TABLE RONDE 5 - SANTÉ ET AGROALIMENTAIRE : TROIS SECTEURS À FORT POTENTIEL

Table ronde animée par M. Arnaud FLEURY, journaliste économique

Ont participé à ce débat :

M. René TRABELSI, Ministre du Tourisme de la République de Tunisie

M. Stephan JENN, Président de Novalix

M. Jean-Pierre BOFFY, Président de Steam France

M. Noureddine AGREBI, Directeur général du Technopôle Agroalimentaire de Bizerte

M. Mounir BOULKOUT, Directeur du Management de Selt Marine Group

M. Arnaud FLEURY - Monsieur Trabelsi, quel message voulez-vous faire passer à propos du tourisme ? On a traversé un « trou d'air », mais les choses ont bien remonté. Vous visez les 9 millions de touristes l'an prochain, l'idée étant de proposer une montée en gamme et de gagner en nuitées et en recettes.

Quels grands axes de développement envisagez-vous ? Que dire aux entreprises françaises du tourisme ?

M. René TRABELSI - Monsieur le Président Sueur, la dernière fois que j'ai été invité au Sénat, vous m'avez présenté comme le plus français des Tunisiens. A mon tour, je veux dire que vous êtes le plus tunisien des Français et je constate que vous assurez même la promotion du tourisme tunisien !

Notre objectif 2019 est d'accueillir 9 millions de touristes, chiffre très raisonnable étant donné le nombre de visiteurs qu'accueille la Tunisie depuis quelques années.

Tout le monde connaît les problèmes qu'a rencontrés la Tunisie depuis 2011. Les choses ont repris leur cours normal fin 2014. Trois attentats, en 2015, ont porté un coup très sévère au secteur mais les touristes sont revenus petit à petit, à partir de 2017, après que le Gouvernement tunisien a rétabli la sécurité. On peut dire que celle-ci est la même que dans n'importe quel pays européen.

Beaucoup d'Ambassadeurs étrangers confirment que la Tunisie est aujourd'hui aux normes internationales en la matière, même dans le désert tunisien.

M. Arnaud FLEURY - Monsieur Alexandre Ratle disait qu'il fallait insister sur cette dimension, notamment concernant le monde des affaires.

M. René TRABELSI - En 2010, 1,4 million de Français ont visité la Tunisie. Cette année, on en est à 800 000 personnes. Un million de plus est possible. Selon les organisateurs de voyage français, le rythme de réservations s'accroît de 20 % à 30 %. Le marché français est très important pour l'économie tunisienne. Un touriste français ne se contente pas de la plage : il sort de son hôtel, achète des circuits touristiques, de l'artisanat. Nous misons énormément sur ce dernier secteur, qui fait travailler 350 000 Tunisiens. Ce secteur occupera une grande place cette année dans les salons du tourisme en Europe.

M. Arnaud FLEURY - Comment sortir d'une image de tourisme balnéaire, « tout hôtel » ? Quelle est la stratégie pour diversifier l'offre hôtelière, avec le phénomène Airbnb, qui bouscule le secteur ?

L'AFD est impliquée dans la formation professionnelle du secteur de l'hôtellerie et du tourisme. Comment valoriser la montée en gamme de l'offre tunisienne touristique ?

M. René TRABELSI - La classification des hôtels tunisiens a été revue. On a fait un travail énorme avec l'Union européenne. Aujourd'hui, les normes sont les mêmes en Tunisie et en Europe.

L'École de tourisme de Djerba a également signé une convention avec l'École René Cassin de Lyon en matière de qualité de services. Avec la crise, beaucoup de main-d'oeuvre qualifiée est partie à l'étranger. Nous sommes en train de la former à nouveau, car le tourisme tunisien en manque.

J'ai récemment lancé un appel à tous les jeunes Tunisiens qui cherchent du travail pour qu'ils se rapprochent des écoles de tourisme ou des établissements hôteliers afin de se former.

M. Arnaud FLEURY - Il faut aussi mettre en avant le patrimoine culturel du pays. Comment voyez-vous le tourisme médical ? On a l'impression que la Tunisie a, là aussi, une carte à jouer...

M. René TRABELSI - Le tourisme médical existe depuis 2000 en Tunisie. Tout le monde reconnaît la qualité des médecins et des cliniques tunisiennes. Les Libyens s'y font soigner. Beaucoup d'Européens viennent en Tunisie pour un séjour touristique en même temps que pour réaliser une intervention chirurgicale. Je reçois de plus en plus d'investisseurs, souvent des médecins français et suisses, qui veulent investir en Tunisie, que ce soit dans les cliniques spécialisées ou dans les résidences médicalisées.

La demande est énorme. Il est même question de convertir certaines unités hôtelières qui ont été fermées en maisons de retraite médicalisées. On accompagne tous ces projets, qui sont très importants pour nous.

M. Arnaud FLEURY - Les chaînes hôtelières françaises et les cliniques privées françaises répondent-elles à cette offre ?

M. René TRABELSI - Elles n'attendent que cela ! Le coût d'intervention dans les cliniques tunisiennes est bien moins élevé qu'en France, malgré le fait qu'il n'y ait pas de relations entre les caisses d'assurance maladie française et tunisienne.

Il faut que les Français reviennent le plus rapidement possible. Les Russes cherchent à les remplacer. Les Anglais et les Allemands reviennent. J'ai vécu plus de 30 ans en France : j'ai envie que les Français reprennent leur place en Tunisie sur le plan touristique.

Par ailleurs, 800 000 Tunisiens vivent en France. Il serait bon qu'ils viennent aussi passer des vacances en Tunisie et investissent chez eux.

Nous comptons énormément sur la France, qui est à notre porte. Nice est à 50 minutes de Tunis, plus près que de Paris !

M. Arnaud FLEURY - Le message aux chaînes hôtelières françaises est passé !

Je me tourne vers Monsieur Jenn, qui fait de la sous-traitance dans la recherche externalisée amont dans le secteur de la chimie pharmaceutique, et qui a décidé d'investir en Tunisie.

Comment avez-vous fait pour vous positionner en Tunisie, alors que les Indiens ou les Chinois sont très bons en recherche externalisée ?

M. Stephan JENN - La recherche amont pour le compte de l'industrie pharmaceutique est assez délicate. Le plus gros opérateur de recherche externalisée au monde est actuellement la Chine, suivie par l'Inde.

Nous sommes issus de l'espace académique strasbourgeois dans le domaine de la biophysique et de la chimie, et cherchons de longue date un espace ou s'implanter pour internationaliser notre base de coûts.

Nous avons réalisé une analyse de la qualité de l'enseignement supérieur dans le Maghreb et réalisé un comparatif sur la qualité des publications scientifiques. C'est la Tunisie qui a gagné. L'éducation, si chère à Habib Bourguiba, a payé, les gens que nous avons recrutés étant titulaires d'un doctorat de chimie.

M. Arnaud FLEURY - Vous avez investi pour le moment environ 1,5 million d'euros...

M. Stephan JENN - Nous avions besoin d'une infrastructure résidente. Sans cela, nous ne serions pas venus. Nous avons investi dans l'aménagement de laboratoires, l'importation d'équipements et le recrutement local. Les recherches en amont que nous menons toucheront l'homme dans cinq à dix ans.

M. Arnaud FLEURY - Pensez-vous que la Tunisie soit bien placée pour transformer l'essai et se positionner sur ce marché en plein développement de plus en plus externalisé de la recherche amont ?

M. Stephan JENN - Nous n'y serions pas allés si nous avions pensé le contraire. Il existe par ailleurs un intérêt stratégique à repenser certaines chaînes de sous-traitance mondiales, très orientées est-ouest. Il faut avoir une réflexion sur un axe nord-sud de proximité et d'intérêts mutuels. Nous n'étions pas capables d'opérer en Inde ou en Chine, pays contre lesquels nous luttons économiquement.

Il était indispensable de trouver des plateformes de proximité. La Tunisie en est une excellente. La population de chercheurs, la qualité des doctorats sont indispensables.

M. Arnaud FLEURY - La Tunisie a la théorie, mais manque parfois de pratique. L'idée est d'offrir celle-ci...

M. Stephan JENN - Cela apporte en effet des débouchés. On trouve en Tunisie une forme de « fertilisation croisée » : les Tunisiens éduqués en Tunisie ont envie de travailler en Europe, et ceux formés en Europe veulent revenir au pays. Notre métier n'existait pas en Tunisie. Nous avons dû créer un pont logistique pour alimenter notre laboratoire en consommables.

À ce jour, nous n'avons pas eu de problèmes, alors que ce que nous faisons est très complexe. Bien que nous importions quantité de produits chimiques que nous testons sur des lignées cellulaires, nous avons bénéficié de la bienveillance de l'administration.

M. Arnaud FLEURY - Peut-on revendre ces molécules de référence à l'Algérie, au Maroc, à l'Afrique subsaharienne, à l'Égypte ?

M. Stephan JENN - On pourrait à terme disposer d'une activité locale. Il existe une production pharmaceutique réimplantée au Maghreb. Ces secteurs ont besoin d'étalons et de références. On ne peut le faire en France, où on ne serait pas compétitif, mais notre laboratoire tunisien peut travailler avec les établissements de production qu'on trouve sur place, comme Sanofi, notamment.

M. Arnaud FLEURY - Pierre Fabre est également présent... Est-ce votre plus gros investissement à l'étranger ?

M. Stephan JENN - Oui. On a créé un pilote : on prend des surfaces de laboratoires, on les équipe, mais pour que cela ait un impact intéressant, il faut qu'on monte un laboratoire de 100 à 150 chercheurs pour basculer d'un axe est-ouest vers un axe nord-sud. C'est vertueux et cela profitera à nos activités ainsi qu'à la Tunisie.

M. Arnaud FLEURY - Vous nous avez fort bien vendu cette chaîne de valeurs sur un secteur auquel on ne pense pas forcément, qui est la recherche amont, avec un positionnement très intéressant de la Tunisie.

Monsieur Boffy, vous faites partie d'une belle entreprise dont le chiffre d'affaires s'élève à 10 millions d'euros, qui intervient dans la commercialisation de produits stérilisants dans les hôpitaux et les cliniques.

Racontez-nous votre aventure tunisienne...

M. Jean-Pierre BOFFY - J'interviendrai ici davantage en tant que témoin d'une activité PME à l'exportation, avec tout ce que cela suppose de joies et de difficultés.

Mon groupe est un petit groupe dont le chiffre d'affaires s'élève à 10 millions d'euros. Nous allons fêter nos vingt ans dans trois jours. Il y a six ou sept ans, on a décidé, face à la morosité du marché français, de tenter l'aventure à l'export. On a beaucoup parlé des difficultés liées à l'implantation, à la culture, au financement : c'est encore plus difficile quand on est une PME et qu'on a besoin de notoriété, même quand on a une véritable valeur ajoutée. C'est notre cas, puisque nous intervenons dans un domaine très pointu et très peu connu, qui a trait à la désinfection et à la stérilisation des instruments chirurgicaux dans la lutte contre les infections nosocomiales.

Nous nous sommes installés il y a cinq ans à Casablanca et sommes en joint-venture avec une société en Tunisie depuis trois ans.

M. Arnaud FLEURY - Pourquoi ne vous y êtes-vous pas installés à 100 % comme au Maroc ?

M. Jean-Pierre BOFFY - Il y a de vraies compétences en Tunisie dans notre domaine d'activité. On a rencontré une société tunisienne qui souhaite, pour l'instant, surtout, un accompagnement pour se développer et profiter de l'expérience d'une entreprise française.

M. Arnaud FLEURY - Le marché est très important. On a vu que les financements de l'AFD arrivaient. Le pays, qui avait connu un certain frein du fait des bouleversements de la Révolution, veut à nouveau s'engager dans le domaine de la santé, pour retrouver de meilleurs standards. Est-ce un vrai potentiel pour votre entreprise ?

M. Jean-Pierre BOFFY - Absolument. Je pense que la Tunisie, petit pays en nombre d'habitants, a un potentiel extraordinaire en matière de développement dans le secteur de la santé.

Il existe des projets à très court terme, de nouvelles organisations, tant publiques que privées. Le besoin d'expertises et d'équipements est intéressant, au point que nous envisageons aujourd'hui de produire et d'assembler localement pour accélérer notre développement dans le pays.

M. Arnaud FLEURY - Vous me l'avez appris, il n'existe plus de constructeurs français de stérilisateurs ou d'autoclaves en France dans le domaine hospitalier...

M. Jean-Pierre BOFFY - Absolument. Nous essayons, à notre niveau, de transférer le savoir-faire français au Maroc, en Tunisie, et au Sénégal.

M. Arnaud FLEURY - Ne pouvez-vous réaliser une production franco-tunisienne ?

M. Jean-Pierre BOFFY - L'objectif de notre projet est de créer des emplois en Tunisie, mais aussi des équivalents en France sur une partie de la production.

M. Arnaud FLEURY - Quelle est la stratégie ?

M. Jean-Pierre BOFFY - Pour l'instant, c'est un peu compliqué. La loi doit évoluer. On est à 49 %. Le partenariat se déroule plutôt bien. On essaye de mobiliser de l'argent pour aller au bout de notre projet d'investissement. Pour une PME, il est parfois plus difficile de lever quelques millions d'euros que 100 millions d'euros.

Le climat des affaires est cependant favorable en Tunisie. Beaucoup de nos compatriotes ont été refroidis par les événements qu'on a connus. C'est une erreur. J'y vais régulièrement depuis quatre à cinq ans : on est dans un climat extrêmement favorable aux activités françaises, au-delà du fait qu'on a la chance de disposer en Tunisie d'une Ambassade et d'un service économique extrêmement réactifs, qui aident même les « petits poucets » comme nous.

M. Arnaud FLEURY - Le potentiel serait le même au Maroc et en Tunisie...

M. Jean-Pierre BOFFY - L'accélérateur principal est aujourd'hui la Tunisie, alors qu'on est implanté au Maroc depuis plus longtemps.

Notre perspective pour 2019-2020 est d'environ 2 à 3 millions d'euros de chiffre d'affaires, ce qui représenterait une part très significative de notre développement. Par ailleurs, on s'implante beaucoup en Tunisie pour être présent à l'est de l'Afrique. C'est notre intérêt.

J'étais en Égypte il y a peu avec Business France : Tunis est une plateforme idéale pour couvrir les pays déjà actifs, ou ceux qui sont un peu risqués mais qui vont s'ouvrir à nouveau, comme l'Égypte ou la Libye.

M. Arnaud FLEURY - Un colloque sur l'Égypte aura lieu à Paris le 15 mars.

Monsieur Agrebi, comment valoriser l'agroalimentaire en Tunisie ? On pourrait y trouver plus de Français...

M. Noureddine AGREBI - Le secteur de l'agroalimentaire en Tunisie compte à peu près 1 100 entreprises de plus de dix employés sur un total de 6 000 entreprises.

M. Arnaud FLEURY - Est-ce un secteur qui se porte bien, qui embauche, qui investit ?

M. Noureddine AGREBI - Oui, il représente presque 100 000 emplois directs et recrute 25 % des ingénieurs et techniciens en Tunisie.

Ce secteur participe à 4 % du PIB national, 19 % de la valeur ajoutée du secteur industriel, 20 % des investissements du secteur industriel et 10 % de la valeur des exportations totales du pays.

M. Arnaud FLEURY - Comment faire en sorte qu'il y ait plus de transformations sur place ? La Tunisie est un pays très agricole, mais qui a aussi une histoire dans l'agroalimentaire. Comment mieux valoriser la transformation des produits agricoles ?

M. Noureddine AGREBI - Le secteur agroalimentaire tunisien présente beaucoup d'avantages, surtout au niveau de la matière première, en termes de goût ou de qualité. Il s'agit d'une agriculture raisonnée. Le secteur bio tunisien est en plein essor. On parle d'un chiffre de 500 000 hectares dans ce domaine, destiné à 80 % à l'exportation.

M. Arnaud FLEURY - Le pays a-t-il besoin de chaînes du froid et de valorisation de la transformation ?

M. Noureddine AGREBI - Oui, il y a un fort besoin dans ces domaines, beaucoup de produits étant peu valorisés en Tunisie, en particulier dans le secteur des produits agroalimentaire. C'est là que l'expertise française peut constituer un atout.

M. Arnaud FLEURY - Vous avez mis en place un technopôle agroalimentaire à Bizerte. Qu'apporte-t-il en termes de formation, de production, de réseautage ?

M. Noureddine AGREBI - L'expérience tunisienne en matière de Technopark vient des partenariats publics-privés (PPP). Le capital de notre société est détenu à 85 % par le privé. Nous avons avec l'État tunisien une convention qui comporte des objectifs bien précis. Ce technopôle de troisième génération permet aux industriels de s'implanter dans bonnes conditions.

M. Arnaud FLEURY - Des entreprises françaises sont-elles intéressées ?

M. Noureddine AGREBI - Oui, une grande entreprise française, la société Bic, est installée dans une zone multisectorielle.

Le technopôle offre aux entreprises une qualité d'aménagement, un réseautage avec des partenaires tunisiens ou internationaux. On a beaucoup de conventions de collaboration avec nos homologues français. On travaille également avec l'Institut de prospective du monde méditerranéen (IPEMED) dans la branche céréalière. Nous offrons ainsi un écosystème propice à l'investissement, grâce à la formation professionnelle, avec des écoles d'ingénieurs et des écoles de sciences.

M. Arnaud FLEURY - Il ne faut pas oublier qu'on peut produire à Bizerte et exporter vers l'Afrique...

M. Noureddine AGREBI - Bizerte est proche de toutes commodités, à 10 minutes du port et à 30 minutes de Tunis. Bizerte et la Tunisie peuvent constituer une plateforme agroalimentaire pour le marché africain.

M. Arnaud FLEURY - Nous allons conclure avec l'histoire de Mounir Boulkout, dont la société fabrique des texturants alimentaires végétalisés pour l'industrie, la pâtisserie, la charcuterie. En France, vous êtes issu de l'immigration et avez décidé de revenir en Tunisie, puis vous revenez à Hendaye et y investissez.

M. Mounir BOULKOUT - Comme mon prénom l'indique, je suis Français ! Nous avons créé une société d'investisseurs français et étrangers en Tunisie il y a plus de vingt ans. L'objectif est de valoriser toute matière première tunisienne pour lui donner de la valeur ajoutée. Nous sommes issus du secteur de la chimie fine marseillaise.

Notre but, assez ambitieux, est de substituer aux OGM, à la gélatine de porc ou de boeuf, des ingrédients issus des végétaux, comme les algues marines - mais pas seulement.

Nous voulons élargir notre activité à la caroube, à l'orange, au citron, pour réaliser des pectines en Tunisie. Nous souhaitons devenir l'un des plus gros acteurs mondiaux d'ici dix ans et fournir l'industrie de la charcuterie et des produits laitiers.

M. Arnaud FLEURY - 95 % de votre production est aujourd'hui exportée depuis Bizerte, entre autres, pour 5 millions d'euros de chiffre d'affaires. Où se trouve la première unité ?

M. Mounir BOULKOUT - À Tunis.

M. Arnaud FLEURY - Votre idée est de continuer à monter en gamme. Vous m'avez dit viser un chiffre d'affaires de 15 millions d'euros...

M. Mounir BOULKOUT - Nous visons même 50 millions d'euros d'ici dix ans !

Nous montons une seconde unité de plus de 100 millions d'euros et allons nous installer à Hendaye. On est sur le point, avec Business France, de déposer un projet pour un investissement de plus de 3 millions d'euros. Nous espérons le faire dès l'année prochaine.

Nous souhaitons investir en France, sur la côte atlantique, dans la transformation des algues marines. Nous investissons aussi à Zanzibar, au Mozambique, dans la production locale africaine, à des fins de transformation.

M. Arnaud FLEURY - Cela a-t-il du sens pour des Tunisiens d'investir en France ? Selon Business France, l'investissement tunisien représente entre 80 millions d'euros et 100 millions d'euros...

M. Mounir BOULKOUT - On est partis à l'est pour des raisons politiques, mais on n'est pas proche des Polonais sur le plan culturel ! Je suis plus certain de réussir en investissant en Tunisie que dans les pays l'Est.

Il faut pousser le codéveloppement. Demain, on ira en France créer un laboratoire de recherche, valoriser les savoir-faire français et tunisiens là où ils se trouvent.

M. Arnaud FLEURY - Pour vous, la dévaluation a constitué un véritable coup de fouet pour l'exportation.

M. Mounir BOULKOUT - En effet. On devient naturellement plus compétitifs. On ne voit que les mauvais côtés de la dévaluation. En France, les bonnes années ont été celles avec 14 % d'inflation. En Tunisie, je suis très heureux avec un chiffre à 7 %.

La dévaluation a de mauvais effets sur le plan macroéconomique, mais ma société est plus compétitive à l'exportation. J'invite les investisseurs français à profiter d'une aubaine qui va durer assez longtemps et qui va permettre de créer beaucoup plus d'emplois en Tunisie.

M. Arnaud FLEURY - Vous trouvez les Français trop timides, même les grands noms, m'avez-vous dit...

M. Mounir BOULKOUT - J'invite Danone et Lactalis à venir en Tunisie, mais aussi les grandes PME, comme Bel, pour produire du yaourt et l'exporter au Moyen-Orient.

M. Arnaud FLEURY - Tous les outils sont donc en place en Tunisie pour que le printemps dure...

M. Mounir BOULKOUT - Je tiens également à dire que l'administration tunisienne m'a énormément aidé. La Tunisie soutient beaucoup les investissements étrangers, quels qu'ils soient.

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