Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur France 3, Public Sénat et sur le site internet du Sénat.

Comme toujours, j'appelle chacun de vous à observer au cours de nos échanges l'une des valeurs essentielles du Sénat : le respect.

Indépendance de l'autorité judiciaire

M. François Fortassin .  - Nous sommes tous attachés à la séparation entre exécutif et autorité judiciaire. Monsieur le Premier ministre, vous connaissez l'inquiétude que suscite le décret du 5 décembre dernier qui, instaurant une Inspection générale de la justice, fait entrer la Cour de cassation dans le champ des juridictions contrôlées par les services de la Chancellerie. Vous avez reçu le Premier président et le Procureur général mais vous ne les avez pas convaincus en leur disant qu'il s'agissait d'une préconisation de la Cour des comptes, et que l'inspection générale n'aurait pas compétence pour se prononcer sur l'acte de juger.

Pourquoi ne pas avoir plutôt rattaché celle-ci au Conseil supérieur de la magistrature (CSM), seul garant de l'indépendance de la justice ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RDSE)

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - L'Inspection générale de la justice créée par ce décret concerne toutes les juridictions judiciaires. Chargée de contrôler le fonctionnement des juridictions, elle est composée de magistrats dont les garanties statutaires d'indépendance ont encore été renforcées par la loi du 8 août 2016.

Ces magistrats n'ont bien sûr pas pour compétence de juger des décisions judiciaires. Le Gouvernement, depuis 2014, a toujours scrupuleusement respecté l'indépendance de la justice, en suivant toujours les avis du CSM pour les nominations, en proposant de renforcer l'indépendance du parquet par une révision constitutionnelle qui s'est heurtée au veto de l'opposition, et en faisant interdire par la loi les instructions individuelles du garde des sceaux. (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. François Fortassin.  - Votre réponse ne nous convainc pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RDSE)

Classement PISA

M. Gérard Longuet .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Madame la ministre de l'éducation nationale, le 6 décembre, vous êtes allée, en bonne écolière, chercher votre bulletin de vote à l'OCDE (M. Didier Guillaume s'indigne). Le résultat est hélas consternant : médiocre en général, pire encore pour ce qui nous tient le plus à coeur, la promotion sociale. Vous avez commenté le bilan navrant de l'enseignement des mathématiques dans notre pays, mais non le fait que plus d'un cinquième des élèves entrant au collège ne maîtrisent en rien la lecture. Les solutions quantitatives ne fonctionnent pas, la Cour des comptes le montre. Quant aux solutions qualitatives, elles ne sont pas à l'ordre du jour : vous renvoyez tout débat sur votre bilan après 2021. Les cinq prochains mois seront-ils consacrés à un examen critique de vos échecs ? (Applaudissements à droite)

M. Didier Guillaume.  - Les cinq prochaines années !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Il ne vous a pas échappé que ces enquêtes portent sur des enfants entrés à l'école en 2006, au collège en 2010, sous une autre majorité. Ce quinquennat était celui des suppressions de poste. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; claquements de pupitre à droite)

M. Jacques Grosperrin.  - Assumez vos responsabilités !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre.  - Lisez donc les conclusions de l'enquête PISA : on y lit que les réformes éducatives menées depuis 2012 vont dans le bon sens, qu'elles renforcent l'efficacité et l'équité de notre système éducatif. Pensez-vous que c'est en augmentant le temps de travail des enseignants de six heures sans les payer davantage, comme vous le proposez, et en supprimant 145 000 postes que vous améliorerez les choses ?

Rendez-vous en 2019 et 2021, c'est alors que nous verrons les effets de la refondation de l'école. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et communiste républicain et citoyen)

M. Gérard Longuet.  - Nulle autocritique, encore une fois. La première condition de réussite, c'est de reconnaître que l'école a vocation à transmettre des savoirs (On signale à gauche que l'orateur a épuisé son temps de parole), mais aussi que les élèves doivent s'engager et leurs parents être responsabilisés. (Vifs applaudissements au centre et à droite)

Situation en Turquie

Mme Esther Benbassa .  - Monsieur le ministre des affaires étrangères, en déplacement en Turquie avec M. Coronado et Mme Duflot, j'ai rencontré des représentants d'associations LGBT, des avocats, des élus, des journalistes, des universitaires, des membres de la fédération turque des droits de l'homme. Le coup d'État raté de juillet dernier a servi de prétexte à M. Erdogan pour briser tous les ressorts de la démocratie turque. Jusque récemment, son principal ennemi était le parti HDP qui le privait d'une majorité suffisante au Parlement pour réviser la Constitution et renforcer son pouvoir autoritaire. Désormais, tous ses opposants sont considérés comme des terroristes, qu'ils soient accusés de soutenir les Kurdes ou la confrérie güleniste. Quelque 70 % des médias se sont transformés en organe de presse du pouvoir, 146 journalistes sont détenus sans motif, environ 80 médias kurdes ont été réduits au silence et plus de 100 000 fonctionnaires ont été suspendus et déchus de leurs droits, condamnés à la mort sociale et au dénuement. Pas moins de 36 000 personnes sont détenues pour relations avec les gülenistes.

La suspension de la procédure d'adhésion à l'Union européenne a fait chuter la livre turque de 30 %. Contrairement à ce qu'affirme M. Erdogan, le pays a besoin de l'Europe. Monsieur le ministre, la France et l'Europe qui sont si fières de leurs valeurs, vont-elles poursuivre cette politique de tolérance intéressée face à une dictature qui ne dit pas son nom ? (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et communiste républicain et citoyen, et sur quelques bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international .  - Depuis juillet et le début de la répression, pas une réunion des ministres des affaires étrangères européens où ce sujet n'ait été évoqué. Je me suis rendu en Turquie où j'ai rencontré les autorités turques, mais aussi des représentants de la société civile, des journalistes poursuivis. Le secrétaire général du Conseil de l'Europe, m'a aussi dit toute son inquiétude.

Vous avez tort de parler de complaisance française. Notre représentation diplomatique et consulaire a assisté aux procès de journalistes et s'est rendue dans les locaux du journal Cumhuriyet pour exprimer son soutien.

Malgré tout, les gouvernements de l'Union européenne et les responsables du Conseil de l'Europe s'accordent à dire qu'il faut poursuivre le dialogue avec Ankara, sans renoncer à nos valeurs. Nous devons aussi avoir la lucidité de reconnaître que la Turquie est victime du terrorisme de Daech et du PKK. Il est légitime qu'elle se défende, mais par des mesures proportionnées et dans le respect de l'État de droit. Ayons un dialogue franc et responsable avec la Turquie en lui rappelant ses engagements, elle est membre du Conseil de l'Europe. En l'état, il n'est pas possible d'ouvrir un nouveau chapitre de négociations pour l'adhésion à l'Union européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Travailleurs détachés

Mme Michelle Demessine .  - Mme la ministre du travail vient de signer une tribune pour que les travailleurs détachés bénéficient d'une rémunération équivalente à celle des travailleurs du pays d'accueil. Mieux vaut tard que jamais, il aurait été encore mieux d'écouter les Français qui, dès 2005, refusaient le traité constitutionnel et l'Europe du dumping social. La révision de la directive de 1996 sur les travailleurs détachés, qui organise la concurrence entre les peuples, patine. Le résultat, ce sont deux millions de travailleurs détachés en Europe, dont 230 000 en France en 2014, un chiffre en hausse de 25 % en 2015.

Notre groupe n'a eu de cesse d'alerter sur cette situation, sans pour autant stigmatiser les travailleurs détachés, qui subissent des conditions de travail déplorables. Vous semblez vouloir que les travailleurs détachés aient des droits en accord avec ceux du pays d'accueil. Mais mettrez-vous en place les contrôles nécessaires ? Attendrez-vous la Saint-Glinglin pour prendre une décision ? Ne vaudrait-il pas mieux, sans attendre, abolir la directive de 1996 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État auprès de la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargée de la formation professionnelle et de l'apprentissage .  - Ce sujet inquiète nos concitoyens. Sans remettre en cause la liberté de prestation de services, principe fondamental de l'Union européenne, il faut se battre contre les fraudes qui minent notre modèle social. Mme El Khomri travaille avec ses homologues pour réviser la directive de 1996, nous ne sommes pas seuls. La législation française a été revue à trois reprises depuis 2012, c'est sans doute désormais la plus stricte d'Europe.

Entre 2015 et 2016, nous sommes passés de 500 à 1 500 contrôles. Nous avons généralisé la carte d'identification professionnelle dans le BTP. Les entreprises peuvent être sanctionnées à hauteur de 500 000 euros et les chantiers peuvent être suspendus : trente l'ont été en 2016. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Alep

Mme Hélène Conway-Mouret .  - Nous ne pouvons pas rester passifs devant les massacres perpétrés à Alep : 82 civils ont été tués ces derniers jours, qui s'ajoutent aux 310 000 victimes de la guerre civile, dont 90 000 civils. L'humanisme n'est pas la faiblesse.

Ceux qui sont descendus pacifiquement dans la rue en 2011 pour demander la fin d'une dictature familiale n'ont eu pour réponse que des balles, puis des bombes, des armes chimiques et la libération de fanatiques islamistes. De la part de la communauté internationale, une série de renoncements. Aujourd'hui, l'urgence est humanitaire, alors que 100 000 civils n'arrivent pas à quitter Alep. Comment arrêter ces massacres ? Comment faire en sorte que ces crimes ne restent pas impunis ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international .  - La situation est terrible : une population civile qui veut partir mais ne le peut pas. Une ambulance a été visée à l'arme lourde. Nous l'avions anticipée, dénonçant la stratégie de guerre totale du régime et de ses soutiens russes et iraniens. Nous exprimons une exigence, et le président de la République le redira au Conseil européen, tout doit être fait pour laisser sortir la population mais aussi les combattants sans qu'ils aient à craindre des exécutions sommaires. Cela suppose la présence d'observateurs internationaux impartiaux et l'accès des ONG à Alep.

La première exigence est humanitaire ; la deuxième est que la guerre s'arrête. Les négociations de Genève doivent reprendre.

Enfin, nous ne pouvons accepter que des crimes restent impunis.

M. le président.  - Il faut conclure. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Jean-Marc Ayrault, ministre.  - La commission des droits de l'homme à Genève est à l'oeuvre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. le président.  - Chacun doit respecter son temps de parole, c'est la règle que je suis chargé de faire appliquer. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Voix socialistes.  - À géométrie variable ! Et M. Longuet ?

Fraude aux prestations sociales

Mme Nathalie Goulet .  - Quelque 1,8 million de faux comptes de sécurité sociale, 10 % des numéros de sécurité sociale établis sur la base de faux documents... 1,8 million de numéros frauduleux, « Sésame paye-moi », à multiplier par 5 000 ou 6 000 euros, la moyenne des prestations annuelles reçues par les Français. Si la lutte contre la fraude fiscale progresse, il n'en va pas de même de la fraude sociale. Et encore, nous ne parlons ici que de fraude documentaire...

Qu'attend le Gouvernement pour faire appliquer l'article L. 114-12-3 du code de la sécurité sociale qui prévoit, en cas de fraude, la suspension immédiate des paiements et l'annulation du numéro de sécurité sociale des fraudeurs ? (Applaudissements au centre)

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion .  - Vous avez raison de vous soucier du fonctionnement de la sécurité sociale à laquelle les Français comme le Gouvernement sont très attachés. La lutte contre la fraude sociale, tant du côté des cotisations que des prestations, a produit environ un milliard d'euros de rentrées en 2015. Ce n'est pas le fruit du hasard : les outils progressent et les contrôles aussi. Un décret est en cours de rédaction sur la délivrance du numéro d'inscription au répertoire de l'Insee (NIR) aux personnes nées à l'étranger, limitant le nombre d'organismes habilités à le délivrer et renforçant le second niveau de vérification. Quelque deux mille dossiers ont déjà été repoussés et cinq cents ont fait l'objet de demande de pièces supplémentaires. Je salue les agents de la sécurité sociale grâce auxquels nous pouvons mener cette lutte contre la fraude. Réduire leur nombre, ce serait perdre en efficacité... (Exclamations à droite ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Nathalie Goulet.  - Merci de nous dire que vous radiez quelques centaines de fraudeurs, alors que je vous parlais d'1,8 million. La fraude représente des milliards ! Vous ne m'avez pas répondu sur l'écart compris entre 500 dossiers et 1,8 million. Nous avons du pain sur la planche ! (Applaudissements au centre)

Grippe aviaire

M. Jean-Noël Cardoux .  - Ma question s'adressait à M. Le Foll : elle porte sur l'épizootie de grippe aviaire qui est entrée dans une phase aiguë. Le virus H5N8 est très contagieux, même s'il n'est en principe pas transmissible à l'homme. Le Gouvernement a pris à juste titre des précautions : tout le territoire est classé en risque élevé. C'est une lourde contrainte pour les chasseurs comme pour les éleveurs, et une catastrophe économique à l'approche des fêtes. Les dérogations prévues par circulaire sont inapplicables, illisibles, sans rapport avec la réalité du terrain. Et les arrêtés préfectoraux sont particulièrement hétérogènes d'un département à l'autre. Pourquoi interdire la chasse aux sangliers dans le Tarn ? Envisagez-vous plus de concertation avec les acteurs de terrain sur les dérogations ? Allez-vous mettre en place un fonds d'indemnisation ? Où en est la rédaction d'un protocole épizootie, qui aurait dû être élaboré il y a quatre ans déjà, dès les premières contaminations ? (Applaudissements à droite et sur quelques bancs du groupe du RDSE)

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - Ce virus très virulent a pour origine des oiseaux migrateurs. Treize pays européens ont ordonné des abattages de volailles massifs. Chaque fois que nous découvrons un foyer - il y en a 19 -, les volailles sont abattues, un périmètre de sécurité de 10 kilomètres est délimité, la procédure d'indemnisation se met en route ; des mesures de biosécurité sont prises, y compris pour les chasseurs, en concertation avec la Fédération nationale de la chasse, afin de les mettre en accord avec les pratiques de chasse des différentes zones - elles ne sont pas les mêmes en baie de Somme, en Sologne ou dans le Sud-Ouest. Notre seul objectif est d'éradiquer cette maladie ; nous le devons pour que l'élevage aviaire puisse à terme de nouveau exporter. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Jean-Noël Cardoux.  - Je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites sur la concertation avec les chasseurs : le président de la Fédération s'en est ému. Les circulaires doivent être justes, claires et discutées. (Applaudissements à droite et sur quelques bancs au centre)

Lutte contre le terrorisme

M. Christian Manable .  - Monsieur le ministre de l'Intérieur, quel est l'état des dispositifs de lutte contre le terrorisme en cet instant particulier de notre calendrier ? Les récents évènements en Turquie, en Égypte et dans la zone irako-syrienne où sont engagées les forces de la coalition, dont la France, montrent que la situation reste très instable. Le recul de Daech dans certaines zones génère de nouvelles menaces sur le territoire national. Dans la période électorale qui s'amorce, les cibles désignées comprennent les représentants de l'autorité, les journalistes, les responsables politiques et religieux, dans une tentative de déstabilisation de la démocratie et de la vie politique. Le Gouvernement a été renouvelé. Le ministre peut-il faire le point sur cette question ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre .  - Nous poursuivons le renforcement des moyens tant du renseignement que des forces de sécurité : 20 % de crédits supplémentaires pour le ministère de l'intérieur hors crédits de personnel, 250 millions d'euros dans le cadre du plan de sécurité publique ; pour la première fois depuis de nombreuses années, les effectifs du ministère de la défense progressent. Cela est nécessaire car la période de fin d'année est celle des fêtes, des cérémonies, dont il faut assurer la sécurité. Les forces de Sentinelle et de la sécurité nationale sont présentes partout.

Renforcer ces moyens, c'est aussi renforcer Frontex, parfaire l'interconnexion des fichiers, améliorer la lutte contre la fraude documentaire et mettre en oeuvre la directive sur les trafics d'armes.

Depuis le début de l'année 2016, 430 personnes ont été arrêtées, dont une grande partie ont été judiciarisées ; 17 attentats ont été déjoués. Cela démontre le niveau très élevé de la menace. Mon Gouvernement est très mobilisé, nous le devons aux Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et du RDSE)

Réquisition du Parquet contre l'agresseur du maire de Gresswiller

M. Claude Kern .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC) Le verdict est tombé : 750 euros d'amende contre l'administré qui a agressé gravement le maire de Gresswiller. Car le procureur avait requalifié son délit en contravention simple, estimant que le maire avait été frappé non comme personne dépositaire de l'autorité publique mais comme président d'une association foncière. Cela témoigne d'une évolution délétère, d'une banalisation des coups portés aux personnes exerçant toute fonction d'autorité dans notre République.

Ces faits ne sont pas isolés, on en a dénombré d'autres ces derniers mois. Bien sûr, il y a les circonstances propres à chaque cas, mais le maire représente, 24 heures sur 24, la République au service de concitoyens qui ne font pas la différence entre l'homme et la fonction. Les maires, piliers de la République, doivent se sentir soutenus par les autres représentants de la République que sont les magistrats. Monsieur le garde des sceaux, quelles instructions allez-vous prendre afin de protéger effectivement les maires ? (Applaudissements au centre et à droite et sur quelques bancs du groupe socialiste et républicain)

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - Le Gouvernement n'a pas à commenter les décisions de justice, mais les juges ont estimé que la victime avait été agressée dans un cadre privé...

M. Alain Gournac.  - Nul !

M. François Grosdidier.  - Grotesque.

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - ...et non en tant que maire ; c'est le sens de la qualification des faits, ils relèvent d'une contravention de cinquième classe.

M. François Grosdidier.  - Et le Parquet ?

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - Si débat il doit y avoir, il doit se tenir en cour d'appel. Cela dit, je m'associe à l'hommage que vous rendez aux maires et à tous les élus de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; rires moqueurs à droite)

M. Charles Revet.  - Cela ne suffit pas.

M. Claude Kern.  - Merci, monsieur le ministre, de ne pas avoir répondu à ma question ! (Applaudissements au centre et à droite)

Pollution de l'air

M. Jean-François Husson .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Ma question s'adressait à la ministre de l'environnement, hélas elle n'est pas là ! (Marques d'ironie à droite) Notre pays vient de connaître le plus long et le plus intense épisode de pollution des dix derniers hivers. La commission d'enquête que j'avais présidée avait, dans l'unanimité, condamné l'inaction publique : celle-ci doit cesser, c'est un enjeu de santé publique. Que ferez-vous contre ce fléau ?

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargé des transports, de la mer et de la pêche .  - En Île-de-France, Hauts-de-France, Grand Est et d'autres régions, le pic de pollution a été grave.

M. Albéric de Montgolfier.  - Et les voies sur berges ? (Applaudissements à droite)

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État.  - Effectivement, ce pic est inédit et les nouvelles ne sont pas bonnes puisqu'un nouvel épisode est prévu dès samedi - une réunion des élus est en cours autour du préfet d'Île-de-France à propos des mesures à appliquer. Vous connaissez celles que nous avons prises, circulation alternée, arrêt du chauffage au bois, limitation du trafic routier de poids lourds, suspension des dérogations de brûlage de certains déchets, mais il s'agit ici de réponses conjoncturelles. La circulation alternée n'est ni complètement efficace ni juste, c'est pourquoi nous allons, comme à Grenoble, la remplacer par un système de circulation différenciée à partir des certificats des véhicules, qui sera mieux comprise et plus juste. La France est en tête pour les véhicules électriques - les mesures en faveur de cette solution, prime à la conversion y compris pour les utilitaires, crédit d'impôt pour l'installation de bornes de recharge, ne feront qu'améliorer les choses. Évitons les incantations politiciennes, le phénomène touche la France mais aussi de nombreux autres pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Jean-François Husson.  - Mais c'est bien la France qui est l'objet d'un contentieux européen parce qu'elle ne fait rien pour remédier à une pollution excessive dans quinze agglomérations ! Un plan de réduction des polluants atmosphériques a été annoncé il y a deux ans, il concernait de nombreux secteurs et activités, mais à chaque pic, ce sont les automobilistes et les transports qui sont stigmatisés.

Nous devons nous battre contre la pollution de tous les jours, la pollution de fond. La ministre avait rejeté d'un revers de main les propositions de convergence entre diesel et essence - et vient encore de changer de pied ! (Applaudissements au centre et à droite)

Lutte contre la pauvreté

M. Yannick Vaugrenard .  - « Ce qu'il y a de scandaleux dans le scandale, c'est que l'on s'y habitue. » Simone de Beauvoir avait raison. La stigmatisation s'ajoute à la pauvreté. Le 24 novembre, le président du Conseil départemental de Mayenne, par ailleurs porte-parole de François Fillon, a déclaré que l'argent du RSA part dans l'alcool, la drogue et la prostitution.

Ces propos sont déshonorants pour leur auteur et pour la République. Le courage est de rechercher la vérité et de la dire, au lieu de pointer du doigt des boucs émissaires comme aux pires moments de notre histoire. La fraude à l'impôt sur les sociétés représente 27 milliards d'euros, la fraude à l'impôt sur le revenu 17 milliards, contre 335 millions pour le RSA et 113 millions pour les allocations familiales. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et communiste républicain et citoyen) Condamnons ces propos et soyons les porte-paroles de ces sans-voix.

M. David Assouline.  - Le porte-parole de M. Fillon a tenu ces propos à la radio ! Et au conseil général !

M. Yannick Vaugrenard.  - Dans notre République, il n'y a pas d'assistés, seulement des ayants droit.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion .  - Ce Gouvernement, dès 2015, a lancé un plan de lutte contre la pauvreté...

M. Philippe Bas.  - Elle a augmenté pendant ces années.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État.  - ... Revalorisation des minimas sociaux, prime d'activité et garantie jeunes : le plan se poursuit et dans la foulée du rapport Sirugue nous travaillons à simplifier les procédures pour faciliter l'accès aux droits.

J'en suis fière : je préfère un plan de lutte contre la pauvreté au plan de lutte contre les pauvres qui pourrait bientôt le remplacer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; protestations à droite)

M. Philippe Dallier.  - Cela suffit !

Transfert de compétences aux communes

M. Jean-Pierre Grand .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Les collectivités déplorent la baisse de 27 milliards d'euros de ressources non compensées. Parmi les charges nouvelles, il y a la célébration et la dissolution des Pacs, l'enregistrement du changement de nom et de prénom qui incombe aux communes depuis novembre - en plein état d'urgence, cette mesure est-elle vraiment pertinente ? -, la délivrance de titres d'identité par les mairies équipées du matériel pour les nouveaux passeports, les funérailles républicaines - dernière invention des députés socialistes qui, je l'espère, mourra de sa belle mort. Autant de nouvelles compétences ou de transferts non compensés !

Comment comptez-vous renouer la relation de confiance entre les élus locaux, spécialement les maires, et l'État ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Jean-Michel Baylet, ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales .  - Effectivement, un effort a été demandé aux collectivités territoriales pour contribuer au redressement des comptes publics. François Fillon, dans un élan de sincérité, avait reconnu, quand il était Premier ministre, être à la tête d'un pays en faillite. Aujourd'hui, nous avons créé les conditions du redressement et sommes dans les clous des exigences européennes en repassant bientôt sous la barre des 3 % de déficit.

Nous n'avons pas oublié les collectivités territoriales cependant : nous les accompagnons avec le pacte État-région, le pacte État-métropoles, les contrats de ville, les contrats de ruralité. (Exclamations à droite)

M. Alain Gournac.  - Et les communes !

M. Jean-Michel Baylet, ministre.  - Trois comités interministériels se sont tenus en quatorze mois, soit plus que durant les dix années précédentes ! (Protestations à droite) Vous ne pouvez pas d'un côté vitupérer et de l'autre, vous féliciter pour la hausse de la DETR de 62 % en trois ans - le fonds de soutien à l'investissement est doté de milliard d'euros cette année, 1,2 l'an prochain. La réalité est que ce quinquennat est celui du franc retour de l'État dans les territoires. Vous le savez et vous l'appréciez. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

La séance est suspendue à 16 heures.

présidence de M. Jean-Pierre Caffet, vice-président

La séance reprend à 16 h 15.