TABLE RONDE 2 - EXPORTER, INVESTIR, S'IMPLANTER : QUELLE APPROCHE DU MARCHÉ CANADIEN ?

Table ronde animée par Mme Valérie LION, rédactrice en chef adjointe, service économie du magazine L'Express

Ont participé à cette table ronde :

M. Alexandre ZAPOLSKY, président-directeur général de la société Linagora
M. Axel BAROUX, directeur d'Ubifrance Canada
M. Normand ROYAL, associé, cabinet d'avocats Miller Thomson
M. Stefan MAZAREANU, conseiller auprès de l'Ambassade du Canada en France

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Mme Valérie LION . - M. Alexandre Zapolsky est le fondateur de Linagora, l'un des leaders de l'édition de logiciels open source créé en l'an 2000.

M. Axel Baroux est le directeur d'Ubifrance pour le Canada. Il est installé à Toronto depuis le mois de septembre 2012.

M. Normand Royal est spécialisé dans le droit des sociétés, tandis que M. Stefan Mazareanu a activement travaillé à faire connaître l'Ontario comme moteur économique du Canada. Il importe de montrer aux Français que d'autres provinces que le Québec offrent des opportunités.

Il est souhaitable d'investir au Canada afin de profiter au mieux de ce grand marché. Toutefois, cela implique de savoir identifier des partenaires, évaluer le marché et financer son développement. Ce type de démarche doit donc être préparé en amont.

La société Linagora emploie environ 130 salariés en France, en Belgique et aux Etats-Unis. M. Alexandre Zapolsky a très tôt misé sur l'international en s'appuyant sur Ubifrance. Un premier bureau a été ouvert en 2008 dans la Silicon Valley et l'ouverture à Montréal d'une filiale a été annoncée pour le mois de septembre prochain.

M. Alexandre ZAPOLSKY . - Le Québec, en particulier Montréal, dispose de nombreux atouts pour réussir dans l'économie numérique : la population est jeune et très bien formée, et une créativité particulière s'y développe. Chacun connaît désormais le Cirque du soleil, dont la créativité est exportée dans le monde entier : l'ouverture d'un Cirque du soleil permanent à Moscou a récemment été annoncée et la plupart des spectacles ayant lieu à Las Vegas sont labellisés « Cirque du soleil ». De plus, le festival C2M a eu lieu récemment à Montréal. Le Québec manifeste en outre une véritable volonté publique d'accueillir des acteurs de l'innovation sur son territoire. Une démarche en faveur des jeux vidéo a été entreprise il y a plusieurs années et des dispositifs d'accompagnement en matière de recherche et développement sont toujours disponibles.

Par conséquent, le Québec constitue une place forte dans le domaine de l'innovation et de l'économie numérique sur le continent américain.

En revanche, la Silicon Valley est un territoire compliqué en termes de développement économique et d'exportation. Nous sommes présents en Belgique, mais également en Allemagne et dans le nord de l'Europe : nous exportons 20 % à 25 % de notre chiffre d'affaires. Par conséquent, je cherche des débouchés commerciaux pour mes logiciels. La Silicon Valley permet d'être intégré à l'écosystème de l'innovation mondiale, mais pas forcément de faire des affaires. C'est pourquoi, après trois ans de réflexion, j'ai choisi d'investir à Montréal.

La France n'étant pas dotée d'instruments spécifiques accompagnant les acteurs de l'innovation, il nous paraissait indispensable de réaliser la recherche et développement (R&D) à l'étranger. Par la suite, le précédent gouvernement a mis en place le crédit d'impôt recherche (CIR), vecteur d'investissement de R&D en France. Par conséquent, le Québec a perdu de son attractivité par rapport à la France.

Mme Valérie LION . - Bénéficiez-vous d'avantages fiscaux au Québec ?

M. Alexandre ZAPOLSKY . - Oui. Le crédit de développement pour les affaires électroniques (CDAE) tient compte de 20 % des coûts de R&D. Cependant, le CIR est plus avantageux en France, puisqu'il couvre 30 % des coûts de R&D.

Nous avons toutefois identifié d'autres raisons de nous installer au Québec : le nouveau gouvernement québécois a, en effet, fait du logiciel libre l'un des instruments de sa politique de compétitivité, de réduction des coûts et de transformation de ses systèmes d'information.

Ces informations m'ont été transmises au cours d'échanges avec Québec Investissement. J'encourage d'ailleurs tous les entrepreneurs français à s'adresser à cette société dédiée à leur réussite. Cette dernière m'a permis de rencontrer Mme Pauline Marois, qui m'a confirmé l'intention du Parti québécois d'investir dans le domaine du logiciel libre.

Mme Valérie LION . - Votre intérêt résidait dans l'ouverture d'un nouveau marché vous offrant une opportunité de croissance.

M. Alexandre ZAPOLSKY . - Exactement. À l'occasion d'une visite du Premier ministre français au Québec, j'ai rencontré plusieurs ministres ayant conforté notre projet d'implantation. Suite à une initiative gouvernementale, un pôle d'excellence dans le domaine du logiciel libre a également été créé. Mon ambition est de faire de Linagora l'équivalent d'Ubisoft dans ce domaine. Comme Ubisoft, nous commençons de façon modeste avec l'envoi d'un binôme à Montréal à partir du mois de septembre.

Mme Valérie LION . - En outre, vous avez l'ambition d'investir dix millions de dollars et de recruter plus de cinquante personnes.

M. Alexandre ZAPOLSKY . - Cet investissement sera étalé sur les trois prochaines années. De plus, nous visons un effectif de 55 personnes au terme de ces trois années. Notre business plan se veut donc dynamique et agressif.

En termes d'opportunités de marché, nous ne prenons pas seulement en compte le marché gouvernemental québécois. En effet, Montréal et Québec constituent une plateforme pour nous projeter sur le continent nord-américain, plus facilement que depuis San Francisco.

M. Axel BAROUX . - Les Français sont présents sur l'ensemble du territoire canadien. La France est un investisseur de premier plan au Canada avec environ 550 entreprises et 80 000 emplois directs. 70 % de ces entreprises sont présentes au Québec et environ 200 sont implantées en Ontario. Elles sont également de plus en plus présentes dans les provinces de l'Ouest qui influencent le plus la croissance économique canadienne. La Colombie britannique compte une cinquantaine d'entreprises françaises, tandis que l'Alberta, le « Texas canadien », accueille de nombreuses entreprises du secteur énergétique. Les provinces atlantiques, comme le Nouveau-Brunswick, présentent aussi des avantages pour les entreprises françaises.

Le chiffre d'affaires des entreprises françaises au Canada représente environ 18 milliards d'euros, soit six fois le volume des exportations françaises vers le Canada. En effet, les entreprises commerçant au Canada le font par l'intermédiaire d'un agent, d'un distributeur ou d'un partenaire. Cependant, si elles souhaitent pérenniser leurs flux commerciaux, elles doivent s'implanter de façon fixe.

Cette implantation présente l'avantage d'offrir une ouverture sur l'ensemble de l'Amérique du Nord : les économies sont très intégrées et proches, et les monnaies sont à parité. La manière d'y faire des affaires est plus directe, plus informelle et moins affective qu'en France. Le Canada dispose aussi d'une excellence technologique, en termes de recherche et d'innovation notamment : le Canada est le pays comptant le plus grand nombre d'entreprises de biotechnologies par habitant au monde.

Les écueils sont peu nombreux. Les règles sont claires et stables mais divergent d'une province à l'autre, particulièrement en matière fiscale ; d'où l'intérêt de consulter un expert.

En outre, le Canada est un pays faisant plus de dix-huit fois la France en termes de taille. Le coût de prospection est élevé et constitue un réel budget d'investissement. Celui-ci en vaut toutefois la peine : je ne connais aucune entreprise qui remettrait actuellement en cause sa décision d'investissement.

M. Normand ROYAL . - La réussite réside dans la qualité de la préparation en amont. Les entrepreneurs doivent rencontrer les collaborateurs d'Ubifrance et utiliser tous les outils disponibles sur le territoire français.

Une fois arrivés sur le territoire, ils doivent consacrer du temps au réseautage afin de rencontrer de nombreuses personnes, ce qui est excessivement important.

Ils doivent aussi prendre garde au piège de la langue : nous parlons la même langue, mais nous n'avons pas la même pensée ; cette différence est visible au quotidien. Un mot n'a pas forcément le même sens, ce qui influe sur la rédaction des protocoles. Les Français prêtent une grande attention à la qualité de la langue, celle-ci étant toujours perfectible. Cette démarche doit pouvoir être décodée.

La présence sur le territoire et la préparation contribuent à décoder ces éléments non-verbaux. Par exemple, j'ai rencontré un entrepreneur français se portant acquéreur d'une société québécoise ; l'entrepreneur québécois restant en poste au cours des trois prochaines années a exprimé son souhait de percevoir 125 000 dollars par an. Mon client français a interprété cette demande comme un début de négociation, alors qu'il s'agissait d'une exigence.

La langue est la conceptualisation de la pensée ; il convient d'y prendre garde.

Mme Valérie LION . - Nous parlons la même langue, mais non le même langage, ce qui peut occasionner des difficultés, de l'incompréhension et des quiproquos. Les Français ont tendance à assimiler le Canada au Québec, province avec laquelle ils ont davantage d'affinités pour des raisons historiques.

Il suffit de visiter les autres provinces pour se rendre compte que le Canada n'est pas la France : le Canada est un pays bilingue, on y parle le français, mais aussi beaucoup l'anglais. L'identité canadienne est complexe, s'étant nourri des histoires française et britannique et de la rivalité avec les États-Unis.

M. Stefan MAZAREANU . - Il est impossible d'ignorer l'Ontario au sein du marché canadien : il représente la première économie au niveau canadien, la cinquième ou septième économie américaine, en fonction du PIB nominal ou du pouvoir d'achat ; il compte treize millions d'habitants et représente 40 % du PIB canadien. Le secteur des technologies de l'information et de la communication (TIC) est particulièrement porteur en Ontario, puisqu'il concentre 50 % des TIC canadiens.

Son économie est très industrialisée : 50 % de ce qui est produit au Canada au sein d'industries manufacturières l'est en Ontario. 2,5 millions de voitures sont produites chaque année et exportées en majorité aux États-Unis, soit davantage que la production française et que celle du Michigan, État américain produisant le plus d'automobiles.

Notre modèle économique favorise ce type de production. Nos ouvriers sont mieux rémunérés qu'en France, et les charges patronales ne s'élèvent qu'à 10 %, ce qui permet d'améliorer la rentabilité des entreprises.

Toronto est une grande métropole américaine, le quatrième ou cinquième centre urbain américain le plus riche en fonction des critères de mesure. En outre, un tiers des dépenses canadiennes en R&D est réalisé à Toronto. Celle-ci est aussi un grand centre financier : la troisième bourse d'Amérique du Nord et la première bourse mondiale pour les ressources minières. De plus, Toronto représente 3 % du PIB nord-américain, mais obtient 7 % à 8 % des investissements directs étrangers en Amérique du Nord.

Ces performances s'expliquent par la nature du modèle économique : l'Ontario a développé une économie de connaissance, plus de 64 % de sa main d'oeuvre est diplômée d'études post-secondaires, soit le pourcentage le plus élevé au sein des pays du G7 3 ( * ) . Le taux d'impôt sur les bénéfices s'élève à 25 % pour les sociétés manufacturières et à 26,5 % pour les autres sociétés.

Les États-Unis et le Canada sont les deux partenaires commerciaux les plus importants au monde. L'Ontario joue un rôle crucial dans ces échanges : 50 % d'entre eux y transitent. L'environnement y est également très favorable aux affaires : une société peut s'y installer en 24 heures.

Enfin, les expatriés français sont nombreux à Toronto : 35 000 francophones y résident et bénéficient de la présence de lycées français.

Mme Valérie LION . - Avez-vous mis Montréal en concurrence avec une autre métropole canadienne lorsque vous avez décidé d'investir au Canada ?

M. Alexandre ZAPOLSKY . - Non. Je souhaite vivre le rêve de Montréal. J'aime cette ville qui déborde d'une énergie remarquable. De plus, le Québec et la France ont une histoire commune. Il est enthousiasmant de participer à cette histoire. La délégation du Québec à Paris offre un réseau d'amitié Québec-France incroyable.

Il est certain que Toronto et l'Ontario disposent de grands atouts. Néanmoins, dans le secteur du numérique, de nombreux Américains se rendent à Montréal, qui est la Nouvelle-Orléans du nord : la vie nocturne et la dynamique qui s'y développent sont particulières.

Mme Valérie LION . - Avez-vous cependant rencontré des difficultés ? Avez-vous des conseils à prodiguer aux autres entrepreneurs ?

M. Alexandre ZAPOLSKY . - Les notions de réseau et de préparation sont essentielles. Il est essentiel de se rapprocher d'Ubifrance qui fournit un travail remarquable dans l'accompagnement à l'export de nos entreprises. Son réseau en Amérique du Nord est dense et certains de ses collaborateurs connaissent très bien le numérique.

J'invite aussi les PME à utiliser le dispositif du Volontariat international en entreprise (VIE), qui fonctionne très bien. Celui-ci permet de créer un lien avec les élèves des grandes écoles qui n'envisagent pas toujours d'intégrer une PME. J'ai recruté un jeune polytechnicien en VIE, qui n'aurait probablement pas candidaté à Linagora dans un autre cadre. Ce type de profil apporte des atouts à l'entreprise.

Je salue également le travail d'ERAI, particulièrement pour les entreprises Rhône-alpines. Pour ma part, j'utilise aussi la Chambre de commerce et d'industrie française à Montréal, la solution la plus pertinente d'un point de vue compétitivité-prix pour une entreprise souhaitant démarrer.

Mme Valérie LION . - Les témoignages d'utilisateurs du dispositif VIE sont enthousiastes, tant du côté des entreprises que du côté des jeunes.

M. Alexandre ZAPOLSKY . - Montréal n'est pas le seul lieu d'investissement. Je me suis rendu à Toronto à deux reprises en tant qu'expert invité par l'Ambassade de France sur la question du développement des compétences dans le domaine du numérique. J'ai été agréablement surpris par Toronto : les buildings sortent de terre de façon impressionnante et la ville bénéficie d'un grand programme urbain de rénovation des bords du lac. Ce projet générera encore davantage d'attractivité. Je gage que Toronto sera demain une ville de tourisme et de loisirs.

J'élabore des logiciels pour les gouvernements. Je souhaite convaincre le Gouvernement québécois d'utiliser ces logiciels. Par conséquent, il était évident pour moi de m'installer à Montréal. Si j'avais exercé dans un autre domaine, j'aurais probablement envisagé aussi une implantation à Toronto.

Un intervenant dans la salle . - Avez-vous remarqué des spécificités sectorielles ou géographiques dans le cadre des relations que vous entretenez avec les entreprises françaises ?

M. Normand ROYAL . - Une société de Rennes s'est implantée à Vancouver dans le domaine du cinéma, ce secteur y étant porteur. Une société de champagne s'est établie dans l'Alberta. Les spécificités régionales sont attractives pour certaines sociétés françaises. Le Québec présente une économie davantage diversifiée, tandis que Toronto s'inscrit surtout dans le domaine automobile et la sous-traitance manufacturière.

M. Stefan MAZAREANU . - L'Ontario et le Québec reçoivent autant d'investissements français l'un que l'autre. Ce sont surtout les entreprises du CAC 40 qui investissent à Toronto : Thalès, Safran, Sanofi-Pasteur, Alcatel-Lucent. Les PME s'implantent davantage à Montréal.

Mme Valérie LION . - Quels sont les secteurs dans lesquels le Gouvernement ontarien favorise l'investissement des entreprises ?

M. Stefan MAZAREANU . - Nous tentons avant tout à créer un environnement favorable aux affaires. Le système canadien a pendant longtemps été considéré comme le meilleur au monde en termes de crédit d'impôt pour la R&D, un crédit d'impôt de 20 %, remboursable pour les sociétés travaillant avec des laboratoires publics, les universités par exemple.

Dans le secteur des jeux numériques, nous offrons des crédits d'impôt de 35 % et 40 %, soit les plus élevés du Canada. D'autres secteurs sont évidemment favorisés : l'automobile, les technologies de l'information et de la communication (TIC) et les services financiers. Bay Street à Toronto est l'équivalent de Wall Street à New York. 70 % des financements effectués dans le domaine des ressources minières en 2012 l'ont été à Toronto.

Mme Valérie LION . - Aiguillez-vous les entreprises vers les provinces en fonction de leur projet d'investissement, de leur profil, de leur taille et de leurs moyens ?

M. Axel BAROUX . - Nous conseillons aux entreprises de s'intéresser à un marché ou à une localisation spécifique en fonction de leur marché, de leur taille et de leurs objectifs. Notre mission première est de permettre à un maximum d'entreprises françaises de travailler et de vendre leurs produits au Canada et en Amérique du Nord.

Les quatre premiers secteurs en termes de ventes françaises au Canada sont les produits pharmaceutiques pour 360 millions d'euros par an ; le vin, pour 340 millions d'euros ; la filière aéronautique, pour 260 millions d'euros ; les produits cosmétiques.

Ces secteurs représentent un tiers des ventes françaises au Canada. Nous pouvons améliorer nos performances dans ces secteurs, mais notre mission consiste à développer les autres secteurs de façon responsable, en accueillant les entreprises et en les aiguillant.

Le Canada et les États-Unis concentrent 17 % à 18 % des importations mondiales, mais n'attirent que 6,6 % des exportations françaises. La marge de progression est donc très forte.

M. Jean-Philippe JAVEL . - Je travaille dans le secteur du numérique, dans le domaine du conseil et de la formation. Le marché du travail dans ce secteur et dans celui des technologies de l'information est très tendu au Canada et en Amérique du Nord. De nombreuses entreprises québécoises recherchent des profils spécialisés en informatique, marketing et numérique à Paris et à Bruxelles.

Quelle est votre expérience en matière de recrutement de profils qualifiés et expérimentés à Montréal et au-delà ? Comment avez-vous abordé ce défi de ressources humaines ?

M. Alexandre ZAPOLSKY . - Il est difficile pour nos entreprises de se développer dans la Silicon Valley du fait de ce problème de ressources humaines : le marché de l'emploi est extrêmement compétitif et les salaires sont très élevés. Il est cependant possible d'utiliser le dispositif VIE : actuellement, les jeunes volontaires sont plus nombreux que les offres disponibles.

Il y a quelques mois, j'ai proposé au gouvernement le programme « France Export Numérique », visant notamment à massifier l'usage des VIE en augmentant leur nombre de 7 500 VIE à près de 10 000. Tant les professionnels du numérique que les jeunes veulent expérimenter ce dispositif. L'Express contribue probablement à alimenter cette volonté via son hors-série.

Mme  Valérie LION . - Celui-ci est le hors-série de L'Express qui rencontre le plus de succès.

M. Alexandre ZAPOLSKY . - La croissance canadienne attire. Depuis que nous avons annoncé notre installation à Montréal, des candidats nous demandent de les recruter et de les former en France, puis de les envoyer au Québec.

En outre, le domaine des logiciels libres et de l' open source fonctionne de façon communautaire : lorsque les personnes s'y intéressant ont su que nous nous installions au Québec, l'attractivité de Linagora a crû. Nous avons reçu de nombreuses candidatures. Nous avons également eu la chance de passer dans l'émission « Envoyé spécial » sur ce sujet, ce qui a aussi entraîné un afflux de candidatures.

Le développement du numérique au Canada et au Québec génère un enjeu en termes de formation. Il convient d'accepter de recruter des travailleurs étrangers. Cette question pose aussi problème en France : il est difficile de recruter des jeunes originaires du Maghreb, par exemple, à moins qu'ils aient fait leurs études en France. Il est nécessaire d'ouvrir les frontières.

Une intervenante dans la salle . - Le Canada est-il la porte d'entrée vers l'Amérique du Nord pour tous les secteurs d'activité ?

M. Axel BAROUX . - Il est l'une des portes d'entrée : chaque site en Amérique du Nord est une porte d'entrée vers cette région. Le Québec est habituellement le quai de débarquement des entreprises françaises : c'est la première étape. Ensuite, le développement s'articule selon un axe Nord-Sud plutôt que Est-Ouest. Il est possible de passer de Montréal ou de l'Ontario vers la côte Est des États-Unis, ou de la région de Vancouver à la côte Ouest, avec Seattle, San Francisco et Los Angeles.

Mme Valérie LION . - Il n'est pas indispensable d'aller directement aux États-Unis, puisque le Canada offre une opportunité de marché en soi.

M. Normand ROYAL . - L'un de mes clients travaille dans le domaine du cloud computing ; il s'est installé à Montréal avant de partir pour la Silicon Valley deux ans après. Un autre de mes clients, industriel dans l'aéronautique et l'automobile, s'est installé à Montréal : il explore désormais le marché ontarien et a envoyé un commercial à Detroit. Un autre client travaillant dans le domaine des ressources a créé sa filiale dans le New Jersey après s'être implanté à Montréal.

M. Stefan MAZAREANU . - Le marché américain est deux fois plus grand que le marché canadien. Nous bénéficions d'un traité de libre-échange nous y donnant accès. Selon une étude récente de la Banque de Montréal, la zone économique comprenant l'Ontario et les sept États américains adjacents, comptant plus de 90 millions d'habitants, constitue la quatrième économie mondiale. Les supply chains de ces États américains très industrialisés et de l'Ontario sont tellement intégrés que l'établissement de l'origine des produits est problématique.

M. Axel BAROUX . - Il convient de ne pas négliger la perception selon laquelle le Québec serait une zone plus facile à appréhender du fait du partage d'une langue commune. Cette région devient un point d'ancrage pour les PME.

Un intervenant dans la salle . - Quel est le profil des entreprises s'installant au Canada : des grandes entreprises, des entreprises de taille intermédiaire (ETI) ou des petites et moyennes entreprises (PME) ?

M. Axel BAROUX . - Toutes les entreprises du CAC 40 sont présentes au Canada, hormis le secteur de la grande distribution et de la construction automobile - bien que les équipementiers soient présents. Leur présence concerne l'ensemble des provinces : l'Ontario, la Colombie britannique, le Québec et l'Alberta dans les secteurs de l'énergie, de l'environnement et des technologies vertes. Toutefois, deux tiers des entreprises françaises implantées actuellement au Canada sont des PME ou des ETI. Elles sont très représentées au Québec dans tous les secteurs d'activité : de la laine « Bergère de France » à l' open source , en passant par les serveurs internet et la santé.


* 3 Réunion informelle des chefs d'État de sept pays : l'Allemagne, le Canada, les États-Unis, la France, l'Italie, le Japon et le Royaume-Uni.

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