SÉANCE

du mercredi 3 décembre 2025

30e séance de la session ordinaire 2025-2026

présidence de M. Alain Marc, vice-président

La séance est ouverte à 10 h 30.

Projet de loi de finances de fin de gestion pour 2025 (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances de fin de gestion pour 2025.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe INDEP ; M. Stéphane Fouassin applaudit également.) Les séances s'enchaînent, entraînant une assistance parfois clairsemée...

Mme Nathalie Goulet.  - Mais de qualité !

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - L'examen des conclusions de la CMP sur le projet de loi de finances de fin de gestion (PLFG) pour 2025 nous offre pourtant un répit bienvenu, quoique court, au milieu du marathon des 2 700 amendements de première partie du projet de loi finance pour 2026.

Jeudi dernier, la CMP s'est entendue sur un texte que l'Assemblée nationale a adopté « à l'arrache », si je puis dire, par 217 voix contre 213. Ce vote s'est imposé notamment devant la nécessité d'ouvrir des crédits indispensables au paiement de l'allocation pour adultes handicapés (AAH) et de la prime d'activité.

Le compromis trouvé entérine l'intégralité des modifications de crédits adoptées par le Sénat en première lecture. Nos apports concernent principalement la vidéoprotection, La Poste, les pôles de compétitivité, les chambres de commerce... Par ailleurs, des crédits pour les forêts, l'hébergement d'urgence et l'aide au développement ont été ouverts en CMP à la demande des députés.

Nous sommes saisis de sept amendements du Gouvernement, auxquels la commission est favorable : cinq visent à lever un gage ; un autre actualise l'article liminaire ; le dernier actualise le solde, dégradé de 97 millions d'euros. Le déficit budgétaire pour 2025 s'élève à 131,6 milliards d'euros, contre 139 milliards d'euros inscrits en loi de finances initiale. Le déficit public reste de 5,4 % du PIB.

Nous devons nous satisfaire de ce texte, qui entérine la fin d'une dégradation historique des comptes en 2023 et 2024. Il acte aussi une diminution de 25 milliards d'euros du déficit par rapport à 2024 : ce résultat encourageant appelle un satisfecit que je décerne volontiers à l'auteur originel du budget, Michel Barnier, mais tient aussi aux mesures prises en gestion par le Gouvernement.

L'effort a démarré, mais est loin d'être terminé. Le déficit reste très supérieur à ceux des années 2010, pourtant considérés comme excessifs, à juste titre. L'endettement continue de croître. L'effort accompli cette année doit donc être considéré comme un point de départ.

Dans un esprit de responsabilité, je vous invite à adopter les conclusions de la CMP, modifiées par les amendements du Gouvernement. J'espère que l'adoption de ce texte sera un signal positif pour la suite de nos travaux budgétaires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe INDEP ; M. Vincent Delahaye applaudit également.)

Mme Amélie de Montchalin, ministre de l'action et des comptes publics .  - La CMP sur le PLFG pour 2025 a été conclusive et les députés ont adopté ses conclusions hier. Je vous remercie pour votre soutien et votre esprit de compromis.

Les accords trouvés le prouvent : il y a un chemin, et la France n'est pas condamnée à l'impuissance budgétaire. Je n'y vois pas, pour ma part, un satisfecit, mais un encouragement à poursuivre la procédure budgétaire.

Ce texte technique retrace les événements survenus en cours d'année et ajuste certains crédits pour répondre aux imprévus. Comme dans la vie, on ne peut pas tout prévoir dans un budget ; mais on doit pouvoir faire face aux imprévus.

Ce texte nous permet de terminer l'année sereinement, garantissant notamment le paiement en décembre de l'AAH et de la prime d'activité, et le maintien de nos 203 000 places d'hébergement d'urgence. Il permet également d'assumer certains surcoûts de la mission « Défense » : nous mesurons l'importance du soutien à nos armées dans le contexte actuel.

Aucun rabot que vous pourriez découvrir. De fait, nous avons été transparents tout au long de l'année, communiquant aux commissions des finances les informations nécessaires.

Les débats parlementaires ont conduit à l'ouverture d'un certain nombre de crédits, notamment pour de l'aide humanitaire, au moment où les besoins sont immenses au Soudan, à Haïti, au Liban ou au Proche et au Moyen-Orient. Vous avez choisi également de protéger la présence territoriale de La Poste, d'avancer sur l'égalité hommes-femmes, de renforcer les moyens consacrés aux forêts ou encore d'aider nos viticulteurs.

Ces avancées sont possibles dans le respect de l'engagement que j'avais pris, avec Éric Lombard, en février dernier : l'objectif de 5,4 % de déficit est en passe d'être tenu. Reste que nous ne pouvons nous satisfaire d'un tel niveau. Pour que notre dette cesse d'augmenter, nous devons revenir à 3 % en 2029. Sans quoi nous priverons nos successeurs de toute possibilité de faire des choix pour le pays.

Ce texte le démontre : si nous nous organisons bien, si nous sommes vigilants et transparents, nous sommes capables de tenir et piloter la dépense en respectant les objectifs fixés par le législateur. Quand le Parlement vote, le Gouvernement exécute : c'est un gage de crédibilité.

Je vous invite à adopter définitivement ce texte qui nous permettra de bien finir 2025. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Jean-François Rapin et Mmes Nathalie Goulet et Marie-Claire Carrère-Gée applaudissent également.)

Discussion du texte élaboré par la CMP

M. le président.  - En application de l'article 42, alinéa 12, de notre règlement, le Sénat examinant le texte après l'Assemblée nationale, il se prononce par un seul vote sur l'ensemble du texte en ne retenant que les amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement.

Article liminaire

M. le président.  - Amendement n°1 du Gouvernement.

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - De manière générale, rien de suspect dans les amendements du Gouvernement, qui ne modifient pas les équilibres trouvés collectivement par les parlementaires. L'amendement n°1 actualise l'article liminaire compte tenu des décisions de la CMP.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Avis favorable.

Article 4

M. le président.  - Amendement n°2 du Gouvernement.

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - L'amendement n 2 ajuste l'article d'équilibre. Les dépenses augmentent de 97 millions d'euros. Au total, les dépenses de l'État seront tenues à 400 millions d'euros près par rapport au montant inscrit en loi de finances initiale.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Avis favorable.

Article 5 (État B)

M. le président.  - Amendement n°3 du Gouvernement.

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Cet amendement et les quatre suivants procèdent à des levées de gage.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Avis favorable.

M. le président.  - Amendement n°4 du Gouvernement.

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Défendu.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Avis favorable.

M. le président.  - Amendement n°5 du Gouvernement.

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Défendu.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Avis favorable.

M. le président.  - Amendement n°6 du Gouvernement.

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Défendu.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Avis favorable.

M. le président.  - Amendement n°7 du Gouvernement.

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Défendu.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Avis favorable.

Vote sur l'ensemble

M. Grégory Blanc .  - Rien ne bouge vraiment, hélas : ce texte entérine une gestion budgétaire marquée par l'approximation, le manque d'anticipation et un déficit d'efficience dans l'action publique. Il est le révélateur d'un budget initial mal calibré et construit sur des prévisions trop optimistes.

Alors qu'aucune réforme structurelle n'a été engagée cette année, les crédits gelés, surgelés et annulés bénéficiaient principalement à l'environnement, aux infrastructures et aux dispositifs d'émancipation, notamment dans les quartiers.

Mme la ministre a parlé de texte technique, et pour cause : c'est ainsi qu'il a été construit. Pas un seul budget n'ayant été tenu depuis 2022, il me semble au contraire qu'il conviendrait d'en faire un texte foncièrement politique sur le pilotage de l'État.

Outre la responsabilité des exécutifs successifs et les conséquences de la dissolution brutale de l'an dernier, la situation géopolitique rend le pilotage budgétaire de plus en plus difficile, contraignant à des ajustements importants en cours d'année. De plus, le rôle du Parlement se limite à voter les impôts, après quoi l'exécutif a entièrement la main sur l'exécution. Je me réjouis donc que la présidente de l'Assemblée nationale ait rouvert le débat sur la procédure budgétaire.

Avec une situation géopolitique instable et des majorités plus difficiles à construire à l'Assemblée nationale, nous devons renouveler les procédures de construction, mais aussi d'exécution, du budget. Le Parlement doit pouvoir davantage contrôler cette exécution en cours d'année : c'est ainsi que nous restaurerons la confiance. Nous devons pouvoir exprimer un désaccord, par exemple sur la baisse des crédits d'investissement en matière d'écologie, en cas de décalage excessif entre le budget voté et son exécution.

Ce débat nécessaire doit conduire à un renforcement des pouvoirs du Parlement tout au long de l'année budgétaire. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Raphaël Daubet .  - Sous son apparence technique, ce texte est devenu un miroir de notre vie institutionnelle. Comme l'an dernier, il a été rejeté à l'Assemblée nationale et adopté au Sénat, reflétant un Parlement en recherche d'équilibres, certes, mais aussi un bicamérisme qui fonctionne.

Le succès de la CMP prouve qu'un travail exigeant peut encore produire des accords utiles, même dans une séquence politique agitée.

Nul ne conteste que la gestion budgétaire relève de la responsabilité de l'exécutif et qu'il n'est pas possible de solliciter une autorisation législative pour chaque redéploiement technique. Néanmoins, lorsque plusieurs milliards d'euros de crédits sont annulés dès le printemps, par décret et sans consultation du Parlement, l'exercice atteint ses limites. On en oublierait presque que la sincérité budgétaire est un impératif.

Dans une période d'instabilité, alors que le redressement des comptes s'impose, la tentation du décret est forte. Mais si, comme je le crois, une sortie de crise institutionnelle est possible, elle viendra d'un parlementarisme assumé, d'un dialogue loyal entre les pouvoirs et d'une séparation des compétences qui préserve l'esprit démocratique.

Le Gouvernement fait le choix de respecter la cible de déficit coûte que coûte. Pour parvenir à moins 3 % en 2029, il fallait tenir 5,4 % cette année. C'est chose faite, mais au détriment de mesures qui auraient pu soutenir la croissance ou la consommation. En filigrane, sont posées les questions de notre souveraineté et de la relance économique. Ne perdons pas de vue qu'une crise de confiance s'installe, que les investissements et la consommation sont en berne et que le chômage augmente de nouveau.

Enfin, s'il a fallu annuler des crédits, c'est aussi parce que les recettes de TVA n'ont pas été au rendez-vous : 5 milliards d'euros d'écart, ce n'est pas une petite erreur, c'est une faille. C'est la construction budgétaire initiale qui est en cause, et Bercy doit l'entendre.

Les apports du Sénat, conservés en CMP, et les mesures nouvelles prises par celle-ci vont dans le bon sens : maintien des ressources des CCI, soutien à la présence postale et à l'hébergement d'urgence, aide aux viticulteurs et renforcement de l'aide publique au développement - même si 10 millions d'euros sont peu, par rapport aux 159 millions d'euros annulés sur cette mission.

Pour ces modestes avancées et pour la stabilité politique, le RDSE votera ce texte ; mais c'est un vote de raison, non un quitus. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

M. Vincent Delahaye .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; MM. Jean-François Husson et Marc Laménie applaudissent également.) L'Union Centriste votera les conclusions de la CMP. Mais, comme toujours, le consensus -  dont nous nous sommes réjouis  - s'est fait autour l'augmentation des dépenses, de 117 millions d'euros. Il est plus facile de se mettre d'accord pour augmenter la dépense que pour la réduire !

J'interviens peu dans la discussion du PLF 2026, pour ne pas ralentir son avancée. Permettez-moi donc de souligner de nouveau que la situation budgétaire n'est pas bonne : 5,4 % de déficit, c'est mieux que 5,8 %, mais cela reste énorme.

En outre, l'amélioration constatée cette année provient exclusivement de 25 milliards d'euros d'impôts supplémentaires. Il y a eu zéro effort sur la dépense ! (Mme Amélie de Montchalin le conteste.) Le Haut Conseil des finances publiques l'a confirmé, madame la ministre.

Nous avions insisté sur le fait que nous souhaitions des efforts principalement sur les dépenses. Ensuite, on nous a annoncé un tiers d'augmentation d'impôts et deux tiers de baisse de dépenses. En bout de course, on s'aperçoit que 100 % de l'effort vient des recettes... Les dépenses de l'État auront augmenté de 2,6 % cette année : qu'on ne vienne pas me dire qu'on fait des efforts sur la dépense !

Nous sommes très créatifs en matière de d'impôts. Et encore, heureusement que la Lolf nous interdit de les augmenter dans ce PLFG... On invoque beaucoup la justice fiscale, notamment à gauche : mais nous sommes déjà le pays au monde qui redistribue le plus !

M. Michel Canévet.  - C'est vrai !

M. Vincent Delahaye.  - De même, nous sommes l'un des pays qui imposent le plus le capital.

M. Vincent Delahaye.  - Quand on additionne l'impôt sur les sociétés, la contribution différentielle sur les hauts revenus et la CSG, on est à près de 60 %. Or le capital, c'est ce qui permet de faire tourner les entreprises, de créer des emplois et de payer les salariés. Si nous voulons que les salaires augmentent, taxons moins le capital.

Hélas, depuis quarante-cinq ans, nous augmentons la dépense et les impôts. Il faudrait prendre la direction inverse ! J'ai peur que ce ne soit pas encore le cas en 2026, une fois que l'Assemblée nationale sera revenue sur nos choix. C'est pourtant cette direction seule qui nous permettra de redresser durablement nos finances publiques. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées des groupes INDEP et Les Républicains)

M. Marc Laménie .  - La commission mixte paritaire sur le projet de loi de fin de gestion pour 2025 est parvenue à un accord. Ce texte est d'importance, quoique technique. Je salue le travail des rapporteurs du Sénat et de l'Assemblée nationale.

À 5,4 %, le déficit est moindre que l'an dernier, amorçant une meilleure maîtrise de nos comptes. Toutefois, on est loin de la trajectoire fixée en 2023 par la loi de programmation des finances publiques, qui prévoyait 3,3 % cette année. Et notre dette continue d'augmenter : 116 % du PIB, près de trois points de plus en un an. C'est la conséquence d'une hausse importante des dépenses, de 13 milliards d'euros par rapport à l'an dernier. Nous ne pouvons pas laisser cette dérive se poursuivre : il y va de l'avenir des futures générations.

Je salue les apports du Sénat, en faveur notamment des pôles de compétitivité et du programme 137, « Égalité entre les femmes et les hommes », pour le soutien aux associations qui accueillent les femmes victimes de violences. Je me félicite aussi de la suppression de la réduction des ressources affectées aux CCI.

L'adoption de ce texte est nécessaire pour couvrir des dépenses clés intervenues en cours d'année, dont certaines ont des conséquences directes sur le quotidien de nos concitoyens. Je pense notamment aux moyens accrus pour l'hébergement d'urgence et pour l'outre-mer, en particulier Mayotte et la Nouvelle-Calédonie.

Nous avons toutefois la responsabilité collective de veiller au respect d'objectifs plus ambitieux en matière de réduction des dépenses et des déficits. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

M. Jean-Raymond Hugonet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce qui relevait de l'ordinaire il y a quelques mois encore, revêt aujourd'hui un caractère exceptionnel : une CMP est parvenue à un accord sur un texte financier, et ses conclusions ont été adoptées par l'Assemblée nationale...

Il s'agissait pourtant d'un texte issu du Sénat, les députés ayant rejeté le PLFG en première lecture ; d'un texte élaboré par une CMP composée majoritairement de membres du « club des cinq », comme dirait notre rapporteur général.

C'est une satisfaction de voir l'Assemblée nationale se résoudre enfin à la responsabilité et ce texte important être adopté par une majorité de raison ; une satisfaction, aussi, de voir que nos propositions ont été conservées.

Il faut dire que la copie initiale du Gouvernement n'était à l'évidence pas satisfaisante. On y retrouvait les sempiternelles recettes d'un macronisme en fin de règne, à commencer par le non-respect des engagements pris, notamment en ce qui concerne les CCI et les chambres de métiers et de l'artisanat.

Le Gouvernement invoquait des trésoreries abondantes pour justifier sa ponction sur ces organismes, mais l'argument est fallacieux. Le chiffre de 871 millions d'euros avancé par Bercy est tout simplement inexact, ce qui commence à devenir une habitude. En réalité, 220 millions d'euros correspondent à des sommes reversables aux entreprises, 329 millions d'euros à des services industriels et commerciaux et 40 millions d'euros à des prélèvements obligatoires au profit de l'État. Le reste est déjà fléché vers des investissements obligatoires ou le remboursement de la dette. La mesure inique proposée par le Gouvernement aurait porté un coup supplémentaire à un réseau déjà fragilisé.

Autre engagement non tenu, en matière de lisibilité des documents budgétaires de ce texte : la ministre s'était engagée, à la demande de Christine Lavarde, à publier les tableaux d'équilibre en points de PIB et en milliards et en comptabilités nationale et budgétaire. Cela n'a pas été fait. (Mme Amélie de Montchalin affirme le contraire.)

Mme Christine Lavarde.  - Partiellement !

M. Jean-Raymond Hugonet.  - Le Gouvernement répète à l'envi que le Parlement décide : qu'il commence par répondre à ses sollicitations répétées...

Le texte du Gouvernement comportait aussi des mesures douteuses, dont la modification de la répartition entre régions de la part d'accise destinée au financement des instituts de formation en soins infirmiers (Ifsi), promesse ancienne de Jean Castex, mais n'entrant pas dans le champ des lois de fin de gestion. La Lolf n'a pas vocation à être tordue pour corriger l'incurie du Gouvernement !

Enfin, alors que le PLFG pourrait utilement corriger des déséquilibres de crédits au profit de priorités clairement identifiées, le Gouvernement proposait des mouvements sans cohérence stratégique. En responsabilité, nous avons donc rehaussé des crédits essentiels pour nos concitoyens et nos territoires : missions de service public et d'aménagement du territoire de La Poste, pôles de compétitivité, vidéosurveillance, entre autres.

Je me félicite que le Sénat ait réussi à amender un texte critiquable et à le rendre adoptable par une Assemblée nationale pourtant fragmentée. Le groupe Les Républicains votera les conclusions de la CMP. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Marc Laménie applaudit également.)

M. Stéphane Fouassin .  - Le RDPI salue la qualité de l'exécution budgétaire en 2025 et l'esprit de responsabilité de la CMP, preuve qu'un accord entre le Sénat et l'Assemblée nationale demeure possible.

Ce texte s'inscrit dans la continuité de l'effort engagé l'an dernier pour maîtriser nos comptes dans un contexte économique complexe. La stabilisation du déficit à 5,4 % du PIB respecte l'objectif fixé par le Parlement. Les dépenses du budget général, inférieures de 4,4 milliards d'euros à la prévision, témoignent d'une gestion rigoureuse, de même que la progression de la masse salariale de l'État, alignée sur l'inflation.

Les crédits ouverts visent principalement à absorber la hausse des coûts de l'énergie, à ajuster les besoins opérationnels de nos armées et à couvrir certaines dépenses sociales. S'y ajoutent 200 millions d'euros de dépenses imprévues en matière de sécurité, notamment en outre-mer et lors des incendies survenus cette année.

Le Sénat montre une nouvelle fois sa capacité à avancer, même dans une configuration politique fragmentée ; nous faisons notre part, pleinement. J'ai bon espoir que le projet de loi de finances pour 2026 aboutisse, même sous une forme qui ne satisfera pas entièrement chacun. Un budget n'est pas un exercice de confort, mais de compromis.

La méthode du Sénat est claire : travail sérieux et recherche constante de l'équilibre. Sa capacité à construire un consensus sans céder aux postures ni aux menaces de procédure permet d'aboutir à des textes adoptés largement. C'est dans cet esprit que doit se dérouler l'examen du PLF, en vue d'un compromis assumé. C'est ainsi seulement que nous pourrons bâtir un budget crédible, équilibré et conforme à nos responsabilités.

Mme Isabelle Briquet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Ce PLFG ajuste ce qui doit l'être, sans esquisser un cap pour l'avenir. C'est un peu comme un appartement avant l'état des lieux : on balaie, on donne un coup de peinture et on espère que personne n'y regardera de trop près...

Mais notre pays est étudié à la loupe par les marchés financiers, les investisseurs internationaux et agences de notation. Ils ne se contentent pas d'une impression générale ; ils regardent la croissance, le solde primaire, la charge de la dette. Et quand les apparences l'emportent sur la solidité, ils le voient. D'ailleurs, ils l'ont vu : la France n'est pas au bord de la rupture, mais sa note souveraine a été abaissée successivement par Fitch et Standard & Poor's. Une partie des créanciers ne veulent plus croire aux retouches de peinture et veulent des preuves que le bâti tiendra.

Annuler des crédits en fin d'année permet de présenter un déficit amélioré, mais ne règle pas le problème de la soutenabilité de la dette ni n'annule le risque de voir les marchés se montrer plus exigeants. Or 2026 ne se présente pas comme une transition douce, avec une dette qui dépasse 115 % et dont la charge d'intérêts pourrait atteindre le montant vertigineux de 70 milliards d'euros.

On dit parfois qu'une dette est un acte de confiance en l'avenir. En l'occurrence, elle est plutôt le prix de décisions hasardeuses. Les crises, bien sûr, ont compté. Mais l'exécutif a tendance à oublier le poids des choix fiscaux opérés depuis 2017. L'État s'est volontairement privé de près de 62 millions d'euros de recettes chaque année, sans grand effet sur l'économie. Si nous ne l'avions pas creusé de la sorte, le déficit serait aujourd'hui proche de 3 %. Bref, ce n'est pas la dépense qui a dérivé, ce sont les recettes qu'on a réduites !

On découvre désormais qu'un État qui se prive volontairement de ressources doit tôt ou tard rogner sur ses missions : ce n'est pas un mystère économique, mais une relation de cause à effet...

Le Sénat, grâce à un travail transpartisan auquel le groupe socialiste a pleinement contribué, a obtenu dans ce texte plusieurs ajustements utiles. Le résultat évite quelques reculs qui auraient pesé durablement sur nos territoires et notre tissu économique. En particulier, les crédits des pôles de compétitivité ont été majorés, ceux du Centre national d'études spatiales (Cnes) réabondés et le financement de la mission d'aménagement du territoire de La Poste renforcé.

Les discussions en CMP ont permis de conforter les crédits de l'hébergement d'urgence, de l'aide au développement et des collectivités pour financer la prime Ségur et les Ifsi.

Si ce travail mesuré et collectif ne suffit pas au groupe socialiste pour voter ce texte, il permet de recueillir notre abstention. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Pierre Barros .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K ; M. Thierry Cozic applaudit également.) Toutes les lois de finances n'ont pas la même portée : le PLF pour 2026, qui acte les reculs sociaux de la droite et de l'exécutif, est autrement plus lourd de conséquences que ce PLFG.

Celui-ci n'en est pas moins le bilan d'un exécutif qui joue à chaque instant sa survie devant le Parlement. Il témoigne de la montée en puissance d'une délégation de pouvoir toujours plus poussée au profit des agences de notation, des marchés financiers et des détenteurs de capitaux. Il marque une nouvelle année d'amplification des inégalités et de la misère au moment où le capitalisme produit des richesses et des concentrations de patrimoine sans précédent.

L'argent est là, massivement. Mais alors qu'il est urgent de faire vivre un pacte de justice sociale et écologique, vous nous parlez dette et dépenses publiques. Soit, parlons-en : en 2017, la dette publique s'élevait à 2 281 milliards d'euros ; aujourd'hui, c'est 3 416 milliards. En huit ans, vous l'avez accrue de plus de 1 100 milliards d'euros, tout en désorganisant l'État par la multiplication des opérateurs et en appauvrissant les pouvoirs publics par la transformation de recettes en dettes.

Au lieu de reconnaître ce triste bilan, vous cherchez à culpabiliser les gens et les élus. Je n'oublierai pas, à cet égard, les mots de François Bayrou en juillet dernier.

Cessez de penser la dette et notre économie à l'échelle des marchés. Reconstruisez une logique de souveraineté via des taux administrés, une détention obligatoire de titres publics par un pôle bancaire public ou encore un circuit du Trésor rénové. Ne rien changer au modèle économique actuel, c'est courir à notre perte en nous privant des moyens d'affronter le dérèglement climatique et les conflits internationaux.

L'inaction climatique d'aujourd'hui coûtera cher demain. De même, pour éviter la guerre, il faut investir dans la paix. Mais, au lieu de renforcer les diplomaties, vous réduisez les crédits du Quai d'Orsay et l'aide publique au développement. Vous fragilisez la paix en nous expliquant que l'heure serait au réarmement de l'Europe.

Le budget 2025 s'est également traduit par de nouvelles baisses de moyens pour les services publics, les collectivités et la santé. Cette pénurie organisée est le carburant de la crise sociale, écologique et démocratique qui frappe tous les territoires et tous les habitants, des travailleurs ubérisés aux agriculteurs, des professionnels de santé aux enseignants, des travailleurs privés d'emploi à la classe moyenne.

Alors que les Français réclament plus de justice sociale, vous balayez toute forme de juste contribution des plus riches et poursuivez le dopage des très grandes entreprises aux aides publiques sans contrepartie. L'argent est là, mais vous refusez d'y toucher. Pendant ce temps, les inégalités se creusent et la pauvreté gagne.

Ce texte ne permet pas de retrouver la confiance et l'optimisme auxquels nous aspirons. Les quelques crédits arrachés par le Sénat ne nous feront pas dévier de notre opposition à votre politique. Nous voterons contre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K ; M. Thierry Cozic applaudit également.)

Le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2025 est mis aux voix par scrutin public ordinaire de droit.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°72 :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 276
Pour l'adoption 239
Contre   37

Le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2025 est définitivement adopté.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Ça fait rêver !