, qui n'a pas davantage empêché les massacres de Charlie Hebdo et de l'Hyper casher de la porte de Vincennes. On comprend que le Gouvernement souhaite agir. Toutefois l'empilement pour des raisons d'affichage, de textes d'inspiration répressive semble vain. Pourquoi légaliser des pratiques qui se sont révélées inefficaces ?

En outre ce texte menace nos libertés individuelles et professionnelles et met la démocratie en danger. La NSA elle-même a dû suspendre certaines de ses activités faute d'accord avec le Sénat américain.

Nous sommes dans une fuite en avant non maîtrisée. Paris n'a-t-il pas fourni à Berlin, selon Le Monde, une technologie qui a permis aux Allemands et aux Américains d'espionner...la France et son industrie ?

Nous faisons le pari -risqué- que les gouvernements à venir seront dignes de la confiance que nous voulons bien faire au vôtre, monsieur le Premier Ministre, et qu'ils n'abuseront pas de ce texte pour nous enfermer dans une prison virtuelle, nous surveillant en permanence, au mépris de nos libertés et de notre humanité. Science-fiction, direz-vous ? Anticipation, plutôt.

« Si l'on trouvait un moyen de se rendre maître de tout ce qui peut arriver à un certain nombre d'hommes, de disposer tout ce qui les environne de manière à opérer sur eux l'impression que l'on veut produire, de s'assurer de leurs actions, de leurs liaisons, de toutes les circonstances de leur vie, en sorte que rien ne pût échapper, ni contrarier l'effet désiré, on ne peut pas douter qu'un moyen de cette espèce ne fût un instrument très énergique que les gouvernements pourraient appliquer. »

Ces phrases effrayantes de Jeremy Bentham datent de 1786, on les croirait d'aujourd'hui. Je vous invite d'ailleurs à lire son Panoptique : c'est l'Assemblée nationale qui a ordonné la publication de sa traduction française, en 1791.

Ne créons-nous pas un nouveau panoptique « organisé entièrement autour d'un regard dominateur et surveillant », comme disait Michel Foucault.

Je salue le travail de la commission des lois qui a renforcé les pouvoirs de contrôle du Conseil d'État. Mais les risques de dérives restent vastes. Nous proposerons des amendements.

L'article premier précise la procédure de recours aux techniques de renseignement et fait place à la CNCTR. L'article 2 définit les techniques utilisables : recueil des données de connexion -informatiques ou téléphoniques-, interceptions de sécurité -écoutes téléphoniques administratives-, dispositifs mobiles de proximité - IMSI catchers-, géolocalisation, enregistrement des paroles ou images d'une personne et captation de ses données informatiques ou encore interceptions de communications électroniques émises ou reçues de l'étranger... Autant de menaces potentielles pour les libertés individuelles et publiques.

Le débat n'oppose pas les partisans de la lutte contre le terrorisme et les autres, laxistes. Nous défendons simplement les droits des citoyens attachés à leur liberté. La Cnil a émis des critiques. Nous ne mettons pas en cause les intentions du Gouvernement, mais l'enfer est pavé de bonnes intentions... (Applaudissements sur les bancs écologistes ainsi que sur quelques bancs socialistes ; Mme Michelle Demessine applaudit aussi.)

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - Soit.

Mme Cécile Cukierman .  - Les attentats de janvier ont suscité une forte mobilisation. Nous soutenons la volonté du Gouvernement de renforcer la sécurité. Ceux qui critiquent le texte ne sont pas les ennemis de la sécurité, pas plus que ses défenseurs ne sont par principe ennemis de la liberté. La tension entre liberté et sécurité a toujours existé. Il est dommage que la procédure accélérée ne permette pas d'approfondir la réflexion pour trouver l'équilibre.

Ce projet de loi suscite des inquiétudes légitimes. Il légalise de nouvelles pratiques : boîtes noires, algorithmes, ISMI catcher. Nous rejoignons ainsi la Russie dans le club très fermé des pays qui ont transformé en norme un régime d'exception... En nous dotant d'un arsenal de surveillance de masse, nous allons pêcher l'anguille avec un chalut ! Est-ce conforme à la jurisprudence de la CEDH et de l'arrêt de février 2000 « Aman contre Suisse » ?

Vous nous rétorquerez sans doute, monsieur le ministre, comme à l'Assemblée nationale, que les collectes de données prévues ne relèveront pas les identités. Mais peu importe, avec la collecte de données généralisée, nous sommes déjà dans un État de surveillance.

Ce texte donne-t-il vie aux visions de George Orwell, qui faisait dire à son personnage Winston Smith : « Naturellement, il n'y avait pas moyen de savoir si, à un moment donné, on était surveillé ». De 1984 à 2015, n'y aurait-il qu'un pas ? Les moyens de surveillance et de contrôle de la CNCTR sont insuffisants.

Le rôle considérable laissé au juge administratif nous laisse sceptique, vu la porosité entre le Conseil d'État et le pouvoir exécutif... Au fond, il s'agit surtout de protéger les agents des services de sécurité. La garantie des libertés des citoyens n'est qu'un objet secondaire de ce texte.

Je salue toutefois les avancées obtenues en commission, ainsi l'administration pénitentiaire n'entrera pas dans le second cercle du renseignement. Mais si la commission des lois a réduit certains délais d'autorisation, renforcé certaines procédures, la philosophie est la même. Les opérateurs, les fournisseurs d'accès, le syndicat de la magistrature, Le juge antiterroriste Marc Trévidic, l'association Quadrature du Net, Amnesty International, la Ligue des droits de l'homme et jusqu'au commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, s'inquiètent d'une surveillance généralisée.

Tous les professionnels s'accordent à dire : cette loi n'empêchera aucun attentat. Nous nous attacherons à replacer ce débat, qui est pour nous politique et non pas technique, sur le terrain politique des valeurs, pour trouver le juste équilibre. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Jacques Mézard .  - Un texte sur le renseignement, oui, mais faut-il légaliser l'existant ? L'argument ne vaut pas, entre autres exemples, pour le braconnage...

Une loi sur le renseignement est certes indispensable. Mais n'y a-t-il pas toujours un risque de dérive en la matière ? Évitons la polémique et tout procès d'intention : un tel sujet impose la mesure, dans la tradition du Sénat, attaché au respect des principes fondamentaux de la République.

Il faut protéger nos concitoyens, dans le respect du droit et des libertés : l'esprit du 11 janvier, s'il existe, c'est aussi cela.

Longtemps, on n'a pas voulu que le pouvoir législatif s'immisce dans les services de renseignement. On craignait que leur encadrement par le droit nuise à leur efficacité.

À l'invitation de la CEDH, la France s'est dotée de la loi du 10 juillet 1991, relative au secret des correspondances émises par la voie des communications électroniques, qui autorisait les interceptions de sécurité à titre exceptionnel seulement.

L'absence de cadre juridique peut empêcher d'exploiter les données recueillies devant le juge. Face au contexte international actuel, ce projet de loi doit permettre à nos services de renseignement d'agir - il y faudra aussi des moyens financiers, comme l'a justement souligné Jean-Pierre Raffarin.

Si les attentats de janvier ont accéléré le train des réformes, ils ne doivent pas conduire à ratifier sans débat une loi de cette sorte. Le débat doit avoir lieu, sans concessions ni démagogie.

Le juge administratif est devenu le juge de droit commun des voies de fait...

M. Christian Cambon.  - Absolument !

M. Jacques Mézard.  - ...en contradiction avec l'article 66 de la Constitution qui fait du juge judiciaire le gardien des libertés individuelles. Vous connaissez mon attachement à ce principe. Or je persiste : quelle que soit la qualité de ses éminents représentants, dont le vice-président du Conseil d'État, il y aura toujours une porosité entre État et justice administrative. Il faut un vrai contrôle. Il n'est pas question d'entraver l'action des services de renseignement, mais de s'assurer qu'ils respectent la légalité.

À quoi sert de créer une CNCTR si son avis ne lie pas le Premier ministre ? Quand il s'agit des parlementaires, des magistrats, des avocats, il en va du fonctionnement de la démocratie.

De même, nous comprenons mal que le texte autorise les services de renseignement à utiliser des techniques interdites aux autorités judiciaires, à l'égard des avocats.

Les technologies numériques obligent à changer de paradigme. Notre système judiciaire en est resté à la presse papier et au tract...

Nous nous félicitons de l'extension des prérogatives de Tracfin, essentielle à la lutte contre le terrorisme.

Nous sommes sceptiques, en revanche, sur les techniques qui font passer nos services de renseignement de la pêche au harpon à la pêche au chalut, pour reprendre l'image de Jean-Marie Delarue...

M. Philippe Bas.  - Conseiller d'État !

M. Jacques Mézard.  - Je suis, comme toujours, très attentif à ses avis, et je dois vous avouer que ses déclarations à propos de ce texte m'ont troublé. Selon lui, ce texte « banalise la surveillance », et d'ajouter : « est-il nécessaire de conserver des millions de données pendant cinq ans pour arrêter une douzaine de personnes suspectées de terrorisme ? »

La CNCTR doit pouvoir contrôler les dispositifs de recueil des données eux-mêmes. Le projet de loi autorise la collecte massive et la constitution de métadonnées ; du moins faudrait-il s'assurer qu'elles sont détruites sans délai si elles ne sont pas en lien avec l'autorisation.

Dans son rapport sur la cybercriminalité, le procureur Marc Robert appelait à une « synergie positive ». Nos amendements tendront à concilier l'efficacité des services de renseignement, la protection des Français et le respect des droits et libertés, conformément à notre tradition républicaine. (Applaudissements sur les bancs RDSE, MM. Jean-Pierre Sueur et Philippe Kaltenbach applaudissent aussi)

présidence de M. Jean-Claude Gaudin, vice-président

M. David Rachline .  - Je veux d'abord rendre hommage à ces femmes et hommes de l'ombre qui travaillent dans nos services de renseignement et y perdent parfois la vie, tels nos deux agents tués en Somalie en 2013.

Avec ce projet de loi, la sécurité des Français, et leur Liberté, avec un grand « L », comme dans la devise de notre pays, seront-elles garanties ? Non, hélas. Loin de moi l'idée de nier la menace du terrorisme islamiste. Je constate aussi que nos services sont parfois dépourvus devant l'immensité de leur tâche. Le renseignement est un préalable à la décision et à l'action, non une fin en soi.

Les Merah, Coulibaly, Kouachi et autres sinistres individus étaient connus de nos services, c'est de décisions et d'actions que nous avons manqué, non de renseignement. La libertaire Garde des Sceaux préfère protéger les prisonniers plutôt que les Français.

M. Philippe Kaltenbach.  - Scandaleuse attaque ad hominem ! (M. Jean-Pierre Sueur renchérit)

M. David Rachline.  - Vous êtes tous collectivement responsables de vous être soumis au diktat de Bruxelles et choisi de réduire les moyens de nos services depuis des années. (Soupirs sur les bancs socialistes et au centre) Le courage politique nous fait aussi défaut, pour expulser les imams extrémistes, dont les prêches haineux sont tout sauf secrets, et les terroristes condamnés, nourris et logés sur notre sol par les impôts des Français.

Ce texte menace bien les libertés des Français et la séparation des pouvoirs, ce qui étonne au pays de Montaigne...

M. Jean-Pierre Sueur.  - Vous confondez Montaigne et Montesquieu !

M. David Rachline.  - Pour combattre le terrorisme islamiste, la criminalité organisée, les trafics en tout genre et notamment celui de drogue, nous demandons le rétablissement immédiat des frontières nationales que vous avez idéologiquement et scandaleusement fait disparaitre, (Soupirs) une politique pénale ferme avec la fin des remises de peine, l'expulsion sur le champ des étrangers ayant commis de graves atteintes et une vigilance accrue sur les personnes ayant la double nationalité. Bref, un retour à un état de droit et à l'exercice des fonctions régaliennes qui sont là pour protéger les citoyens et garantir leurs libertés !

M. Yves Détraigne .  - Le monde du renseignement suscitant, en raison du secret qui le caractérise, bien des fantasmes, c'est notre rôle de Parlementaires que de nous assurer que les libertés ne sont pas menacées.

Aujourd'hui, le socle juridique de nos services de renseignement repose sur la loi de 1991, votée avant l'apparition du téléphone mobile et du numérique...

Ce projet de loi, préparé dès avant les attentats de janvier, est donc nécessaire. Nos services doivent avoir les moyens de lutter contre les nouvelles menaces, illustrées par la cyberattaque contre TV5 Monde. Ce texte renforce aussi la protection de nos intérêts économiques et des entreprises françaises.

Quelques techniques ont suscité l'émoi. Les algorithmes, d'abord -dont l'utilisation quotidienne, à des fins mercantiles, par les géants du web tels que Google ne provoque pas les mêmes réactions. La commission des lois a adopté un principe simple : plus une technique est intrusive, plus elle doit être encadrée. Ainsi des IMSI catchers, dont l'usage sera limité au recueil des numéros de téléphone et de cartes SIM.

La commission des lois a aussi renforcé les moyens de contrôle de la CNCTR -ainsi que ceux du Parlement, grâce à l'avis des commissions des assemblées sur la nomination du président de la CNCTR.

Les finalités des activités de renseignement, trop larges, ont été redéfinies. Parce que le texte, revu par les rapporteurs, concilie liberté et sécurité, je le voterai avec la majorité de mon groupe. (Applaudissements au centre et à droite ; MM. Jean-Pierre Sueur, Daniel Reiner et Philippe Kaltenbach applaudissent aussi)

M. Jean-Jacques Hyest .  - La lecture de la presse nous ramène au débat sur la loi de programmation militaire. On annonçait une catastrophe pour les libertés publiques, c'était « l'horreur » - alors que l'article 13 est plus protecteur des libertés publiques que le droit qui prévalait jusque-là.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Absolument !

M. Jean-Jacques Hyest.  - Selon certains, le contrôle des services de renseignement devrait relever du juge judiciaire. Comme si la police administrative préventive devait être confondue avec la police judiciaire répressive ! Comme si le Conseil d'État n'était pas lui aussi, garant des libertés publiques ! Il s'est parfois montré plus protecteur que la Cour de cassation. Souvenez-vous de l'arrêt Canal ! Suivant notre excellent rapporteur, nous avons renforcé les prérogatives de la CNCTR et ouvert les possibilités de recours devant celle-ci et le Conseil d'État.

Le Patriot Act américain pouvait légitimement inquiéter. Les Parlementaires américains conviennent eux-mêmes, désormais, que l'écoute tous azimuts n'est pas une panacée. Le texte ne s'engage pas dans cette direction, il renforce notre droit actuel, insuffisant, face au risque terroriste, mais aussi aux menaces pesant sur notre sécurité nationale et nos intérêts économiques.

La commission des lois a voulu écrire d'emblée dans la loi que les services de renseignement exercent leur activité dans le respect du principe de légalité. Ils ne sauraient considérer le contrôle comme une entrave. C'est heureux.

La loi de 1991 reste un modèle. Elle prévoyait déjà que le Premier ministre, assisté par une commission indépendante, autorise les interceptions de sécurité. Je puis témoigner que les demandes font toutes l'objet d'un examen attentif, et que le Gouvernement se range dans l'immense majorité des cas à l'avis de la commission. Le suivi du résultat des interceptions n'est pas moins important.

Nous pouvons parvenir à un équilibre. Bien loin de la surveillance généralisée annoncée par certains, par exemple sur le recueil des données de connexion.

Pour que le contrôle soit efficace, la CNCTR ne doit pas être pléthorique. La petite commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS) a toujours bien joué son rôle, même dans l'urgence.

Son président sera nommé selon la procédure de l'article 13 de la Constitution, il le fallait. Elle devra disposer de tous les éléments sur la mise en oeuvre des techniques. Il serait dommage de se passer de tout contrôle en procédure accélérée. La limitation de la durée d'autorisation est la meilleure garantie.

Une définition précise des intérêts fondamentaux de la Nation à l'article 811-3 est indispensable. La commission des lois y a pourvu. Sur le terrorisme, nous avions largement approuvé en novembre la création du fichier judiciaire des auteurs de faits de terrorisme. Il sera un élément du dispositif général.

La délégation parlementaire au renseignement se voit confier de nouvelles attributions. Cela est envisageable aujourd'hui après une période d'acclimatation. Un climat de confiance s'est établi entre les services de renseignement et la délégation parlementaire au renseignement.

Parce que ce projet de loi donnera à nos services de renseignement une ligne claire et cohérente, le groupe des Républicains le votera en veillant à sa bonne application dans le respect des libertés publiques. (Applaudissements à droite)

M. Pierre Charon .  - (Applaudissements à droite) Le débat est important pour notre démocratie, devenue la cible des terroristes. J'ai récemment attiré votre attention sur l'usage que les terroristes font de l'internet et des outils numériques.

Au nom de mon groupe, je rends hommage aux agents de nos services de renseignement, ces femmes et ces hommes de l'ombre, qui ne défilent pas le 14 juillet, mais dont les succès - et parfois les échecs - peuvent maintenir la paix ou entraîner la guerre. Leur rôle est de veiller à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation - expression plus conforme à la jurisprudence constitutionnelle que celle d'intérêt public.

La révolution numérique a rendu la loi de 1991 obsolète. Le législateur fait face à une situation paradoxale : des citoyens confrontés à des techniques considérées comme intrusives, utilisées sans cadre légal, dans un contexte sécuritaire qui se dégrade.

Ce projet de loi donne aux activités de nos services un cadre juridique. Il permettra ainsi à nos agents d'agir en sécurité. Je rappelle tout de même que le renseignement dans les Livres blancs de 1994 et de 2008 était déjà partie des missions de connaissance et d'anticipation.

Le terrorisme n'est pas la seule préoccupation de nos services de renseignement. Dans les pays anglo-saxons, l'intelligence concerne aussi le domaine industriel et économique.

Pour ce qui est de la sécurité du pays, nos services n'ont pas failli, notre commission d'enquête sur le djihadisme l'a montré.

Autre dichotomie à souligner, on ne peut pas renforcer l'action des services de renseignement sans renforcer celle de l'autorité judiciaire -certes, nous avons voté une loi sur le terrorisme mais veillons à sa parfaite application, sans quoi les citoyens n'accepteront pas la surveillance que ce texte institue. À propos, si la finalité du projet de loi n'est nullement une surveillance massive, on peut comprendre les inquiétudes des Français.

Rappelons que les algorithmes visent à détecter les communications clandestines, ils ne réalisent pas de traitement systématique de toutes les données. Certes, les « faux positifs » sont possibles. Cela confirme que nos services ont aussi besoin de moyens humains.

Les citoyens doivent avoir des voies de recours. C'est pourquoi la commission des lois a souhaité que le Conseil d'État dispose de larges prérogatives contentieuses.

Ce projet de loi ne constitue pas la refonte de notre politique de renseignement dont la France a pourtant besoin. Il faudrait des moyens, un budget stabilisé.

Je voterai ce texte qui améliorera les conditions de travail de nos services qui bénéficieront de la légalité et, donc, de la légitimité. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Jean-Pierre Sueur .  - Certains croient que la menace terroriste passera vite. C'est une erreur, profonde. Comme l'a rappelé le Premier ministre, le nombre de Français qui partent en Syrie et en Irak s'engager pour des oeuvres de mort ne cessent de s'accroître ; le nombre de ceux qui y meurent, également.

On nous dit : « les techniques existantes n'ont pas empêché les attentats de janvier ». C'est vrai, mais faut-il donc ne rien faire ? Nous savons au contraire que nos services ont déjoué plusieurs attentats. La sécurité est une liberté, il faut sans cesse le dire, tout en trouvant le juste équilibre avec les autres libertés.

Je me réjouis que la commission des lois ait adopté mes amendements tendant à ce que le ministère de la justice ne fasse pas partie de la communauté du renseignement, que ce soit à un titre ou à un autre. Il ne sera pas dit, madame la Garde des Sceaux, que vous aurez été mise en minorité au Sénat comme vous l'avez été à l'Assemblée nationale.

Il est normal que le personnel pénitentiaire puisse signaler des faits aux services de renseignement, mais il ne lui appartient pas de solliciter ou de mettre en oeuvre une technique. Attention à ne pas rétablir à l'alinéa suivant ce que nous avons supprimé au précédent.

Beaucoup des amendements présentés sont précieux pour le respect de la vie privée et des données personnelles. Tous les nôtres vont dans le sens de la protection des libertés ou du renforcement du contrôle.

Tous, nous sommes attachés aux libertés. Les citoyens et citoyennes qui se sont inquiétés de ce texte méritent le respect.

La commission des lois propose que trois membres de la CNCTR puissent saisir le Conseil d'État, c'est très important. Nous proposons aussi que l'accès de la commission aux données soit « direct, complet, permanent ».

Quelle que soit la réalité géographique, nous voulons marquer que la commission aura un accès direct, complet et permanent aux données. Cela rassurera.

Merci au ministre Le Drian d'avoir accepté ce contrôle complet, y compris sur la plateforme dont l'existence a été longtemps niée.

Pour ce qui est des algorithmes tant décriés, vous savez qu'il existe des sites dangereux parce qu'ils encouragent à l'oeuvre de mort. Je crois l'atteinte aux libertés nécessaire pour combattre le terrorisme, pourvu qu'elle soit limitée par le droit. Nous avons déposé un amendement, dont j'espère qu'il sera repris, pour l'encadrer afin que les informations qu'il traite ne puissent être reproduites. Autrement dit, faisons ce que nous avons à faire en étant rigoureux, pour assurer la sécurité, dans le respect des libertés !

Un dernier mot sur le fichier national des auteurs ayant commis des faits de terrorisme, nous tenons à ce qu'en soient exclues les personnes jugées irresponsables pour troubles psychiques. Les associations y tiennent, et elles ont raison.

Je termine...

Mme Éliane Assassi.  - Il est temps !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous tous républicains -puisque le mot a du succès- faisons en sorte que le renseignement ne demeure pas dans le silence de la loi. (Applaudissements sur les bancs socialistes et sur le banc des commissions)

Mme Michelle Demessine .  - Le groupe CRC estime que ce texte porte en lui le germe d'une collecte massive et indifférenciée de données qui débouche inévitablement sur une surveillance généralisée de la société. C'est d'autant plus dangereux que le monde du renseignement a tendance à s'affranchir des règles.

Si les risques ont été amoindris grâce à l'intervention de la Cnil et après la lecture du texte à l'Assemblée nationale, ils n'ont pas totalement disparu. Des avancées ont eu lieu : restriction de l'usage de la boîte noire à la prévention du terrorisme, de l'usage des IMSI catchers. Cependant, beaucoup reste à faire ; en particulier, manquent des garde-fous. Le déséquilibre est très net sur la collecte du renseignement. Encadrement de la collecte des données en amont ; cependant, rien sur la manière dont les données seront ensuite intégrées aux fichiers. Par qui et comment ? La Cnil aurait dû exercer un contrôle sur ces nouveaux fichiers. Et qui contrôlera la durée de conservation des données ? Ou le fait que les IMSI catchers se limitent au recueil des numéros de téléphone et des cartes Sim ?

Il serait paradoxal de ne pas répondre à ces questions à l'heure où les parlementaires américains s'interrogent sur les manières d'une de leurs agences. (Applaudissements sur les bancs CRC et écologistes)

M. Jean-Marie Bockel .  - Alors que le nombre de Français partant faire le djihad s'accroît, ce projet de loi est légitime. S'il suscite des inquiétudes, c'est parce qu'il touche à la liberté, premier terme de notre devise républicaine. Comment articuler son respect avec la sûreté, un principe tout aussi fondamental inscrit à l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme ?

La France était le dernier pays à ne pas disposer de cadre légal complet sur le renseignement. Il est nécessaire d'y remédier face à la prolifération nucléaire, à la montée de la menace terroriste. C'est d'autant plus nécessaire que la France est en première ligne dans le combat contre le terrorisme.

La commission des lois et la commission des affaires étrangères ont enrichi le texte. Ce dernier n'instaure pas la surveillance de masse que certains dénoncent. Soyons clairs : les services n'ont ni les moyens ni intérêt à se transformer en Big Brother orwellien. Le Sénat a également renforcé le contrôle par la CNCTR et le Conseil d'État.

Nous n'avons pas à choisir entre sûreté et liberté, toutes deux fondamentales dans notre droit, mais à assurer un juste équilibre entre elles. (Applaudissements au centre)

M. Claude Malhuret .  - Le 13 mai dernier, le Congrès américain a voté la suppression de la section 215 du Patriot Act qui autorise toutes les écoutes. Depuis lundi, à 0.00 GMT, la NSA a dû fermer ses boîtes noires. Cela devrait inciter notre gouvernement à ne pas commettre la même erreur. Le Congrès américain, après quinze ans d'expérience, a tiré les conséquences de cet échec : les boîtes noires ont provoqué une véritable régression.

On nous dit que ne seraient concernées que les métadonnées. Cela relève de l'escroquerie intellectuelle. M. X, marié, se connecte tous les quinze jours à un site de rencontres extra-conjugales ; M. Y, dans la même situation, visite toutes les semaines un site de rencontres homosexuelles. Les métadonnées contiennent toute l'information intéressante. Point besoin de connaître aussi le contenu.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre.  - Ceci n'est pas du terrorisme.

M. Claude Malhuret.  - Ce sont bien des données personnelles, et même des données ultra-personnelles.

Mme Michelle Demessine.  - Exactement.

M. Claude Malhuret.  - Autre inconvénient des algorithmes, les « faux positifs ». Nous nous préparons à de futurs scandales. Toutes les garanties auraient été prises ? Les promoteurs de Patriot Act disaient la même chose. Fadaises ! Ce pays profondément démocratique que sont les États-Unis a eu la nausée de cette surveillance généralisée qui n'a pas empêché l'attentat de Boston. D'où, le 13 mai, le remplacement du Patriot Act par le Freedom Act.

Ce qui est frappant, c'est que ce sont les auditions des services de renseignement qui ont déterminé le plus les représentants au Congrès américain car ils n'ont pu montrer les résultats attendus par ce dispositif. Pas de méprise, une loi sur le renseignement est nécessaire, mais pas celle-là.

D'abord, il faut paramétrer les IMSI Catcher dès leur conception ; restreindre les écoutes téléphoniques aux appels entrants et sortants des domiciles, sans intrusion à l'intérieur du domicile qui ne soit contrôlé par un juge ; encadrer les échanges d'informations avec les pays alliés ; enfin, et surtout, l'article 851-4 qui institue une surveillance généralisée par les boîtes noires doit être supprimé. À cette condition, ce texte pourra être voté. (Applaudissements à droite, au centre, sur les bancs écologistes et CRC)

M. Michel Boutant .  - Exercice pour le moins insolite qui est le nôtre : jeter la lumière sur ce qui est dans l'ombre. La volonté du Gouvernement est de donner un cadre légal à nos services de renseignement tout en faisant droit à ceux qui s'inquiètent des atteintes à la vie privée. Nos sensibilités politiques nous conduisent à nous placer d'un côté plutôt que de l'autre. Tenir l'un sans lâcher l'autre est bien délicat.

Après les attaques terribles de janvier, nous savons qu'il faut tout faire pour renforcer l'efficacité de la lutte contre les attentats et contre les cyberattaques sans jamais s'écarter du droit.

Ce texte fait écho à la loi de 1991. Depuis un quart de siècle, les techniques ont beaucoup évolué : apparition des téléphones portables, d'Internet, des balises... Ce projet de loi nomme les techniques, les encadre. Certains voient dans cette loi un texte d'opportunité, un Patriot Act à la française après les évènements de janvier et de Copenhague. Pas du tout, il est préparé depuis l'an dernier ; il encadre les techniques de renseignement.

Le renseignement suscite beaucoup de fantasmes. L'État de droit, rappelons-le aux inquiets, ce ne sont pas les barbouzes et les officines ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Catherine Morin-Desailly .  - Au sommet de la pyramide est placé Big Brother. Big Brother est tout puissant. Nous ne sommes plus loin des horreurs décrites par Orwell après la révélation par Edward Snowden des pratiques de la NSA. Voilà ce que conclut la mission d'information commune sur internet que j'avais l'honneur de rapporter. Nous avions prôné la mise en oeuvre d'un cadre juridique et un encadrement des services de renseignement. C'est dire que je considère fondamental le respect des libertés.

Nous revenons de loin, merci à la commission des lois et à la commission des affaires étrangères d'avoir sensiblement modifié le texte et accepté certains de mes amendements. Cependant, le « bazar européen », comme disait Edward Snowden, se poursuit. Les États européens ne surveillent plus leurs citoyens mais demandent des renseignements sur eux aux États voisins. Rien sur le renforcement de la sécurité de nos réseaux. C'est pourtant une question essentielle.

Surtout, le recueil des métadonnées porte atteinte à la vie privée, même le rapporteur du Conseil d'État en est convenu hier, et il recommande de saisir le Conseil constitutionnel.

Disons-le : ce texte est bien un Patriot Act à la française (M. Jean-Yves Le Drian, ministre, le conteste), pris en hâte après les attentats de janvier. Les algorithmes sont sources d'erreur, on le sait. Pourquoi les légaliser quand le Congrès américain le refuse désormais ? Supprimons le contrôle par les boites noires qui fragilisent la sécurité des données des entreprises et des institutions à cause des failles que les cybercriminels savent exploiter. Instituons un contrôle de la Cnil, le seul rempart contre l'arbitraire, l'hypersurveillance et l'hypervigilance.

Ce matin, au forum sur la gouvernance d'internet, ma conclusion était claire : les algorithmes n'arment pas la sécurité. Je vous mets en garde ! (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense .  - Ma réponse au nom du Gouvernement sera brève en raison de la visite du roi d'Espagne.

Nous avons la même volonté d'une politique du renseignement efficace, moderne et protectrice ; d'un équilibre entre liberté et sûreté. Si j'ai bien entendu le président Bas et le président Raffarin, nous sommes prêts d'aboutir, connaissant l'attitude constructive de votre Assemblée, à des compromis sur la durée de conservation des données, la protection de certaines professions, la finalité du renseignement et les modalités de centralisation des données.

Le constat est partagé : la menace terroriste, grandissante, exige adaptation de notre législation, de même que la révolution numérique qui n'était pas engagée en 1991. C'est, comme l'a dit le président Raffarin, une loi de maturité.

Concernant les nouveaux moyens intrusifs susceptibles de porter atteinte à la vie privée, ils sont tous soumis à autorisation, une autorisation ciblée. Ce n'est nullement une surveillance de masse, la surveillance en temps réel ne visera que les métadonnées et non le contenu des données. La géolocalisation en temps réel ne pourra avoir lieu que sur un individu préalablement identifié et après avis de la CNCTR. Idem sur les algorithmes : on cherche des indices de fait de terrorisme.

Je l'ai dit à l'Assemblée nationale : face à des réseaux déjouant les signes classiques de surveillance et s'affranchissant des règles, on ne comprendrait pas que nous ne fassions rien. Dans le même temps, les garanties doivent être draconiennes. Le Gouvernement proposera un amendement supplémentaire exigeant la destruction immédiate des métadonnées n'ayant pas de lien avec le terrorisme. Aucune confusion possible avec le Patrio Act qui perdure sous la forme de Freedom Act.

Autre précision, ce texte encadre, c'est un progrès décisif pour le droit, les mesures de surveillance à l'étranger. Elles feront l'objet d'un décret en Conseil d'État et d'un décret non public mais soumis à la CNTR. Par transparence, je proposerai un amendement pour détailler le contenu du décret classique, y compris la procédure de recours. Sur ce point, et comme M. Hyest, je rappelle que le renseignement relève du juge administratif compétent pour apprécier la légalité des actes du Premier ministre et non de l'article 66 de la Constitution, qui fonde la compétence du juge judiciaire pour les mesures privatives de liberté. Il est donc logique de confier ce contentieux au Conseil d'État.

Avec un esprit d'ouverture et d'équilibre, le Gouvernement espère un débat riche et constructif au Sénat. (Applaudissements sur les bancs socialistes et sur le banc des commissions)

La discussion générale commune est close.

Demande de priorité

M. Jean-Yves Le Drian, ministre.  - Je demande que les articles 2 et 3 du projet de loi soient examinés en priorité à la reprise de la séance de demain soir. Je tiens à être présent à leur examen, les algorithmes relevant en grande partie de ma compétence. Jeudi, je suis retenu à l'Assemblée nationale pour la loi de programmation militaire.

M. le président.  - En application de l'alinéa 6, article 44 de notre Règlement, je consulte la commission.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - La commission ne s'oppose pas à cette demande de priorité.

La priorité est ordonnée.

Retrait d'une question orale

M. le président.  - J'informe le Sénat que la question n°1137 de Mme Agnès Canayer est retirée du rôle des questions orales, à la demande de son auteur.

La séance est suspendue à 19 h 35.

présidence de M. Hervé Marseille, vice-président

La séance reprend à 21 h 35.

Accessibilité aux personnes handicapées (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen du projet de loi ratifiant l'ordonnance n°2014-1090 du 26 septembre 2014 relative à la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d'habitation et de la voirie pour les personnes handicapées.

Discussion générale

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion .  - Ce projet de loi revêt une importance particulière pour des millions de Français en situation de handicap ; il leur permettra de faire leurs courses dans des commerces, de se rendre au restaurant, d'assister au conseil municipal comme tout citoyen. Mais l'accessibilité sert aussi aux femmes enceintes, aux parents promenant un enfant en poussette, aux personnes âgées, à tous ceux qui se sont blessés, par exemple en descendant un escalier au Sénat. (Sourires)

Le rapport d'évaluation de la loi de 2005 de juillet 2012, dû à Mmes Campion et Debré, avait sonné l'alerte. Comment combler le retard pris, l'échéance ayant été fixé en 2015 ?

Ce texte engage les gestionnaires d'établissements recevant du public et les autorités organisatrices de transport. Les situations sont diverses, entre commerces de centre-bourg et grandes surfaces, grandes villes et petites communes...

Faire respecter la volonté du législateur de 2005 impose des règles fermes mais raisonnables. Voilà pourquoi le Gouvernement a lancé en 2013 une large concertation pour sortir de l'impasse. Claire-Lise Campion a eu le mérite de mettre tous les acteurs d'accord sur le principe des agendas d'accessibilité programmée (Adap), principal objet de l'ordonnance que l'article premier ratifie.

La première exigence est de fournir aux gestionnaires le cadre juridique, calendaire et opérationnel qui faisait défaut. L'agenda d'accessibilité programmée, document de programmation pluriannuelle, doit être déposé en mairie ou en préfecture avant le 29 septembre de cette année ; il engagera son signataire à réaliser les travaux requis dans un délai de un à trois ans pour les établissements recevant du public de 5e catégorie, soit 80 % des établissements concernés. Ceux qui ne déposeront pas leur agenda dans le temps imparti seront passibles de sanctions.

Deuxième exigence : simplifier les démarches. Sur le site accessibilite.gouv.fr, on trouve ainsi un formulaire allégé et un outil d'autodiagnostic à destination des responsables d'établissement et des petites mairies.

Troisième exigence : prendre en compte la diversité des établissements recevant du public. Le délai est étendu pour les établissements recevant du public des première à quatrième catégories, les patrimoines importants et ceux qui sont en difficulté financière avérée.

Un calendrier de mise en accessibilité des services de transports publics est également pris. L'ordonnance précise dans quelles conditions les points d'arrêt et le matériel roulant seront rendus accessibles. Elle crée le fonds national pour l'accessibilité universelle, qui facilitera le financement des travaux d'accessibilité et des actions de recherche et développement dans le domaine.

Autre point important, l'article 10 autorise les titulaires d'une carte de priorité pour personnes handicapées à accéder aux transports et aux lieux ouverts au public en compagnie de chiens d'aveugles.

L'acquisition de connaissances dans les domaines de l'accueil et de l'accompagnement des personnes handicapées est rendue obligatoire dans la formation des professionnels appelés à être en contact avec les usagers et les clients dans les établissements recevant du public.

L'article 2, sur les immeubles en Vefa, a été préalablement soumis aux associations de personnes handicapées.

Je salue le travail de la commission des affaires sociales et de ses deux co-rapporteurs, qui ont mieux encadré les dérogations à l'obligation de déposer un agenda d'accessibilité programmée ; les assemblées de copropriétaires qui refusent la mise en accessibilité devront motiver leur décision. La commission propose un bilan, c'est opportun et légitime, du chantier de simplification lancé par le Gouvernement. Elle a souhaité augmenter le nombre de sanctions financières qui alimentent le fonds d'accompagnement et voulu que tout jeune en situation de handicap de moins de trente ans ait accès au service civique : c'est un pas vers une société plus inclusive.

Ne touchons plus aux équilibres du texte. J'émettrai des réserves ou m'en remettrai à votre sagesse...

Mme Isabelle Debré.  - C'est mieux !

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État.  - ...sur certains amendements. L'ordonnance vient d'entrer en vigueur, et je vous sais attachés à la sécurité juridique.

Il est de mon devoir de veiller à ce que les intérêts des personnes handicapées soient respectés. J'ai déposé trois sous-amendements aux amendements qui étendent aux bailleurs sociaux la disposition de l'article 2. Les travaux d'adaptation doivent être pris en charge par le bailleur, et le calendrier doit être réaliste.

Le Gouvernement souhaite l'adoption la plus rapide possible de ce texte. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Claire-Lise Campion, co-rapporteure de la commission des affaires sociales .  - Voici la dernière étape d'un processus engagé il y a des années. En consacrant la notion d'accessibilité universelle, la loi de 2005 a fait changer les esprits. L'accessibilité n'est pas une contrainte, mais la condition d'une société plus inclusive.

Selon la loi de 2005, tous les bâtiments et les transports devaient être accessibles en 2015. Malgré la dynamique engagée, ce délai ne pouvait être tenu. Dans notre rapport, Mme Debré et moi-même appelions à prendre le problème à bras le corps, en commençant par dresser un état des lieux exhaustif. Le rapport « Réussir 2015 » que j'ai remis au Premier ministre Jean-Marc Ayrault a été suivi d'une large concertation que certains ont qualifié d'historique. Les acteurs ont accepté de s'engager sur un calendrier de travaux tandis qu'une adaptation des normes d'accessibilité était envisagée lorsqu'elles étaient jugées trop rigides ou trop peu opérationnelles. Il était impensable de revenir sur le principe de 2005, mais pas non plus souhaitable de voir se multiplier les condamnations pénales à l'égard de gestionnaires et de collectivités territoriales n'ayant pas atteint l'objectif à temps.

La loi du 10 juillet 2014 habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnance sur la création des agendas d'accessibilité programmée et l'adaptation des normes s'appuie sur l'équilibre, pragmatique et responsable, défini alors.

La commission a majoritairement estimé que l'ordonnance, promulguée le 26 septembre 2014, respectait l'habilitation, sauf sur un point : les agendas d'accessibilité programmée sont non plus facultatifs, mais obligatoires. Les agendas d'accessibilité programmée devront avoir été transmis aux préfectures d'ici le 27 septembre 2015, les demandes de dérogations d'ici le 27 juin 2015. À la mi-mai, 1 300 agendas d'accessibilité programmée avaient déjà été déposés.

Dans un esprit de responsabilité, M. Mouiller et moi-même n'avons pas voulu bouleverser l'équilibre atteint par ordonnance. Mais plusieurs points méritaient d'être renforcés ou précisés.

Des progrès de mise en accessibilité devront être constatés la première année de l'agenda. Dans l'hypothèse où la durée de l'agenda serait allongée de manière exceptionnelle, la commission des affaires sociales a exigé une décision expresse du préfet ; elle a encadré les possibilités de prorogation des délais de dépôt des agendas. Les commissions communales et intercommunales voient leur rôle renforcé, elles seront destinataires de l'ensemble des projets qui concernent leur territoire et devront tenir à jour la liste des établissements recevant du public accessibles ou ayant élaboré un agenda d'accessibilité programmée.

S'agissant des transports scolaires, l'ordonnance autorise les parents à demander la mise en accessibilité des points d'arrêts proches de l'établissement et de l'habitation de l'élève handicapé scolarisé à temps plein. Certes, la plupart des familles privilégient le transport individuel. Les équipes des MDPH devraient pouvoir accompagner les familles dans leurs démarches.

J'ai aussi souhaité que les jeunes handicapés aient accès au service civique jusqu'30 ans, et non 25 ans. En 2012, ils n'étaient que 0,4 % à l'avoir effectué, chiffre dérisoire...

Parvenir à l'équilibre entre les attentes légitimes des uns et les difficultés des autres n'est pas aisé. L'ordonnance propose une méthode raisonnable, je souhaite que sa ratification recueille l'assentiment le plus large. (Applaudissements)

M. Philippe Mouiller, co-rapporteur de la commission des affaires sociales .  - (Applaudissements à droite) Certaines modifications apportées au texte par la commission méritent des éclaircissements. La loi de 2005 prévoyait des dérogations au principe de mise en accessibilité ; l'ordonnance en précise les critères : impossibilité technique, conservation du patrimoine rendant les travaux impossibles, disproportion manifeste entre les travaux nécessaires et leurs conséquences.

Pour un établissement recevant du public existant, le refus de l'assemblée générale des copropriétaires entraînera une dérogation de droit ; pour un établissement recevant du public neuf, le préfet décidera : le Gouvernement a ici suivi la jurisprudence du Conseil d'État, et nous avons exigé que le refus de l'assemblée générale soit motivé.

L'ordonnance redéfinit les obligations applicables aux transports ; en se concentrant sur les points d'arrêts prioritaires -qui devront être définis en concertation- il s'agit d'être pragmatique et de répondre aux besoins.

La loi de 2005 rendait les plans de mise en accessibilité de la voirie et des aménagements des espaces publics (PAVE) obligatoire dans toutes les communes. L'ordonnance les rend facultatifs en dessous de 500 habitants et moins contraignants entre 500 habitants et 1 000 habitants.

L'ordonnance crée un fonds national d'accompagnement de l'accessibilité universelle que nous avons voulu alimenter par le produit de toutes les sanctions financières qui s'appliquent aux règles relatives aux agendas d'accessibilité programmée et aux schémas directeurs d'accessibilité. Il est indispensable de communiquer sur les autres dispositifs d'accompagnement financiers, dont les prêts de la Caisse des dépôts et des consignations ; les fonds structurels européens doivent être mieux mobilisés.

Les acteurs doivent être mieux informés des règles et des délais. La plupart savent que les agendas d'accessibilité programmée doivent être déposés avant septembre 2015, mais non que les demandes de prorogation du délai doivent l'être avant le 27 juin.

Les agendas d'accessibilité programmée « transports » devront prévoir une formation du personnel. Une formation initiale sera même rendue obligatoire pour certains métiers, et nous souhaitons que les employeurs en proposent également.

Je salue l'engagement de la co-rapporteure Claire-Lise Campion sur ce sujet. Nous avons trouvé un terrain d'entente, ambitieux et pragmatique, et je forme le voeu que le Sénat nous suivra. (Applaudissements)

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales .  - Si nous sommes ici, c'est que les objectifs de mise en accessibilité fixés dans la loi de 2005 n'ont pas été atteints, comme Mmes Debré et Campion le craignaient dès leur rapport de 2012. Elles rappelaient cependant les avancées : création des MDPH, humanisation du traitement des dossiers, implication des personnes handicapées dans les décisions, hausse notable de la scolarisation des enfants handicapés en milieu ordinaire, progression du nombre de bénéficiaires de la prestation de compensation du handicap (PCH), avec un doublement des dépenses ces cinq dernières années, revalorisation substantielle de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) à partir de 2007.

Il fallait rappeler ces avancées avant d'aborder la mise en accessibilité, sur laquelle le bilan est moins satisfaisant.

Nous devions réagir tout en tenant compte des difficultés techniques et financières des acteurs économiques comme des collectivités territoriales, sans pour autant inciter à la démobilisation. La concertation menée par Mme Campion a été extrêmement fructueuse, l'ordonnance en est issue.

Le projet de loi a suscité un débat nourri en commission, signe de l'intérêt pour ce sujet et des questions soulevées par la mise en oeuvre de la loi de 2005. Un mot est souvent revenu, celui « d'équilibre ». Merci aux co-rapporteurs de l'avoir trouvé. L'exercice était délicat, entre les associations qui regrettaient un texte en recul et les acteurs qui craignaient un texte trop contraignant.

La commission a mieux encadré la prorogation des délais de dépôt des agendas d'accessibilité programmée. Tel que modifié, ce texte permet de progresser vers l'accessibilité universelle, et je souhaite qu'il soit adopté. (Applaudissements)

Mme Aline Archimbaud .  - Merci aux co-rapporteurs pour leur écoute attentive et leur recherche de solutions concrètes. Je salue Mme Campion, qui s'implique dans ce dossier depuis des années.

Selon un sondage Ifop du début de l'année, près d'une personne handicapée sur deux estime que sa situation ne s'est pas améliorée depuis dix ans - une sur quatre qu'elle s'est dégradée... Face au retard pris dans la mise en oeuvre de la loi de 2005, nous avons accepté, malgré nos réserves, le recours à l'ordonnance.

Plusieurs points nous semblent peu conformes à l'habilitation : ainsi, la possibilité d'une quatrième dérogation pour les copropriétés. La mise en accessibilité ne doit pas être perçue comme une contrainte, le principe des agendas est d'étaler les dépenses ; la Caisse des dépôts et consignations propose aussi des prêts. N'oublions pas non plus que l'accessibilité est un outil économique pour les commerces et notamment pour les hôtels.

Ensuite, l'ordonnance aurait dû mettre l'accent sur l'accessibilité des établissements scolaires : un quart des écoles construites après 2008 sont inaccessibles. Nous proposerons d'y remédier en proposant la mise en accessibilité des rez-de-chaussée dès cette année.

Enfin, comment traiter de l'accessibilité en faisant l'impasse sur les transports ? Nous proposons de poser le principe d'une substitution lorsque des équipements ne sont pas accessibles.

Quarante ans après la première loi sur le handicap, dix ans après la loi de 2005 et neuf ans après la convention de l'ONU sur le handicap, nous ne pouvons plus reculer.

Le groupe écologiste reste donc réservé, le cours des débats déterminera notre vote.

M. Dominique Watrin .  - Alors que la loi de 2005 faisait obligation de rendre accessibles tous les lieux recevant du public avant 2015, les moyens ont fait défaut. Il n'est pas acceptable qu'une décision des représentants du peuple ne soit pas appliquée. L'État a reporté cette charge sur les collectivités territoriales, alors même que les dotations auront baissé de 27 milliards d'euros en trois ans.

Les associations nous demandent de rejeter la ratification de cette ordonnance, comment rester insensibles à leurs arguments ? Ce texte est un renoncement de plus de ce Gouvernement à agir pour les personnes vulnérables. Du CNCPH au collectif « Pour une France accessible », tous dénoncent cette ordonnance qui met à mal les objectifs initiaux de 2005. Les quelques retouches apportées par la commission n'y changent rien.

Les dérogations sont trop nombreuses. Pour les cabinets libéraux situés dans des immeubles d'habitation, l'assemblée générale des copropriétaires pourra refuser la mise en accessibilité sur simple décision motivée. Des délais sont accordés aux propriétaires de plusieurs établissements. Même les délais de dépôt des agendas d'accessibilité programmée pourront être allongés en cas de difficulté technique ou financière particulière - on ne peut être plus vague.

Le droit au transport public est remis en cause pour les enfants handicapés scolarisés.

Non, ce texte n'engagera aucune dynamique et ne favorisera pas une prise de conscience, au contraire. Il envoie un bien mauvais signal aux décideurs. Après deux lois inappliquées en quarante ans, je crains que nous n'atteignions pas le niveau requis d'accessibilité en 2025.

Le groupe CRC refusera de ratifier cette ordonnance en l'état. (Applaudissements sur les bancs CRC)

Mme Hermeline Malherbe .  - Je n'ai pas la même interprétation du texte que M. Watrin. Depuis plusieurs années, la situation des personnes handicapées est au coeur des préoccupations de l'État et des collectivités territoriales. Dix ans après la loi de 2005, qui a marqué de grands progrès, les difficultés sont manifestes en ce qui concerne la mise en accessibilité. Ce texte donne à cette politique une nouvelle impulsion. En amont, le Gouvernement a associé les associations à la réflexion, pour concilier les attentes des personnes handicapées et les difficultés techniques et pratiques rencontrées par les collectivités territoriales et les établissements recevant du public.

L'ordonnance prévoit ainsi des agendas d'accessibilité programmée, prévision financière, technique et calendaire des travaux d'accessibilité, en lien avec la Commission consultative d'évaluation des normes. En Pyrénées-Orientales, nous expérimentons les ambassadeurs de l'accessibilité, pour aider tous les acteurs concernés.

Personne ne doute de la volonté de chacun de rendre les bâtiments accessibles aux personnes handicapées, mais les difficultés sont réelles. Ne refaisons pas les erreurs d'il y a dix ans, l'absence d'accompagnement et d'anticipation a été la grande faiblesse de la loi de 2005. La création du fonds d'accompagnement est bienvenue.

Cette ordonnance fixe le contenu, les modalités de dépôt en préfecture et les règles applicables aux agendas d'accessibilité programmée et au schéma directeur de l'accessibilité.

En vertu de l'article 9, les collectivités territoriales de moins de 500 habitants seront dispensées d'élaborer un PAVE. C'est un gage de simplification et d'efficacité, à mon sens. Le même souci d'améliorer le quotidien des personnes handicapées se retrouve dans l'autorisation donnée à la circulation des personnes handicapées avec leurs chiens d'aveugle dans les transports et les lieux publics, la formation à l'accueil des personnes handicapées ou encore la création de places de stationnement pour personnes handicapées au sein des copropriétés.

Je salue le travail de Mme Campion et de M. Mouiller.

M. le président.  - Veuillez conclure.

Mme Hermeline Malherbe.  - Le groupe RDSE a présenté un amendement important animé par la volonté de faciliter la vie des personnes handicapées et de changer le regard de la société sur le handicap. (Applaudissements sur les bancs RDSE et socialistes)

M. Olivier Cigolotti .  - Je veux rappeler le profond accord du groupe UDI-UC avec la loi de 2015.

La mise en accessibilité des établissements a été repoussée de 2018 à 2024 en 2014, suscitant de vives réactions des associations de personnes handicapées. Nous pouvons les comprendre. Cependant, elles doivent prendre conscience des difficultés des collectivités territoriales, de l'importance de la stabilité des normes.

Les collectivités ont fait preuve de réalisme : chacune a fait ce qu'elle pouvait avec les moyens dont elle disposait. Distinguons les métropoles des petites communes. Sénateur d'un département rural, la Haute-Loire, je présenterai un amendement plein de bon sens à ce sujet.

L'ordonnance, qu'on nous demande de ratifier, simplifie les normes tout en visant l'accessibilité universelle. En revanche, elle est dépourvue de tout volet financier -ce qui posera de grandes difficultés alors que les dotations aux collectivités territoriales diminuent.

Un dernier point important : le transport scolaire. Des maisons départementales de l'autonomie devront accompagner au maximum les parents des élèves scolarisés à temps partiel, il est dommage que la commission des affaires sociales ait renoncé à l'amendement qu'elle envisageait à ce sujet.

L'accessibilité dépasse le handicap. Dans une société vieillissante, nous devons faire en sorte que chacun vive dans un environnement qui lui est favorable. Le Sénat, représentant les collectivités territoriales, sait la nécessité de rendre accessibles les équipements municipaux, pour le bien de tous, et de mener des politiques locales et nationales volontaristes.

Pour tenir les engagements, il faudra de la concertation et, surtout, des moyens. Le groupe UDI-UC votera ce texte. (Applaudissements au centre et à droite, ainsi que sur certains bancs socialistes)

Mme Michelle Meunier .  - La loi de 2005, tant attendue, est une loi utile et juste. Malheureusement, elle n'a pas été suffisamment portée politiquement. Les moyens financiers ont manqué pour qu'elle puisse être mise en oeuvre complètement.

Combien de stades, de commerces, d'hôtels, de restaurants, de salles de spectacle, de locaux associatifs, de préfectures, de caisses d'allocations familiales, de moyens de transports ou d'éléments de voirie sont encore inaccessibles aujourd'hui ?

En 2011, la majorité de droite sentant que les délais fixés dans la loi de 2005 ne seraient pas tenus, a voulu mettre à bas l'accessibilité par la plume de M. Doligé. Heureusement, sa proposition n'a jamais franchi les portes du Palais du Luxembourg.

Que ressort-il du rapport de Mme Campion ? Des avancées, soit ; cependant, 15 % seulement des travaux d'accessibilité ont été réalisés. Plutôt que de théoriser notre impuissance collective ou de renoncer, notre collègue a imaginé les agendas d'accessibilité programmée pour réussir coûte que coûte le grand chantier de l'accessibilité.

Parce qu'il s'agit d'un enjeu démocratique et de société, il fallait agir. Nous y sommes : l'adoption de la loi du 10 juillet 2014 a été suivie de près par la publication de l'ordonnance le 26 septembre 2014. « Ce n'est pas un recul mais un choix pragmatique », comme l'a dit la ministre, « dès lors qu'il n'est pas possible de faire en deux ans et demi ce que l'on n'a pu faire en neuf ans ». D'où l'instauration des agendas d'accessibilité programmée à l'article premier, des sanctions sont prévues en cas de non-dépôt ou de non-respect et alimenteront un fonds national. Le deuxième chapitre du projet de loi détaille la mise en accessibilité dans les transports, le troisième comporte des mesures variées dont celle sur les chiens d'aveugles.

Consensuel, ce projet de loi a été amélioré par la commission des affaires sociales. Issu d'un long travail de concertation, il répond à des demandes légitimes des associations. Bien sûr, on peut vouloir aller plus vite, plus loin, plus fort. Ce serait risquer de tout perdre, de manquer notre objectif. Je le redis : ce texte pragmatique renforce les garanties avec, entre autres, l'obligation pour les assemblées générales de copropriétés de motiver un refus d'effectuer les travaux d'accessibilité. Je n'oublie pas, alors que nous venons d'instituer le service civique universel, son élargissement pour les personnes handicapées jusqu'à trente ans, conformément à votre voeu, madame Campion.

Soit, ce texte n'aurait jamais dû exister. Certains voudraient reculer. Pourquoi ? D'autres aimeraient aller plus vite. Comment ? D'autres demandent un peu plus de temps, nous sommes déjà en 2015. Le groupe socialiste vous invite à voter ce texte, enrichi par le Sénat. (Applaudissements sur les bancs socialistes et RDSE, ainsi que sur plusieurs bancs UDI-UC)

Mme Isabelle Debré .  - (Vifs applaudissements sur les bancs des Républicains) La loi du 11 février 2005, voulue par le président Chirac, (« Très bien ! » et Applaudissements sur les mêmes bancs) a consacré le principe d'une société accessible à tous, avec ou sans handicap, et à tous les âges de la vie. Dix ans après, il s'agit de poursuivre le travail engagé sur la mise aux normes des établissements de la voirie, des transports. Certes, nous étions optimistes en 2005. Cependant, ne fallait-il pas, en fixant un délai ambitieux, se montrer volontaristes si nous voulions aboutir après l'échec de la loi de 1995 ? Nul ne conteste que, depuis, le regard de la société sur le handicap a changé.

Si des retards sont observés, il faut distinguer entre ceux qui sont imputables à la mauvaise volonté ou à des difficultés financières ou techniques.

Les agendas d'accessibilité programmée, que nous appelions de nos voeux depuis 2012, sont nécessaires de même que la simplification des normes parfois inapplicables -nous le savons tous en tant qu'élus locaux- ; parfois, le bon sens doit prévaloir. Je salue le travail des co-rapporteurs, ils ont dû trouver un délicat équilibre entre des exigences contradictoires.

Sans vouloir établir de hiérarchie entre des chantiers qui sont tous prioritaires, je veux souligner l'importance de l'accessibilité au savoir (On renchérit à droite) La scolarisation en milieu ordinaire a progressé d'un quart en 2010. Un rapport de Jacques Blanc soulignait pourtant que 5 000 enfants n'étaient toujours pas scolarisés, de nombreux parents attendent de l'aide. De grandes disparités existent dans la durée de scolarisation entre les départements. Manque toutefois un outil statistique sur ces enfants scolarisables et non scolarisés.

Peu scolarisées au collège et au lycée, ces personnes handicapées le sont encore moins à l'université. Nous avons si peu progressé sur ce terrain. Le taux de chômage est deux fois plus élevé dans la population handicapée que dans le reste de la population malgré leur détermination à trouver un emploi. Créons plus de postes adaptés.

Si nous, Les Républicains regrettons le recours à la procédure accélérée, nous voterons ce texte qui marque une nouvelle étape sur le chemin de l'accessibilité ! (Applaudissements à droite)

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État.  - La loi de 2005 est appliquée. Fin 2014, a été organisé la Conférence nationale sur le handicap. Le Gouvernement prépare un rapport sur l'ensemble des politiques sur le handicap qui sera présenté au CNCPH en juillet et transmis au Parlement ensuite.

Les moyens financiers des pouvoirs publics ? Ils représentent chaque année 43 milliards d'euros. Oui, les associations accomplissent un formidable travail mais avec de l'argent public, ce qui est moins connu. La scolarisation des enfants handicapés est une priorité de mon ministère et de celui de l'éducation nationale. D'où la titularisation des auxiliaires de vie scolaire pour les 250 000 enfants handicapés scolarisés actuellement et le transfert des classes des établissements spécialisés dans les écoles, collèges et lycées ordinaires. Vous disposez de tous ces éléments dans le rapport qui vous sera adressé en juillet. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

L'article premier est adopté.

ARTICLE 2

M. le président.  - Amendement n°10 rectifié ter, présenté par MM. Raison, Cornu, Vaspart, Perrin, de Nicolaÿ, B. Fournier et Joyandet, Mme Duchêne, M. Grosperrin, Mme Deromedi, MM. Leleux, Chasseing et Chaize, Mmes Lamure et Bouchart et MM. Gremillet et Husson.

Alinéas 2 et 3

Supprimer ces alinéas.

M. Michel Raison.  - J'ai été fier de voter la loi de 2005 car la France accusait beaucoup de retard sur la politique du handicap. Cela dit, je voterai cette loi d'adaptation.

Dans un élan de générosité, notre commission a étendu à la formation professionnelle continue l'obligation de prévoir l'acquisition de connaissances sur l'accueil et l'accompagnement des personnes handicapées pour les professionnels en contact avec la clientèle.

C'est mettre en cause l'équilibre issu de la concertation, créer une nouvelle norme quand notre pays étouffe sous les normes. Pour être d'origine agricole, je sais comment on ponctionne dans les fonds de la formation continue...

M. Roland Courteau.  - Oh là là !

M. Michel Raison.  - Je ne doute pas que le Sénat votera cet amendement de bon sens.

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié, présenté par Mmes Imbert et Gruny, MM. Cornu, Vaspart, D. Laurent, Gilles, Morisset, Commeinhes et Frassa, Mmes Morhet-Richaud et Deromedi, MM. Lefèvre, Mandelli, Pierre et Falco et Mme Bouchart.

Alinéa 3

Supprimer les mots :

à l'accueil et

Mme Claire-Lise Campion, co-rapporteure.  - Nous avons institué une obligation de moyens pour les employeurs, une pour les salariés. Contrairement à ce qu'affirme M. Raison, ce n'est en rien contradictoire avec les conclusions de la concertation, je vous renvoie à la page 50 du rapport sur l'ajustement normatif. La formation à l'accueil, connaître les gestes de premier secours, savoir manipuler un défibrillateur, semblent évidents, pourquoi en irait-il différemment pour l'accueil des personnes malvoyantes ou en fauteuil ? Avis défavorable.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État.  - Comment vous dire ? Accueillir des personnes en fauteuil roulant, passe encore. Des personnes malvoyantes ou malentendantes, cela se complique. Et plus encore, pour les personnes atteintes de troubles psychiques ou cognitifs, qui ne sont pas forcément apparents au premier abord ; il peut se produire des malentendus, voire des altercations. C'est la ministre, mais aussi le médecin qui vous parle. Or les médecins eux-mêmes n'y sont pas formés. La société inclusive, ce n'est pas installer des rampes d'accès, c'est changer véritablement de regard sur le handicap.

M. René-Paul Savary.  - Je suis également médecin. On connait bien les difficultés mais il faut savoir raison garder. L'accueil est essentiel dans la restauration, par exemple, que les personnes soient handicapées ou non. La simplification est attendue, n'en rajoutons pas quand les contraintes s'accumulent et que l'assiette fiscale est indigeste : taxe sur la bière, paiement de l'impôt sur les sociétés supplémentaire pour 2013, réforme des SDIS, et j'en passe... (Protestations sur les bancs socialistes) Les Français en ont assez ! C'est pourquoi je me suis abstenu sur le vote de ces propositions en commission.

M. Daniel Chasseing.  - Je voterai ces amendements. Ne parlons pas de défibrillateurs, sans quoi il faudra en installer partout. Quand on fréquente les restaurants, les villages de vacances, on le voit bien : les personnes handicapées sont parfaitement accueillies. Les PME sont totalement découragées et on leur demande une formation supplémentaire à l'accueil des personnes handicapées...

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales.  - J'entends les propos de mes collègues du groupe des Républicains.

Mme Catherine Génisson.  - Tout le monde est républicain !

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales.  - Soit. Pousser un fauteuil, une poussette pour enfant handicapé, cela est lourd. Pour avoir adopté un enfant handicapé, je me suis souvent mis en colère contre la lenteur des travaux.

Chers collègues, relisez le texte de la loi : il s'agit d'une simple proposition de formation, non d'une obligation. Laissez aux employeurs le choix ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Michel Raison.  - Je maintiens mon amendement. Même si je partage beaucoup de choses avec le président Milon surtout sur le handicap, pourquoi encombrer la loi avec une formation non obligatoire comme on veut aujourd'hui décider de tout, y compris du nombre de serviettes en papier et d'assiettes en plastique qu'on pourra utiliser en 2020 !

M. Philippe Mouiller, co-rapporteur.  - J'ai travaillé sur ce texte avec un regard neuf. Je vous l'assure, la concertation a été large, un équilibre a été trouvé. Ne le bouleversons pas, chacun des porte-parole des groupes politiques vient de dire qu'il le soutenait à la tribune.

L'amendement n°10 rectifié ter n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°1 rectifié.

L'article 2 est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL

M. le président.  - Amendement n°5 rectifié bis, présenté par MM. Pozzo di Borgo, Détraigne, Gabouty, L. Hervé, Tandonnet et Cigolotti.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le sixième alinéa de l'article L. 2143-3 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° Après les mots : « la commission communale », sont insérés les mots : « et la commission intercommunale » ;

2° Le mot : « tient » est remplacé par le mot : « tiennent » ;

3° Après le mot : « communal », sont insérés les mots : « ou intercommunal ».

M. Jean-Marc Gabouty.  - Amendement de précision. Les commissions intercommunales pour l'accessibilité doivent être soumises aux mêmes contraintes que leurs homologues communales - qui n'existent pas partout, surtout en milieu rural. Elles doivent tenir à jour le répertoire des établissements recevant du public accessibles ou ayant déposé un agenda d'accessibilité programmée.

M. Philippe Mouiller, co-rapporteur.  - Avis de sagesse. Dans le droit actuel, les commissions intercommunales peuvent tenir le rôle des commissions communales quand les compétences voirie et aménagement ont été transférées.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État.  - Rien ne s'oppose à ce que les commissions intercommunales tiennent un tel registre. Faut-il l'imposer ? Cette exigence m'étonne, venant de la Haute Assemblée... Sagesse.

L'amendement n°5 rectifié bis est adopté et devient un article additionnel.

ARTICLE 3

M. Dominique Watrin.  - Nous sommes étonnés que notre amendement n°18 ait été déclaré irrecevable et non celui qui impose la mise en accessibilité du rez-de-chaussée de tous les établissements scolaires et universitaires... Il y a là un certain arbitraire.

Dans cet amendement, nous appelions à la mise en accessibilité de tous les points d'arrêt, sauf impossibilité technique avérée, et une stratégie en deux temps. Les points prioritaires immédiatement, les autres d'ici trois ans pour tenir compte de certaines difficultés. Nous continuons à déplorer le manque de soutien financier de l'État.

L'amendement n°7 rectifié n'est pas défendu.

Le sous-amendement n°22 devient sans objet.

M. le président.  - Amendement identique n°9 rectifié bis, présenté par M. Mézard et les membres du groupe du RDSE.

Après l'alinéa 1

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Le premier alinéa de l'article L. 111 - 7 - 1 est complété par les mots et une phrase ainsi rédigée :

« , ainsi qu'aux logements locatifs sociaux construits et gérés par les organismes et les sociétés définis aux articles L. 365 - 2, L. 411 - 2 et L. 481 - 1 du code de la construction et de l'habitation. Ils précisent également les modalités selon lesquelles ces organismes sont chargés de la mise en accessibilité de ces logements pour leur occupation par des personnes handicapées. » ;

Mme Françoise Laborde.  - L'ordonnance introduit la possibilité, dans le cas d'un logement vendu en l'état futur d'achèvement, que le promoteur fasse réaliser des travaux modificatifs à la demande de l'acquéreur, sous réserve que le logement respecte des critères minimaux d'accessibilité permettant son adaptation ultérieure par des travaux simples. Ainsi, la définition de caractéristiques initiales d'accessibilité du logement en vue de garantir son adaptabilité à tous types d'habitants, valides ou handicapés, a été retenue pour ce qui concerne les logements vendus en l'état futur d'achèvement.

L'amendement applique ce principe aux logements locatifs sociaux lorsqu'ils sont construits directement par le bailleur social, afin que l'on n'ait pas recours à la Vefa pour profiter de ces dispositions. En contrepartie de cette nouvelle faculté, les bailleurs sociaux contribueront au financement et à la réalisation de travaux de mise en accessibilité de ces logements à chaque fois qu'un de ces logements est attribué à une personne handicapée. 

M. le président.  - Amendement identique n°11 rectifié quater, présenté par Mme Estrosi Sassone, M. Gremillet, Mmes Duchêne et Cayeux, MM. P. Leroy, Commeinhes, Laufoaulu et Lenoir, Mme Morhet-Richaud, MM. J.P. Fournier et Leleux, Mme Lamure, MM. D. Laurent et Falco, Mmes di Folco et Micouleau, MM. César, Saugey, Chaize, Pierre et A. Marc, Mme Deromedi, MM. Savin et Mandelli, Mme Deroche et MM. Pinton, Vogel, B. Fournier, Genest et G. Bailly.

M. Daniel Gremillet.  - Le logement doit être rendu accessible dès sa construction, ce qui réduira les coûts et permettra aux personnes intéressées de le visiter. Et sous-amendement identique n°23 à l'amendement n° 9 rectifié de M. Mézard et les membres du groupe du RDSE, présenté par le Gouvernement, et sous-amendement identique n°24 à l'amendement n° 11 rectifié de Mme Estrosi Sassone, présenté par le Gouvernement.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État.  - L'adaptation du logement ne doit pas être à la charge de la personne handicapée, mais du bailleur dans un délai raisonnable. Il s'agit de donner des garanties aux personnes handicapées demandeuses de logements sociaux.

Le Gouvernement proposera peut-être à l'Assemblée nationale d'exclure les logements en rez-de-chaussée, rares dans le logement social et déjà réservés en pratique à des personnes handicapées ou âgées. Les rez-de-chaussée doivent être d'emblée accessibles.

Mme Claire-Lise Campion, co-rapporteure.  - L'ordonnance a prévu des aménagements pour les logements en Vefa, lorsque les acquéreurs souhaitent procéder à des aménagements. Cela profitera aux personnes handicapées comme aux bailleurs sociaux.

Les préoccupations exprimées sont cependant légitimes. Les sous-amendements du Gouvernement conservent la souplesse proposée, tout en fixant clairement les obligations des bailleurs sociaux. Avis défavorable aux amendements sous-amendés.

Mme Isabelle Debré.  - Que signifie un « délai raisonnable » ? Cette rédaction ouvrira la voie à des contentieux. Je ne peux voter un amendement dont je ne comprends pas la teneur juridique.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État.  - Le délai sera précisé par décret, la durée ne peut être fixée par la loi. Ce sera entre deux et quatre mois.

Mme Isabelle Debré.  - Il faut le préciser dans la loi.

M. Jean-Marc Gabouty.  - Attention à ne pas confondre mise en accessibilité et logement adapté. Il faudrait sans doute imposer l'ascenseur dès le troisième étage. Cela entrerait dans les coûts. En revanche, dans un studio ou un deux pièces, les équipements d'accessibilité occupent parfois une place disproportionnée alors qu'ils ne sont pas destinés à des personnes handicapées.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État.  - Que Mme Debré se rassure : l'article L. 11-7-1 prévoit déjà que les modalités d'application des obligations pesant sur les organismes HLM soient précisées par décret.

M. Jean-Noël Cardoux.  - Pourquoi ne pas écrire dans le sous-amendement que le délai sera fixé par décret ?

M. le président.  - C'est déjà écrit, comme vient de le dire Mme la ministre.

Les sous-amendements identiques nos23 et 24 sont adoptés.

Les amendements identiques nos9 rectifié bis et 11 rectifié quater, modifiés, sont adoptés.

M. le président.  - Amendement n°20 rectifié, présenté par M. Watrin et les membres du groupe CRC.

I. - Alinéas 2 et 3

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

1° Le deuxième alinéa du I de l'article L. 111-7-6 est supprimé ;

II. - Après l'alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Aux secondes phrases des III et IV de l'article L. 111-7-7, les mots : « et motivée de l'autorité administrative compétente » sont remplacés par les mots : « et avis conforme de la commission départementale consultative de la protection civile, de la sécurité et de l'accessibilité » ;

Mme Laurence Cohen.  - L'ordonnance substitue à l'avis conforme de la commission départementale un simple avis motivé, alors même que la plupart des acteurs concernés y siègent et que le bilan est très positif. Pourquoi rogner ses compétences ? En outre, en permettant que le délai soit allongé de trois ans, vous ouvrez une brèche où beaucoup vont s'engouffrer.

En soutenant notre amendement, vous montrerez votre attachement à une mise en accessibilité rapide.

M. le président.  - Amendement n°13, présenté par Mme Archimbaud, MM. Desessard et Placé, Mmes Aïchi, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Gattolin et Labbé.

I. - Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

« L'autorité administrative compétente peut autoriser, par décision expresse et motivée, la prorogation de ce délai pour une durée de six mois maximum dans le cas où des difficultés financières ou techniques liées à l'évaluation ou à la programmation des travaux l'imposent, ou dans le cas du rejet d'un premier agenda. » ;

II. - Alinéa 9

Rédiger ainsi cet alinéa :

« L'autorité administrative compétente peut autoriser, par décision expresse et motivée, la prorogation de ce délai pour une durée de six mois maximum dans le cas où des difficultés financières ou techniques liées à l'évaluation ou à la programmation des travaux l'imposent, ou dans le cas du rejet d'un premier agenda. » ;

Mme Aline Archimbaud.  - Les délais supplémentaires ne sauraient outrepasser six mois.

M. le président.  - Amendement n°8 rectifié bis, présenté par MM. Chasseing, G. Bailly, Bouchet, Chaize et Chatillon, Mme Deromedi, M. Doligé, Mme Lamure, MM. Laufoaulu, D. Laurent, Lefèvre, Lenoir et P. Leroy, Mme Morhet-Richaud et MM. Morisset, Nougein, Savary, Vasselle, Gremillet, Pierre, A. Marc et B. Fournier.

Alinéa 3

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Cette disposition s'applique en particulier aux hôtels-restaurants situés dans les zones rurales.

M. Daniel Chasseing.  - Les propriétaires d'hôtels-restaurants de campagne, peu rentables, ne pourront financer leur mise en accessibilité. Ils ne pourront pas non plus les vendre, ils devront fermer les portes de leur commerce. Faisons preuve d'un peu de pragmatisme et de bon sens au lieu de voter des lois inapplicables. Aménager une ou deux chambres au rez-de-chaussée de l'hôtel suffit pour accueillir les quelques personnes handicapées susceptibles de venir. De même pour les restaurants : pourquoi exiger une mise aux normes de la totalité de l'établissement ?

M. le président.  - Amendement n°15 rectifié, présenté par Mme Archimbaud, MM. Desessard et Placé, Mmes Aïchi, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Gattolin et Labbé.

Après l'alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Les secondes phrases du III et du IV de l'article L. 111 - 7 - 7 sont complétées par les mots : « et avis conforme de la commission départementale consultative de la protection civile, de la sécurité et de l'accessibilité » ;

Mme Aline Archimbaud.  - Requérir l'avis conforme de la commission consultative départementale de sécurité et d'accessibilité pour toute dérogation nous paraît important. Rétablissons-le.

M. Philippe Mouiller, co-rapporteur.  - Il n'est pas réaliste de faire peser sur tous les acteurs les mêmes contraintes. Le dispositif trouvé est équilibré ; avis défavorable à l'amendement n°20 rectifié. Même avis sur l'amendement n°13. La commission n'a maintenu le délai de trois ans qu'en cas de difficulté financière. C'est mieux qu'une logique du « tout ou rien ».

Avis défavorable à l'amendement n°15 rectifié, pour éviter trop de lourdeur, car de nombreux dossiers doivent être déposés d'ici septembre. Monsieur Chasseing, notre texte répond pleinement à vos demandes, puisque la commission et le préfet pourront apprécier la pertinence des travaux, y compris sur le plan économique. Retrait de l'amendement n°8 rectifié bis ?

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État.  - Les agendas d'accessibilité programmée étant devenus obligatoires, de nombreux dossiers devront être traités. Il est important que la CDCSA éclaire le préfet, mais dans un délai raisonnable. Avis défavorable à l'amendement n°20 rectifié. S'agissant des prorogations pour « difficultés techniques », on peut entendre celles qui sont liées à une procédure d'appel d'offres. Un délai de six mois est adapté. En revanche, des difficultés financières ne sont pas résolues en six mois, d'où le délai raisonnable de trois ans. Remarquez que nous faisons mieux que la loi de 2005 : l'exception prévue pour raisons financières était illimitée.

Mme Isabelle Debré.  - Délai raisonnable et fixé par la loi ! (Sourires)

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État.  - L'amendement de M. Chasseing est déjà satisfait car, en zone rurale comme ailleurs, les difficultés financières des établissements sont prises en compte. Je rappelle d'ailleurs que les hôtels-restaurants ont bénéficié de mesures de simplification prises par le Gouvernement : désormais, il suffit qu'un seul des deux côtés du lit soit accessible à une personne handicapée. Les hôtels jusqu'à trois étoiles et qui n'ont pas plus de trois étages n'ont plus à installer un ascenseur s'ils disposent de chambres au rez-de-chaussée. Tout cela figure dans l'arrêté du 18 décembre 2014. Rassurez les gestionnaires de petits hôtels-restaurants !

Avis défavorable aux amendements nos20 rectifié, 13 et 15 rectifié ; retrait de l'amendement n°8 rectifié bis.

M. Daniel Chasseing.  - Il y a aussi les villages de vacances. Certains gestionnaires n'y arriveront pas d'ici trois ans. Il faudra être indulgent avec ceux qui sont de bonne foi. Rassuré, je retire mon amendement.

L'amendement n°8 rectifié est retiré.

L'amendement n°20 rectifié n'est pas adopté, non plus que les amendements nos13 et 15 rectifié.

M. le président.  - Amendement n°14 rectifié, présenté par Mme Archimbaud, MM. Desessard et Placé, Mmes Aïchi, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Gattolin et Labbé.

Après l'alinéa 3

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Le I de l'article L. 111-7-6 du code de la construction et de l'habitation est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les établissements scolaires et d'enseignement supérieur rendent accessibles leur rez-de-chaussée dès la fin de la première année de l'agenda d'accessibilité programmée. » ;

Mme Aline Archimbaud.  - Les établissements scolaires et universitaires sont encore très peu accessibles aux personnes handicapées, alors que la loi de 2005 prévoyait que l'État donne l'exemple. D'où cet amendement qui impose la mise en accessibilité des rez-de-chaussée dès la première année de l'agenda d'accessibilité programmée.

Mme Claire-Lise Campion, co-rapporteure.  - Cela paraît bien rigide. Si cet amendement était adopté, un département devrait engager uniformément des travaux dans tous les collèges, au lieu de se concentrer dans un premier temps sur des collèges prioritaires. Cette proposition peut donc s'avérer contre-productive. Retrait ?

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État.  - Fin 2014, le rapport de l'observatoire national de la sécurité et de l'accessibilité des établissements scolaires considère que 25 % des établissements scolaires construits depuis 2008 ne sont pas accessibles. Il exprime, il est vrai, un ressenti plus qu'une réalité juridique. Cela révèle que les commissions départementales de l'accessibilité ne se montrent pas suffisamment attentives dans l'examen des permis de construire. C'est cela, la réalité du quotidien.

Le président de la République a annoncé que tous les établissements d'enseignement supérieur devront se doter d'ici trois ans d'un schéma d'accessibilité.

Cet amendement impose aux collectivités territoriales l'ordre de leurs travaux, c'est contraire à l'esprit des agendas d'accessibilité programmée. Avis défavorable.

M. Alain Néri.  - Je suis très sensible à cet amendement d'appel au bon sens. Quand je vois qu'on prévoit d'installer dans les écoles des ascenseurs qui vont coûter cher, alors qu'il suffirait d'affecter les salles du rez-de-chaussée aux classes où il pourrait y avoir un élève handicapé... La priorité, c'est d'aménager le rez-de-chaussée !

L'accessibilité, ce ne sont pas seulement des mesures matérielles. Que les camarades apportent leur aide, leur solidarité, aux élèves handicapés, ce n'est pas moins important.

Mme Archimbaud ayant été entendue, elle retirera sans doute son amendement ? (Sourires)

Mme Isabelle Debré.  - C'est un très bel amendement d'appel. On a fait beaucoup pour accueillir les élèves handicapés à l'école primaire, moins au collège et au lycée, et je ne parle pas des universités. L'accessibilité, ce n'est pas seulement celle aux locaux ; c'est aussi celle du savoir, à l'instruction et à la connaissance. L'État doit respecter les obligations qu'il impose aux autres.

L'amendement est peut-être trop précis. Il faudrait pouvoir mesurer l'inégalité territoriale, actuellement dramatique. Si l'amendement est maintenu, je ferai le choix d'une abstention très positive.

Mme Aline Archimbaud.  - Pensez que 51 % des personnes handicapées n'ont que le BEPC, contre 31 % dans l'ensemble de la population. C'est inadmissible ! Les obstacles sont aussi dans les têtes. Combien de temps va-t-on attendre ?

Je veux bien retirer mon amendement si personne ne compte le voter... Mais je veux témoigner, en tant qu'ancienne enseignante, que la présence d'un enfant handicapé est toujours une grande richesse. Je déplore qu'on en parle comme d'une contrainte.

L'amendement n°14 rectifié est retiré.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État.  - La priorité des maires est de rendre les écoles accessibles. Les méthodes diffèrent : à Nantes, on a choisi de mettre aux normes d'accessibilité une école par quartier, plutôt que de rendre accessibles tous les rez-de-chaussée.

M. le président.  - Certains collègues s'inquiètent de l'heure de clôture de nos travaux. Je leur rappelle que nous devons impérativement terminer cette nuit l'examen de ce texte.

Amendement n°4 rectifié, présenté par M. Cigolotti.

Après l'alinéa 3

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Le II de l'article L. 111-7-7 est ainsi rédigé :

« II.  -  La durée d'exécution d'un agenda d'accessibilité programmée peut porter sur deux périodes de trois ans maximum chacune, sauf si l'ampleur des travaux ne le justifie pas, lorsqu'il concerne un établissement susceptible d'accueillir un public excédant un seuil fixé par le règlement de sécurité. » ;

M. Olivier Cigolotti.  - Cet amendement supprime la possibilité offerte par l'ordonnance de doubler la durée d'exécution d'un agenda d'accessibilité programmée lorsqu'un même propriétaire ou exploitant met en accessibilité un patrimoine constitué de plusieurs établissements ou installations En effet, cette dérogation pourrait bénéficier à nombre d'enseignes ou de chaines sans guère de justification.

M. Philippe Mouiller, co-rapporteur.  - L'allongement ne pourra être accordé que si des éléments techniques le justifient et après avis du préfet. Retrait ?

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État.  - Pensez à une petite commune qui aurait six ou huit établissements recevant du public. Les rendre tous accessibles en trois ans, c'est financièrement difficile. En outre, changer les règles du jeu à trois mois de la date de dépôt des agendas d'accessibilité programmée créerait de l'insécurité juridique. Retrait ?

M. Olivier Cigolotti.  - Soit.

L'amendement n°4 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°3 rectifié bis, présenté par MM. Cigolotti et Gabouty, Mme Gatel et MM. Guerriau, Luche et Roche.

Après l'alinéa 7

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° La première phrase du premier alinéa du I de l'article L. 1112-2-1 est ainsi rédigée :

« Un schéma directeur d'accessibilité-agenda d'accessibilité programmée est élaboré. » ;

M. Olivier Cigolotti.  - Nous proposons de rendre obligatoire, et non facultative, l'élaboration des schémas directeurs d'accessibilité-agendas d'accessibilité programmée.

M. le président.  - Amendement n°16 rectifié, présenté par Mme Archimbaud, MM. Desessard et Placé, Mmes Aïchi, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Gattolin et Labbé.

Après l'alinéa 7

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

...° Le I de l'article L. 1112-2-1 est ainsi modifié :

1° À la première phrase du premier alinéa, le mot : « peut » est remplacé par le mot : « doit » ;

2° À la première phrase du dernier alinéa, le mot : « peut » est remplacé par le mot : « doit » ;

Mme Aline Archimbaud.  - Même objet : sauf à régresser, il faut rendre le dépôt du schéma obligatoire. C'est une façon de penser l'avenir.

M. le président.  - Amendement n°17 rectifié, présenté par Mme Archimbaud, MM. Desessard et Placé, Mmes Aïchi, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Gattolin et Labbé.

Après l'alinéa 7

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

...° Le I de l'article L. 1112-2-1 est ainsi modifié :

...) À la dernière phrase du premier alinéa, les mots : « les points d'arrêt identifiés comme prioritaires, » sont supprimés ;

...) Au deuxième alinéa, le mot : « autres » et les mots : « identifiés comme prioritaires » sont supprimés ;

Mme Aline Archimbaud.  - L'ordonnance ne prévoit des solutions de substitution que pour les points d'arrêts jugés « prioritaires ». Ce n'est pas une bonne chose pour l'égalité des territoires.

M. le président.  - Amendement n°21 rectifié, présenté par M. Watrin et les membres du groupe CRC.

Alinéas 8 et 9

Remplacer ces alinéas par huit alinéas ainsi rédigés :

...° L'article L. 1112-2-1 est ainsi modifié :

...) Le I est ainsi modifié :

- à la première phrase du premier alinéa, le mot : « peut » est remplacé par le mot : « doit » ;

- à la dernière phrase du premier alinéa, les mots : « les points d'arrêts identifiés comme prioritaires, » sont supprimés ;

- au deuxième alinéa, le mot : « autres » et les mots : « identifiés comme prioritaires » sont supprimés ;

...) Le III est ainsi modifié :

- à la première phrase du premier alinéa, après le mot : « avis », il est inséré le mot : « conforme » ;

- au dernier alinéa, le mot : « peut » est remplacé par le mot : « doit ».

M. Dominique Watrin.  - Cet amendement rétablit le dépôt obligatoire des agendas d'accessibilité programmée par les autorités organisatrices de transport et, donc, les sanctions en cas de non-respect. Nous sommes d'autant plus sensibles à l'accessibilité des transports que l'ordonnance la limite aux arrêts prioritaires.

M. Philippe Mouiller, co-rapporteur.  - La loi du 28 juillet 2014 a rendu facultatif le dépôt d'agendas d'accessibilité programmée pour les autorités organisatrices de transport car elles ont pour obligation de déposer un schéma directeur d'accessibilité. À l'heure actuelle, les trois quarts du territoire sont déjà couverts.

J'ajoute que nous sommes à quatre mois du terme de dépôt des agendas d'accessibilité programmée. Quid des AOT qui ont fait le choix des SDA ? Avis défavorable aux amendements nos3 rectifié bis, 16 rectifié et 21 rectifié.

L'amendement n°17 rectifié supprime la référence à des arrêts prioritaires devant être mis en accessibilité. Nous sommes là face à des enjeux financiers lourds : 12 milliards d'euros pour l'ensemble du territoire national. D'où un phasage : d'abord les arrêts prioritaires, puis les arrêts secondaires. C'était un point essentiel de la concertation. Des solutions de substitution seront proposées pour les arrêts secondaires ferroviaires et un sort particulier est fait au transport scolaire. Avis défavorable.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État.  - Mêmes avis. Soyons réalistes, un agenda d'accessibilité programmée ne s'écrit pas en trois mois - d'autant que les conseils départementaux viennent de s'installer et que les conseils régionaux auront d'autres préoccupations les mois prochains...

M. Dominique Watrin.  - Le Parlement a son mot à dire, tout de même. Sans quoi, à quoi sert ce débat ? Notre amendement n°21 rectifié marque une différence : un agenda d'accessibilité programmée ne représente pas la même contrainte qu'un schéma directeur d'accessibilité. Il envoie un bon signal et je ne suis pas certain que les associations aient donné leur aval à cette transformation effectuée dans l'ordonnance.

Mme Aline Archimbaud.  - Personne n'est contre le phasage, il s'agissait de poser un principe dans la loi - d'autant qu'aucune sanction financière n'est prévue pour les transports.

L'amendement n°3 rectifié bis n'est pas adopté, non plus que les amendements nos16 rectifié, 17 rectifié et 21 rectifié.

M. le président.  - Amendement n°26, présenté par Mme Campion, au nom de la commission.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  Au second alinéa de l'article 2-8 du code de procédure pénale, la référence : « à l'article L. 111-7 » est remplacée par les références : « aux articles L. 111-7-1, L. 111-7-2 et L. 111-7-3 ».

L'amendement de coordination n°26, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 3, modifié, est adopté.

ARTICLE 4

M. le président.  - Amendement n°19 rectifié, présenté par M. Watrin et les membres du groupe CRC.

Rédiger ainsi cet article :

L'article L. 111-7-3 du code de la construction et de l'habitation est ainsi modifié :

1° À la première phrase du premier alinéa, les mots : « recevant du public situés dans un cadre bâti existant » sont remplacés par les mots : « existants recevant du public » ;

2° Au troisième alinéa, les mots : « dans un cadre bâti existant » sont remplacés par le mot : « existants » ;

3° Le quatrième alinéa est ainsi modifié :

a) À la première phrase, les mots : « situés dans un cadre bâti existant » sont supprimés et les mots : « disproportion manifeste entre les améliorations apportées par la mise en oeuvre des prescriptions techniques d'accessibilité, d'une part, et leurs coûts, leurs effets sur l'usage du bâtiment et de ses abords ou la viabilité de l'exploitation de l'établissement, d'autre part » sont remplacés par les mots : « disproportion manifeste entre les améliorations apportées et leurs conséquences » ;

b) La seconde phrase est supprimée ;

4° À la première phrase du cinquième alinéa, après le mot : « avis », est inséré le mot : « conforme » ;

5° Le sixième alinéa est ainsi rédigé :

« Les établissements recevant du public situés dans un immeuble collectif à usage principal d'habitation existant peuvent solliciter des dérogations à l'autorité administrative sur justification d'un ou de plusieurs motifs exposés à l'article L. 111-7-3. »

Mme Laurence Cohen.  - Rétablissons les objectifs initiaux de la loi de 2005, le collectif « Pour une France accessible » a raison d'y insister. Lors des travaux « Regards croisés », il y avait eu un accord sur la définition de la disproportion manifeste. La dérogation prévue pour les cabinets médicaux dans les immeubles d'habitation n'est nullement justifiée.

M. le président.  - Amendement n°12, présenté par Mme Archimbaud, MM. Desessard et Placé, Mmes Aïchi, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Gattolin et Labbé.

Alinéa 2

Remplacer les mots :

par décision motivée

par les mots :

sur justification d'un ou plusieurs motifs mentionnés à l'article L. 111-7-3

Mme Aline Archimbaud.  - Restons-en aux trois motifs inscrits dans la loi de 2005 : impossibilité technique, conservation du patrimoine architectural, disproportion manifeste entre les améliorations à apporter et leurs conséquences.

Mme Claire-Lise Campion, co-rapporteure.  - La dérogation supplémentaire accordée par l'ordonnance est faite pour tenir compte de la situation des établissements recevant du public créés par changement de destination dans le bâti existant ; elle a été validée par le Conseil d'État. La définition de la disproportion manifeste a été fixée lors de la concertation, où il aussi été convenu d'assouplir le régime applicable aux établissements recevant du public de 5e catégorie. Avis défavorable à l'amendement n°19 rectifié.

Idem pour l'amendement n°12 : l'ordonnance a dû ménager un équilibre entre respect du droit de la propriété et obligation de mise en accessibilité. La commission des affaires sociales a rendu le dispositif plus contraignant en exigeant l'avis motivé de l'assemblée générale des copropriétaires.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État.  - Mêmes avis.

L'amendement n°19 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°12.

L'article 4 est adopté.

L'article 5 est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL

M. le président.  - Amendement n°25, présenté par Mme Campion, au nom de la commission.

Après l'article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la première phrase de l'article L. 3111-7-1 du code des transports, après les mots : « peuvent demander » sont insérés les mots : « , avec l'appui de l'équipe pluridisciplinaire mentionnée à l'article L. 146-8 du code de l'action sociale et des familles, ».

Mme Claire-Lise Campion, co-rapporteure.  - Cet amendement autorise les équipes pluridisciplinaires des maisons départementales des personnes handicapées à accompagner les représentants légaux d'élèves en situation de handicap lorsqu'ils effectuent une demande de mise en accessibilité de points d'arrêts du réseau de transports scolaires. Il ne s'agit pas de créer une nouvelle tâche pour les MDPH, mais de ne pas laisser les représentants légaux seuls dans leurs démarches.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État.  - L'objectif est louable. Néanmoins, l'amendement alourdira les tâches des MDPH qui sont déjà encombrées, même si Mme Campion a pris des précautions oratoires. Le Gouvernement prépare un plan pour les recentrer sur leurs missions essentielles : l'accompagnement des familles. Sagesse, et je sais que celle du Sénat est grande.

Mme Isabelle Debré.  - Pourquoi inscrire une possibilité dans la loi ? Les MDPH sont totalement débordées, donnez-leur des moyens. Sans cela, les familles seront encore une fois déçues.

Mme Claire-Lise Campion, co-rapporteure.  - Nous devons l'inscrire dans la loi.

Mme Isabelle Debré.  - Dont acte.

Mme Claire-Lise Campion, co-rapporteure.  - Certaines familles effectueront seules les démarches auprès des autorités organisatrices de transport. D'autres auront besoin de l'aide de la MDPH dans le cadre du projet personnalisé de scolarisation et là, nous sommes dans le coeur des missions des MDPH.

Mme Laurence Cohen.  - On ne peut pas soutenir cet amendement tout en votant des coupes sombres dans l'éducation nationale.

Mme Isabelle Debré.  - Ce n'est pas l'éducation nationale, mais les départements !

Mme Hermeline Malherbe.  - Effectivement ! Les équipes pluridisciplinaires sont financées par les départements, même si des enseignants de l'éducation nationale y participent. Pourquoi préciser ce point dans la loi alors que le projet personnalisé de scolarisation est déjà bien défini et le couvre ?

Mme Claire-Lise Campion, co-rapporteure.  - L'ordonnance évoque la possibilité si le PPS a prévu un transport... D'où notre amendement.

L'amendement n°25 est adopté et devient un article additionnel.

ARTICLE 6

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié, présenté par Mme Imbert, MM. Cornu, Vaspart, D. Laurent, Gilles, Morisset, Commeinhes et Frassa, Mme Morhet-Richaud, MM. Vogel et B. Fournier, Mme Deromedi, M. Lefèvre, Mme Gruny, MM. Mandelli et Pointereau, Mme Bouchart et MM. Pierre, Falco, Bonhomme et Chaize.

I. - Alinéa 1

Remplacer les mots :

de 500 habitants et plus

par les mots :

de 1000 habitants et plus

II.  -  Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Le dernier alinéa du même I est supprimé.

Mme Corinne Imbert.  - Aménager la voirie sera très contraignant pour de petites communes. Un document, quand bien même il s'agit d'un Pave, n'a jamais rendu la voirie accessible. L'obligation doit s'appliquer aux communes de plus de 1 000 habitants.

Mme Claire-Lise Campion, co-rapporteure.  - La concertation a préconisé de rendre les Pave facultatifs dans les communes de moins de 500 habitants et de prévoir des Pave simplifiés pour les communes de 500 à 1 000 habitants.

Aller plus loin romprait l'équilibre atteint lors de la concertation et celui de la loi du 10 juin 2014. Contre l'avis des rapporteurs, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État.  - En tout, 6 988 communes sont concernées par l'amendement. Pour toutes les communes, même les plus petites, la DETR est fléchée pour la mise en accessibilité. Le Sénat étant spécialiste des collectivités territoriales, je m'en remets encore une fois à sa sagesse.

M. René-Paul Savary.  - Merci. Les travaux sont financés par les départements et par la DETR à condition qu'un PAVE soit élaboré.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État.  - Non, il n'y a pas de condition.

M. René-Paul Savary.  - Elle existe dans mon département et cela me paraît bien naturel...

Faisons des documents quand des travaux sont nécessaires et dans ce seul cas. Le seuil de 1 000 habitants signifie quelque chose, c'est le nouveau seuil pour l'élection au scrutin de liste des conseils municipaux...

L'amendement n°2 rectifié est adopté.

L'article 6, modifié, est adopté.

Les articles 7 et 8 sont successivement adoptés.

ARTICLE ADDITIONNEL

M. le président.  - Amendement n°6 rectifié, présenté par Mme Imbert, MM. D. Laurent, Paul et Vasselle, Mme Deseyne, MM. Milon et de Nicolaÿ, Mmes Morhet-Richaud et Micouleau, MM. B. Fournier, Laufoaulu, Lenoir et Savary, Mme Deromedi, MM. Chasseing, Mandelli, Chatillon, Fouché et Doligé, Mme Lamure, MM. Lefèvre et Pierre, Mme Lopez, M. Lemoyne et Mmes Duchêne et Bouchart.

Après l'article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  -  Les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés ou à l'impôt sur le revenu selon un régime réel d'imposition peuvent déduire de leur résultat imposable une somme égale à 40 % de la valeur d'origine des biens hors frais financiers qu'elles acquièrent ou fabriquent entre le 27 septembre 2015 et le 26 septembre 2016, lorsque ces biens peuvent faire l'objet d'un amortissement et qu'ils sont nécessaires à la mise en oeuvre des agendas d'accessibilité programmée définis à l'article L. 111-7-5 du code de la construction et de l'habitation.

II.  -  La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. 

Mme Corinne Imbert.  - Le présent amendement vise à insérer, dans le champ d'application de la déduction applicable aux entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés ou à l'impôt sur le revenu, les investissements concernant la mise en accessibilité des établissements recevant du public n'ayant pas encore procédé à la mise en accessibilité requise par la loi 6 février 2005 et ayant déposé un agenda d'accessibilité programmée.

Cette disposition complètera le mécanisme de « sur-amortissement » proposé par le Gouvernement dans la loi dite Macron. En ciblant la déduction sur une période courte limitée à un an, on accélérera la mise en accessibilité de ces établissements.

M. Philippe Mouiller, co-rapporteur.  - Avis de sagesse car les deux rapporteurs ne sont pas en accord sur ce point. Pour moi, la préoccupation exprimée est légitime ; le dispositif, inspiré d'un amendement gouvernemental au projet de loi Macron, encouragera le lancement des travaux de mise en accessibilité et favorisera la croissance. L'État bénéficiera immédiatement des recettes fiscales, tandis qu'il ne supportera que l'année suivante le poids de l'exonération.

Mme Claire-Lise Campion, co-rapporteure.  - J'ai beaucoup apprécié de travailler avec M. Mouiller et la manière dont nous avons cheminé ensemble.

Cet amendement revient sur un principe essentiel : l'égalité de traitement entre le secteur public et le secteur privé. En outre, le mécanisme n'introduit-il pas une distorsion à l'égard des entreprises qui se sont mises dans les clous de la loi dans les délais prévus ? J'ajoute que le dispositif de la loi Macron est très ciblé, ce qui n'est pas le cas de celui-ci. Comment exercerons-nous les contrôles afin d'éviter les montages abusifs ?

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État.  - Une prime aux mauvais élèves ? Prêts de la Caisse des dépôts et consignations et fonds Fisac sont accessibles au secteur privé de même que la DETR. Avis défavorable.

Mme Corinne Imbert.  - Moi, j'ai plutôt envie d'encourager les mauvais élèves que de les punir. Cela sera bon pour l'accessibilité.

M. Jean-Marc Gabouty.  - J'adhère totalement à cet amendement : il accélère la mise en oeuvre des agendas en dopant l'activité économique dans le bâtiment, un secteur qui a perdu des milliers d'emplois. Madame la rapporteure, désolé, la notion de sur-amortissement se prête bien au contrôle fiscal. N'hésitons pas à voter cet amendement d'opportunité.

M. René-Paul Savary.  - Les collectivités territoriales ont fait des efforts, elles n'ont pas traîné les pieds. Il faut bien tirer les conséquences des dix ans passés depuis la loi de 2005. Idem pour les commerces, ils font face à de telles difficultés ! Sans mesures incitatives, nous ne progresserons jamais. C'est tout de même votre Gouvernement qui a inventé ce mécanisme peu ordinaire du suramortissement. Alors, ne nous privons pas de l'occasion d'agir à la fois pour l'emploi et pour l'accessibilité.

M. Michel Raison.  - Je comprends l'argument de la ministre sur la distorsion. Mais si on s'achète un costume avant les soldes, c'est pareil : on est désavantagé... Et de grâce, ne nous parlez pas du Fisac ! Les dossiers sont en souffrance depuis deux ou trois ans.

L'amendement n°6 rectifié bis est adopté et devient un article additionnel.

M. le président.  - La commission a ainsi rédigé l'intitulé du texte : « Projet de loi ratifiant l'ordonnance n°2014-1090 du 26 septembre 2014 relative à la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d'habitation et de la voirie pour les personnes handicapées et visant à favoriser l'accès au service civique pour les jeunes en situation de handicap. »

Intervention sur l'ensemble

M. Olivier Cadic .  - Les associations sont extrêmement déçues. Pour ma part, j'aurais aimé qu'on réfléchisse aux causes de l'échec de la loi de 2005. Notre ancien consul général à Londres, Édouard Braine, devenu tétraplégique par accident, estimait à cinquante ans le retard pris par la France sur le Royaume Uni. Il dénonce le mythe de la prise en charge intégrale du handicap et vante l'approche pragmatique des Britanniques. Si Paris n'est pas capable de combler son retard sur Londres, inutile qu'elle se porte candidate à l'organisation des Jeux olympiques en 2024 ! Dogmatisme, normes absurdes, rien n'a changé depuis la loi de 2005. Je ne voterai pas ce texte.

L'ensemble du projet de loi, modifié, est adopté.

Prochaine séance aujourd'hui, mercred3 juin 2015 à 14 h 30.

La séance est levée à 1 h 20.

Jacques Fradkine

Direction des comptes rendus analytiques

Ordre du jour du mercredi 3 juin 2015

Séance publique

À 14 h 30 et le soir

Présidence : Mme Isabelle Debré, vice-présidente M. Hervé Marseille, vice-président M. Jean-Pierre Caffet, vice-président

Secrétaires : Mme Frédérique Espagnac - M. Jackie Pierre

Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au renseignement (n° 424, 2014-2015) et proposition de loi organique relative à la nomination du président de la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (Procédure accélérée) (n° 430, 2014-2015).

Les articles 2 et 3 du projet de loi seront examinés en priorité à la reprise du soir.

Rapport de M. Philippe Bas, fait au nom de la commission des lois (n° 460, 2014-2015).

Texte de la commission (n° 461, 2014-2015).

Texte de la commission (n° 462, 2014-2015).

Avis de M. Jean-Pierre Raffarin, fait au nom de de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 445, 2014-2015).

Analyse des scrutins publics

Scrutin n° 194 sur l'ensemble du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, portant nouvelle organisation territoriale de la République.

Résultat du scrutin :

Nombre de votants :345

Suffrages exprimés :226

Pour :191

Contre :35

Le Sénat a adopté

Analyse par groupes politiques :

Groupe Les Républicains (144)

Pour : 137

Contre : 5 - MM. Serge Dassault, Francis Delattre, Philippe Dominati, Benoît Huré, Daniel Laurent

N'ont pas pris part au vote : 2 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, M. Didier Robert

Groupe socialiste (110)

Pour : 1 - M. René Vandierendonck

Contre : 1 - Mme Samia Ghali

Abstentions : 107

N'a pas pris part au vote : 1 - M. Gaëtan Gorce

Groupe UDI-UC (43)

Pour : 39

Contre : 4 - Mmes Nathalie Goulet, Sylvie Goy-Chavent, Sophie Joissains, M. Jean-François Longeot

Groupe CRC (19)

Contre : 19

Groupe du RDSE (13)

Pour : 11

Abstentions : 2 - M. Alain Bertrand, Mme Hermeline Malherbe

Groupe écologiste (10)

Abstentions : 10

Sénateurs non-inscrits (9)

Pour : 3 - MM. Philippe Adnot, Robert Navarro, Alex Türk

Contre : 6