Étude de législation comparée n° 287 - mars 2019

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- LÉGISLATION COMPARÉE -

Recueil des notes de synthèse

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DE NOVEMBRE 2018 À FÉVRIER 2019

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AVERTISSEMENT

Ce document constitue un instrument de travail élaboré à la demande des sénateurs, à partir de documents en langue originale, par la division de la Législation comparée de la direction de l'Initiative parlementaire et des délégations. Il a un caractère informatif et ne contient aucune prise de position susceptible d'engager le Sénat.

AVANT-PROPOS

La Division de la Législation comparée a suivi entre novembre 2018 et février 2019 trois principaux axes de recherche :

- la responsabilité pénale des mineurs en actualisant son étude de 2007 sur la majorité pénale et en étendant le champ de son enquête à cinq États d'Amérique du Nord et du Sud : le Canada, les États-Unis en considérant les régimes dans cinq États fédérés, le Mexique, le Pérou et l'Argentine ;

- la participation des citoyens à la prise de décision politique, thème décliné dans trois études consacrées au référendum d'initiative populaire, au référendum à questions multiples et à l'organisation de débats publics et de concertations citoyennes, essentiellement en Europe mais sans omettre les cas intéressants de la Californie et de la Nouvelle-Zélande ;

- une présentation en miroir de politiques de santé publique au Danemark et en Espagne dans la perspective de la refonte de la loi sur la bioéthique ; les politiques de lutte contre les drogues et la toxicomanie, d'une part, l'appréhension juridique de la personne avant la naissance, d'autre part.

MAJORITÉ PÉNALE ET RESPONSABILITÉ DES MINEURS

I. LA MAJORITÉ PÉNALE EN EUROPE : UNE GRANDE STABILITÉ DEPUIS 2007

La Division de la Législation comparée, saisie par M. François-Noël Buffet, sénateur du Rhône, a entrepris d'actualiser son étude sur la majorité pénale LC 173 de juin 2007.

Il ressort de cette actualisation qu'hormis le cas des Pays-Bas 1 ( * ) , il n'a pas été procédé à des modifications depuis 2007 de l'âge de la majorité pénale, ni de l'âge de la responsabilité pénale. Cela vaut pour l'Allemagne, l'Angleterre-Pays-de-Galles, l'Autriche, la Belgique, le Danemark, l'Espagne, l'Italie, le Portugal, la Suède et la Suisse, dont les régimes sont récapitulés dans le tableau suivant.

La loi du 27 novembre 2013 visant la consolidation d'un droit pénal de l'adolescent 2 ( * ) aux Pays-Bas n'a pas modifié les deux seuils essentiels de 12 ans, âge de la responsabilité pénale, et de 18 ans, âge de la majorité pénale. Elle a voulu renforcer la prise en charge spéciale par l'appareil pénal des adolescents et jeunes adultes de 16 à 23 ans. 3 ( * ) Au cours de cette période, les pouvoirs d'appréciation du juge sont étendus. La gravité et les circonstances de l'infraction, ainsi que la personnalité de l'auteur peuvent conduire le juge à considérer un jeune comme un adulte dès l'âge de 16 ans. Inversement, le juge peut tenir compte de la personnalité de l'auteur ou des circonstances pour appliquer le droit pénal des mineurs à un délinquant majeur jusqu'à 23 ans. En d'autres termes, l'âge de la majorité pénale entraînant la pleine application du droit commun fixé en principe à 18 ans peut fluctuer entre 16 et 23 ans selon l'appréciation du juge.

Les peines applicables aux mineurs à partir de 12 ans sont l'amende, les travaux d'intérêt général et la détention en institution spécialisée. Entre 12 ans et 15 ans inclus, la détention ne peut excéder un an. À 16 et 17 ans, elle est limitée à 2 ans.

Plutôt que de recevoir une peine, les adolescents peuvent aussi être renvoyés à la fondation Halt 4 ( * ) sous tutelle du ministère de la Justice et de la Sécurité, qui leur donnera une occasion de réparer leur faute. Halt n'intervient pas pour les délits graves mais pour des comportements inappropriés dus à l'immaturité de l'auteur ; elle a surtout une ambition éducative.

Pays sans changements
en matière de majorité pénale et d'irresponsabilité pénale des mineurs
depuis la note LC 173 de juin 2007

Pays

Rappel des dispositions en vigueur

Allemagne

L'article 19 du code pénal 5 ( * ) prévoit l'irresponsabilité pénale des mineurs de moins de 14 ans. Aux termes de l'article 3 de la loi sur le tribunal des jeunes 6 ( * ) , un jeune (défini à l'article 1 er comme toute personne âgée de plus de 14 ans mais de moins de 18 ans) est responsable pénalement si, lors de la commission des faits, il est suffisamment mature, compte-tenu de son développement physique et mental, pour apprécier l'illicéité de son acte et pour agir en conséquence.

Cette loi peut aussi s'appliquer aux jeunes adultes (définis à l'article 1 er comme toute personne âgée de plus de 18 ans mais moins de 21 ans lors de la commission des faits), en fonction notamment de la maturité de l'auteur, de son développement, de la nature, des circonstances ou des motifs des faits.

Angleterre et
Pays de Galles

L'article 34 de la loi de 1998 sur la criminalité et les atteintes à l'ordre public 7 ( * ) a aboli la présomption selon laquelle un enfant âgé de 10 ans ou plus était incapable de commettre une infraction : la responsabilité pénale est donc fixée à 10 ans.

Les mineurs (10 à 17 ans inclus) peuvent être arrêtés et jugés s'ils commettent une infraction mais le sont par des juridictions spéciales (youth courts) , ont des peines différentes et, le cas échéant, ne sont pas envoyés dans des prisons pour adultes mais dans des centres sécurisés spécifiques pour jeunes. Relèvent de la juridiction pour mineurs les cas de vol, cambriolage, comportement antisocial ou délits liés à la drogue. Les cas plus graves (meurtre ou viol) sont transmis à la Crown Court .

Autriche

La responsabilité pénale est fixée à 14 ans (article 4 de la loi sur le tribunal des jeunes 8 ( * ) ). Un jeune ayant 14 ans, mais moins de 18 ans, peut cependant bénéficier d'une irresponsabilité relative :

- s'il n'est pas assez mature pour comprendre l'illicéité de son acte ou pour adapter son comportement ;

- ou s'il commet une infraction mineure avant l'âge de 16 ans, sans risque de récidive.

La majorité pénale est fixée à 18 ans, le code pénal s'applique alors. Cependant, le code renvoie à la loi sur le tribunal des mineurs pour limiter les peines privatives de liberté infligées aux jeunes adultes (ayant moins de 21 ans) : elles ne peuvent excéder 15 ans.

Belgique

La majorité pénale est fixée à 18 ans. La loi du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié d'infraction et à la réparation du dommage causé par ce fait 9 ( * ) reconnaît, dans son titre préliminaire, que les mineurs ne peuvent, en aucun cas, être assimilés aux majeurs quant à leur degré de responsabilité et aux conséquences de leurs actes. Si le mineur est soupçonné d'avoir commis un délit ou crime correctionnalisable, il relèvera de la compétence spéciale du tribunal de la jeunesse. Cependant, dans les cas plus graves, s'il avait déjà fait l'objet de mesures ou s'il est récidiviste et s'il avait plus de 16 ans lors de la commission des faits, une procédure de dessaisissement permet de renvoyer devant la juridiction de droit pénal commun compétente.

Danemark

L'article 15 du code pénal 10 ( * ) fixe la responsabilité pénale à 15 ans. En-deçà de cet âge, les actes ne sont pas condamnables.

Être âgé de moins de 18 ans lors de la commission de l'acte est considéré comme une circonstance atténuante selon l'article 82 du même code. Un mineur ne peut être condamné à la perpétuité.

Espagne

La responsabilité pénale de type commun est exclue pour les personnes de moins de 18 ans (art. 19 du code pénal 11 ( * ) ). Les mineurs de 14 ans jouissent de l'irresponsabilité pénale. Un régime spécial de responsabilité est prévu entre 14 et 18 ans par la loi organique espagnole 5/2000 de responsabilité pénale des mineurs 12 ( * ) . Ce même régime peut être appliqué par le juge aux majeurs de plus de 18 ans mais de moins de 21 ans (art. 69 du code pénal).

Il ne s'agit pas stricto sensu d'une application d'un "droit pénal des mineurs" mais d'une modulation de la responsabilité. La responsabilité pénale du mineur en Espagne reconnaît la responsabilité civile propre du mineur qui doit répondre de ses infractions avec son propre patrimoine dans la mesure du possible. Le régime spécifique ne parle pas de « peines » mais de « mesures de rééducation/réinsertion » qui peuvent aller jusqu'à l'internement en milieu fermé.

Italie

Le régime pénal général s'applique aux majeurs de 18 ans. Le code pénal 13 ( * ) limite dans son article 97 toute imputabilité de responsabilité aux mineurs de 14 ans. Pour eux, la présomption d'irresponsabilité est irréfragable.

Pour les personnes âgées de plus de 14 mais de moins de 18 ans, l'article 98 du code pénal dispose qu'elles peuvent être tenues pénalement responsables, selon le régime général, si, selon l'appréciation du juge, elles avaient la capacité de comprendre et la capacité de vouloir.

Si la responsabilité est retenue, le même article impose l'obligation pour le juge de réduire la peine (de façon similaire à la présence d'une circonstance atténuante).

Portugal

Le Portugal fixe l'âge de la majorité pénale à 16 ans. (art. 19 du code pénal 14 ( * ) ). L'irresponsabilité pénale complète est établie jusqu'à 12 ans.

Les personnes âgées de plus de 16 ans et de moins de 21 ans sont soumises à un régime particulier atténué par le décret-loi 401/82 du 23 septembre 1982.

Suède

L'irresponsabilité pénale dure jusqu'à 15 ans, le code pénal 15 ( * ) (chap.1, art. 6) indiquant qu'une personne qui commet une infraction sans avoir atteint l'âge de 15 ans ne peut être condamnée à une peine. Le chapitre 30, art. 5 du même code précise qu'entre 15 et 18 ans, une peine privative de liberté peut être prononcée uniquement s'il est absolument nécessaire de le faire. La majorité pénale s'établit à 18 ans. Entre 18 et 21 ans, la peine privative de liberté peut être prononcée au regard de la gravité de l'acte ou des circonstances particulières.

Suisse

La responsabilité pénale est fixée à 10 ans et la majorité pénale à 18 ans. L'article 3 de la loi du 20 juin 2003 régissant la condition pénale des mineurs 16 ( * ) précise que « la présente loi s'applique à quiconque commet un acte punissable entre 10 et 18 ans » . Toutefois, le prononcé d'amende ou d'une mesure privative de liberté n'est possible que pour des mineurs ayant au moins 15 ans le jour de la commission du crime ou du délit (art. 25). La durée de la détention est limitée à un an.

La Division de la Législation comparée a étendu son étude sur la majorité pénale et la responsabilité des mineurs au continent américain.

II. LA MAJORITÉ PÉNALE EN AMÉRIQUE DU NORD

1. Etats-Unis

Le régime américain ne relève pas de l'État fédéral mais des États fédérés, il existe donc autant de modèles qu'il existe d'États. On a retenu à titre d'exemple la Californie, le Dakota du sud, le Montana, l'État de New-York et l'Utah.

a) Californie

Le gouverneur de Californie a approuvé le 30 septembre 2018 17 ( * ) une loi intégrant dans le Welfare and Institutions Code un âge minimal en-deçà duquel un mineur ne peut être déféré devant une juridiction pour mineurs, sauf cas exceptionnel. Auparavant, aucune limite basse n'existait, toute personne de moins de 18 ans pouvait donc être théoriquement traduite devant une juridiction pour mineurs. À partir du 1 er janvier 2020, date d'entrée en vigueur de la loi, un mineur de moins de 12 ans ne pourra être poursuivi devant une juridiction pour mineurs sauf s'il se rend coupable de graves infractions (meurtre, viol ...).

Un mineur âgé de 12 à 17 ans, quant à lui, pourra être déféré devant la justice des mineurs ou, dans certains cas, devant la justice de droit commun. En effet, il est possible, en l'état actuel de la législation, et ce point n'a pas été modifié par la loi 439, de transférer devant une juridiction pour adultes un mineur de 14 ans qui se rendrait coupable de certaines infractions graves telles que meurtre ou tentative de meurtre, incendie volontaire d'un bâtiment non vide, vol avec arme, viol, enlèvement (article 707) 18 ( * ) .

Un mineur transféré devant un tribunal pour adultes peut être envoyé dans une prison pour adultes. En cas de condamnation à une peine d'emprisonnement dans une prison pour adultes, il ne pourra l'être qu'à partir de ses 18 ans. Dans l'intervalle, il restera au sein de la division de la justice juvénile, qui gère un programme fermé mêlant éducation et traitement. De même, si la fin de la peine d'emprisonnement est prévue avant les 21 ans du mineur condamné, il pourra effectuer la totalité de sa condamnation auprès de la division de la justice juvénile et non pas dans une prison pour adultes 19 ( * ) .

Enfin, la Californie applique la règle du « un adulte un jour, un adulte toujours » (Once an Adult, Always an Adult) qui consiste à considérer un mineur délinquant comme un adulte lors de la commission d'éventuelles infractions ultérieures lorsqu'il a auparavant été considéré comme un adulte, et donc transféré devant une juridiction pour adultes, dans une procédure antérieure.

b) Dakota du sud

Le recueil des lois codifiées du Dakota du sud indique, en son article 26-8C-2 20 ( * ) , qu'est considéré comme un « enfant délinquant » tout enfant âgé de 10 ans ou plus qui, peu importe l'infraction commise, a violé une loi ou un règlement fédéral, de l'État ou local, violation pour laquelle un adulte serait puni d'une peine de nature pénale.

Les juridictions pour mineurs connaissent des infractions commises avant l'âge de 18 ans. Toutefois, dans certaines circonstances, un mineur peut être déféré devant une juridiction pour adultes. Cela est fonction notamment des circonstances de l'infraction, de l'impératif de protection de la population, des antécédents de l'auteur de l'infraction (article 26-11-4). Aucun âge minimal n'est défini dans cet article pour un transfert devant une cour pour adultes.

Un mineur transféré devant une juridiction pour adultes ou poursuivi en tant qu'adulte peut être détenu dans un centre fermé ou une prison pour adultes s'il est physiquement séparé des prisonniers adultes. S'il est condamné pour crime, il purgera sa peine dans une prison ou un centre fermé pour adultes 21 ( * ) .

Enfin, le Dakota du sud applique lui aussi la règle du « un adulte un jour, un adulte toujours » (Once an Adult, Always an Adult) .

c) Montana

L'article 41-5-103 22 ( * ) du recueil des lois (statutes) du Montana définit un jeune comme toute personne de moins de 18 ans. Tout auteur d'infraction entrant dans cette catégorie d'âge est, sauf cas exceptionnels, jugé par un tribunal pour mineurs. Il semblerait qu'aucun âge minimal à partir duquel un jeune pourrait être considéré comme délinquant n'ait été défini par les lois du Montana.

Dans certaines circonstances, un jeune peut être déféré devant un tribunal pour adultes, l'âge minimal à partir duquel c'est possible variant en fonction de la gravité de l'infraction :

- à partir de 12 ans s'il commet certaines infractions graves (viol, homicide volontaire, tentative de meurtre, agression d'un agent de police) ;

- à partir de 16 ans pour d'autres crimes graves (homicide par négligence, vol, possession d'explosifs, ...).

L'article 41-5-348 définit comme lieu de détention un placement dans un centre de détention de court-terme, un centre de détention juvénile, y compris un centre de détention régional, ou un centre de détention sécurisé à l'extérieur de l'État.

Le Montana applique également le « statutory exclusion » , qui transfère de fait à la justice pour adultes tout mineur au-delà d'un âge défini (17 ans pour le Montana) s'il se rend auteur d'une infraction préalablement listée comme faisant partie des cas excluant les auteurs mineurs du bénéfice de la justice pour mineurs.

d) New-York

L'article 301.2 23 ( * ) de la loi sur le tribunal des affaires familiales ( Family court ) de l'État de New-York définit comme délinquant juvénile passible d'être traduit devant une cour pour mineurs l'auteur d'une infraction âgé de plus de 7 ans et de moins de 16 ans jusqu'au 1 er octobre 2018, de plus de 7 ans et de moins de 17 ans entre le 1 er octobre 2018 et le 30 septembre 2019, et de plus de 7 ans et de moins de 18 ans à partir du 1 er octobre 2019.

Lorsque l'auteur d'une infraction a au moins 17 ans (actuellement) ou 18 ans (à partir du 1 er octobre 2019) lors de la commission de l'acte, il est déféré devant la justice pour adultes. Toutefois, le renvoi devant une cour ou une autre dépend aussi de la qualification de l'acte. Les délits commis par des jeunes de moins de 17ans/18 ans (2019) sont traités par le tribunal des affaires familiales, tout comme les actes criminels sans violence qui sont transmis sous 30 jours au tribunal aux affaires familiales sauf en cas de « circonstances extraordinaires » justifiant le maintien devant la cour criminelle pour adultes. Les affaires criminelles avec violence sont en général traitées par la cour criminelle pour adultes sauf si le tribunal estime qu'il y a des circonstances atténuantes pour transférer le cas au tribunal aux affaires familiales. Certains types de crimes avec violence ne peuvent être transférés au tribunal aux affaires familiales 24 ( * ) .

Outre la modification de l'âge au-delà duquel un mineur peut être jugé comme un adulte, l'État de New-York a modifié les conditions de détention des mineurs condamnés pour qu'ils ne puissent plus être placés dans des prisons pour adultes. Depuis le 1 er octobre 2018, ils doivent être placés dans des centres de détention juvénile spécialisés certifiés autant par les services de la ville de New-York que par ceux de l'État chargés des enfants 25 ( * ) .

e) Utah

L'article 78-A-6-105 du code de l'Utah définit comme « enfant » (child) toute personne âgée de moins de 18 ans et comme « mineur » toute personne qui est soit un enfant, soit âgée de plus de 18 ans mais de moins de 21 ans et qui est sous la juridiction du tribunal pour mineurs. Il semblerait qu'aucun âge minimal à partir duquel un jeune pourrait être considéré comme délinquant n'ait été défini par les lois de l'Utah.

Un mineur est en principe passible d'être déféré devant un tribunal pour mineurs en cas de commission d'une infraction. Il est toutefois possible de le transférer devant une cour pour adultes. C'est par exemple le cas si le mineur a commis une infraction qui serait considérée comme un acte criminel s'il avait été commis par un adulte. L'Utah applique également le « statutory exclusion » (voir supra ) pour les mineurs de 16 ans ou plus ayant commis une infraction qui serait qualifiée de meurtre ou meurtre aggravé si elle avait été commise par un adulte, ainsi que « once an adult, always an adult » (voir supra ).

Les centres de détention pour mineurs ou pour adultes sont en principe séparés. Si un mineur devait toutefois être détenu dans un centre pour adultes, la séparation entre les espaces, autant visuels que sonores, devrait être importante.

2. Canada

La question de la justice des mineurs au Canada est traitée par la loi de 2002 sur la loi sur le système de justice pénale pour les adolescents 26 ( * ) . Son article 2 définit un adolescent comme « Toute personne qui, étant âgée d'au moins douze ans, n'a pas atteint l'âge de dix-huit ans ou qui, en l'absence de preuve contraire, paraît avoir un âge compris entre ces limites. Y est assimilée, pour les besoins du contexte, toute personne qui, sous le régime de la présente loi, est soit accusée d'avoir commis une infraction durant son adolescence, soit déclarée coupable d'une infraction. (young person) » et comme enfant « Toute personne âgée de moins de douze ans ou, en l'absence de preuve contraire, paraissant ne pas avoir atteint cet âge. (child) » .

Le tribunal pour adolescents « a compétence exclusive pour toute infraction qu'une personne aurait commise au cours de son adolescence » (article 14). Le procureur peut demander au tribunal pour adolescents « l'assujettissement de l'adolescent à la peine applicable aux adultes si celui-ci est ou a été déclaré coupable d'une infraction commise après avoir atteint l'âge de quatorze ans et pour laquelle un adulte serait passible d'une peine d'emprisonnement de plus de deux ans » (article 64).

Si le Canada a longtemps figuré parmi les pays occidentaux ayant un taux d'incarcération des jeunes parmi les plus élevés, les diverses modifications législatives, en particulier la loi sur le système de justice pénale pour les adolescents de 2002, ont permis de faire diminuer ce taux. Le principe, aujourd'hui, est qu'un juge qui impose une peine à un adolescent doit tout d'abord opter pour une mesure non privative de liberté, sauf en cas de meurtre 27 ( * ) .

III. LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DES MINEURS EN AMÉRIQUE LATINE

1. Le système intégral de justice pénale pour les adolescents au Mexique

Au Mexique , la spécificité particulière de la responsabilité pénale des mineurs fait l'objet d'une inclusion dans le texte constitutionnel dont le 4 e alinéa de l'article 18 impose l'obligation pour le législateur d'instaurer un système intégral de justice pour les adolescents. Ce texte fixe lui-même l'âge de la majorité pénale à 12 ans et dispose expressément que les mineurs de 12 ans ne pourront faire l'objet que de mesures d'assistance sociale. Il met l'accent non seulement sur l'obligation de respect de tous les droits de l'Homme mais aussi sur les droits spécifiques reconnus aux adolescents eu égard à leur condition de personnes encore en développement.

Il s'agit du seul cas, parmi les trois États latino-américains étudiés, où la question a fait l'objet d'une insertion dans le texte constitutionnel.

Conformément à cet appel au législateur posé par l'article 18 de la Constitution mexicaine, la loi nationale du système intégral de justice pénale pour les adolescents 28 ( * ) a été adoptée en 2016. Bien qu'il ne constitue pas un droit pénal entièrement à part, le système prévu par la loi de justice pénale au Mexique, avec ses 265 articles, peut être considéré comme une branche assez autonome du droit pénal spécial en ce qu'il modifie substantiellement les règles du procès, de la responsabilité et des sanctions. Cette loi est d'ordre public et a vocation à s'appliquer dans l'ensemble des États fédérés mexicains (art. 1 er ).

Sont posés comme principes recteurs spécifiques axés sur la réintégration sociale de l'adolescent, la garantie des droits de l'Homme et notamment ceux afférents à l'éducation et au développement personnel, la préférence pour les modes alternatifs de résolution des différends et l'établissement d'institutions spécialisées. Des normes de procédure pénale dérogatoires concernant les modes alternatifs de résolution des différends, l'exécution des sanctions imposées et leur possible substitution par le juge par des mesures de rééducation et de réintégration figurent aussi dans la loi.

La définition de trois tranches d'âge différentes parmi les adolescents est une autre particularité de cette loi mexicaine : la première tranche ( grupo etario ) comprend les mineurs âgés de 12 ans à 14 ans ; la deuxième, ceux de 14 ans à 16 ans ; enfin, la troisième, ceux de 16 ans à 18 ans 29 ( * ) . Ces tranches d'âge sont utilisées afin de déterminer des délais de prescription de l'action pénale différents d'un an, de deux ans et de cinq ans respectivement et pour moduler l'imposition des peines. Ainsi, l'internement en milieu fermé ne peut être prononcé qu'à l'égard des mineurs des deuxième et troisième tranches. En tout état de cause, cet internement, qui doit se faire dans des établissements exclusivement dédiés à l'accueil de mineurs, ne peut être prononcé que comme dernier recours et dans le cas de commission des certains délits graves 30 ( * ) .

Ce recours ultime et exceptionnel aux mesures privatives de liberté pour les majeurs de 14 ans découle du caractère socio-éducatif des sanctions pour les adolescents. L'exécution des sanctions doit viser l'insertion de la jeune personne dans sa famille et dans la société en développant le sens de la responsabilité et le respect des droits d'autrui afin de réduire les possibilités de récidive.

Aussi le système de justice pénale pour adolescents mexicain impose-t-il le recours prioritaire aux modes alternatifs de résolution de différends dans la même logique. Sont prévus à cet effet la médiation et les accords de réparation entre la victime et le jeune délinquant. Dans ces cas, les parties sont assistées par un officier public ( facilitador ) qui facilite la conclusion d'un accord et doit s'assurer que celui-ci est perçu comme juste par toutes les parties. Dans les cas où une réparation financière s'impose, celle-ci doit découler prioritairement des ressources disponibles et du travail de l'adolescent. La conclusion d'un accord de réparation entraîne la suspension conditionnelle du procès pénal. Si l'exécution de l'accord conclu est complète, celle-ci entraîne le non-lieu du procès ou l'extinction de l'action.

Dans les cas où les modes de résolution alternatifs n'aboutiraient pas à une solution, différentes mesures de sanction sont prévues par la loi en fonction d'une distinction entre les mesures privatives de liberté, exceptionnelles, et le reste.

Les mesures non privatives de liberté comprennent le blâme et le rappel à la loi, l'obligation de réaliser des travaux d'intérêt général, l'assistance à des programmes de réinsertion en groupe, l'interdiction de se déplacer à certains endroits, de conduire des véhicules, de posséder des armes ou d'abandonner le territoire mexicain ; la liberté assistée. Cette dernière consiste dans la poursuite des études sous le contrôle d'un superviseur.

Les mesures privatives de liberté recouvrent l'assignation à domicile, l'internement en milieu fermé et le semi-internement ou internement pendant le temps libre. Aux termes de l'article 164, l'internement des mineurs ne peut être ordonné que dans les cas les plus graves notamment les cas d'homicide, de viol, d'enlèvement, de terrorisme, de trafic d'armes et de vol avec violence.

Deux types de substitution sont possibles devant le juge de l'exécution des peines : la substitution de l'internement en milieu fermé par l'assignation à résidence et la substitution de l'internement par la prestation de services d'intérêt général. Pour accorder la substitution, l'intérêt de l'adolescent et les conditions d'accomplissement de la première mesure imposée doivent être examinés.

2. Le code de la responsabilité pénale des adolescents au Pérou

Au Pérou , la responsabilité pénale des mineurs est régulée par le code de responsabilité pénale des adolescents ( Código de responsabilidad penal de los adolescentes ), approuvé par le décret législatif n° 1348 du 6 janvier 2017 31 ( * ) . Malgré le nom et la présence de normes matérielles importantes en la matière, il s'agit surtout d'un code de procédure spéciale.

La détermination de la modulation de la responsabilité ayant comme source les infractions au code pénal est l'objet de ce texte péruvien. En font en outre partie les mesures alternatives au procès pénal, la définition des organes juridictionnels spécialisés compétents, les mesures d'enquête, l'attribution de responsabilité, la fixation des mesures socio-éducatives et leur exécution.

Il convient de mentionner que le Pérou a opté de manière générale pour l'adoption de textes spécifiques aux mineurs et aux adolescents au lieu de réguler cette question dans les textes de droit commun. Aussi la loi péruvienne n° 27337 du 2 août 2000 32 ( * ) a-t-elle établit un nouveau code des enfants et des adolescents qui reconnaît et énumère les droit des enfants, y compris ceux plus spécifiques comme le droit à l'éducation ou à la prise en charge par l'assistance sociale, mais qui règle aussi les questions qui figurent traditionnellement dans le code civil comme l'autorité parentale, les aliments et le conseil de famille.

En ce qui concerne les mesures de droit matériel portant sur la responsabilité pénale des adolescents, l'article premier du titre préliminaire du code péruvien fixe l'âge de majorité pénale à 14 ans. Il indique en outre que l'adolescent de plus de 14 ans et de moins de 18 ans répond des infractions commises en vertu d'une responsabilité pénale spéciale.

Quelques principes recteurs guident l'attribution et l'exécution de cette responsabilité. D'abord, le principe de l'intérêt supérieur de l'adolescent fait peser sur tous les fonctionnaires publics l'obligation de justifier de façon expresse la façon dont cet intérêt a été pris en compte dans la procédure, puis dans la l'exécution des mesures. Ensuite, bien que l'intérêt supérieur de l'enfant doive guider toute la procédure, le principe de dé-juridictionnalisation et d'intervention minimale impose, dans la mesure du possible, la solution des litiges sans recourir au procès judiciaire par des mesures alternatives.

Quant aux organes spécialisés, le code péruvien met un place un système de police spécialisée et de juges d'instruction et d'enquête ( juez de investigación preparatoria del adolescente ) pour les adolescents, ainsi qu'un juge de l'adolescent ( juez del adolescente ) qui connaît les faits sur le fond après l'instruction et qui doit se prononcer sur la responsabilité du mineur et, le cas échéant, sur les mesures à prendre.

Ces mesures, définies comme socio-éducatives, sont les seules mesures dont le délinquant mineur peut faire l'objet aux termes de l'article 156 du code. S'y ajoute l'internement en milieu fermé, prévu comme mesure socio-éducative privative de liberté de dernier recours par l'article 162.

L'article 156 du code péruvien énumère les mesures socio-éducatives possibles : le blâme, la liberté assistée (programmes d'éducation et d'orientation assisté), les travaux compensatoires utiles à la communauté et la liberté restreinte (participation journalière obligatoire à des programmes de réinsertion).

En ce qui concerne la privation de liberté, celle-ci ne peut être prononcée par le juge que dans les cas où la peine prévue pour les délits commis est au moins de six ans et dans lesquels la vie ou l'intégrité physique ou morale des personnes ont été grièvement compromises. Ces peines de prison ne sauraient dépasser six ans, avec un minimum de quatre ans pour les cas les plus graves (homicide, viol, violences aggravées, trafic de personnes ou de stupéfiants...).

3. Le régime pénal de la minorité d'âge en Argentine

En Argentine , le texte actuellement en vigueur qui régule la responsabilité pénale des mineurs est très succinct et date de la dernière dictature militaire de l'Argentine (a). Considérant la question difficile de la conformité du régime pénal des mineurs à la Convention relative aux droits de l'enfant de l'ONU, un changement législatif est à attendre, un avant-projet de loi sur la question ayant été élaboré par le ministère de la Justice argentin (b).

a) Le régime pénal pour les mineurs actuellement en vigueur : un vestige de la dictature militaire

En Argentine, le code pénal ne fait pas référence à l'âge en ce qui concerne la responsabilité pénale ou l'imputabilité. C'est la loi n° 22.278 du 25 août 1980 qui régit la responsabilité pénale des mineurs. Celle-ci date encore de la dernière dictature militaire de l'Argentine, celle de Jorge Rafael Videla, qui promulga la loi.

Force est de constater, comme le ministère de la Justice argentin le fait sur son site pour une réforme de la justice en 2020 33 ( * ) , que la loi actuelle soulève des doutes quant à sa conformité avec la protection intégrale des droits de l'enfant prévue par la Convention relative aux droits de l'enfant de l'ONU, ratifiée par la République argentine en 1990 34 ( * ) . Qui plus est, cette convention a valeur constitutionnelle depuis son insertion à l'article 75, al. 22 de la Constitution argentine en 1994.

Cette situation d'incompatibilité est devenue manifeste à la suite de la condamnation de l'Argentine par la Cour interaméricaine des droits de l'homme dans l'affaire Mendoza 35 ( * ) , où des mineurs délinquants furent condamnés à la réclusion à perpétuité en vertu de la loi pénale des mineurs n° 22.278. Cette situation a également été déclarée anticonstitutionnelle par la Chambre fédérale de cassation pénale de l'Argentine 36 ( * )

C'est pour cette raison que le ministère de la Justice et des droits de l'Homme argentin prit une résolution 21/17 afin de créer une nouvelle commission de travail chargée d'élaborer un nouveau système de responsabilité pénale pour les jeunes. De ce travail est issu un avant-projet de loi qui a été présenté au Congrès argentin 37 ( * ) .

Toutefois, étant donné que la loi n° 22.278 de 1980 établissant le régime pénal des mineurs ayant commis des délits, modifiée par la loi n° 22.803 de 1983 est toujours la loi en vigueur en Argentine, c'est cette dernière loi qui sera exposée ici. Un aperçu de l'avant-projet de loi sera également donné.

L'article premier de la loi en vigueur dispose que la personne mineure de 16 ans n'est pas punissable pénalement. En d'autres termes, l'âge de majorité pénale en Argentine est fixé à 16 ans.

Une dérogation à cette norme est prévue dans le même article pour les délits dits d'action privée ( delito de acción privada ), c'est-à-dire ceux dont le procès ne peut être intenté d'office par le ministère public mais uniquement à la demande de la victime, et pour les délits pour lesquels sont prévues des peines de prison de moins de deux ans, une amende ou une habilitation. Dans ces cas, l'âge minimum pour l'imputabilité de responsabilité pénale est de 18 ans.

Dans le reste des cas, l'article 2 de la loi soumet, au niveau national, les mineurs de 16 ans à 18 ans au même procès pénal que le reste de la population. L'article 4 de la loi dispose toutefois que pour l'exécution de la peine une tutelle doit alors être mise en place jusqu'à la majorité à partir de laquelle la personne devenue majeure exécute sa peine dans les conditions de droit commun. Le juge a la faculté de réduire la peine en cas de minorité du délinquant, circonstance qui est assimilée à la tentative.

Enfin, l'article 6 prévoit que les peines privatives de liberté dont feraient objet les mineurs doivent s'accomplir dans des instituts spécialisés.

b) L'avant-projet de loi argentin portant système de responsabilité pénale pour les jeunes

L'avant-projet de loi argentin 38 ( * ) fait état de la nécessité de créer un système de justice pénale spécialisé pour les mineurs. À cet égard, les principales difficultés du régime actuel résultent de l'absence d'acteurs de justice spécialisés dans les litiges avec les mineurs (juges, procureurs, chambres spécialisées...), de l'absence de normes de procédure adaptées et aussi du manque de modes alternatifs de résolution de conflits dans les litiges mettant en cause des mineurs.

L'avant-projet de loi vise à pallier ces lacunes, à instaurer une justice spécialisée pour les mineurs et à encourager les modes alternatifs de résolution des conflits. Notons au passage que le modèle mexicain présenté ci-dessus a pu lui fournir un modèle.

Dans cette logique, l'avant-projet pose le principe de l'intérêt supérieur de l'adolescent et l'obligation de traitement des litiges mettant en cause des mineurs dans des organes de justice spécialisés.

En ce qui concerne l'âge de majorité pénale, l'article premier de l'avant-projet fixe l'âge minimal de responsabilité pénale à 14 ans. Toutefois, des précisions importantes concernant l'imputabilité sont apportées concernant trois tranches d'âge :

- les personnes âgées de 14 ans peuvent se voir imputer un délit si la peine maximale prévue par le délit commis est de 25 ans de prison ;

- les personne âgées de 15 ans peuvent se voir imputer un délit si la peine maximale prévue par le délit commis est de 15 ans de prison ;

- les personnes entre 16 et 18 ans peuvent se voir imputer un délit si celui-ci est un délit d'action publique pour lequel une peine de plus de trois ans de prison est prévue (art. 2).

L'article 85 de l'avant-projet établit la non-imputabilité pénale des mineurs dans le reste des cas.

Les mêmes conditions d'âge et de peine minimale sont prévues pour l'établissement de peines privatives de liberté à l'exception des conditions prévues pour les jeunes d'entre 16 et 18 ans qui ne pourraient faire l'objet d'une peine privative de liberté que dans les cas où la limite supérieure de la peine prévue est d'au moins 10 ans ou plus. Ce type de peines constitue le dernier recours et doivent être révisables et prononcées pour la durée la moins longue possible. En aucun cas, une peine privative de liberté ne peut être prononcée pour des contraventions.

L'avant-projet reconnaît en outre le critère d'opportunité dont peut faire usage le ministère public afin de ne pas poursuivre des faits illicites, à l'exception des faits pour lesquelles une peine maximale de dix ans est prévue.

En ce qui concerne les sanctions applicables, elles font aussi l'objet d'une distinction entre les sanctions de nature socio-éducative, les sanctions disciplinaires et les sanctions privatives de liberté. Les sanctions socio-éducatives, qui seraient les premières prévues par la loi au niveau fédéral en Argentine, rendent obligatoire la participation à des programmes différents d'éducation et de réinsertion dans la société. Il peut s'agir également de programmes de formation professionnelle ou de traitements psychologiques.

Les sanctions dites disciplinaires consistent en des interdictions de conduite de véhicule, de fréquentation de certains lieux ou d'y résider, de consommation de l'alcool et d'autres substances. La réparation du dommage et la réalisation de services d'intérêt général peuvent être également ordonnées.

Les peines privatives de liberté peuvent s'accomplir dans le domicile de l'adolescent ou dans des centres de réclusion ouverts ou fermés spécialisés. Éventuellement, elles peuvent être imposées uniquement pendant la fin de la semaine.

Le reste de dispositions font référence à la formation spécialisée des acteurs de justice, à la spécialisation des centres de réclusion, au caractère socio-éducatif des mesures et au suivi de l'exécution des peines par le juge. À cet égard, il convient de mettre en exergue l'obligation pour le juge chargé de l'exécution des peines et des sanctions socio-éducatives de visiter les centres de réclusion pour les jeunes et de les inspecter au moins tous les trois mois.

ÉTUDE COMPARÉE DES POLITIQUES ET DE LA RÉGULATION DES DROGUES AU DANEMARK ET EN ESPAGNE

I. PRÉSENTATION DU CONTEXTE HISTORIQUE DE LA RÉGULATION DES DROGUES AU DANEMARK ET EN ESPAGNE

1. Une consommation diversifiée grâce à la baisse des coûts des substances et accélérée par la deuxième guerre mondiale au Danemark

Dans le Danemark du XIX e siècle, compte tenu des coûts de production élevés des substances chimiques, les substances psychotropes n'étaient consommées qu'au sein des milieux aisés. Plus particulièrement, les médecins et leur entourage proche furent les premiers à souffrir significativement des effets de la toxicomanie en raison de leur exposition habituelle à la morphine, utilisée pour pallier les douleurs.

En l'absence de législation en la matière, ces cas de consommation ne donnaient lieu à aucun procès, aucune sanction n'était prononcée, ni aucune mesure disciplinaire comme une radiation en cas d'addiction du soignant ou de prescription abusive. La consommation de ces substances ne revêtait pas, à l'époque, un caractère dangereux ou une importance sociale considérable qui aurait justifié de telles mesures.

Au XX e siècle, l'avènement de l'industrie pharmaceutique et le développement des procédés chimiques entraîna une baisse substantielle des coûts de production, ce qui contribua à la diffusion des psychotropes au sein de la société.

Toutefois, c'est surtout sous l'occupation allemande que le trafic se développa au Danemark, notamment dans les bars de Nyhavn à Copenhague.

Face à ce problème, le gouvernement danois mit en place une commission qui donna lieu, le 24 mai 1955, à la première législation contre les substances dites « euphorisantes » 39 ( * ) , qui devait compléter la seule législation existante sur l'opium et permettre la radiation des médecins en cas d'addiction grave voire la suspension des autorisations de délivrance d'ordonnances en cas de prescriptions abusives.

En outre, le trafic qui avait pour objet principal la morphine et l'opium pouvait dès lors être puni de deux ans de prison.

Avec l'émergence de la culture dite hippie, les années 60 virent apparaître le trafic de cannabis. Dès 1969, un texte permet au ministre de l'intérieur de disposer des mêmes prérogatives concernant l'interdiction de consommations, de possession et de trafic de substances euphorisantes que les décrets actuels accordent au ministre de la Santé 40 ( * ) . Ce transfert de compétence témoigne d'une évolution dans le traitement de la question, qui met désormais davantage en exergue les enjeux de santé publique plutôt que les mesures répressives, ces dernières étant moins dures que dans les pays voisins, la Suède et la Norvège notamment.

Depuis septembre 1971, des personnes se sont installées dans les entrepôts militaires désaffectés de Christianshavn. Ils y ont établi la commune libre de Christiania qui est devenue avec le temps un centre névralgique du trafic de drogues en Scandinavie, faisant régulièrement l'objet de raids de police mettant en porte-à-faux les autorités danoises, étant donné qu'il s'agit du lieu le plus visité de la capitale.

2. La perspective espagnole marquée par le souci de rompre avec le passé autoritaire

La politique et la régulation des drogues actuellement en vigueur en Espagne ne peut se comprendre de manière complète sans porter un regard sur l'histoire récente de l'Espagne et, plus particulièrement, sur la période de 1950 à 1978, période comprenant les premiers moments du régime franquiste et la transition démocratique entre 1975 et 1978 41 ( * ) .

Ainsi la consommation de haschich était-elle légale et tolérée dans les années 50 pour les militaires affectés en Afrique du Nord. Pendant cette période, la société espagnole vécut dans une grande méconnaissance des drogues, y compris du haschich, ce qui fit de la péninsule ibérique un territoire certes de transit, mais non de consommation.

La normalisation de la consommation en Espagne a été tardive et s'est produite à partir des années 1960-1970. Avant cette période, c'était surtout la morphine, utilisée pour soigner les blessés de la guerre civile et des guerres coloniales, qui était répandue dans la population.

Or à partir des années 1960, la consommation des drogues, surtout du haschich fut considérée, spécialement dans les milieux plutôt aisés et progressistes, comme une forme de contestation du régime franquiste.

À ce titre, la lutte contre les drogues revêtit pour le régime franquiste le caractère essentiel d'une lutte contre la jeunesse dissidente. La même substance, jusqu'alors légale et consommée par un corps traditionnel et très intégré dans la société (les militaires) devint l'objet d'une répression, non pas sur le fondement d'un raisonnement empirique sur la dangerosité du produit mais pour des considérations politiques et de basculement social.

Force est de constater que les magistrats espagnols opposèrent une résistance aux tentatives d'érosion des libertés individuelles initiées par le gouvernement. En effet, en se fondant sur une lecture stricte de l'article 344 du code pénal espagnol de 1973 42 ( * ) relatif aux drogues et substances psychotropes, qui ne punissait pas de façon explicite la consommation personnelle mais uniquement les situations favorisant le trafic de drogues ou la consommation de celles-ci par des tiers, la jurisprudence espagnole, bien qu'elle eût pu en juger autrement, considéra que l'interdiction de la consommation personnelle portait atteinte à la liberté individuelle.

Le code pénal de 1973 était issu d'une refonte ordonnée en 1971 et réalisée dans les dernières années du régime instauré par Franco, qui meurt en 1975. En ce qui concerne la partie relative aux drogues, l'adoption du texte fut motivée par les pressions internationales pour satisfaire les obligations découlant de la Convention unique de l'ONU sur les stupéfiants de 1961 43 ( * ) .

Sous l'égide de la Constitution démocratique du 29 décembre 1978 et à la suite de l'arrivée au pouvoir des socialistes et notamment de Felipe González, la réforme du code pénal de 1983 ne pénalisa pas davantage la consommation personnelle de drogues.

Les seules entorses portées à ce dogme de la dépénalisation portent sur l'interdiction de la possession de stupéfiants dans l'espace public, prévue par une loi sur la protection de la sécurité citoyenne de 1992 44 ( * ) . Cette disposition est toujours en vigueur dans la nouvelle version de cette loi de 2015 45 ( * ) (cf. infra ).

II. LA LÉGISLATION ACTUELLE AU DANEMARK ET EN ESPAGNE SUR LA CONSOMMATION ET LE TRAFIC DE DROGUES

Conformément au principe d'intervention minimale, la partie la plus répressive des politiques concernant les drogues se trouve dans la législation du code pénal ; celui de 1995 en Espagne, et celui de 1930 au Danemark.

Néanmoins, après une grande réforme du code pénal espagnol en 2015 qui entraîna la suppression des contraventions ( faltas ), les infractions les moins graves, c'est-à-dire la consommation ou la détention de stupéfiants dans l'espace public, sont sorties du domaine pénal et font l'objet de sanctions administratives ( ilícitos administrativos ) qui sont régulées dans la loi organique de sécurité citoyenne en vigueur ( Ley de seguridad ciudadana 46 ( * ) ).

On retrouve une situation similaire au Danemark où les infractions les moins graves font l'objet d'une loi spécifique, la loi sur les stupéfiants de 2008 ( lov om euforiserende stoffer 47 ( * ) ) modifiée en 2012 et en 2016 avec l'inclusion expresse des salles de shoot. Le code pénal se réfère explicitement à cette loi pour déterminer également la licéité de certaines situations comme c'est le cas de l'usage thérapeutique de certaines substances, le cannabis notamment. La loi sur les substances stupéfiantes est aussi assortie d'un décret d'application ( Bekendtgørelse om euforiserende stoffer 48 ( * ) ).

1. La législation actuelle sur les drogues au Danemark
a) La régulation du trafic de drogue opérée par le code pénal danois

L'article 191 du code pénal danois interdit le trafic de drogue, compris comme un échange de type marchand, que la contrepartie soit réalisée en argent ou d'une autre façon. À ce titre, il dispose que « celui qui s'est livré à un trafic de substances stupéfiantes auprès d'un nombre important de personnes ou en échange d'une contrepartie significative ou bien lors de circonstances aggravantes particulières, trafiqué des substances euphorisantes, est passible d'une peine de privation de liberté jusqu'à 10 ans ».

Contrairement au cas espagnol, il n'y est pas fait mention de la nécessité d'une atteinte à la santé publique pour caractériser l'infraction à la loi.

Une modulation de la peine est prévue en fonction de la gravité des faits, de la quantité échangée ou même de la dangerosité des substances lorsque le trafic « concerne une quantité importante de substances particulièrement dangereuses ou nuisibles ou si le trafic d'une telle substance revêt entre autre un caractère dangereux, la peine peut s'élever jusqu'à 16 ans ».

b) La loi sur les substances euphorisantes et son décret d'application

Il faut se référer à la loi danoise sur les substances euphorisantes afin de déterminer ce qui est considéré de manière générale comme drogue du point de vue pénal. Cette loi fait référence expresse aux catégorisations introduites par les conventions internationales et aux avis de l'Agence nationale de santé publique danoise ( Sundhedsstyrelsen ).

De façon plus explicite, le décret danois d'application de la loi sur les substances euphorisantes dispose qu'il faut comprendre par produits euphorisants « les substances, plantes et drogues, les substances inscrites sur les listes ABCDE en annexe de ce décret ainsi que les possibles sels ou simples dérivés ayant des effets euphorisants, desdites substances » indépendamment de la pureté de celles-ci ou de leur mode d'extraction ou de fabrication.

Les listes ABCDE susmentionnées incluent la nomenclature chimique des substances considérées comme des drogues sur le territoire danois. Ce système de listes permet de réguler le statut juridique des différentes substances et d'encadrer leur illicéité complète ou leur possibilité d'être utilisées à des fins médicales ou de recherche :

- la liste A contient les substances totalement interdites sur le territoire sauf accord exceptionnel de l'agence nationale de sécurité du médicament ( Lægesmidelsstyrelsen ). Cette liste comprend toutes les parties hors sol de la plante du cannabis à l'exception des graines et des fibres isolées (textiles), de l'opium et ses dérivés et de ses résidus, du pavot, du khat, du LSD, de la morphine et ses dérivés et de l'héroïne ;

- les listes B, D, E contiennent les nomenclatures chimiques des substances ne pouvant être utilisées qu'à des fins médicales ou de recherche ;

- la liste C regroupe les substances qui non préparées tombent sous l'interdiction prévue par la loi sur les substances euphorisantes mais qui une fois sous forme de préparation pharmaceutique ne sont plus interdites.

En vue de la considération d'une substance comme préparation pharmaceutique qui peut être licite si incluse dans la liste C, l'alinéa 2 en donne une définition très précise comme « les solutions, les dilutions, les extraits, les concentrés, les alcoolatures, les préparations pharmaceutiques de toutes sortes ainsi que toute préparation n'entraînant pas de modifications chimiques des substances ».

Une circulaire du Ministère public danois 49 ( * ) , régulièrement mise à jour, précise les critères d'application des textes en vigueur en la matière.

Aussi y trouve-t-on fixés les seuils de référence recommandés dans les différents cas.

La possession pour un usage personnel de 10 g de résine de cannabis, 50 g de cannabis ou 0,5 g d'amphétamine ou 1-2 pilules d'ecstasy, 0,2 g de cocaïne ou d'héroïne est sanctionnée la première fois par un rappel à la loi, et en cas de récidive par une amende. Toutefois, en cas d'addiction grave, le recours à un nouveau rappel à la loi est préconisé.

En cas de soupçon de trafic, au vu des quantités, du matériel saisi, ou d'autres éléments concordants, est appliquée, en règle générale, la loi sur les substances euphorisante en deçà de 10 kg de résine de cannabis ou 10 à 15 kg de cannabis ou 50 g d'amphétamines ou 150-200 pilules d'ecstasy ou 25 g de cocaïne ou d'héroïne. Au-dessus de ces seuils, le Ministère public danois requiert l'application des peines prévues dans le code pénal, jusqu'à 10 ans de prison.

Les peines aggravées figurant dans l'article 191 al.1 in fine s'appliquent au-delà des quantités suivantes : 1,3-1,5 kg de cocaïne ou d'héroïne ou environ 2 kg d'amphétamines ou d'environ 2 kg soit l'équivalent de 8 000 pilules d'ecstasy, pour lesquelles une peine de prison allant jusqu'à 16 ans est prévue.

Il est expressément mentionné que les dispositions de ce dernier point, qui sanctionnent le caractère particulièrement nocif de la substance, ne s'appliquent pas au cannabis, celui-ci n'étant pas considéré comme très dangereux ni très nocif.

Ce point mérite attention car, il s'agit là de la seule occurrence pouvant être rapprochée d'une forme de distinction entre drogue dure et drogue douce, notion n'ayant pas d'existence légale propre, étant donné que le cannabis figure sur la liste A du décret d'application sur les substances euphorisantes au même titre que la cocaïne, l'héroïne ou le LSD.

2. La régulation actuelle sur les drogues en Espagne
a) La régulation en matière de drogues prévue dans le code pénal espagnol

Les articles du code pénal relatifs aux drogues 50 ( * ) se trouvent dans la partie concernant les délits contre la santé publique ( delitos contra la salud pública ) ce qui ne manque pas d'orienter la jurisprudence, spécialement dans les cas de dépénalisation de la consommation à titre personnel.

La jurisprudence du Tribunal suprême espagnol a eu l'occasion de définir la santé publique « non pas en tant qu'une entité réelle de nature biologique mais comme une manière verbale de signaler un danger interdit au sein de l'ordre social » 51 ( * ) .

Il convient également de relever qu'une division est établie au sein des articles contenant les délits contre la santé publique entre :

- les substances chimiques dangereuses (arts. 359 et 360) ;

- la simulation de médicaments et le dopage (arts. 361 à 362 quinquies ) ;

- les substances destinées à la consommation (aliments) (arts 363 à 365) ;

- et les « drogues toxiques, stupéfiants et substances psychotropes » (arts. 368 à 378).

C'est surtout la dernière catégorie qui nous intéresse, plus précisément les articles dédiés au délit du trafic de drogues.

À cet égard, la législation espagnole renvoie largement aux instruments internationaux la question de la qualification d'une substance comme drogue ou psychotrope, notamment à la Convention unique de New-York de 1961 sur les stupéfiants et à la Convention de Vienne de 1978 sur les substances psychotropes ce qui a valu à cette méthode la qualification de « loi pénale en blanc ».

Toutefois et afin de faire face aux évolutions des substances mises en circulation, un décret royal établit un protocole défini afin de considérer une substance comme stupéfiant au niveau national 52 ( * ) . Ce protocole tient compte des similarités avec les stupéfiants connus, de l'utilité thérapeutique, du risque d'abus et de la qualification donnée par les organes compétents des États tiers, notamment ceux de l'Union européenne.

Or les situations prohibées par la législation pénale espagnole sont uniquement celles susceptibles de porter atteinte à la santé publique. C'est le seul risque pour la santé publique qui justifie les sanctions, sans qu'il soit besoin pour les imposer d'une atteinte effective à celle-ci. Dès lors, les articles 368 à 378 du code pénal précités font référence aux actes de promouvoir, favoriser ou faciliter la consommation illégale, l'essentiel de l'interdiction reposant sur le fait d'encourager ou de faciliter pour la consommation des tiers et sur le fait d'affecter l'entourage du consommateur.

En conséquence, la consommation ou la détention à titre personnel n'est pas pénalisée, celle-ci ne pouvant pas affecter la santé publique 53 ( * ) . Cette dépénalisation ne couvre pas uniquement des situations où l'individu se trouve seul, mais s'applique aussi à des situations où la drogue est consommée à plusieurs dans un cercle restreint et privé. Cela a donné lieu notamment aux dits « clubs de cannabis » (cf. infra ). Si l'admission de ces clubs est venue de la jurisprudence et a des répercussions sur les politiques publiques, il n'en demeure pas moins que la loi sur la sécurité citoyenne, loi de police administrative, a apporté des restrictions notoires en matière de détention et de consommation, même à titre personnel, dès lors qu'elle se réalise dans l'espace public.

b) Les répercussions de la police administrative et de la loi sur la sécurité citoyenne de 2015

Le concept de « sécurité des citoyens » est mentionné dans l'article 104.1 de la Constitution espagnole qui indique que la sauvegarde de cette sécurité et la protection du libre exercice des droits et des libertés constituent la mission des forces de sécurité publique. C'est dans la droite ligne de cette notion constitutionnelle qu'a été adoptée la loi sur la sécurité citoyenne de 2015, qui a remplacée l'ancienne loi de 1992, précitées.

La loi de sécurité citoyenne actuelle fait mention dans son préambule du fait que le droit administratif répressif ( derecho administrativo sancionador ) et le droit pénal constituent des manifestations, avec des nuances différentes, du même jus puniendi de l'État, c'est-à-dire la compétence de l'État pour sanctionner des comportements nocifs ou dangereux.

C'est pour cette raison que le préambule de la loi indique que les principes du droit pénal s'appliquent, mutatis mutandis , à ce droit administratif répressif conformément à la jurisprudence constante et de longue date du Tribunal suprême et du Tribunal constitutionnel espagnols 54 ( * ) .

Pour autant, l'approbation de cette loi en 2015 a fait l'objet de l'opposition d'une partie de la société civile espagnole, au regard du caractère disproportionné de certaines dispositions, à l'accroissement sensible du pouvoir discrétionnaire de la police et à la présomption difficilement réfragable des procès-verbaux établis.

Le caractère répressif de la loi de sécurité citoyenne de 2015 est perceptible dans l'incorporation des anciennes contraventions ( faltas ) du code pénal dans cette loi qui les inclut dans les dans les infractions définies comme « graves » 55 ( * )

En matière de drogues, sont considérés comme des infractions graves :

- la consommation ou la détention illicite de drogues toxiques, stupéfiants ou substances psychotropes dans l'espace public (voies et établissements publics, transports en commun...) ;

- la culture et la production de drogues de façon visible pour le public, c'est-à-dire que la culture pour la consommation personnelle doit rester cachée ;

- le fait de tolérer la consommation de drogues dans les établissements ouverts au public par leurs tenanciers (débits de boissons principalement).

Les sanctions prévues pour ces infractions sont uniquement pécuniaires, étant donné que les mesures privatives de liberté ne sauraient être prononcées par l'administration ni par la police administrative, conformément à l'interdiction formelle posée par l'article 25 al. 3 de la Constitution espagnole. En fonction de la classe d'infraction ( grado ), ces amendes peuvent aller de 601 à 30 000 euros.

La loi pose explicitement l'obligation de respecter le principe de proportionnalité dans l'application des sanctions et prévoit des critères pour déterminer la classe d'infraction en l'espèce. Ces critères tiennent compte, entre autres, du risque causé à la santé publique, du degré de culpabilité et de la capacité économique du contrevenant.

La commission d'une infraction entraîne normalement l'application de l'amende de classe inférieure (de 601 à 10 400 euros). En revanche, et de façon similaire aux circonstances aggravantes du droit pénal, en cas de récidive, ou si lors de la commission sont intervenues des menaces, des violences, des intimidations, des guets-apens ou sont concernées des personnes vulnérables, la loi prévoit l'application de l'amende de classe moyenne (de 10 401 à 20 200 euros).

L'application des amendes dans leur classe maximale est prévue uniquement pour les faits d'une spéciale gravité et compte tenu du nombre de circonstances concurrentes.

III. L'ORIENTATION OFFICIELLE DES POLITIQUES PUBLIQUES EN ESPAGNE ET AU DANEMARK

1. L'orientation des politiques publiques sur les drogues au Danemark

La lutte contre le trafic de drogues et contre la toxicomanie au Danemark s'inscrit actuellement dans le cadre d'un plan d'envergure nationale établi en 2010 dénommé « Lutte contre la drogue II » ( Kampen mod Narko 56 ( * ) ). Il succède à la mise en place du programme « Lutte contre la drogue I » de 2003.

Ce dernier plan avait pour but de renforcer la responsabilité citoyenne vis-à-vis des personnes les plus vulnérables dont font notamment partie les toxicomanes. Pour ce faire, le plan propose de réduire le nombre de nouveaux consommateurs, d'aider les personnes déjà atteintes et de durcir la lutte contre la criminalité liée aux stupéfiants.

La proposition fut faite en 2003 de rehausser les sanctions prévues par le code pénal danois dans son article 191 in fine concernant la narco-criminalité aggravée. Cette proposition fut adoptée bien que pour les cas les plus graves de trafic de stupéfiants une peine de prison allant jusqu'à 16 ans est aujourd'hui prévue.

Le politique danoise des drogues comportait également un volet de lutte contre le trafic international et à cet effet, le gouvernement souhaitait renforcer son action contre les bandes organisées, comme celle des Hell's Angels , et agir notamment dans le quartier de Christiania.

Pour ce quartier, la présence de tout produit contenant du cannabis ou ses dérivés entraîne systématiquement sa confiscation et l'arrestation sur place des détenteurs. Cependant, ces dispositions n'ont pas été reprises à l'heure actuelle dans la loi en vigueur sur les substances euphorisantes.

La stratégie gouvernementale reconnaît que les problèmes sociaux, la toxicomanie, la criminalité et le trafic de stupéfiants sont intimement liés, et requièrent donc une action conjointe des autorités nationales, régionales et locales en étroite collaboration avec les citoyens, les personnes affectées, les organisations privées, les institutions et de concert avec les écoles, les associations, les discothèques et de manière générale, le milieu festif.

Dans le préambule du plan, la toxicomanie est définie comme un état ou une affection chronique. Il est de plus souligné l'importance du traitement afin de limiter les effets délétères, le sevrage ne pouvant être toujours atteint.

La politique déployée se fonde sur les appréciations d'un comité d'experts ayant statué sur la validité médicale des mesures proposées de lutte contre la toxicomanie et de prévention des risques qui y sont liés. Elle traduit ainsi la volonté du gouvernement d'agir pour protéger au mieux la santé des citoyens, avec un fort souci de consensus, dans le respect des contraintes budgétaires.

Afin de parvenir à la réalisation des objectifs fixés dans le cadre du plan national, l'Agence nationale de santé publique ( Sundhedsstyrelsen ) a mis en place un projet préventif de « villes modèles », intitulé « la drogue hors des villes » ( Narkoen ud af byen) 57 ( * ) , visant à créer une synergie et une coordination d'action entre tous les acteurs locaux concernés (municipalités, police, parents établissements scolaires, associations et milieu festif). Cela s'est concrètement traduit par la mise en place par l'Agence nationale de santé publique du projet dans 14 communes du pays 58 ( * ) à partir de 2004 et sur une durée de trois ans. La cible de ce projet était les personnes âgées d'entre 13 et 25 ans et, de manière plus large, les parents et adultes travaillant en contact avec des jeunes. À ce titre, 14 objectifs ont été fixés et un budget d'un million de couronnes danoises a été alloué à chaque commune pour l'emploi d'un coordinateur municipal et la réalisation desdits objectifs.

D'après l'évaluation réalisée par Sundhedsstyrelsen 59 ( * ) , il ressort que l'impact de ce plan a été significatif et a permis dans la grande majorité des cas d'inscrire dans le temps une politique de prévention efficace de prise en charge financée par les communes.

2. L'orientation officielle et consensuelle des politiques publiques concernant les drogues en Espagne

En Espagne, les politiques publiques en matière de drogues sont d'abord marquées par le partage de compétences entre l'État central et les communautés autonomes.

Ainsi la Constitution espagnole dispose-t-elle, dans son article 148, que ces dernières peuvent adopter leurs propres lois autonomes 60 ( * ) en matière de santé, d'hygiène, et d'assistance sociale. L'État central a, en tout état de cause, la compétence exclusive sur les bases et la coordination générale de la santé aux termes de l'article 149 de la Constitution. Bien que la matière sanitaire soit fort décentralisée en Espagne, il existe de longue date une volonté de concertation et d'action commune de la part des acteurs des différents échelons impliqués dans les politiques publiques afférentes aux drogues. À cet égard, la délégation du gouvernement pour le Plan national sur les drogues fut créée en Espagne en 1985.

À l'heure actuelle, la stratégie nationale sur les addictions 2017 - 2024 61 ( * ) est le document qui régit et coordonne l'intervention des pouvoirs publics en matière de drogues. Cette stratégie qui oriente de manière officielle les politiques publiques dans le cadre d'un « Plan national sur les drogues », a été approuvée notamment par une commission réunissant les communautés autonomes, par le Conseil espagnol des toxicomanies et le Conseil des ministres au début de l'année 2018. Le caractère participatif et consensuel de cette stratégie est mis en exergue. Qui plus est, tous les échelons territoriaux concernés mais aussi les ONGs présentes dans le secteur, les sociétés scientifiques et les centres de recherches participent à cette stratégie et au plan national sur les drogues qui est devenu l'outil principal pour apporter des réponses aux problématiques soulevées par les drogues.

La stratégie espagnole pour les drogues 2017 - 2024 mentionne notamment :

- la prépondérance de la consommation des drogues « légales », c'est-à-dire, l'alcool et le tabac, suivis ensuite du cannabis et de ses dérivés, non légalisés ;

- l'obligation d'inclure une perspective d'égalité de genre et une prise en considération des violences faites aux femmes dans la lutte contre la drogue. À ce titre, l'alcoolisme de l'agresseur est souvent dénoncé dans les cas de violences sexistes et, qui plus est, les femmes dans cette situation ont un risque majeur de devenir elles-mêmes dépendantes de l'alcool. Les mineurs et les femmes, avec la population carcérale et les professionnels de l'hôtellerie, constituent au demeurant la population visée expressément en priorité par la stratégie pour les drogues ;

- l'adoption d'une logique économique dans la lutte contre la drogue en se concentrant sur la réduction de l'offre et de la demande de drogues et sur la prise de conscience de l'interconnexion des marchés au niveau européen et de la position de l'Espagne comme lieu de transit des drogues. C'est pourquoi sont préconisés la lutte contre le blanchiment d'argent en collaboration avec les établissements bancaires et l'éducation sur les risques des drogues adressée aux jeunes. À l'égard de ces derniers, l'objectif est de retarder l'âge de début de la consommation ;

- l'inclusion des addictions sans prise de substance (ludopathie et techno-dépendances notamment) dans la politique de lutte contre les drogues ;

D'une façon générale, la politique contre les drogues se veut orientée vers la réduction des risques et met l'accent sur l'insertion sociale et professionnelle des anciens toxicomanes. Pour y arriver, l'universalité et la gratuité des soins sont assurées. La prise en compte et l'adaptation de la réglementation aux résultats scientifiques et aux données empiriques sont également préconisées.

IV. EXEMPLES D'APPLICATIONS CONCRÈTES : LES CAS DU CANNABIS ET DES SALLES DE CONSOMMATION À MOINDRE RISQUE (SALLES DE SHOOT)

1. La réglementation des salles de consommation de drogues à moindre risque au Danemark

L'existence de ces lieux met en exergue le souci du gouvernement danois de conduire une politique la plus cohérente et la plus efficace possible.

Ainsi, ayant à coeur la prévention de l'impact et des risques sanitaires, il fut proposé, contrairement à ce qui figurait dans le plan d'orientation de la politique publique sur les drogues « Kampen mod Narko » de 2003, réaffirmé dans le plan de 2010 « Kampen mod Narko II », de permettre la mise en place de « salles de shoot ». Une modification de la loi sur les substances euphorisantes est entrée en vigueur le 18 juin 2012, pour répondre à la forte mortalité liée à la consommation de drogues dans l'espace public, notamment l'héroïne (239 décès en 2008, 276 en 2009) et une population toxicomane passant de 28 000 en 2005 à 33 000 en 2009, croissance qui avait été endiguée avec les mesures prises en 2003.

Aussi la nouvelle loi sur les substances euphorisantes dispose-t-elle dans son article 3.B al. 1 que :

« Le ministre de la Santé et des personnes âgées peut, à la demande d'un conseil municipal, accorder des autorisations particulières concernant la mise en place et la gestion de salles de prise de substances ( stofindtagelsesrum) municipales ou dirigées par des institutions privées (dont la direction est au préalable négociée avec la municipalité) destinées aux personnes de plus de 18 ans dont la forte dépendance résulte d'une prise de substances euphorisantes inscrite dans la durée et persistante ».

L'article 3.B alinéa 2 octroie également un pouvoir au ministre afin qu'il « arrête des règles plus précises concernant les salles de shoot susnommées concernant notamment les conditions d'hygiène de l'environnement d'accueil, la surveillance par des personnels qualifiés, la prise de stupéfiants, les offres sanitaires et sociales et des comptes rendus (évaluations) ».

La prise de substances euphorisantes dans ces salles est dès lors très encadrée. Les usagers consomment sur place des substances qu'ils se sont eux-mêmes procurés hors-les-murs et ils les consomment seuls, le personnel ne pouvant en aucun cas les aider à prendre les dites substances.

Toutefois, le personnel invite régulièrement les usagers à participer à des formations concernant l'hygiène et la manière de procéder. Il est à noter que la majorité des usagers ne participe pas à ces formations, ayant pris l'habitude de consommer les produits dans la rue. Les personnes suivant ces formations précisent, tout de même, y avoir appris de nombreuses choses utiles.

Une étude d'impact 62 ( * ) a été menée par l'Institut des soins de l'École professionnelle de l'université de Copenhague (Institut for Sygepleje på Professionshøjskolen Metropol ) entre 2013 et 2015 dans les 5 salles existant durant cette période (3 à Copenhague, 1 à Aarhus et 1 à Odense). Il résulte des données collectées une baisse de la mortalité par surdose sur la période 2012-2014 ainsi qu'une légère hausse sur le plan national en 2015, toutefois hors de Copenhague et Aarhus.

Dès leur installation ces lieux ont été très fréquentés. Au moment de l'étude, on recense 6.175 utilisateurs répartis sur l'ensemble des salles. Ce chiffre est en constante augmentation.

Qui plus est, l'étude a permis de mettre en avant la prépondérance du travail social qui peut être effectué au sein de ces structures, afin de créer un lien avec les usagers, qui se sentent considérés comme des êtres humains et attachent beaucoup d'importance à l'interaction avec le personnel. La proximité immédiate des salles avec les centres d'hébergement et souvent de désintoxication permet également d'orienter les usagers vers les institutions adéquates.

En 2016, une modification 63 ( * ) de la loi sur les substances euphorisantes a été adoptée par le Parlement pour amender le processus de prise de substances. Désormais, dans les communes ayant décidé de le permettre, le personnel peut autoriser un usager dont l'état de manque empêche une prise de stupéfiant de manière sécurisée à être assisté par un tiers n'appartenant pas à la salle.

La circulaire sur les narcotiques du Ministère public indique qu'à l'intérieur et aux abords immédiats d'une salle de prise de substances, la possession pour un usage personnel de substances euphorisantes ayant été signalées aux services de police lors de l'ouverture de ladite salle, ne fait pas l'objet de poursuites ni de confiscation dans le cas d'un majeur fortement dépendant se rendant à la salle de prise de substance à des fins de consommation.

2. L'ouverture des salles de consommation de drogues à moindre risque dans un cadre juridique imprécis en Espagne

En Espagne, l'ouverture de salles de consommation à moindre risque, appelées également salles de consommation supervisée ou hygiénique, s'est réalisée dans un cadre juridique quelque peu imprécis.

Au niveau de l'État central, l'article 43 de la Constitution espagnole laisse ouverte la possibilité, de façon générale, de mettre en place de ces salles dans la mesure où il autorise la mise en place des mesures préventives et des services nécessaires pour la protection de la santé. Ces dispositions ont été reprises dans la loi générale de santé de 1986 64 ( * ) .

Cependant, c'est au niveau des communautés autonomes, compétentes en la matière, que la décision d'une ouverture de salle de ce genre est prise et nous devons nous à la réglementation adoptée par le cadre légal de la communauté en question.

La première salle de ce type en Espagne fut ouverte dans une banlieue marginalisée de la communauté de Madrid en 2000. Elle a été récemment fermée le 31 janvier 2011 à cause des contraintes budgétaires 65 ( * ) .

L'ouverture avait été décidée sur le fondement de la loi d'aménagement urbain de la communauté de Madrid de 1995, dans sa version modifiée de 1997 66 ( * ) . Pour autant, cette loi ne fait aucune mention des salles de consommation à moindre risque mais elle autorise, en son article 33, l'ouverture d'infrastructures de n'importe quel type, y compris des constructions et des installations précises, dès lors qu'elles sont justifiées par l'urgence par des raisons d'intérêt public exceptionnel. En l'espèce, cette clause de compétence générale fit l'objet d'une interprétation particulière en ce sens, en accord notamment avec le Plan national sur les drogues de l'époque.

Cette ouverture ne fut pas sans soulever quelques interrogations juridiques, notamment sur la question de la responsabilité engagée par la communauté autonome en cas de décès d'un usager dans une salle de consommation à moindre risque. Pour y remédier, la signature d'un document d'exonération de responsabilité de la salle est exigée à l'entrée.

3. L'ouverture de l'expérimentation du cannabis médical au Danemark

Au Danemark, la loi n° 1668 d'expérimentation du 26 décembre 2017 67 ( * ) concernant l'utilisation thérapeutique du cannabis dit médical, entrée en vigueur le 1 er janvier 2018, a ouvert une période d'essai du 1 er janvier 2018 au 31 décembre 2021 afin d'explorer les effets d'une légalisation du cannabis à usage médical.

Cette loi définit le cadre de l'importation ou de la production de produits issus du cannabis, à des fins médicales, conformément à la Convention sur les narcotiques de l'ONU. En revanche, cette loi ne concerne pas les produits pharmaceutiques contenant du cannabis qui sont, eux, régulés par les dispositions figurant dans la loi sur les médicaments.

Cet essai est motivé dans le décret de procédure thérapeutique utilisant du cannabis médical. Il est souligné que contrairement aux médicaments autorisés et bien que le cannabis médical fasse l'objet d'un nombre important de publications scientifiques, il n'existe pas d'essais cliniques suffisamment poussés permettant d'établir l'impact thérapeutique réel du traitement. Le cannabis médical est souvent mis en regard d'un placebo dans le cadre d'études restreintes et pratiquement jamais avec un produit actif. La mise en évidence de la possible efficacité et de la sûreté du traitement s'en trouve grandement limitée et ne permet pas aux médecins de déterminer la pertinence d'un traitement au cannabis sur de bonnes bases. Ce décret a donc pour objet de fixer un cadre sur lequel les médecins peuvent s'appuyer.

Il y est précisé que les médicaments autorisés les plus pertinents doivent avoir été essayés avant toute mise en place d'un traitement au cannabis médical, étant donné le peu d'informations disponibles à l'heure actuelle sur les effets et la sûreté du traitement.

4. La reconnaissance de la légalité des clubs de cannabis sous certaines conditions par la jurisprudence du Tribunal suprême espagnol

En Espagne, la jurisprudence du Tribunal suprême a accepté en 2015 la légalité des clubs de consommation partagée, dits aussi « clubs de cannabis » sous certaines conditions 68 ( * ) .

Il doit s'agir d'associations constituées pour éviter le recours au trafic illicite comme voie d'approvisionnement pour la consommation à titre personnel par des personnes majeures ayant déjà consommé du cannabis antérieurement à leur adhésion.

En outre, la consommation doit se réaliser dans un lieu privé et fermé afin d'éviter toute publicité ou contact avec les tiers.

Les associations constituées ne doivent pas dépasser un numéro déterminé de membres qui ne saurait excéder la trentaine.

Enfin, la quantité de drogue fournie ne doit pas dépasser la quantité nécessaire pour la consommation immédiate de sorte que la culture du cannabis par le groupe doit être limitée à la quantité prévisible qui sera consommé par le nombre réduit de membres de l'association.

LE RÉFÉRENDUM D'INITIATIVE POPULAIRE

La division de la Législation comparée a conduit une recherche à propos des référendums d'initiative populaire ou citoyenne sur un large échantillon de démocraties occidentales. Alors que le référendum, lorsqu'il est prévu par les constitutions ou les systèmes politiques, est généralement un instrument à la disposition de l'exécutif ou du Parlement, les référendums d'initiative populaire (RIP) permettent à une fraction du corps électoral de demander la convocation d'une votation sur une question déterminée.

Lorsqu'il existe, ce dispositif ne se déploie que sous certaines conditions et dans certaines limites. Il peut être selon le cas, consultatif ou décisionnel, soit en validant un texte, ou à tout le moins une orientation politique à transcrire dans un texte, soit en abrogeant des normes. On notera que la matière fiscale et budgétaire est en principe systématiquement exclue du champ des RIP mais pas le texte constitutionnel. L'articulation avec les pouvoirs du Parlement peut être complexe.

On distinguera quatre groupes de pays :

- ceux qui ont une pratique extensive du RIP et servent souvent de modèles comme la Californie et la Suisse ;

- ceux qui reconnaissent le RIP selon des modalités assez restrictives comme le Portugal, qui connaît un double filtre parlementaire et présidentiel, ou l'Italie, qui se concentre sur l'abrogation après un fort contrôle juridictionnel de recevabilité. Les Pays-Bas ont déjà renoncé au référendum citoyen consultatif introduit en 2014 ;

- ceux qui ne connaissent pas le RIP au niveau national mais qui acceptent le principe de consultations populaires au niveau régional, leurs régions disposant de compétences proprement législatives. C'est le cas en Allemagne et en Espagne ;

- ceux qui ne connaissent absolument pas le RIP, comme les pays nordiques (Danemark, Suède, Norvège, Finlande et Estonie), la Pologne et le Royaume-Uni.

La présente note se concentre sur les trois premiers groupes.

I. LES MODÈLES LES PLUS POUSSÉS DE LA CALIFORNIE ET DE LA SUISSE

En l'absence de référendum « fédéral » aux États-Unis, chaque État fédéré prend ses propres dispositions. On compte 27 États fédérés qui prévoient des procédures de participation directe des citoyens à la décision politique, soit au niveau de leur législature, soit au niveau des comtés et municipalités. Les États pionniers en la matière furent le Dakota du Sud (1898), l'Utah (1900) et l'Oregon (1902). Il convient de noter qu'il s'agit d'États de l'Ouest américain dans lesquels les grandes compagnies de chemins de fer exerçaient à l'époque une influence considérable, dont il s'agissait de contenir les excès notamment en matière d'expropriation.

À titre d'exemple, on retiendra le cas de la Californie qui offre un modèle particulièrement achevé de RIP. Il convient de tenir compte à la fois de la Constitution de l'État de Californie (art. 2) et du code électoral californien (ch. 7).

La Constitution californienne de 1911 reconnaît aux électeurs le droit d'initiative, compris comme le pouvoir de proposer des lois et des amendements constitutionnels, de les rejeter ou de les adopter (art. 2 sec. 8 (a)). Entre 1911 et 2014, la Constitution californienne a ainsi été amendée 52 fois sur initiative citoyenne.

La procédure s'ouvre par le dépôt auprès du Secrétaire d'État ( Secretary of State of California ) 69 ( * ) d'une pétition contenant le texte d'une nouvelle loi ou d'un amendement à une loi existante. Une initiative portant sur plus d'un sujet ne peut pas être soumise aux électeurs, ni avoir d'effets.

La pétition doit être signée par un nombre d'électeurs égal au moins à 8% des suffrages exprimés pour l'ensemble des candidats lors de la dernière élection aux fonctions de Gouverneur , dans le cas d'un amendement à la Constitution , et au moins 5 % du même corps dans le cas d'une proposition de loi simple . La proposition est alors soumise au vote :

- soit lors des prochaines élections générales, si celles-ci se tiennent au moins 131 jours après que la pétition a obtenu le nombre nécessaire de signatures ;

- soit lors de toute autre scrutin, à l'échelle de l'État, organisé avant les élections générales. Le Gouverneur a le pouvoir en effet organiser une votation spéciale dans l'État pour permettre au corps électoral de se prononcer.

En outre, la Constitution californienne reconnaît aux électeurs le droit de référendum, compris comme le pouvoir de confirmer ou de rejeter, totalement ou partiellement, une loi adoptée par le Congrès ( Legislature ) de Californie , divisé en deux chambres, l'Assemblée et le Sénat (art. 2 sec. 9 (a)). Il est ainsi permis aux électeurs d'abroger, en tout ou partie, un texte voté par les parlementaires, à l'exception des lois d'urgence , de celles convoquant des élections et de celles relatives aux prélèvements fiscaux ou aux crédits destinés aux dépenses courantes de l'État. On a pu parler à cette occasion d'exercice d'un droit de véto populaire.

Le referendum abrogatif est proposé en présentant au Secrétaire d'État une pétition dans un délai de 90 jours suivant la date d'adoption définitive du texte par le Congrès. 70 ( * ) La pétition doit être signée par au moins 5 % des électeurs ayant participé à la dernière élection aux fonctions de Gouverneur . Elle demande que la loi soit soumise en tout ou partie au vote des électeurs. Le Secrétaire d'État s'assure que la mesure fait l'objet d'un vote aux élections générales si celles-ci se déroulent au moins 31 jours après que la pétition a obtenu le nombre nécessaire de signatures ou à toute autre élection organisée en Californie et concernant cet État avant les élections générales. Le Gouverneur peut en effet organiser un scrutin spécial dans l'État afin de permettre au corps électoral de se prononcer sur l'initiative.

Aux termes de l'article 2, section 10 de la Constitution californienne, tant en matière d'initiative législative que de référendum abrogatif, les d écisions sont prises à la majorité des suffrages exprimés . Si les dispositions d'au moins deux mesures, approuvées lors du même scrutin, entrent en conflit, la mesure ayant reçu le plus de suffrages prévaut. Il n'est prévu ni quorum de participation, ni majorité renforcée.

Un texte adopté entre en vigueur le 5 ème jour suivant le scrutin, à moins que la mesure n'en dispose autrement. Si le referendum porte sur une partie seulement d'une loi, l'entrée en vigueur des autres dispositions ne doit pas être reportée.

Le Congrès de Californie peut amender ou abroger les lois issues d'une votation populaire en adoptant une nouvelle loi par la voie strictement parlementaire. Celle-ci ne prend toutefois effet que si elle est approuvée par les électeurs, à moins que la loi résultant de l'initiative citoyenne ne permette elle-même d'être amendée ou abrogée sans le consentement des électeurs.

Préalablement à la diffusion d'une initiative populaire ou d'une demande de référendum, un exemplaire de la pétition doit être adressé au Procureur général ( Attorney General ), chargé de lui donner un titre et d'en rédiger un résumé. Le Congrès fixe les conditions dans lesquelles les pétitions sont diffusées, présentées et homologuées, ainsi que les mesures soumises aux électeurs.

Par ailleurs, le code électoral californien précise le régime tant de l'initiative que du referendum abrogatif.

D'une part, aux termes de l'article 9001, toute personne adressant au Procureur général une initiative législative, appelée le promoteur ( proponent ), doit fournir également une attestation établissant qu'elle est majeure, citoyenne des États-Unis et résidente de l'État, ses coordonnées et un montant de 2 000 dollars, dont la totalité est consignée. Si la mesure répond aux critères posés pour être soumise au vote dans les deux ans, cette somme est restituée. Dans le cas contraire, cette somme est conservée par l'État.

Le procureur général organise préalablement une consultation publique d'une durée de 30 jours. Il rédige ensuite le titre et le résumé des objectifs et points essentiels de la mesure, fournit un identifiant numérique et transmet toutes ces données à l'initiateur de la proposition et au secrétaire d'État, dans les 15 jours suivant la réception de l'étude d'impact fiscal réalisée par le département des finances et par le bureau d'analyse législative ( Legislative Analyst's Office ) dans les 50 jours suivant la réception de la demande. Un jour ouvrable après réception de ces informations, le secrétaire d'État notifie au promoteur de l'initiative et à l'agent électoral de chaque comté ( County Elections Official ) la date officielle et un calendrier où figurent notamment les dates limites concernant la suite de la procédure.

Le Procureur général transmet sans délai des exemplaires du texte, du titre et du résumé au Sénat et à l'Assemblée de Californie. Si les commissions compétentes de chacune des assemblées ont la faculté d'organiser des auditions publiques sur la question, le Congrès ne peut toutefois ni altérer la mesure, ni empêcher qu'elle figure sur le bulletin de vote. À compter de la date officielle, l'initiateur dispose d'au plus 180 jours pour recueillir le nombre nécessaire de signatures.

D'autre part, après réception d'un texte proposant un referendum abrogatif, le procureur général en expose brièvement les motifs. Le texte est dispensé d'analyse fiscale. Le procureur général fournit ensuite un exemplaire de ces informations à la personne à l'origine de la demande et au secrétaire d'État, dans les 10 jours suivant la réception de la proposition de referendum abrogatif. La procédure est ensuite la même que pour une initiative législative sans que le Congrès auquel est transmis la demande ne puisse l'altérer ou la bloquer. À compter de la promulgation de l'acte soumis au referendum, la personne à l'origine de la demande du referendum dispose cependant d'au plus 90 jours pour lancer la procédure et recueillir le nombre nécessaire de signatures, sauf la moitié du temps laissé pour collecter des signatures pour une initiative législative.

Par ailleurs, tant pour l'initiative législative populaire que pour le référendum abrogatif, le nombre de signatures figurant sur les pétitions est vérifié dans les huit jours suivant leur dépôt dans chaque comté.

Si le nombre des signatures décomptées est inférieur au total requis, le secrétaire d'État le notifie au requérant et aux agents électoraux des comtés, mettant ainsi un terme à la procédure. Si le nombre de signatures décomptées atteint le nombre de signatures requises, le secrétaire d'État en avertit les agents électoraux des comtés, qui disposent de 30 jours pour déterminer par échantillonnage le nombre de votants qualifiés ayant signé la pétition, et par là le nombre de signatures valides.

La vérification des signatures se déroule dans les conditions fixées par l'article 9030 du code électoral californien, aux termes duquel l'agent électoral du comté doit vérifier toutes les signatures si moins de 500 signatures ont été recueillies à l'échelle de sa circonscription, ou au moins 500 signatures, à défaut 3 % des signatures.

À l'échelle de l'État, s'il résulte de l'échantillonnage que le nombre de signatures valides est inférieur à 95 % du nombre requis de signatures, la pétition est réputée avoir échoué, le secrétaire d'État notifie immédiatement cet échec au requérant et aux agents électoraux. Si ce nombre est supérieur à 110 % du nombre requis, le Secrétaire d'État certifie que la mesure peut être soumise aux électeurs. S'il est compris entre 95 % et 110 %, le Secrétaire d'État ordonne la vérification de toutes les signatures dans chaque comté dans un délai de 30 jours.

La procédure de renvoi ( recall ) des officiers publics élus en Californie

La Constitution californienne accorde aussi aux électeurs le droit de démettre le tenant élu d'un office public de l'État de Californie (art. 2, sec. 13). Les trois plus importantes charges concernées sont celles de Gouverneur, de Secrétaire d'État et de Procureur général. Les membres de l'Assemblée et du Sénat, ainsi que les juges des cours d'appel, ne sont pas épargnés.

Comme dans la procédure d'initiative et de référendum abrogatif, la pétition motivée est adressée au secrétaire d'État. Les motifs allégués ne sont pas soumis à vérification. Les pétitionnaires ont 160 jours pour obtenir les signatures nécessaires. Lorsque l'office en cause a juridiction sur l'ensemble de la Californie, le quorum est élevé puisque la validation de la pétition nécessite de recueillir un nombre de signatures égal au moins à 12 % des votants à la dernière élection pour cet office. Condition supplémentaire, dans 5 comtés au moins, le nombre de signature doit dépasser 1 % des votants du comté. À titre dérogatoire, le quorum de validation de la pétition est rehaussé à 20 % pour les membres de l'Assemblée et du Sénat, ainsi que les juges des cours d'appel notamment, ce qui les protège bien davantage que l'exécutif et assure la stabilité des pouvoirs législatif et judiciaire (art. 2, sec. 14).

Un scrutin est organisé entre 60 et 80 jours après validation de la pétition, sauf si la prochaine élection régulière à l'office en cause se tient dans les 180 jours. Il porte à la fois sur le renvoi du tenant de l'office et éventuellement, sur l'élection d'un successeur si une majorité se dégage pour le renvoi et que des candidats se sont déclarés (art. 2, sec. 15).

En Suisse , sous l'égide de la Constitution entrée en vigueur le 1 er janvier 2000 et refondant l'ancien texte de 1874, les citoyens peuvent actionner eux-mêmes deux leviers de démocratie directe, l'initiative populaire et le référendum facultatif .

Les initiatives populaires permettent aux citoyens suisses de proposer de modifier la Constitution fédérale . Aux termes de l'article 138 de la Constitution, 100 000 citoyens 71 ( * ) ayant le droit de vote peuvent demander une révision totale de la Constitution fédérale. Les articles 139 et 139b de la Constitution permettent de demander sa révision partielle avec le même seuil de validation. C'est cette procédure qui est la plus développée. Peuvent signer tous les détenteurs du droit de vote, y compris les Suisses résidant à l'étranger. Dans un délai de 18 mois suivant la publication de leur initiative, la proposition est soumise au vote du peuple.

Un comité d'initiative comprenant entre 7 et 27 membres pétitionnaires ayant le droit de vote au niveau fédéral doit être constitué pour préparer l'initiative dans une des quatre langues officielles. Si le plus souvent, l'initiative s'appuie sur un texte précis déjà tout prêt, elle peut également être conçue en termes généraux.

L'initiative doit respecter les principes de l'unité de la forme et de l'unité de la matière, ainsi que les règles impératives du droit international 72 ( * ) , faute de quoi l'Assemblée fédérale, composée du Conseil national et du Conseil des États , la déclare totalement ou partiellement nulle . L'unité matérielle est respectée si tous les éléments de l'initiative sont intrinsèquement connexes. L'unité formelle est respectée si l'initiative revêt exclusivement le caractère soit d'une proposition en termes généraux, soit d'un projet entièrement rédigé. 73 ( * ) Ses critères sont dotés d'une réelle portée et l'Assemblée fédérale n'a pas hésité à déclarer nulles plusieurs initiatives populaires sur leur fondement (Exemples : en 1977 sur le renchérissement des prix et l'inflation, en 1995 sur les défenses militaires et la politique de paix, en 1996 sur la politique d'asile). 74 ( * )

Lorsque l'initiative est rédigée en termes généraux, l'Assemblée fédérale peut :

- soit l'approuver et élaborer la rédaction de la révision partielle, puis la soumettre au vote des peuples et des cantons ;

- soit la rejeter et la soumettre au seul vote du peuple. Si le vote populaire est favorable à l'initiative, l'Assemblée doit alors élaborer un texte conformément aux termes de l'initiative.

Lorsque l'initiative consiste en un projet rédigé, elle est soumise au vote du peuple et des cantons . L'Assemblée fédérale en recommande l'acceptation ou le rejet et peut lui opposer un contre-projet . Lorsqu'un contre-projet est proposé par l'Assemblée fédérale, les citoyens se prononcent simultanément sur l'initiative et le contre-projet. Ils peuvent approuver l'un et l'autre. Lorsqu'une initiative populaire est accompagnée d'un contre-projet, une question subsidiaire est ajoutée pour déterminer laquelle des deux modifications constitutionnelles proposées doit entrer en vigueur, en cas d'acceptation simultanée de l'initiative et du contre-projet .

En cas de recours à la question subsidiaire et de divergence entre le vote du peuple et celui des cantons, le projet réputé accepté est celui qui en réponse à la question subsidiaire, a enregistré la plus forte somme des pourcentages des voix des votants et des voix des cantons .

D'après l'Office fédéral de la statistique, entre 1848 et 2016, 208 initiatives populaires ont été soumises au vote pour réviser la Constitution ; 22 ont été approuvées et 186 rejetées. Dans le même temps, 16 contre-projets ont été élaborés ; 6 ont été approuvés et 10 rejetés. Les 5 contre-projets élaborés depuis 1981 ont tous été rejetés.

Sur le temps long, environ 10 % des initiatives populaires sont approuvées. Les six initiatives populaires soumises au vote en 2018 ont toutes échoué ; elles portaient sur la suppression de la redevance audiovisuelle, sur le système bancaire, sur l'alimentation équitable, sur la souveraineté alimentaire, sur les vaches à cornes et sur la primauté de la Constitution fédérale sur le droit international.

Par ailleurs, il est prévu des référendums facultatifs mais dotés d'effet normatif contraignant à la demande des citoyens ou des cantons. En effet, hors des cas de référendum obligatoire 75 ( * ) , les lois, les arrêtés du Parlement assimilés à des lois et certains accords internationaux peuvent être soumis au vote populaire sur requête de 50 000 citoyens ayant le droit de vote ou de huit cantons . La demande de référendum doit être déposée dans les 100 jours à compter de la date de publication de l'acte visé.

En pareil cas, seule la majorité du peuple est requise pour emporter la décision. Il n'est prévu ni quorum de participation, ni double majorité avec validation cantonale, ni majorité qualifiée.

Aux termes de l'article 141 de la Constitution fédérale suisse, peuvent faire l'objet d'un vote :

- les lois fédérales ;

- les lois fédérales déclarées urgentes dont la durée de validité dépasse un an ;

- les arrêtés fédéraux 76 ( * ) , dans la mesure où la Constitution ou la loi le prévoit ;

- les traités internationaux qui :

• sont d'une durée indéterminée et ne peuvent être dénoncés ;

• prévoient l'adhésion à une organisation internationale ;

• contiennent des dispositions importantes fixant des règles de droit ou dont la mise en oeuvre exige l'adoption de lois fédérales.

D'après la Chancellerie fédérale, entre 1874 et 2018, ont été organisés 222 référendums facultatifs sur des actes législatifs ou assimilés dont 187 approuvés et 35 rejetés. 77 ( * ) Sur le temps long, environ 85 % de actes législatifs soumis à un référendum facultatif sont validés. En 2018 sont intervenus 4 référendums facultatifs sur des actes législatifs concernant le nouveau régime financier 2021, les jeux d'argent, les voies cyclables et la surveillance des assurés par leur compagnie d'assurance. Tous les actes ont été ratifiés par le vote populaire.

II. DES SOLUTIONS LIMITATIVES EXPÉRIMENTÉES EN EUROPE

1. La restriction à la seule abrogation en Italie dans l'attente de la réforme du nouveau gouvernement

En Italie , le RIP existe mais uniquement à des fins abrogatives. Aux termes de l'article 75 de la Constitution italienne de 1947, un référendum populaire peut conduire à l'abrogation totale ou partielle d'une lo i ou d'un acte ayant force de loi. Il est organisé à la demande de 500 000 électeurs 78 ( * ) ou de 5 conseils régionaux .

Un quorum de participation est fixé à 50 % mais aucune majorité qualifiée n'est exigée. L'abrogation survient donc si la majorité des électeurs inscrits a participé au scrutin et si la majorité simple des suffrages exprimés s'est prononcée en sa faveur.

La loi constitutionnelle n° 1 du 11 mars 1953 et la loi n° 352 du 25 mai 1970, dont le titre II organise le référendum abrogatif ont institué un double contrôle juridictionnel :

- le Bureau central pour le référendum 79 ( * ) près la Cour de cassation et composé de l'ensemble des présidents de sections, vérifie la régularité des demandes de référendum à la loi ;

- la Cour constitutionnelle juge leur recevabilité au regard des dispositions de l'article 75 de la Constitution.

Le référendum ne peut abroger ni des normes infralégislatives, ni des lois régionales émanant du pouvoir législatif concurrent des régions italiennes. Seules les lois nationales et les actes équivalents sont visés. En outre, il ne peut abroger les lois fiscales ou budgétaires, d'amnistie ou de remise de peine, ni celles autorisant la ratification de traités internationaux (art. 75 al. 2). Au-delà de ces limites constitutionnelles explicites, la Cour constitutionnelle italienne a été amenée à préciser des limites implicites 80 ( * ) qu'elle déduit pour donner une interprétation systématique et cohérente de la Constitution. Ne peuvent ainsi faire l'objet d'un référendum abrogatif :

- la Constitution et les lois constitutionnelles, dès lors que l'art. 138 définit une procédure spécifique de révision, qui fait systématiquement intervenir le Parlement ;

- les lois constitutionnellement nécessaires qui sont indispensables pour assurer le fonctionnement et la continuité des organes constitutionnels de la République. Ces lois pourraient être modifiées et leurs dispositions remplacées mais non simplement abrogées. Leur contenu est à la discrétion du législateur mais non leur existence (Corte Cost, sent. 12/2014). En particulier, les lois électorales ne peuvent faire l'objet d'une abrogation totale ;

- les lois ordinaires à contenu constitutionnellement lié, c'est-à-dire les lois dont les dispositions ne peuvent être altérées ou privées d'effet sans que par ricochet ne soit privées d'efficacité des normes constitutionnelles. Cela a pu être le cas pour une loi qui se répercutait sur l'art. 52 Cost. sur le service militaire ;

- les lois ordinaires à contenu lié par le droit communautaire selon la même logique ;

- les lois dites «  renforcées » insusceptibles d'être abrogées de façon valide par des lois ordinaires. Dans cette catégorie figurent notamment les lois d'application du Concordat avec l'Église catholique et les lois de ratification des conventions conclues avec les autres confessions religieuses. 81 ( * )

La Cour constitutionnelle a également précisé des critères formels de recevabilité. La question posée au referendum doit être :

- homogène, ce qui exclut les demandes d'abrogation portant sur plusieurs normes non reliées entre elles ;

- formulées en termes clairs et simples faisant référence à des problèmes bien définis ;

- univoque et complète pour qu'il n'ait pas de doute sur la portée du vote d'abrogation.

La demande de référendum abrogatif ne peut être déposée ni dans les six mois précédant les élections pour l'élection d'une des chambres du Parlement, ni dans les douze mois avant l'expiration des pouvoirs de celle-ci.

La procédure de référendum abrogatif sur initiative populaire est fixée par la loi n° 352/1970 précitée. Les promoteurs de l'initiative populaire doivent constituer un groupe d'au moins 10 personnes et se présenter munis de leur certificat d'inscription sur les listes électorales à la Chancellerie de la Cour de Cassation. Ils indiquent la loi ou les articles qu'ils visent par leur requête. La Chancellerie de la Cour de Cassation l'enregistre et la publie au Journal Officiel.

Ensuite s'ouvre la période de récolte des 500 000 signatures nécessaires, qui commence par la procédure de visa ( vidimazione ) des feuillets sur lesquels seront apposées les signatures auprès des secrétariats de mairie et des tribunaux. Dans les trois mois suivant la présentation de la requête, les signatures doivent être recueillies et authentifiées par un notaire, un juge de paix, un maire, un président de province ou les fonctionnaires de justice ou des communes habilités à le faire.

Avant le 30 septembre de chaque année, la requête de referendum accompagnée des certificats électoraux des signataires doit être déposée devant le Bureau central pour le référendum, qui rend au plus tard en décembre une ordonnance définitive sur la régularité de toutes les requêtes. Puis, la Cour constitutionnelle procède à un contrôle préventif et rend sa décision en février de l'année suivante.

Les requêtes admises donnent lieu à une délibération du Conseil des ministres et à la convocation des électeurs par le Président de la République à un scrutin pour le printemps. La dissolution de la Chambre des députés entraîne la suspension du processus pour un an.

Si le résultat du référendum est positif alors un décret du Président de la République procède à l'abrogation qui prend effet le lendemain de la publication au Journal Officiel. Par délibération du Conseil des Ministres, il est possible de retarder de 60 jours l'entrée en vigueur de l'abrogation pour laisser le temps au Parlement de remplacer éventuellement les dispositions abrogées ou de prendre des mesures de coordination nécessaires. En cas d'échec du référendum, un délai de carence de cinq ans bloque une seconde initiative sur le même sujet.

La dernière vague majeure de référendums abrogatifs date du scrutin du 12 juin 2011 avec l'approbation à des majorités d'environ 95 % des suffrages pour une participation de près de 55 % de quatre abrogations sur l'attribution et la gestion de services publics locaux à caractère économique, sur la tarification du service hydrique, sur l'interdiction de production d'énergie électrique nucléaire et sur la comparution des ministres en audience pénale.

Par ailleurs, il convient de relever que la Constitution italienne accorde un droit d'initiative législative aux citoyens (art. 71 al. 2). Un projet de loi peut être déposé devant les chambres par 50 000 électeurs inscrits sur les listes. Les conditions d'exercice du droit d'initiative sont précisées par les articles 48 et 49 de la loi n° 352/1970 précitée. La vérification des signatures suit les mêmes règles qu'en matière de référendum abrogatif. Le projet de loi doit être intégralement rédigé et structuré en articles et accompagné d'un exposé de ses motifs.

Toutefois, il n'existe aucune obligation pour les chambres de débattre du texte et il n'existe aujourd'hui aucune possibilité de surmonter l'indifférence ou le rejet de la part du Parlement en recourant à un référendum pour adopter positivement le projet de loi. En ce sens, il n'existe pas de RIP constructif à côté du RIP abrogatif en Italie.

Les propositions d'élargissement du RIP en Italie

Deux propositions de loi constitutionnelles (Ceccanti ed altri - Partito Democratico & D'Uva ed altri - Movimento 5 Stelle ) ont été déposées en 2018. Elles visent précisément selon des modalités différentes à créer un RIP constructif en provoquant la convocation d'un référendum sur un projet de loi d'initiative populaire si dans les 18 mois suivant le dépôt le texte n'a pas été approuvé ou a été substantiellement modifié par le Parlement. Ce dispositif est considéré comme une « procédure renforcée » d'examen des initiatives législatives populaires.

Les différences entre les deux propositions de loi sont nettes. Celle du M5S est beaucoup plus radicale. Elle a désormais été reprise dans un projet de loi constitutionnelle du gouvernement Ligue-M5S qui prévoit :

- de garder le seuil de 50 000 signatures pour le dépôt d'une initiative législative ;

- d'autoriser les promoteurs dès le recueil de 100 000 signatures à saisir la Cour constitutionnelle pour juger de l'admissibilité de l'initiative populaire (contrôle du respect des principes et droit fondamentaux et des engagements internationaux) ;

- d'autoriser le lancement de la procédure renforcée avec référendum en cas de désaccord avec le Parlement dès que la proposition de loi reçoit 500 000 signatures , seuil de déclenchement des référendums abrogatifs ;

- de ne pas définir de limites aux matières soumises à référendum , à la différence du référendum abrogatif aujourd'hui. Cela veut dit que les initiatives populaires pourraient intervenir en matière pénale, fiscale et budgétaire, de droits des minorités, etc. Seules les révisions constitutionnelles seraient exclues du champ.

D'après l'intervention du ministre des relations avec le Parlement et pour la démocratie directe devant les commissions réunis de la Chambre et du Sénat, en cas de vote d'un projet de loi amendé par le Parlement qui ne satisferait pas les promoteurs de l'initiative populaire, seraient soumis à référendum le texte initial et la contre-proposition du Parlement pour laisser les électeurs trancher.

Surtout, le projet de loi comme la proposition de loi du M5S originelle ne prévoit aucun quorum de participation et aucune majorité qualifiée pour valider le résultat. Dans le cas du référendum abrogatif aujourd'hui, le quorum de participation est fixé à 50 %.

2. Les filtres parlementaire et présidentiel au Portugal

Au Portugal , la Constitution de 1976 ouvre la possibilité de référendums législatifs d'initiative citoyenne avec un double filtre parlementaire et présidentiel. Aux termes de l'article 115, le Président de la République peut convoquer un référendum national sur proposition de l'Assemblée de la République, chambre unique du Parlement, du Gouvernement ou sur pétition d'un groupe de citoyens adressée à l'Assemblée. La décision de recourir au référendum relève des pouvoirs propres du Président de la République .

La loi organique n° 15-A du 3 avril 1998 82 ( * ) fixe le régime du référendum. Il ne peut avoir pour objet que des questions présentant un important intérêt national qui doivent être décidées par l'Assemblée ou par le Gouvernement par le biais de l'approbation d'une convention internationale ou d'un acte législatif. Ne peuvent faire l'objet d'un référendum :

- les modifications de la Constitution ;

- les questions et les actes budgétaires, fiscaux ou financiers ;

- la liste des compétences de l'Assemblée de la République fixée par l'article 161 de la Constitution, à l'exception de celles ayant trait à une convention internationale qui ne concernent pas une rectification de frontière ;

- les compétences du Gouvernement fixées par l'article 164 de la Constitution, à l'exception de celles ayant trait aux bases du système éducatif.

Les conventions internationales ou des actes législatifs en cours de discussion et d'approbation peuvent faire l'objet d'un référendum, l'examen de ces actes étant interrompu jusqu'à la votation.

Résultant d'au moins 75 000 électeurs, l'initiative populaire est adressée à l'Assemblée de la République , examinée par la commission compétente qui établit le texte d'un projet de résolution soumis ensuite au vote de l'Assemblée . Les questions posées doivent être formulées avec objectivité, avec clarté et avec précision. Elles doivent être susceptibles d'une réponse par oui ou par non.

La résolution est adressée au Président de la République, qui n'est pas contraint de lui donner une suite favorable mais qui doit soumettre la proposition de référendum au contrôle préalable de la Cour constitutionnelle. Dans les 20 jours suivant la publication de la décision de la Cour, en cas de validation de la proposition, le Président de la République prend une décision sur la convocation ou non du référendum. Les propositions de référendum rejetées par le Président de la République ou faisant l'objet d'un vote négatif de l'Assemblée ne peuvent être redéposées durant la même législature.

La convocation d'un référendum est interdite entre la date de convocation et la tenue des élections nationales, locales et européennes. Elle l'est également pendant l'état de siège ou l'état d'urgence.

Le référendum n'a d'effet contraignant que lorsque le nombre de votants est supérieur à la moitié des électeurs inscrits, soit un quorum de participation de 50 % . Le résultat est acquis la majorité simple. L'Assemblée de la République dispose alors de 90 jours et le Gouvernement de 30 jours pour approuver l'acte correspondant au résultat du référendum. Le Président de la République est tenu de promulguer l'acte.

Ni l'Assemblée de la République ni le Gouvernement ne peuvent adopter une convention ou une loi après que le référendum a eu une issue négative, sauf nouvelle élection de l'Assemblée ou nouveau référendum ayant donné lieu à une réponse affirmative.

Depuis 1976, seuls l'avortement par deux fois et la régionalisation ont fait l'objet d'un référendum. Aucun référendum d'initiative populaire n'a jamais été convoqué au Portugal malgré la possibilité offerte par la Constitution .

3. L'installation avortée des référendums consultatifs aux Pays-Bas

Aux Pays-Bas , le gouvernement Rutte III a fait procéder en décembre 2017 à l'abrogation de la loi de 2014 sur le référendum consultatif 83 ( * ) conformément à l'Accord de gouvernance conclu entre les partis de la coalition. Cette loi n'est plus en vigueur depuis juillet 2018. Avorte ainsi l'essai de pérenniser la pratique du référendum, qui n'est pas prévue par la Constitution néerlandaise et reste un sujet de débat politique constant. Le référendum sur la Constitution européenne de 2005 avait nécessité l'adoption d'une loi spéciale.

Sous l'empire de la loi de 2014, pouvait être organisée une consultation populaire sur requête signée par 300 000 électeurs soit environ 2,3 % du corps électoral. Ce référendum correctif ne pouvait porter que sur les lois adoptées il y a moins de 6 mois et sur la ratification de traités internationaux. Avec une participation supérieure à 30 % et un vote à la majorité simple contre la loi ou le traité, le texte devait être retiré et réexaminé. 84 ( * ) C'est ce qui s'était passé en 2016 avec le rejet de l'Accord d'association entre l'Ukraine et l'Union européenne. Finalement, l'accord fut néanmoins ratifié en 2017 après quelques clarifications obtenues par le gouvernement néerlandais, sans organiser de second référendum. La loi de 2014 organisait une forme de véto populaire suspensif.

III. LES PROCÉDURES DÉCENTRALISÉES DE L'ALLEMAGNE ET DE L'ESPAGNE

En Allemagne , au niveau fédéral , aux termes de la loi fondamentale de 1949, n'est prévu aucun dispositif d'initiative populaire législative . D'une part, l'initiative des lois fédérales ne revient qu'au Gouvernement fédéral et aux membres du Bundestag et du Bundesrat. D'autre part, aucune disposition constitutionnelle ne prévoit que le Parlement puisse être contraint de débattre d'un texte, et encore moins d'adopter un projet de loi, conforme à l'expression de la volonté populaire qui se manifesterait à l'occasion d'un référendum convoqué sur demande d'une fraction du corps électoral. Il n'existe donc pas de RIP visant l'adoption d'une loi fédérale simple ou d'un amendement à la constitution fédérale.

Toutefois, par exception , il existe un cas dans lequel une initiative populaire ( Volksbegehren ) peut conduire à l'organisation d'un référendum , mais uniquement pour procéder à une restructuration de l'organisation du territoire fédéral .

En effet, conformément à l'article 29 al. 2 de la Loi fondamentale, en principe, tout redécoupage de la Fédération changeant les limites des Länder nécessite l'adoption d'une loi fédérale qui doit être approuvée par les électeurs des Länder concernés à l'occasion d'un référendum. 85 ( * ) En outre, l'alinéa 4 ouvre la possibilité que 10 % des citoyens élisant les membres du Bundestag demandent l'incorporation à un unique Land d'une zone divisée actuellement entre plusieurs Länder, dès lors qu'elle forme un bassin cohérent de population et d'activité économique comprenant au moins un million d'habitants. Dans les deux ans suivant cette initiative populaire, le Parlement doit approuver une loi fédérale tendant :

- soit directement à redéfinir les limites des Länder et à obtenir l'approbation populaire conformément à la procédure générale de l'art. 29 al. 2 ( Volksentscheid ) ;

- soit à convoquer une consultation populaire ( Volksbefragung) dans les Länder concernés. Cette consultation populaire peut porter sur deux propositions alternatives, et pas davantage. En cas d'approbation d'une proposition de modification de l'appartenance d'une zone à un Land, une loi fédérale portant création du nouveau Land ainsi délimité doit être adoptée dans les deux ans, sans nécessiter de ratification par une nouvelle votation.

Dans les deux cas de Volksentscheid ou de Volksbefragung sur initiative populaire, la majorité requise est la majorité des suffrages exprimés, à condition que cette majorité rassemble au moins 25 % des citoyens disposant du droit de vote au Bundestag. Une loi fédérale peut prévoir qu'après l'échec d'un référendum de restructuration territoriale, une nouvelle initiative populaire ayant le même objet ne puisse être reçue avant cinq ans.

Depuis 1949, huit initiatives populaires ont abouti à la convocation de référendums de restructuration territoriale, qui se sont tous conclus par un rejet.

En revanche, au niveau régional, les constitutions de tous les Länder prévoient un droit d'initiative populaire couplé avec la possibilité de provoquer un référendum. Un quorum d'électeurs peut porter une proposition de loi à l'attention du Parlement régional dans son domaine de compétences propres. Bien que le Parlement demeure libre de l'approuver ou de la rejeter, les citoyens ont la possibilité de provoquer la convocation d'un référendum pour contrer un rejet par le Parlement régional de leur proposition.

Toutefois, la proposition de loi d'initiative populaire est soumise à un contrôle de constitutionnalité préalable lorsqu'elle est soumise au Parlement régional. Si le gouvernement ou le Parlement régional l'estime inconstitutionnelle, ils peuvent soit porter l'affaire devant la cour constitutionnelle du Land, soit l'écarter sans possibilité de convoquer un référendum, libre aux promoteurs de l'initiative de déposer un recours devant la cour constitutionnelle du Land.

Il existe donc bien en Allemagne, au niveau régional, des RIP qui obéissent toutefois à des règles et des restrictions différentes . Outre la restriction au domaine législatif de la compétence des Länder, 86 ( * ) les RIP ne peuvent porter sur la fiscalité, le budget ou la réglementation des rémunérations, et en général sur la matière financière. 87 ( * ) Les cours constitutionnelles des différents Länder ont une appréciation quelque peu différente de cette interdiction du domaine budgétaire ( Haushaltsverbot ). Les unes (Saxe et Hambourg) tendent à empêcher simplement la proposition ou l'amendement de la loi de finances, les autres rejettent les initiatives populaires ayant une incidence sur le budget du Land (Rhénanie-du-Nord-Westphalie, Brandebourg, Thuringe, Bavière, Schleswig-Holstein). Pour ne pas priver d'effectivité une possibilité constitutionnelle, la jurisprudence ne peut pas considérer toute initiative comme grevant indirectement le budget du Land. 88 ( * ) La cour constitutionnelle de Bavière a admis une initiative populaire sur les droits d'inscription à l'université, dès lors qu'elle pesait directement uniquement sur les finances des établissements de droit public autonomes que sont les universités. 89 ( * ) Hormis ces restrictions, l'initiative populaire et le déclenchement d'un référendum peut porter sur toute proposition de loi simple, et souvent constitutionnelle 90 ( * ) .

Certains Länder admettent une initiative populaire et la convocation d'un référendum non seulement sur un texte précis de proposition de loi mais aussi de façon plus générale sur toute question pouvant faire l'objet d'une décision politique (Berlin, Brandebourg, Schleswig-Holstein).

Il est intéressant de relever également une procédure existant en Rhénanie-Palatinat : le Parlement régional est obligé de suspendre la promulgation de toute loi qu'il a voté si un tiers de ses membres le demande. Durant cette période, si 150 000 électeurs le demande, un référendum doit être organisé sur la loi en cause. 91 ( * )

Enfin, un certain nombre de Länder comme Berlin, le Bade-Wurtemberg, la Bavière, la Rhénanie-Palatinat ou la Rhénanie-du-Nord-Westphalie prévoient la possibilité de procéder à la dissolution du parlement régional (Landtag) par RIP.

Les règles de quorum et de majorité pour la recevabilité de l'initiative populaire et pour la validation du résultat du référendum, diffèrent significativement selon les Länder. 92 ( * ) On notera que pour l'approbation par RIP d'une proposition de loi simple, il n'est prévu aucun quorum en Bavière, en Hesse et en Saxe. Dans les autres Länder, le quorum varie de telle sorte que la majorité des votants favorables à la proposition de loi doive aussi au moins représenter entre 15 % et 1/3 des électeurs détenteurs du droit de vote. 93 ( * ) Le plus souvent, l'approbation d'une révision constitutionnelle nécessite le respect d'un quorum et une majorité qualifiée au référendum.

Exemples de règles de quorum et de majorité pour les RIP
dans les Länder

Ainsi, au Bade-Wurtemberg , Land peuplé de 10,9 millions d'habitants, l'initiative de la proposition de loi doit être portée par 1/6 e des détenteurs du droit de vote et les modifications constitutionnelles doivent être approuvées par une majorité des électeurs. 94 ( * ) En Basse-Saxe , 10 % des détenteurs du droit de vote parmi les 7,9 millions d'habitants, doivent soutenir le dépôt d'une proposition de loi citoyenne pour qu'elle soit examinée par le Parlement régional puis soumise éventuellement à un référendum régional. Pour que la proposition soit définitivement acceptée, non seulement la majorité des votants mais aussi 1/4 des électeurs doit l'approuver, voire la moitié des électeurs en cas de révision de la constitution du Land. 95 ( * )

En Bavière , État libre peuplé de 12,9 millions d'habitants, l'initiative populaire requiert le soutien de 10 % des détenteurs du droit de vote. Une majorité simple suffit, sans quorum, pour approuver une proposition de loi simple d'origine citoyenne mais les modifications constitutionnelles doivent être approuvées par une majorité des deux tiers des votants. 96 ( * ) Dans le Brandebourg , peuplé de 2,5 millions d'habitants, le dépôt d'une proposition de loi citoyenne requiert 80 000 signatures et l'approbation par référendum nécessite que la majorité favorable à la proposition représente au moins 1/4 des électeurs. 97 ( * ) Dans le Land de Mecklembourg-Poméranie occidentale , 120 000 signatures suffisent à déposer une proposition de loi citoyenne mais c'est un seuil plus élevé à atteindre qu'il n'y paraît dans une région de 1,6 million d'habitants. En cas de référendum, elle doit être approuvée par une majorité de votants représentant un tiers des électeurs, voire la moitié des électeurs en cas de révision constitutionnelle.

En Rhénanie-du-Nord-Westphalie , l'initiative populaire doit être portée par 8 % des électeurs, un seuil élevé dans un Land de 17,9 millions d'habitants. En cas de référendum sur la proposition de loi citoyenne, le résultat est validé si la majorité qui se dégage représente au moins 15 % des électeurs, le seuil le plus bas parmi les Länder. Dans le cas d'une révision constitutionnelle d'origine citoyenne, il est prévu pour valider le résultat du référendum un quorum de participation fixé à 50 % et une majorité qualifiée des 2/3 des suffrages exprimés. 98 ( * )

En Saxe-Anhalt , Land de 2,3 millions d'habitants, 11 % des électeurs doivent apporter leur soutien à l'initiative citoyenne pour que la proposition de loi soit examinée, puis éventuellement soumise à référendum. La décision est emportée par une majorité représentant au moins 25 % des électeurs. Toutefois, cette règle de quorum ne s'applique pas pour valider par référendum une éventuelle proposition de loi alternative soumise au vote par le Parlement régional parallèlement à la proposition d'initiative citoyenne. 99 ( * )

En Espagne , au niveau national, l'article 87 de la Constitution de 1978 attribue l'initiative législative au Gouvernement, au Congrès des députés et au Sénat (al. 1). Les assemblées délibérantes des Communautés autonomes peuvent solliciter du Gouvernement l'adoption d'un projet de loi ou soumettre une proposition de loi au Bureau du Congrès des députés, en délégant auprès de la chambre au plus trois membres de l'assemblée délibérante pour défendre le texte (al. 2). Enfin, l'initiative populaire tendant à la présentation de propositions de loi est acceptée dans les limites fixées par la loi organique. 100 ( * ) Dans tous les cas, il est requis au moins 500 000 signatures valides et l'initiative populaire ne peut intervenir dans le domaine de la loi organique, de la loi de finances et des conventions internationales. Elle ne peut non plus concerner le droit de grâce (al. 3).

Parallèlement, il n'est prévu de référendum national 101 ( * ) que dans deux cas :

- une consultation citoyenne ( referéndum consultivo ) sur une décision politique d'une importance toute particulière, convoquée par le Roi, sur proposition du Président du Conseil autorisée par le Congrès des députés (art. 92) ;

- la ratification par la population d'une révision de la Constitution adoptée par le Congrès des députés et par le Sénat, si 10 % des membres d'une des deux chambres le demandent dans les 15 jours suivant l'adoption parlementaire du texte (art. 167).

L'initiative populaire et l'organisation du référendum sont donc découplées en Espagne sans possibilité d'organiser un RIP au niveau national. Le texte constitutionnel attribue d'ailleurs explicitement à l'État la compétence exclusive pour autoriser la convocation d'un référendum (art. 149, al. 1, 32°).

Toutefois , le caractère régionalisé de l'État espagnol dont les Autonomies disposent de très vastes prérogatives, y compris législatives, ouvrent comme en Allemagne des possibilités au niveau régional.

Le droit à la participation politique est inscrit dans les divers Statuts des Communautés autonomes et comprend le droit de pétition, l'initiative législative auprès du Parlement régional, et pour les textes les plus récents, la possibilité pour les citoyens de demander la convocation d'une consultation populaire régionale . Cette dernière possibilité est ouverte dans les Statuts de la Catalogne (art. 29), de l'Andalousie (art. 30), des Îles Baléares (art. 15) ou de Castilla y León (art. 11). Elle n'est pas mentionnée en revanche dans les nouveaux statuts d'Aragon, de la Communauté valencienne et d'Estrémadure. Dans beaucoup de Communautés autonomes, les exécutifs régionaux peuvent convoquer des consultations populaires.

Ces « référendums » 102 ( * ) visent à laisser la population manifester son opinion sur une question de politique publique donnée. À la différence du modèle allemand, ils ne sont pas utilisés comme de véritables RIP régionaux pour contourner le rejet par le parlement régional d'une proposition de loi soumise par les citoyens.

LE RÉFÉRENDUM À QUESTIONS MULTIPLES

La division de la Législation comparée a poursuivi sa recherche par une étude du référendum à questions multiples, en intégrant à la fois :

- les référendums comportant sur un même sujet plusieurs choix alternatifs soumis au vote des électeurs ( référendum à choix multiples ) ;

- les réunions de plusieurs référendums convoqués pour la même date mais donnant lieu à des votes distincts sur des sujets sans lien les uns avec les autres ( votation à référendums multiples ). 103 ( * )

I. UN RÉFÉRENDUM À CHOIX MULTIPLES QUI DEMEURE L'EXCEPTION

Dans la pratique, l'hypothèse du référendum à choix multiples est majoritairement rejetée. Les systèmes politiques qui prévoient le référendum, quelle que soit l'origine de l'initiative, repoussent généralement, sinon en droit du moins en fait, l'idée que sur une même question les électeurs doivent choisir parmi une liste d'alternatives. Le principe est celui d'un vote exclusif sur une question fermée 104 ( * ) , claire et précise pour qu'il n'y ait pas de doute sur l'expression populaire et que la majorité se dégage nettement .

Ces dispositions sont souvent explicites et respectées dans les pays qui prévoient un RIP/RIC comme la Californie, la Suisse, l'Italie ou le Portugal : une initiative populaire doit former une unité simple, elle ne peut pas aborder plusieurs sujets, ni proposer des options, qu'elle prenne la forme d'un texte précis à adopter ou à abroger ou qu'elle porte sur une question d'ordre général mise en forme par les institutions compétentes.

Il existe néanmoins certaines exceptions et les référendums à choix multiples demeurent possibles quoique rares :

- lorsqu'est prévue la faculté pour les autorités d'opposer un contre-projet à une initiative populaire comme en Suisse et en Allemagne au niveau fédéral 105 ( * ) ou des Länder 106 ( * ) . Dans ce cas, il y a bien 3 choix : accepter l'une ou l'autre proposition ou rejeter les deux. De fait, les autorités sont réticentes à proposer un contre-projet et préfèrent faire échouer l'initiative populaire si elles y sont opposées ;

- lorsque le référendum est initié par les autorités et vise avant tout à consulter la population plutôt qu'à prendre une décision directement contraignante. Par exemple, en Suède , les textes constitutionnels ouvrent la possibilité d'organiser des référendums consultatifs sur la base d'une loi votée par le Parlement qui définit très librement les termes de la consultation. Les référendums de 1957 sur le système de retraites et de 1980 sur le nucléaire laissaient 3 choix au vote des électeurs. 107 ( * )

Il convient de noter que le référendum à choix multiples impose de choisir un mode particulier de détermination du résultat car on retombe en réalité dans le problème de la détermination de la préférence dans un scrutin proportionnel. Précisément, faut-il retenir l'option retenue par une majorité relative des citoyens, comme en Suède par exemple ou faut-il leur permettre de classer les options par ordre de préférence et d'en déduire le résultat selon de multiples variantes ?

Les référendums de 1992 et de 1993
sur le régime électoral en Nouvelle-Zélande

L'ensemble formé par les référendums sur la transformation du système électoral tenus à l'initiative du gouvernement en Nouvelle-Zélande en 1992 et 1993 est très original car il a permis de conjuguer des modes diverses de référendum : consultatif et contraignant, à choix fermé et à choix multiples, à question unique et à questions multiples, convoqué séparément et convoqué en même temps que les élections législatives.

En 1992, s'est tenu un premier référendum non contraignant , séparé, composé de deux questions successives . La première question, fermée, demandait s'il fallait conserver ou non le système de scrutin majoritaire uninominal à un seul tour ( First-past-the-post ). Le oui l'emporte avec 85% La seconde question, toujours consultative, présentait un choix entre quatre autres modalités de scrutin possibles , dans le cas où la majorité des votants se prononce pour une réforme électorale. Une option l'emporta très nettement : la proportionnelle mixte par adjonction de membres comme en Allemagne (65 % des voix sur cette option).

Le premier référendum consultatif a servi en réalité à préciser la question soumise au second référendum décisionnel en sélectionnant une seule option de réforme à confronter au statu quo.

Puis, en 1993, conjointement avec les élections législatives de novembre, un référendum porteur d'effets juridiques contraignants a été organisé. Il mettait les électeurs devant une alternative : il fallait choisir entre conserver le scrutin uninominal majoritaire à un tour en vigueur ou adopter la proportionnelle mixte par adjonction de membres, retenue par le premier référendum. Les résultats furent, comme il était prévisible, beaucoup plus serrés notamment parce que les tenants d'autres modalités de scrutin écartées par le référendum consultatif ont pu s'allier avec les tenants du statut quo strict. Finalement, la réforme a été adoptée par 54 % des votants pour une participation de 83 %.

II. LA CONVOCATION SIMULTANÉE DE MULTIPLES RÉFÉRENDUMS EST LA RÈGLE DANS LES PAYS À FORTE TRADITION DE DÉMOCRATIE DIRECTE

En revanche, la deuxième hypothèse de « votation à référendums multiples » est extrêmement fréquente dans les pays qui connaissent régulièrement des référendums. Le plus généralement en Californie, en Suisse ou en Italie, les votes sur plusieurs questions sont regroupés le même jour pour des questions d'organisation et de coût et pour faciliter la participation des électeurs . C'est directement corrélé à la force de l'initiative populaire qui tend à multiplier les occasions de référendums. Rien n'empêche de conjuguer le même jour des référendums obligatoires prévus par les textes constitutionnels, des référendums sur initiative populaire en matière constitutionnelle, des abrogations ou des confirmations d'actes législatifs. En outre, les référendums peuvent être convoqués en même temps que des élections ; c'est la règle en Californie notamment. Il y est également prévu des règles de cohérence lorsque plusieurs initiatives incompatibles sont adoptées : on retient celle qui a obtenu le plus de suffrages.

L'important est que chaque référendum isolé suive séparément toutes les étapes de la procédure (initiative, validation, contrôle, décision d'organisation, vote) et respecte individuellement toutes les contraintes matérielles et formelles posées par les textes constitutionnelles ou organiques.

DÉBAT PUBLIC ET CONCERTATION CITOYENNE

La division de la Législation comparée a conduit une recherche sur le débat public, la concertation citoyenne et la participation du public à la décision politique au Danemark, en Irlande, en Italie, en Suède et en Suisse.

Il apparaît sur cet échantillon que :

- ne sont généralement pas prévues de modalités de débat public ou de consultation citoyenne au plan national en dehors des dispositifs d'initiative législative populaire, éventuellement couplés avec des référendums ;

- les débats publics ont lieu avant tout au niveau communal en fonction des intérêts et du contexte local. Les méthodes et les instruments utilisés sont très variés, à la discrétion des collectivités ;

- considérés dans certains pays comme des modes naturels d'administration, les débats publics ne sont vraiment formalisés et encadrés par la loi que lorsqu'ils constituent la phase préliminaire d'un projet d'infrastructure de grande ampleur ;

- de nouvelles formes mixtes de délibération articulant représentation parlementaire et démocratie directe sont expérimentées.

I. AU DANEMARK ET EN SUÈDE, UNE TRADITION DE CONCERTATION QUI JOUE PRINCIPALEMENT AU NIVEAU LOCAL

Au Danemark , au niveau national , depuis le 1 er janvier 2018 , les citoyens possédant le droit de vote aux élections législatives peuvent introduire une « proposition citoyenne pour une résolution parlementaire » via un site internet dédié que gère le Parlement . L'auteur de la demande doit fournir en même temps les noms et adresses e-mail de 3 à 10 autres citoyens danois, appelés co-auteurs, détenteurs du droit de vote et susceptibles de soutenir publiquement la proposition. Ces co-auteurs potentiels sont contactés pour confirmer qu'ils acceptent de l'être. Lorsqu'au moins 3 d'entre eux ont accepté, la proposition est soumise à l'administration parlementaire pour relecture. Lorsque la relecture valide la proposition (en particulier, si elle n'est pas manifestement inconstitutionnelle ou fantaisiste), elle est publiée sur le site dédié et d'autres citoyens peuvent apporter leur soutien dans les 6 mois. Si 50 000 d'entre eux le font, la proposition est introduite au Parlement et débattue comme n'importe quelle proposition de loi. Entre le 1 er janvier et le 22 octobre 2018, plus de 100 propositions ont été lancées sur le site dédié et 4 d'entre elles ont été déposées au Parlement. Aucune n'avait encore été adoptée à cette date.

Au niveau local , les communes danoises mettent en place des procédures et des instruments très variés de démocratie participative qui visent la consultation régulière et l'implication constante des citoyens (borgerinddragelse) dans la prise de décision. Les communes sont laissées extrêmement libres par le législateur de décider de leur stratégie participative, élément désormais classique de la politique locale au Danemark.

On peut prendre l' exemple de la commune de Furesø dans l'agglomération de Copenhague, qui considère qu'« en impliquant les citoyens dans le développement de la municipalité, le conseil municipal a la possibilité de prendre des décisions qui sont éclairées depuis plusieurs angles différents » tout en permettant aux citoyens de la commune de se sentir acteurs. 108 ( * ) La municipalité de Furesø parle de « réconciliation des attentes » (forventningsafstemning) . Pour la municipalité, l'enjeu majeur est d'élargir le cercle des citoyens impliqués, au-delà de ceux qui participent déjà aux processus politiques. Cela implique de réfléchir et d'ajuster en permanence le cadre, les instruments et les modalités pratiques (lieux, horaires) de consultation et de participation des citoyens, à qui il faut donner la possibilité d'être force de proposition. La participation citoyenne se fait de différentes manières : auditions publiques, réunions de citoyens, ateliers, coopération avec les associations, consultation par internet (questionnaire par mail et mobilisation des réseaux sociaux).

Surtout la commune de Furesø met en avant la possibilité offerte par la loi sur l'administration communale de constituer des commissions de travail consultatives ( rådgivende arbejdsudvalg ) pour préparer et éclairer les travaux de l'exécutif communal, de la commission permanente et de la commission budgétaire. 109 ( * ) Elles sont instituées par décision du conseil municipal qui leur donne mandat pour traiter un sujet spécifique. La loi est muette sur leur composition, laissée à l'appréciation des communes. Furesø comme d'autres a fait le choix d'inclure des citoyens et d'en faire un instrument de concertation et de participation citoyenne. Le conseil municipal décide de la façon de sélectionner les citoyens et les membres du conseil qui en feront partie. La composition de la commission de travail est déterminée en pensant à l'application potentielle en aval des recommandations qu'elle émettra : il faut intégrer le plus possible l'ensemble des parties prenantes et des intérêts concernés pour faciliter l'appropriation collective des mesures. Le mandat du conseil municipal définit le règlement intérieur et les livrables, ainsi que les hypothèses de travail et prémisses à partir desquelles la commission doit partir. Le président de la commission est un membre du conseil municipal qui agit comme coordinateur et garant de ses travaux. L'administration communale apporte tout le soutien logistique et l'expertise technique nécessaire à la commission.

La commune régionale de l'île de Bornholm fournit un autre exemple. Elle a défini une stratégie pluriannuelle pour l'implication citoyenne, considérée comme une partie naturelle du processus de décision politique et du travail de coopération menée par la collectivité. L'accent est mis sur la nécessaire diversité des canaux et des instruments de concertation et de participation en fonction des cas concrets, des groupes ciblés et de l'évolution du contexte local. L'animation de la politique de participation citoyenne est confiée à un Groupe pour la démocratie , composée de représentants de tous les partis au conseil municipal. Des moyens financiers lui sont alloués et il est assisté par un secrétariat et par le réseau administratif de la commune régionale de Bornholm. Parallèlement est institué un groupe d'évaluation , composé de représentants du Groupe pour la démocratie et de représentants des intérêts socioéconomiques locaux, afin d'assurer une évaluation transversale dans un rapport annuel.

Parmi les instruments de concertation et de participation mis en place à Bornholm, on peut mentionner des ateliers de prospective sur le développement local, des réunions sectorielles du monde socio-économique, des auditions de groupes cibles, le recours aux réseaux sociaux. La région-commune a en particulier mis en place un « panel citoyen électronique ». Il faut s'inscrire au panel sur le site internet de la région-commune pour être destinataire de questionnaires réguliers sur des projets ou des sujets de débat précis. Tout résident de Bornholm, mais aussi toute personne qui présente un lien suffisant avec l'île (très touristique donc soumis à une forte fluctuation saisonnière), peut faire partie du panel. C'est la collectivité qui assume la responsabilité éditoriale et le choix des questions ou des thèmes, mais c'est une entreprise (Rambøll Management) qui assume la responsabilité technique du portail. Entre 800 et 1000 personnes sont constamment membres du panel . Les résultats des consultations sont publiés et régulièrement utilisés par le conseil régional-municipal comme motivation partielle pour ces décisions dans des affaires concrètes.

En Suède, la question du renforcement de la participation des citoyens dans le processus législatif a été abordée dans une commission d'enquête en 2014 , dont la mission visait à établir comment accroitre et élargir l'engagement politique à travers la démocratie représentative et comment augmenter l'influence des individus entre les élections. La commission proposait notamment d'introduire une faculté d'initiative citoyenne : tout citoyen possédant le droit de vote pourrait déposer une initiative au Parlement suédois, et si cette initiative recevait le soutien d'au moins 1 % des électeurs, alors elle deviendrait une motion soumise au vote du Parlement. Actuellement, aucune initiative législative n'a encore été mise en oeuvre en réponse à cette proposition.

Au niveau national toujours, l'arène traditionnelle en matière de décisions politiques en Suède est la commission gouvernementale , où les politiques sont formulées et les nouvelles législations préparées. En 2015, près de 100 commissions ont été mises en place. En général, ces commissions d'enquête durent entre une et plusieurs années et les conclusions de leur rapport sont rendues publiques. Dès parution du rapport, celui-ci circule au sein de différentes instances afin qu'elles puissent faire part de leurs commentaires. Mais au-delà de ce cercle, toute personne intéressée par le sujet, y compris à titre individuel, a la liberté de soumettre des commentaires .

Au niveau local , les citoyens peuvent demander un référendum consultatif via une initiative populaire. Toute question concernant la tenue d'un référendum sur un sujet particulier doit être soulevée si au moins 10 % des électeurs locaux le demandent. Après cette initiative populaire, un referendum doit être organisé si cela concerne une question de la compétence du conseil municipal sauf si au moins 2/3 des membres du conseil présents s'y opposent.

Par ailleurs, depuis 2001, un résident d'une commune peut soulever une question devant le conseil municipal. Les municipalités ont le choix d'autoriser ou non cette procédure de proposition citoyenne . Lorsqu'elles y consentent, il s'agit d'une autorisation générale : il n'y a pas d'évaluation individuelle visant à déterminer si une question peut être soulevée ou non. En 2015, une enquête indiquait que 3 communes sur 4 avaient introduit cette possibilité : sur l'année 2014, 3 000 questions ont été soulevées devant 137 municipalités. 20 % des demandes introduites sur la période 2010-2014 ont été approuvées.

Outre ces deux initiatives, il est courant en Suède que la participation au niveau local passe également par les dialogues citoyens et les consultations citoyennes où les particuliers, les organisations, les groupes d'intérêts ou tout autre acteur sont invités à prendre part au processus de prise de décision. En 2015, 83 % des municipalités suédoises ont indiqué avoir recours à une forme ou une autre de consultation ou dialogue citoyen , principalement pour collecter des vues et opinions sur des sujets spécifiques. D'autres communes ont introduit des pratiques de codécision plus poussées, telles que le budget participatif.

Ainsi, à titre d'exemple, la commune de Ronneby 110 ( * ) a publié des lignes directrices pour le dialogue avec les citoyens . Ce document est intéressant car il présente différentes modalités de concertation et de débat qui sont la disposition des communes en fonction du degré d'implication souhaitée des citoyens :

- l' information , par des réunions d'information destinées à un grand nombre de personnes, sur des thèmes ou des cas importants. Il s'agit d'une communication à sens unique sur une décision déjà prise , et non d'une réunion de dialogue ;

- la consultation . Elle peut passer par l'installation de groupes de 6 à 12 personnes qui se prononce sur la base d'un document préparé par la municipalité sur lequel il peut être intéressant de recevoir l'avis des citoyens (exemple : s'agissant du budget, quelles devraient être les lignes prioritaires l'année prochaine ?). À une autre échelle, il peut être mis en place un panel de 60 à 80 personnes pour identifier les facteurs d'un problème particulier ou exprimer le ressenti des citoyens. La consultation requiert dans ce cas la présence d'un modérateur ;

- le dialogue : également appelée « méthode du café », elle vise à encourager les citoyens à participer à des discussions sur des questions d'actualité dans un environnement informel , pour stimuler le développement d'idées, de suggestions, apprendre, écouter et échanger. Aucun consensus n'est recherché ;

- l' influence : les citoyens ont la possibilité de participer pendant une plus longue période et sont impliqués dans un processus allant du livre blanc à la proposition finale qui servira de base aux décisions politiques ;

- la codétermination : l'assemblée élue délègue la responsabilité d'un sujet à un groupe de travail mixte dans lequel les participants ne sont pas choisis en fonction de leur appartenance à un parti mais sont impliqués individuellement.

II. EN ITALIE ET EN SUISSE, LE DÉVELOPPEMENT DE DÉBATS PUBLICS SUR LES INFRASTRUCTURES ET LE RECOURS AUX INSTRUMENTS DE DÉMOCRATIE DIRECTE

En Italie, se met en place progressivement la Commission nationale pour le débat public sur les grands projets d'infrastructures, dans la droite ligne d'initiatives régionales.

Le débat public et la participation citoyenne sont devenus des sujets politiques de premier plan avec l'émergence du Mouvement 5 étoiles ( Movimento 5 Stelle - M5S ), qui fait de la démocratie directe un des axes essentiels de sa doctrine. Le M5S présente la particularité d'être pour une grande partie un parti virtuel sans implantation physique. Il est structuré autour de la plateforme numérique d'échanges Rousseau , qui a été conçue par Casaleggio, le cofondateur du mouvement avec le comique Beppe Grillo. Depuis la mort de l'ingénieur, son fils est devenu propriétaire des droits sur la plateforme qui n'est donc pas en open source . Cette plateforme est utilisée notamment pour permettre des votes sur la définition des positions et les propositions du parti ou sur la sélection des candidats aux différentes élections. Ne peuvent participer que les adhérents. Une exclusion du mouvement (phénomène fréquent dans une organisation à la fois horizontale et étroitement soumise aux directives de ses chefs) revient à être débranché des modules d'accès à la plateforme Rousseau.

Il convient de noter que la Constitution italienne de 1947 prévoit déjà deux dispositifs participatifs distincts et soumis à un contrôle juridictionnel serré : l'initiative législative populaire (art. 71) et le référendum d'initiative populaire à visée abrogative (art. 75). Il faut également relever que le gouvernement Ligue-M5S a déposé un projet de loi , en cours d'examen au Parlement italien, pour renforcer le dispositif d'initiative législative populaire en le couplant avec un référendum obligatoire en cas de refus du Parlement d'adopter un projet de loi conforme à l'initiative populaire qui lui a été présentée.

Parmi les développements récents en matière de débat public, qui ont été poussés avant le M5S par le PD de Renzi lorsqu'il était aux affaires, on se concentrera sur la mise en place progressive de la Commission nationale pour le débat public , qui doit intervenir en amont des grands projets d'infrastructures. Elle a été anticipée par des lois régionales visant à promouvoir la participation des citoyens à la prise de décision et à la construction des politiques publiques. C'est le cas de la région Toscane qui a institué une Autorité régionale pour la garantie et la promotion de la participation.

Débat public régional et promotion de la participation citoyenne en Toscane

Les régions italiennes participent à l'exercice du pouvoir législatif. Elles peuvent adopter des lois régionales dans leurs domaines de compétence. En matière de débat public et de participation citoyenne, elles ont été pionnières et ont devancé les dispositifs nationaux. C'est notamment le cas des régions de l'Italie centrale, bastion de la gauche désormais sous pression du M5S.

Ainsi, la loi régionale toscane n.46 de 2013 a pour objet premier de contribuer à la rénovation de la démocratie et de ses institutions en intégrant à leur action des pratiques, des procédures et des instruments de démocratie participative (art. 1). Elle veut promouvoir la participation des citoyens comme forme ordinaire d'administration et de gouvernement. À cette fin, la Toscane institue une Autorité régionale pour la garantie et la promotion de la participation (art. 3). Organisme indépendant, elle est formée de 3 membres désignés pour 5 ans par le Conseil régional parmi des personnes à l'expérience prouvée en matière de procédures participatives. La citoyenneté italienne n'est pas requise.

L'Autorité a ctive et supervise les procédures de débat public régional , qui constitue un processus d'information, de confrontation publique et de participation sur les ouvrages, les projets ou les interventions qui présentent une importance particulière pour la communauté régionale en matière environnementale, territoriale, paysagère, sociale, culturelle ou économique. Il doit se dérouler en principe pendant la phase préliminaire d'élaboration d'un projet lorsque toutes les diverses options sont encore ouvertes (art. 7). L'Autorité pour la participation décide de l'opportunité d'ouvrir un débat public pour les projets situés en-dessous des seuils de lancement obligatoire. Elle lance la procédure, définit les modalités et les instruments du débat en en garantissant l'impartialité, en veillant à l'expression de tous les points de vue, en facilitant l'accès de tous aux lieux et aux temps du débat. Elle définit les différentes phases du débat et sa durée globale qui ne peut dépasser 90 jours après la fin de l'instruction technique. Elle nomme le responsable opérationnel du débat public , et peut à cette occasion s'autodésigner comme responsable. C'est à celui-ci qu'incombe de piloter concrètement le débat et de rédiger le rapport final remis à l'Autorité qui le transmet au Conseil régional et au Gouvernement régional. Le promoteur du projet soumis à débat dispose de 90 jours pour répondre au rapport (art. 11 & 12).

Par ailleurs, au-delà des débats sur les grands projets d'ouvrages ou d'infrastructures, l'Autorité pour la participation évalue et sélectionne des projets participatifs en vue de leur apporter un soutien financier, logistique ou méthodologique . Une partie des ressources financières disponibles de l'Autorité est réservée aux processus participatifs initiés dans des lycées (art. 18 bis et 19).

Le nouveau code des marchés publics (DL n. 50/2016 modifié par DL n. 56/2017) prévoit pour la première fois en Italie le recours obligatoire à la procédure de débat public avant la réalisation de grands projets d'infrastructure (art. 22, al. 2). Les seuils de déclenchement de la procédure en fonction de la dimension, du montant d'investissements et du type d'ouvrages sont renvoyés à un décret du Président du Conseil des ministres, finalement adopté le 10 mai 2018 , qui définit également la procédure et les modalités de déroulement du débat public. Le débat public est obligatoire lorsque les seuils sont franchis mais peut être organisé sur requête lorsque le projet dépasse les 2/3 des seuils.

Le débat public est défini dans le texte comme le processus d'information, de participation et de discussion publique sur l'opportunité des projets et des solutions envisagées . Sont compris les ouvrages de transports (autoroutes, aéroports, ports commerciaux, tronçons ferroviaires de longue distance comme le Lyon-Turin confronté à la farouche opposition du M5S), les infrastructures et réseaux énergétiques, mais aussi tous les grands projets à usage social, culturel, sportif (grands stades), scientifique ou touristique.

Une Commission nationale pour le débat public est instituée auprès du ministre des infrastructures et des transports. Elle compte 15 membres dont 10 nommés pour 5 ans par l'exécutif (les différents ministres concernés : président du conseil, infrastructures, environnement, développement économique, tourisme, justice et santé) et 5 par la Conférence unifiée qui est l'organe institutionnelle de relations entre l'État et les collectivités locales italiennes (2 représentants des régions, 1 des provinces, 2 des communes). La Commission nationale a la charge de surveiller le bon déroulement de la procédure de débat public, le respect des droits d'information et de participation des citoyens . Elle propose à cette fin toute recommandation de caractère général ou méthodologique. Elle garantit la diffusion adéquate et rapide de toutes les données nécessaires : les modalités de déroulement du débat, les avis rendus, la documentation technique pertinente et les résultats des consultations conclues ou en cours. Elle organise son travail en collaboration étroite avec les collectivités territoriales intéressées par la construction des ouvrages. Elle présente un rapport annuel au Gouvernement et au Parlement.

La procédure de débat public s'ouvre par la communication à la Commission nationale et aux collectivités territoriales concernées d'une décision de lancement accompagnée de documents et informations essentiels : objectifs et caractéristiques du projet d'ouvrage ou d'infrastructure, désignation des représentants de l'administration qui suivront le débat public, présentation de documents de faisabilité incluant différentes alternatives. Le lancement du débat public proprement dit donne lieu à une publication dans les 7 jours sur les sites internet de la commission nationale et des collectivités concernées. Est communiqué à cette occasion au public un dossier de projet qui motive dans un langage clair et compréhensible les solutions préconisées en présentant leur impact social, environnemental et économique.

Un rôle essentiel sera tenu localement dans chaque procédure par le coordinateur du débat public sélectionné par le ministre compétent en fonction de son expérience de gestion de processus participatifs ou dans la planification et la conduite de projets. Il ne peut être résident ou avoir son domicile dans le territoire de la province ou de la métropole où sera implanté le nouvel ouvrage.

Le coordinateur a la charge d'élaborer un document-cadre définissant les thèmes soumis à la discussion, le calendrier des rencontres et les modalités concrètes de participation du public . Il peut demander à l'autorité administrative qui a rédigé le dossier du projet d'ouvrage ou d'infrastructure des ajouts ou des modifications. Il doit favoriser la confrontation des points de vue et faire émerger les positions en lice , notamment en mobilisant les contributions d'experts. Il définit et gère de façon objective et transparente le plan de communication et d'information du public. Il est responsable du site internet propre à la procédure de débat public en cours. Il fait part la Commission nationale du débat public de toutes les anomalies dans le déroulement du débat public.

Enfin, le coordinateur du débat public rédige le rapport de conclusion du débat public qui est remis à la Commission nationale et à l'autorité administrative adjudicatrice. Le rapport résume la procédure, les positions qui ont émergé au cours du débat et les questions ouvertes et les problématiques en suspens. Sur ces questions et problématiques, il est demandé à l'autorité administrative en charge du projet de prendre position dans un dossier conclusif motivé dont la remise, dans les deux mois suivant le rapport du coordinateur, clôt la phase de débat public. Les coûts relatifs au déroulement du débat public sont supportés par l'autorité administrative adjudicatrice.

En Suisse, la participation citoyenne prend la forme du référendum d'initiative populaire (RIP) et, au niveau local, d'assemblées communales ou de parlements. On renvoie sur le premier point à la note précédente sur le RIP.

Au niveau local , il existe dans de nombreuses petites communes suisses des assemblées communales ou des parlements permettant aux citoyens de décider au niveau local. Les assemblées sont formées de la réunion des citoyens électeurs de la commune tandis que le parlement est un organe législatif formé de représentants élus. L'Assemblée des Communes suisses (équivalent de l'AMF) indique que près de 80 % des communes mettent en place des assemblées communales même si la participation n'est que de 20 % des habitants dans les plus petites communes, 2 à 3 % dans les communes plus grandes . Les assemblées communales sont adaptées aux petites communes ayant « une population homogène et sans clivage politique. Dans l'idéal, elles y permettent des débats animés au cours desquels les meilleurs arguments l'emportent et les projets sont conçus de façon à être les plus utiles et à susciter la plus grande acceptation possible. Leurs compétences sont plus ou moins larges. Dans plus de 60 % des cas, elles décident de tous les objets ». 111 ( * )

Comment fonctionnent concrètement les assemblées communales ? Prenons l'exemple du Canton de Fribourg. Aux termes de l'article 131 de la Constitution de ce canton, « chaque commune a une assemblée communale ou un conseil général » et un conseil communal. Pour clarifier la terminologie, il faut relever que le conseil général est l'organe législatif et que le conseil municipal est l'organe exécutif de la commune dans ce canton. 112 ( * ) Le conseil général élu n'existe que dans les plus grosses communes, où il est d'ailleurs obligatoire comme à Fribourg même. L'article 50 du même texte précise que « dans les communes sans conseil général, les citoyennes et les citoyens actifs exercent leurs droits politiques au sein de l'assemblée communale » .

Ont le droit de voter et d'élire en matière communale « les Suissesses et les Suisses domiciliés dans la commune » ainsi que « les étrangères et les étrangers domiciliés dans la commune qui sont domiciliés dans le canton depuis au moins cinq ans et au bénéfice d'une autorisation d'établissement » majeurs (article 48). Ils sont membres de l'assemblée communale et élisent les membres du conseil général et du conseil municipal.

Les autorités de la commune de Misery-Courtion dans le canton de Fribourg 113 ( * ) précise que « l'assemblée communale est l'organe de décision de la commune. » Elle se tient deux fois l'an au printemps, pour la reddition des comptes, et fin décembre, pour le budget . En cas de besoin, une assemblée extraordinaire peut être convoquée, soit par l'exécutif communal, soit lorsque le dixième des citoyens actifs en font la demande écrite. Les électeurs de la commune participent aux débats du Conseil communal et peuvent avancer des propositions. Détenteurs du pouvoir législatif local, ils ont le pouvoir d'adopter ou de rejeter les propositions de l'exécutif communal. Les procès-verbaux des assemblées générales sont publics et disponibles sur les sites internet des communes.

L'assemblée communale est présidée par le syndic de la commune, soit l'équivalent du maire. Les services administratifs de la commune gèrent l'organisation des débats.

Là où il n'y a pas d'assemblée communale, on trouve en règle générale des parlements ou des conseils généraux selon la terminologie cantonale. Un nombre minimal d'habitants est requis pour pouvoir mettre en place un parlement, qui est donc une forme adaptée aux grandes communes connaissant des clivages politiques. En 2015, on recensait 476 parlements, comprenant pour la plupart entre 16 et 45 membres. Les parlements communaux totalisent 17 339 sièges, un élu représentant en moyenne 190 habitants. Ils permettent des débats structurés et une meilleure continuité et cohérence des votes. C'est le choix très majoritaire en Suisse romande (cantons francophones et Tessin).

III. L'IRLANDE, UN EXEMPLE RÉCENT DE DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE ARTICULANT LA MISE EN PLACE DE CONVENTIONS NATIONALES ET L'ORGANISATION DE RÉFÉRENDUMS TOUS AZIMUTS

L'Irlande a expérimenté deux nouvelles formes de démocratie participative à grande échelle, d'abord sous la forme d'une Convention sur la Constitution entre 2012 et 2014 , puis avec l'installation d'une Assemblée des citoyens entre 2016 et 2018 . Les recommandations de ces forums citoyens nationaux ont conduit directement à la convocation de multiples référendums et à des révisions constitutionnelles échelonnées entre 2015 et 2019 .

L'idée était non seulement d'accroître la participation des citoyens à la préparation et à la prise de décision, notamment pour reconfigurer certains éléments du système politique, mais aussi de dépasser des clivages politiques très durs sur des questions sensibles notamment le blasphème, l'avortement et le mariage homosexuel. Le processus n'est pas achevé mais le gouvernement irlandais songe déjà à reproduire l'expérience, même si la question de l'articulation avec les pouvoirs du Parlement n'est pas clairement tranchée.

La Convention et l'Assemblée des citoyens ont, toutes les deux, été créées par des résolutions des deux chambres du Parlement irlandais, qui définissaient les sujets soumis à leur réflexion, les conditions et le processus de sélections des membres, ainsi que quelques règles de procédure. Présidées par des personnalités indépendantes, la Convention et de l'Assemblée des citoyens recevaient toute l'expertise technique et juridique nécessaires à leurs travaux, notamment par la création connexe de groupes consultatifs d'experts. Elles recevaient également les contributions de tous les citoyens qui souhaitaient s'adresser à elles. Les recommandations finales étaient chacune adoptées par des séries de votes à la majorité 114 ( * ) et non par consensus.

Les compositions de la Convention et de l'Assemblée des citoyens étaient différentes, puisque seule la Convention prévoyait un dialogue entre parlementaires et citoyens . La Convention constitutionnelle comprenait 100 membres : 1 président nommé par le Gouvernement ; 66 citoyens sélectionnés par un sondeur pour refléter la population en termes d'âge, de répartition géographique et de genre ; 33 parlementaires des deux chambres à la proportionnelle des groupes. 115 ( * ) Tout citoyen faisant partie d'un groupe de pression ou d'opinion constituée sur un des sujets soumis à réflexion était exclu. 116 ( * ) En revanche, tous les cent membres de l'Assemblée des citoyens, à l'exception du président nommé par le Gouvernement, étaient des citoyens sélectionnés par un sondeur pour former un panel représentatif avec les mêmes règles d'exclusion des personnes à l'engagement connu.

Le tableau ci-après récapitule les sujets et les suites données aux travaux de la Convention et de l'Assemblée des citoyens. On ne peut que relever l'étendue des transformations constitutionnelles impulsées par ces forums citoyens innovants.

En matière de modalités des référendums, il convient de relever certaines propositions formulées et adoptées par l'Assemblée des citoyens (AC) en 2018 :

- autorisation de la convocation de plusieurs référendums le même jour sur des sujets sans lien entre eux ( pour : 80 % de l'AC ), mais pas plus de deux ( majorité relative de l'AC, pour : 41,7 % ) ;

- autorisation des référendums constitutionnels à choix multiples avec plus de 2 options ( pour : 76 % de l'AC ) ;

- dans le cas, des référendums à choix multiples, la décision est emportée par le système du vote unique transférable (système de Hare) comme pour les élections irlandaises classiques, ce qui implique pour les électeurs de classer les différentes options selon leur ordre de préférence ( pour : 52 % de l'AC ).

Convention sur la Constitution 2012-2014

Thèmes

Suites données

Abaissement de l'âge du droit de vote

Référendum prévu en 2019

Réduction à 5 ans du mandat présidentiel

Référendum en 2015 (échec)

Place des femmes en politique

Référendum prévu en 2019

Mariage homosexuel

Référendum en 2015 (succès) ; législation adoptée

Réforme électorale

Ne nécessitait pas de révision constitutionnelle.

Recommandations acceptées par le Gvt, qui a mis en place une Commission électorale, chargée d'exécuter la réforme

Abolition du délit de blasphème

Référendum en 2018 (succès) ; retrait de la mention dans la Constitution et dépénalisation

Octroi du droit de vote aux élections présidentielles aux Irlandais de l'étranger

Référendum prévu en 2019

Réforme de la Chambre basse

Reprise de certaines recommandations dans une révision du Règlement

Protection de droits économiques, sociaux et culturels

Recommandations renvoyées pour examen aux commissions parlementaires

Assemblée des citoyens 2016-2018

Thèmes

Suites données

Levée de la prohibition constitutionnelle de l'avortement

Référendum en 2018 (succès) - législation en cours d'adoption parlementaire

Comment répondre au vieillissement de la population ?

Propositions soumises en décembre 2017 - en attente de décision du Gvt irlandais

Durée fixe du mandat parlementaire

Propositions soumises en juin 2018 - en attente de décision du Gvt irlandais

Modalités des référendums

Propositions soumises en juin 2018 - en attente de décision du Gvt irlandais

Comment mettre l'Irlande à l'avant-garde de la lutte contre le changement climatique ?

Une Commission spéciale parlementaire analyse les conclusions.

LE STATUT JURIDIQUE DE LA PERSONNE
AVANT LA NAISSANCE - PERSPECTIVES DE DROIT DANOIS ET ESPAGNOL

Cette étude s'intéresse aux catégories et aux conceptualisations juridiques de la personne avant la naissance en Espagne et au Danemark. Les enjeux d'ordre moral liés à cette question ainsi que les considérations scientifiques sous-jacentes rendent difficile l'émergence d'une conception unitaire et systématique.

Pour être pris en considération en tant que sujet de droit, encore faut-il avoir la personnalité juridique en ce qu'elle constitue la marque de reconnaissance par l'ordre juridique de l'existence de la personne, question traditionnellement abordée par le droit civil. Toutefois, des considérations de politique pénale ont abouti à des déterminations différentes de la considération en tant que personne que ce soit en droit danois ou en droit espagnol. Le statut du foetus est ainsi indirectement abordé en cas d'avortement tardif ou de perte de l'enfant d'une victime à la suite d'un accident. L'embryon est lui saisi à l'occasion de l'encadrement de la procréation médicalement assistée (PMA) et de la limitation des possibilités de recherche en la matière.

I. L'ATTRIBUTION DE LA PERSONNALITÉ JURIDIQUE DU POINT DE VUE CIVIL AU DANEMARK ET EN ESPAGNE

Tant au Danemark comme en Espagne la personnalité juridique reste intrinsèquement liée à la naissance de la personne.

1. La conception de l'octroi de la personnalité juridique en droit civil danois

La doctrine danoise traditionnelle concernant la personnalité juridique est empreinte des considérations d'Alf Ross, important juriste et philosophe du droit danois qui fut l'un des représentants majeurs du réalisme juridique. Dans son ouvrage Du Droit et de la Justice 117 ( * ) , il considère, conformément à la prééminence accordée par les réalistes aux preuves empiriques, que le foetus n'obtient ses premiers droits que lorsque l'acte de naissance est établi, une fois l'enfant né vivant. Il relie cette conception à une vision homocentrique de la morale juridique. Dans cette conception, le foetus se trouve à la frontière entre deux catégories posées par la summa divisio juridique entre les personnes et les choses.

Il apparaît nécessaire d'évoquer le silence du code civil danois qui ne semble aucunement faire mention des conditions d'obtention de la personnalité juridique, renforçant le statut d'hybride juridique du foetus et du flou entourant le moment de la naissance. Ce n'est pas le choix du législateur espagnol qui se prononce expressément.

2. L'attribution de la personnalité juridique dans le droit civil espagnol

L'article 29 du code civil espagnol 118 ( * ) dispose que la naissance détermine la personnalité juridique mais que l'enfant conçu est considéré comme né au regard de tous les effets juridiques qui lui seront favorables 119 ( * ) . Cette disposition a trait particulièrement aux droits patrimoniaux du nasciturus , c'est-à-dire de l'enfant à naître.

Anciennement et jusqu'à la réforme du code civil espagnol opérée en 2011, l'article 30 du même code imposait deux conditions supplémentaires pour l'attribution de la personnalité juridique : la naissance d'un être vivant avec une forme humaine et ayant une vie indépendante hors du ventre de la mère pendant 24 heures. Ces conditions ont été supprimées et l'article 30 actuel n'exige qu'une naissance « vivante » et le détachement complet du ventre de la mère.

II. ENTRE SANTÉ PUBLIQUE, BIOÉTHIQUE ET DROIT PÉNAL, LA PRUDENCE PRAGMATIQUE ET ÉQUIVOQUE DU LÉGISLATEUR DANOIS

Le droit positif pénal danois ne donne pas d'indications précises sur le statut de l'enfant à naître (2.1). Cette absence ne va pas sans poser quelques difficultés et plus particulièrement dans les cas où l'enfant conçu est ou était, viable. La jurisprudence sur la question est ambivalente et accorde par ricochet des statuts différents à l'embryon selon le cas litigieux en question (2.2).

1. Le foetus dans le cadre de l'encadrement légal de l'avortement au Danemark

La législation danoise ne donne pas stricto sensu d'indications précises sur le statut juridique de l'embryon ni sur celui du foetus. C'est la législation sur l'avortement, réalisé dans le corpus juridique relatif à la santé publique 120 ( * ) , qui permet d'aborder le statut juridique du foetus en ce qu'il accorde une certaine protection au foetus à deux stades de son développement.

L'avortement est régulé dans les articles 92 et suivants du code de la santé publique. Ce texte fixe notamment la limite de l'interruption volontaire de grossesse (IVG) sans autorisation à 12 semaines (contre 18 en Suède).

Une fois ce délai dépassé, l'article 93 précise que l'IVG peut être pratiquée sans autorisation particulière pourvu qu'elle soit nécessaire pour la protection de l'intégrité physique et mentale de la mère, dans le cadre d'un danger inévitable et fondé médicalement. L'autorisation ne peut se voir accordée selon ce texte que dans les cas où :

- la grossesse, la naissance ou la prise en charge de l'enfant présente un risque pour la santé de la mère eu égard à une maladie corporelle ou psychologique ou un affaiblissement présent ou préexistant résultant de sa vie passée ;

- la grossesse est imputable aux faits décrits aux 210, 214 et suivants du code pénal ( Straffeloven ) concernant l'inceste et le viol.

L'article 94 du même code instaure une certaine protection du foetus sans pour autant définir son statut de façon précise. Il dispose à cet égard dans son alinéa 1, troisième point, que s'il y a risque pour l'enfant en raison d'une maladie congénitale, d'un dommage, d'une maladie au stade foetal ou d'un risque, d'être atteint dans sa constitution physique ou psychologique, l'autorisation d'IVG peut être accordée.

Dans le cas où le foetus peut être considéré comme viable, l'alinéa 3 du même article durcit les conditions de l'autorisation de l'IVG, celle-ci ne pouvant être prononcée que lorsque les conditions décrites à l'alinéa 1 troisième point sont réunies de manière particulièrement sévère.

Cependant, la viabilité du foetus ne fait ni l'objet d'une définition explicite ni scientifique, le texte de loi ne faisant pas mention de critères précis pour sa détermination.

Le Conseil d'éthique danois ( Det Etiske Råd ) a été amené à se prononcer sur la question de l'avortement tardif à la demande du Ministre de la Justice. Cette saisine a fait l'objet d'une publication du 1 er janvier 1997 121 ( * ) . Dans le préambule de celle-ci, il mentionne le dilemme auquel doit faire face le personnel soignant dans le cas d'avortements de foetus qui auraient quelques chances de succès étant donné que grâce aux avancées médicales, il est désormais possible avec un traitement adéquat de permettre à de grands prématurés de survivre, naissant généralement après la vingtième semaine et dans certains cas la dix-huitième.

Or, durant la même période, il peut être procédé à l'avortement avec autorisation d'un foetus au même stade de développement. Cela demande d'interroger la notion de viabilité. Le Conseil avait en outre majoritairement statué contre une élévation de la limite d'avortement « libre », c'est-à-dire sans autorisation.

Quant aux demandes d'autorisation, elles doivent être adressées par l'hôpital aux Conseils régionaux sur l'avortement et la stérilisation (S amråd for Abort og sterilisation ). Il est possible de faire appel de leurs décisions devant la Commission d'appel de l'avortement ( Abortankenævnet ). Il s'agit d'une commission chargée de prendre en charge l'intégralité des réclamations effectuées sur le territoire afin d'assurer une uniformité de traitement à chaque citoyen. Elle se compose de trois membres nommés par le ministre de la Santé, à savoir, d'un juge, d'un gynécologue et d'un médecin spécialisé en psychiatrie. Cette commission fait partie de la Direction de gestion des plaintes de la patientèle du ministère de la Santé danois ( Styrelsen for patientklager, under Sundheds- og Ældreministeriet ) 122 ( * ) .

2. Les questions posées par l'absence de la définition d'un statut du foetus et l'ambivalence des réponses jurisprudentielles au Danemark

Se penchant sur l'avortement, le Conseil d'éthique danois a indiqué qu'il n'était pas chose aisée que de faire cohabiter deux pratiques opposées et pourtant légales. Le statut juridique d'un foetus s'est complexifié avec le temps, étant donné les possibilités d'IVG sous certaines conditions, d'un côté, l'extension des chances de naissance viable, de l'autre. Cela est d'autant plus vrai à l'approche des 20 semaines de gestation, stade à partir duquel il est désormais possible de maintenir en vie un prématuré.

Il en résulte que pour deux foetus au même stade de développement, ce sont les décisions prises par les femmes enceintes qui constitueront le facteur déterminant dans la continuation de la gestation. Si d'un côté, l'une choisit d'avorter, passé le délai légal et si elle en obtient l'autorisation, l'avortement aura lieu. De l'autre si la femme souhaite mener la gestation à son terme mais que l'enfant vienne à naître prématurément, il serait possible grâce aux avancées de la médecine de le maintenir en vie.

Malgré l'absence de statut légal du foetus au Danemark, les juges danois ont dû se prononcer dans des affaires où un incident a provoqué la perte du foetus. Cette question a également été étudiée par une docteur en droit de l'université de Copenhague, J. Rothmar Herrmann, dans sa thèse consacrée aux questions de protection juridique du foetus et des ovocytes fécondés 123 ( * ) . Deux affaires sont citées afin d'illustrer l'ambivalence du statut du foetus en droit danois.

Dans la première affaire, datant de 2006, les participants à un rodéo urbain renversèrent plusieurs piétons dont une femme enceinte. La chute entraîna la perte de son foetus, arrivé à la 26 e semaine de gestation. Ici, le tribunal de Copenhague, considérant que le foetus faisait partie intégrante du corps de la femme, retint une infraction à l'article 249 du code pénal danois relatif aux dommages corporels involontaires.

La deuxième affaire citée dans la thèse concerne un refus d'avortement prononcé par la Commission d'appel de l'avortement, concernant la grossesse d'une fille de treize ans, enceinte de 24 semaines, d'un garçon de seize ans. La commission décida qu'en dépit du jeune âge de la fille et du caractère délictuel du rapport sexuel, il convenait de considérer qu'un foetus venant à naître à partir de la vingt-quatrième semaine, devait être considéré comme viable. Dans le cas présent, c'est le critère de viabilité qu'a choisi de retenir la commission pour motiver sa décision.

Dans les deux cas, les foetus étaient arrivés à un stade de développement avancé. Cependant, le statut juridique sous-jacent dans les deux solutions adoptées diffère et une attention particulière est portée à l'intention des acteurs en jeu.

Dans la première affaire, le juge danois, en retenant le dommage corporel sur la mère comme qualification de la perte du foetus, ne considère pas celui-ci comme une vie humaine à part entière. L'enjeu étant en premier lieu de statuer sur la culpabilité de l'accusé et celui-ci n'ayant pas eu l'intention de provoquer la perte, il résulte de cette absence de connaissance même de l'existence d'une tierce personne en puissance que l'atteinte portée au foetus se trouve absorbée par celle portée à la mère. Dans le deuxième cas, en revanche, le foetus, considéré dans une situation d'avortement volontaire, a bénéficié d'une protection accrue de sa personnalité en puissance.

La thèse fait également mention, lors de l'exposé des suites de l'arrêt Vo c. France, du 8 juillet 2004 rendu par la Cour européenne des droits de l'Homme d'un groupe de juristes ayant publié une version commentée du code pénal danois 124 ( * ) , faisant état du prérequis de la naissance avant que le celui-ci n'offre une quelconque protection. Il convient cependant de relever que cette interprétation ne fait pas consensus parmi les juristes danois.

III. L'ATTRIBUTION DE LA PERSONNALITÉ EN MATIÈRE PÉNALE DANS LE DROIT ESPAGNOL

Le droit pénal espagnol prend en considération la vie avant la naissance (3.1). La jurisprudence pénale a également eu l'occasion de déterminer le début de la prise en considération de la personne humaine (3.2). De manière annexe, un ensemble de délits assez récents interdit la manipulation génétique (3.3).

1. Les différentes étapes de la vie avant la naissance dans le droit espagnol

Afin de pouvoir caractériser le délit d'avortement, l'existence d'un objet matériel du délit est nécessaire, en l'espèce, l'existence d'un embryon.

Pour ce faire, la limite minimale pour la détermination de celui-ci est fixée par la doctrine au moment de la nidation de l'embryon dans l'utérus qui a lieu normalement environ 7 jours après la fécondation. C'est à partir de ce moment que le foetus nidifié dans le ventre de la mère constitue l'objet possible d'un délit d'avortement. Quant aux embryons fécondés in vitro mais pas encore implantés dans le corps de la mère, ils ne rentrent pas dans le champ d'application du délit d'avortement tel que prévu dans les articles 144 et ss. du code pénal espagnol.

Toutefois, une division plus précise de ces étapes est prévue par la loi espagnole 14/2007 du 3 juillet 2007 sur la recherche biomédicale 125 ( * ) . À cet égard, l'article 3 de cette loi donne, entre autres, les définitions de l'embryon, du pré-embryon et du foetus. Elle a repris notamment la définition du pré-embryon posée par la loi espagnole 14/2006, du 26 mai, sur les techniques de procréation médicalement assistée 126 ( * ) .

Selon la loi espagnole sur la recherche biomédicale, la phase de l'embryon s'étend du moment où l'ovocyte fécondé se trouve dans l'utérus d'une femme jusqu'à l'organogenèse. Cette phase s'achève selon la loi le 56 e jour à partir du moment de la fécondation. Vient ensuite la phase où l'on est en présence du foetus où l'embryon a déjà une apparence humaine. Cette phase commence selon la loi à partir du 57 e jour après la fécondation.

Avant ces deux moments de la gestation, on se situe selon la loi dans la phase du pré-embryon. Celui-ci est constitué par l'embryon créé in vitro et est formé par le groupe de cellules résultant de la division progressive de l'ovocyte depuis le moment de la fécondation jusqu'à 14 jours après.

2. Le début de la prise considération de la personne humaine dans le droit pénal espagnol

Cette prise en considération revêt toute son importance en cas de délits contre les personnes, afin de déterminer l'application des différents types de délits prévus par le code pénal et notamment pour la délimitation des délits d'homicide (arts. 138 à 142) et d'avortement (arts. 144 à 146) , mais aussi pour la délimitation des atteintes contre la personne (arts. 147 à 156) et des atteintes au foetus (arts. 157 et 158).

À cet égard, la doctrine et la jurisprudence pénales espagnoles soulignent le fait que le déclenchement de la prise en considération juridique de la personne repose davantage sur des critères de politique pénale que sur des critères d'ordre biologique, l'important étant non pas de déterminer le début de la vie mais le moment idoine à partir duquel le droit pénal doit intervenir pour la protection de l'enfant à naître et de la personne.

Pour la détermination de ce moment, le Tribunal suprême espagnol considère que « le début de l'accouchement met fin au stade foetal ». Ce moment « commence à partir de la période de dilatation et continue avec la période d'expulsion de l'enfant ». Or, à partir de ce moment « l'être humain déjà formé et dont la naissance a commencé se trouve être une personne et non plus un foetus » 127 ( * ) . C'est à partir de ce moment qu'un délit d'homicide peut être caractérisé.

Ces décisions se trouvent dans la continuation de la jurisprudence constitutionnelle espagnole issue notamment d'une décision de 1985 128 ( * ) qui indique que le début de l'accouchement marque le moment à partir duquel il n'y a pas de doute possible sur la conceptualisation de la personne qui jouit dès lors de toute l'effectivité du droit fondamental à la vie (art. 15 de la Constitution) et du droit constitutionnellement garanti à l'intégrité physique et à la santé (art. 43 de la Constitution).

Cette même décision établit une différence entre la vie et la vie de l'être à naître, qui forment deux biens juridiques distincts 129 ( * ) .

3. L'interdiction pénale de la manipulation génétique en Espagne

Le nouveau code pénal espagnol de 1995 introduisit pour la première fois de nouvelles figures délictuelles relatives à la manipulation génétique dans les articles 159 à 162. Plus particulièrement sont interdits :

- la manipulation de gènes humains à d'autres fins que celles de l'élimination de tares génétiques ou de maladies graves ;

- l'utilisation d'ingénierie génétique afin de construire des armes biologiques ou d'éliminer l'espèce humaine ;

- la fécondation d'ovules à d'autres fins que la procréation humaine ;

- la création d'êtres humains identiques par clonage ou de procédés visant la sélection de la race ;

- la fécondation d'une femme sans son consentement ;

- l'altération du génotype par faute grave.

La question se pose de savoir quel est le bien juridique protégé par les articles sous cette rubrique vu l'hétérogénéité des pratiques prohibées. Il s'agirait semble-t-il de la protection de la dignité humaine abstraitement caractérisée ainsi que de l'identité génétique de l'espèce humaine. Les perspectives d'application de ces articles étant réduites, l'intervention pénale dans le domaine revêt principalement un caractère symbolique.

En tout état de cause, vu le principe d'intervention minimale et de dernier recours du droit pénal, la régulation des questions génétiques revêt un caractère extra-pénal. C'est dans la loi 14/2007 de recherche biomédicale et surtout dans la loi 14/2006 « de techniques de reproduction humaine assisté » qui encadrent ces pratiques.

IV. L'ENCADREMENT DES TECHNIQUES DE REPRODUCTION ASSISTÉE ET DES RECHERCHES SUR L'EMBRYON ET SES ÉLÉMENTS DE FORMATION AU DANEMARK ET EN ESPAGNE

Les techniques de reproduction assistée sont encadrées de façon similaire au Danemark (4.1) et en Espagne (4.2), dans un texte de loi régulant aussi la recherche liée à l'embryon et à ses éléments de formation.

1. L'encadrement de la recherche ayant comme objet des éléments pré-embryonnaires au Danemark

Le premier texte encadrant la procréation médicalement assistée au Danemark a été voté en 1997 130 ( * ) . Dans sa version actuelle, la loi danoise sur la reproduction assistée en relation avec le traitement, le diagnostic et la recherche 131 ( * ) est entrée en vigueur le 19 janvier 2015.

Le législateur a fait le choix de traiter au sein d'un même texte des questions de procréation médicalement assistée et de bioéthique liées aux traitements médicaux, au diagnostic et à la recherche liée aux cellules souches. Il a pris le parti de définir les notions d'homme et de femme dans l'article 1 er , à savoir :

- Femme : personne dotée d'un utérus ou d'un ovaire ;

- Homme : personne dotée d'au moins un testicule.

Il est à noter que le texte danois est nettement plus restrictif en la matière que son équivalent espagnol.

Du point de vue rédactionnel, la syntaxe employée reflète le souci de prévenir le plus possible les détournements éventuels du texte :

- il ne doit pas y avoir de reproduction assistée, à l'exception du cas où il s'agit de féconder des gamètes non modifiés génétiquement (art. 2) ;

- la gestation pour autrui est interdite (art. 13) de même que la transplantation d'ovaire visant à combattre l'infertilité (art. 11).

D'après l'article 6, une femme de plus de 45 ans ne peut prétendre à l'utilisation d'une technique de PMA. D'ailleurs, le recours à celle-ci n'est autorisé qu'aux femmes seules et aux couples sans enfants. Un second recours à la PMA peut être uniquement autorisé dans le cas où il reste des gamètes congelés issus d'un premier recours.

Si la fécondation ne peut se réaliser qu'avec des gamètes non modifiés génétiquement, dans la même optique, le législateur a aussi bloqué l'emploi de gamètes qui seraient trop proches génétiquement ou issus de personnes d'une même lignée familiale.

Un amendement entré en vigueur le 26 décembre 2017 132 ( * ) , a élargi les conditions d'accès au don de gamètes dans le cadre de la PMA, anciennement borné à un seul des deux gamètes. Il est désormais autorisé, sous réserve de nécessité médicale, de recourir à deux gamètes non issus des « parents », sous réserve que les dons aient été effectués de manière non anonymisée et d'accords écrits de la part des donateurs.

Concernant la conservation des gamètes, il est prévu que les ovocytes fécondés ou non fécondés peuvent être conservés 5 ans avant leur destruction (art. 15). Cette période peut être étendue jusqu'à ce que la femme atteigne 45 ans, dans le cas où l'un des deux conjoints viendrait à souffrir d'une maladie grave. En cas de mort de la femme, de séparation du couple, de divorce ou de cessation de vie commune, les ovocytes, fécondés ou non, doivent être détruits.

Afin de prévenir toute dérive potentielle à caractère eugéniste, l'utilisation de gamètes sélectionnés sur la base de critères génétiques est interdite (art. 18). L'utilisation de gamètes à des fins de recherche est circonscrite aux seules fins d'amélioration de la fécondation in-vitro ou de techniques similaires de procréation ou des techniques d'analyses génétiques dans le but de détecter chez un embryon des risques de tares génétiques ou de maladies graves et de traitement des pathologies chez l'Homme. Tout autre type de recherche employant des gamètes est expressément interdit (art. 25).

La vente et le trafic d'ovocytes sont interdits à l'article 12.

La limite de la durée de conservation des ovocytes fécondés hors de l'utérus est fixée à 14 jours (art. 26). Cette limite est également retenue par le législateur espagnol. Toutefois, les raisons de ce choix ne sont avancées par aucun des deux législateurs.

Finalement, sont proscrites formellement (art. 26) les recherches visant à :

- permettre la création d'êtres humains au patrimoine génétique identique ;

- permettre la création d'êtres humains par fusion d'embryons génétiquement distincts ou de parties d'embryons, avant l'implantation en milieu utérin ;

- la création d'êtres humains hybrides, c'est-à-dire dont une partie du patrimoine génétique provient d'autres espèces (chimères) ;

- rendre possible le développement d'un être humain au sein d'un utérus artificiel, ce qui vient compléter l'article 9 prévoyant que le développement d'un ovocyte fécondé ne peut se faire hors de l'utérus d'une femme.

2. L'encadrement de la recherche ayant comme objet des éléments pré-embryonnaires en Espagne

Cette question est réglée actuellement par la loi espagnole 14/2006 sur les techniques de reproduction assistée. À ce titre, elle indique dans son article 1 er qu'elle a pour objet de réguler :

- l'application des techniques de procréation médicalement assistée ;

- l'application des techniques de PMA dans la prévention et le traitement de malades d'origine générique ;

- les cas et les conditions où il est possible d'utiliser les gamètes et les pré-embryons humains cryoconservés.

Le recours aux techniques de PMA - ouvert à toute femme majeure sans distinction de son état civil ou de son orientation sexuelle - est encadré par cette loi qui impose certaines conditions dans son article 3. Ainsi, le recours à ces techniques n'est possible que dès lors qu'il y a des possibilités raisonnables de succès du traitement. En outre, elles ne doivent pas présenter de risque grave pour la santé physique ou mentale de la femme ou de l'enfant conçu. Dans tous les cas, le consentement de la femme est indispensable - sans quoi il s'agirait d'un délit - et il doit être éclairé quant aux possibilités de succès, aux risques encourus et aux conditions d'application des techniques de reproduction.

Bien qu'autorisée, l'utilisation de pré-embryons à des fins de recherche est encadrée par la loi qui fixe 4 conditions impératives (art. 15) :

- le consentement par écrit du couple ou le cas échéant de la femme. Une explication préalable et compréhensible des objectifs poursuivis par la recherche est nécessaire pour le recueillement du consentement ;

- le développement in vitro du pré-embryon ne peut pas être supérieur à 14 jours ;

- la recherche doit se réaliser dans des centres autorisés ;

- la recherche doit être conforme à un projet dûment présenté et autorisé par la Commission nationale de reproduction humaine assistée ( Comisión Nacional de Reproducción Humana Asistida ).

La loi espagnole 14/2007 de recherche biomédicale interdit explicitement, quant à elle, la création de pré-embryons et d'embryons humains uniquement à des fins d'expérimentation reprenant à cet égard la jurisprudence constitutionnelle antérieure 133 ( * ) . Ce nonobstant, la loi autorise l'utilisation de cellules souches humaines à des fins thérapeutiques ou de recherche pourvu qu'aucun pré-embryon ne soit créé (art. 33). Pour ce faire, le même article autorise expressément l'activation d'ovocytes par un transfert de noyau ( activación de ovocitos mediante transferencia nuclear ). Toutes ces pratiques sont soumises au consentement, qui peut être révoqué à tout moment, des personnes dont résulte la provenance des ovocytes et des pré-embryons (art. 32).

V. CONCLUSION

L'état des lieux dressé au long de cette étude permet de mettre en avant plusieurs éléments au premier rang desquels se trouve une grande complexité des essais de définition du statut juridique des embryons et foetus dans les deux pays. Nous avons pu voir que dans la majorité des cas ce sont souvent des critères externes qui permettront ou non d'accorder un statut juridique au foetus. L'Espagne est cependant bien plus claire que le Danemark dans ses prises de positions reconnaissant l'arbitraire de certaines limites fixées. Le Danemark préfère ne pas légiférer nettement en la matière, laissant les juges apprécier des situations en les dotant d'un filet législatif minimum.

La question de la viabilité, sans de plus amples précisions sur la signification scientifique d'un tel critère, complexifie grandement la prise de décision en raison de l'évolution des techniques, repoussant toujours plus la capacité des équipes médicales à maintenir de grands prématurés en vie.

Enfin, il est possible de dire que sur le plan de la procréation médicalement assistée et des recherches médicales liées au stade pré-natal, l'Espagne est dans les faits beaucoup plus permissive que ne l'est le Danemark qui cherche à verrouiller le plus possible les possibilités de recherche pour prévenir des dérives potentielles.


* 1 https://wetten.overheid.nl/BWBR0001854/2018-10-16#BoekEerste Wetboek van Strafrecht, art. 77a-77hh

* 2 https://zoek.officielebekendmakingen.nl/stb-2013-485.html

* 3 Et non plus jusqu'à seulement 21 ans comme l'indique une étude de février 2017 du ministère de la Justice qui reprend l'état du droit antérieur décrit dans la LC 173 de 2007.

* 4 www.halt.nl

* 5 https://www.gesetze-im-internet.de/stgb/__19.html

* 6 https://www.gesetze-im-internet.de/jgg/BJNR007510953.html

* 7 https://www.legislation.gov.uk/ukpga/1998/37/contents

* 8 https://www.ris.bka.gv.at/GeltendeFassung.wxe?Abfrage=Bundesnormen&Gesetzesnummer=10002825

* 9 http://www.ejustice.just.fgov.be/cgi_loi/change_lg.pl?language=fr&la=F&cn=1965040803&table_name=loi

* 10 https://www.retsinformation.dk/Forms/R0710.aspx?id=202516#idf1da133a-0655-497a-9520-562746e0037b

* 11 https://www.boe.es/buscar/act.php?id=BOE-A-1995-25444

* 12 https://www.boe.es/buscar/act.php?id=BOE-A-2000-641

* 13 https://lexscripta.it/codici/codice-penale

* 14 https://dre.pt/web/guest/legislacao-consolidada/-/lc/view?p_p_state=maximized&cid=115959478

* 15 https://www.riksdagen.se/sv/dokument-lagar/dokument/svensk-forfattningssamling/brottsbalk-1962700_sfs-1962-700

* 16 https://www.admin.ch/opc/fr/classified-compilation/20031353/201801010000/311.1.pdf

* 17 https://leginfo.legislature.ca.gov/faces/billNavClient.xhtml?bill_id=201720180SB439

* 18 http://leginfo.legislature.ca.gov/faces/codes_displayText.xhtml?lawCode=WIC&division=2.&title=&part=1.&chapter=2.&article=17 .

* 19 https://www.cdcr.ca.gov/Juvenile_Justice/index.html

* 20 http://sdlegislature.gov/Statutes/Codified_Laws/DisplayStatute.aspx?Type=Statute&Statute=26-8C-2

* 21 http://sdlegislature.gov/Statutes/Codified_Laws/DisplayStatute.aspx?Type=Statute&Statute=26-7A-26

* 22 https://leg.mt.gov/bills/mca/title_0410/chapter_0050/part_0010/section_0030/0410-0050-0010-0030.html

* 23 https://codes.findlaw.com/ny/family-court-act/fct-sect-301-2.html

* 24 Article 720-10 du code de procédure pénale des lois de New-York

* 25 https://www.governor.ny.gov/news/governor-cuomo-signs-legislation-raising-age-criminal-responsibility-18-years-old-new-york

* 26 https://laws-lois.justice.gc.ca/PDF/Y-1.5.pdf

* 27 https://bdp.parl.ca/sites/PublicWebsite/default/fr_CA/ResearchPublications/200823E ?

* 28 Ley nacional del sistema integral de justicia penal para adolescentes, de 16 de junio de 2016. http://www.secretariadoejecutivo.gob.mx/docs/pdfs/normateca/Leyes/Ley%20Nacional%20del%20Sistema%20Integral%20de%20Justicia%20para%20Adolescentes.pdf

* 29 Cette loi s'applique aussi aux procès contre les personnes devenues majeures pour des faits commis pendant leur minorité.

* 30 Dans les cas de terrorisme, extorsion réalisée par association de malfaiteurs, délits contre la santé, possession illicite d'armes, lésions graves, homicide dolosif, vol avec violence (art. 164, in fine).

* 31 https://busquedas.elperuano.pe/normaslegales/decreto-legislativo-que-aprueba-el-codigo-de-responsabilidad-decreto-legislativo-n-1348-1471548-8/

* 32 Ley n° 27 337 del 2 de agosto de 2 000 que aprueba el Nuevo Co'digo de los Nin~os y Adolescentes. https://www.mimp.gob.pe/files/direcciones/dga/nuevo-codigo-ninos-adolescentes.pdf

* 33 https://www.justicia2020.gob.ar/eje-penal/reforma-penal-juvenil/ . Site dépendant du ministère de la Justice et des droits de l'Homme de l'Argentine.

* 34 Ratification par l'Argentine de la Convention relative aux droits de l'enfant de l'ONU par la loi n° 23.849 du 27 septembre 1990.

* 35 Cour interaméricaine des droits de l'homme (CIDH), aff. Mendoza et autres c/ Argentine. Sentence du 14 mai 2013. Consultable sur le site de la cour :

http://www.corteidh.or.cr/docs/casos/articulos/seriec_260_esp.pdf .

* 36 Chambre fédérale de cassation pénale de l'Argentine, (Cámara Federal de Casación Penal). Salle II. Aff. n° 14.087, Mendoza, César Alberto et autres. Disponible à l'adresse :

http://www.cij.gov.ar/nota-9670-La-C-mara-de-Casaci-n-Penal-declar--la-inconstitucionalidad-de-la-pena-de-prisi-n-perpetua-a-menores.html

* 37 Avant-projet disponible en espagnol sur le site du ministère de la Justice argentin à l'adresse : https://www.justicia2020.gob.ar/wp-content/uploads/2018/05/anteproyecto-penal-juvenil.docx

* 38 Planilla de definición de proyecto correspondiente al plan operativo año 2018(a). Publié à l'adresse :

https://www.justicia2020.gob.ar/wp-content/uploads/2018/02/PLANILLA-DE-DEFINICION-DE-PROYECTO-Penal-Juvenil.pdf

* 39 Loi danoise n° 169 du 24 mai 1955 (Lov nr. 169 af 24. maj 1955).

* 40 Bekendtgørelse af lov om euforiserende stoffer nr 391 af 21 juli 1969.

* 41 Pour un aperçu plus détaillé du contexte historique espagnol et une comparaison avec le Portugal et d'autres pays de l'Europe de l'est voir l'ouvrage de J. FERRET, L'autre Europe des drogues, La documentation française. Paris.2000. Disponible à la bibliothèque du Sénat.

* 42 Décret 3096/193, du 14 septembre, portant publication du code pénal. Refonte aux termes de la loi 44/1971. (Decreto 3096/1973, de 14 de septiembre, por el que se publica el Código Penal, Texto Refundido conforme a la Ley 44/1971, de 15 de noviembre). Disponible à l'adresse :

https://www.boe.es/datos/pdfs/BOE/1973/297/R24004-24291.pdf .

* 43 Signée par l'Espagne en 1961, ratifiée en 1966.

* 44 Loi organique 1/1992, du 21 février, sur la protection de la sécurité citoyenne (Ley Orgánica 1/1992, de 21 de febrero, sobre Protección de la Seguridad Ciudadana), dite aussi « loi Corcuera » du nom nu ministre de l'Intérieur de l'époque.

* 45 Loi organique 4/2015, du 30 mars, de protection de la sécurité citoyenne. (Ley Orga'nica 4/2015, de 30 de marzo, de proteccio'n de la seguridad ciudadana).

* 46 Loi organique 4/2015, du 30 mars, de protection de la sécurité citoyenne. (Ley Orgánica 4/2015, de 30 de marzo, de protección de la seguridad ciudadana). Disponible à l'adresse https://www.boe.es/buscar/doc.php?id=BOE-A-2015-3442 .

* 47 Loi sur les substances euphorisantes (Bekendtgørelse af lov om euforiserende stoffer). Consultable à l'adresse : https://www.retsinformation.dk/Forms/r0710.aspx?id=181735).

* 48 Décret sur les substances euphorisantes (Bekendtgørelse om euforiserende stoffer). Consultable à l'adresse : https://www.retsinformation.dk/Forms/R0710.aspx?id=137169#K2).

* 49 Narkotika af anklagemyndigheden d.23/02/2017

https://vidensbasen.anklagemyndigheden.dk/h/6dfa19d8-18cc-47d6-b4c4-3bd07bc15ec0/VB/3d612e4f-2e19-409d-918f-c6605e887612#ID0EL.

* 50 Articles 359 à 378 du code pénal (Ley Orgánica 10/1995, de 23 de noviembre, del Código Penal).

* 51 « La salud pu'blica, como tal, no constituye una entidad real de naturaleza biolo'gica, sino una manera verbal de sen~alar un peligro no permitido dentro del orden social » Arrêt du Tribunal suprême espagnol 8090/2000 du 7 novembre 2000.

* 52 Real Decreto 1194/2011, de 19 de agosto, por el que se establece el procedimiento para que una sustancia sea considerada estupefaciente en el ámbito nacional.

* 53 La jurisprudence du Tribunal suprême est nombreuse et constante en la matière. Voir, par exemple, les arrêts STS 1829/2012 du 6 mars 2012 et STS 5400/2011 du 25 juillet 2011.

* 54 Pour la jurisprudence portant application des principes du droit pénal au droit administratif punitif en Espagne voir les arrêts du Tribunal suprême STS de 29 septembre, et de 4 et 10 de novembre 1980. Confirmés par l'arrêt du Tribunal constitutionnel espagnol STC 18/1981.

* 55 Infraction de grade intermédiaire entre les infractions très graves et les infractions légères.

* 56 Disponible sur le site du ministère des affaires sociales danois à l'adresse :

http://socialministeriet.dk/media/11194/kampen-mod-narko-ii.pdf

* 57 Directives du plan « La drogue hors des villes » (Narkoen ud af Byen).

http://www.emcdda.europa.eu/attachements.cfm/att_231047_EN_DK02_Denmark_nub_vejl_DK.pdf

* 58 Ballerup, Bornholm, Hillerød, Holstebro, Kolding, Køge, Naksov, Randers, Varde, Slagelse, Sønderborg, Svendborg, Viborg et Aars.

* 59 Etude d'impact du plan « Narkoen ud af byen ».

http://www.sst.dk/~/media/3796C258243C4AAEB1E7EE05F32ACCB7.ashx

* 60 Leyes autonómicas, actes des Assemblées de chaque communauté autonome adoptées en vertu de leur pouvoir législatif défini par la Constitution.

* 61 Estrategia nacional sobre adicciones 2017 - 2024. Disponible sur le site Internet du Plan national sur les drogues.

http://www.pnsd.mscbs.gob.es/pnsd/estrategiaNacional/docs/180209_ESTRATEGIA_N.ADICCIONES_2017-2024__aprobada_CM.pdf

* 62 Cf. l'article « Salles de prise de de substances et réduction des risques » (Stofindtagelsesrum og skadereduktion) paru dans la revue scientifique spécialisée danoise Stofbladet (revue sur la drogue). Disponible à l'adresse http://www.stofbladet.dk/6storage/586/51/stof27.47-55.pdf

http://www.stofbladet.dk/6storage/586/51/stof28.artikel_3.pdf

* 63 Voir décret sur les salles de prise de substances en annexe.

* 64 Ley 14/1986 de 25 de abril, General de Sanidad. https://www.boe.es/buscar/pdf/1986/BOE-A-1986-10499-consolidado.pdf

* 65 Cf. l'article « La ley regional del suelo permite construir la narcosala de Las Barranquillas sin pedir licencia » paru dans le journal El País le 7 janvier 2000.

https://elpais.com/diario/2000/01/07/madrid/947247856_850215.html.

* 66 Ley 9/2001, de 17 de julio, del Suelo, de la Comunidad de Madrid.

https://www.boe.es/buscar/pdf/2001/BOE-A-2001-18984-consolidado.pdf

* 67 Lov om forsøgsordning med medicinsk cannabis.

https://www.retsinformation.dk/Forms/R0710.aspx?id=196748

* 68 Arrêt du Tribunal suprême espagnol STS 3981/2015 du 7 septembre 2015.

* 69 L'office de Secrétaire d'État de Californie est une des charges publiques les plus élevées, assimilable à un secrétaire général de l'administration californienne. Élu pour un mandat de 4 ans renouvelable une fois, il est chargé de la supervision de toutes les élections et scrutins, y compris la tenue des listes électorales, la publication des registres de lobbyistes et des données financières de la campagne. Ses responsabilités économiques sont importantes puisqu'il tient l'équivalent du registre de sociétés et enregistre tout type d'activité économique conduit en Californie par une entité légale. Il tient également un certain nombre d'autres registres publics et a la responsabilité des Archives de Californie.

* 70 Sauf disposition contraire, un texte de loi ( law by statute ) adopté définitivement sous forme de projet ou de proposition de loi ( enacted by bill ) après un vote dans les deux chambres ( passed through both houses ) entre en vigueur ( goes into effect ) le 1 er janvier suivant l'expiration du délai de 90 jours à compter de la date d'adoption définitive. Cependant, si le texte a été adopté en session extraordinaire, il entre en vigueur le 91 ème jour après son adoption définitive (Constitution of California, art. 4, sec. 8(c) (1)).

* 71 50 000 signatures jusqu'en 1977.

* 72 Critère retenu lors de la refonte globale de la Constitution fédérale en 1999.

* 73 Art. 75, Loi fédérale sur les droits politiques du 17 décembre 1976.

* 74 Iniziativa legislativa popolare e referendum, Dossier Senato-Camera, A.C. 723 e A.C. 1173, 16 octobre 2018, p. 75.

* 75 Des référendums obligatoires doivent être organisés par les pouvoirs publics dans les cas prévus par l'article 140 de la Constitution fédérale : les révisions partielles de la Constitution quelle que soit leur origine, l'adhésion à des organisations de sécurité collective ou à des communautés supranationales, les lois fédérales déclarées urgentes qui sont dépourvues de base constitutionnelle et dont la durée de validité dépasse une année.

* 76 « L'Assemblée fédérale édicte les dispositions fixant des règles de droit sous la forme d'une loi fédérale ou d'une ordonnance. Les autres actes sont édictés sous la forme d'un arrêté fédéral, qui, s'il n'est pas sujet au référendum, est qualifié d'arrêté fédéral simple. » (Art. 163 de la Constitution fédérale suisse).

* 77 https://www.bk.admin.ch/ch/f/pore/rf/ref_2_2_3_1.html

* 78 Sont visés les titulaires du droit de vote pour les élections à la Chambre des députés.

* 79 Ufficio centrale per il referendum

* 80 Les décisions fondamentales de la Cour constitutionnelle italienne en matière de recevabilité des demandes de référendum abrogatif sont les sentences n°16/1978, n° 25/1981 et n° 29/1987.

* 81 Iniziativa legislativa popolare e referendum, Dossier Senato-Camera, A.C. 723 e A.C. 1173, 16 octobre 2018, pp. 32-35.

* 82 Lei Orgânica do Regime do Referendo - lei 15-A/98 - 3 Abril, com as alterações introduzidas pela Lei Orgânica 4/2005, 8 setembro.

* 83 Wet van 30 september 2014, houdende regels inzake het raadgevend referendum (Wet raadgevend referendum). Adoptée sous l'égide du gouvernement Rutte II mais avec une autre coalition dont faisaient partie les sociaux-démocrates du PvdA.

* 84 Cf. l'étude de législation comparée n° 274 de novembre 2016 :

http://www.senat.fr/lc/lc274/lc2744.html#toc120

* 85 C'est ainsi qu'a été créé le Land du Bade-Wurtemberg en 1951.

* 86 Par exemple, une initiative populaire a été déclarée nulle en 2016 par la Cour constitutionnelle bavaroise sans possibilité de convoquer un référendum local, car elle entendait promouvoir la légalisation du cannabis en Bavière alors que la législation fédérale en matière de droit pénal et de régulation des médicaments et stupéfiants bloquait l'exercice du pouvoir législatif concurrent de l'État libre de Bavière (BayVerfGH, Bay VB1 2016, 337).

* 87 C. Degenhart, Staatsrecht I - Staatsorganisationsrecht, C.F. Müller, 2017, pp. 52-53.

* 88 HambVerfG DVB1 2006, 631.

* 89 Bay VerfGH Bay VB1 2013, 170.

* 90 Sur la constitution du Land. La Sarre exclut explicitement les révisions constitutionnelles du champ de l'initiative populaire.

* 91 Art. 114 RhPfVerf

* 92 C. Degenhart, Staatsrecht I - Staatsorganisationsrecht, C.F. Müller, 2017, pp. 101-104.

* 93 On notera que le quorum est rarement exprimé directement comme un quorum de participation.

* 94 Art. 59 BWVerf

* 95 Art. 48 NdsVerf

* 96 Art. 72,74&75 BayVerf

* 97 Art. 77-78 BbgVerf

* 98 Art. 35 & 68 NRWVerf

* 99 Art. 81 SAHVerf

* 100 Ley Orgánica 3/1984, de 26 de marzo, reguladora de la iniciativa legislativa popular.

* 101 Diverses dispositions prévoient l'approbation par référendum local des Statuts des Communautés autonomes ou de leur révision.

* 102 Le terme de « référendum » qui peut dénoter une implication directe des électeurs dans l'adoption d'un texte normatif est parfois évité dans les Statuts d'autonomies précisément pour éviter d'entrer en conflit avec la compétence exclusive de l'État espagnol garantie par la Constitution ou d'être obligé de demander l'autorisation à l'État de l'organiser. C'est sur ce type de questions aussi que le débat catalan s'est envenimé dès 2010-2011 après des censures et des interprétations restrictives par le Tribunal Constitutionnel des lois catalanes sur les consultations populaires (notamment STC 31/2010 sur le Statut d'autonomie de la Catalogne qui prévoyait une extension inconstitutionnelle des compétences de la communauté autonome, décision dans la lignée de STC 103/2008 sur la censure de la loi basque qui prétendait organiser un référendum sur des négociations pour la paix et la normalisation politique avec ETA). Cf. Esther Marti'n Nu'n~ez, “El refere'ndum y las consultas populares en las comunidades auto'nomas y municipios”, Revista Vasca de Administracio'n Pu'blica. Herri-Arduralaritzako Euskal Aldizkaria, n. 94, 2012, pp. 95-131.

* 103 On traitera dans cette seconde catégorie les référendums qui stricto sensu posent plusieurs questions enchaînées les unes aux autres (cf. l'exemple du référendum de 1992 en Nouvelle-Zélande ci-après).

* 104 Parfois la question n'est pas posée de telle sorte que la réponse soit oui ou non mais en explicitant deux options logiquement contradictoires. Ainsi, le référendum d'autodétermination en Nouvelle-Calédonie en 1987 posait l'alternative entre l'appartenance à la République ou la pleine souveraineté. La question posée en 2018 était logiquement la même mais se présentait de façon fermée en oui ou non à l'indépendance. On traitera simultanément ces deux modes de formulations équivalents qui rejettent tous deux le choix multiple.

* 105 Uniquement pour les restructurations territoriales (cf. note sur le RIP précédente).

* 106 Le vote sur des propositions de loi divergentes émanant des autorités publiques et d'une initiative populaire est possible dans certains Länder.

* 107 Les autres référendums tenus en Suède depuis 1922 sur la prohibition, la conduite à droite ou l'entrée dans la zone euro ne laissaient d'autres choix que oui ou non.

* 108 http://www.furesoe.dk/~/media/WWWmediebib/Kommunen/Borgerinddragelse/Furesoe-modellen%20for%20borgerinddragelse%20-%20endelig.ashx?la=da

* 109 Kommunestyrelseloven, § 17, stk. 4, version modifiée du 19 décembre 2017.

* 110 https://www.ronneby.se/download/18.c5902e41645613dc242b85d/1530621084962/Riktlinjer%20f%C3%B6r%20medborgardialog.pdf

* 111 E. Rutz, « Participation : Assemblée communale ou Parlement ? », Commune Suisse, 2/17, pp. 46-48.

* 112 Les dénominations varient de canton à canton. Dans le canton de Vaud, les dénominations sont inversées par exemple.

* 113 https://www.miserycourtion.ch/documents-officiels/assemblees-communales-comptes-et-budgets/

* 114 Deux jours de votes avec l'examen de 16 possibilités logiquement ordonnées ont été nécessaires à l'Assemblée des citoyens en pour définir la recommandation en matière d'avortement.

* 115 Les parlementaires d'Irlande du Nord furent également invités à participer, les unionistes déclinèrent.

* 116 53 membres sur 100 de la Convention constitutionnelle ont été remplacés pour ce motif. Le seul fait d'avoir signé une pétition ou pris une position publique sur un sujet comme le blasphème, le mariage homosexuel ou l'avortement a suffi pour exclure des membres de la Convention ou de l'Assemblée.

* 117 Alf Ross. Om ret og retfærdighed (1959).

* 118 Código Civil. Promulgué par décret royal du 24 juillet 1889. La version actuellement en vigueur est consultable sur https://www.boe.es/eli/es/rd/1889/07/24/(1)/con .

* 119 Cette règle est issue d'un vieil adage de droit romain : infans conceptus pro nato habetur quoties de commodis ejus agitur.

* 120 Sundhedsloven LBK nr 1286 af 02/11/2018.

* 121 Disponible sur le site du Conseil d'éthique danois à l'adresse http://www.etiskraad.dk/etiske-temaer/abort-og-fosterdiagnostik/publikationer/sene-provokerede-aborter-1997 .

* 122 Site consultable à l'adresse : https://stpk.dk/da/patientrettigheder/klag-over-afslag-paa-abort-eller-sterilisation/abortankenaevnet/ .

* 123 J. R. Herrmann. Retsbeskyttelsen af fostre og befrugtede æg - Om håndtering af retlige hybrider. Jurist og økonomforbundets Forlag, 2008.

* 124 Vagn Greve, Asbjørn Jensen og Gorm Toftegaard Nielsen. Kommenteret straffelov - speciel del, 8. omarbejdede udgave , København, 2005, p. 307-308.

* 125 Ley 14/2007, de 3 de julio, de Investigación biomédica .

* 126 Ley 14/2006, de 26 de mayo, sobre técnicas de reproducción humana asistida.

* 127 Cette jurisprudence date de 1999 pour la caractérisation des atteintes à la personne. Cf. Tribunal suprême espagnol. Décision STS 241/1999 du 22 janvier 1999. Le même critère du début de l'accouchement a été suivi postérieurement pour la qualification de l'homicide. Cf. Tribunal suprême espagnol. Décision STS 9375/2001 du 29 novembre 2001 .

* 128 Décision du Tribunal constitutionnel espagnol TC 53/1985, du 11 avril.

* 129 La notion de bien juridique (bien jurídico) reprend la notion juridique de Rechtsgut conceptualisée pour la première fois par le juriste allemand Birnbaum au milieu du XIX e siècle. Cette notion fait référence aux valeurs ou aux objets abstraits protégées par les normes juridiques, particulièrement celles de nature pénale. La doctrine et la jurisprudence espagnoles utilisent cette notion pour la justification de l'existence de ces normes et, parfois, pour expliciter ou délimiter l'application de normes similaires.

* 130 Lov n° 460 om kunstig befrugtning, du 10 juin 1997.

* 131 Bekendtgørelse af lov om assisteret reproduktion i forbindelse med behandling, diagnostik og forskning m.v.

* 132 Lov nr 1688 af 26/12/2017 .

* 133 Décisions du Tribunal constitutionnel espagnol STC 53/1985, STC 212/1996 et STC 116/1999.

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