SÉANCE

du mardi 10 juin 2025

100e séance de la session ordinaire 2024-2025

Présidence de M. Xavier Iacovelli, vice-président

Secrétaires : Mme Céline Brulin, M. Fabien Genet.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

Conséquences du classement en zone agricole lors de l'élaboration d'un PLU

Mme Laurence Garnier .  - Lors de l'élaboration de leurs plans locaux d'urbanisme (PLU), les maires sont incités, voire contraints, à déclasser des espaces à urbaniser, classés U, pour les basculer en espaces agricoles classés A afin de préserver les espaces naturels et agricoles dans le cadre de la loi ZAN, laquelle appelle quelques évolutions -  c'est le sens de la proposition de loi Trace.

Ces changements de zonage ont des conséquences importantes pour les finances des communes. Lorsque les parcelles sont vendues en zone à urbaniser, elles génèrent des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), au profit des communes. En revanche, lorsqu'elles sont basculées en zone agricole, les communes sont privées de ces droits de mutation au profit des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer). C'est le cas, par exemple, de la commune de Saint-Molf en Loire-Atlantique : le maire enrichit la Safer et appauvrit sa commune. Résultat : une forme de schizophrénie pour nos élus locaux.

Comment corriger cette anomalie et redonner de l'autonomie financière aux communes ?

Mme Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la ville .  - Les PLU sont élaborés en fonction des circonstances locales.

Le classement d'un hameau en zone A se justifie uniquement par son potentiel agricole ou par son éloignement de l'enveloppe urbaine. Saint-Molf a classé certains de ses hameaux en zone A au vu de leur potentiel en matière de continuité écologique.

Mais le classement d'un terrain en zone A n'entraîne pas nécessairement une perte des DMTO en cas de vente. Les Safer peuvent y exercer leur droit de préemption ; elles peuvent aussi acquérir des terrains à l'amiable et les acquéreurs sont exonérés de droits de mutation.

Les opérations menées par les Safer sont soumises au contrôle strict des commissaires du Gouvernement chargés de l'agriculture et des finances, qui vérifient si leur intervention est légitime.

Mme Laurence Garnier.  - Merci pour cette réponse technique.

Je tenais à vous faire part du désarroi du maire de Saint-Molf, partagé par nombre de ses collègues. Avec la suppression de la taxe d'habitation, les communes ont perdu une grande part de leur autonomie financière ; il est temps de la restaurer.

Travaux de consolidation de la RD 900

M. Jean-Yves Roux .  - La route départementale (RD) 900 est un axe de transport stratégique entre la France et l'Italie, ainsi que pour les habitants de Barcelonnette et de la haute vallée de l'Ubaye.

Un éboulement a eu lieu le 7 février dernier, au lieu-dit « La Rochaille », situé dans la commune de Saint-Paul-sur-Ubaye, entraînant des fermetures prolongées de la route pour en assurer la sécurité.

La RD 900, axe particulièrement important pour les futurs jeux Olympiques de 2030, est particulièrement vulnérable, car elle est exposée à de nombreux risques naturels, tels que les chutes de blocs et les coulées de boue. Le dérèglement climatique accentue le phénomène.

Depuis 2018, le département des Alpes-de-Haute-Provence investit chaque année entre 1 et 2 millions d'euros. Mais des travaux d'ampleur sont indispensables : un investissement exceptionnel de 50 millions d'euros est prévu cette année.

La charge des travaux repose très majoritairement sur le département, alors qu'il s'agit d'une route essentielle à l'activité économique nationale et européenne.

À situation exceptionnelle, réponse exceptionnelle : l'État sera-t-il aux côtés du département pour faire face à cette opération d'envergure ?

Mme Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la ville .  - Le Gouvernement est bien conscient de la nécessité de sécuriser la RD 900.

La gestion de cette route ne relève pas de la compétence de l'État, qui peut toutefois apporter son aide face à une situation exceptionnelle. Ainsi, en décembre 2023, 11 millions d'euros ont été versés au titre de la dotation de solidarité en faveur de l'équipement des collectivités territoriales et de leurs groupements touchés par des événements climatiques ou géologiques (DSECG). De plus, des financements européens ont permis le versement de 3 millions d'euros pour des travaux urgents.

Il s'agit d'assurer le financement de la dernière phase du chantier ; le préfet a bien identifié le dossier. En lien avec le département, les services de l'État contribueront à la définition d'un projet financièrement soutenable. Le cabinet du préfet ne manquera pas de vous tenir informé.

M. Jean-Yves Roux.  - J'espère que nous aurons le soutien de l'État, car il est très difficile de mobiliser 50 millions d'euros pour l'entretien des routes dans un petit département rural.

Construction de logements sociaux à Châteauneuf-sur-Isère

M. Bernard Buis .  - La configuration du centre-ville de Châteauneuf-sur-Isère, dans la Drôme, et la présence d'une zone agricole protégée (ZAP) l'empêchent d'atteindre les objectifs imposés à certaines communes par l'article 55 de loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), à savoir disposer de 25 % de logements sociaux - 20 % pour les zones moins tendues.

Ces difficultés ont conduit l'ancien maire, Frédéric Vassy, à démissionner le 30 janvier dernier. Depuis, Agnès Jaubert, devenue maire le 10 février, et les élus font face à une situation intenable. Selon le préfet, le taux de logements sociaux s'élève à 12,68 %. Pourtant, la commune a atteint les objectifs triennaux pour la période 2023-2025, avec à la clé un report pour les dépenses déductibles, qui risque toutefois d'être insuffisant.

Quelles pistes pourraient être envisagées afin de limiter le rythme de rattrapage de la commune de Châteauneuf-sur-Isère ? Serait-il opportun de modifier le délai de report du surplus des dépenses déductibles ? Les objectifs de la loi SRU pourraient-ils faire l'objet d'aménagements ?

Mme Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la ville .  - Le principe de la loi SRU est simple : développer une offre de logement social équilibré sur le territoire national dans un objectif de mixité sociale. Mais ses mécanismes sont plus complexes.

Une trajectoire de rattrapage est prévue pour les communes qui n'atteignent pas le taux cible de 20 ou 25 % de logements sociaux : cela se traduit par un objectif de production de logements sociaux sur trois ans.

Un prélèvement sur les dotations des communes est calculé à partir du nombre de logements sociaux manquants. Lorsque les communes engagent des dépenses pour soutenir la production des logements sociaux, ces dépenses sont déduites des prélèvements. Le dispositif est assorti de mécanismes de report pour les objectifs de réalisation comme pour les dépenses déductibles.

Nous souhaitons de nouveau rassurer Mme la maire. Entre 2020 et 2022, la commune a réalisé 185 % de l'objectif de 59 logements sociaux. Grâce à ce résultat remarquable, la commune devra seulement produire neuf logements sociaux supplémentaires en trois ans.

Au début du mois, Valérie Létard a lancé la campagne d'exemption du dispositif SRU pour la période 2026-2028. Les remontées des collectivités seront étudiées avec attention afin que les obligations pour la prochaine période triennale ciblent bien les communes où les besoins sont réels.

Dysfonctionnements de l'AEFE

Mme Olivia Richard .  - Les écoles homologuées et leurs partenaires, qui constituent le réseau de l'enseignement français à l'étranger, accueillent une part importante d'élèves boursiers et reçoivent à ce titre une enveloppe de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE).

Depuis plusieurs mois, les conseillers des Français de l'étranger nous alertent sur de nombreux dysfonctionnements. Cette année bat tous les records avec les bugs ayant émaillé le lancement d'un nouveau logiciel, Scolaide, sans parler des retards récurrents pour le versement des salaires des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH). Certains établissements connaissent des retards de paiement inacceptables, comme en Turquie.

Je salue l'investissement de Florence Ö?ütgen, conseillère des Français de l'étranger : grâce à elle, j'ai alerté l'AEFE à de nombreuses reprises. Depuis, rien : l'AEFE accuse de nombreux retards dans les versements et l'incertitude est totale pour les établissements.

Quand ces dysfonctionnements graves seront-ils réglés ?

Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement .  - L'AEFE a en effet rencontré des difficultés dans la mise en paiement des acomptes dus aux établissements lors de la compagne 2024-2025. Elle reste toutefois tributaire de la réactivité des établissements à fournir des bilans finalisés et des éléments de paiement valides.

Les retards de paiement, heureusement, ne touchent qu'une partie du réseau : plus de 19 millions d'euros ont été versés dès l'automne 2024, sur un total de 30 millions d'euros de premiers acomptes dus au titre des bourses.

Les difficultés se sont accumulées pour les établissements situés en Turquie. La Petite École a transmis son bilan rapidement, mais des difficultés ont émaillé les échanges avec l'AEFE, notamment pour obtenir certains documents.

La mise en oeuvre de la plateforme Scolaide, qui doit répondre aux besoins de sept types d'utilisateurs, est particulièrement complexe. Le prestataire a apporté des correctifs et l'AEFE, pleinement mobilisée pour résoudre les difficultés, a sollicité des renforts. Les postes consulaires et les établissements ont bénéficié d'un accompagnement personnalisé.

?Suppression du tarif « Livres et Brochures » de La Poste

M. Christophe Chaillou .  - Depuis le 1er juillet 2025, le tarif « Livres et Brochures » de La Poste est supprimé. Ce service, très prisé par les maisons d'édition distribuant leurs ouvrages à l'étranger, permettait d'expédier des livres et des brochures à un coût proportionnel au poids de l'envoi.

La suppression de ce tarif, qui avait pour but de renforcer l'influence culturelle de la France à l'étranger et de promouvoir la francophonie, est un coup très dur porté aux libraires et aux éditeurs indépendants et risque, par ailleurs, d'accentuer le déséquilibre avec les grandes plateformes qui disposent de solutions pour en limiter l'impact. Le prix d'un envoi postal d'un ouvrage de quatre cents pages passerait ainsi de 1,74 à 37,30 euros, soit près de 2 000 % d'augmentation, ce qui suscite l'inquiétude des acteurs du secteur.

Quelles mesures sont-elles envisagées pour soutenir les entreprises concernées et pour préserver l'influence de la culture française et de la francophonie ?

Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement .  - Cette suppression fait suite à la décision de l'Union postale universelle d'octobre 2023 de rendre la fourniture du service de sacs spéciaux contenant des documents imprimés facultative à compter du 1er janvier 2025.

Elle s'explique par la difficulté croissante d'assurer l'acheminement des envois -  près de 90 % des opérateurs postaux mondiaux ayant supprimé cette offre, La Poste ne pouvait plus garantir la distribution des colis  - et par la diminution des volumes expédiés compromettant la soutenabilité de cette offre.

Le ministère a développé une politique de soutien à la circulation des livres français à l'étranger qui s'appuie sur les librairies locales. Ainsi, le groupage de transport rend l'acheminement des livres plus économique -  et plus écologique  - , ce qui permet aux librairies francophones de présenter la diversité éditoriale française. L'État apporte aussi des aides grâce au Centre national du livre (CNL).

M. Christophe Chaillou.  - Ces mesures risquent malheureusement de ne pas suffire.

?Audiovisuel public

M. Alexandre Basquin .  - Le Gouvernement réduit sans cesse les crédits de l'audiovisuel public ; les salariés de ces entreprises tiennent difficilement les objectifs assignés et les moyens des rédactions régressent. Le projet de holding regroupant France Télévisions, France Médias Monde, Radio France et l'Institut national de l'audiovisuel (INA) va au-delà et remet en cause l'indépendance budgétaire, voire éditoriale, de l'audiovisuel public.

Alors que la désinformation et les ingérences progressent, il faudrait renforcer les médias publics, gages d'une information fiable, indépendante des lobbys privés, indispensables à notre démocratie.

Comment comprendre la disparition de radio Mouv', pourtant destinée à un jeune public ? Pourquoi déstabiliser la rédaction de France Inter, radio la plus écoutée de France ?

Lutter contre la désinformation passe par un engagement massif dans l'audiovisuel public, comme en Allemagne.

Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement .  - Les entreprises audiovisuelles publiques doivent contribuer à l'effort de maîtrise de la dépense publique, comme l'ensemble des administrations et des opérateurs de l'État.

En 2024, l'équilibre des comptes de France Télévisions et de Radio France n'a pas été bouleversé et le dialogue se poursuit s'agissant des modalités pour 2025. La trajectoire budgétaire 2024-2028 sera en revanche révisée et les échanges aboutiront pour le PLF 2026.

S'agissant de la réforme de la gouvernance, l'ambition du Gouvernement est de renforcer l'audiovisuel public grâce à une offre éditoriale enrichie et à une organisation plus efficiente, particulièrement pour lutter contre la désinformation.

Radio Mouv' sera transformée en offre musicale exclusivement disponible sur le numérique. Plus généralement, Radio France enrichira ses offres destinées aux jeunes publics. Ces évolutions se feront dans le respect des personnels en poste.

M. Alexandre Basquin.  - Il est contradictoire de vouloir lutter contre la désinformation et de réduire les moyens de l'audiovisuel public.

Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement.  - Des moyens plus efficaces !

Conséquences des fouilles archéologiques préventives sur les projets d'aménagements

Mme Sylviane Noël .  - La réalisation de fouilles archéologiques préventives, imposée par le code du patrimoine, a un sérieux impact sur le calendrier d'un projet d'aménagement. Il n'est pas rare que des maires attendent deux à trois ans leur diagnostic archéologique avant de démarrer les travaux, car l'Institut national des recherches archéologiques préventives (Inrap) qui les réalise en majorité est très sollicité.

Cela pénalise les collectivités locales, car il s'agit souvent de projets d'intérêt général majeur comme la construction d'hôpitaux. Ce retard peut parfois rendre caduques les offres de marchés lancées ou remettre en cause les subventions accordées. Cela a aussi des effets sur l'emploi et les entreprises.

Quelles actions le Gouvernement pendra-t-il pour mieux soutenir les collectivités afin de concilier au mieux développement économique et social de nos territoires et conservation de notre patrimoine culturel ?

Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement .  - Ces mesures s'agissant du patrimoine archéologique national sont importantes.

Dans un contexte de fort dynamisme s'agissant de l'aménagement du territoire depuis 2020, l'Inrap peine à effectuer sa mission dans des délais raisonnables : en 2024, 2 000 diagnostics étaient réalisés, plus de 3 000 restant en stock.

Les services du ministère de la culture soutiennent les collectivités réalisant des diagnostics d'archéologie préventive avec un dispositif de subventions révisé en 2022 : soixante-trois services de collectivités sont habilités pour réaliser des diagnostics et les subventions allouées sont passées de 9,8 millions d'euros en 2017 à 12,3 millions en 2025.

Le projet de loi de simplification de la vie économique allègera cette procédure pour les projets d'intérêt national majeur. Madame la sénatrice, l'État s'efforce de concilier le développement économique et la conservation du patrimoine de nos territoires.

Fin de la gratuité sur une portion de l'A40

M. Cyril Pellevat .  - L'Autorité de régulation des transports (ART) a décidé de supprimer la gratuité du tronçon de l'A40 reliant Annemasse à Saint-Julien-en-Genevois.

Cette mesure affectera les travailleurs frontaliers qui empruntent chaque jour cet axe structurant ; cela risque d'aggraver la congestion de la RD 1206, de reporter le trafic sur les routes secondaires et d'accroître les nuisances pour les riverains.

Ce nouveau péage est une charge supplémentaire pour les ménages. Il remet en cause l'accessibilité du territoire et fragilise son attractivité. Selon un sondage, 83 % des répondants sont opposés à cette mesure. Les élus locaux demandent le retour à la gratuité.

Le Gouvernement envisage-t-il de revenir sur cette décision ? À défaut, quelles mesures concrètes entend-il mettre en place ?

Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement .  - Cette section de l'A40 n'a jamais été gratuite : entre 1991 et 2016, les frais d'exploitation étaient pris en charge par le département de la Haute-Savoie, qui n'a pas souhaité proroger cette convention, ce qui a conduit à une situation de non-droit dénoncée par la Cour des comptes en 2019.

Le principe du péage est inéluctable : il favorisera une tarification plus juste et une plus grande égalité entre usagers.

Des mesures d'accompagnement sont prévues : un abattement exceptionnel de 35 % dès le premier trajet pour les usagers disposant d'un badge et des réductions pour les usagers fréquents qui paieront moins d'un euro leur trajet.

Des aménagements amélioreront les conditions de circulation.

Enfin, les études montrent un impact infime - de l'ordre de 3 % - sur le réseau secondaire. Cela dit, une enveloppe de 750 000 euros est prévue pour des aménagements éventuels.

M. Cyril Pellevat.  - Ce tronçon peut être considéré comme une autoroute de contournement du Grand Genève ; aussi, je regrette l'absence de réunion avec nos homologues suisses pour trouver des solutions de financement. L'impact sur le réseau secondaire sera plus important au regard de l'augmentation de la population. (Mme Sylviane Noël applaudit.)

Dérogation au calendrier d'intervention pour l'entretien des rivières

Mme Anne-Sophie Romagny .  - Il s'agit d'une urgence primordiale, objet de deux questions écrites de ma part restées sans réponse. En raison des précipitations et des crues intenses, les syndicats d'aménagement des rivières et les riverains ont des difficultés pour l'entretien annuel des cours d'eau : les berges et les rives étant sous les eaux, les techniciens de rivière ne peuvent pas intervenir ; les entreprises compétentes sont de plus en plus rares et doivent allonger leur période d'intervention pour répondre aux demandes.

Depuis plus de deux ans, la période d'intervention, limitée à quelques mois par le calendrier préconisé dans les déclarations d'intérêt général (DIG), ne permet pas l'entretien des rivières et des ripisylves qui sont alors immergées.

Il est impératif de déroger à l'interdiction d'intervention sur les rives de mars à octobre. Je compte sur votre pragmatisme pour donner une réponse claire et favorable aux élus locaux.

Mme Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l'intelligence artificielle et du numérique .  - La possibilité d'adapter les périodes d'intervention existe déjà.

Tout d'abord, l'interdiction de tailler les haies du 16 mars au 15 août en raison de la nidification de nombreuses espèces d'oiseaux ne s'adresse qu'aux agriculteurs qui bénéficient de la PAC. Ensuite, dans les arrêtés de DIG, des dates sont souvent préconisées, mais rarement obligatoires ; elles sont parfois souples, sans mention de jours précis. Il est donc possible de les adapter aux conditions climatiques de l'année en cours. Enfin, ces prescriptions peuvent être modifiées ou adaptées à la demande du bénéficiaire ou à l'initiative du préfet : les syndicats de rivières peuvent déjà demander au préfet des adaptations en cas d'intempéries.

Mme Anne-Sophie Romagny.  - Il s'agit de l'entretien des rivières, non pas de la taille des haies. L'État doit encourager les préfets à procéder à de telles dérogations. Nous risquons des inondations et, si des barrages cèdent, la population en aval sera touchée.

Responsabilité élargie du producteur dans le bâtiment

M. Jean-Baptiste Lemoyne, en remplacement de M. Didier Rambaud .  - M. Didier Rambaud alerte le Gouvernement sur les dysfonctionnements du dispositif de responsabilité élargie du producteur (REP) dans le secteur du bâtiment, auquel il est soumis depuis mai 2023 en vertu de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et l'économie circulaire (Agec), qui visait à améliorer le recyclage des déchets de chantier, notamment en garantissant une reprise gratuite et simple des matériaux, en contrepartie d'une écocontribution.

La REP impose aux producteurs de matériaux de financer la collecte et le recyclage des déchets de chantier, dans un secteur qui en produit 46 millions de tonnes par an.

Le système vertueux promis ne correspond pas à la réalité : les performances de collecte des déchets de catégorie 1 sont identiques à celles réalisées avant la mise en place de la REP, et seuls 7 % des déchets de catégorie 2 sont effectivement repris.

La majorité des volumes ne sont pas couverts par les points de collecte existants et la reprise sur chantier.

Plus inquiétant, il n'y aurait pas de réelle contrepartie de service alors que les éco-organismes privés augmentent les tarifs des écocontributions sans préavis ni transparence, rendant toute anticipation impossible. La fédération du BTP de l'Isère souhaite une correction en profondeur du dispositif, pour plus de transparence, et une gouvernance équilibrée associant les acteurs de terrain.

Malgré un moratoire et diverses annonces de refondation de la REP et l'adoption le 15 mai dernier au Sénat de la proposition de loi introduisant un critère d'écomodulation, les professionnels craignent une réforme cosmétique. Quelle réforme le Gouvernement pourrait-il envisager ?

Mme Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l'intelligence artificielle et du numérique .  - La REP visait à lutter contre les dépôts sauvages, en créant un réseau de points de collecte, et à développer le recyclage et l'écoconception des matériaux de construction. Cette filière était très attendue par les collectivités territoriales qui paient 400 millions d'euros par an pour gérer les dépôts sauvages.

Le déploiement de la filière repose sur la gratuité de la reprise des déchets lorsqu'ils sont triés et sur un maillage resserré de points de collecte. Les éco-organismes soutiennent financièrement les opérateurs pour couvrir les coûts de collecte, sans discrimination, dès lors qu'ils acceptent des contrats types.

Toutefois, des difficultés ont dégradé la maîtrise des coûts et ralenti le déploiement des points de collecte. Le 20 mars, Agnès Pannier-Runacher a annoncé un moratoire sur les mesures devant rentrer en vigueur en 2025 et a consulté la filière. Fin juin, le périmètre du moratoire et les orientations seront précisés, en vue d'aboutir à un nouveau cahier des charges à la fin de l'année.

Lutte contre le frelon asiatique

M. Michaël Weber .  - Quand le décret d'application de la loi visant à endiguer la prolifération du frelon asiatique sera-t-il publié, en concertation avec la filière ? Chaque année, la pression de cette espèce exotique invasive s'intensifie, devenant l'une des principales causes de surmortalité et de déclin des populations d'abeilles domestiques. Cela nécessite une réponse rapide des pouvoirs publics, à la mesure de l'urgence.

Tout retard d'application de la loi risque d'amplifier les dégâts causés par cette espèce et le danger que celle-ci fait peser sur la biodiversité, l'agriculture et la santé publique.

Mme Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l'intelligence artificielle et du numérique .  - La loi, adoptée à l'unanimité en 2025, apportera des réponses concrètes. Le Gouvernement agit déjà avec le plan Pollinisateurs, en vue d'améliorer l'efficacité des instruments disponibles, mais aussi avec le fonds vert, qui finance des actions de lutte aux côtés des collectivités territoriales.

La loi prévoit un plan national décliné localement. Le décret d'application est en cours de préparation par le ministère de la transition écologique et de la biodiversité, en lien avec le ministère de l'agriculture ; il sera publié au plus vite.

La mise en oeuvre de la loi, ses déclinaisons locales et les mesures concrètes seront précisées lors de l'élaboration du plan national. Ce travail sera mené dans un esprit de concertation élargi, permettant d'être pertinent et pragmatique. Nous souhaitons pleinement mettre en oeuvre cette loi dans les plus brefs délais.

M. Michaël Weber.  - Le plan Pollinisateurs est utile, mais insuffisant. J'espère que le temps consacré à la rédaction du décret est utilisé pour de bonnes raisons et non pour se fonde dans l'ambiance actuelle, hostile à l'environnement. Cette loi a été adoptée à l'unanimité et doit être mise en oeuvre le plus rapidement possible. Il y va de la biodiversité et de la vie sur Terre.

Pass numérique

Mme Karine Daniel .  - La société Aptic, qui éditait le pass numérique pour lutter contre l'illectronisme, a été liquidée il y a plus d'un an. Sur 13 millions de Français éloignés du numérique, 400 000 personnes ont bénéficié du pass.

Les structures ayant favorisé cette inclusion numérique n'ont aucune nouvelle de leurs créances non payées par Aptic et sont en grande difficulté.

Que prévoyez-vous pour les aider et quel dispositif sera mis en place en 2025 pour remplacer le pass numérique ? Revient-il aux collectivités de se substituer au dispositif, dans un contexte financièrement difficile, et avec quelle équité d'accès ? Quelles seront les compensations financières ? Il y va de la cohésion sociale.

Mme Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l'intelligence artificielle et du numérique .  - Le Gouvernement se mobilise dans la lutte contre l'illectronisme, à laquelle je suis particulièrement attachée à l'heure de l'intelligence artificielle.

Le pass numérique a été généralisé en 2019 aux collectivités avec le soutien de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) : plus de 21 millions d'euros -  11,6 millions de l'État et 10,2 millions des collectivités  - devaient permettre d'accompagner 440 000 personnes éloignées du numérique. Cependant, les lieux d'accueil ont été fermés durant dix-huit mois pendant le covid-19 ; des contraintes juridiques obligeaient les collectivités à créer des régies de distribution ; la labellisation des lieux et la distribution des pass a été longue ; et le dispositif était gourmand en ressources humaines. Les crédits parvenaient difficilement aux structures. Seules 40 000 personnes ont finalement bénéficié du pass, soit dix fois moins qu'attendu. Fin 2023, aucun appel à projets n'a donc été lancé.

Toutefois, le Gouvernement reste mobilisé : depuis 2021, 4 000 conseillers numériques ont réalisé 5 millions d'accompagnements. Dans la loi de finances pour 2025, 40 millions d'euros ont été préservés pour conserver 3 000 conseillers. Le renforcement économique des structures de médiation numérique reste une priorité pour la pérennité de l'accompagnement.

Mme Karine Daniel.  - Avec 3 000 conseillers numériques pour tout le territoire, quid de l'égalité d'accès à l'accompagnement, notamment dans les territoires ruraux ou les quartiers prioritaires ?

Quand un dispositif ne fonctionne pas, on cherche d'abord à l'améliorer ! Sa suppression fragilise les structures d'accompagnement, sur lesquelles vous n'avez pas répondu.

Réforme de la taxe d'aménagement

M. Jean Sol .  - La loi de finances pour 2021 a transféré la gestion de la taxe d'aménagement des directions départementales des territoires (DDT) à la direction générale des finances publiques (DGFiP). La taxe d'aménagement n'est désormais exigible qu'à l'achèvement des travaux sur déclaration volontaire des contribuables. Malgré les contrôles de la DGFiP, les collectivités observent des retards de perception et des pertes et doivent également contrôler. De nombreux oublis sont constatés, notamment de propriétaires étrangers, privant les collectivités de recettes.

Envisagez-vous de reporter, par exemple dans le PLF 2026, l'obligation déclarative du contribuable vers la collectivité concernée, qui s'en acquitterait au moment de la délivrance du permis de construire ?

Mme Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l'intelligence artificielle et du numérique .  - Le transfert à la DGFiP de la gestion de la taxe d'aménagement s'est accompagné du report de la date d'éligibilité de la taxe à la réalisation définitive des travaux, unifiant les obligations déclaratives fiscales. Un système d'acompte neutralise les effets de ce décalage pour les collectivités pour de très grands projets, étalés sur plusieurs années. La liquidation de la taxe s'appuie sur la dématérialisation des déclarations, un référentiel des délibérations des collectivités et l'automatisation du calcul des taxes d'urbanisme. Cependant, des dysfonctionnements persistent. La vérification préalable de la DGFiP pour éviter l'envoi de titres de paiement erronés freine de fait la fluidité du système.

Depuis février 2025, la DGFiP propose un processus déclaratif plus lisible. Elle a commencé à sécuriser les éléments déclarés en 2024 pour relancer les redevables n'ayant pas déclaré. En cas de décalage de reversement, les collectivités bénéficieront in fine de la recette générée par l'achèvement des constructions. Le report de la ressource est aussi dû au report du paiement à l'achèvement des travaux, notamment dans un contexte d'allongement des délais de construction. La diminution des montants collectés est fortement liée à la réduction du nombre d'autorisations d'urbanisme -  moins 21 % en 2023, moins 11 % en 2022. Le décalage de calendrier et l'alignement de la taxation ont permis d'éviter l'émission de taxes pour des projets abandonnés, qui induisait auparavant une annulation de taxation a posteriori.

M. Jean Sol.  - Évaluer le dispositif serait bienvenu pour remédier aux dysfonctionnements signalés régulièrement par les élus.

Accompagnement des étudiants internationaux en France

M. Akli Mellouli .  - Chaque année, la France accueille des milliers d'étudiants internationaux, attirés par la qualité de notre enseignement supérieur et par son image d'émancipation, d'égalité et d'ouverture au monde. Mais cette belle vitrine cache une sombre réalité. Ces jeunes se heurtent à une succession d'obstacles. Avant même leur arrivée, ils affrontent les lenteurs et les incohérences de Campus France, qui, loin de les accompagner, représente une première barrière. En France, les épreuves continuent : pour beaucoup, obtenir ou renouveler un titre de séjour est un cauchemar administratif.

La précarité juridique s'ajoute alors à la précarité sociale. La plupart de ces étudiants ne sont pas éligibles aux bourses du Crous ni au logement universitaire. Beaucoup doivent travailler pour survivre, au détriment de leurs études. Ils suivent des cours en français sans aide linguistique. Éloignés de leur famille, ils sont isolés, faute d'intégration efficace.

L'université française, censée garantir l'égalité des chances, devient un espace de sélection injuste - une sélection sociale et raciale, envers des étudiants de pays pauvres rejetés avec une violence symbolique et matérielle qui trahit les principes mêmes de notre République, sape notre prétention à l'universalisme et fragilise notre image internationale.

Mettrez-vous fin à la tarification discriminatoire pour les non-européens ? Garantirez-vous un titre de séjour pluriannuel pour toute la durée des études, sans conditionnalité abusive ? Ouvrirez-vous l'accès aux aides sociales à tous les étudiants, sans distinction de nationalité ?

M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins .  - Nuançons vos constats bien sombres. Les frais de scolarité des étudiants internationaux en France sont parmi les plus faibles au monde. L'enseignement supérieur français reste particulièrement attractif.

Tout étudiant en mobilité est supposé pouvoir subvenir à ses besoins matériels : c'est même un critère d'obtention du visa. Nous devons attirer des jeunes internationaux, mais seulement si toutes les conditions sont réunies.

Le ministère de l'enseignement supérieur s'investit dans l'amélioration de leur accueil. Le label Bienvenue en France a fait ses preuves. Les droits différenciés ont précisément pour objet de soutenir les politiques d'accueil des établissements, qui peuvent choisir d'octroyer des bourses aux plus méritants.

Enfin, le ministère travaille avec l'ensemble des parties prenantes pour simplifier les démarches au bénéfice des étudiants comme des établissements d'accueil. Les outils de candidature sont en cours de simplification. Les premiers résultats devraient se faire sentir dès la rentrée de 2026.

Suppressions de postes et décharge des directeurs d'école à Paris

Mme Colombe Brossel .  - Depuis plusieurs mois, nous sommes nombreux à interpeller le Gouvernement sur la situation de l'école publique à Paris. Nous nous étonnons du silence sur la décharge des directeurs d'école et sur les fermetures de classe, à quelques jours du conseil départemental de l'éducation nationale (CDEN).

Alors que Paris demeure l'académie la plus ségréguée de France, une centaine de classes sont menacées de fermeture. On pourrait pourtant réduire les effectifs d'élèves. Les éléments de langage insistent sur le faible nombre d'élèves par classe à Paris - mais il s'agit d'une moyenne, dans une académie où près de 30 % des écoles sont classées en éducation prioritaire.

Nous soutenons le combat des directeurs pour leur décharge. Un moratoire a certes été décrété pour la rentrée prochaine, mais la concertation peine à associer les principaux concernés et aucune échéance n'est fixée, alors que la Cour des comptes plaide pour des directeurs d'école à temps plein.

Nous n'accepterons pas une école publique au rabais, privée de moyens. C'est en son sein que se crée la mixité sociale et scolaire dont notre pays a tant besoin.

Comment ferez-vous avancer la concertation sur la décharge ?

M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins .  - Dans le cadre de la convention de 1982 entre l'État et la Ville de Paris accordant un régime dérogatoire de décharge des directeurs, la Ville remboursait à l'État la différence avec le régime commun. En 2019, elle a cessé de rembourser. Vous le savez, madame Brossel, puisque vous étiez adjointe à la mairie de Paris.

Le manque à gagner s'élevait à 120 millions d'euros à la fin de l'année scolaire 2024. La Cour des comptes a enjoint l'État de mettre fin à ce régime dépourvu de base légale ou réglementaire, qui entraîne une rupture d'égalité vis-à-vis des autres communes. Élisabeth Borne a donc demandé une concertation avec la Ville et décidé d'un moratoire pour la rentrée prochaine. Les échanges se poursuivent pour trouver une solution pérenne dans les meilleurs délais.

Sur les fermetures de classe : l'académie de Paris possède déjà le meilleur taux d'encadrement métropolitain, avec vingt élèves par classe dans le premier degré public. En éducation prioritaire, huit élèves sur dix sont scolarisés dans des classes de moins de vingt élèves. En outre, 3 200 élèves de moins sont prévus dans le premier degré à la rentrée prochaine. À ce jour, 167 classes fermeront. Chaque situation sera étudiée au cas par cas.

Cadre réglementaire de l'accueil familial

Mme Michelle Gréaume .  - Dans le cadre de l'accueil familial, des particuliers hébergent contre rémunération des personnes âgées ou en situation de handicap. Les deux parties concluent un contrat, tandis que les conseils départementaux se chargent de l'agrément et de la formation des accueillants.

Méconnu, l'accueil familial offre de nombreux avantages alors que les établissements médico-sociaux manquent de personnel. Mais il connaît une baisse d'activité préoccupante. Le nombre d'accueillants familiaux, dont 48 % ont plus de 60 ans, diminue. En cause : complexité du statut, défaut du cadre réglementaire, absence de lisibilité et d'uniformité du dispositif, précarité et absence d'attractivité financière, avec une rémunération dérisoire de 25 euros net par jour, pour un engagement 24 heures sur 24, sept jours sur sept.

On attend des réponses concrètes sur la révision du contrat d'accueil, la hausse du plancher de rémunération et l'ouverture des droits à l'assurance chômage pour les accueillants familiaux de gré à gré.

M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins .  - Ce mode d'accompagnement offre en effet aux personnes âgées ou en situation de handicap un cadre de vie familial, chaleureux, stable et sécurisant et un accompagnement individualisé. Il constitue une réponse légitime aux défis du handicap et de la perte d'autonomie.

L'accueil familial bénéficie depuis 1989 d'un encadrement réglementaire spécifique, régulièrement amélioré. La relation entre la personne accueillie et l'accueillant repose non sur un contrat de travail mais sur un contrat d'accueil, socle juridique qui garantit des droits essentiels aux accueillants : rémunération minimale, congés payés, couverture sociale, indemnités couvrant les frais d'accueil, entretien et mise à disposition du logement. Les accueillants employés par une personne morale bénéficient aussi de l'assurance chômage.

Le Gouvernement, conscient des difficultés, a engagé une démarche de consolidation de l'accueil familial pour faciliter la demande d'agrément. En parallèle, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie a déployé un programme pluriannuel dans plus de soixante départements. Ce que vous dénoncez est bien identifié.

Hausse de la cotisation employeur à la CNRACL

M. Dany Wattebled .  - Le décret du 30 janvier 2025 relatif au taux de cotisation vieillesse des employeurs des agents affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) impose une hausse des cotisations pour les employeurs publics. C'est une charge considérable pour nos collectivités locales, dont les budgets sont déjà contraints. Ainsi, la ville d'Hazebrouck devra assumer un surcoût de 180 000 euros par an jusqu'en 2028, soit 700 000 euros au total.

Ce décret pose de sérieux problèmes juridiques. D'abord, il remet en cause le principe d'autonomie financière des collectivités garanti par l'article 72 de la Constitution, en imposant une contrainte budgétaire qui limite leur capacité d'action. Ensuite, il crée une inégalité entre employeurs publics et privés, en renchérissant le coût du travail pour les premiers, sans justification d'intérêt général suffisant.

Enfin, selon l'article 34 de la Constitution, c'est à la loi de fixer les principes fondamentaux de la sécurité sociale. Une telle décision aurait dû relever du Parlement.

Pourquoi cette charge supplémentaire, au mépris de la Constitution ? Le Gouvernement reverra-t-il ce décret ?

M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins .  - La situation financière de la CNRACL est très dégradée, en raison de la baisse du ratio démographique entre cotisants et pensionnés. En 2024, son déficit s'élève à 3,8 milliards d'euros ; sans ce décret, fruit d'une longue réflexion, il atteindrait 10 milliards d'euros en 2030. Le rapport des inspections missionnées recommandait d'augmenter les cotisations des employeurs de dix points dès 2025 et de huit points supplémentaires d'ici 2030. Le Gouvernement a choisi une solution de moindre ampleur, étalée sur quatre ans, avec trois points de cotisation supplémentaires chaque année jusqu'en 2028.

Le décret est conforme à l'ordre juridique et constitutionnel en vigueur. La Constitution confie au pouvoir réglementaire la détermination des paramètres techniques tels que les taux de cotisation.

Le Gouvernement est conscient des difficultés financières des collectivités locales. Un nouveau rapport précisera ses orientations.

Déchets d'activités de soins à risques infectieux

Mme Mireille Jouve .  - Produits par les professionnels médicaux, les vétérinaires ou les patients en autotraitement, les déchets d'activités de soins à risques infectieux (Dasri) représentent 165 000 tonnes par an et leur traitement est quatre à huit fois plus cher que celui des ordures ménagères. Ils constituent des déchets dangereux, avec des risques d'infection pour les professionnels de santé, les patients et les personnels des sociétés de nettoyage, de collecte et de transport. Il est indispensable de respecter strictement les bonnes pratiques pour éviter tout contact cutanéomuqueux, piqûre, coupure, inhalation ou ingestion.

La révision du guide consacré à leur gestion, qui date de 2009, par la direction générale de la santé (DGS), inquiète les acteurs de terrain. Certains allèguent que les professionnels de santé devraient définir le caractère infectieux et risqué de leurs déchets, ce qui provoquerait des gestes de tri plus complexes pour les professionnels et des risques accrus pour les opérateurs chargés de la collecte. Quelles mesures entendez-vous prendre pour les rassurer ?

M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins .  - La DGS a engagé en 2022 une révision complète pour aboutir à un nouveau guide, qui sera publié très prochainement. Fruit d'un travail collaboratif avec l'ensemble des acteurs, il se veut pédagogique et rigoureux.

Conformément au code de la santé publique et au code de l'environnement, le risque infectieux est évalué par le producteur du déchet. Ce principe n'est pas mis en cause. Cependant, le guide, appuyé par les avis du Haut Conseil de la santé publique rendus en 2023 et 2024, fournit des critères objectifs et des exemples pour sécuriser les décisions. En cas de doute, le déchet doit être orienté vers la filière Dasri. Les professionnels bénéficieront de formations de terrain, appuyées par les ARS. Notre priorité est leur sécurité.

Prime Ségur pour les maisons d'accueil et de résidence pour l'autonomie

Mme Amel Gacquerre .  - Les maisons d'accueil et de résidence pour l'autonomie (Marpa) jouent un rôle essentiel pour le bien vieillir en milieu rural en offrant un habitat adapté, sécurisé et inclusif à des personnes âgées en perte d'autonomie, mais la mise en oeuvre de l'accord du 4 juin 2024, sans compensation financière durable de l'État, les place en grande difficulté économique : dans le Nord-Pas-de-Calais, l'impact est estimé entre 25 000 et 30 000 euros par établissement. Cette charge supplémentaire les contraint à reporter le coût - plus de 100 euros par mois et par personne - sur les résidents, souvent modestes ; certaines structures pourraient devoir licencier, voire cesser leurs activités. Quelles mesures envisagez-vous pour assurer la viabilité financière des Marpa ?

M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins .  - L'activité des métiers des secteurs sanitaires, sociaux et médico-sociaux est une priorité inscrite au coeur de la feuille de route gouvernementale. En partenariat avec les conseils départementaux, les salariés du secteur ont perçu 4 milliards d'euros de revalorisations, soit 183 euros nets pour près de 700 000 salariés.

L'accord du 4 juin 2024 étend le Ségur à l'ensemble des professionnels du secteur de l'action sanitaire et sociale, avec un financement de la branche autonomie de 300 millions d'euros dès juillet 2024. Le Gouvernement a pris en compte les difficultés de financement de l'accord du 4 juin pour certains départements, et est parvenu à un accord avec Départements de France lors du comité des financeurs des politiques sociales du 29 avril dernier. Dès 2025, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) apportera un soutien à hauteur de 85 millions d'euros, soit 50 % du coût annuel de l'extension du Ségur pour les structures financées par les départements.

Mme Amel Gacquerre.  - Merci pour cette réponse qui devrait rassurer les Marpa. Sans remettre en cause le principe de l'extension du Ségur, elles ont de forts besoins de financement. J'en profite pour appeler à une loi Grand Âge. En 2030, un Français sur quatre aura plus de 65 ans. Il est temps d'aller plus loin.

Drépanocytose

Mme Marie-Laure Phinera-Horth .  - Début 2025, en région parisienne, deux jeunes femmes sont décédées alors qu'elles attendaient aux urgences. Elles souffraient de drépanocytose - la maladie génétique la plus répandue en France, avec 400 000 porteurs et 30 000 malades exposés à des crises douloureuses.

Cette maladie, qui touche principalement les populations d'origine subsaharienne, méditerranéenne, antillaise et maghrébine, reste peu connue des professionnels. Il y a deux ans, les acteurs ont remis au Gouvernement un Livre blanc proposant des mesures concrètes pour améliorer sa prise en charge. Je me réjouis de la généralisation du dépistage néonatal sans ciblage ethnique depuis le 1er novembre dernier.

Mais il reste des priorités non traitées : renforcer la formation des professionnels de santé, lutter contre les discriminations et les inégalités d'accès aux soins, notamment outre-mer, faciliter l'accès aux traitements innovants.

À la veille de la journée mondiale de lutte contre la drépanocytose, le 19 juin, quelles actions concrètes pour améliorer prise en charge des personnes atteintes, en France hexagonale ou outre-mer ?

M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins .  - Ministre de la santé et médecin, je suis attentif au scandale silencieux de cette maladie génétique trop longtemps ignorée, mal connue, mal dépistée, mal soignée. Il est temps de regarder cette réalité en face.

Depuis le 1er novembre 2024, le dépistage néonatal de la drépanocytose est généralisé à tous les nouveau-nés, sur recommandation de la Haute Autorité de santé, face à l'augmentation continue de l'incidence : 684 cas dépistés en 2022 contre 431 en 2016.

La recherche a permis la commercialisation de plusieurs médicaments favorisant la fixation de l'oxygène sur l'hémoglobine ou réduisant les risques cardiovasculaires et vaso-occlusifs. Le troisième plan national Maladies rares a soutenu seize projets sur la drépanocytose, pour près de 3,7 millions d'euros. Des approches innovantes comme la thérapie génique ou l'érythraphérèse répétée sont en cours d'évaluation. Le quatrième plan entend renforcer le diagnostic, améliorer l'accès à l'innovation, mieux former les professionnels de santé et promouvoir le dépistage néonatal. Il n'y aura pas de République en santé tant qu'une partie de la population restera oubliée des politiques publiques.

Traitements contre la dépendance aux opioïdes

M. Franck Menonville .  - Le fléau de la dépendance aux opioïdes frappe tous les territoires, engendrant des dégâts humains et financiers considérables. Les traitements de première génération, comme le Subutex et la méthadone, ont démontré leurs limites en matière de sevrage et leur trafic est en forte progression.

Le Buvidal, traitement à libération prolongée, permet de passer d'une prise quotidienne à une injection hebdomadaire, voire mensuelle ; cette dernière ne pouvant être effectuée que par un médecin, on évite le trafic.

Il est disponible et remboursé dans plusieurs pays européens, aux États-Unis et en Australie. Selon l'étude Opale 2, il éviterait chaque année 300 décès, 5 000 hospitalisations et 2 000 réincarcérations.

Mais son financement repose sur des crédits non reconductibles accordés par les ARS. L'accès est très inégalitaire selon les régions : le Grand Est le réserve aux patients sortant de détention. Seuls 700 patients y ont accès, sur les 180 000 qui pourraient en bénéficier. Comment comptez-vous déployer ce traitement sur tout le territoire et assurer un financement pérenne ?

M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins .  - Oui, la dépendance aux opioïdes progresse, frappe grandes villes comme zones rurales, et entraine chaque année des morts, des hospitalisations, des réincarcérations. Ce drame humain se double d'un désastre social qui exige une mobilisation globale, cohérente et durable.

Le Gouvernement a lancé en mars 2023 une stratégie interministérielle contre la conduite addictive reposant sur trois piliers : prévention, prise en charge, réduction des risques et des dommages. Ce cadre d'action donne toute sa place aux innovations thérapeutiques.

Vous avez raison de souligner le potentiel du Buvidal, buprénorphine à action prolongée qui constitue une avancée thérapeutique et dont le ministère suit avec attention le développement, l'évaluation et l'accessibilité.

Dès l'an dernier, une première enveloppe pérenne de 1 million d'euros est venue soutenir les centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie (Csapa) volontaires, répartie en fonction des besoins exprimés localement ; mais cette première étape ne permet pas encore de répondre à l'ensemble des besoins. Les disparités régionales sont bien réelles. Le Gouvernement entend y remédier et réexamine les modalités de financement dans le cadre d'arbitrages budgétaires sur les crédits des Csapa. Comptez sur ma détermination.

Urgences hospitalières dans le Calvados

Mme Corinne Féret .  - Ce week-end, les urgences du centre hospitalier de la Côte fleurie à Cricqueboeuf ont dû fermer - c'était déjà le cas lors des ponts de mai. Les élus locaux sont inquiets pour cet été. Récemment, à Caen, les urgences de la Polyclinique du Parc et de l'Hôpital privé Saint-Martin étaient fermées la nuit, d'où un report sur le CHU.

En cause, le manque de personnel pour assurer la continuité des soins.

Les urgences du centre hospitalier Robert-Bisson à Lisieux ou du CHU de Caen accueillent beaucoup de personnes âgées qui nécessitent souvent une hospitalisation. Faute de lits, les malades attendent sur des brancards dans les couloirs, pendant des heures...

Pour remédier à cette situation, l'ARS appelle à développer la coopération public-privé, à harmoniser les rémunérations pour éviter la surenchère entre établissements. Il faut des règles de répartition de la patientèle dans l'accès aux urgences, mais aussi des règles de continuité et donc d'ouverture de ces dernières.

Pendant l'été, la population de certaines communes explose, et les besoins en soins avec elle. Comment prévenir les fermetures répétées des services d'urgence des hôpitaux calvadosiens, réduire les temps d'attente aux urgences et améliorer la prise en charge globale ?

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins .  - Difficile de répondre en deux minutes ! Ces difficultés ne sont pas isolées, le défi est national.

Dans le Calvados, une équipe médicale de territoire autour du CHU de Caen travaille à mieux répartir les ressources en médecine d'urgence. Une charte de solidarité interhospitalière, signée en février par les groupements hospitaliers de territoire (GHT), la Fédération hospitalière de France (FHF) et l'ARS, vise à renforcer le recrutement, mieux gérer les internes et éviter la concurrence entre établissements. Les acteurs se réunissent tous les quinze jours pour ajuster l'organisation en temps réel.

Nous lançons un plan de mobilisation pour gérer la période estivale. Une instruction sera adressée aux ARS dans la semaine. Ce plan prévoit un schéma territorial d'ouverture des urgences et Smur, ajusté aux ressources disponibles, le renforcement des points de garde libéraux, notamment sur la côte, le déploiement de Smur paramédicaux dans les zones tendues et enfin une régulation médicale à l'entrée des urgences.

Ces mesures s'inscrivent dans une grande transformation structurelle : réforme des autorisations de médecine d'urgence, avec les antennes de médecine d'urgence ; possibilité de réorientation à l'accueil, grâce au protocole relatif aux infirmiers d'accueil ; primo-prescription autorisée pour les IPA - j'ai signé le décret en avril ; déploiement des unités mobiles paramédicalisées. Des guides pratiques sont en cours de diffusion.

Nous devons changer d'échelle. Je lance donc une nouvelle étape, avec deux priorités : développer les alternatives aux urgences en aval - admissions directes non programmées, hospitalisation à domicile, accueil de crise en psychiatrie ; fluidifier le parcours en amont, grâce au bed management et aux cellules d'ordonnancement territorial.

Je recevrai les acteurs le 16 juin prochain pour décliner ce plan sur le terrain. Notre responsabilité collective est de garantir l'accès aux soins, y compris en période estivale. Tous les leviers sont mobilisés, dans le Calvados comme ailleurs.

M. le président.  - Je vous ai laissé trois minutes...

Prise en charge des molécules onéreuses pour les bénéficiaires de l'Aide sociale à l'enfance

Mme Agnès Canayer .  - La santé mentale est la grande cause nationale de l'année 2025. Les enfants confiés à l'Aide sociale à l'enfance (ASE) présentent une double vulnérabilité : ils ont subi maltraitances ou abandon, et ils présentent souvent des troubles du comportement, des pathologies rares ou des troubles psychiatriques qui nécessitent un traitement spécifique - souvent à travers des molécules dites onéreuses, qui grèvent les budgets des établissements qui les prennent en charge.

Le coût de ces molécules représente ainsi 60 % du budget global du Bercail Saint-Denis, en Seine-Maritime, qui accueille plus de 80 % d'enfants en situation complexe. Cela compromet l'accompagnement des autres enfants, ou oblige l'établissement à exclure certains enfants de ces traitements faute de budget.

L'ARS Normandie recherche des solutions, malheureusement sans succès. Comment aider les établissements de l'ASE à mieux prendre en charge ces enfants ?

M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins .  - Les enfants protégés par l'ASE sont parmi les plus vulnérables. Leurs parcours de vie sont marqués par l'instabilité, la maltraitance, voire la violence, avec des effets sur leur développement, leur santé physique et mentale et leur capacité à accéder à des soins de manière continue. Nombre d'entre eux présentent des troubles chroniques, des troubles du neurodéveloppement ou sont en situation de handicap, notamment de polyhandicap. Nous devons leur garantir l'accès à des soins de qualité, y compris aux traitements les plus innovants.

Mon ministère s'attache à bâtir une politique de santé plus juste pour ces enfants. Dès 2026, nous généraliserons les enseignements des expérimentations Pégase et Santé Protégée, avec le déploiement systématique des bilans de santé à l'entrée de l'ASE. Les centres d'appui à l'enfance structureront la coordination entre acteurs sociaux et professionnels de santé.

Les établissements d'accueil ne peuvent porter seuls le poids budgétaire de traitements à base de molécules onéreuses qui, pour certains, représentent jusqu'à la moitié de leur budget. Ce n'est ni soutenable ni équitable.

Parmi les pistes, le conventionnement entre l'établissement et la caisse primaire d'assurance maladie, permettant le même remboursement qu'en ville. Nous travaillons également avec les ARS et l'assurance maladie pour définir les modalités opérationnelles.

L'État doit tenir sa promesse de solidarité envers les plus fragiles, en leur garantissant l'égal accès à l'innovation thérapeutique et à la dignité.

Mme Agnès Canayer.  - Merci de votre réponse. Oui, il y a un enjeu de justice et de solidarité, pour donner une deuxième chance à ces enfants particulièrement vulnérables.

Nouveau barème de sanctions applicable aux bénéficiaires du RSA

Mme Pauline Martin .  - Depuis le 1er janvier 2025, avec l'instauration des 15 heures d'activité hebdomadaire, un nouveau barème de sanctions s'applique aux bénéficiaires du RSA. En cas de non-respect des engagements, l'organisme référent peut suspendre tout ou partie du RSA, pour une durée déterminée.

Le décret portant ce barème respecte-t-il l'esprit de la loi ou traduit-il un infléchissement, voire un assouplissement des sanctions prévues ? On bascule d'une logique de suppression vers une logique de suspension, de 30 à 100 %, pendant un à quatre mois, le bénéficiaire recouvrant rétroactivement son allocation s'il régularise sa situation. Bref, on instaure un droit au rattrapage, là où nous voulions affirmer des obligations claires assorties de conséquences fermes.

Ce décret ne risque-t-il pas de vider la loi de sa portée ? N'y a-t-il pas un décalage préoccupant entre l'intention du législateur et sa traduction réglementaire ?

M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins .  - Le décret du 31 mai 2025 précise le nouveau mécanisme de suspension-remobilisation, qui permet la suspension de l'allocation en cas de manquement et prévoit le reversement des sommes dues en cas de remobilisation du demandeur d'emploi.

Il traduit les orientations de la loi, très précise en matière de sanctions. Pour les bénéficiaires du RSA, la loi prescrit bien le reversement des sommes dues en cas de remobilisation, dans la limite des trois mois. Le débat parlementaire sur ce point a été nourri.

Fidèle à l'esprit de la loi, le décret étend cette mécanique à tous les demandeurs d'emploi, bénéficiaires ou non du RSA. Il fixe aussi les bornes dans lesquelles s'exerce cette possibilité, soit de 30 à 100 % - difficile d'aller au-delà !

Nous avons travaillé étroitement sur ce barème avec les acteurs et opérateurs - départements, France Travail, missions locales - auxquels nous laissons des marges de manoeuvre pour adapter les sanctions à la diversité des situations. Le conseiller à l'origine de la suspension aura son mot à dire sur les conditions permettant la reprise du versement, par exemple la présence à un rendez-vous ou la participation à une action d'insertion.

Le décret peut être perçu comme un assouplissement sur certains points, un durcissement sur d'autres. Mais pour l'essentiel, il reprend ce qu'a prescrit le législateur. En prévoyant un barème harmonisé, en privilégiant toujours la remobilisation à la radiation, en laissant des marges de décision aux acteurs de terrain, il est fidèle à l'esprit de la loi.

Mme Pauline Martin.  - Je connais bien la pathologie qui contamine les ministères, consistant à modifier la substance du remède. J'en appelle donc à votre vigilance.

Dispositif national d'accompagnement des projets et initiatives des Cuma

M. Éric Kerrouche .  - Le dispositif national d'accompagnement des projets et des initiatives des coopératives d'utilisation de matériel agricole (DiNA Cuma) soutient des projets au service de l'emploi rural, du renouvellement des générations en agriculture, de la réduction des produits phytosanitaires, de l'adaptation au changement climatique et de la souveraineté alimentaire et énergétique.

Objet d'une nouvelle mouture en 2024, après un rapport et une concertation, le DiNA Cuma démultiplie l'impact des politiques publiques. Alors que cette aide unique en son genre est mobilisée par plus de 600 Cuma chaque année, soit plus de 14 000 agriculteurs, la coupe budgétaire annoncée suscite inquiétude et incompréhension.

Au vu de son efficience et de son coût modeste, quelle ambition pour ce dispositif, seule ligne budgétaire dédiée spécifiquement aux Cuma ?

Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Étant donné le contexte budgétaire du pays, mon budget, comme d'autres, connaît une réduction sensible mais maîtrisée. Malgré tout, nous déployons des moyens importants pour soutenir l'agriculture en France. Ainsi, le DiNA Cuma sera maintenu en 2025, mais avec des moyens nécessairement moindres.

Lancé en 2016, à la suite des aides à l'investissement matériel sous forme de prêts, le DiNA Cuma a accompagné environ 30 % des Cuma. Parmi les Cuma ayant réalisé un conseil stratégique, un quart en ont réalisé au moins deux et 6 %, au moins trois. Nous envisageons donc de réduire d'un tiers l'enveloppe par rapport au réalisé en 2024, en passant de 1,2 million à 800 000 euros, soit une réduction similaire à celle votée pour le programme 149.

Malgré cette baisse des crédits, le DiNA Cuma peut toujours accompagner les Cuma en priorisant les dossiers, notamment ceux des Cuma n'ayant jamais bénéficié d'un conseil stratégique. Une grille de priorisation a été rédigée en 2023, en collaboration avec la Fédération nationale des Cuma.

Une alternative serait de diminuer le taux d'aide publique de 90 à 80 ou 70 %, afin d'accompagner un nombre important de Cuma sans critères de priorisation. Nous travaillons en étroite collaboration avec la FN Cuma.

M. Éric Kerrouche.  - Vous connaissez la place des Cuma et l'importance de ces initiatives dans les départements ruraux. Je mesure les difficultés financières, mais elles ne doivent pas freiner cette dynamique.

Coupes budgétaires dans la filière bio

M. Rémi Cardon .  - Marc Fesneau, votre prédécesseur, se vantait d'avoir fixé un objectif de 18 % de bio en 2027, d'avoir alloué un budget communication de 5 millions d'euros à l'Agence bio et d'avoir doté le Fonds avenir bio de 10 millions d'euros.

Mais, depuis, vous avez quasiment tout raboté : moins 15 millions d'euros pour la filière, annihilant quarante ans d'efforts. Cette filière est votre bouc émissaire, alors qu'elle emploie 30 % de salariés de plus que l'agriculture conventionnelle, sur 60 000 fermes. Pendant ce temps, vous accordez 30 millions d'euros aux 365 producteurs de noisettes ! Où est la cohérence ? Chez moi, une fabrique de sucre risque de ne pas voir le jour à cause de votre politique. En dix ans, les aides à la filière ont diminué drastiquement.

Allez-vous revoir vos objectifs et votre stratégie ?

Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Deux contrevérités ne font pas une vérité. On supprimerait toutes les aides au bio ?

M. Rémi Cardon.  - Je n'ai pas dit cela...

Mme Annie Genevard, ministre.  - Connaissez-vous le montant des aides au bio en 2025 ? C'est juste 700 millions d'euros ! (M. Rémi Cardon proteste.) Oui, j'ai supprimé une aide, mais c'était une aide exceptionnelle !

Où avez-vous vu que nous octroyions 30 millions d'euros aux producteurs de noisettes ? Soyons sérieux !

La filière bio est une grande filière, que je soutiens. Le crédit d'impôt a été revalorisé, pour 142 millions d'euros. La communication bénéficiera de 5 millions d'euros en 2025. Les programmes alimentaires territoriaux (PAT) seront dotés de 10 millions d'euros et les 20 % d'agriculture bio qu'ils prévoient rapportent 120 millions d'euros. La revalorisation des aides aux jeunes agriculteurs bénéficie aussi au bio, de même que les aides du Feader pour les mises aux normes.

Arrêtez de raconter des contrevérités : je soutiens ardemment la filière bio !

Bien sûr, certains budgets diminuent (M. Rémi Cardon s'exclame), comme dans d'autres domaines : comment faire autrement ? Je n'ai plus les fonds de la transition écologique.

Postes dans l'enseignement agricole public

M. Daniel Salmon .  - Pour assurer le renouvellement des générations, la récente loi d'orientation agricole (LOA) prévoit de former 30 % d'actifs agricoles supplémentaires dans les cinq ans, ce qui suppose de renforcer les moyens de l'enseignement agricole public. Pourtant, vous supprimez, sans concertation, 45 ETP d'enseignants à la rentrée 2025, avec des conséquences immédiates : fermetures de classes, réduction de l'offre pédagogique. À l'heure où l'État devrait préparer la bifurcation écologique du secteur, cette baisse de moyens est catastrophique.

Alors que deux tiers des établissements publics locaux sont déjà en difficulté, comment atteindre l'objectif de 30 % d'apprenants supplémentaires si vous coupez les financements ? Allez-vous rectifier cette trajectoire ?

Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - La rentrée scolaire 2025 se prépare, dans un contexte où mon ministère, comme d'autres, doit contribuer à l'effort de maîtrise des dépenses publiques. Cela se traduit par une diminution de 45 ETP, dans le public et le privé, soit un demi-poste par département. Nous répartissons les moyens selon deux critères objectifs : l'évolution des effectifs et le taux d'encadrement.

Cette diminution n'est pas une bonne nouvelle, mais cela ne nous empêche pas de porter un objectif ambitieux. Plusieurs outils vont nous permettre de former 30 % d'apprenants supplémentaires à l'horizon 2030 : le plan national de découverte des métiers agricoles, le volontariat agricole, le bachelor agro et les contrats territoriaux -  pour objectiver les besoins en formation. Je me bats pour que l'enseignement agricole bénéficie de moyens adaptés à ses besoins en 2026.

M. Daniel Salmon.  - On se fixe des objectifs sans se donner les moyens de les atteindre : c'est la marque de fabrique de ce gouvernement. Des formations sur l'agroécologie ferment alors que de nombreux jeunes sont en attente !

Aviculteurs confrontés à la salmonellose

Mme Frédérique Puissat .  - Je sais la ministre sensible à la situation des aviculteurs confrontés à la salmonellose.

Quand elle est détectée, le cheptel doit être abattu. Or les indemnisations sont insuffisantes et l'activité peut être mise en péril. L'aménagement des règles d'abattage inquiète les éleveurs. En effet, un arrêté d'août 2018 a supprimé les tests de confirmation avant abattage. Or l'offre assurantielle est rare et chère et l'indemnisation, souvent insuffisante.

Madame la ministre, vous avez répondu à mon collègue Christian Klinger le 26 mars dernier. Où en est l'étude de l'Anses sur les méthodes de prélèvement ? Ces travaux rendront-ils espoir à cette filière de souveraineté alimentaire ?

Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Oui, la salmonelle, comme toutes les maladies animales, crée un préjudice moral et économique aux éleveurs.

L'intermittence de l'excrétion des volailles rend difficile la détection des salmonelles. C'est pourquoi les prélèvements de confirmation ont été supprimés : un seul prélèvement positif suffit désormais à démontrer la présence de salmonelles. Les conclusions de l'Anses sur le dépistage dans les élevages de pondeuses, attendues au début de l'automne, feront peut-être évoluer les modalités de prélèvement.

La lutte contre les maladies animales réglementées, dont la salmonellose, impose parfois l'abattage des animaux, sur décision de l'administration. C'est un crève-coeur et une perte pour leurs propriétaires, qui sont indemnisés par l'État. En 2024, les indemnisations liées à la salmonellose se sont élevées à près de 8 millions d'euros.

Mme Frédérique Puissat.  - Les professionnels attendent cette étude avec impatience. Bien souvent, ce sont les aviculteurs eux-mêmes qui abattent leurs bêtes, faute d'équarrissage.

Polices municipales

M. Olivier Henno .  - Pour 48 % des maires, la sécurité est un enjeu important, mais 56 % se sentent abandonnés par l'État. En première ligne face à la montée de la délinquance au quotidien, les maires investissent dans la sécurité -  policiers municipaux, équipements, vidéoprotection  - , mais ils déplorent souvent un manque d'efficacité sur le terrain.

Les lois qui encadrent la police municipale ont un quart de siècle et doivent être remises à plat, pour adapter les missions des policiers municipaux à la réalité de la délinquance.

Quelles sont les intentions du Gouvernement sur l'accès à certains fichiers et sur la demande de statut d'officier de police judiciaire (OPJ) ? Les maires souhaitent que les prérogatives des policiers municipaux soient renforcées, mais sans qu'ils passent sous l'autorité du procureur de la République. Un projet de loi sur les polices municipales est-il en préparation ? Selon quel calendrier ?

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Oui, un texte est prêt. Il devrait être examiné en Conseil des ministres au mois de juillet et débattu au Parlement à l'automne. Le rôle des polices municipales est essentiel dans notre continuum de sécurité. Le Beauvau des polices municipales, qui avait démarré au printemps 2024, a été relancé en début d'année. Le renforcement des moyens d'action de nos policiers municipaux fait consensus, tout comme leur rôle de proximité, essentiel.

Plutôt qu'un statut d'OPJ, nous envisageons l'élargissement de leurs compétences judiciaires, sans concurrence avec les forces de sécurité intérieures et sans autorité du procureur de la République. L'article 15 du code de procédure pénale pourrait être modifié à cette fin.

Leur droit de consultation de fichiers serait également élargi, qu'il s'agisse du système d'immatriculation des véhicules (SIV), du système national des permis de conduire (SNPC), du système d'information des fourrières, du fichier national unique des cycles identifiés ou du fichier des objets et véhicules signalés (FOVeS).

M. Olivier Henno.  - Votre réponse ne me surprend pas -  j'ai lu la presse. Ce projet de loi est très attendu, car les communes sont nombreuses à consacrer d'importants moyens à leur police municipale : le cadre juridique doit être adapté.

Sécurité publique dans le Pas-de-Calais

Mme Cathy Apourceau-Poly .  - À compter de la fin juillet, le centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil accueillera une centaine de détenus impliqués dans le narcotrafic. La transformation de l'établissement a été annoncée par le chef de l'État sur place au mois de mai, un an jour pour jour après l'assassinat de deux surveillants au péage d'Incarville.

La sécurité à proximité de cette prison où seront concentrés les chefs de réseau les plus dangereux nous inquiète. Le Pas-de-Calais compte deux ports - sans compter celui, tout proche, de Dunkerque - et un réseau routier dense : les trafics y sont nombreux, menaçant la tranquillité et la sécurité auxquelles nos concitoyens ont droit.

Depuis des années, nos effectifs de police et de gendarmerie sont insuffisants. Quels moyens supplémentaires comptez-vous attribuer à la police nationale dans le Pas-de-Calais, en particulier dans l'arrondissement de Lens ? Comment fera-t-on s'il faut conduire un détenu à l'hôpital au moment d'un match, d'une manifestation ou du transfert d'un autre détenu ?

Insécurité ou sentiment d'insécurité : je n'entrerai pas dans ce débat. Mais je constate que les élus sont de plus en plus victimes de violences physiques, verbales et morales ; une part non négligeable des démissions résulte d'ailleurs de ce phénomène. Quels moyens le Gouvernement entend-il déployer dans notre département pour assurer la sécurité des élus et de tous les citoyens ?

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Nous sommes bien conscients de l'attente de nos compatriotes en matière de sécurité.

Dans votre département, la police nationale compte 3 247 agents, contre 2 923 fin 2016.

En zone gendarmerie, les effectifs ont augmenté de 33 équivalents temps plein (ETP) entre 2015 et 2024. Dans le cadre du plan, 239 brigades, cinq unités seront créées d'ici à 2027. Conformément à la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'Intérieur (Lopmi), le nombre de réservistes opérationnels a doublé, pour atteindre 780 l'année dernière. Résultat : la présence sur la voie publique a augmenté de 30 % entre 2023 et 2024.

Le Pas-de-Calais est, avec le Nord et la région parisienne, parmi les territoires les plus touchés par les atteintes aux élus. En plus des investigations et procédures qu'elles conduisent, les forces de l'ordre proposent aux élus des formations à la gestion des incivilités et conflits - 27 000 ont été formés depuis 2021, en liaison avec le groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN). Le Sénat a adopté à l'unanimité un texte renforçant la protection des élus. Enfin, le centre d'analyse et de lutte contre les atteintes aux élus (Calae) prépare un « pack nouvel élu » dans la perspective des prochaines élections municipales.

Financement européen de l'islam radical

Mme Nathalie Goulet .  - Je suis désolée d'avoir l'air de harceler le Gouvernement sur les financements européens pour l'islam radical et les Frères musulmans... De fait, j'ai posé sur le sujet nombre de questions écrites et orales, ainsi que plusieurs questions d'actualité.

Nous sommes nombreux à être préoccupés par cette question - la dernière frasque en date étant 10 millions d'euros pour un « Coran européen ». Au total, des centaines de millions d'euros sont distribués à des associations en lien avec les Frères musulmans et l'islam radical.

La Cour des comptes européenne a rendu un rapport alarmiste portant sur 7,4 milliards d'euros de subventions dont on ne retrouve pas trace.

Quelles mesures ont-elles été prises depuis que nous avons tiré la sonnette d'alarme ? Quelles mesures supplémentaires comptez-vous prendre pour mettre un terme à ces dysfonctionnements ?

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - La Commission européenne doit redoubler de vigilance sur l'attribution et l'emploi des fonds européens lorsque leur gestion est décentralisée dans des États tiers.

Elle a suspendu la procédure de convention avec l'université islamique de Gaziantep (Mme Nathalie Goulet s'en félicite) : inédite, cette décision témoigne du travail d'influence mené par les autorités françaises depuis plus de deux ans.

La France a été motrice dans les négociations sur le nouveau règlement financier, dont l'article 6 prévoit le respect de la Charte européenne des droits fondamentaux et des valeurs de l'Union européenne. Les institutions européennes devront se montrer encore plus vigilantes à l'avenir. En particulier, la procédure de filtrage doit être renforcée, pour éviter tout financement direct ou indirect de mouvements politiques ou religieux hostiles aux valeurs européennes.

Nous avons enjoint la Commission d'exercer un réel contrôle de l'utilisation par un pays tiers des financements décentralisés. Il nous paraît notamment indispensable d'exercer un meilleur contrôle a priori des projets retenus.

La Commission s'est récemment dotée d'outils pour guider les services instructeurs dans l'attribution des subventions. Sur la suggestion des autorités françaises, elle a lancé une réflexion sur des mécanismes d'échanges d'informations permettant aux États membres de signaler des organismes défavorablement connus. Le commissaire aux affaires intérieures et à la migration, Magnus Brunner, est très convaincu de la nécessité d'agir sur ce sujet.

Mme Nathalie Goulet.  - Ces nouveaux dispositifs sont tout à fait bienvenus, en particulier la possibilité de signaler des associations indésirables. Mais celles-ci ne sont pas seulement situées dans des pays tiers - je pense au collectif contre l'islamophobie en France, interdit dans notre pays, mais que l'on a retrouvé en Belgique.

J'ajoute que l'université islamique de Skopje a bénéficié du programme Erasmus.

Nous sommes en très bonne voie. Nous sommes prêts, s'il le faut, à suspendre une partie de la contribution française au moment de l'examen du budget pour obtenir satisfaction.

Trafic de drogue à Paris

Mme Agnès Evren .  - La loi sur le narcotrafic donne un cadre robuste pour durcir les peines et renforcer les moyens des forces de l'ordre. Elle doit se décliner concrètement sur le terrain, car nos concitoyens, en particulier les plus précaires, en ont ras le bol que les narcotrafiquants leur pourrissent la vie !

Avec le maire du XVe arrondissement de Paris, je tiens à attirer votre attention sur plusieurs de nos quartiers, notamment Falguière et Beaugrenelle. Règlements de comptes, rixes, trafics dans les halls d'immeuble : le narcotrafic, impliquant de nombreux mineurs, gangrène des secteurs entiers.

Il faut réduire la circulation de drogue, donc multiplier les saisies. Je salue la saisie récente de 200 grammes de cannabis au 24, rue Balard.

Hélas, à Paris, l'État n'est pas aidé. La Ville ne remplit pas sa part du contrat : elle n'a pas suffisamment secondé la police nationale dans les opérations de proximité. Ce laxisme est une invitation à recommencer pour les trafiquants. C'est inadmissible.

Comment comptez-vous intensifier la lutte contre le narcotrafic, notamment pour assécher son modèle économique ? Quels sont les effectifs déployés à Paris, en particulier dans le XVe arrondissement ? Les habitants de nos quartiers n'en peuvent plus : ils attendent du changement !

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - La lutte contre le trafic de stupéfiants et la criminalité organisée est une priorité du Gouvernement. La proposition de loi d'origine sénatoriale est en cours d'examen par le Conseil constitutionnel ; la procédure devrait aboutir rapidement.

À Paris, des opérations d'ampleur sont menées chaque semaine pour démanteler les réseaux et réaffirmer la présence constante de l'État dans les quartiers ; ces opérations sont prolongées par une occupation visible de l'espace public et des contrôles administratifs ciblés.

Nous intensifions également la lutte contre les trafics en ligne ; au sein de préfecture de police, quatre groupes d'enquêteurs de la police judiciaire sont spécialement affectés à la lutte contre les cyberstupéfiants.

Nous menons un travail partenarial au sein de l'agglomération parisienne. En 2024, plus de 1 800 réunions se sont tenues, permettant de résoudre 20 % des situations signalées.

Les résultats sont là : entre 2021 et 2024, les affaires traitées par la préfecture de police ont augmenté de 43 % ; celles liées aux trafics, de 22 %.

Dans le secteur Modigliani-Balard, un point de revente demeure autour de la fontaine des Polypores ; plusieurs individus font l'objet d'un suivi renforcé et des procédures judiciaires sont en cours. Le point de deal de la cité des Périchaux s'est déplacé vers les allées menant à la porte de Brancion ; depuis janvier 2024, cinq affaires majeures ont été résolues et d'autres investigations sont en cours.

Mme Agnès Evren.  - Je connais votre engagement et celui de Bruno Retailleau contre le narcotrafic : les premiers résultats sont déjà là.

Malheureusement, la maire de Paris a décidé de prolonger l'expérimentation des salles de shoot, alors que la consommation de drogue alimente le narcotrafic et que ces salles occasionnent des nuisances pour les riverains. C'est un mauvais signal envoyé à nos jeunes et à toute la société.

Difficultés d'accès à l'examen du permis de conduire

M. Jean-Marc Delia .  - Depuis la réforme permettant de passer le permis de conduire à 17 ans, menée sans accompagnement, les délais pour se présenter à l'examen s'allongent de façon préoccupante ; en cas d'échec à la première tentative, le délai est de six à douze mois.

Nombre de jeunes sont ainsi freinés dans leurs projets étudiants, professionnels et personnels, surtout dans les territoires où les transports en commun sont peu nombreux. Certains se découragent ; d'autres sont obligés d'accumuler les heures de conduite supplémentaires, ce qui alourdit considérablement le coût du permis.

Moniteurs et responsables d'auto-école confirment que le système de réservation des places d'examen, conjugué au manque d'inspecteurs, rend l'accès aux dates d'examen très difficile, dans les Alpes-Maritimes comme ailleurs. Ils constatent une recrudescence de comportements agressifs de la part de personnes excédées, pour qui le permis est un enjeu majeur d'insertion.

Le Gouvernement entend-il renforcer les effectifs d'inspecteurs ? Comment compte-t-il améliorer la plateforme RdvPermis pour garantir un accès équitable et rapide à l'examen sur tout le territoire ?

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Les Alpes-Maritimes se situent dans la moyenne des indicateurs nationaux annualisés du mois d'avril 2025. Le seuil formateur est, il est vrai, légèrement inférieur au seuil national - 5,3, contre 5,9. Le délai médian de passage d'une deuxième épreuve après un échec est de 80 jours, contre 79 au niveau national. Le taux de réussite est de 60,29 %, contre 59,06 % en moyenne nationale.

La tension conjoncturelle sur les délais est bien réelle. Elle résulte de la poussée démographique du début des années 2000 et de l'abaissement à 17 ans de l'âge minimal pour se présenter, qui a fait de 2024 une année charnière.

L'adéquation entre l'offre et la demande de places fait l'objet d'une attention particulière du Gouvernement. Les postes d'inspecteur ont augmenté de 15 ETP en 2023, puis 38 en 2024. Dans les Alpes-Maritimes, l'effectif vient d'être rééquilibré à sa cible, soit 20 ETP. Par ailleurs, le Gouvernement vient d'autoriser l'ouverture exceptionnelle d'une seconde session du concours en 2025. Enfin, des inspecteurs retraités volontaires peuvent continuer à réaliser des examens ; une personne est dans ce cas dans votre département.

Problèmes assurantiels des Sdis

M. Jean-Baptiste Blanc .  - Les services départementaux d'incendie et de secours (Sdis) rencontrent d'importantes difficultés du fait de l'envolée spectaculaire des coûts d'assurance : certaines compagnies se retirent du marché, les primes explosent parfois à plus de 80 % pour des garanties identiques.

Dans le Vaucluse, les primes ont augmenté en 2022 de 62 % pour les risques statutaires, de 61 % pour les dommages aux biens et de 37 % pour la responsabilité civile. Une nouvelle hausse de 10 % est annoncée pour les dommages aux biens en 2025. Certains contrats de cybersécurité ne seront pas renouvelés.

Cette situation fait écho aux difficultés assurantielles considérables des collectivités territoriales -  sujet dont le Sénat s'est emparé.

Les Sdis sont contraints à des négociations de gré à gré, souvent dans des conditions inacceptables, ce qui compromet leur couverture de risques et nuit à la sécurité de nos concitoyens.

Le Gouvernement entend-il repenser le modèle assurantiel des Sdis et revoir les responsabilités des assureurs dans la protection civile ? Il y a urgence.

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - La sinistralité croissante a incité certains assureurs à quitter le marché d'assurance des collectivités. Nous ne pouvons pas en rester là. Le Gouvernement a donc engagé une concertation sur l'assurabilité des collectivités locales et des établissements publics. Une politique ambitieuse de prévention est nécessaire, car il existe notamment une corrélation forte entre l'existence d'un plan de prévention des risques d'inondation (PPRI), la fréquence des sinistres et la réduction de leur coût. L'État a porté à 300 millions d'euros le budget du fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), dit « fonds Barnier », dans la loi de finances pour 2025. Par ailleurs, des clauses permettent d'éviter l'augmentation excessive du montant des primes en cours de contrat.

Le Sénat a produit en mars 2024 un rapport d'information relatif aux problèmes assurantiels des collectivités territoriales. Alain Chrétien et Jean Yves Dagès ont ensuite finalisé un rapport sur le sujet à la demande du Gouvernement. La mission n'a pas examiné spécifiquement la situation des Sdis, mais ses recommandations visent à améliorer les relations entre les assureurs et les établissements publics locaux dont les Sdis font partie.

Statistiques pénales en matière de contrebande de tabac

M. Laurent Burgoa .  - Le Gard est fortement touché par le trafic de tabac. Selon une étude de KPMG parue en septembre 2024, 16,8 milliards des cigarettes consommées en France en 2023 étaient issues de la contrebande et de la contrefaçon. Or ce phénomène constitue un risque sanitaire majeur pour les consommateurs. Il représente en outre un marché de 2,3 milliards d'euros par an pour les organisations criminelles impliquées et 3,8 milliards d'euros de manque à gagner fiscal.

Selon le dernier bilan des douanes, 26 % des réseaux de criminalité organisée démantelés en 2024 relevaient de la fraude sur le tabac. Or les statistiques relatives aux poursuites judiciaires et condamnations liées à la contrefaçon et à la contrebande de tabac en France ne sont plus publiées depuis 2019.

Pourriez-vous nous communiquer le nombre d'affaires traitées et de condamnations définitives prononcées depuis lors, le nombre de peines d'emprisonnement ferme prononcées, le nombre de peines d'emprisonnement avec sursis, le nombre de peines d'emprisonnement ferme en attente d'exécution au 1er janvier 2026 ainsi que le montant total des amendes infligées ?

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Le nombre de personnes mises en cause et orientées pour une infraction douanière liée au tabac a été multiplié par 2,6, passant de 893 personnes en 2019 à 2 314 en 2024. Le nombre de condamnations prononcées pour une infraction liée à la contrebande de tabac est passé de 474 en 2019 à 1 099 en 2024.

En 2024, le quantum d'emprisonnement ferme a augmenté de 8,7 mois ; 298 peines d'emprisonnement ferme et 552 peines d'emprisonnement avec sursis total ont été prononcées, ainsi que 923 peines d'amende fermes, avec une moyenne de 134 927 euros.

Ces données, extraites du système d'information décisionnel pénal (SID) produit par la sous-direction des statistiques et des études du secrétaire général du ministère de la justice à partir des données enregistrées par l'applicatif Cassiopée, n'incluent pas le total des peines d'emprisonnement fermes en attente d'exécution.

M. Laurent Burgoa.  - Merci d'avoir éclairé notre lanterne. Nous connaissons la volonté du ministre de l'intérieur et la vôtre pour mener une lutte acharnée contre les trafiquants. Vous aurez tout notre soutien.

Prolifération des faux salons de massage

Mme Catherine Dumas .  - La prolifération des faux salons de massage pose d'importants problèmes à Paris, en matière de sécurité et de respect de la dignité humaine. Près de 430 établissements sont recensés dans la capitale, dont 50 dans le 17e arrondissement. Ces établissements cachent des réseaux de traite d'êtres humains et de proxénétisme, générant un climat d'insécurité et des nuisances pour les riverains. Or la mobilisation des forces de l'ordre se heurte systématiquement à un vide juridique. Faute de preuves suffisantes ou d'éléments à charge, celles-ci ne peuvent retenir à l'encontre de ces établissements ni les faits de trafic de stupéfiants ni ceux de proxénétisme. Ces commerces peuvent s'ouvrir très facilement, et leur fermeture reste temporaire même lorsqu'une enquête judiciaire est en cours.

Face à l'objectif de fermeture totale de ces établissements fixé par le projet de circulaire interministérielle pour l'égalité entre les femmes et les hommes, quelles mesures concrètes pourrions-nous envisager pour réguler ces activités illégales ? Quels moyens supplémentaires seront-ils attribués aux forces de l'ordre ?

Mme Aurore Bergé, ministre chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations .  - Je salue votre engagement sur ce sujet déterminant. Derrière les façades de ces salons se cache la réalité sinistre de l'exploitation sexuelle. Nous voulons mobiliser tous les leviers possibles, dans le cadre de la stratégie nationale de lutte contre la prostitution, pour lutter contre ce phénomène.

En lien avec les comités opérationnels départementaux anti-fraude (Codaf), les procureurs de la République et l'inspection du travail, nous renforçons les contrôles pour détecter et signaler toute situation de fraude : fraude fiscale, fraude financière, travail illégal. Nous coordonnons l'action de l'ensemble des acteurs, avec l'appui des groupes interministériels de recherche (GIR).

Des mesures directes sont aussi prises à l'encontre des proxénètes, avec l'accélération de toutes les procédures de retrait ou de non-renouvellement des titres de séjour.

La circulaire que vous avez mentionnée paraîtra dans les prochaines heures. C'est la première fois qu'une circulaire sera ainsi signée à la fois par le ministre de l'intérieur, le ministre de la justice, le ministre du travail, le ministre de la santé et moi-même. Par le biais d'un décret en Conseil d'État, nous compléterons la stratégie nationale de lutte contre le système prostitutionnel de manière à ce que les mineurs soient aussi pris en charge par les commissions départementales.

Mme Catherine Dumas.  - Merci pour votre réponse complète qui montre bien votre engagement et celui du Gouvernement sur ce sujet. La mise en application prochaine de la circulaire est une bonne nouvelle.

La séance est suspendue à midi dix.

Présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 14 h 30.