ITALIE

Il n'existe pas de texte instituant un régime analogue à l'« état d'urgence » au sens de la loi française n° 55 385 du 3 avril 1955 en Italie.

Cependant, quelques dispositions constitutionnelles ont trait à la limitation des libertés individuelles, qui est également prévue par un décret royal non abrogé, de sorte que les règles applicables à cette matière résultent :

- de plusieurs dispositions de la Constitution ;

- et du décret royal n° 773 de 1931 portant « texte unique des lois sur la sûreté publique » sur l'applicabilité duquel des doutes se font jour.

Un régime d'« état d'urgence » (stato di emergenza) est prévu par la loi n° 225 du 24 février 1992 portant institution du service national de protection civile, lequel a trait à la gestion des catastrophes naturelles.

1. Les dispositions de la Constitution

Si elle ne fait pas référence à l'expression « état d'urgence » au sens du droit français, la Constitution de la République italienne recourt à trois reprises 25 ( * ) au concept d'« urgence » (urgenza) en ses articles 13, 21 et 77, qui concernent respectivement :

- la liberté personnelle et les restrictions qui peuvent lui être apportées ;

- le droit de manifester librement sa propre pensée et les limitations qu'il peut subir ;

- et enfin les pouvoirs exceptionnels que le Gouvernement a la faculté d'utiliser en cas d'urgence.

• Les restrictions à la liberté personnelle

Après avoir déclaré que « La liberté personnelle est inviolable », et interdit toute forme de détention, d'inspection ou de perquisition qui n'aurait pas été décidée par l'autorité judiciaire, l'article 13 de la Constitution italienne dispose que « Dans des cas exceptionnels de nécessité et d'urgence (urgenza) , formellement indiqués par la loi, l'autorité chargée de la sécurité publique peut adopter des mesures provisoires, qui doivent être communiquées dans les quarante-huit heures à l'autorité judiciaire, lesquelles sont révoquées et privées d'effets si cette autorité ne les approuve pas dans les quarante-huit heures qui suivent ». L'article 14 du même texte, consacré à l'inviolabilité du domicile, renvoie, du reste, aux garanties prévues par l'article 13 pour assurer sa protection contre les inspections, perquisitions et saisies qui ne peuvent être réalisées que dans les conditions prévues par la loi.

Trois dispositions consacrées aux libertés publiques évoquent les limitations qui peuvent leur être apportées par la loi, sans faire référence ni à l'urgence, ni à l'article 13. Il s'agit des articles : 15 sur la liberté et le secret des correspondances, 16 sur la liberté d'aller et venir et 18 sur la liberté d'association, sous réserve que l'objet de la réunion ne soit pas contraire à la loi pénale. Enfin, l'article 17 fait référence aux restrictions qui peuvent être apportées à la liberté de réunion « pour des motifs démontrés de sûreté ou de sécurité publiques ».

• Le droit de manifester librement sa propre pensée et les limitations qu'il supporte

Ayant proclamé le droit de manifester librement sa pensée, l'article 21 de la Constitution dispose qu'il n'est loisible de procéder à la saisie de la presse que dans les circonstances expressément prévues par la loi ou dans le cas de violation des règles que la loi prévoit pour l'indication du nom des responsables des organes de presse, ajoutant que « dans ce cas, lorsqu'il existe une urgence absolue (assoluta urgenza) et que l'intervention immédiate de l'autorité judiciaire n'est pas possible, la saisie (sequestro) de la presse périodique peut être réalisée par des officiers de police judiciaire qui doivent immédiatement, et dans un délai de vingt-quatre heures maximum, en informer l'autorité judiciaire. Si celle-ci ne confirme pas leur décision sous vingt-quatre heures, la saisie est nulle (revocato) et privée de tout effet ».

• Les pouvoirs exceptionnels que le Gouvernement peut utiliser en cas d'urgence.

L'article 77 de la Constitution italienne dispose que, bien que le Gouvernement ne puisse, dans les conditions du droit commun, prendre de décrets ayant valeur de loi ordinaire, « Lorsque, dans des cas extraordinaires, de nécessité et d'urgence, le Gouvernement adopte, sous sa responsabilité, des mesures provisoires ayant force de loi, il doit, le jour même, les présenter pour leur conversion aux chambres, lesquelles, même si elles sont dissoutes, sont expressément convoquées et se réunissent dans un délai de cinq jours suivant la convocation. Les décrets sont caducs depuis leur origine s'ils ne sont pas convertis en loi dans les soixante jours suivant leur publication ».

Le Gouvernement a très fréquemment recours à ces dispositions dans des matières qui n'ont rien à voir avec les pouvoirs de police.

2. Le décret royal n° 773 du 18 juin 1931 portant « texte unique des lois sur la sûreté publique »

Le décret royal n° 773 du 18 juin 1931, portant approbation du texte unique des lois sur la sécurité publique (articles 214-219), consacre un titre IX à l'état de « péril public » (pericolo pubblico) , auquel on s'intéressera ici, ainsi qu'à l'« état de guerre » (stato di guerra) mentionné pour mémoire. Ce texte n'a, en effet, pas été formellement abrogé par le législateur, malgré l'entrée en vigueur de la Constitution républicaine du 27 décembre 1947.

L'« état de péril public » peut être déclaré, avec l'accord du chef du Gouvernement, par le ministre de l'Intérieur et par le préfet en cas de danger public.

Lorsque l'« état de péril public » a été déclaré, le préfet peut ordonner l'arrestation ou la détention de toute personne, s'il le juge utile, pour rétablir ou maintenir l'ordre public.

Si l'« état de péril public » a été déclaré sur l'ensemble du territoire, le ministre de l'Intérieur peut prendre des ordonnances dérogatoires aux lois en vigueur sur les matières qui ont trait à l'ordre et à la sécurité publics. Les personnes qui contreviennent aux décisions du ministre ou du préfet sont punies (puniti) d'une arrestation (arresto) qui n'est pas inférieure à un an.

Une partie de la doctrine estime que ces dispositions ne sont plus applicables 26 ( * ) .

3. La loi n° 225 du 24 février 1992 portant institution du service national de protection civile

Signalons que les articles 2 et 5 de la loi n° 225 du 24 février 1992, portant création du service national de protection civile prévoient qu'en cas de catastrophe naturelle ou de calamité le Conseil des ministres, sur proposition de son président, peut instituer l'« état d'urgence » (stato d'emergenza) et en fixer la durée et le champ d'application territorial.


* 25 Abstraction faite de deux occurrences, concernant respectivement l'examen d'un projet de loi et sa publication en urgence, visées aux articles 72 et 73 de la Constitution.

* 26 V. sur ce point l'article « Pericolo Publico, Stato di » dans Enciclopedia Treccani.

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