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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Questions d'actualité

Violences contre les sapeurs-pompiers (I)

M. Cyril Pellevat

M. Bruno Retailleau, ministre d'État, ministre de l'intérieur

REP et REP+

M. Henri Cabanel

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche

Intervention télévisée du Président de la République

Mme Laurence Rossignol

M. Patrick Mignola, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

Pauvreté et crise du logement

Mme Marianne Margaté

Mme Valérie Létard, ministre chargée du logement

Violences contre les sapeurs-pompiers (II)

M. Pascal Martin

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur

Eau potable contaminée aux PFAS dans le Haut-Rhin

M. Jacques Fernique

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche

Violences contre les sapeurs-pompiers (III)

Mme Sylviane Noël

M. Bruno Retailleau, ministre d'État, ministre de l'intérieur

Insécurité et criminalité à Fort-de-France

M. Frédéric Buval

M. Bruno Retailleau, ministre d'État, ministre de l'intérieur

PLF pour 2026

M. Laurent Somon

M. Éric Lombard, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique

Nouvelle-Calédonie (I)

M. Rachid Temal

M. Manuel Valls, ministre d'État, ministre des outre-mer

Relations franco-algériennes

Mme Valérie Boyer

M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères

Dysfonctionnements de MaPrimeRénov'

Mme Amel Gacquerre

Mme Valérie Létard, ministre chargée du logement

Nouvelle-Calédonie (II)

M. Georges Naturel

M. Manuel Valls, ministre d'État, ministre des outre-mer

Absence de cap institutionnel

M. Jérôme Durain

M. Patrick Mignola, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

Université Lyon II

M. Max Brisson

M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche

Violences dans les outre-mer du bassin caribéen

Mme Micheline Jacques

M. Bruno Retailleau, ministre d'État, ministre de l'intérieur

Mises au point au sujet de votes

Accord en CMP

Nominations

Modification de la loi organique portant statut d'autonomie de la Polynésie française

Discussion générale

Mme Lana Tetuanui, auteure de la proposition de loi organique

M. Teva Rohfritsch, auteur de la proposition de loi organique

M. Mathieu Darnaud, rapporteur de la commission des lois

M. Manuel Valls, ministre d'État, ministre des outre-mer

M. Guy Benarroche

M. Jérôme Durain

M. Pierre Médevielle

Mme Micheline Jacques

M. Bernard Buis

Mme Véronique Guillotin

Mme Isabelle Florennes

M. Robert Wienie Xowie

M. Georges Naturel

Discussion de l'article unique

Vote sur l'ensemble

Mme Lana Tetuanui

M. Teva Rohfritsch

Améliorer le dispositif de protection temporaire en France

Discussion générale

Mme Nadia Sollogoub, auteur de la proposition de loi

Mme Isabelle Florennes, rapporteure de la commission des lois

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur

M. Christophe Chaillou

Mme Corinne Bourcier

Mme Catherine Di Folco

Mme Nicole Duranton

M. André Guiol

Mme Olivia Richard

Mme Marianne Margaté

M. Guy Benarroche

Mme Catherine Belrhiti

Discussion des articles

Article 1er

Article 4

Article 5

Création d'un groupe de vacataires opérationnels de sécurité civile

Discussion générale

M. Grégory Blanc, auteur de la proposition de loi

M. Jean-Michel Arnaud, rapporteur de la commission des lois

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur

M. Joshua Hochart

Mme Marie-Claude Lermytte

Mme Annick Petrus

Mme Patricia Schillinger

Mme Maryse Carrère

M. Bernard Delcros

Mme Céline Brulin

M. Guillaume Gontard

M. Hussein Bourgi

Mme Valérie Boyer

M. Gilbert Favreau

Conférence des présidents

Ordre du jour du jeudi 15 mai 2025




SÉANCE

du mercredi 14 mai 2025

89e séance de la session ordinaire 2024-2025

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : M. Guy Benarroche, Mme Alexandra Borchio Fontimp.

La séance est ouverte à 15 heures.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet. Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et du temps de parole.

Violences contre les sapeurs-pompiers (I)

M. Cyril Pellevat .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du RDPI) Ce week-end, à Évian-les-Bains, Niccolo Scardi a été délibérément pris pour cible par un chauffard défavorablement connu des services de police. Hospitalisé, son état de santé s'est heureusement amélioré depuis.

Plus tard, deux sapeurs-pompiers de Saint-Cergues ont été agressés alors qu'ils intervenaient sur un accident de la route. Je leur adresse tout notre soutien. Leur courage mérite respect et reconnaissance.

L'attaque d'Évian-les-Bains, filmée, a choqué. Les rodéos urbains ne sont plus des provocations, mais des actes violents. L'auteur, multirécidiviste, est visé par une enquête pour tentative d'homicide volontaire.

La loi de 2018 a posé un premier cadre, mais elle ne suffit pas.

Élus, forces de l'ordre, secours et habitants attendent une réponse ferme et structurée.

Monsieur le ministre Retailleau, vous étiez à nos côtés à Évian ; votre présence a été saluée. Mais êtes-vous prêt à porter une initiative d'ampleur ? Pascal Martin et Sylviane Noël compléteront ma question. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; Mme Solanges Nadille, MM. Pascal Martin et Franck Dhersin applaudissent également.)

M. Bruno Retailleau, ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Je salue le corps des sapeurs-pompiers, qui a été très éprouvé. J'ai une pensée particulière pour le sergent-chef Niccolo Scardi, encore entre la vie et la mort, son épouse, son fils de sept ans et ses parents.

Nous avons tous été très choqués. Je me suis rendu ce week-end à son chevet et au centre de secours, avec François-Noël Buffet.

J'ai qualifié cette tentative de meurtre d'abjecte, car il y a eu volonté délibérée de tuer de la part de ce chauffard. Il s'en est fallu de très peu que d'autres sapeurs-pompiers connaissent le même sort.

Le chauffard est un récidiviste, il était privé de son permis de conduire, mais se trouvait au volant d'une voiture pour un rodéo, puis des dérapages qui troublaient tout le voisinage.

Il y a donc d'un côté ce voyou qui cherche à tuer, et de l'autre un sapeur-pompier volontaire, dont la mission est de sauver des vies humaines, y compris au péril de sa propre vie.

Nous aurons une réponse de long terme : il faudra mettre un terme à cette société laxiste qui a engendré une fabrique de barbares, en construisant des cadres, des hiérarchies.

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Bruno Retailleau, ministre d'État.  - Il faudra aussi rehausser la réponse pénale. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP ; M. Bernard Buis applaudit également.)

M. Cyril Pellevat.  - Merci pour votre présence à nos côtés et vos efforts. Face à la multiplication des rodéos, il faut une réponse ferme et nous serons à vos côtés. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

REP et REP+

M. Henri Cabanel .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mme Anne-Sophie Patru applaudit également.) Mardi dernier, un jeune garçon de 14 ans s'est suicidé dans mon département de l'Hérault. Nous apportons toute notre solidarité à sa famille et à ses proches. Il serait indécent de corréler cet acte à la situation du collège de La Dullague, à Béziers, où il était scolarisé.

Mais ce drame met encore une fois la lumière sur cet établissement qui réclame depuis des années à être classé en REP+. Il se situe dans le quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV) Iranget Grangette qui, avec un taux de pauvreté de 71 %, est le cinquième quartier le plus pauvre de France.

Cela pose la question du gel des classements depuis 2019, alors que la circulaire du 4 juin 2014 prévoyait une révision tous les quatre ans. Depuis, plus rien, sinon les promesses de ministre en ministre, et un rapport de la Cour des comptes qui se plaint que les REP coûtent cher et qui préconise de les repenser.

Oui, l'éducation a un coût ; mais défaire et refaire prend du temps, alors que les REP et REP+ affichent des résultats intéressants.

Quand privilégierez-vous l'humain plutôt que les budgets ? Quand réactualiserez-vous le classement des REP ? Plusieurs lois ont vu le jour depuis 2017 pour établir la confiance ; mais celle-ci ne se décrète pas, elle se mérite ! (Quelques applaudissements sur les travées du RDSE)

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - À mon tour d'avoir une pensée pour le jeune Is'Hak, pour ses proches et pour toute la communauté éducative du collège.

Pour prévenir de tels drames, nous devons prendre à bras-le-corps la question de la santé mentale chez les jeunes. Nous sommes pleinement mobilisés avec Yannick Neuder sur ce sujet, qui a été traité par les assises de la santé scolaire que je clôturerai tout à l'heure.

Comme vous, je suis convaincue que l'école doit offrir les mêmes chances partout et pour tous.

La politique d'éducation prioritaire vise à corriger les inégalités scolaires, ce qui justifie l'effort significatif de 2,7 milliards d'euros par an, en hausse de 70 % par rapport à 2017, avec notamment le dédoublement des classes de grande section, de CP et de CE1.

La carte, qui date de 2014, doit être actualisée. C'est un chantier complexe, mais nécessaire.

Nous devons rendre notre modèle plus efficace et mieux ciblé : tel est le sens du rapport de la Cour des comptes. Je saisirai aussi l'inspection générale du ministère dans les prochains jours.

L'éducation prioritaire restera une des priorités de mon ministère. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

M. Henri Cabanel.  - Merci, mais vous n'avez pas répondu : quand réviserez-vous les classements ? Le collège demande son inscription en REP+ depuis un moment. Ces dispositifs ont des résultats probants. J'espère que vous tiendrez les promesses de vos prédécesseurs. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. François Patriat applaudit également.)

Intervention télévisée du Président de la République

Mme Laurence Rossignol .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous partager avec nous ce que vous avez retenu de l'intervention du Président de la République hier soir (rires) et ce que vous en avez déduit pour conduire l'action du Gouvernement ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. le président.  - La parole est à M. Patrick Mignola. (Marques de déception appuyées à gauche et à droite ; applaudissements sur plusieurs travées du groupe UC ; M. Bernard Buis applaudit également.)

M. Patrick Mignola, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement .  - Le Président de la République agit conformément à la Constitution, dans son domaine régalien. (Rires à gauche ; « On n'entend rien ! » à droite) Il a évoqué les questions internationales et de défens, la relation avec les États-Unis et la Russie, la coalition des volontaires pour obtenir la paix en Ukraine, l'action qu'il conduit au nom de la France dans le drame de Gaza, sujets sur lesquels il devait rendre des comptes aux Français.

Il a aussi voulu articuler cette action avec la politique intérieure conduite par le Gouvernement. Il n'est pas de grande puissance sans des finances saines, une économie durable, une jeunesse éduquée (Murmures ironiques à droite) ; pas de politique intérieure efficace qui ne s'appuie sur les valeurs républicaines qui ont fondé notre pays. (Applaudissements ironiques à gauche et bravos amusés sur les travées du GEST ; des sénateurs SER miment un rameur en difficulté)

Mme Agnès Evren.  - Il n'a pas l'air convaincu !

M. Patrick Mignola, ministre délégué.  - Si je lis dans vos yeux quelque ironie - certainement parce que vous êtes dans l'opposition au Président de la République - je suis persuadé que nous pouvons partager certaines des orientations données hier soir...

Plusieurs voix à gauche et à droite. - Lesquelles ?

M. Patrick Mignola, ministre délégué.  - ... sur la sécurité des Français, la protection de nos enfants face aux écrans, l'organisation territoriale de notre pays... (On ironise à gauche comme à droite)

Ce qui est ressorti de cette émission, c'est que le Président de la République a une vision pour notre pays et des valeurs que nous partageons. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Laurence Rossignol.  - Je vais vous aider, en complétant un peu. À propos d'ArcelorMittal, le Président a déclaré qu'il ne voulait pas « bloquer les entreprises qui veulent ajuster les choses. » Les « choses », ce sont les salariés, qui n'ont que leur travail pour faire vivre leur famille ; les « ajustements », ce sont 600 licenciements. Peut-être le Président de la République devrait-il « ajuster » son vocabulaire ! (Applaudissements à gauche)

Comment prétendre assurer la sécurité de la France et de l'Europe et, « en même temps », refuser les nationalisations temporaires et laisser filer l'industrie de l'acier, indispensable à l'armement ? (Applaudissements sur quelques travées du groupe SER)

Le Président de la République a dit vouloir faire peser le financement de la protection sociale sur la consommation. (M. Yannick Jadot le confirme de la tête) Bref, il veut la TVA sociale, ce qui revient à faire payer par les couches populaires et les classes moyennes les cadeaux fiscaux accordés au CAC 40, aux actionnaires et aux rentiers. (Applaudissements à gauche)

Pour finir, un numéro d'autosatisfaction sur le chômage, alors qu'au dernier trimestre, le chômage des jeunes a augmenté de 28 % en Île-de-France. Avec vos réformes de l'indemnisation chômage, certains ne touchent plus aucun revenu.

Monsieur le Premier ministre, je vous le dis solennellement : les socialistes s'opposeront à ces orientations avec détermination, et avec tous les moyens à notre disposition. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du groupe CRCE-K)

Pauvreté et crise du logement

Mme Marianne Margaté .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K) Selon l'enquête Pauvreté monétaire, privation et difficultés financières de l'Insee, 15 % de la population se situe sous le seuil de pauvreté. Avec l'inflation, le nombre de familles qui peinent à finir le mois va encore augmenter. Hier soir, le Président de la République a parlé pendant trois heures, mais il n'a rien dit sur la pauvreté ni sur la crise du logement qui touche pourtant douze millions de personnes.

En 2017, il disait ne pas croire au ruissellement, mais à la cordée. Nous ne voyons ni cordée, ni ruissellement, seulement des familles prises à la gorge, insolvables, et une hausse de 11 % des impayés de loyers en un an. Les expulsions de locataires explosent : plus 87 % en un an ! Et seulement 10 à 15 % de relogements...

Combien d'enfants sont concernés ? Combien vont à l'école après une nuit dans une voiture ? Nous avons voté une résolution pour qu'il n'y ait plus d'enfants à la rue. Commençons par ne pas les y envoyer !

La loi instituant un droit au logement opposable (Dalo) a été votée il y a dix-huit ans, mais c'est désormais la loi Kasbarian qui prime : 51 % des ménages reconnus Dalo sont expulsés sans relogement dans les délais réglementaires, soit 18 600 ménages.

Si les locataires ont des devoirs, l'État a aussi les siens. Le Dalo n'est pas appliqué en France : il ne représentait plus que 4,81 % des attributions en 2023. Quand l'État respectera-t-il la loi ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur quelques travées du groupe SER)

Mme Valérie Létard, ministre chargée du logement .  - Vous avez raison de rappeler la crise inédite du logement, qui pèse sur les plus fragiles. Notre premier défi est de relancer la production de logements abordables. Nous avons choisi de nous appuyer sur les bailleurs sociaux, d'où la feuille de route signée en février dernier. Je remercie les parlementaires pour leur soutien. Avec le concours d'Éric Lombard, nous avons obtenu une baisse du taux du livret A pour 850 millions d'euros et une baisse de la réduction du loyer de solidarité (RLS). Je remercie le Premier ministre (M. Bruno Sido ironise) qui, malgré les difficultés financières, a validé l'arrêté RLS mobilisant des fonds propres pour chercher ces liquidités et être au rendez-vous de 116 000 nouveaux logements et 130 000 rénovations.

Nous avons relancé la commission nationale des impayés de loyer. Nous devons entendre les propositions et travailler avec les départements pour une meilleure prévention.

Nous continuerons à accompagner le secteur, à développer le prêt à taux zéro (PTZ) pour les ménages modestes, pour libérer des logements locatifs, à soutenir le statut du bailleur privé pour relancer la production de logements abordables par le secteur privé. Nous mettrons également les bouchées doubles pour lutter contre l'habitat indigne. (Applaudissements plusieurs travées du RDPI)

Violences contre les sapeurs-pompiers (II)

M. Pascal Martin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains) Comme Cyril Pellevat, je souhaite revenir sur l'agression inqualifiable d'un sapeur-pompier volontaire à Évian-les-Bains : il a été délibérément fauché par une voiture. Le lendemain, deux autres sapeurs-pompiers ont été agressés alors qu'ils intervenaient sur un accident de la route.

Je veux rendre hommage à ces hommes dont le seul tort est de s'engager au service de leurs concitoyens. J'ai une pensée pour leurs proches.

Aussi révoltants soient-ils, ces faits ne doivent pas être les arbres qui cachent la forêt des multiples agressions. Élus, médecins, professeurs, tous sont confrontés à la violence physique et verbale endémique de notre société. Crachats, insultes, coups : voici ce que récoltent ces femmes et ces hommes qui risquent leur vie pour protéger celle des autres et incarnent les valeurs de fraternité et de justice qui nous sont si chères.

Pour eux, c'est un traumatisme. Certains sortent de la caserne la boule au ventre.

Les pouvoirs publics ont pris conscience de la réalité : alourdissement des peines en 2017, création d'un observatoire national des violences envers les sapeurs-pompiers en 2020. Les chiffres montrent qu'il est difficile d'endiguer le phénomène. En 2024, chaque jour, quatre sapeurs-pompiers font l'objet d'agressions. C'est intolérable !

Certains, comme le président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, appellent à une application effective des peines ; d'autres à mieux former les sapeurs-pompiers, à les équiper de caméras-piétons ou encore à anonymiser les dépôts de plainte. Quelles sont vos intentions ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées des groupes Les Républicains et INDEP)

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Bruno Retailleau et moi-même avons été très émus, samedi, à Évian, par les conditions de l'agression - ou plutôt de la tentative de meurtre, puisque c'est la qualification retenue par le procureur de la République. Cette violence est effroyable.

En 2024, 1 462 agressions ont été signalées sur nos sapeurs-pompiers ; 602 d'entre eux ont été blessés. Depuis longtemps, il n'est plus rare que les sapeurs-pompiers soient systématiquement attaqués, blessés, caillassés, car ils représentent une forme d'autorité, alors qu'ils sont là pour secourir et sauver.

Les peines pénales ont été alourdies : il faudra que les tribunaux appliquent effectivement les sanctions. (MM. Marc-Philippe Daubresse et Roger Karoutchi renchérissent.)

Le Beauvau de la sécurité civile est l'occasion d'améliorer les choses, notamment en fournissant aux sapeurs-pompiers les moyens de mieux se protéger. Lundi, j'étais à Montpellier, au centre de formation des pompiers de l'Hérault, avec Hussein Bourgi, Jean-Pierre Grand et Christian Bilhac. Je recevrai vendredi matin le président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Eau potable contaminée aux PFAS dans le Haut-Rhin

M. Jacques Fernique .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Boire l'eau du robinet, c'est interdit depuis lundi dernier dans onze communes d'Alsace pour les personnes jugées sensibles, dont les enfants en bas âge et les femmes enceintes. Le traitement de l'eau potable demande des investissements très lourds, et ces communes n'ont pas les moyens nécessaires.

Qui est responsable ? Principalement l'aéroport de Bâle-Mulhouse et ses mousses anti-incendie. Les substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées (PFAS) affectent bien d'autres secteurs en Alsace, notamment à Thann ou Chalampé. La situation alsacienne est un symptôme avant-coureur des dégâts à venir.

Le Sénat a voté un plan de financement de la dépollution de l'eau dans nos territoires et créé une redevance selon le principe pollueur-payeur. Quand allez-vous activer ce principe ? Cette loi, qui s'applique dès 2026, ne sera rien sans les décrets. L'initiative européenne portée par cinq États membres ne débouchera pas sans une forte implication de la France.

Contre les PFAS, le Parlement a fait son job ; madame la ministre, faites-vous le vôtre ? (Applaudissements sur les travées du GEST et sur plusieurs travées du groupe SER ; Mme Patricia Schillinger applaudit également.)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche .  - Oui, le Gouvernement a pris ses responsabilités et fait son job. Un plan sur deux ans a permis de contrôler les rejets aqueux de 2 900 sites industriels ; le Gouvernement a imposé des mesures de réduction des rejets aux 200 sites les plus émissifs.

Dans l'agglomération de Saint-Louis, l'eau est imbuvable car on a utilisé des mousses anti-incendie lors d'un exercice dans l'aéroport.

Nous pourrons mieux lutter contre les PFAS en connaissant mieux les usages. Nous travaillons à des décrets pour interdire leur utilisation dans les cosmétiques et les vêtements. Nous travaillons aussi avec les industriels pour gérer la situation intermédiaire des stocks.

Enfin, avec l'Anses, nous lançons une étude sur trente-quatre PFAS recherchées dans l'eau potable.

Une redevance supplémentaire sur les PFAS sera appliquée le 1er janvier prochain.

Vous pouvez compter sur le Gouvernement pour porter une voix forte au niveau européen. (M. François Patriat applaudit.)

M. Jacques Fernique.  - Je vous remercie de vos réponses, notamment pour les décrets. Qui va payer à Saint-Louis ? Nous avons besoin d'une action rapide. Les PFAS sont tenaces, soyons-le aussi ! (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Laurence Rossignol et M. Bernard Jomier applaudissent également.)

Violences contre les sapeurs-pompiers (III)

Mme Sylviane Noël .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Samedi dernier, un sapeur-pompier d'Évian-les-Bains a été volontairement fauché par un multirécidiviste de 19 ans, revenu ensuite cracher sur la victime gisant au sol. Ce père de famille est dans un état très grave. Le lendemain, deux autres sapeurs-pompiers ont été frappés par un individu alors qu'ils soignaient son épouse enceinte.

Ce ne sont pas des faits divers, mais des faits de société révélateurs du niveau de décivilisation que nous avons atteint. Quand on agresse un sapeur-pompier, c'est qu'il n'y a plus de limites. Ces barbares n'ont plus peur ni de la loi ni de la justice : ils savent qu'aussitôt arrêtés, ils ressortiront libres.

Quand le Gouvernement prendra-t-il enfin les mesures de fermeté qui s'imposent pour mettre fin à cette escalade de l'horreur ? (Applaudissements sur de nombreuses travées du groupe Les Républicains ; M. Franck Menonville applaudit également.)

M. Bruno Retailleau, ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Je vous réponds au nom du garde des sceaux, qui honore la mémoire, avec le Président de la République, des deux agents pénitentiaires tués lors de l'évasion de Mohamed Amra.

En effet, cette tentative d'homicide à Évian n'est pas un fait divers, mais un fait de société. Le voyou, après avoir percuté le sapeur-pompier, a fait demi-tour et a craché sur la victime. C'est inadmissible. Il faut une réponse à la hauteur. Ce voyou de 19 ans, qui a quinze antécédents judiciaires, a fait moins de six jours de détention préventive !

Il faut une révolution pénale. La sanction tombe trop tardivement en cas de crime de sang. On a choisi d'enfermer ces jeunes dans un long parcours de violence : pour la victime et pour eux, c'est trop tard.

La doctrine du ministère de l'intérieur face aux rodéos était, jusqu'à présent : droit de poursuite à Paris, mais pas ailleurs. Je signerai dans quelques jours une circulaire pour autoriser les poursuites partout.

En six mois, on compte 55 % de plus de véhicules saisis, et, en un an, 52 % de personnes interpellées en plus. Comptez sur ma détermination. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Jean-Baptiste Lemoyne et Loïc Hervé applaudissent également.)

Mme Sylviane Noël.  - La France détient le triste palmarès du pays le plus violent d'Europe. (M. Rachid Temal en doute.) La majorité présidentielle doit ouvrir les yeux sur cette France Orange mécanique. Les Français attendent un choc d'autorité, une réforme réelle de la justice des mineurs, le rétablissement des peines plancher, l'application ferme de la loi, la construction rapide de 15 000 places de prison et le réarmement des tribunaux pour une justice rapide et efficace. Agissons ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Franck Menonville applaudit également.)

Insécurité et criminalité à Fort-de-France

M. Frédéric Buval .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Le RDPI s'associe à l'hommage national aux agents pénitentiaires tués à Incarville.

Monsieur le ministre de l'intérieur, les familles martiniquaises se demandent pourquoi il faut attendre un drame pour que les demandes de moyens supplémentaires en outre-mer deviennent légitimes.

Comment leur expliquer qu'on puisse tuer trois personnes, en plein coeur de Fort-de-France, avec des armes de guerre ? La sidération est générale. Rien ne semble arrêter la violence qui embrase l'arc caribéen.

Depuis le début de l'année, on déplore douze homicides en Martinique, un par semaine. La Martinique est devenue la principale porte d'entrée de la drogue en Europe, devant la Guadeloupe et la Guyane. La population est en colère et inquiète. Un sentiment indicible d'insécurité gangrène l'île et érode la confiance de nos compatriotes en l'État de droit.

Bien sûr, il faut des moyens supplémentaires. Mais face à une jeunesse désoeuvrée, il est tout aussi urgent de proposer des modèles positifs d'émancipation autres que l'exil et la débrouille, via l'emploi, la formation, le sport ou la culture.

Quelles sont les mesures supplémentaires que le Gouvernement envisage de prendre pour lutter contre ces réseaux criminels bien organisés et alimentés par les trafics internationaux ? (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Jérôme Durain et Mme Catherine Conconne applaudissent également.)

M. Bruno Retailleau, ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Je partage totalement votre constat. Dès mon arrivée à Beauvau, j'ai déployé 3 700 gendarmes et policiers dans les outre-mer - renforcement des patrouilles, confiscations d'armes.

Le réseau de vidéosurveillance n'est pas assez dense : le préfet est à la disposition du maire de Fort-de-France pour le renforcer.

La Martinique est effectivement une étape de transit pour les trafics. Il y a quinze jours, j'ai demandé au directeur général de la police nationale (DGPN) de se rendre sur place ; il me rendra prochainement compte de sa mission.

Pour la surveillance maritime, nous allons déployer trois bateaux supplémentaires, 140 gendarmes, un drone de longue portée et deux radars de surveillance. Ensuite, nous allons procéder à des contrôles dans les aéroports : ceux-ci porteront sur 100 % des passagers, puisque les trafiquants saturent les avions de mules. Enfin, nous équiperons le grand port maritime, d'ici à trois semaines, d'un scanner mobile pour mieux contrôler les containers.

Nous irons plus loin encore. J'attends les propositions du DGPN pour une action spécifique antidrogue dans les Antilles. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

PLF pour 2026

M. Laurent Somon .  - (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Lundi, Matignon indique que le Premier ministre pourrait proposer un référendum sur le budget. Mardi, l'Élysée dit que ce n'est pas à l'ordre du jour.

M. André Reichardt.  - Oh !

M. Laurent Somon.  - Mercredi, l'Élysée exclut tout référendum en matière budgétaire et fiscale, pour ne pas dessaisir le Parlement, mais en envisage un sur la politique économique. Jeudi, Bercy appelle les sénateurs pour leur proposer de travailler. Vendredi, Bercy détricote le dispositif de lutte contre la fraude aux dividendes adopté à l'unanimité par le Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe SER ; Mme Nathalie Goulet renchérit.)

Y a-t-il un pilote dans l'avion ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Marques d'ironie sur de nombreuses travées)

M. Éric Lombard, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique .  - C'est le copilote qui vous répondra, sous l'autorité du pilote, le Premier ministre. (Sourires)

Le dialogue se poursuit, dans toutes ses dimensions. Le conclave (exclamations amusées) - oui, c'est le terme retenu - sur les retraites avance en toute autonomie. Nous en connaîtrons les résultats dans quelques semaines.

Le Premier ministre a engagé une revue des politiques publiques avec l'ensemble des ministres, qui se traduira dans le projet de loi proposé à la rentrée.

Nous organisons aussi une concertation avec les collectivités territoriales.

Nous rendrons compte de ces travaux au Premier ministre qui, avant l'été, rendra ses arbitrages.

Nous dialoguons avec l'ensemble des parties qui le souhaitent.

Le texte sera présenté à la rentrée à l'Assemblée nationale. Tout se déroule comme prévu, de façon méthodique. (M. François Patriat applaudit.)

M. Laurent Somon.  - Alphonse Karr disait : « L'incertitude est le pire de tous les maux, jusqu'au moment où la réalité vient nous faire regretter l'incertitude. » Nous y sommes. Incertitude sur la définition du cap à tenir, incertitude sur la conduite de nos politiques publiques.

Je vous rappelle les mots d'un conseiller de l'Élysée que chacun reconnaîtra : le Président de la République regarde le Premier ministre comme un athlète portant une charge de 200 kg, marchant sur une planche étroite au-dessus d'un ravin. Si l'athlète en sort indemne, la charge fera bientôt 400 kg et la planche sera remplacée par un fil...

D'aucuns pensent que, sans incertitude, l'aventure n'existerait pas. L'aventure est passionnante, mais surtout anxiogène, comme le dit le président du Sénat. Parler, c'est bien ; agir, c'est mieux. Toutes les directions, c'est bien ; un cap, c'est mieux. Monsieur le ministre, donnez à tous l'espérance d'un avenir plus rassurant ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Nouvelle-Calédonie (I)

M. Rachid Temal .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Depuis un an, jour pour jour, les Néo-Calédoniens vivent une grave crise politique. Depuis un an, ce sont quatorze morts, dont des gendarmes, 2 milliards d'euros de dégâts, des semaines d'émeutes, une économie au bord du chaos, une population inquiète, une jeunesse désoeuvrée, des ingérences étrangères, une image dégradée de la France dans l'Indo-Pacifique.

Monsieur le ministre, le 30 avril dernier, vous disiez : « l'accord ou le chaos ». Il n'y a pas eu d'accord. Quels objectifs poursuivez-vous, avec votre proposition d'État associé ? L'exécutif a-t-il des propositions concrètes pour sortir de la crise ? Les Néo-Calédoniens ne peuvent attendre encore des mois. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Manuel Valls, ministre d'État, ministre des outre-mer .  - Vous avez bien décrit la situation. Depuis des mois, nous oeuvrons au redressement de la Nouvelle-Calédonie : 3 milliards d'euros pour la seule année 2024. Nous continuerons avec d'indispensables réformes économiques et fiscales. Sous l'autorité du haut-commissaire, nous assurons la sécurité de tous les Calédoniens ; chacun a droit à la protection de l'État.

Il fallait aussi renouer le dialogue entre les partenaires politiques. À la demande du Premier ministre, que je remercie de sa confiance, j'ai voulu recréer les conditions d'un dialogue indispensable pour reconstruire un projet commun. Tous se sont retrouvés autour de la table pour négocier. C'était impensable il y a quelques mois, tant les fractures étaient profondes après les inacceptables violences qui ont fait couler le sang.

La rupture de la confiance trouve son origine dans une histoire ancienne. Tant que nous n'aurons pas achevé le processus de décolonisation et reconnu le droit à l'autodétermination du peuple kanak, nous n'aurons pas les conditions du dialogue et de la paix civile.

J'ai proposé une voie qui concilie le maintien d'un lien fort avec la France et l'achèvement du processus de décolonisation. Ce dialogue va se poursuivre, avec l'État et entre les partenaires politiques. Je m'exprimerai prochainement devant le groupe de contact présidé par Gérard Larcher sur l'avenir du territoire.

Jean-Marie Tjibaou, Jacques Lafleur, Michel Rocard, Lionel Jospin... J'ai beaucoup pensé à eux ces derniers temps, sans nostalgie : ils indiquent le chemin de la responsabilité. (Applaudissements sur des travées du RDPI et du RDSE)

M. Rachid Temal.  - Vous n'avez pas développé votre projet ; nous aurons l'occasion d'y revenir, dans le cadre du groupe de contact.

Vous avez cité Michel Rocard et Lionel Jospin. L'État était alors impartial et facteur de sérénité. Aujourd'hui, à en croire les gazettes, il existe des options divergentes au sein de l'exécutif. Il faudra avoir un débat en séance publique sur l'avenir de la Nouvelle-Calédonie, le corps électoral et les élections provinciales, surtout après les déclarations inquiétantes de la présidente de la province Sud. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Relations franco-algériennes

Mme Valérie Boyer .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le 31 mars, les présidents Macron et Tebboune s'accordaient sur une reprise du dialogue et de la coopération. Pourquoi une telle bienveillance de notre part, alors que l'incarcération inique de Boualem Sansal dure depuis déjà six mois ?

Le bilan de cette tentative de rapprochement, sous couvert de repentance perpétuelle, est calamiteux. Aucun dossier n'a avancé, les affronts se succèdent : l'Algérie vient d'expulser quinze agents français. OQTF refusées, Kabyles et réfugiés politiques menacés sur notre sol, élus français utilisés par l'Algérie pour déployer ses stratégies d'influence, la liste est longue.

Ces faits, que vous avez qualifiés de brutaux et d'incompréhensibles, révèlent les véritables intentions d'Alger à notre égard. En réponse, vous avez annoncé le renvoi en Algérie de tous les agents titulaires de passeports diplomatiques sans visa. Combien sont-ils ? Quid de la riposte graduée ? Pourquoi poursuivre nos relations sur la base des accords dérogatoires de 1968, dont on ignore toujours le coût malgré nos interrogations ? Enfin, comment justifier le silence du Président de la République, qui n'a pas prononcé une seule fois le nom de notre compatriote Boualem Sansal en trois heures d'interview hier soir ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Max Brisson.  - Très bien.

M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - La relation entre les gouvernements algérien et français est gelée depuis le 14 avril, date à laquelle les autorités algériennes ont pris la décision, injustifiée et injustifiable, d'expulser douze agents français en poste en Algérie. Cela contrevient à l'esprit de l'échange entre les deux présidents, dans lequel s'inscrivait ma visite du 6 avril dernier, qui avait vocation à ouvrir tous les champs de coopération, y compris la révision de l'accord de 1968, et de plaider pour un geste d'humanité envers notre compatriote Boualem Sansal.

Nous avons apporté à ces décisions brutales une réponse immédiate et ferme, en expulsant à notre tour douze agents algériens et en rappelant notre ambassadeur, que je salue, pour consultation.

Dimanche 11 mai, Alger a demandé le départ immédiat des agents français en poste pour des courtes missions, donc sans visa. Là encore, nous avons répliqué : j'ai convoqué le chargé d'affaires algérien à Paris pour lui signifier que nous prenions une décision symétrique.

Nous nous sommes montrés ouverts au dialogue, les autorités algériennes ont choisi un autre chemin. À elles de voir si elles veulent régler les tensions qui perturbent notre relation. Quant à nous, nous ne nous interdisons pas de prendre d'autres mesures. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Olivier Cadic applaudit également.)

M. Jacques Grosperrin.  - Ce qui veut dire ?

Mme Valérie Boyer.  - Il y a urgence, Boualem Sansal est en danger de mort ! Rien ne justifie que la France renonce à défendre ses intérêts, rien ne justifie qu'elle accepte, avec le soutien d'une partie de la gauche, des provocations et des ingérences qui n'ont que trop duré.

Comme l'a dit Bruno Retailleau, la France est une grande nation. C'est aussi une question de fierté. L'Algérie ne peut continuer à nous humilier, 63 ans après. Il est temps de changer de paradigme et de revenir sur ces accords iniques.

Quelles que soient les douleurs de l'histoire, rien ne peut justifier qu'on humilie la France, qu'on retienne un de nos compatriotes, âgé et malade, rien ne justifie les ingérences sur notre sol. Il faut que cela cesse ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Dysfonctionnements de MaPrimeRénov'

Mme Amel Gacquerre .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Lundi dernier, une manifestation était organisée devant le siège de l'Anah, l'opérateur chargé de verser les aides MaPrimeRénov'. L'allongement des délais de paiement met en difficulté les particuliers qui s'endettent pour effectuer les travaux, et contraint des professionnels du bâtiment à licencier, faute de trésorerie.

Les délais d'instruction des dossiers se sont également allongés. MaPrimeRénov' est victime de son succès. Pour le meilleur - le nombre de rénovations d'ampleur a triplé au premier trimestre 2025 par rapport à 2024 - mais aussi pour le pire, car le ralentissement serait dû à la multiplication des contrôles : un dossier sur dix serait frauduleux.

Face à la montée en puissance du dispositif, les crédits budgétés suffiront-ils ? L'enveloppe a été nettement réduite entre 2024 et 2025, au motif que les crédits 2024 auraient été sous-consommés - or c'est la conséquence de l'allongement des délais de paiement !

Comment comptez-vous réduire ces derniers ? Comment faire face à la fraude ? Allez-vous abonder le budget de MaPrimeRénov' si les demandes sont plus importantes que prévu ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mme Valérie Létard, ministre chargée du logement .  - MaPrimeRénov' a soutenu la rénovation thermique de 2,5 millions de logements particuliers depuis 2020. Il faut distinguer les délais d'instruction des dossiers et les délais de paiement, une fois les travaux effectués. Ces derniers sont stables, à quarante jours en moyenne. Les délais d'instruction ont en revanche augmenté, pour les rénovations d'ampleur, et ce pour plusieurs raisons. D'abord, la dynamique des demandes, qui ont triplé cette année. MaPrimeRénov' est victime de son succès - preuve que l'on a visé juste.

L'adoption tardive de la loi de finances pour 2025 a également eu un impact non négligeable sur les délais.

Enfin, le Gouvernement lutte contre la fraude, face à une professionnalisation des arnaques ; le renforcement des contrôles allonge les délais. Il faut laisser le temps aux agences de s'adapter aux nouveaux outils prévus par la proposition de loi Cazenave, dont les députés examinent ce moment même les conclusions de CMP.

Les services instructeurs doivent être renforcés, car cette politique va se poursuivre. Une expérimentation est en cours sur plusieurs territoires pour un appui national supplémentaire en ressources humaines. Nous sommes mobilisés pour assainir la situation et réduire les délais.

Mme Amel Gacquerre.  - J'entends qu'il faut le temps de s'adapter à la hausse exponentielle des demandes, mais ne mettons pas en péril des milliers d'entreprises.

Nouvelle-Calédonie (II)

M. Georges Naturel .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Solanges Nadille applaudit également.) Monsieur le Premier ministre, un an jour pour jour après les émeutes insurrectionnelles en Nouvelle-Calédonie, j'ai une pensée pour les victimes. Leur courage nous oblige.

Les récentes négociations entre indépendantistes et non-indépendantistes se sont achevées sans qu'aucune convergence n'ait été trouvée. C'est un échec. La Nouvelle-Calédonie n'a plus le luxe d'attendre. L'économie s'effondre, la société est profondément fracturée. Les Calédoniens s'interrogent sur l'avenir d'un pays dont le destin est suspendu à la conclusion d'un nouvel accord politique.

Quelle suite le Gouvernement entend-il donner au processus de négociation ? Quand seront fixées les élections provinciales, déjà reportées à deux reprises ? Le Gouvernement déposera-t-il au préalable un projet de loi organique ouvrant partiellement le corps électoral provincial à tous les natifs de Nouvelle-Calédonie et aux petits-enfants de citoyens calédoniens, pour des élections plus démocratiques ?

Il s'agit de reconstruire un pacte de confiance. La République est attendue, non comme arbitre lointain, mais comme garante d'un avenir partagé. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Manuel Valls, ministre d'État, ministre des outre-mer .  - Nous avons évoqué ces sujets ensemble à Nouméa.

J'ai pris acte de l'absence d'accord sur l'essentiel à ce stade, mais, contrairement à vous, je crois que des points de convergence pour l'avenir méritent d'être étudiés et peuvent tracer un chemin commun.

Dans son avis sur la proposition de loi organique de Patrick Kanner, le Conseil d'État a considéré que ce second report des élections provinciales se justifiait, pour se donner le temps de rechercher un accord et en raison de la situation économique et sociale peu propice à l'organisation d'un scrutin.

Celle-ci demeure compliquée, mais reporter encore les élections serait problématique, politiquement et juridiquement. J'ai bon espoir que les discussions se poursuivent. L'accord est indispensable si l'on veut la stabilité et la paix. Je sais pouvoir compter sur votre sens de la mesure et de l'intérêt général.

Je ne veux pas m'avancer tout de suite sur une date pour les élections, ni sur la question du corps électoral. Nous avons encore un peu de temps pour rapprocher les points de vue. Une chose est sûre : on ne peut faire un référendum sans les Kanaks ni une réforme du corps électoral contre eux. Je vous invite à avancer vers un compromis. (M. François Patriat applaudit.)

Absence de cap institutionnel

M. Jérôme Durain .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Ainsi parlait le général de Gaulle (exclamations à droite) à propos d'Albert Lebrun : « Comme chef de l'État, deux choses lui avaient manqué : qu'il fût un chef ; qu'il y eût un État ». Hier soir, nous avons vu qu'il n'y a plus de chef. Et où est passé l'État ? (Mme Colombe Brossel renchérit.)

Emmanuel Macron n'a plus les moyens politiques de ses révolutions, et sa virtuosité est devenue stérile. Le patron s'est mué en chroniqueur. Quelle est sa vision pour le pays ? Nous avons tous ressenti de la gêne en le voyant ratifier, les unes après les autres, les propositions du maire de Béziers.

Que reste-t-il de l'État régalien quand on transfère des compétences de police, par incapacité à agir autant que par volonté décentralisatrice ? Quand on en arrive à envisager la location de places de prison à l'étranger ?

Le Président de la République a dit : quand le Parlement légifère, il est difficile de l'arrêter. (On ironise à gauche.) Que reste-t-il de la Ve République, quand le Gouvernement en est réduit à scruter les propositions de loi pour déterminer et conduire la politique de la nation ?

Un pays endetté, un président sans ressort, des services publics en carafe, des référendums sans sujet ni calendrier : comment et quand le Gouvernement compte-t-il nous sortir de l'ornière ? (Vifs applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Marie-Claude Varaillas et M. Yannick Jadot applaudissent également ; quelques marques d'approbation sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Patrick Mignola, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement .  - (Marques d'ironie sur de nombreuses travées) Il y a un chef : le Président de la République, seul Français à avoir été élu par tous les Français. (Murmures à droite et sur certaines travées à gauche) Et il y a un État, qui certes est dans une situation inédite, en particulier à l'Assemblée nationale.

Sous l'autorité du Premier ministre, le Gouvernement rassemble plusieurs forces politiques ayant accepté de travailler ensemble. Il permet à l'État d'avancer.

De fait, après les textes budgétaires, nous avons tenu les promesses faites aux agriculteurs et avancé sur quasiment tous les textes relatifs aux collectivités locales ; nous avançons sur les questions sociétales, et une navette est en cours sur l'énergie.

M. Max Brisson.  - Ce n'est pas la question !

M. Patrick Mignola, ministre délégué.  - Preuve que, malgré la situation difficile, le Parlement fonctionne.

En matière régalienne, nous avons fait adopter la proposition de loi sur le narcotrafic, dont vous êtes à l'origine avec Étienne Blanc. Hier, nous avons fait adopter par l'Assemblée nationale le texte sur la justice des mineurs. Plusieurs propositions de loi, souvent issues du Sénat, nous permettront de continuer à avancer sur les questions régaliennes - je pense en particulier à la lutte contre le terrorisme et à l'éloignement des étrangers dangereux - mais aussi dans le domaine sportif et culturel.

M. Max Brisson.  - Et la proposition de loi Savin ?

M. Patrick Mignola, ministre délégué.  - Votre question, quoique brillamment formulée, ne correspond donc que partiellement à la réalité. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Véronique Guillotin applaudit également.)

M. Jérôme Durain.  - C'était moins une question qu'une inquiétude. Vous connaissez la responsabilité des socialistes (marques d'ironie à droite) : nous ne censurons pas à la légère et prêtons nos voix à des textes qui le méritent. Encore faut-il qu'il y ait une vision et un arbitre : où sont-ils ? Et faut-il encore qu'advienne un sursaut : nous ne le voyons pas venir. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Université Lyon II

M. Max Brisson .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Nadia Sollogoub applaudit également.) Le 9 avril, je demandais des sanctions contre les agresseurs du professeur Balanche. Le 30 avril, Agnès Evren renouvelait cette demande. Nous sommes le 14 mai, et je suis obligé de poser pour la troisième fois la même question.

Plusieurs voix à droite.  - Il ne s'est rien passé !

M. Max Brisson.  - Aucune sanction, aucune reprise en main, aucune identification des agresseurs. Pourtant, ceux-ci négociaient il y a peu l'occupation d'une salle avec la présidence de l'université... De qui se moque-t-on ? (M. Michel Savin renchérit.)

L'autonomie des universités autorise-t-elle à piétiner les libertés académiques, à tolérer la violence et à révéler au grand jour l'impuissance du ministère ? (« Bravo ! » et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Vous revenez sur l'incident inacceptable du 1er avril à l'université Lyon II. Comme je l'ai fait à de nombreuses reprises, ainsi qu'Élisabeth Borne, j'adresse un message de fermeté absolue et de soutien total au maître de conférences Balanche et à la communauté académique de l'université. Interdire à un professeur de faire cours est extrêmement grave et mérite des sanctions à la hauteur.

Dès qu'il a eu connaissance des faits, le recteur a procédé à un signalement au titre de l'article 40 ; le ministère s'est porté partie civile. Nous avons apporté notre soutien public au maître de conférences et à l'université, qui ont déposé plainte. L'enquête est en cours : il est évident que, dès que les auteurs seront identifiés, des procédures disciplinaires seront engagées par l'université.

Par ailleurs, la présidente de Lyon II et M. Balanche sont menacés de mort. Avec le ministre de l'intérieur, nous avons mis en place les protections nécessaires, mais cette situation est intolérable. J'appelle à la retenue et à l'apaisement.

Le 28 avril, le recteur a opéré un autre signalement, visant un vice-président de l'université ayant rendu un hommage appuyé à M. Nasrallah. Quelques jours plus tard, cette personne a démissionné.

Avec Bruno Retailleau, nous travaillons à faciliter l'intervention des forces de l'ordre, à la demande des présidents d'université ; de même avec le garde des sceaux pour les signalements.

Je ne crois pas que nous fassions preuve de permissivité. Au contraire, nous appliquons une tolérance zéro sur l'ensemble de ces sujets.

Mme Agnès Evren.  - Ça ne saute pas aux yeux !

M. Laurent Burgoa.  - À suivre...

M. Max Brisson.  - L'heure n'est pas à la retenue. Ouvrons les yeux ! Certaines universités sont devenues des citadelles de l'extrême gauche (Marques d'ironie sur les travées du GEST et sur certaines travées du groupe SER), grâce au silence complice des présidences et à la complaisance de professeurs. (On renchérit à droite.) Les recrutements sont biaisés, les financements fléchés et la controverse, étouffée. Gare à celui qui ose penser autrement ! Il est ostracisé et parfois violenté.

L'affaire Balanche est révélatrice de l'emprise idéologique qui règne dans certaines universités. Imbibés de wokisme et d'islamo-gauchisme, certains ne supportent plus la moindre contradiction et ferment les yeux sur la violence quand elle sert leur idéologie.

L'heure est à la fermeté et au rétablissement de l'ordre républicain ! (« Bravo ! » et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Évelyne Perrot applaudit également.)

Violences dans les outre-mer du bassin caribéen

Mme Micheline Jacques .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Dimanche dernier, la Martinique a été secouée par une fusillade d'une violence inouïe : trois morts et 45 douilles retrouvées.

Les chiffres de la violence dans les outre-mer du bassin caribéen donnent le vertige : la Guyane est le département le plus meurtrier de France, avec 20,6 meurtres pour 100 000 habitants, suivie de la Guadeloupe et de la Martinique, avec 9,4 et 6,4 meurtres pour 100 000 habitants. Depuis le début de l'année, on compte environ un homicide par semaine dans ces territoires - Saint-Barthélemy seule échappe à cette situation.

Une partie de cette criminalité est liée aux trafics de drogues et d'armes. Plus d'un millier d'armes ont été saisies l'année dernière, et les saisies de drogues battent des records. C'est la preuve que votre action, monsieur le ministre, porte ses fruits. Elle ne doit pas faiblir, mais s'amplifier, alors qu'un hub des trafics se constitue en Haïti, soit à 900 kilomètres de la France.

Il faut renforcer la sécurité dans nos territoires et la coopération indispensable pour venir à bout de ce phénomène multinational. De quels moyens disposez-vous et quelles mesures prenez-vous pour empêcher la circulation d'armes dans les outre-mer, notamment dans les Caraïbes ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Bruno Retailleau, ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - La cause racine de cette ultraviolence, c'est le narcotrafic et, plus largement, la criminalité organisée qui englobe la drogue et les armes.

La zone caribéenne est au coeur de ces trafics : l'office anti-stupéfiants estime que 55 % des drogues saisies en proviennent.

Il y a quelques instants, j'ai parlé des mesures de riposte immédiate.

Sur le plan structurel, j'ai demandé au directeur général de la police nationale de se rendre sur place ; il me présentera prochainement des propositions. De manière immédiate, nous avons accru les moyens déployés sur place : 140 gendarmes supplémentaires affectés au trait de côte, trois bateaux de plus, un drone de longue portée, deux radars de bonne définition à l'aéroport, où 100 % des passagers sont désormais contrôlés. Dans quelques jours, un scanner mobile sera installé dans le Grand Port Maritime (GPM). Nous prendrons d'autres mesures encore.

Ce matin, nous avons inauguré l'état-major de lutte contre la criminalité organisée : issu de la loi Narcotrafic, il concentre en un même lieu l'ensemble des services de renseignement et d'enquête de quatre ministères. D'après les personnels, les premiers effets de ce regroupement commencent se faire sentir.

Notre détermination est totale : nous refusons la fatalité et ferons tout pour protéger les habitants de nos outre-mer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées du RDPI)

Mme Micheline Jacques.  - Je ne doute pas que votre action et votre détermination redonneront de l'espoir aux populations ultramarines, qui vivent dans la peur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

La séance est suspendue à 16 h 20.

Présidence de M. Loïc Hervé, vice-président

Mises au point au sujet de votes

M. Franck Montaugé.  - Lors du scrutin public n°277, Gilbert-Luc Devinaz et moi-même souhaitions voter contre.

Mme Catherine Di Folco.  - Lors du scrutin public n°271, Sylvie Valente Le Hir et Daniel Laurent souhaitaient voter pour. Lors du scrutin public n°277, Alain Houpert souhaitait s'abstenir.

M. Patrice Joly.  - Lors du scrutin public n°277, Éric Jeansannetas, Jean-Claude Tissot, Viviane Artigalas et moi-même souhaitions voter contre.

Acte en est donné.

Accord en CMP

M. le président.  - La commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi autorisant la ratification de la résolution LP.3(4) portant amendement de l'article 6 du Protocole de Londres de 1996 à la Convention de 1972 sur la prévention de la pollution des mers résultant de l'immersion de déchets et autres matières est parvenue à l'adoption d'un texte commun.

Nominations

M. le président.  - En application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique n°2010-837 et de la loi n°2010-838 du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a émis un avis favorable - 32 voix pour, 1 voix contre  - à la nomination de Mme Lydie Evrard aux fonctions de directrice générale de l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs et la commission des lois a émis un avis favorable -  37 voix pour, 1 voix contre  - à la nomination de M. Christian Charpy aux fonctions de président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.

Modification de la loi organique portant statut d'autonomie de la Polynésie française

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi organique tendant à modifier le II de l'article 43 de la loi organique n°2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française, présentée par Mme Lana Tetuanui et M. Teva Rohfritsch.

Ce texte a fait l'objet d'une consultation de l'Assemblée de la Polynésie française.

Discussion générale

Mme Lana Tetuanui, auteure de la proposition de loi organique .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDPI ; Mme Isabelle Florennes applaudit également.) Je salue tous ceux qui nous suivent depuis le Fenua.

Je remercie le président du Sénat et tous les présidents de groupe d'avoir inscrit ce texte à notre ordre du jour.

Cette modification de la loi organique portant statut d'autonomie de la Polynésie française donne la possibilité aux maires des 48 communes et 98 communes associées d'intervenir s'ils le souhaitent - chaque mot est important - dans certains domaines relevant de la collectivité.

Si la possibilité pour les communes d'intervenir dans ces domaines requiert une loi du pays, rien n'a été fait depuis 2004, comme l'ont montré les rapports du Sénat et comme nous l'avons dénoncé lors du dernier congrès de nos communes.

Il a fallu de la volonté, de la détermination et de l'audace pour faire bouger les lignes et sécuriser l'action de nos tavana.

Il n'est pas question d'un transfert de compétences, encore moins de moyens, mais de la volonté du pays, de l'État et des communes d'avancer ensemble. La clause générale de compétence en Polynésie française ne produit que des effets limités.

Cette réforme est soutenue par 47 des 48 maires -  cherchez l'erreur... La commission des institutions de la Polynésie française a émis un avis favorable le 16 avril dernier, mais c'était sans compter sur les manoeuvres du leader indépendantiste !

Une nouvelle rédaction prévoit que les communes pourront intervenir si elles le souhaitent, mais qu'elles devront en informer les autorités du pays et de l'État. Un amendement du rapporteur répond aux souhaits exprimés en Polynésie française -  j'y souscris pleinement.

J'espère que personne ne cédera aux manoeuvres politiciennes ni aux caprices de certains. Je plaide pour plus de considération pour les maires de Polynésie, qui doivent cesser d'être les victimes de marchandages politiques. Nous devons tous voter, à l'unanimité, cette proposition de modification. (Applaudissements)

M. Teva Rohfritsch, auteur de la proposition de loi organique .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Nous vous soumettons avec force et conviction une proposition de loi organique très attendue par nos maires de Polynésie, nos tavana, pour que nos communes puissent enfin répondre efficacement aux besoins des habitants dans les domaines autres que l'eau, l'assainissement et le traitement des déchets ménagers.

En Polynésie française, la clause générale de compétence a été attribuée au pays, pas aux communes. Depuis l'adoption de la loi organique de 2004, les communes doivent être expressément et préalablement habilitées par une loi du pays, selon un mécanisme lourd, qui n'a été mobilisé que trois fois en vingt ans -  c'est maigre. Vers qui se sont tournés les Polynésiens en plein chaos du covid ? Les maires.

Il s'agit d'un verrou institutionnel, qui pose la question de la libre administration de nos collectivités. Or nos communes sont le seul maillon visible entre nos concitoyens et la République.

Nos îles sont paradisiaques, mais isolées par l'océan sur 5 millions de kilomètres carrés. La résilience y est un défi quotidien. Nous subissons la vie chère et la carence des services publics. C'est vers les tavana que se tournent nos administrés.

Or un maire ne peut pas venir en aide à ceux qui font vivre l'île - artisans, perliculteurs, pêcheurs, etc. Les tavana sont bien seuls. Ils agissent sans cadre, sans filet et sans moyens, pour répondre aux urgences : réunir des artisans sous un abri de fortune pour vendre des produits locaux, nettoyer une plage, agir contre le réchauffement du lagon... Ils prennent des risques évidents, notamment au plan pénal.

Merci à Mathieu Darnaud qui a enrichi le texte, en encourageant le dialogue entre collectivités, conformément à la demande du gouvernement de M. Brotherson.

Notre texte ne limite pas le champ d'intervention des autres institutions de la Polynésie française : il s'agit d'une simple habilitation à agir, dans le respect de la réglementation de l'État et du pays.

Cette évolution statutaire est soutenue par 47 maires sur 48, ainsi que par la commission des institutions de l'assemblée de la Polynésie française -  mais a divisé la majorité indépendantiste en séance plénière.

Nous devons laisser les tavana agir, conformément aux principes de différenciation et d'adaptation. Je sais votre bienveillance à l'égard de nos territoires lointains, mais bien ancrés dans la République. Nous vous invitons à voter ce texte. Le Sénat est la chambre des communes, mais aussi de tous nos tavana. M?uruuru ! (Applaudissements)

M. Mathieu Darnaud, rapporteur de la commission des lois .  - (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains) Depuis toujours, le Sénat -  grand conseil des communes de France, selon les mots de Gambetta  - fait résonner la voix de nos communes, de l'Hexagone et d'outre-mer. Je salue les auteurs de ce texte.

Proximité et agilité caractérisent nos communes. De nombreux travaux du Sénat -  notamment le rapport Bellurot-Benarroche-Durain  - ont souligné la nécessité, pour les communes de Polynésie, qui ne disposent pas de la clause de compétence générale, de pouvoir exercer certaines compétences.

Quel territoire plus que la Polynésie française, aussi vaste de l'Europe, a besoin de cette proximité ? Il faut donner aux tavana la possibilité de répondre à des problématiques différentes selon que l'on est à Tahiti ou aux Marquises. Il s'agit offrir plus d'agilité aux maires.

Le I de l'article 43 du statut de la Polynésie française liste les compétences des communes. C'est bien le pays qui dispose de la clause de compétence générale. Il semblait donc important de sécuriser les initiatives de nombreux maires polynésiens, sollicités par la population.

J'ai échangé avec l'ensemble des responsables politiques polynésiens. Tous ont souligné ce besoin de proximité. Il était donc nécessaire de modifier le II de l'article 43.

J'ai déposé un amendement pour établir le dialogue entre les communes et le pays sur l'exercice partagé des compétences.

Lana Tetuanui l'a dit à raison : les tavana ne demandent pas une décentralisation de compétences supplémentaires, mais simplement de pouvoir répondre à l'exigence de proximité.

Ce soir encore, faisons entendre la voix des tavana. En adoptant ce texte, nous ferons oeuvre utile pour les habitants de Polynésie française. (Applaudissements)

M. Manuel Valls, ministre d'État, ministre des outre-mer .  - La Polynésie française est un territoire unique au sein de la République, avec plus de 280 000 habitants, dans 48 communes et 118 îles, sur l'équivalent de la superficie de l'Union européenne ! Les attentes diffèrent selon que l'on habite aux Marquises ou aux Australes.

Le cadre institutionnel de la Polynésie française, fruit de la géographie et de l'histoire, est aussi unique. L'autonomie y est grande, avec de nombreux transferts de compétences en direction du pays.

Ce lundi, auditionné par une commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur les conséquences des essais nucléaires en Polynésie française, j'ai rappelé que la France était redevable à la Polynésie française et aux Polynésiens.

Il n'y va pas en Polynésie française comme ailleurs. Il y faut parfois des règles singulières, pour mieux répondre aux besoins.

Je veux saluer le travail et la détermination des auteurs de la proposition de loi, deux sénateurs à l'écoute des maires polynésiens et engagés pour l'amélioration du droit en Polynésie française. Je salue aussi l'apport du rapporteur, qui a réussi une synthèse qui n'était pas évidente.

Les compétences des communes polynésiennes sont de création récente - 1971 pour la plupart. Aux termes de la loi organique de 2004, les communes - qui ne disposent pas de la clause générale de compétence, réservée au pays - ont neuf champs de compétences : voirie, collecte et traitement des déchets et des eaux usées, écoles du premier degré, etc. Elles peuvent aussi exercer d'autres compétences, mais seulement après une loi du pays. Or ce mécanisme ne fonctionne pas, en raison probablement de sa trop grande complexité - seulement trois fois en vingt ans, dont une fois pendant la pandémie de la covid.

Dans cet hémicycle plus qu'ailleurs, on sait que l'échelon communal est celui de la proximité et que les administrés en attendent beaucoup.

Alors que font les maires, face à la rigidité du cadre législatif ? Par devoir et responsabilité, ils exercent de facto des compétences relevant du pays - culture, action sociale, logement... - hors de tout cadre juridique sécurisé. L'article unique de cette proposition de loi organique vise donc à sécuriser l'action des communes.

Restaient à définir les meilleures modalités d'articulation entre le pays et les communes, afin de garantir la lisibilité et l'efficacité de l'action publique. La suppression de la condition d'une loi du pays a pu interroger sur la bonne articulation des compétences - l'avis défavorable de l'Assemblée de Polynésie du 24 avril dernier ne saurait être ignoré.

La commission a donc permis d'aboutir à un compromis : une commune ou un EPCI pourra exercer tout ou partie d'une compétence, à condition d'en informer les autorités du pays au moins six mois à l'avance. Ce sera le temps de l'écoute et de l'élaboration d'une éventuelle convention. Depuis 2019, l'obligation de transfert de moyens a été supprimée pour faciliter le partage des compétences, mais il faudra en reparler dans certains cas.

Toutes les communes n'exerceront pas les compétences de la même manière, mais n'est-ce pas déjà le cas ? Un jardin à la française, c'est très beau. Mais de bonnes institutions outre-mer, c'est un cadre qui laisse s'épanouir la diversité des territoires - c'est peut-être cela un jardin à la polynésienne... (Sourires) La triste uniformité qui nivelle par le bas ne répond à aucune attente, à aucun besoin.

Je fais confiance au rapporteur et à la sagesse du Sénat, mais aussi aux maires et au pays, pour trouver les solutions adaptées à chaque territoire. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées des groupes UC, SER et du RDSE)

M. Guy Benarroche .  - Cette proposition de loi organique est à l'image du travail de notre assemblée : attention aux territoires et concrétisation de nos travaux.

La Polynésie française propose le modèle le plus abouti - bien qu'inachevé - d'autonomie institutionnelle.

Cette proposition de loi organique reprend la proposition n°18 de notre rapport. Le pays est actuellement réticent à mettre en oeuvre l'article 43 que nous souhaitons modifier : en vingt ans, seules trois lois du pays ont été prises. Des communes exercent déjà de facto certaines de ces compétences de proximité, au prix d'un fort risque juridique.

Une convention facultative et l'information préalable du pays seront désormais prévues. C'est la reprise de la promesse inachevée de différenciation, portée par la loi 3DS. Il ne s'agit pas d'imposer de nouvelles compétences aux communes, mais de permettre à celles qui en ont envie ou besoin - et les moyens ! - de le faire, en coordination avec le pays.

Ce texte a reçu le soutien massif des maires et, dans un premier temps, de l'Assemblée de Polynésie. Mais, pour des raisons liées au contexte politique local, le président de la Polynésie française, Moetai Brotherson, et celui de l'Assemblée, Antony Géros, ont fait basculer le consensus. Je regrette de devoir voter en l'absence d'unanimité.

Je connais bien la Polynésie française, très beau, mais très vaste territoire. La centralisation excessive des décisions peut freiner le développement de certaines parties.

Le GEST, qui soutient l'échelon local et une action publique décentralisée, votera ce texte, qui permet de mieux protéger les élus locaux. (Applaudissements sur les travées du GEST, du RDPI, du RDSE et du groupe SER ; Mme Lana Tetuani applaudit également.)

M. Jérôme Durain .  - En avril 2024, avec François-Noël Buffet, Nadine Bellurot, Guy Benarroche et Philippe Bonnecarrère, bien encadrés par nos collègues Teva Rohfritsch et Lana Tetuani, nous nous sommes rendus en Polynésie française pour voir ce qui était susceptible d'être amélioré. Les tavana nous ont fait part, de façon touchante, de leurs réalités locales, différentes de celles de l'Hexagone.

Voici donc la proposition n°18 de notre rapport : faciliter l'action de proximité des communes dans certains champs de compétences du pays - économie, culture, aide sociale, sport, notamment.

Le système initialement prévu, avec ces fameuses lois du pays, aurait pu permettre une adaptation fine aux réalités locales, mais il n'a été utilisé qu'à trois reprises. Or une loi qui n'est pas appliquée est une mauvaise loi : il faut y revenir.

Le groupe SER défend ce texte, afin d'encourager l'action des communes en matière de cohésion sociale et de maillage territorial du service public.

Voté à l'unanimité en commission des lois, il a été heureusement enrichi par un amendement de notre rapporteur qui prévoit l'information préalable du pays. Ce texte, qui associe décision locale, information et éventuelle convention, nous semble abouti.

Ce n'est sans doute pas l'idéal, mais cette démarche des petits pas, projet par projet, contribuera à la confiance entre les communes et le pays. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, du GEST, du RDSE et du RDPI ; Mme Isabelle Florennes applaudit également.)

M. Pierre Médevielle .  - La Polynésie française, collectivité d'outre-mer au sens de l'article 74 de la Constitution, bénéficie d'une large autonomie : elle est en effet compétente dans tous les domaines, à l'exception de ceux expressément réservés à l'État - justice, droits civiques, politique étrangère et défense.

Les communes de Polynésie française sont confrontées à des difficultés similaires à celles de l'Hexagone, d'autant qu'elles ne bénéficient pas de la clause générale de compétence. Nos communes de l'Hexagone souffrent de la centralisation : alors, imaginez là-bas, dans un territoire vaste comme l'Europe -  mais dont la superficie des îles ne dépasse pas celle de la Corse !

Le vote d'une loi du pays est nécessaire pour intervenir dans des domaines tels que l'aide sociale, l'urbanisme, la culture ou le sport. Cela manque de souplesse. Or les communes de Polynésie française doivent agir pour répondre aux besoins de leur population. En l'absence de loi du pays, les maires doivent donc choisir entre laisser leurs concitoyens sans solution, ou engager leur responsabilité pénale.

La suppression de l'exigence de la loi du pays est donc une solution pragmatique. Elle s'accompagnera d'une information préalable des autorités du pays et d'une éventuelle convention de financement.

Merci à nos deux sénateurs polynésiens pour leurs explications sur ce texte, qui a reçu le soutien de 47 des 48 maires polynésiens et du président de l'Assemblée de la Polynésie française, et que le groupe Les Indépendants votera. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, du RDSE et du RDPI)

Mme Micheline Jacques .  - Ia ora na ! Comment ne pas souscrire d'emblée à cette proposition de loi organique portée par Lana Tetuanui et Teva Rohfritsch ?

En outre-mer, plus qu'ailleurs, la décentralisation et l'organisation territoriale doivent être au service des territoires. C'est l'approche de la délégation sénatoriale aux outre-mer, que j'ai l'honneur de présider. Le rapport Bas-Lurel a centré son propos sur l'adaptation, montrant comment l'ancrage local renforce l'action de l'État.

La Polynésie française, ce sont 115 îles, dans un territoire maritime aussi vaste que l'Europe. Cela impose une double décentralisation - comme en Guadeloupe, à un degré moindre.

C'est pour tenir compte de ces distances qu'une possible délégation des compétences du pays a été prévue, pourtant très peu utilisée, ce qui, selon le rapporteur Mathieu Darnaud, fin connaisseur de la Polynésie française, montre l'inadaptation de ce dispositif.

En premier lieu, il faut une loi du pays. En second lieu, par symétrie avec l'article 72-2 de la Constitution, cela suppose un transfert de moyens aux communes. Or, ce mécanisme semble davantage s'apparenter à celui de l'habilitation de l'article 73 de la Constitution : une sorte de prêt de compétences sans moyens afférents. Se pose peut-être pour l'habilitation le même problème d'inadaptation, car les demandes d'habilitation sont peu nombreuses...

Le tavana est le mieux placé pour agir dans les îles isolées et peu peuplées. Qui mieux que le tavana pour prendre les justes décisions en matière d'aide sociale, d'urbanisme, de patrimoine local, de culture ?

À une exception près, les communes polynésiennes ont approuvé cette proposition de loi organique. Cet assouplissement est un gage d'efficacité et d'économies sur les coûts de fonctionnement, grâce à une meilleure coordination entre pays et communes. En ma qualité de présidente de la délégation sénatoriale aux outre-mer, je soutiens toutes les formes d'adaptation aux besoins des territoires.

Le groupe Les Républicains soutient la demande des tavana et votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et du RDPI)

M. Bernard Buis .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Lana Tetuani applaudit également.) Qu'est-ce qu'être maire ? Incarnant la République de proximité, le maire est l'élu qui agit en première ligne, au quotidien, avec des moyens souvent modestes, mais toujours dans l'intérêt de ses concitoyens. Il reste un repère pour beaucoup, en prise avec les réalités du terrain. Mais pour agir, encore faut-il en avoir le droit !

La loi organique du 27 février 2004 n'accorde pas les mêmes droits aux tavana qu'aux maires de l'Hexagone. Seule l'adoption d'une loi du pays peut leur laisser une certaine latitude pour prendre des mesures dans certains domaines, comme l'action sociale. Mais on ne compte que trois lois du pays en vingt ans.

Sans attendre l'hypothétique loi du pays qui n'arrive pas, les tavana agissent pour le bien de leurs concitoyens, en toute illégalité. Nous, législateurs, ne pouvons laisser cette situation perdurer.

La proposition de loi organique apporte une solution viable et adaptée, en remplaçant l'exigence d'une loi du pays par une convention facultative. C'est un début, mesuré, de convergence vers la clause générale de compétence, dans toute la République.

Avec l'amendement du rapporteur, les communes devront informer préalablement les autorités du pays et le haut-commissaire de la République de leurs intentions.

J'ai été maire de Lesches-en-Diois pendant près de 24 ans. En tant que tavana drômois (sourires), j'ai créé un plan des itinéraires remarquables, une piste de décollage et d'atterrissage pour les ULM et les parapentes, une aide pour les parents de jeunes écoliers. Autant de projets dont je suis fier et que j'ai pu réaliser, car le droit me le permettait.

Merci à mon collègue Teva Rohfritsch, qui m'a fait confiance pour m'exprimer à cette tribune. (M. Teva Rohfritsch apprécie.)

À plus de 15 000 km d'ici, des élus locaux soutiennent ce texte, que le RDPI votera, bien évidemment. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe Les Républicains ; M. Jérôme Durain applaudit également.)

Mme Véronique Guillotin .  - Cette réforme, portée par Lana Tetuanui et Teva Rohfritsch, est très attendue par les communes polynésiennes : notre droit doit s'adapter aux réalités locales.

Bien que pertinente à l'origine, l'exigence d'une loi du pays est devenue un frein à l'action des communes, notamment les plus isolées. Elles sont pourtant souvent les seules à pouvoir répondre aux besoins urgents des populations.

La proposition de loi organique supprime donc l'exigence d'une loi du pays et permet aux communes d'intervenir directement. Elles devront cependant notifier leur intention au pays et au haut-commissaire de la République. C'est un bon équilibre, qui favorisera la coordination entre les différents acteurs, sans freiner l'initiative locale.

Cette réforme s'inscrit parfaitement dans l'esprit de la mission d'information sur les dix ans de la loi NOTRe, conduite par Maryse Carrère et qui vise à renforcer l'efficacité de l'action des collectivités territoriales.

Ce texte offre plus de flexibilité aux communes de Polynésie française, sans imposer de charges financières supplémentaires à l'archipel. Le RDSE le soutient pleinement, convaincu qu'il constitue un progrès tangible pour ce territoire ultramarin. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du RDPI et du groupe UC ; M. Jérôme Durain applaudit également.)

Mme Isabelle Florennes .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Teva Rohfritsch applaudit également.) Il est symbolique d'ouvrir cet espace transpartisan avec le texte de nos collègues Lana Tetuanui et Teva Rohfritsch, membres de deux groupes politiques différents.

Il s'agit de donner davantage de compétences aux communes de Polynésie française. Les compétences communales sont en effet conditionnées à l'adoption d'une loi du pays, qui ne transfère pas ces compétences, mais autorise les communes à intervenir. Ce dispositif empêche donc les communes d'agir, car seules trois lois du pays, de portée limitée, ont été adoptées depuis 2004.

Nos deux collègues proposent donc une simplification et une clarification. L'article unique de la proposition de loi organique permet aux communes et aux EPCI d'intervenir directement, sans passer par l'adoption d'une loi du pays.

Merci à Mathieu Darnaud d'avoir mis en place une procédure d'information, qui ouvre un espace de dialogue avec les autorités du pays pendant six mois, pouvant aboutir à la signature d'une convention, facultative.

Cette proposition de loi organique reprend l'une des 22 propositions du rapport transpartisan Bellurot-Benarroche-Durain et fait l'objet d'un soutien transpartisan au niveau local. Le groupe UC la votera. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et du RDPI ; M. Alain Chatillon applaudit également.)

M. Robert Wienie Xowie .  - Cette proposition de loi donne un coup de projecteur sur le travail acharné et souvent méconnu des maires de nos pays d'outre-mer.

En Polynésie française, dans les discussions sur les évolutions institutionnelles, les communes sont souvent oubliées. Les maires de la Kanaky Nouvelle-Calédonie préparent eux aussi l'avenir, notamment en envisageant l'élargissement de leurs compétences - je salue leurs travaux.

Les maires ont souvent relevé des défis majeurs. Moi-même premier magistrat, je peux comprendre les difficultés des communes de Polynésie française.

Durant la crise sanitaire, qui était là pour distribuer les masques, organiser la solidarité et répondre aux besoins ? Les maires ! Et ce sans lever plus d'impôt, sans fiscalité propre, dans une logique de service public pure et désintéressée. Tout cela interroge.

Cette proposition de loi part d'un constat juste : il faut redonner de l'air et de la clarté à l'échelon communal. Il faut des compétences mieux définies, exercées de manière plus souple.

Dans le même mouvement, nous ne pouvons ignorer la position de l'Assemblée de la Polynésie française, qui s'est prononcée contre ce texte ; nous ne pouvons la balayer d'un revers de main. Elle traduit une inquiétude, notamment sur la cohérence des politiques publiques entre les acteurs. Il faut redonner compétences, moyens et respect à l'échelle communale, et redonner confiance.

Je suis non pas polynésien, mais kanak. Je sais que rien de durable se construit sans dialogue, et je ne doute pas que nos peuples sauront trouver un consensus.

Les communes devront être intégrées aux discussions sur l'avenir de nos institutions. Ce texte est un signal utile, une base de discussion. C'est pourquoi, en conscience, le CRCE-Kanaky attendra les clarifications sur les craintes exprimées, sans opposition de principe à la réforme.

Nous devons redonner aux maires la sécurité et les moyens juridiques de leur action, tout en faisant confiance au pays sur sa capacité à avancer. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K ; MM. Guy Benarroche, Mikaele Kulimoetoke et Mme Lana Tetuanui applaudissent également.)

M. Georges Naturel .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce texte est soutenu par 47 des 48 maires de Polynésie française.

Chacun connaît les défis de l'éparpillement géographique de nos territoires. Il faut les avoir vécus pour comprendre : la distance fragilise la puissance publique, qui n'est efficace que quand elle est exercée localement. Bien souvent, dans nos archipels, les communes sont le seul visage de la République. Elles assurent les secours d'urgence, l'éducation, le traitement des déchets, entre autres, parfois sans base juridique, mais toujours avec engagement.

Trop souvent, ces communes doivent attendre l'aval d'un gouvernement local éloigné, installé à Tahiti ou à Nouméa.

Le mécanisme prévu pour la Polynésie française, la loi du pays, n'a été mobilisé que trois fois en vingt ans. Ce constat d'immobilisme a conduit les maires à agir, avec tous les risques que cela implique. La proposition de loi organique vise à lever ce verrou.

Ce texte ne bouleverse pas l'équilibre institutionnel : il ne remet pas en cause les politiques du pays et n'opère aucun transfert autoritaire. Il confirme la pratique, et permet simplement aux communes d'exercer certaines compétences, encadrées par une convention avec la Polynésie française, sans en faire une condition préalable. Il mise sur la confiance accordée aux élus de terrain.

Un autre mérite de ce texte : il sécurise juridiquement les initiatives locales, car les maires agissent dans une zone grise, sans garantie de financement ni appui en ingénierie. À la légitimité démocratique doit correspondre une sécurité juridique.

Je salue le travail de nos collègues. Le dialogue est maintenu, la hiérarchie des compétences respectée et l'action de proximité enfin rendue possible. Tel était le sens du rapport Durain-Benarroche-Bellurot.

La Nouvelle-Calédonie observe cette réforme avec beaucoup d'intérêt, car nous vivons les mêmes tensions, besoins et attentes : nos communes exercent aussi ces compétences avec sérieux, mais avec des outils juridiques dépassés ou inadaptés à nos réalités archipélagiques. Le groupe Les Républicains votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDPI ; Mme Lana Tetuanui applaudit également.)

Discussion de l'article unique

M. le président.  - Amendement n°1 de Mme Cukierman et du groupe CRCE-K.

Mme Marianne Margaté.  - Nous avons échangé avec le gouvernement de la Polynésie française. La rédaction actuelle fait référence au respect de la loi du pays. Mais ce dernier ne fait pas qu'adopter des textes, il promeut des politiques publiques transversales. Cet amendement vise non pas à contraindre, mais à organiser. Nous voulons que chacun puisse agir dans un cadre lisible, cohérent et partagé.

La coordination n'est pas un luxe : c'est bien une exigence démocratique.

M. Mathieu Darnaud, rapporteur.  - Je comprends l'esprit de cet amendement. Toutefois, après avoir échangé avec l'Assemblée de Polynésie et l'ensemble des tavana, tous ont pointé le besoin d'agilité et souhaité que le II de l'article 43 soit complété.

Au-delà de mon amendement adopté en commission, vous souhaitez que les politiques publiques du pays puissent être inscrites dans la convention - facultative - ou portées par les communes, dès lors qu'un accord aura été trouvé.

Veillons à ne pas alourdir la charge pour les maires. Si la démarche est trop complexe, alors les communes de Tumaraa, Hiva Oa auront bien plus de difficultés à agir que Faaa ou Papeete.

Avis défavorable.

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - En commission, l'amendement du rapporteur visait l'agilité du dispositif et la cohérence entre pays et communes. Préservons cette agilité, et l'accord trouvé. Sagesse.

L'amendement n°1 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°3 de Mme Cukierman et du groupe CRCE-K.

Mme Marianne Margaté.  - Clarifions le caractère facultatif des conventions prévues par le texte. L'état actuel du droit donne lieu à des difficultés d'interprétation. Le rapporteur souhaite préserver la souplesse, mais le texte reste ambigu, d'où des risques de contentieux financiers et juridiques. Nous prônons pour notre part le respect mutuel, tout en préservant la souplesse du dispositif.

M. Mathieu Darnaud, rapporteur.  - Je pense avoir été clair ; le texte l'est tout autant, puisqu'il réaffirme le caractère facultatif des conventions. Avis défavorable.

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - Sagesse.

L'amendement n°3 n'est pas adopté.

Vote sur l'ensemble

Mme Lana Tetuanui .  - Nous devons remercier tout le monde.

Une voix à droite.  - Nous n'avons pas encore voté... (Sourires)

Mme Lana Tetuanui.  - Mais je suis convaincue de l'issue du vote !

Monsieur Xowie, l'un de vos mots m'a interpellée : vous avez utilisé le terme « parole ». Nous y sommes très sensibles.

Après un vote unanime en commission, certains, en séance, ont renié leur parole, une semaine plus tard ! Ils ont oublié le quotidien de 280 000 habitants, pour assouvir les ambitions d'une seule personne. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

M. Teva Rohfritsch .  - J'appelle tous les groupes à voter ce texte, et plus particulièrement le groupe CRCE-Kanaky. La commission s'est clairement prononcée en faveur de ce texte. En séance plénière, le débat fut plus politicien.

Nous nous sommes éloignés du fond du sujet. Les seuls arguments méritant l'attention des sénateurs ont été repris par Mathieu Darnaud, par le biais de l'amendement de la commission des lois. Ce dernier a réglé les problèmes évoqués par M. Brotherson.

Ce texte sera utile aux Polynésiens. Ne rentrons pas dans un débat politicien. En tant que sénateurs, nous devons être unanimes sur la question centrale : accorder aux maires polynésiens la capacité juridique d'agir ! Actuellement, ils le font parfois au péril de leur mandat et de leur honneur d'homme politique, sous la menace de sanctions. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains ; Mme Véronique Guillotin applaudit également.)

L'article unique constituant l'ensemble de la proposition de loi est mis aux voix par scrutin public de droit.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°278 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 326
Pour l'adoption 326
Contre     0

La proposition de loi organique est adoptée.

(Applaudissements)

Améliorer le dispositif de protection temporaire en France

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à améliorer le dispositif de protection temporaire en France, présentée par Mme Nadia Sollogoub et plusieurs de ses collègues.

Discussion générale

Mme Nadia Sollogoub, auteur de la proposition de loi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Merci au président du Sénat et au président Marseille d'avoir inscrit ce texte, certes technique, dans l'espace réservé du groupe UC. Je salue aussi le travail d'Isabelle Florennes, rapporteure, ainsi que la présidente de la commission des lois, Muriel Jourda.

Le 3 mars 2022, à la suite de l'agression russe contre l'Ukraine, le Conseil de l'Union européenne a enclenché la protection temporaire pour la première fois, dispositif à destination des ressortissants non européens contraints à l'exil face à des violences ou à des violations graves des droits de l'homme. Il s'agit de gérer le cas particulier de mouvements migratoires temporaires.

Face à l'afflux des populations civiles, l'Union européenne a estimé que les conditions exceptionnelles étaient réunies pour accueillir les Ukrainiens sous ce régime. La France a instauré un panier de droits et, unanimement, les Ukrainiens nous ont exprimé leur reconnaissance. Mes chers collègues, je vous remercie d'avoir légiféré en urgence pour rendre ces dispositions opérationnelles.

Personne n'imaginait que ce conflit durerait autant. Or le dispositif de protection temporaire n'est pas adapté dans la durée : il doit être ajusté.

Ce texte part d'un constat : les bénéficiaires de la protection temporaire se tournent maintenant vers la demande d'asile, ce qui est contraire à l'esprit du dispositif. La France est le neuvième pays d'accueil, mais elle reçoit 50 % des demandes d'asile. Le phénomène s'accélère : 3 250 demandes en 2023, 12 031 en 2024, déjà 5 000 en 2025. Ces demandes reçoivent généralement une réponse positive.

Il faut enrayer le phénomène, pour plusieurs raisons. La grande majorité des Ukrainiens souhaitent retourner dans leur pays. De plus, la France n'a pas vocation à garder ces personnes sur son sol. Enfin, l'administration est déjà embolisée par les demandes d'autres réfugiés. Les protégés demandent l'asile par défaut, alors qu'ils souhaitent retourner in fine chez eux.

Ce texte traite de l'exemple ukrainien, mais ce n'est pas un texte pour les Ukrainiens. Nous améliorons un dispositif qui, demain, hélas, bénéficiera peut-être à d'autres peuples fuyant la barbarie et la guerre.

Plusieurs raisons expliquent ces demandes d'asile.

À l'article 1er, j'ai souhaité améliorer la reconnaissance des diplômes, notamment médicaux. Une autorisation d'exercice temporaire avait été accordée jusqu'au 27 décembre 2023.

Un amendement du Gouvernement, adopté hier lors de l'examen de la proposition de loi sur l'amélioration de l'accès aux soins, permet aux réfugiés apatrides d'exercer temporairement en attendant leur réussite aux épreuves de vérification des connaissances (EVC) et accorde aux bénéficiaires de la protection temporaire la même faculté.

Monsieur le ministre, il faut trouver une solution pour le problème de la non-reconnaissance du permis de conduire ukrainien, alors que le permis russe est reconnu, à la suite d'accords bilatéraux -  c'est choquant. Rien ne s'oppose à la signature d'un accord bilatéral, d'autant que les services ukrainiens ont dématérialisé la procédure. Ce serait en outre un signe diplomatique fort envers un pays ami. Cela faciliterait le retour à l'emploi. Je salue la présence du consul d'Ukraine en tribune.

J'espère que cette proposition de loi résoudra ces difficultés.

La très grande majorité des protégés ukrainiens basculent vers des demandes d'asile, accordées dans 98 % des cas, asile qui donne droit à l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), au RSA, à l'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa) et à l'allocation aux adultes handicapés (AAH). La solution la plus coûteuse pour le budget des collectivités territoriales et de l'État, c'est de laisser faire.

Dans tous les cas, ces bénéficiaires obtiendront une prise en charge sociale. Si nous ne changeons rien, ce sera par le biais d'une demande d'asile, difficilement réversible, et coûteuse. Si nous rendons la protection temporaire plus protectrice, ce sera par le biais de cette solution limitée dans le temps, moins coûteuse.

Évitons que la protection temporaire ne devienne l'antichambre de l'asile.

Bien sûr, cela ne résoudra pas tout. Certaines dispositions sont d'ordre réglementaire. Quant à l'apprentissage de la langue, il exige des moyens suffisants.

J'entends les craintes. Améliorer la protection temporaire en France n'est en aucun cas créer une charge supplémentaire : c'est clarifier et simplifier les tâches administratives, permettre une insertion temporaire et aider ceux qui sont arrivés malgré eux à rester debout en attendant la paix et le jour tant espéré du retour. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. Christophe Chaillou applaudit également.)

Mme Isabelle Florennes, rapporteure de la commission des lois .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le régime de la protection temporaire a été introduit par une directive du 20 juillet 2001 laissant aux États membres des marges d'appréciation importantes. Appliqué pour la première fois après l'invasion de l'Ukraine, c'est une réussite. Toutes les personnes auditionnées - consul ici présent, associations, administrations centrales ou préfet de la région Île-de-France - ont souligné la qualité de la protection temporaire et de l'accueil en France, qui ont donné aux Ukrainiens accès au logement, au travail et à l'éducation.

Nous devons améliorer ce régime dans la perspective de futures crises, même si certaines évolutions ont déjà permis d'atteindre plusieurs objectifs poursuivis par le texte.

L'article 1er de la proposition de loi étend aux bénéficiaires de la protection temporaire un dispositif dérogatoire qui s'applique notamment aux réfugiés, apatrides et bénéficiaires de la protection subsidiaire. Celui-ci prévoit que le nombre maximum de praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue) ne leur est pas opposable, favorisant l'intégration des professionnels de santé bénéficiaires de ce statut.

L'article 2 favorisait la souscription d'une assurance automobile. Puisque le permis de conduire ukrainien n'est pas reconnu par la France, l'article permettait l'immatriculation en France. Ce n'est pas judicieux, car les conséquences potentielles excèdent tant les sujets de l'assurance automobile que de la protection temporaire. Cela ne relève pas de la loi, mais du réglementaire. La commission a supprimé l'article.

L'article 3 permet aux bénéficiaires de la protection temporaire d'attester d'une résidence normale au sens du code de la route. Mais le droit actuel satisfait déjà cet objectif. L'arrêté du 10 février 2025 prévoit expressément que l'autorisation provisoire de séjour (APS) permet de justifier d'une résidence normale. Idem, l'article a été supprimé.

L'article 4, coeur du dispositif, résulte d'un constat préoccupant. De plus en plus de bénéficiaires de la protection temporaire demandent l'asile : 3 250 en 2023, 12 000 en 2024. Le chiffre a sextuplé depuis 2021. L'Ukraine est devenue le premier pays en matière de demandes d'asile déposées dans notre pays.

La France reçoit la moitié des demandes d'asile des Ukrainiens ; or ce régime n'est pas adapté : un bénéficiaire de la protection subsidiaire ne peut regagner son pays d'origine pendant quatre ans. Les associations ukrainiennes sont très inquiètes de voir leurs concitoyens s'engager dans cette procédure.

Quelles sont les causes ? D'abord, la fréquence des démarches administratives : l'APS doit être renouvelée en préfecture tous les six mois. Un amendement visant à remédier à ce problème a été déclaré irrecevable au titre de l'article 40. Il faudra envisager une adaptation du dispositif actuel ; le Gouvernement pourrait y procéder par décret. Ensuite, il existe des incertitudes quant à la sortie du dispositif, avec l'échéance du 4 mars 2026. Les États membres devraient le prolonger, mais les bénéficiaires cherchent un statut pérenne. De plus, certains ont des difficultés à se loger. Or l'asile permet de bénéficier du dispositif national d'accueil des demandeurs d'asile (DNA). Enfin, la couverture sociale de la protection temporaire est insuffisante.

L'article 4 étend aux bénéficiaires de la protection temporaire certaines aides sociales : APA, Aspa, allocation supplémentaire d'invalidité (ASI), AAH et RSA. Nous vous proposons d'écarter le RSA du dispositif, car cette prestation n'est pas appropriée au régime de la protection temporaire, provisoire, et qui se caractérise par la mobilité de ses bénéficiaires.

La question des aides sociales n'épuise pas le sujet : il faut informer de la prolongation vraisemblable du régime en orientant les bénéficiaires de la protection temporaire vers des titres de séjour de droit commun, plus adaptés. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et du RDPI, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Il y a trois ans, la guerre que nous pensions reléguée aux musées de l'histoire s'abattait sur notre continent. Des centaines de milliers d'hommes ont été jetés les uns contre les autres. Des familles ont été décimées. Une grande partie de la population ukrainienne a été contrainte à l'exode.

Souvent critiquée, l'Union européenne a su être au rendez-vous de notre destin commun, en faisant bloc pour dénoncer l'agresseur, en faisant corps avec l'agressé, en soutenant militairement l'Ukraine, en accueillant ces femmes et hommes contraints de quitter leur foyer.

Au 19 février 2025, selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), 6,5 millions d'Ukrainiens avaient cherché refuge sur les terres européennes : en Pologne, en Allemagne, de Chypre à l'Irlande, en passant par la France - nous accueillions 115 000 Ukrainiens en décembre 2024.

En activant pour la première fois la directive Protection temporaire, le Conseil européen a offert une protection efficace, sans désorganiser les régimes d'asile nationaux. Trois ans plus tard, 4,3 millions de personnes bénéficient de ce statut dans un des 27 États membres.

Nous devons nous féliciter du travail accompli et envisager des améliorations. Si la protection temporaire constituait une réponse souple et agile à la précarité de ces familles, elle connaît certaines limites, notamment en France.

Je remercie Mme Sollogoub, dont je connais l'infatigable engagement. (Mme Nadia Sollogoub apprécie l'hommage.)

Quelque 56 000 ressortissants ukrainiens bénéficient de ce dispositif en France, chiffre faible en raison du nombre croissant de demandes d'asile : en 2024, les Ukrainiens représentent 10 % des premières demandes d'asile.

Or les bénéficiaires de la protection temporaire n'ont pas vocation à demander l'asile, mais à retrouver leur foyer. Leurs proches et leur gouvernement les attendent. Mon homologue ukrainien me l'a dit clairement : eux-mêmes y aspirent.

Si le refuge transitoire constitue une étape vers l'installation pérenne, c'est qu'il est inadapté. Nous devons désormais l'ajuster et interrompre ce jeu de vases communicants, coûteux pour les collectivités territoriales, car le statut de réfugié donne lieu à une installation et à des prestations durables, comme le RSA, sans délai de carence.

Je remercie la commission des lois et sa rapporteure pour leur sens de l'écoute et du dialogue. Les modifications apportées ont sensiblement amélioré le dispositif de la protection temporaire, renforçant l'autonomie des bénéficiaires.

Le permis de conduire relève soit du domaine réglementaire, soit du supranational. J'ai évoqué ce point avec le ministre ukrainien. Des démarches sont engagées pour trouver des solutions pragmatiques.

Les Ukrainiens ont vocation à rentrer dans leur pays. Nous devons préparer leur retour et leur permettre de conserver la même autonomie professionnelle et familiale. La France a fait des efforts pour les intégrer au marché du travail, scolariser leurs enfants. Le Gouvernement soutient d'ailleurs les mesures pour les professionnels de santé. Cependant, nous nous opposons à toute trappe à inactivité, notamment via le RSA.

En renforçant l'intégration professionnelle et en adoptant un équilibre subtil sur les droits sociaux, cette proposition de loi vise juste. Le Gouvernement est favorable à son adoption.

Ce texte traduit l'engagement du Sénat à soutenir nos amis ukrainiens. En février 2023, le Sénat avait reçu Rouslan Stefantchouk, président de la Rada, qui s'était exprimé à cette tribune. Ce symbole a non seulement illustré les liens de confiance entre le Sénat et la Rada, mais surtout consolidé la solidarité entre nos deux peuples. Elle ne se démentira pas. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains)

M. Christophe Chaillou .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Il y a plus de trois ans, la Russie agressait l'Ukraine, en violation du droit international. Dès les premiers jours du conflit, des centaines de milliers de civils ont fui. Les citoyens européens se sont mobilisés, traduisant concrètement la solidarité européenne et internationale. En Pologne, en Allemagne, en Roumanie, dans tous les pays européens, les citoyens ont accueilli les déplacés. De nombreuses initiatives ont fleuri dans nos communes.

L'Union européenne a activé, pour la première fois, la directive de 2001 sur la protection temporaire, qui garantit un accès immédiat au séjour, au logement, à la santé et à l'éducation - déjà reconduit deux fois.

Alors que la guerre se poursuit, des difficultés opérationnelles ont été identifiées : difficultés d'accès à certains droits sociaux et en matière de reconnaissance des qualifications professionnelles, incertitude prolongée pour les familles... De plus en plus de bénéficiaires se tournent vers l'asile. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) voit affluer les demandes : 12 000 premières demandes en 2024, contre 3 000 en 2023. La quasi-totalité émane de personnes sous protection temporaire. Cette pression fragilise la qualité de traitement des demandes et compromet une politique d'accueil déjà sous tension.

Je salue la constance de l'engagement de Nadia Sollogoub, présidente du groupe d'amitié France-Ukraine. (Mme Élisabeth Doineau renchérit.) Son initiative répond à un besoin identifié par les acteurs.

Le texte initial visait à ouvrir des prestations sociales et lever des freins. Il corrigeait quelques angles morts, sans remettre en cause la logique du droit européen.

Dans un souci de dialogue, la commission des lois l'a modifié pour ne retenir que les articles 1er et 4, les plus adaptés aux situations critiques, notamment pour faciliter l'intégration des professionnels de santé dans nos établissements de santé, qui, au reste, en ont grandement besoin.

L'article 4 ouvre l'accès à certaines prestations sociales. L'élargissement au RSA n'a pas été retenu. Nous le regrettons, d'autant que les conséquences auraient été marginales. Nous voterons tout de même cette proposition de loi, qui apporte des avancées concrètes et fait évoluer notre droit dans le sens des principes d'humanité qui ont toujours guidé notre politique d'accueil. La réflexion n'est pas close.

Trois ans après leur arrivée, des familles ont été fondées, le français est maîtrisé, l'emploi est trouvé... Nous devrons envisager d'autres évolutions. Ce n'est pas le petit-fils de réfugiés espagnols ayant connu ce parcours d'intégration républicaine qui le contestera.

Ce texte est positif et bienvenu. Le groupe SER le votera. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et UC)

Mme Corinne Bourcier .  - Le 24 février 2022, la Russie envahissait l'Ukraine, provoquant un exode massif de la population. Trois ans plus tard, le HCR recense 6,9 millions de réfugiés ukrainiens dans le monde ; Eurostat en dénombre 4,3 millions dans l'Union européenne, bénéficiant du statut de la protection temporaire. Ce statut particulier a été enclenché pour la première fois en mars 2022 face au risque de débordement du système d'asile standard.

Néanmoins, ce statut, plus précaire que l'asile, présente des failles. Aussi je tiens à saluer l'initiative de Nadia Sollogoub, présidente du groupe d'amitié France-Ukraine.

Cette proposition de loi se veut pragmatique, en apportant des solutions concrètes à certaines difficultés rencontrées dans la mise en oeuvre de la protection temporaire.

L'article 1er étend à ses bénéficiaires un dispositif dérogatoire d'accès aux EVC pour les Padhue. L'article 2 institue une procédure dérogatoire d'immatriculation d'un véhicule. L'article 3 attribue à l'APS la qualité de justificatif de la résidence normale requise pour solliciter le permis de conduire. L'article 4 étend l'octroi de plusieurs aides sociales aux bénéficiaires. L'article 5 gage les conséquences financières de la proposition de loi.

La commission des lois a opportunément supprimé le dispositif dérogatoire d'immatriculation, qui relève du domaine réglementaire, tout comme ce qui a trait au passage du permis de conduire. Enfin, si je partage l'objectif de l'article 4, je me félicite de la suppression de l'éligibilité au RSA, en raison de la mobilité des bénéficiaires de la protection temporaire. Je félicite la rapporteure pour son travail.

Le monde se trouve confronté à une forte hausse du nombre de personnes déplacées en raison de guerres, de persécutions ou du changement climatique. Leur situation mérite toute notre attention.

Cette proposition de loi parfait dès à présent le régime de protection temporaire en France. Le groupe Les Indépendants la votera. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mme Catherine Di Folco .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La protection temporaire est un régime distinct de l'asile et de la protection subsidiaire, créé par la directive du 20 juillet 2001. Conçu comme une réponse rapide à une crise aiguë, il a été activé pour la première fois par le Conseil de l'Union européenne le 24 février 2022 au bénéfice des Ukrainiens, après l'invasion russe. En principe, il arrivera à échéance le 4 mars 2026.

La protection temporaire a permis d'accueillir dignement plusieurs millions d'Ukrainiens dans l'Union européenne, notamment des femmes et des enfants, dont plus de 110 000 en France. C'était une réponse salutaire au défi humanitaire, et une démonstration de notre solidarité ; c'était la bonne réponse face à une situation unique et urgente.

Après plusieurs années d'application, ses limites sont toutefois illustrées par le glissement de certaines personnes protégées temporairement vers le statut de réfugié. Il fallait donc l'améliorer.

La proposition de loi garantit l'accès des bénéficiaires de la protection temporaire aux EVC des Padhue, pour les intégrer plus solidement plutôt que de multiplier dérogations et expédients.

Elle aménage aussi l'octroi de plusieurs aides sociales, telles que l'AAH ou l'APA, pour se rapprocher des garanties associées à d'autres formes de protection internationale.

Il s'agit d'éviter un report vers les demandes d'asile, qui dénature la protection temporaire pour en faire une simple antichambre de l'asile plutôt qu'un régime à part entière, limité à la durée de la guerre.

C'est aussi pourquoi nous soutenons la décision de la rapporteure de retirer de la liste des prestations le RSA, inadapté au cadre provisoire de la protection temporaire et à la mobilité de ses bénéficiaires.

Nous serons vigilants sur les conséquences financières, notamment dans le champ des aides sociales. Le texte ne doit pas peser sur les collectivités territoriales, dont les finances sont fragiles et qui ont déjà contribué largement au bon accueil des Ukrainiens sur notre territoire. Il faudra de solides assurances politiques et juridiques du Gouvernement.

Nous formons le voeu que la guerre cesse rapidement et que les réfugiés puissent retrouver leur patrie et reconstruire leur vie.

Le groupe Les Républicains votera la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Nadia Sollogoub applaudit également.)

Mme Nicole Duranton .  - (Applaudissements sur quelques travées du groupe UC) Le 24 février 2022, la Russie agressait l'Ukraine. En mars, l'Union européenne activait la protection temporaire pour garantir un accueil digne aux populations fuyant le conflit. La France a accueilli 85 000 ressortissants ukrainiens dans ce cadre.

Ce dispositif requiert désormais des ajustements. C'est l'objet de la proposition de loi de Mme Sollogoub, que je félicite. (Mme Nadia Sollogoub apprécie.) Je salue aussi le travail de la rapporteure.

L'utilisation de la protection temporaire doit être plus pérenne à l'avenir, le contexte géopolitique nous faisant craindre que d'autres populations soient chassées de leur pays par la guerre.

Il s'agit d'une part de garantir l'accueil digne des personnes protégées ; d'autre part, de prévenir le contournement du caractère temporaire du dispositif en sollicitant le statut de réfugié.

La protection temporaire n'a pas vocation à se substituer à l'asile, dont l'octroi dépend d'un autre régime. C'est une réponse d'urgence, activée pour faire face à des déplacements massifs de population.

La proposition de loi apporte des améliorations substantielles.

L'article 1er ouvre la possibilité aux bénéficiaires professionnels de santé d'exercer, sous certaines conditions - d'autant que notre pays a besoin de leur expertise dans ces secteurs tendus.

Les ajustements en commission vont dans le bon sens. La commission a ainsi retiré le RSA de la liste des prestations ouvertes aux bénéficiaires de la protection temporaire. Le maintien de l'accès aux autres allocations garantira un soutien nécessaire aux intéressés.

Une protection temporaire qui n'offre pas de conditions de vie stable ni un accompagnement suffisant pousse mécaniquement ses bénéficiaires vers des procédures plus protectrices, mais moins adaptées. En 2024, plus de 11 800 premières demandes d'asile ont été déposées par des Ukrainiens, quatre fois plus qu'en 2023. C'est ce que ce texte entend corriger, en apportant une sécurité juridique et matérielle aux bénéficiaires de la protection temporaire. Elle permet aussi de mieux organiser leur retour, dès lors que la situation le permet.

Il s'agit de maintenir un équilibre : assurer une intégration suffisante, tout en évitant une installation définitive des personnes protégées.

Ce texte réaffirme la vocation transitoire de la protection temporaire. Il clarifie ses contours et améliore son contenu, afin de ne pas accentuer la pression sur notre système d'asile.

L'accueil des Ukrainiens est un enjeu d'humanité et de dignité. C'est un impératif moral. Le RDPI votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Nadia Sollogoub applaudit également.)

M. André Guiol .  - Je salue la pugnacité de Nadia Sollogoub. Depuis le déclenchement de la directive de 2001, le 4 mars 2022, près de 4,2 millions de déplacés ont bénéficié de la protection temporaire dans l'Union européenne. En France, environ 120 000 APS ont été délivrées ; 56 000 personnes en bénéficient encore, surtout des femmes et des enfants.

Ils bénéficient d'une protection immédiate, collective, temporaire, mais sont en pratique traités comme des demandeurs d'asile. Ils perçoivent une aide transitoire prévue pour les personnes sans droit au séjour établi -  incongruité juridique qui conduit un nombre croissant d'entre eux à déposer une demande d'asile.

La proposition de loi aligne les droits des bénéficiaires de la protection temporaire sur ceux des bénéficiaires du droit d'asile.

La commission a cependant supprimé l'ouverture du RSA, par crainte de peser financièrement sur les départements. On peut le comprendre, même si le surcoût aurait sans doute été modéré...

Au titre des avancées, la proposition de loi ouvre l'accès à l'AAH, l'APA, l'ASI et l'Aspa, et facilite l'intégration des professionnels de santé. Cela répond à des besoins réels, exprimés par les collectivités territoriales et les ARS.

Je veux insister sur le caractère géopolitique de ce texte, qui est aussi un geste de solidarité et de cohérence diplomatique. Nous contribuons ainsi à la résilience d'un peuple et au soutien moral qu'il est en droit d'attendre de ses partenaires européens.

Ce texte est nécessaire, équilibré et conforme à nos engagements multilatéraux. Le RDSE le votera. (MmeNadia Sollogoub et Isabelle Florennes applaudissent.)

Mme Olivia Richard .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Dans le cadre d'une mission de notre délégation aux droits des femmes sur les femmes sans abri, nous avons suivi le Samu social de Paris. Cette nuit-là, il n'y avait que deux places pour les femmes seules. Le premier appel émanait d'une Ukrainienne, suppliant qu'on l'abrite pour la nuit avec son fils, qui toussait derrière.

Sur les 3 000 femmes qui passent la nuit à la rue, 40 % sont étrangères, souvent ukrainiennes, souvent avec des enfants.

L'hébergement d'urgence est débordé : sont prioritaires les femmes enceintes d'au moins sept mois, ou accompagnées d'un bébé - jusqu'à ses trois mois. Le fils de cette femme avait 7 ans. Aucune solution n'a été trouvée ce soir-là.

Les associations d'aide aux Ukrainiens n'ont pas plus de visibilité budgétaire que les autres. Nadia Sollogoub a obtenu de haute lutte 10 000 places d'hébergement d'urgence pour les Ukrainiennes - il en faudrait le triple. Je crains le pire avec les restrictions budgétaires à venir.

Nous avons accueilli massivement, mais selon des modalités telles que les Ukrainiens se tournent massivement vers la demande d'asile - plus coûteux pour nous et moins adapté pour eux.

Nadia Sollogoub tire la sonnette d'alarme. Certaines dispositions sont d'ordre réglementaire, mais pourtant essentielles. Ma stagiaire Orane m'a parlé des trois Ukrainiennes accueillies dans sa famille, dans un village où même la boulangerie n'est accessible qu'en voiture : âgées, ne parlant pas français, elles ont fini par demander à être relogées ailleurs. La reconnaissance du permis de conduire est indispensable : je compte sur le ministère pour la conclusion rapide d'un accord.

Nous avons promis protection aux Ukrainiens, le temps nécessaire à la négociation de la paix. Trois ans plus tard, ce provisoire qui dure montre ses limites.

Pouvoir travailler, apprendre notre langue, bénéficier d'une protection sociale adaptée au grand âge - ce sont des propositions de bon sens. Cette proposition de loi permettra d'améliorer certains aspects de notre droit. Je salue les travaux de notre rapporteure en ce sens.

Cette proposition de loi a vocation à s'appliquer à l'ensemble des personnes qui seraient amenées à rechercher la protection de la France.

J'entends les préoccupations financières, mais la recherche d'économies peut coûter cher. Un étranger bien intégré coûte moins cher à notre société ! Le groupe UC votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Laurent Somon applaudit également.)

Mme Marianne Margaté .  - La directive relative à la protection temporaire était une belle endormie, inutilisée pour les Syriens ou les Afghans. Ce refus de solidarité est responsable des milliers de morts en Méditerranée, victimes des accords miniers, des concessions pétrolières, des contrats d'armement qui nous enrichissent.

Enfin déclenchée en mars 2022, la directive a constitué une bouée de sauvetage juridique pour les Ukrainiens fuyant leur pays.

La présente proposition de loi entend améliorer la protection temporaire en assurant une intégration digne des personnes protégées, en leur accordant un soutien social de droit commun. Nous y sommes naturellement favorables et notre groupe votera pour ce texte.

Il montre que nous savons parfois reconnaître, accompagner et inclure, au lieu de militariser, refouler, marginaliser.

Le 28 mars 2022, le ministre de l'intérieur débloquait 10 000 places d'hébergement pour les Ukrainiens ; pour les autres nationalités, gares et trains restent des lieux de traque et de contrôle. L'État noue un partenariat inédit avec la SNCF pour déplacer gratuitement les familles ukrainiennes ; dans la vallée de la Roya, des gendarmes mobiles contrôlent la gare TER avec pour consigne d'agir avec bienveillance - si les réfugiés sont ukrainiens. Pourquoi une telle différence de traitement ? Pourquoi un Syrien, un Soudanais, un Afghan, un Birman ne trouve-t-il pas la même grâce aux yeux de vos services ? À quand l'activation de la directive de protection temporaire pour les Palestiniens ?

D'un côté, les commandes d'armement ; de l'autre, le marché mondial de la sécurité frontalière. Expulsion en amont, capture à l'aval, double facturation sur le même mouvement humain ! La solidarité est un vain mot. La stratégie de l'Union européenne repose sur des violations avérées des droits de l'homme, tout en offrant des bénéfices substantiels aux industriels de l'armement. Personne n'est illégal. Les causes de la fuite sont presque toujours liées à la guerre ou aux inégalités de richesse. Le droit au refuge doit être effectif. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, du GEST et du groupe UC)

M. Guy Benarroche .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Avant tout, j'exprime l'espoir de notre groupe de retrouver la paix sur notre continent.

Cette proposition de loi vise à améliorer une situation après en avoir évalué les écueils : la démarche nous est chère.

La protection temporaire a été mise en place pour les Ukrainiens dès le début de la guerre. C'est un modèle de coopération européenne, la preuve que nous savons organiser un accueil digne. Reste juste à l'étendre à tous ceux qui fuient des conflits partout dans le monde !

La situation en Ukraine étant enlisée, ce dispositif temporaire perdure, hélas. Il a été prorogé deux fois.

Cette pérennisation du conflit n'est pas sans conséquences pour les bénéficiaires de la protection temporaire, de moins en moins nombreux à exprimer une intention de retour. Les Ukrainiens sont désormais la deuxième nationalité à demander l'asile, derrière les Afghans.

Notre groupe proposait de porter la durée de l'APS de six mois à un an, car la fréquence des démarches administratives est un des inconvénients de la protection temporaire par rapport à l'asile. On nous a opposé l'article 40 - alors que la mesure aurait permis des économies !

L'accompagnement social des bénéficiaires est essentiel. Près de la moitié de ceux qui retournent en Ukraine le font pour des raisons économiques ; pour 27 % d'entre eux, c'est près des lignes de front. C'est pourquoi nous proposerons de rétablir l'ouverture du RSA aux bénéficiaires de la protection temporaire.

Nous avons aussi alerté sur le logement ; les aléas budgétaires empêchent d'avoir une perspective de long terme.

Nous saluons la démarche de Nadia Sollogoub qui s'appuie sur un retour d'expérience. Droit au travail, au logement, à la santé et à l'école : nous voterons ce texte qui va dans ce sens. (Applaudissements sur les travées du GEST et des groupes SER et UC)

Mme Catherine Belrhiti .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je salue l'initiative de Nadia Sollogoub. Depuis le début du conflit en Ukraine, la France a su répondre avec solidarité et efficacité à l'afflux de déplacés ukrainiens.

La protection temporaire déclenchée par l'Union européenne a bénéficié à 4,5 millions d'Ukrainiens ; la France a accueilli 111 299 ressortissants ukrainiens et leur a accordé le séjour, l'accès au travail et au logement, l'assistance médicale et sociale et la scolarisation.

Les efforts déployés témoignent de notre engagement. Mais des difficultés subsistent.

L'APS n'est valable que six mois, renouvelables dans la limite de trois ans ; l'échéance est fixée au 4 mars 2026. Il faut donc choisir : demander l'asile pour continuer à bénéficier de toutes les prestations, ou rentrer en Ukraine. Sans solution coordonnée et collective, les systèmes d'asile risquent d'être submergés. Quid des personnes qui ne souhaitent pas l'asile mais espèrent rentrer un jour dans leur pays ?

Cette proposition de loi y répond en conférant aux bénéficiaires de la protection temporaire les mêmes droits qu'ouvre le bénéfice de l'asile. Elle étend l'accès à l'APA, l'AAH, l'Aspa et l'ASI. Toutefois, la protection temporaire est par définition un statut provisoire - c'est pourquoi le RSA a été exclu. Vu notre situation économique complexe, il est impératif de procéder avec prudence et discernement. Nous devons veiller à l'équilibre entre solidarité et responsabilité budgétaire.

Mais notre groupe votera le texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

Discussion des articles

Article 1er

M. le président.  - Amendement n°3 du Gouvernement.

M. François-Noël Buffet, ministre.  - L'article 1er facilite les épreuves de vérification des connaissances, qui prendront la forme d'un examen et non d'un concours, pour les médecins, chirurgiens-dentistes et sages-femmes -  mais pas pour les pharmaciens. Cet amendement y remédie, dans un souci de cohérence.

Mme Isabelle Florennes, rapporteure.  - C'est opportun : avis favorable.

L'amendement n°3 est adopté.

L'article 1er, modifié, est adopté.

Article 4

M. le président.  - Amendement n°2 de M. Benarroche et alii.

M. Guy Benarroche.  - Cet amendement réintroduit le bénéfice du RSA, supprimé par la commission des lois. Les difficultés financières rencontrées par les bénéficiaires de la protection temporaire les conduisent soit à demander l'asile, soit à retourner au pays. Cette mesure est justifiée, sans être dispendieuse.

Mme Isabelle Florennes, rapporteure.  - Avis défavorable.

Le RSA n'apparaît pas adapté aux bénéficiaires de la protection temporaire, qui se caractérisent par une grande mobilité au sein de l'Union européenne. Par essence, la protection est provisoire.

La proposition de loi dépasse le seul cas des Ukrainiens, car ce régime pourrait devoir être à nouveau mobilisé : ne préjugeons pas de l'avenir, laissons une marge d'appréciation au Gouvernement.

M. François-Noël Buffet, ministre.  - Je ne saurai mieux dire.

L'amendement n°2 n'est pas adopté.

L'article 4 est adopté.

Article 5

M. le président.  - Amendement n°4 du Gouvernement.

M. François-Noël Buffet, ministre.  - Cet amendement supprime le gage. Après analyse, nous considérons que nous resterons dans l'enveloppe disponible.

Mme Isabelle Florennes, rapporteure.  - Avis favorable.

L'amendement n°4 est adopté et l'article 5 est supprimé.

À la demande du groupe UC, la proposition de loi, modifiée, est mise aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°279 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l'adoption 343
Contre    0

La proposition de loi est adoptée.

(Applaudissements)

Mme Nadia Sollogoub.  - Je suis comblée et émue. En septembre 2020, quand j'ai pris la présidence du groupe d'amitié France-Ukraine, jamais je n'aurais imaginé un tel cauchemar. Notre amitié a grandi dans un contexte bien difficile et n'en est que plus forte. Merci à tous ceux qui ont été à nos côtés.

C'est dans un esprit lucide et dépassionné que j'ai porté ce texte qui se veut aussi technique.

Je remercie tous ceux qui sont en première ligne sur le deuxième front humanitaire. Je salue le consul d'Ukraine, Serhii Esaulov, présent en tribune, et les services de l'ambassade d'Ukraine en France, qui font un travail héroïque. (Applaudissements) Merci au préfet Joseph Zimet pour son expertise, son engagement et sa bienveillance. (Applaudissements) Merci aux associations engagées, à Isabelle Florennes et Olivia Richard, à tous les orateurs qui m'ont témoigné leur amitié et leur soutien, aux membres du groupe d'amitié.

Monsieur le ministre, votre approche constructive nous permet de faire un grand pas en avant. Je souhaite désormais un examen rapide à l'Assemblée nationale, et une adoption conforme.

Demain, ce sera la fête de la Vyshyvanka, les chemises brodées ukrainiennes : grâce à vous, elles seront plus légères sur nos épaules. (Applaudissements)

Création d'un groupe de vacataires opérationnels de sécurité civile

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi portant création d'un groupe de vacataires opérationnels et encourageant le volontariat pour faire face aux défis de sécurité civile, présentée par M. Grégory Blanc et plusieurs de ses collègues.

Discussion générale

M. Grégory Blanc, auteur de la proposition de loi .  - Mes pensées émues vont au sergent-chef Niccolo Scardi, à sa famille et ses camarades. Nous sommes abasourdis par ce drame en Haute-Savoie que rien ne justifie.

Monsieur le ministre, dans un contexte tendu, nous manquons de moyens humains. La culture de la sécurité civile doit être davantage ancrée dans nos territoires. Alors que partout les dangers augmentent, il faut ouvrir le débat pour clarifier les horizons.

Notre modèle de sécurité civile fonctionne. Il résulte d'une construction patiente, articulant engagement citoyen et savoir-faire professionnel. Néanmoins, des fragilités existent et s'aggravent.

Alors que la société change, comment adapter notre modèle aux défis qui viennent ? En vingt ans, 2 400 casernes ont fermé, plus d'une sur cinq. Alors que le nombre de volontaires stagne, notre maillage territorial se réduit.

L'adaptation de notre modèle ne peut se réduire à l'évolution du pilotage des Sdis et à davantage de subventions. Il faut réfléchir à notre organisation. À l'avenir, il faudra plus de sapeurs-pompiers professionnels et plus de sapeurs-pompiers volontaires. Cela va de pair avec un service public plus efficient, y compris financièrement.

Il a fallu douze ans pour passer de 196 825 volontaires en 2009 à 200 000 en 2023, mais deux ans seulement, de 2021 à 2023, pour recruter 1 600 sapeurs-pompiers professionnels supplémentaires. Pourtant, les délais d'intervention se sont allongés.

Nos modes de vie et de production ont évolué. Désormais, les volontaires travaillent souvent à 20 ou 30 kilomètres de la caserne, d'où un problème de disponibilité en journée dans certains territoires. Pour y répondre, on installe des professionnels - pour assurer deux ou trois sorties quotidiennes seulement. Cela n'est pas viable financièrement.

J'ai été chef d'entreprise dans le secteur de la santé : impossible de laisser partir une infirmière si son absence n'est pas anticipée. Compenser financièrement les entreprises qui acceptent les astreintes n'est pas toujours la solution. Les temps ont changé.

Le deuxième défi est juridique : l'épée de Damoclès de la directive européenne sur le temps de travail. Il faut impérativement sécuriser le système d'astreinte, au coeur du modèle du volontariat. Mais quand des sapeurs-pompiers volontaires assument de nombreuses heures de garde postée, cela nous fait courir un risque juridique.

Troisième défi, le changement climatique. Nous sommes à plus 1,7°C ; en 2030, ce sera plus 2°C. Or la sinistralité a déjà beaucoup augmenté. Le plan national d'adaptation au changement climatique chiffre son coût à 143 milliards d'euros entre 2020 et 2050 ! Nos systèmes assurantiels sont sous tension et ne résisteront pas à un réchauffement de plus de 2,5°C, entre augmentation des départs de feu et des inondations dues aux précipitations.

Le budget de la sécurité civile baisse de 5,6 % par rapport à 2024, alors que les aléas climatiques progressent. Sans vouloir polémiquer, le budget de la police de l'immigration, lui, est en hausse... Vu le contexte budgétaire, le report à l'automne du Beauvau de la sécurité civile est de mauvais augure.

Il faut innover, inventer un éventail de solutions. Le texte initial prévoyait d'expérimenter sur deux ans, dans cinq départements, des groupes de volontaires mobilisables dans le cadre d'une activité programmée, sans autre contrat. Or cette proposition d'expérimentation soulève des réactions et des blocages pour le moins étonnants.

J'ai conduit ce travail avec humilité, avec l'accord des principaux intéressés. Un colloque s'est tenu ici, les propos tenus ont été enregistrés. Mais les positions ont évolué... Être constructif, c'est accepter le compromis pour dépasser les blocages. Tout le monde n'y était pas prêt. C'est pourquoi j'ai souscrit à l'amendement du rapporteur.

Le texte de la commission est utile est équilibré. Notre vote traduira aussi notre volonté de faire vivre ces espaces transpartisans. (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER)

M. Jean-Michel Arnaud, rapporteur de la commission des lois .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) J'ai une pensée pour les trois sapeurs-pompiers agressés en Haute-Savoie, à Saint-Cergues et à Évian-les-Bains. J'exprime tout mon soutien à ces héros du quotidien qui incarnent les valeurs de la République, ainsi qu'à leurs proches.

Cette proposition de loi est l'occasion de réitérer le soutien du Sénat au modèle français de sécurité civile. Le développement progressif de la professionnalisation ne s'est jamais fait au détriment de l'implication des citoyens dans la protection de leur prochain. C'est un choix de valeurs : celui d'une citoyenneté engagée, mais aussi un choix politique réaliste en faveur d'un service public de proximité à coût maîtrisé.

Nous nous félicitons que le seuil de 200 000 volontaires ait été franchi : ils ne sont pas une force subsidiaire affectée aux tâches subalternes, mais constituent 80 % de nos forces de sécurité civile et assurent les mêmes missions que les professionnels, avec les mêmes devoirs et les mêmes contraintes, pour une indemnité modique.

Les volontaires sont ainsi indispensables au bon fonctionnement des Sdis ; ils ne représentent pourtant que 20 % des dépenses. Ils apportent de la souplesse à notre organisation, avec des équipes mobiles mises en place à l'échelle du département.

Il est donc excessif de considérer, comme l'écrivent les auteurs de la proposition de loi dans leur exposé des motifs, que les Sdis souffrent d'un défaut d'opérationnalité lié à un dysfonctionnement du volontariat.

Certes, le mode de financement de notre système est à bout de souffle, la disponibilité des volontaires en semaine est insuffisante et la jurisprudence Matzak menace  - l'IGA a calculé qu'il faudrait embaucher 22 000 sapeurs-pompiers professionnels, pour 1,1 milliard d'euros, pour assurer les missions qu'accomplissent les volontaires.

Il faut donc adapter notre modèle ; chacun en convient. Mais la manière de le faire est nettement moins consensuelle. Le Sénat, en tout cas, a marqué son attachement à la préservation du volontariat dans sa résolution de 2024. Pour avoir approché de près l'engagement des sapeurs-pompiers volontaires comme président du Sdis des Hautes-Alpes pendant plusieurs années, j'espère que cette position sera reprise par le Beauvau de la sécurité civile, dont nous attendons beaucoup.

Grégory Blanc souhaitait instaurer l'expérimentation pendant deux ans de groupes de vacataires de sécurité civile dans cinq départements vulnérables, sur le modèle des réserves opérationnelles de l'armée. Mais l'objectif nous a semblé confus : il s'agissait à la fois de répondre aux urgences opérationnelles et d'assurer des gardes postées.

Surtout, ce dispositif aurait eu pour effet de créer un troisième statut, permettant à certains volontaires d'intensifier leur engagement. Mais quelle aurait été la rémunération de ces vacataires ? Selon l'Association nationale des directeurs et directeurs adjoints de Sdis (ANDSIS), le coût d'un vacataire pour le Sdis aurait pu atteindre 20 000 euros par an.

Nous ne doutons pas des bonnes intentions de notre collègue, mais son texte était au mieux prématuré, voire inopportun. Il n'aurait apporté aucune plus-value opérationnelle aux Sdis, tout en introduisant un glissement vers une semi-professionnalisation des sapeurs-pompiers volontaires que nous ne souhaitons pas.

Outre son coût élevé pour les Sdis, donc pour les départements et le bloc communal, cette expérimentation semblait incompatible avec la directive européenne. Elle a suscité la ferme opposition des principales organisations représentant les acteurs de la sécurité civile, qui craignaient une dénaturation du volontariat et l'illisibilité des statuts. On est loin du consensus évoqué.

Cette mesure n'aurait pas résolu la principale difficulté liée au volontariat, le manque de disponibilité en semaine, sauf à demander aux volontaires d'effectuer un temps partiel explicite.

En accord avec l'auteur du texte et dans l'esprit de cet espace transpartisan, nous avons tenté de trouver une voie de passage autour d'un nouveau dispositif, que j'espère plus consensuel et opérationnel : il s'agit de sécuriser l'engagement saisonnier de sapeurs-pompiers volontaires, par exemple pour la surveillance des plages, en lui donnant une base législative.

En outre, nous avons supprimé certaines dispositions du code général des collectivités territoriales, devenues obsolètes du fait de la départementalisation des services d'incendie et de secours.

Si la méthode que nous avons suivie ne me satisfait pas pleinement, je me suis efforcé de faire émerger un compromis dans un esprit de responsabilité. La commission des lois a adopté la proposition de loi dans sa rédaction modifiée, et j'espère que notre assemblée la suivra. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et du GEST ; M. Hussein Bourgi applaudit également.)

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Je pense au sergent-chef Niccolo Scardi qui lutte pour la vie, ainsi que pour les deux autres sapeurs-pompiers agressés les jours derniers.

Je remercie tous ceux qui ont travaillé sur cette proposition de loi de Grégory Blanc. La sécurité civile est un sujet transpartisan. J'ai retrouvé le même souci de dépasser les clivages à chaque étape du Beauvau de la sécurité civile, que Bruno Retailleau et moi-même avons relancé.

Ce dépassement est plus important que jamais, alors que notre modèle de sécurité civile a grand besoin d'être consolidé. Depuis la loi de 2004, le paysage a profondément changé : multiplication des risques climatiques - rien que cette année, les inondations en Ille-et-Vilaine et les cyclones Chido et Garance - , diversification des missions - le secours aux personnes devenant largement prépondérant - , pression opérationnelle accrue - près de 5 millions d'interventions par an - et menace liée à la jurisprudence Matzak.

Les sapeurs-pompiers volontaires sont la colonne vertébrale de notre modèle : ils représentent plus de 78 % de nos 225 000 sapeurs et marins-pompiers et assurent les deux tiers de l'activité opérationnelle, sur tout le territoire, au quotidien comme lors des événements exceptionnels.

Ce système fait figure de modèle en Europe. Nous devons le réformer pour maintenir son excellence. L'objectif est de consolider l'engagement des sapeurs-pompiers volontaires et de susciter de nouvelles vocations.

C'est l'ambition du Beauvau de la sécurité civile, relancé à Aix-en-Provence. Dans la phase de concertation, j'ai redit la détermination du Gouvernement à répondre aux attentes des sapeurs-pompiers, notamment volontaires. À Montpellier, il y a quelques jours, nous avons constaté le rôle essentiel qu'ils jouent et l'excellence de leur formation.

Évolution des missions, avenir du financement, valorisation des mérites, statut juridique des volontaires : sur tous ces sujets, nous pouvons nous appuyer sur les conclusions des inspections générales de l'administration et de la sécurité civile, saisies en 2023.

Certaines de leurs préconisations ont déjà été mises en oeuvre, notamment pour éviter le recours excessif aux gardes postées. Nous avons demandé à la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) de mener des travaux juridiques pour prévenir le risque de requalification du volontariat en contrat de travail.

M. Grégory Blanc.  - Très bien.

M. François-Noël Buffet, ministre.  - Malgré les modifications du rapporteur, nous ne pouvons soutenir cette proposition de loi en l'état. Sa rédaction ne répond pas totalement aux enjeux de sécurisation et de fidélisation de l'engagement des volontaires. C'est aussi la position de la grande majorité des acteurs de la sécurité civile, notamment de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF).

L'engagement des sapeurs-pompiers volontaires est indispensable. Il doit prendre des formes multiples, adaptées aux besoins des territoires. Nous devons le consolider en adoptant une approche globale : c'est l'esprit du Beauvau de la sécurité civile, qui s'achève et se traduira par un projet de loi qui devrait être soumis au Parlement à l'automne.

Le Gouvernement est plutôt défavorable à ce texte, mais, pour ne pas être désagréable à son auteur ni au rapporteur, il s'en remet à la sagesse du Sénat. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains)

M. Joshua Hochart .  - J'ai à mon tour une pensée pour le sergent-chef Niccolo Scardi, violemment percuté le week-end dernier à Évian-les-Bains.

Cette proposition de loi vise un objectif louable, et je crois sincère la volonté de son auteur. Mais la création d'un troisième corps de sapeurs-pompiers, loin de résoudre les difficultés actuelles, les aurait aggravées.

Les sapeurs-pompiers volontaires sont le pilier porteur de notre modèle de sécurité civile, l'un des meilleurs d'Europe : ils représentent 80 % de nos 250 000 pompiers. Mais les problèmes sont nombreux : recrutement et fidélisation plus difficiles, précarité de certains Sdis, fermetures de caserne, augmentation constante des interventions. Ces évolutions résultent de la désindustrialisation de nos territoires, de l'éloignement croissant des lieux de travail, de la charge administrative qui s'alourdit et de la reconnaissance insuffisante de l'engagement - les sapeurs-pompiers volontaires attendent toujours le décret promis sur la bonification de leur pension...

Nous devons aussi rester vigilants face aux attaques de la Commission européenne contre notre modèle de volontariat. Demain, ce sont les bénévoles des associations agréées de sécurité civile qui seront concernés. Et après-demain ?

Je salue le travail du rapporteur. La surveillance saisonnière des feux ou des plages peut justifier la mobilisation de sapeurs-pompiers volontaires sous contrat - je le sais pour avoir été moi-même sapeur-pompier volontaire.

Nous espérons que de nombreuses propositions remonteront du Beauvau de la sécurité civile. Les sapeurs-pompiers volontaires comptent sur nous.

Présidence de Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidente

Mme Marie-Claude Lermytte .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) La chambre des territoires sait ce que notre pays doit à l'engagement des sapeurs-pompiers. Rendons hommage à l'engagement de ces 200 000 femmes et hommes qui veillent, interviennent et sauvent. Nous assurons de notre reconnaissance ceux qui ont été blessés et les familles des disparus.

La République ne tolérera aucune violence envers les sapeurs-pompiers, comme envers les soignants.

La majorité des sapeurs-pompiers sont des volontaires ayant pris librement un engagement au service de leurs concitoyens. Ils remplissent leurs missions avec un sens du devoir exemplaire. Mais la pression opérationnelle s'accroît, sous l'effet notamment du dérèglement climatique. Dans mon département, les inondations se multiplient ; ailleurs, ce sont les feux de forêt. Partout, les sapeurs-pompiers répondent présent, réactifs et solidaires.

Grégory Blanc proposait des groupes de vacataires mobilisables pour des besoins ponctuels - intention louable. Oui, les pompiers ont besoin de renforts, mais soyons vigilants : ne bouleversons pas l'équilibre subtil de notre modèle.

Je salue le travail du rapporteur, qui a proposé des ajustements utiles. Le texte de la commission évite de créer un troisième statut et de fragiliser les finances des collectivités.

Notre modèle est appelé à évoluer, mais attendons les conclusions du Beauvau de la sécurité civile. Le groupe Les Indépendants votera majoritairement contre ce texte. Les sapeurs-pompiers protègent nos vies ; sachons protéger leurs missions. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

Mme Annick Petrus .  - (Mme Nadine Bellurot applaudit.) Le texte issu de la commission ne correspond plus à la version initiale de la proposition de loi, et c'est heureux. La création d'un troisième statut était inopportune, car elle aurait brouillé la lisibilité de notre modèle et alourdi la charge financière des Sdis.

Ancien officier sapeur-pompier, j'ai engagé à Saint-Martin un chantier majeur : la création d'un service territorial d'incendie et de secours autonome, pour garantir une sécurité civile réactive et pleinement adaptée aux réalités de notre île. Je remercie François-Noël Buffet pour son écoute et son appui, déterminant.

Cette expérience l'a confirmé : le volontariat ne manque pas de vocations, mais de disponibilité. Nous avons besoin d'outils souples et compréhensibles. La création d'un troisième statut flou et financièrement instable aurait, au contraire, été source de confusion.

Il est plus que jamais essentiel de conforter notre modèle, sans le complexifier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Patricia Schillinger .  - Nul ne conteste la tension croissante à laquelle est soumis notre modèle de sécurité civile, malgré l'engagement exemplaire de nos sapeurs-pompiers, dont 80 % sont volontaires.

Les interventions ont augmenté de façon exponentielle, notamment pour les secours aux personnes, et le changement climatique multiplie les événements extrêmes. Exprimons notre reconnaissance à tous ceux qui nous protègent, jour et nuit. Nous pensons avec émotion au sapeur-pompier volontaire gravement blessé ce week-end en Haute-Savoie.

Depuis longtemps, le Sénat a initié ou soutenu des textes pour les accompagner : loi Matras de 2004, proposition de loi renforçant leur protection contre les substances toxiques, proposition de loi votée avant-hier sur les professionnels de santé au sein des Sdis.

Mais la présente proposition de loi soulève des interrogations, dans sa rédaction initiale comme dans la version issue de la commission.

L'idée de créer un statut de vacataire a suscité de vives réserves parmi les acteurs. La FNSPF a mis en garde contre une possible dénaturation du volontariat et un coût élevé pour les Sdis. Elle a aussi rappelé le risque juridique lié à l'arrêt Matzak.

Le rapporteur a proposé une réécriture donnant un fondement légal au recrutement de sapeurs-pompiers volontaires dans le cadre de contrats saisonniers. Mais l'inquiétude demeure sur l'introduction d'une semi-professionnalisation. En sécurisant les contrats saisonniers, nous introduisons une nouvelle zone grise et ouvrons la porte à des requalifications.

Alors que nous attendons les conclusions du Beauvau de la sécurité civile, il serait hasardeux d'ajouter une brique instable à un édifice en cours de refonte. Doutant de l'opportunité de ce texte, le RDPI y est défavorable. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Mme Maryse Carrère .  - S'il est une institution qui incarne le courage et le dévouement, c'est bien celle des sapeurs-pompiers. Mais la réalité est parfois âpre : conditions de travail difficiles, manque de reconnaissance, multiplication des actes de violence - l'actualité récente le rappelle à Évian-les-Bains.

Par deux lois majeures, en 2021 et 2023, le Parlement a manifesté aux sapeurs-pompiers la considération qu'il leur porte.

Notre système est à bout de souffle : ce constat est partagé. Les Sdis sont saturés, notre maillage territorial est fragilisé et les effectifs restent insuffisants, malgré le franchissement du seuil des 200 000 volontaires. En 2008, 25 millions de Français habitaient à plus de dix minutes d'intervention d'une caserne ; ils sont désormais 36,5 millions. Sous l'effet du dérèglement climatique et du manque de moyens, les difficultés iront croissant. Il est donc urgent d'agir.

Sur le principe, le RDSE est favorable à de nouveaux outils d'organisation, et l'expérimentation est un vecteur intéressant. Mais le dispositif initial de la proposition de loi était fragile. Je salue donc le travail du rapporteur pour pérenniser dans la loi le dispositif d'engagement saisonnier régi par le décret du 9 octobre 2009.

Nous soutenons cette rédaction, qui présente également l'avantage de ne pas préempter les conclusions du Beauvau de la sécurité civile, qui devront être à la hauteur des enjeux. (Mme Émilienne Poumirol applaudit.)

M. Bernard Delcros .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Je m'associe aux hommages rendus au sapeur-pompier violemment agressé il y a quelques jours et à l'ensemble des sapeurs-pompiers.

Grégory Blanc a proposé la création, à titre expérimental, de vacataires opérationnels. Sur ce sujet d'importance, je salue le travail de fond de notre rapporteur, qui a mis ses grandes qualités au service de la recherche d'un compromis.

Le concours des sapeurs-pompiers volontaires aux missions de sécurité civile est indispensable, en particulier dans les territoires les plus ruraux, où ils assurent parfois la quasi-totalité des interventions. La sécurité civile ne pourrait être assurée sans eux. C'est pourquoi nous devons sans cesse encourager le volontariat, sur tout le territoire - si le nombre de volontaires augmente globalement, il diminue dans certains départements.

La difficulté majeure liée à notre modèle est la disponibilité, dans un contexte où les missions s'accroissent et se diversifient, ce qui suppose de maintenir un haut niveau de formation et de préparation physique.

Nous devons toujours avoir pour objectif d'améliorer le statut des volontaires et de faciliter l'exercice de leurs missions de service public.

En lieu et place du dispositif initial, la commission propose d'inscrire dans la loi le dispositif d'engagement saisonnier de sapeurs-pompiers volontaires pour des besoins opérationnels ponctuels. Les arguments légitimes de la Fédération des sapeurs-pompiers de France et des représentants des Sdis ont conduit la majorité des membres du groupe UC à souhaiter le retrait du texte, dans l'attente des conclusions du Beauvau de la sécurité civile, imminentes.

À défaut de retrait, nous sommes plus que réservés sur ce texte. Dans notre majorité, nous ne le voterons pas. En revanche, je ne doute pas que nous débattrons dans un esprit consensuel des prochaines conclusions du Beauvau de la sécurité civile. (Applaudissements sur de nombreuses travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Mme Céline Brulin .  - Après le travail du rapporteur, cette proposition de loi sécurise davantage l'engagement ponctuel des sapeurs-pompiers volontaires sur de courtes durées, dans le cadre de contrats saisonniers.

J'ai moi aussi une pensée pour le sapeur-pompier volontaire de Haute-Savoie blessé alors qu'il tentait de faire cesser un rodéo urbain. Je tiens à rendre un hommage appuyé aux 200 000 hommes et femmes qui s'engagent chaque jour pour la sécurité de nos concitoyens.

À 80 %, il s'agit de volontaires : c'est une particularité de notre modèle, dont nous nous réjouissons, mais qui doit être réinterrogée à la lumière des nouveaux défis. C'était le sens de cette proposition de loi, même si les solutions proposées ne se sont pas avérées opportunes ou opérantes.

Les catastrophes naturelles qui s'intensifient et la multiplication des sollicitations pour le secours aux personnes rendent les missions des sapeurs-pompiers plus cruciales que jamais. C'est d'autant plus vrai qu'ils pallient de plus en plus l'affaiblissement d'autres services publics.

Le modèle de financement des Sdis est à bout de souffle, dans la mesure où il repose sur des collectivités elles-mêmes au bord de l'asphyxie. Sans parler de l'épée de Damoclès liée à la jurisprudence Matzak - certains pensaient pouvoir compléter la directive européenne sur le temps de travail, mais la présidence française de l'Union européenne ne l'a pas permis.

Encourager le volontariat, investir dans le matériel et les équipements, mieux reconnaître les missions : voilà ce que l'on attend du Beauvau de la sécurité civile.

Rappelons que les budgets des Sdis sont aussi affectés par l'augmentation du taux de cotisation à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales.

Enfin, le décret sur la bonification de retraite des sapeurs-pompiers volontaires justifiant d'au moins dix ans de service se fait toujours attendre, de même que la pérennisation de la prestation de fidélisation et de reconnaissance.

Nous voterons cette proposition de loi dans la rédaction de la commission, en souhaitant que les chantiers évoqués connaissent une issue positive. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Guillaume Gontard .  - Lutte contre les incendies et les inondations, secours aux personnes, gestion des risques industriels, accidents de la route : dans leurs différentes missions, les sapeurs-pompiers sauvent des vies et protègent nos biens et nos espaces naturels, avec dévouement et bravoure. Et au péril de leur vie : aux risques liés aux interventions s'ajoutent l'exposition à des produits toxiques, dont l'amiante et les PFAS, et, de plus en plus, d'innommables agressions. Je rends hommage à Niccolo Scardi, percuté samedi dernier lors d'un rodéo urbain à Évian-les-Bains.

Pas moins de 80 % de nos 240 000 sapeurs-pompiers sont volontaires. Ce modèle unique en Europe est un atout à renforcer, alors que, du fait du changement climatique, les pics actuels de sollicitations vont devenir la norme. Nous devons adapter notre modèle à cette nouvelle donne climatique.

C'est l'esprit de l'expérimentation que proposait notre collègue Grégory Blanc, qui ouvre une piste de réflexion intéressante, bien qu'il faille réfléchir à son articulation avec le volontariat pour ne pas risquer de fragiliser celui-ci. Je me réjouis que notre groupe ait lancé cette réflexion, qui doit se poursuivre.

Réécrit par la commission, le texte sécurisera la pratique des contrats saisonniers : c'est une avancée notable.

Nous espérons que le débat ouvert ce soir permettra de résoudre les enjeux liés à la fidélisation des sapeurs-pompiers, à la réduction des risques sanitaires, au renforcement des moyens et à l'articulation entre services.

Alors que Beauvau veut reprendre la main, nous serons attentifs aux prochaines annonces du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Émilienne Poumirol applaudit également.)

M. Hussein Bourgi .  - Sapeur-pompier, c'est une vocation et une passion. Nous avons à l'esprit l'image de ce héros qui fait battre le coeur des enfants. Ces 250 000 femmes et hommes suscitent le respect et l'affection des Français. Leur quotidien est fait d'abnégation, de sacrifices et parfois, hélas, d'ingratitude, lorsqu'ils sont insultés, voire violentés.

Volontaires à 80 %, les sapeurs-pompiers réalisent 4,7 millions d'interventions par an, soit une toutes les sept secondes. À chaque fois, c'est un engagement altruiste, un don de soi qui force le respect.

Le rôle des sapeurs-pompiers ne cesse de s'étendre et leurs missions de se diversifier. Les incendies représentent moins de 6 % des interventions mais le secours aux personnes, 85 %.

L'engagement des sapeurs-pompiers s'exerce dans un contexte de plus en plus difficile, anxiogène et violent. Les agressions sont en hausse et le manque de reconnaissance peut entraîner une fatigue psycho-sociale, voire des burn-out et démissions.

Par ailleurs, les finances des départements sont exsangues alors que les besoins d'investissement dans les Sdis sont importants, notamment pour faire face aux conséquences du changement climatique, dont la multiplication des feux de forêt.

Événements climatiques extrêmes plus fréquents, vieillissement de la population, risques technologiques et industriels et nouveaux types d'incendies - liés par exemple aux batteries au lithium : les sollicitations vont continuer de s'accroître.

Je salue Grégory Blanc, dont nous comprenons l'intention, inspirée des corps de réservistes des armées, de la gendarmerie et de la police. Mais force est de constater que son texte n'était pas assez consensuel au sein de la profession. Selon la FNSPF, les risques juridiques liés à la jurisprudence Matzak auraient été aggravés.

Le rapporteur Jean-Michel Arnaud a eu la sagesse et l'élégance de retirer du texte tout ce qui pouvait irriter : nous lui en sommes très reconnaissants.

Le texte issu de la commission confère une base légale aux contrats saisonniers des sapeurs-pompiers. Nous y sommes plutôt favorables, tout en étant conscients que cela ne répond pas aux besoins des Sdis. Nous attendons avec confiance et intérêt les conclusions du Beauvau de la sécurité civile, un bel exercice de démocratie participative auquel je remercie le ministre d'avoir accordé le temps nécessaire. Le Sénat, dans sa diversité, accompagnera les évolutions nécessaires.

Les sapeurs-pompiers sont un pilier essentiel de la sécurité civile. Il ne suffit pas de les applaudir après chaque catastrophe : il faut leur donner les moyens d'agir dans la durée. La loi Matras doit se concrétiser pleinement et les pactes capacitaires contre les aléas climatiques être actés.

Le groupe SER votera cette proposition de loi, en espérant que les doléances des sapeurs-pompiers seront prochainement entendues. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du GEST)

Mme Valérie Boyer .  - Je tiens à rendre hommage aux sapeurs-pompiers agressés récemment.

Face à des enjeux de sécurité civile de plus en plus forts, le texte déposé par Grégory Blanc prévoyait une expérimentation de deux ans, dans cinq départements, permettant aux sapeurs-pompiers volontaires de choisir entre l'astreinte de garde et un nouveau régime de vacation, en théorie moins contraignant.

La réflexion de fond doit se poursuivre sur ces sujets. J'ai moi-même déposé, en juillet dernier, une proposition de loi visant à créer une réserve communale de sûreté.

Notre pays fait face à un risque sécuritaire de plus en plus important, malgré l'action efficace de notre ministre de l'intérieur, Bruno Retailleau. Cette explosion de violence touche tout le monde et nous plonge dans une France Orange mécanique.

Malheureusement, depuis la fin du service militaire, la France ne dispose plus d'effectifs suffisants pour intervenir rapidement.

Je regrette que mon amendement créant une réserve communale de sûreté ait été déclaré irrecevable au titre de l'article 40. Ce dispositif, demandé par de nombreux maires des Bouches-du-Rhône, leur permettrait en effet de renforcer instantanément leur police municipale.

En 2023, les Bouches-du-Rhône ont subi de multiples incendies déclenchés par un pyromane. Des effectifs de sûreté supplémentaires auraient certainement permis de l'interpeler plus tôt. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Gilbert Favreau .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le diagnostic posé est juste : notre modèle de sécurité civile traverse une période de fragilité et la disponibilité des sapeurs-pompiers volontaires en journée est une inquiétude dans nombre de territoires.

Mais si nous partageons le constat, nous divergeons sur la solution : créer une réserve de vacataires n'est pas une réponse appropriée à la situation, pour trois raisons.

D'abord, parce qu'elle mettra en concurrence les volontaires et les vacataires intermédiaires rémunérés pour des gardes programmées. Cela brouillera les lignes entre volontariat et professionnalisation et créera une hiérarchie implicite entre ceux qui s'engagent par civisme et ceux qui sont rémunérés.

Ensuite, parce que l'expérimentation accroîtra le coût pour les Sdis, alors que le système actuel est déjà onéreux. Les Sdis sont financés par les départements, les communes, les communautés de communes et l'État. Nous risquons donc une impasse financière, mettant en péril notre modèle de sécurité civile.

Ma troisième réserve tient à la fragilité juridique de ce dispositif au regard du droit européen. En multipliant les gardes postées, même sous un statut de vacataire, nous risquons de voir le volontariat assimilé à du salariat, soumis à la directive européenne sur le temps de travail -  avec toutes les conséquences que l'on peut imaginer...

Cette proposition de loi soulève donc plus de risques qu'elle n'apporte de réponses concrètes. Préserver l'esprit du volontariat, clarifier les statuts et consolider le financement des Sdis doivent demeurer nos priorités.

Le groupe Les Républicains votera contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Grégory Blanc, auteur de la proposition de loi.  - Nous devons continuer à débattre de la sécurité civile. Nous sommes d'accord pour reconnaitre qu'il y a des problèmes de disponibilité, qui tiennent notamment à l'évolution de nos modes de vie.

J'ai aussi entendu que ce qui coûte cher, c'est de mettre des professionnels là où c'est moins utile. Nous avons besoin de plus de professionnels et de volontaires, mais il faut les affecter aux bons endroits.

Même le ministre a reconnu que nous devions expérimenter de nouvelles organisations, adaptées aux territoires. Nous avons 100 départements, 100 Sdis. Offrons de la souplesse pour ajuster efficacement les moyens aux besoins de chaque territoire.

Monsieur le ministre, j'ai entendu vos propos sur la nécessaire sécurisation des gardes postées. Nous avons besoin de gardes postées, tenues par des volontaires, dans certains territoires -  pas partout. Vos propos vous engagent.

Nous devons avancer en conservant un esprit transpartisan. C'est pourquoi je demande le retrait de cette proposition de loi de l'ordre du jour, dans l'attente d'une réponse dans le cadre du Beauvau de la sécurité civile. Je salue l'esprit de compromis du rapporteur Jean-Michel Arnaud. (Applaudissements)

La proposition de loi est retirée.

Mme Muriel Jourda, présidente de la commission des lois.  - Avec ce troisième texte sur les sapeurs-pompiers en peu de temps, Grégory Blanc a attiré notre attention sur un sujet qui nous soucie tous.

Nos débats n'ont pas permis d'aboutir à un compromis. Je remercie Jean-Michel Arnaud d'avoir proposé une solution, mais qui soulevait sans doute un nouveau débat. Il paraissait dès lors difficile de trouver une issue qui convienne à tous. Je remercie Grégory Blanc d'en avoir pris acte. Nous poursuivrons nos débats, dans un esprit constructif, comme toujours. (Applaudissements)

M. François-Noël Buffet, ministre.  - Oui, il faudra trouver une solution. Nous devons mener une réflexion globale sur le volontariat et nous adapter à la diversité des territoires.

Le financement des Sdis devra aussi être examiné. Nous y travaillerons dans le cadre du Beauvau. L'objectif est d'aboutir à un texte d'ici à juin, qui fasse consensus, pour un modèle pérenne. (Applaudissements)

Conférence des présidents

Mme la présidente.  - Les conclusions adoptées par la Conférence des présidents réunie ce jour sont consultables sur le site du Sénat.

En l'absence d'observations, je les considère comme adoptées.

Les conclusions de la Conférence des présidents sont adoptées.

Prochaine séance demain, jeudi 15 mai 2025, à 10 h 30.

La séance est levée à 20 h 40.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du jeudi 15 mai 2025

Séance publique

De 10 h 30 à 13 heures et de 14 h 30 à 16 heures, à l'issue de l'espace réservé au groupe UC et au plus tard de 16 heures à 20 heures

Présidence : M. Alain Marc, vice-président, Mme Anne Chain-Larché, vice-présidente

Secrétaires : Mme Catherine Di Folco, Mme Nicole Bonnefoy

1Proposition de loi relative à la raison impérative d'intérêt public majeur de la liaison autoroutière entre Castres et Toulouse, présentée par M. Philippe Folliot, Mme Marie-Lise Housseau et plusieurs de leurs collègues (procédure accélérée) (texte de la commission, n°585, 2024-2025)

2Proposition de loi visant à retirer les produits du bois de la responsabilité élargie du producteur produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment (PMCB), présentée par Mme Anne-Catherine Loisier et plusieurs de ses collègues (texte de la commission, n°592, 2024-2025)

3Proposition de loi tendant à rétablir le lien de confiance entre la police et la population, présentée par Mme Corinne Narassiguin, M. Jérôme Durain et plusieurs de leurs collègues (n°54, 2024-2025)

4Proposition de loi visant à limiter le recours au licenciement économique dans les entreprises d'au moins 250 salariés, présentée par M. Thierry Cozic et plusieurs de ses collègues (n°230, 2024-2025)