ITALIE

On examinera successivement les dispositions générales du code pénal, puis les dispositions particulières qui résultent de deux autres textes.

1. Les dispositions générales du code pénal

Établie par le code pénal de 1931, la liste des actes interruptifs de prescription a été complétée par le décret législatif n° 271 du 28 juillet 1989, portant dispositions d'application, de coordination et dispositions transitoires relatives au code de procédure pénale 20 ( * ) , consécutif à l'adoption de nouvelles règles dans ce domaine.

L'avant-projet de nouveau code pénal qui a débouché sur la réforme opérée en 1989, prévoyait non pas l'établissement d'un liste mais seulement que le cours de la prescription était interrompu par tout type d'acte de procédure, le garde des Sceaux considérant que « chacun d'entre eux manifestait l'intérêt de l'État pour l'application de la loi pénale » 21 ( * ) . Cependant, cette « [...] position initiale rigoureuse fut abandonnée précisément parce que même l'accomplissement d'un simple acte de procédure, par exemple la constitution matérielle du dossier par le greffe, aurait fini par faire disparaître le droit spécifique de la personne poursuivie. On estima donc opportun en tempérant des exigences diverses et souvent opposées, de restreindre le cercle des actes de procédure pénale de nature à interrompre la prescription à ceux qui sont véritablement fondamentaux pour celle-ci, ceux qui, eu égard à leur caractère objectif, démontraient par eux-mêmes, la persistance de l'intérêt de l'État à punir. [...] sous l'empire du code pénal précédent, la jurisprudence a [ yant ] démesurément élargi le cercle de ces actes, le législateur estima devoir identifier et indiquer spécifiquement, sur la base du caractère discrétionnaire de la législation, les actes fondamentaux du procès auxquels on doit reconnaître un effet interruptif pendant le délai de prescription. » 22 ( * )

L'article 160 du code pénal italien dresse une liste de quinze types d'actes susceptibles d'interrompre la prescription. Il précise également le régime applicable en cas de pluralité de ces actes. Après avoir évoqué ces deux points, on examinera quelques traits de la jurisprudence de la Cour de cassation italienne en la matière.

a) Une liste des actes interruptifs de prescription

Comme l'observe la Cour de cassation italienne, « par-delà quelques omissions [...] le législateur a identifié les actes fondamentaux du procès, c'est-à-dire ceux qui manifestent d'une façon claire l'intérêt de l'État pour l'application de la loi pénale », notamment « pour garantir les droits de la personne poursuivie », afin « d'éviter que la jurisprudence n'élargisse de façon démesurée le cercle des actes interruptifs » 23 ( * ) .

En vertu de ce texte, la prescription est interrompue par :

- la « sentence de condamnation » (sentenza di condanna) (article 533 du code de procédure pénale) ;

- l'« ordonnance de condamnation » (decreto di condanna) rendue sans contradictoire, à la demande du ministère public, quand la seule sanction est une peine d'amende (articles 459 et 565 du même code) ;

- l'ordonnance qui soumet une personne à diverses mesures limitant la liberté individuelle (misure cautelari personali) afin de protéger des preuves, d'éviter la fuite ou la commission d'un délit (articles 272 et suivants du même code) ;

- l'ordonnance du juge qui valide l'arrestation (fermo - arresto) décidée par le ministère public soit en cas de flagrant délit, soit lorsque la peine encourue est de deux ans d'emprisonnement ou plus (articles 379, 384 et 391 du même code) ;

- l'interrogatoire (interrogatorio) devant le ministère public (pubblico ministero) ou le juge (articles 64 et 65 du même code) ;

- l'invitation à se présenter (invito a presentarsi) au ministère public pour un interrogatoire (article 375 du même code) ;

- la mesure prise par le juge pour la fixation de l'audience dans la chambre du conseil relative à la demande d'archivage (archiviazione) du dossier (article 409 du même code) ;

- la demande de « renvoi pour jugement » (rinvio a giudizio) formulée par le procureur auprès du juge (article 416 du même code) ;

- l'ordonnance (decreto) qui fixe le jour de l'audience préliminaire (article 418 du même code) ;

- l'ordonnance relative au « jugement abrégé » (giudizio abbreviato) (article 438 du même code) ;

- l'ordonnance, prise au cours de l'enquête préliminaire, qui fixe l'audience relative à la décision sur la demande d'application de la peine (article 447 du même code) ;

- la présentation ou la citation d'une personne à un juge, par le ministère public, dans le cadre d'une procédure consécutive à un flagrant délit (giudizio direttissimo) (articles 449 et 450 du même code) ;

- l'ordonnance relative au « jugement immédiat » (giudizio immediato) lorsqu'existent des preuves évidentes (articles 453 et suivants du même code) ;

- l'ordonnance de jugement rendue dans une audience préliminaire (article 429 du même code) ;

- et l'ordonnance de « citation pour jugement » (citazione a giudizio) prise par le procureur (article 556 du même code).

b) Cas de pluralité des actes interruptifs

En cas de pluralité d'actes interruptifs, la prescription court à compter du dernier de ceux-ci, sous réserve du respect des règles relatives à la notification à une personne qui n'est pas détenue, prévues par l'article 157 du code de procédure pénale.

c) Quelques traits de la jurisprudence de la Cour de cassation italienne en matière d'actes interruptifs de prescription

On évoquera ici :

- le caractère limitatif de l'article 160 du code pénal ;

- et l'assimilation de certains actes à ceux figurant dans cette liste.

• Caractère limitatif des dispositions de l'article 160 du code pénal

Pour la Cour de cassation de Rome, l'énumération qui figure à l'article 160 du code pénal revêt un caractère strictement limitatif.

Cette position a été tout d'abord exprimée par l'arrêt « Brembati » rendu par les sections pénales réunies de cette cour, le 11 juillet 2001, aux termes duquel l'interrogatoire d'une personne par la police judiciaire déléguée par le ministère public ne saurait interrompre le délai de prescription.

Elle a été confirmée par une décision 24 ( * ) du 22 février 2007 de la même formation de jugement qui a jugé qu'en conséquence, même un acte important tel que celui par lequel la personne poursuivie est informée de la fin de l'enquête préliminaire (article 415 bis du même code), n'a pas pour effet d'interrompre le délai de prescription. En motivant cette décision, le juge a souligné que le fait que manquent dans la liste figurant à l'article 160 du code pénal des actes tels que la demande de jugement immédiat ou la demande tendant à ce que soit rendue l'ordonnance de condamnation pénale (decreto penale di condanna) « suscite la perplexité » , tout en observant que, bien qu'il ait modifié le code après l'entrée en vigueur de celui-ci, le législateur n'en a pas amendé l'article 160, autre preuve du caractère limitatif de la liste qu'il contient.

• Assimilation de certains faits aux actes limitativement énumérés par l'article 160 du code pénal comme interruptifs de prescription

La Cour de cassation italienne assimile, eu égard à leur nature, certains actes à ceux qui figurent dans la liste précitée.

Déclarations spontanées

Constatant que les dispositions du code pénal 25 ( * ) assimilent les déclarations spontanées formulées par une personne poursuivie mise en mesure de se défendre au résultat d'un interrogatoire (articles 64 et 65 précités), la Cour de cassation italienne a estimé que ces déclarations ont pour effet d'interrompre la prescription au même titre que celui-ci, sous réserve qu'elles soient faites à l'autorité judiciaire (ministère public ou juge du siège et non pas à la police judiciaire) et à la suite de la contestation du fait qui motive la procédure 26 ( * ) .

La Cour a jugé que, compte tenu de la nécessité de permettre à la personne interrogée d'exposer sa défense, « les actes interruptifs indiqués à l'article 160 du code pénal se caractérisent précisément par le fait qu'ils expriment, de la part des organes de l'État, la volonté d'exercer le droit de punir lié à un fait constitutif d'un délit ou d'un crime (reato) bien identifié porté à la connaissance de la personne poursuivie (incolpato) » en tirant que « la faculté [ouverte à la personne interrogée] de contester constitue un élément intangible (indefettibile) de l'interrogatoire [...] » 27 ( * ) , à la différence de la simple délivrance spontanée d'informations.

Ordonnance rendue à la suite de l'opposition à une ordonnance de caractère pénal

La Cour a estimé qu'une ordonnance rendue à la suite de l'opposition à une ordonnance de caractère pénal appartient à la catégorie des ordonnances relatives au « jugement immédiat » qui interrompent la prescription 28 ( * ) .

Ordonnance de citation au jugement en appel

Du fait du caractère général de la référence à l'ordonnance de « citation pour jugement », la Cour a estimé que l'ordonnance de citation au jugement en appel constituait aussi un acte interruptif de prescription.

2. Les dispositions particulières résultant d'autres textes

Deux textes distincts du code pénal dans la rédaction qui résulte de l'amendement opéré par le décret législatif n° 271 du 28 juillet 1989 précité ont complété la liste dressée à l'article 160 de ce code. Il s'agit :

- du décret législatif n° 74 du 10 mars 2000 relatif au nouveau régime des crimes et délits en matière d'impôt sur le revenu et sur la valeur ajoutée, en vertu de l'article 9 de la loi n° 205 du 25 juin 1999 ;

- et du décret législatif n° 274 du 28 août 2000 portant dispositions sur la compétence pénale du juge de paix en vertu de l'article 14 de la loi n° 468 du 24 novembre 1999.

Le premier texte dispose que le cours de la prescription pour les délits et crimes (reato) prévus en matière d'impôt sur le revenu et sur la valeur ajoutée est interrompu tant par les actes visés à l'article 160 du code pénal que par le procès-verbal de constatation ou l'acte qui atteste de ces violations.

Le second texte précise qu'interrompent le cours de la prescription pour les délits (reato) qui relèvent de la compétence du juge de paix, d'une part les actes visés à l'article 160 du code pénal, d'autre part l'acte par lequel la police judiciaire enjoint à une personne de se présenter devant un juge (citazione a giudizio) et l'ordonnance de convocation des parties rédigée par le juge de paix dans les affaires pour lesquelles le même décret législatif lui donne compétence.


* 20 Decreto legislativo 28 luglio 1989 , n. 271, Norme di attuazione, di coordinamento e transitorie del codice di procedura penale , Les décrets législatifs sont des textes législatifs adoptés par le Gouvernement après que le Parlement lui a délégué sa compétence par le vote d'une loi de délégation. L'article 160 du code pénal a été modifié par l'article 239 de ce texte.

* 21 Cassazione penale , sez. unite , 22 février 2007, n° 21 833.

* 22 Idem.

* 23 Cassazione penale , sez. unite , 22 février 2007, n° 21 833.

* 24 Cassazione penale , sez. unite , 22 février 2007, n° 21833.

* 25 Article 374.

* 26 Cass . n° 5838/2014 .

* 27 Idem , citant les décisions, Sez . 1, n° 39352 du 31 octobre 2002, Sarno et Sez . 5, n° 6 054 du 22 avril 1997, Greco.

* 28 Ces éléments, comme les suivants, ont été recueillis sur le site http://www.brocardi.it/codice-penale/libro-primo/titolo-vi/capo-i/art160.html . Le texte des décisions n'a pas pu être consulté.

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