Étude de législation comparée n° 288 - juillet 2019

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- LÉGISLATION COMPARÉE -

Recueil des notes de synthèse

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DE MARS 2019 À JUIN 2019

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AVERTISSEMENT

Ce document constitue un instrument de travail élaboré à la demande des sénateurs, à partir de documents en langue originale, par la division de la Législation comparée de la direction de l'Initiative parlementaire et des délégations. Il a un caractère informatif et ne contient aucune prise de position susceptible d'engager le Sénat.

AVANT-PROPOS

La Division de la Législation comparée du Sénat a réalisé entre mars et juin 2019 des études portant notamment sur :

- les régimes de protection de l'intégrité scientifique et de sanction des infractions chez les principaux acteurs de la recherche européens (Allemagne, Danemark, Italie, Pays-Bas et Royaume-Uni) à la demande de l'OPECST ;

- la prescription médicale d'activité physique et ses conditions de prise en charge par les assurances sociales en Allemagne, au Canada, en Italie, au Royaume-Uni et en Suède à la demande de M. Savin, sénateur ;

- la taxe sur les services numériques en Australie, en Autriche, en Espagne, en Italie, en Nouvelle-Zélande et au Royaume-Uni à la demande de la Commission des Finances ;

- la participation à l'Union européenne dans les textes constitutionnels des États membres sur une sélection de pays peu évoqués (les Pays-Bas, la Belgique, l'Irlande, le Danemark, la Suède, la Finlande, l'Estonie et la Roumanie), dans la perspective des élections européennes ;

- le statut des travailleurs des plateformes numériques au regard du droit du travail en Allemagne, en Espagne, aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Suisse, à la demande de Mme Grelet-Certenais et de Mme Lubin, sénatrices.

L'INTÉGRITÉ SCIENTIFIQUE

La division de la Législation comparée du Sénat a conduit une recherche sur l'intégrité scientifique dans cinq pays : l'Allemagne, le Danemark, l'Italie, les Pays-Bas et le Royaume-Uni.

Cette étude se concentre sur les règles et les processus d'autorégulation des communautés scientifiques, le modèle le plus largement retenu, même si l'on peut remarquer des appels à une implication plus forte de l'État ou à la constitution d'agences de régulation indépendantes. Le Danemark fait figure de pionnier avec l'adoption d'une loi spéciale.

Elle laisse de côté les questions de bioéthique, d'expérimentation humaine et animale, de corruption et de collusion, de protection des données personnelles, ainsi que les enjeux de responsabilité civile et pénale qui y sont associées. Tous ces sujets extrêmement ramifiés sont traités systématiquement dans des lois spéciales dont les dispositions bénéficient d'un statut et d'effets juridiques nets et largement commentés.

En revanche, l'intégrité de la recherche au sens strict fait l'objet de codes de conduite, de déclarations de principe et de procédures d'examen par les pairs, qui ne ressortissent en principe ni de la loi, ni de la décision de justice, que ce soit dans leur mode de formation ou pour leur force normative. Ces textes et ces procédures dépendent de l'appréciation des acteurs de la communauté scientifique et de ses organes institutionnels (universités, centres de recherche, agences de financement ou d'évaluation) pour leur définition, leurs modalités d'application et leurs effets. Ils visent à garantir la légitimité et l'acceptabilité sociale de l'enquête scientifique en identifiant les principes généraux, voire les normes pratiques précises, qui doivent guider la recherche.

Il convient dans ce processus de promotion de la bonne pratique de la recherche de faire la part entre ce qui est souhaitable, à savoir une science fructueuse et féconde produisant des résultats robustes, intéressants et innovants, et ce qui est impérativement requis, à savoir une recherche intègre et rigoureuse, méthodologiquement et déontologiquement sans reproche. C'est sur ce second point que se concentrent les différentes chartes, déclarations ou codes de conduite.

En outre, l'erreur n'est pas nécessairement blâmable ou répréhensible ; elle peut être un cas isolé, elle peut être commise de bonne foi et compatible, au moins à ce moment-là, avec le respect des normes propres de la discipline concernée. L'enjeu central est alors de parvenir à caractériser et à sanctionner adéquatement la violation intentionnelle ou par négligence coupable d'une norme de conduite acceptée consensuellement par la communauté des chercheurs comme nécessaire pour garantir la fiabilité des travaux menés et la confiance légitime dans leurs résultats.

Les pays qui sont allés le plus avant ont senti la nécessité de graduer ces manquements à l'intégrité scientifique en fonction de leur gravité, en insistant notamment sur les trois violations majeures que constituent le plagiat (voire l'autoplagiat), la falsification et la fabrication de données. En principe sont installées des procédures décentralisées de plainte et de sanction, en général sous la responsabilité de l'université ou de l'organisme de recherche. Se posent alors les questions de l'équilibre entre la confidentialité et la transparence, de la conciliation de l'équité et de l'efficacité, de l'harmonisation de procédures conduites par des institutions autonomes et de leur contrôle administratif et juridictionnel.

1. Un modèle classique en Italie articulant des chartes de bonne conduite à un régime de sanctions pénales et administratives déjà ancien

En Italie, le Conseil national des recherches ( Consiglio Nazionale delle Ricerche -- CNR ) constitue l'établissement public ( ente pubblico ) principal en matière de recherche et, à ce titre, il est chargé du bon déroulement, de la promotion, de la valorisation et de la diffusion de celle-ci. Il présente de grandes similitudes avec son homologue français, le Centre national de la recherche scientifique (CNRS).

Placé sous la tutelle administrative du ministère de l'enseignement, des universités et de la recherche italien, le CNR ne dispose pas d'un pouvoir disciplinaire autonome mais d'un pouvoir de signalement et de vérification de l'éventuelle présence de falsifications de données, de plagiat ou de conduites malhonnêtes dans le déroulement des activités de recherche conduites par les chercheurs affiliés au CNR ou avec le soutien économique des fonds provenant de celui-ci.

Pour ce faire, le CNR s'est doté d'une commission d'éthique dans la recherche et de bioéthique ( Commissione per l'Etica della Ricerca e la Bioetica ). Il s'agit en l'occurrence d'une commission indépendante au sein du CNR, dont le président est nommé par le ministre de l'enseignement italien. Cette commission assure des fonctions de conseil en matière d'éthique, de bioéthique et les aspects juridiques s'y rapportant y compris en matière de déontologie et d'intégrité dans la recherche.

À ce titre, la commission d'éthique a publié en 2015 un document exposant les lignes directrices officielles sur l'intégrité de la recherche ( Linee guida per l'integrità nella ricerca ). Elles font actuellement l'objet d'une révision et d'une actualisation par le CNR 1 ( * ) qui a appelé ses chercheurs scientifiques à se manifester et à apporter leurs contributions à cette fin.

Ces lignes directrices ont été publiées conformément aux dispositions législatives italiennes qui prévoient l'adoption de codes de comportement dans chaque administration publique et qui doivent assurer la qualité du service de chaque établissement et le respect des devoirs constitutionnels de diligence, loyauté, impartialité et d'intérêt public de ceux-ci 2 ( * ) . Ce principe est repris dans la loi italienne de 2012 relative à la prévention et à la répression de la corruption 3 ( * ) . Parallèlement à ces lignes directrices conçues prioritairement pour la recherche en sciences dites dures, le CNR a publié une charte des principes pour la recherche en sciences sociales et humaines et un code de conduite 4 ( * ) ainsi qu'un code d'éthique et de déontologie pour les chercheurs travaillant dans le domaine des biens et des activités culturels 5 ( * ) .

Le premier de ces documents est constitué d'un exposé de principes fondamentaux pour la recherche et de deux parties où sont présentées, respectivement, des exemples de conduites qui favorisent l'intégrité dans les activités de recherche et celles qui y portent atteinte. Au sein de ces dernières, l'on distingue les conduites discutables ou irresponsables de celles qui portent systématiquement atteinte à l'intégrité scientifique de la recherche.

Les principes fondamentaux sont la dignité, la responsabilité, l'équité, l'exactitude et la diligence. D'après les lignes directrices, ces principes sont corrélées consubstantiellement avec d'autres principes et valeurs parmi lesquels : la liberté de la recherche, l'honneur et la réputation des personnes, l'honnêteté, la rigueur, la fiabilité et l'objectivité dans la conduite de la recherche ; l'indépendance de jugement, la transparence, l'attitude ouverte et impartiale ; la réciprocité et la coopération avec le reste de chercheurs ; la pertinence, la vigilance et l'efficience dans l'utilisation des ressources et la responsabilité de la société envers ses générations futures y compris les devoirs de protection des animaux et de la biosphère. 6 ( * )

À l'égard des pratiques qui favorisent ou assurent l'intégrité de la recherche, force est de constater une grande importance accordée par les lignes directrices aux données scientifiques ; c'est pourquoi la définition de procédures et de rôles dans la gestion et la conservation des matériaux et des données -- spécialement les données brutes -- est préconisée ainsi que le respect du caractère personnel de certaines données. Sont en outre indiquées comme pratiques favorables à l'intégrité la publication et la diffusion en temps opportun des résultats et le respect de la paternité des idées et des résultats.

À l'opposé de ces pratiques, les lignes directrices sur la recherche scientifique du CNR exposent une série de manquements portant atteinte à l'intégrité scientifique de la recherche. Ils correspondent à des violations graves et intentionnelles des normes déontologiques de la recherche scientifique. Certains de ces manquements sont également liés aux données utilisées lors de la recherche comme c'est le cas de la fabrication de données, de leur utilisation abusive ou de leur vol. D'autres pratiques interdites portent sur le plagiat et l'appropriation de contenus, la dissimulation de conflits d'intérêts ou l'abus de pouvoir dans les cas de responsable d'un projet ou de directeur d'une équipe ou d'une structure de recherche.

Les lignes guides du CNR indiquent que la responsabilité de signaler et de faire cesser les comportements contraires à l'intégrité de la recherche incombe aux personnes ou aux organismes qui la financent. Ceux-ci doivent prendre des actes internes 7 ( * ) ( atti interni ) à l'égard des chercheurs malhonnêtes.

Les comportements susceptibles d'entraîner l'application de la législation de nature pénale ou civile sont exclus du champ d'application des lignes directrices du CNR. Dans le domaine pénal général, la loi italienne sur les droits d'auteur 8 ( * ) instaure des sanctions civiles (articles 156 et ss.) et pénales (articles 171 et ss.) en cas de plagiat.

Plus particulièrement, l'intégrité et l'originalité de la recherche dans les établissements de l'enseignement supérieur sont protégées pénalement. Une loi de 1925 prévoit une peine de réclusion de trois mois à un an pour quiconque présente comme propre un travail d'autrui pour l'obtention d'une qualification publique. 9 ( * ) Quoiqu'ancienne, cette loi est toujours en vigueur et tant le Conseil d'État que la Cour de cassation d'Italie en font application. Cette dernière a retenu l'infraction en cas de la soutenance d'un travail pour l'obtention du diplôme universitaire ( laurea ) consistant simplement dans la compilation de divers travaux d'autrui sans y ajouter presque aucun élément nouveau ni de création personnelle 10 ( * ) .

En dehors du domaine pénal, existe depuis longtemps la possibilité d'adopter des sanctions administratives à l'encontre des étudiants et des futurs chercheurs de l'enseignement supérieur qui ont porté atteinte à la dignité ou à l'honneur dans la réalisation de leurs études et de leurs recherches. 11 ( * ) Si la formulation paraît désuète, ces dispositions sont toujours en vigueur et couvrent le plagiat. Les sanctions possibles aux termes du décret sont le blâme, l'interdiction temporaire d'assister à un ou plusieurs cours, de réaliser un ou plusieurs examens, voire l'expulsion temporaire de l'établissement.

2. Le renouvellement profond du code de conduite et des procédures disciplinaires aux Pays-Bas

Aux Pays-Bas est entré en vigueur le 1 er octobre 2018 un nouveau code de conduite en matière d'intégrité scientifique ( Nederlandse gedragscode wetenschappelijke integriteit ). Préparé à l'initiative de l'Académie royale des sciences (KNAW) et des différentes fédérations d'organismes intervenant dans l'enseignement supérieur et la recherche 12 ( * ) , ce code de conduite a été notamment signé par toutes les universités néerlandaises, qui se sont ainsi engagées à l'appliquer et à le faire respecter. Une commission consultative avait préalablement rendu un rapport exploratoire sur la base d'une évaluation du précédent code de conduite datant de 2004. 13 ( * )

Sans être doté d'une autre force juridique que contractuelle, le code de conduite néerlandais est néanmoins rédigé avec un soin juridique destiné à l'établir comme une convention pourvu d'effets contraignants pour les parties signataires et les individus qui en dépendent. Il ne s'agit donc pas simplement d'une déclaration de principes ou d'une charte indicative mais d'un texte normatif qui définit des obligations et établit des mécanismes de sanction.

Le chapitre 1 er est consacré au champ d'application du code de conduite (activités visées, institutions liées, personnes concernées, liens avec d'autres réglementations) et à son entrée en vigueur, sans omettre des dispositions transitoires. En particulier, on peut relever que le code de conduite couvre la recherche prise dans son acception la plus large, sans restriction à certaines disciplines, autant la recherche sur fonds publics que privée, aussi bien fondamentale qu'appliquée. Toutes les activités connexes telles que les demandes de subventions, l'évaluation par les pairs, les missions d'expertise, de documentation et de diffusion scientifique sont concernées, y compris dans des limites raisonnables ( voor zover dat in redelijkkheid kan worden verlangd ) les publications de vulgarisation et le matériel pédagogique (§ 1.1).

Sont exclues du code les questions d'intégrité sans lien direct avec la pratique de la recherche, par exemple une utilisation illégale de fonds ou l'entretien d'un mauvais climat de travail. Ces questions peuvent être traitées dans d'autres codes éthiques ou déontologiques ou tomber sous le coup de la loi pénale ou du droit du travail. Le code de conduite néerlandais reconnaît néanmoins que les frontières peuvent être moins nettes dans la pratique, que certains cas sont limites et peuvent en réalité contrevenir simultanément à plusieurs normes. Par exemple, la norme de conduite n° 61 au chapitre 3 impose de ne pas faire un usage inapproprié ( oneigenlijk ) des fonds alloués à la recherche. Une fraude avérée serait simultanément une violation du code de conduite et une infraction pénale. Il est prévu explicitement par le code de conduite la possibilité de cumul de sanctions. En revanche, si l'application du code de conduite entrait en conflit avec une disposition légale, cette dernière l'emporterait systématiquement. Cette solution très naturelle confirme le statut infra-légal et contractuel du code de conduite, mais le fait de le prévoir témoigne du soin apporté à sa rédaction et à la réflexion sur ses effets juridiques (§ 1.4).

La possibilité pour des entreprises privées d'adopter le code de conduite est ouverte. Des recherches ne peuvent être menées conjointement avec des organismes non-signataires que si l'institution signataire est en mesure de s'assurer que sa part de la recherche respectera le code de conduite et que les résultats globaux de la recherche commune respecteront les principes généralement acceptées de l'intégrité scientifique (§1.2).

Les principes généraux et les normes détaillées fixées par le code aux chapitres 2 et 3 s'appliquent au sein des institutions signataires (§ 1.3 point 9) :

- aux chercheurs individuels, y compris les doctorants et les chercheurs invités, ainsi que les chercheurs à temps partiel ou externes, dès lors qu'ils participent à une recherche auprès de l'institution signataire ou qu'ils publient leurs résultats en son nom ;

- aux superviseurs, chefs de projet, directeurs de recherche et managers ( leidinggevenden ) dans la mesure où ils contribuent à déterminer l'idée directrice et le déroulement de la recherche.

Ces deux catégories sont les seules qui peuvent être tenues personnellement responsables d'un manquement aux normes contenues dans le code. Les autres personnes impliquées indirectement (services support, étudiants, citoyens participants) doivent également le respecter, mais seuls les chercheurs et les responsables de projet sous l'autorité desquels ces tiers travaillent sont comptables d'un manquement aux obligations du code de conduite. En outre, les recherches menées par des étudiants dans un but pédagogique et qui ne donnent pas lieu à une publication - autre que celle d'un mémoire d'études - ne peuvent donner lieu à une plainte pour violation du code de conduite, ni faire l'objet de sanctions à ce titre (§ 1.3 points 10 & 11).

Le coeur du code de conduite est constitué par les chapitres 2 et 3 qui énoncent cinq principes généraux de l'intégrité scientifique d'où découlent 61 normes concrètes qui définissent les bonnes pratiques de recherche. Les cinq principes généraux qu'il faut respecter et concilier sont l'honnêteté, le soin scrupuleux ( zorgvuldigheid ), la transparence, l'indépendance et la responsabilité. On ne détaillera pas les 61 obligations concrètes qui en sont tirées, mais on notera que le code de conduite les considère comme des normes générales valant pour toutes les disciplines et toutes les institutions signataires qui peuvent être spécifiées et complétées pour chaque discipline et par chaque institution, tant que leur portée et leur force ne sont pas amoindries (§ 1.4 point 13 et § 3.1). En d'autres termes, le code de conduite définit un plancher général qui couvre à la fois l'élaboration de la recherche, sa conduite, le compte rendu des résultats, l'évaluation par les pairs, la publication et la communication.

À ce catalogue très minutieux encadrant les pratiques des individus s'ajoute un devoir de diligence ou duty of care ( zorgplicht ) à destination des institutions elles-mêmes, et plus particulièrement de leurs organes dirigeants (chapitre 4). L'idée est de garantir aux chercheurs un environnement de travail sûr, inclusif et ouvert susceptible de promouvoir et de préserver des pratiques de recherche intègres. En d'autres termes, il existe une responsabilité collective de l'institution en matière d'intégrité scientifique à l'égard des chercheurs : l'institution doit faire en sorte que les chercheurs puissent observer leurs obligations aux termes du code, en développant une culture de la responsabilité, en leur permettant de discuter de leurs dilemmes et cas de conscience, voire de leurs erreurs sans crainte de conséquences dommageables en retour. Le devoir de diligence est lui-même précisé en 21 points touchant la formation et la supervision, la culture de la recherche, la gestion des données, la publication et la dissémination des travaux, la déontologie, la transparence et les procédures de gestion des plaintes.

En particulier, les institutions de recherche doivent nommer des conseillers chargés des questions d'intégrité scientifique ( vertrouwenspersoon WI ), aisément accessibles par tout intéressé en toute confidentialité. Ces conseillers doivent pouvoir répondre aux questions et offrir des recommandations à toute personne qui les consulte, la guider et l'orienter. En respectant un principe de séparation fonctionnelle, les institutions de recherche doivent nommer parallèlement une commission de l'intégrité scientifique ( Commissie WI ), ou à défaut une personne responsable pour examiner les plaintes et réaliser les enquêtes sur des faits concrets. Le conseiller intégrité ne fait pas partie de la commission d'enquête.

Enfin, le code de conduite néerlandais traite dans un chapitre conclusif de la définition des violations aux obligations d'intégrité scientifique, de la détermination des sanctions et des procédures de plainte et d'enquête. Seules les 61 normes concrètes définies au chapitre 3 peuvent servir de base au constat d'un manquement individuel, d'une procédure d'examen et éventuellement d'une sanction. Le devoir de diligence de l'institution ne peut être mis en cause par le biais de la procédure de plainte et de sanction établie par le code de conduite. Il appartient aux organes de régulation interne, tels que le conseil de surveillance ( Raad van Toezicht ) ou les organes de cogestion incluant des représentants des personnels, de veiller au respect de ce duty of care (§ 4.1).

Sont distingués trois types de non-respect des obligations du code de conduite : les manquements mineurs, qui en principe ne donnent lieu à aucune sanction, les pratiques contestables et les violations ( schendingen ). Cette dernière catégorie regroupe les faits les plus graves, notamment la fabrication de données ou de résultats, la falsification et le plagiat. Hors de ces trois cas particulièrement clairs, il peut être plus difficile de caractériser la gravité de l'infraction. C'est pourquoi le code de conduite prévoit une grille d'évaluation sur la base de 12 critères portant sur des éléments matériels et subjectifs, individuels et collectifs (étendue du manquement ; degré d'intentionnalité ou de négligence ; conséquences sur la validité de la recherche ; effet potentiel sur la confiance entre chercheurs ; impact sur les individus, la société ou l'environnement ; profits tirés par le chercheur ou un tiers ; nature de la publication (revue spécialisée, article de vulgarisation, matériel pédagogique, rapport consultatif) ; opinions au sein de la discipline sur la gravité du manquement ; position et expérience du chercheur ; éventuelle récidive ; manquement simultané au devoir de diligence de la part de l'institution ; temps écoulé depuis les faits) (§ 5.2, C).

En cas de soupçon de violation de l'intégrité scientifique, une plainte peut être soumise à une commission d'enquête ou à un responsable dédié nommé par l'institution de recherche. Il appartient de s'assurer que le traitement de la plainte et la procédure d'enquête et de décision soient scrupuleux et équitables. Le conseil d'administration de l'institution de recherche peut lui-même décider d'ouvrir une enquête sur un cas de possible violation du code de conduite, sans attendre une plainte (§ 5.4).

La procédure, quoique située en dehors des ordres judiciaires et administratifs, prend un tour quasi-juridictionnel. Elle est reprise dans un document-modèle national 14 ( * ) publié par la VSNU, l'Union des universités néerlandaises, charge à chaque université d'élaborer sur cette base son propre règlement interne de gestion des plaintes pour violation de l'intégrité scientifique. En effet, il convient de souligner que le code de conduite ne crée pas une procédure nationale unifiée, mais fournit un cadre commun qui nécessite l'adoption de mesures d'ordre interne dans chaque institution signataire. Les procédures d'examen des plaintes et de sanction demeurent donc décentralisées. Bien que le code de conduite procède à une harmonisation poussée, elles restent propres à chaque université ou institution, sans intervention de l'Union des universités ni du ministère de la recherche. Quelques légères divergences entre les procédures dans les institutions néerlandaises pourraient apparaître, par exemple selon qu'elles font le choix d'une commission d'enquête ou d'un officier chargé seul de l'enquête, selon qu'elles font le choix de prévoir une assistance juridique ( rechtsbijtsand ) au défendeur ou non 15 ( * ) .

Des garanties sont apportées dans le code de conduite pour éviter la multiplication des dénonciations infondées et l'instrumentalisation de la procédure pour régler des différends. La plainte ou la saisine directe doivent être appuyées d'éléments substantiels. Le soupçon à l'origine de la plainte ou de la saisine directe par le conseil d'administration doit porter sur des faits graves susceptibles d'être caractérisés comme violation de l'intégrité scientifique au sens du code de conduite néerlandais. Des cas d'irrecevabilité sont prévus en particulier pour éviter que la procédure soit détournée pour trancher des discussions méthodologiques ou des débats scientifiques ordinaires. Les plaintes anonymes sont en principe irrecevables, à moins qu'un intérêt public soit en jeu et que l'enquête ne nécessite pas d'information complémentaire de la part du dénonciateur anonyme. La commission ou la personne responsable de l'enquête renonce à ses investigations dès qu'il apparaît que la plainte porte sur un différend professionnel ou qu'elle est attribuable à un conflit du travail.

La procédure d'enquête et de décision, qui doit être décrite par chaque institution de recherche dans une réglementation claire et aisément accessible, répond à des normes de traitement équitable, qui passent par des auditions contradictoires et la communication de tout document à la fois au plaignant et au défendeur. L'enquête, qui est confidentielle, doit s'achever dans un délai raisonnable et être conduite par des experts sans intérêt personnel à l'affaire. Toutes ces dispositions qui paraissent s'inspirer des normes classiques du procès équitable renforce le caractère quasi-juridictionnel de la procédure. En particulier, le code de conduite prend même le soin de préciser que tout défendeur est présumé innocent tant que le contraire n'est pas prouvé (§ 5.4 point 12)

Lorsque la commission, éventuellement avec l'aide d'experts extérieurs, a achevé son enquête, elle rend un avis au conseil d'administration ( College van Bestuur ). Celui-ci agit comme instance de jugement et rend une décision préliminaire ( aanvankelijk oordeel ) sur le fondement de l'avis de la commission, qui ne le lie toutefois pas. Il la communique par écrit et sans délai au plaignant et au défendeur.

Dans un délai de six semaines après la décision préliminaire, le plaignant ou le défendeur peuvent demander l'opinion de l'Organe national pour l'intégrité scientifique ( Landelijk Orgaan Wetenschappelijke Integriteit - LOWI). Il s'agit d'un organisme consultatif indépendant mis en place en 2003, juste avant l'entrée en vigueur du premier code de conduite en 2004, par l'Académie néerlandaise des sciences, l'Organisation néerlandaise pour la recherche scientifique (NWO) et la VSNU. Les 7 membres du LOWI sont nommés, pour trois ans reconductibles deux fois, par les conseils d'administration de ses trois institutions fondatrices.

Le LOWI a pour tâche de procéder à une investigation complémentaire et rend son avis au conseil d'administration de l'institution de recherche. Il le communique également au plaignant et au défendeur. Il convient de noter que le LOWI ne peut examiner en première intention une plainte ou une requête et n'intervient qu'après une première décision rendue par le conseil d'administration de l'institution de recherche où la violation présumée de l'intégrité scientifique a eu lieu. Sa fonction est de fournir une seconde opinion indépendante, détachée du contexte propre à l'institution de recherche concernée. Cette instance nationale contribue indirectement à l'harmonisation des décisions entre les universités. Son fonctionnement et les procédures qui lui sont propres sont régis par son règlement intérieur. 16 ( * )

Enfin, le conseil d'administration rend sa décision définitive et la communique au plaignant, au défendeur et au LOWI. Il la publie dans les six semaines sous forme anonymisée sur le site internet de la VSNU. Lorsqu'une violation de l'intégrité scientifique est constatée par le conseil d'administration, il lui appartient de déterminer la sanction dans la limite de ses pouvoirs propres en respectant le principe de proportionnalité. Peuvent être envisagés selon la gravité des faits et selon le statut du responsable, une réprimande, un transfert, une suspension de l'habilitation à encadrer des recherches, une rétrogradation ou un licenciement/renvoi. En outre, il peut saisir à titre complémentaire les autorités compétentes en matière de sanction administrative ou pénale.

3. Le rôle central de l'organe autonome de financement de la recherche en Allemagne

Le modèle allemand se distingue de celui des Pays-Bas par l'absence d'un code de conduite national aussi rigoureux dans son écriture juridique, précis dans ses prescriptions, soucieux de distinguer les obligations individuelles des différentes catégories de professionnels et les responsabilités collectives des institutions. En outre, en Allemagne, un rôle majeur est joué par l'organe de financement de la recherche, la Fondation allemande pour la recherche ( Deutsche Forschungsgemeinschaft - DFG ), qui a la particularité de ne pas être une agence gouvernementale, même si les universités et instituts de recherche conservent la responsabilité première dans la prévention et la sanction des manquements ( Fehlverhalten ) à l'intégrité ( Redlichkeit ) scientifique. Une certaine souplesse dans l'appréciation des situations est peut-être ici gagnée au prix d'une complexité de l'architecture globale, à moins de considérer qu'elle ne soit rendue nécessaire par un système fédéral de recherche coordonnant de très nombreux acteurs.

Siégeant à Bonn, la DFG a le statut d'une association à but non lucratif inscrite au registre des associations ( eingetragener Verein - e.V. ). Organisme autonome doté de la personnalité juridique, elle a pour tâche, aux termes de son statut, de servir la science dans toutes ses branches grâce au soutien financier de projets de recherche et la promotion de la coopération entre chercheurs. Son budget 2017 se montait à 3,2 milliards d'euros provenant à 68 % du gouvernement fédéral et à 31 % des Länder . 17 ( * ) En outre, la DFG conseille le Parlement et les administrations sur les questions scientifiques et cultive les relations de la recherche avec le monde économique et les communautés scientifiques de l'étranger. 18 ( * ) 96 institutions sont membres de la DFG qui regroupe ainsi l'immense majorité des universités, y compris techniques, et des organismes de recherche indépendants, dont les divers instituts Max-Planck, et les différentes académies scientifiques allemandes. Il revient à l'assemblée des membres d'élire le président, le Bureau ( Präsidium ) et le comité de direction ( Senat ) et de déterminer les lignes directrices de la politique menée. 19 ( * )

Les recommandations de la DFG constituent la source première d'autorégulation de la communauté scientifique allemande en matière de déontologie professionnelle. En décembre 1997 sur le fondement des travaux d'une commission d'experts 20 ( * ) , la DFG a formulé ses propositions pour garantir une bonne pratique scientifique. 21 ( * )

À la lecture des 17 recommandations de la DFG assorties de commentaires, on peut constater que le document ne contient pas un dispositif complètement unifié et pourvu d'effets juridiques articulant de façon cohérente des principes, des obligations particulières et un devoir de diligence collectif, des procédures détaillées et des sanctions à la différence du code de conduite néerlandais. Les destinataires des recommandations sont uniquement des institutions et non les individus (chercheurs, enseignants, étudiants). Le contenu matériel des principes et des normes de l'intégrité scientifique demeure seulement esquissé par la DFG. 22 ( * ) Toutefois, la révision de 2013 a conduit à préciser davantage certaines prescriptions. Par exemple, il est désormais demandé que les données primaires servant de base à des publications soient conservées en sécurité pendant dix ans dans l'institution d'origine 23 ( * ) .

Il s'agit donc pour l'essentiel d'une invitation à prendre des mesures appropriées et d'une feuille de route donnant des orientations générales destinées à guider dans leur pratique les différentes universités et institutions de recherche allemandes. Ces dernières gardent la responsabilité de se doter de leur propre code de conduite ou règlement intérieur relatif à l'intégrité scientifique et de veiller à leur application en se dotant de procédures de plaintes et de sanction. 24 ( * ) Toutes les institutions affiliées à la DFG se sont dotées de leurs propres normes et mécanismes internes en suivant les recommandations de 1997, qui ont été remaniées en septembre 2013.

Il convient de noter que la DGB appelle de ses voeux une coopération accrue entre instituts de recherche indépendants pour adopter une procédure commune 25 ( * ) , ce qui souligne a contrario le manque d'harmonisation, en dehors même des divergences possibles avec les règles internes des universités. Sont visés les instituts de la Société Max-Planck qui s'est dotée dès 1997 de sa propre procédure de gestion des violations de l'intégrité scientifique, des réseaux des instituts Helmholtz et Leibniz. En outre, certaines recommandations concernent des institutions telles que sociétés savantes, revues scientifiques et organes de financement de la recherche qui ne sont pas membres de la DFG et ne sont pas formellement liées par le document.

En outre, l'octroi de subventions et de financements à des projets de recherche est soumis à un engagement des chercheurs de se conformer aux règles de la bonne pratique de la science 26 ( * ) . C'est le levier par lequel la DFG entend contraindre si nécessaire les différents organismes de recherche à prendre toute disposition utile pour prévenir les violations de l'intégrité scientifique.

La question des procédures à suivre pour gérer les suspicions de manquement à l'intégrité scientifique, instruire les plaintes et prendre éventuellement des sanctions a fait l'objet de beaucoup d'attentions de la part de la DFG. Premièrement, conformément à ses recommandations, des médiateurs indépendants ont été nommés en leur sein par les universités et les instituts de recherche. Ils exercent une fonction de conseil et de facilitation dans leur établissement et ont vocation à répondre à toute question sur la bonne pratique de la science. 27 ( * ) Au niveau national, de façon complémentaire, la DFG a elle-même institué un médiateur de la science nommé par son Senat et chargé de constituer un pôle de ressources accessibles à tout chercheur et toute institution. 28 ( * ) Il est constitué de quatre scientifiques pour représenter les domaines des humanités et des sciences sociales, de la biologie et de la médecine, des sciences physiques et des sciences de l'ingénieur. Il remet un rapport annuel à la DFG. Dans les universités et les instituts de recherche membres doit être mise en place une commission d'examen des violations de l'intégrité scientifique, qui peut être soit une commission permanente, soit une commission spéciale ad hoc . La DFG prévoit aussi la possibilité de prévoir une commission mixte avec un président permanent et des membres tournants en fonction du cas.

Une mention particulière est réservée aux lanceurs d'alerte qui fournissent aux médiateurs et aux établissements des informations concrètes sur des cas potentiels de violation de l'intégrité scientifique : ils doivent être protégés et ne pas souffrir de pénalité dans leur carrière, quelles que soient l'issue de la procédure et la véracité de leurs soupçons dès lors que leurs informations sont transmises de bonne foi. 29 ( * )

En cas de violation des normes d'une bonne pratique de la recherche, le modèle allemand prévoit trois voies procédurales parallèles selon que le soupçon ou la plainte est transmis au médiateur « local » installé dans l'université ou l'institut de recherche, au médiateur pour la science ou à la DFG elle-même. Hormis les actes internes de ces instances qui règlent le déroulé de la procédure 30 ( * ) , un guide synthétique très utile publié en 2018 peut être consulté pour comprendre l'articulation des dispositifs. 31 ( * ) Le plaignant, qui peut rester anonyme dès lors qu'il fournit suffisamment d'informations pour étayer ses dires, doit choisir une des trois voies. Il ne peut cumuler les plaintes en s'adressant simultanément aux trois instances susceptibles d'intervenir, mais en cas de refus d'agir qui lui serait adressé par l'une d'entre elles, il peut tenter de redéposer sa plainte auprès d'une autre. Si l'une des instances compétentes accueille sa plainte, l'instruit et prend une décision qui ne le satisfait pas, le plaignant ne peut se tourner vers une autre pour lui demander de réexaminer l'affaire. Il n'existe aucune relation hiérarchique entre les médiateurs locaux, le médiateur pour la science et la DFG.

Il convient de distinguer les procédures auprès des deux types de médiateurs et auprès de la DFG. Les médiateurs reçoivent les signalements et tentent de clarifier ou de résoudre le conflit au sein de l'institution ou entre les chercheurs. Ils agissent en toute confidentialité, notamment sans alerter le supérieur hiérarchique du chercheur mis en cause. S'ils ne trouvent pas d'issue au conflit ou si se confirment les soupçons de violation de l'intégrité scientifique, ils saisissent la commission d'examen de l'université ou de l'institut concerné. Les médiateurs n'ont pas la compétence pour prendre une décision eux-mêmes établissant l'existence d'un manquement et encore moins infligeant des mesures correctives ou des sanctions. En suivant les lignes directrices de la Conférence des recteurs d'universités 32 ( * ) , sont considérés comme des manquements dès lors que ces actions sont intentionnelles ou témoignent d'une grave négligence : la falsification de données, la violation de la propriété intellectuelle, la prétention d'être l'auteur ou le coauteur du travail réalisé par un tiers sans sa permission, le sabotage de travaux de recherche et la destruction ou la non-destruction illégale de données primaires. La complicité active ou passive est également répréhensible. Lorsque la commission d'examen établit la responsabilité d'un chercheur, il revient aux universités et aux instituts de recherche selon leurs procédures internes de prendre les mesures correctives et les sanctions appropriées. Celles-ci peuvent porter sur la relation de travail (avertissement, suspension, licenciement, dissolution du contrat) et sur les éventuelles suites civiles et pénales à donner à la violation de l'intégrité scientifique, avec transmission à l'autorité judiciaire.

Les signalements directement adressés à la DFG ne peuvent concerner que des personnes qui ont soumis une demande de subvention, qui ont reçu des fonds ou qui sont responsables de sommes allouées par la DFG, ainsi que les experts- reviewers et les membres des commissions internes de la DFG participant aux processus décisionnels. Même si cette catégorie ne couvre pas tous les chercheurs allemands, elle concerne malgré tout la plupart des laboratoires de renom. La procédure suivie par la DFG comprend deux étapes : une enquête préliminaire ( Vorprüfverfahren ), puis le cas échéant une enquête formelle par le comité d'investigation des violations de l'intégrité scientifique 33 ( * ) .

Au terme de l'enquête préliminaire, si des indices corroborent substantiellement les allégations de manquement, le défendeur reçoit notification des faits qui lui sont reprochés et des éléments de preuve apportés. Il dispose de quatre semaines pour répondre à ces observations. Le nom de l'auteur du signalement ou de la personne lésée n'est pas communiqué au défendeur sans le consentement de l'intéressé. En fonction des réponses apportées aux observations, le directeur du département de la DFG en charge de l'enquête préliminaire décide soit de transférer la plainte au comité d'investigation pour mener une enquête formelle, soit de classer sans suite la plainte. Le classement peut intervenir soit faute d'éléments suffisants pour former un soupçon raisonnable, soit en raison du caractère véniel du manquement ou encore si le défendeur a offert de remédier au problème, par exemple en publiant un erratum . Le plaignant dispose de deux semaines pour objecter au classement et demander au directeur du département du DFG de revoir sa décision.

Le comité d'investigation en charge de l'enquête formelle est un sous-comité du comité central de la DFG ( Hauptausschuß ) 34 ( * ) , l'instance qui sur le fondement des lignes directrices du Senat de la DFG prend toutes les décisions de financement de la recherche. Le comité d'investigation est formé de huit membres nommés parmi les scientifiques siégeant au comité central. Il est présidé par le secrétaire général de la DFG qui ne prend pas part au vote. Sont représentés les quatre domaines des humanités et des sciences sociales, de la biologie et de la médecine, des sciences physiques et des sciences de l'ingénieur. Il peut s'adjoindre selon l'espèce deux experts de la spécialité en question à titre consultatif.

La procédure devant le comité d'investigation est orale : le défendeur est entendu, éventuellement assisté du conseil de son choix, ainsi que les témoins. L'identité du plaignant est révélée si le défendeur ne peut pas se défendre convenablement sans le savoir ou si la crédibilité et les motifs du plaignant demandent d'être soumis à examen. Le comité d'investigation se prononce à la majorité simple des voix. S'il estime qu'un manquement a été suffisamment établi et que sa gravité nécessite une sanction, il émet une recommandation en ce sens à l'endroit du comité central. Il revient à ce dernier de décider de prendre une ou plusieurs des sanctions à sa disposition : réprimande, suspension du droit de déposer une demande de financement auprès de la DFG pendant une durée de 1 à 8 ans, révocation des décisions de financement déjà prises (annulation totale ou partielle ; rappel des fonds ; remboursement des sommes dépensées) ; demande de retrait ou de correction des publications incriminées ; exclusion des fonctions d'expert ou de membres de commissions internes de la DFG pendant une durée de 1 à 8 ans ; suppression des droits de vote et d'éligibilité pour les élections aux organes de la DFG pendant une durée de 1 à 8 ans. 35 ( * ) La décision du comité central est notifiée aux parties mais elle n'est pas systématiquement publiée, même anonymisée. L'opportunité de publier est évaluée au cas par cas.

Les décisions des universités et des instituts de tenir un chercheur responsable d'une violation de l'intégrité scientifique et éventuellement de lui appliquer une sanction sont susceptibles de recours devant le juge administratif allemand. Un moyen à la disposition du chercheur mis en cause a déjà prouvé son efficacité : il s'agit d'invoquer la protection constitutionnelle de la liberté scientifique garantie par l'article 5 alinéa 3 de la Loi fondamentale allemande au même titre que la liberté artistique.

Certes, la liberté scientifique ne vaut pas protection contre toute forme d'évaluation et de critique, tant que ces dernières répondent elles-mêmes aux normes de la pratique scientifique. Il ne fait pas de doute non plus que la falsification intentionnelle de données ou la violation des droits de propriété intellectuelle d'autrui constituent des manquements à l'intégrité qui n'entrent pas dans le champ de la protection accordée par la Constitution allemande à la liberté scientifique. 36 ( * )

Toutefois, dans les cas plus incertains, le juge allemand s'est révélé sensible au caractère ouvert de l'enquête scientifique, qui ne peut manquer d'admettre le débat et l'expression d'opinions discordantes. Dès lors qu'un chercheur fait un effort sérieux pour respecter les canons du travail scientifique avec l'intention d'atteindre la vérité et d'accroitre les connaissances actuelles, son activité est protégée. La Cour administrative fédérale et la Cour constitutionnelle demandent donc qu'il soit prouvé au-delà du doute ( zweifelfrei ) que le chercheur a enfreint les règles de l'art et n'a pas manifesté cet effort sérieux en vue de l'établissement de la vérité ( ernsthafter Versuch zur Ermittlung von Wahrheit ).

L'Université Justus-Liebig de Gießen a notamment été au centre de l'attention en raison d'un long contentieux entre 1993 et 2000, qui l'a conduit à subir une succession de défaites devant le juge administratif allemand 37 ( * ) , puis le juge constitutionnel 38 ( * ) , à la suite d'une plainte déposée contre elle par un chercheur dont l'intégrité des travaux avait été contestée par une commission ad hoc .

Le chercheur avait travaillé sur des méthodes diagnostiques permettant de différencier rapidement et de façon sûre des anomalies congénitales de la peau selon leur dangerosité ou leur bénignité. Un collaborateur indiqua au doyen de la faculté que les mesures publiées ne correspondaient pas exactement aux données récoltées. Le doyen composa alors une commission d'examen comprenant six autres professeurs de la discipline. Après avoir tenu sept séances, la commission dressa des constats qui critiquaient la méthode diagnostique élaborée par le chercheur. Dans le même document, elle invita le chercheur à retirer publiquement ses conclusions et à renoncer à toute expression publique sur l'applicabilité diagnostique de sa méthode tant qu'il ne pouvait présenter des séries de données sans reproche et des résultats sans équivoque. Les conclusions de la commission furent ensuite communiquées à diverses institutions.

La faculté pour l'université de constituer une commission chargée d'évaluer les travaux d'un chercheur soupçonné d'avoir mésusé de sa liberté scientifique et d'avoir violé les normes d'intégrité que l'on attendait de lui n'a pas été contestée. Cependant, le juge administratif a considéré que l'université avait violé la liberté scientifique constitutionnellement garantie du chercheur mis en cause, dès lors que la critique massive et publique des travaux du chercheur s'apparentait à l'exercice d'une pression morale considérable qui avait pesé sur son activité de recherche et porté atteinte à sa réputation scientifique, quand bien même les conclusions de la commission d'examen étaient dépourvues de force juridique. La Cour constitutionnelle a ensuite sèchement rejeté le recours déposé par l'Université de Gießen et confirmé la solidité des décisions des juridictions administratives. Puisque rien n'était venu établir que le chercheur en cause n'avait pas été sérieux dans son effort pour respecter les principes fondamentaux du travail scientifique, la critique de ses travaux relevait d'une controverse ( Meinungsstreit ) entre scientifiques qui ne pouvait être résolue que par un échange d'arguments, sans enfreindre la liberté individuelle de chaque chercheur.

Le renforcement et l'encadrement accrus des procédures d'investigation des manquements à l'intégrité scientifique depuis 2013 témoignent du souci de la DFG et des institutions de recherche allemandes de se prémunir contre des pourvois en justice en tenant compte des exigences jurisprudentielles. L'obligation de conservation des données pendant 10 ans est ainsi expressément conçue comme un moyen d'éviter la perte d'éléments nécessaires pour prouver au-delà du doute les manquements reprochés à un chercheur.

4. L'évaluation mitigée du système de protection de l'intégrité scientifique par le Parlement britannique

Le Royaume-Uni a également retenu un système d'autorégulation de la pratique scientifique. Il s'appuie sur un document d'orientation rassemblant les attentes et engagements en matière d'intégrité de la recherche des différents acteurs, le Concordat pour l'intégrité de la recherche, dont l'élaboration a été coordonnée par la Conférence des universités britanniques ( UUK ) en 2012. 39 ( * )

Éléments du Concordat britannique pour l'intégrité de la recherche (2012)

Le Concordat résulte d'une initiative de la Conférence des universités britanniques, soutenue par le gouvernement, pour éviter un encadrement légal plus strict et l'installation d'un régulateur externe. Délibérément souple et général dans ses formulations pour respecter les différentes cultures disciplinaires et institutionnelles, il préserve le principe de l'autorégulation et défend la diffusion d'une culture globale de l'intégrité plutôt que le contrôle du respect littéral de normes détaillées.

On peut trouver dans ce document une approche de l'intégrité scientifique en fonction de valeurs fondamentales, des engagements généraux de haut niveau et des recommandations plus concrètes.

L'honnêteté dans la présentation de ses travaux et de ceux d'autrui, la rigueur méthodologique, la transparence en matière de conflits d'intérêt comme dans la collecte de données et la publication de résultats, y compris négatifs, et le respect pour les participants et les sujets de recherche constituent les valeurs fondamentales où s'enracine l'intégrité scientifique.

Les huit signataires du Concordat que sont UUK, les différents conseils de la recherche et de financement de la recherche 40 ( * ) , ainsi que le Wellcome Trust 41 ( * ) , se sont engagés à :

- maintenir les plus hauts canons de rigueur et d'intégrité dans tous les aspects de la recherche ;

- garantir que la recherche est conduite selon des obligations et des normes éthiques, légales et professionnelles appropriées ;

- soutenir un environnement de la recherche sous-tendu par une culture de l'intégrité et fondé sur une bonne gouvernance, les meilleures pratiques et le soutien au développement des chercheurs ;

- recourir à des procédures transparentes, robustes et équitables pour traiter les éventuelles allégations de violations de l'intégrité scientifique ;

- travailler conjointement à renforcer l'intégrité et à évaluer régulièrement les progrès en toute transparence.

Parmi les recommandations concrètes à l'égard des universités, il convient de relever :

- la nomination d'un référent pour l'intégrité scientifique dans chaque établissement pour superviser son action en la matière et servir de premier point d'entrée pour toute personne souhaitant disposer de plus d'informations sur le sujet ;

- désigner un contact confidentiel pour les lanceurs d'alerte ou toute personne souhaitant faire part de ses inquiétudes à propos de l'intégrité d'une recherche menée dans l'établissement ;

- publier un bref compte rendu annuel des actions menées pour renforcer la compréhension des enjeux et l'application des normes de l'intégrité de la recherche, comprenant également un relevé des enquêtes formellement engagées pour des manquements au sien de l'université.

La commission des sciences et des techniques de la Chambre des Communes a lancé en 2017 une mission pour évaluer le système britannique et formuler des recommandations de nature à en combler les lacunes. Interrompue par les élections générales de 2017, puis reconstituée, la mission a publié son rapport en juin 2018 en s'appuyant sur 130 contributions écrites, le témoignage de 27 personnes auditionnées et les réponses à ses questionnaires transmises par les 136 établissements membres de la Conférence des universités britanniques.

Le rapport final 42 ( * ) relève que les données disponibles suggèrent que les violations graves demeurent rares mais que l'information globale demeure trop parcellaire pour disposer d'une image adéquate. Au regard de la crise de la reproductibilité constatée dans certaines disciplines comme la médecine, de la croissance du taux de rétractation d'articles dans les revues scientifiques et des enquêtes menées auprès des chercheurs qui rapportent des tentations répétées, il apparaît que le nombre d'investigations formelles menées dans les universités est trop faible. La commission s'est étonnée par exemple qu'en 2015-2016, 51 universités britanniques n'aient conduit aucune investigation formelle dans aucune discipline ; 20 universités n'en auraient même jamais mené depuis la signature du Concordat en 2012. 43 ( * )

En outre, la mise en oeuvre des recommandations du Concordat se révèle décevante, malgré la désignation des référents « intégrité » et des points de contact pour les lanceurs d'alerte. Six ans après la signature de l'accord de principe, seules 58 % des universités publiaient un compte rendu annuel sur leurs actions et sur les investigations formelles menées et 25 % indiquaient au contraire ne pas avoir l'intention de le faire dans un avenir proche. La commission a jugé sévèrement certaines prises de position d'universités réticentes qui, motivées par le souci de leur image, surestimaient la difficulté de concilier confidentialité et transparence dans un rapport annuel, au risque d'être accusées de complaisance. 44 ( * )

Certes, depuis 2013, le respect du Concordat est techniquement devenu une condition pour pouvoir bénéficier des fonds des Research Councils , mais aucun mécanisme de sanction pertinent n'a été mis en oeuvre. La notion même de « respect » du Concordat est équivoque puisque les engagements qu'il contient en restent largement aux généralités et défient largement toute évaluation, d'autant que les financeurs ne collectent aucune donnée précise sur les actions menées par les universités. C'est pourquoi la commission est favorable à une actualisation du Concordat pour renforcer et clarifier les obligations de chacun. Les signataires devraient établir une feuille de route et un calendrier pour parvenir à un respect total des nouvelles obligations du Concordat renforcé dans l'année qui suit.

Le durcissement et la clarification des obligations devraient prioritairement concerner :

- la formation des chercheurs, à la fois sur les réquisits de l'intégrité mais aussi sur les méthodes statistiques, parfois dévoyées notamment en épidémiologie pour produire de fausses corrélations ;

- les procédures de traitement des plaintes pour violation de l'intégrité, notamment en élaborant un protocole sur le partage d'informations liant les universités, les financeurs publics et les revues scientifiques ;

- la transparence des essais cliniques ;

- et la publication des résultats de recherche négatifs.

Il reviendrait à la nouvelle agence de stratégie et de financement de la recherche, United Kingdom Research and Innovation (UKRI) qui chapeaute les Research Councils depuis 2018, de collecter et de rendre publiques les données sur les universités qui ne se plieraient pas à leurs obligations aux termes du Concordat renforcé. 45 ( * )

Dans la mesure où sont attestés plusieurs cas de chercheurs récidivistes continuant leurs pratiques douteuses dans plusieurs institutions à la suite, la Commission conclut, d'une part, que les universités comme ancien employeur utilisent des accords de confidentialité ( non-disclosure agreements ) pour gérer des affaires sensibles, d'autre part, que les universités comme nouvel employeur ne montrent pas assez de diligence pour scruter la carrière de certains chercheurs qu'elles recrutent. Elle a en conséquence recommandé que le nouveau Concordat prohibe les accords de confidentialité et que UKRI bannisse de tout financement public les universités qui y ont recours. 46 ( * )

Pour mieux comprendre comment ajuster les mécanismes institutionnels de financement de la recherche, UKRI devrait également, selon la commission, commander des études sur les comportements des chercheurs et les effets des incitations financières qui aideraient à comprendre certains biais ou effets pervers. 47 ( * )

Les acteurs britanniques bénéficient du soutien du Bureau de l'intégrité de la recherche ( UK Research Integrity Office - UKRIO ), un organisme consultatif établi en 2006, qui ne mène pas d'enquête sur des manquements mais offre des avis et conseils concrets et adaptés au grand public, aux chercheurs et aux institutions qui le sollicitent afin de promouvoir de saines pratiques de recherche. Ces requêtes peuvent concerner un projet particulier ou l'investigation de cas spécifiques de fraude ou de violation de l'intégrité scientifique. UKRIO est financé par des souscriptions (2 300 £ par an) de ses adhérents, notamment 65 universités, la Royal Society et l'Académie britannique. Toutefois, 71 universités britanniques, soit une majorité d'entre elles, n'adhèrent pas UKRIO, ce qui pourrait avoir pour effet que celles d'entre elles qui ont le plus besoin de l'aide de UKRIO pour promouvoir une recherche intègre sont aussi celles qui bénéficient le moins de ses conseils. Dix ans après la publication d'un guide sur les procédures de traitement des plaintes par UKRIO, certaines universités n'ont toujours pas pris les mesures adéquates. C'est pourquoi la commission a recommandé que le gouvernement et la Conférence des universités incitent fortement les établissements en retrait à adhérer au Bureau de l'intégrité de la recherche. 48 ( * )

La commission parlementaire se montre surtout sceptique sur la capacité d'un système de pure autorégulation à endiguer les manquements et à promouvoir une recherche intègre. Il lui apparaît nécessaire de compléter le modèle britannique en instituant une autorité nationale indépendante chargée de contrôler que les universités ont correctement traité les cas de manquements à l'intégrité scientifique commis par les chercheurs qu'elles emploient. Cette instance laisserait les universités pleinement responsables de recueillir les plaintes, d'enquêter et de prendre les mesures correctrices et les sanctions adéquates. Elle aurait pour tâche propre de passer en revue et d'examiner la façon dont l'institution universitaire a bien respecté certaines normes procédurales. En cas de faute de l'université, elle pourrait recommander à UKRI de restreindre les financements ou de réclamer des sommes déjà perçues. En collaboration avec la Conférence des universités britanniques, la nouvelle autorité indépendante aurait également la responsabilité de piloter la mise en oeuvre du nouveau Concordat renforcé. Le modèle est tiré des expériences engagées dès 2011 du Comité australien pour l'intégrité de la recherche (ARIC) et du Groupe sur la conduite responsable de la recherche (GCRR) du Canada. 49 ( * )

5. L'intervention du législateur danois pour clarifier et renforcer les compétences de la Commission nationale des manquements scientifiques

Le Danemark s'est engagé dès 1992 dans la régulation des manquements à l'intégrité de la recherche considérés comme de la malhonnêteté scientifique ( videnskabelig uredelighed ). Une première commission nationale est constituée sur une base expérimentale pour trois ans dans le domaine de la médecine. Elle est pérennisée et son champ de compétence s'est élargi aux autres champs de recherche à partir de 1998 en créant des sous-comités thématiques. La réforme de 2017 décrite ci-dessous transforme l'architecture du système et le partage de responsabilités avec les institutions de recherche.

Un code de l'intégrité dans la recherche ( danske kodeks for integritet i forskning ) a également été publié en novembre 2014 ; il est le résultat des travaux d'un groupe de travail rassemblant le ministère de l'éducation et de la recherche et les 8 universités du pays, ainsi que différents organes connexes comme le Conseil indépendant de la recherche ( Det Frie Forskningsråd ). Il établit une série de principes fondamentaux et de pratiques qui constituent la base d'une recherche saine.

Le Danemark se distingue en ayant été au-delà des dispositifs classiques d'autorégulation ou de contrôle administratif interne grâce à l'adoption en 2017 d'une loi sur la malhonnêteté scientifique.50 ( * ) Le gouvernement danois s'est appuyé sur les recommandations d'un rapport de 2015 sur les sous-comités spécialisés relatifs aux manquements scientifiques ( udvalgene vedrørende videnskablig uredelighed ) qui avait été élaboré par la direction de la recherche et de l'innovation du ministère.51 ( * ) Le projet de loi a été soutenu par l'ensemble des partis politiques, si bien que le texte a été adopté par un Parlement unanime.

La loi danoise s'ouvre, de manière classique, par une série de définitions pour clarifier son champ d'intervention (art. 3 al. 1). Elle définit de manière précise ce qu'il convient de considérer comme un manquement à l'intégrité scientifique, à savoir la fabrication, la falsification et le plagiat commis consciemment ou de manière gravement négligente, au cours de la planification, de la réalisation ou du compte rendu d'une recherche. Puis des sous-définitions légales sont données de la fabrication, de la falsification et du plagiat. La fabrication est définie comme la construction infondée de données ou la substitution par des données fictives. La falsification correspond à la manipulation du matériau de recherche, de l'équipement ou du protocole, ainsi que la modification ou l'omission de données, conduisant la recherche à être considérée comme trompeuse. Le plagiat est défini comme l'appropriation des idées, des protocoles, des résultats, des textes ou de concepts particuliers, sans citations légitimes de leurs auteurs.

Les pratiques de recherche douteuses ( tvivlsom forskningpraksis ), degré moindre d'infraction, comprennent les infractions aux standards communément admis dans le cadre d'une recherche responsable, notamment ceux établis dans le code danois pour l'intégrité de la recherche ou d'autres lignes directrices en vigueur émanant d'une institution, de l'État ou d'un accord international.

Les résultats ou produits scientifiques sont définis comme les produits obtenus en appliquant des méthodes scientifiques au cours de la recherche, comprenant également les demandes de moyens de recherche. Cette définition permet de prendre en compte les manquements dans la constitution d'un dossier en vue d'obtenir des financements.

Sont également clarifiés les termes de « chercheur » et « institution de recherche » qui doivent dorénavant être respectivement compris comme toute personne en thèse ou ayant obtenu un doctorat ou une qualification équivalente et toute institution publique danoise effectuant de la recherche. La loi s'applique dès lors que la recherche est financée en tout ou partie par des fonds publics ou si elle est effectuée dans une institution publique. La loi est également applicable aux cas de manquements scientifiques dans la recherche privée non subventionnée par l'État, sous réserve de l'accord de l'entreprise privée (art. 2).

En outre, ne sont concernés ni les cas de manquements scientifiques d'importance mineure (règle de minimis ), ni les questions de soutenabilité des théories scientifiques, ni les questions de qualité des travaux (art. 3 al. 2).

La nouveauté introduite par la loi de 2017 est de transformer le système antérieur. Les sous-comités spécialisés relatifs aux manquements scientifiques sont fusionnés au sein de l'organe de contrôle national à vocation transversale, la Commission des manquements scientifiques ( Nævnet for videnskablig uredelighed) , qui est transformée et recentrée : elle est désormais compétente uniquement pour traiter les cas de fabrication, falsification ou plagiat, qui constituent aux termes de la loi danoise de 2017 les manquements à l'intégrité scientifique stricto sensu . Les investigations relatives aux pratiques scientifiques douteuses sont décentralisées au niveau des institutions de recherche, qui ont l'obligation légale de traiter les plaintes et les signalements reçus selon des lignes directrices qu'elles fixent et publient.

La Commission des manquements scientifiques constitue un organisme indépendant sous la tutelle du ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Elle se compose de 8 à 10 membres et de leurs suppléants. Le président est un juge des cours régionales nommé par le ministre de l'éducation et de la recherche sur proposition des juridictions. Les membres ainsi que leurs suppléants doivent être des chercheurs reconnus et issus des différents milieux de la recherche et sont également désignés par le ministre de l'éducation et de la recherche sur proposition et après examen du Fonds indépendant de la recherche du Danemark ( Danmarks frie forskningsfond ), l'instance majeure de financement de la recherche sur projet. Les membres de la commission sont nommés pour une durée d'au plus quatre ans renouvelable dans la limite de six ans cumulés (art. 5 et 6).

La commission a pour vocation de statuer sur l'existence ou non d'un manquement à l'intégrité scientifique. Le cas échéant, elle a la possibilité de demander le retrait des résultats au chercheur, de faire des recommandations à l'institution de recherche employeur, de recommander à l'éditeur le retrait de la publication, ainsi que de formuler des recommandations au fonds ayant financé en tout ou partie la recherche mise en cause (art. 16). Les décisions prises par la Commission des manquements scientifiques ne sont pas susceptibles de recours devant une autre instance.

Les cas de manquement à l'intégrité scientifique peuvent être signalés par toute personne auprès de l'institution dans laquelle a été effectuée la recherche. Les institutions de recherche ont l'obligation de signaler tout cas faisant l'objet de doutes fondés de manquement scientifique entrant dans les compétences de la commission à cette dernière (art. 10 al. 3).

L'institution de recherche se doit de vérifier que tout signalement comporte bien les informations relatives au résultat de la recherche mis en cause, du ou des chercheurs concernés, les accusations de manquement scientifique, ainsi que des éléments de preuve et de motivation (art. 11). Si un signalement ne comporte pas l'ensemble de ces éléments, l'institution dispose d'un délai de trois mois à compter de la réception pour préciser de concert avec la commission les circonstances de l'affaire et éventuellement la transmettre à la commission.

La Commission des manquements scientifiques peut se saisir d'une affaire de sa propre initiative (art. 12) mais il est précisé que les cas de manquements scientifiques doivent concerner des chercheurs ayant participé à l'obtention des résultats en cause (art. 4 al. 2), ce qui circonscrit le pouvoir de la commission à des cas précis, cette dernière ne pouvant pas mettre en cause une institution de recherche dans son ensemble.

La commission peut refuser de traiter un cas si ce dernier ne relève pas de ses compétences, ne semble être que faiblement en rapport avec le Danemark, si les coûts d'investigations semblent trop élevés au regard de l'importance de l'affaire ou s'il apparaît clairement que l'affaire est infondée. Elle doit notifier son refus dans un délai de trois mois à compter de la réception de la plainte. Les affaires acceptées doivent être traitées par la commission dans les 12 mois.

LA PRESCRIPTION MÉDICALE D'ACTIVITÉ PHYSIQUE À DES FINS THÉRAPEUTIQUES

La division de la Législation comparée du Sénat a conduit une recherche sur la prescription médicale d'activité physique à des fins thérapeutiques, pour le traitement de maladies chroniques notamment, dans cinq pays : l'Allemagne, le Canada, l'Italie, le Royaume-Uni et la Suède.

1. Un système allemand rôdé et bien cadré juridiquement, où s'impliquent activement toutes les parties prenantes

En Allemagne , la prescription d'exercice ( Bewegung ), d'activité physique ou de sport par un médecin est une pratique bien connue et régulièrement utilisée tant à des fins thérapeutiques que préventives. 52 ( * ) La base de la prescription d'activité physique est bien identifiée dans la législation fédérale. Le régime juridique est complété par les règles posées par les organismes de sécurité sociale et décliné dans des dispositifs régionaux.

Dans le cadre d'un traitement médical, la base légale essentielle de la prescription d'activité physique se trouve à l'article 64 du IX e livre du code de la sécurité sociale, consacré à la réadaptation et à la participation des personnes souffrant de handicap. Cet article qui traite des prestations complémentaires doit être lu parallèlement aux articles 42 et 43 du même livre, de telle sorte que les personnes menacées par l'apparition d'un handicap ou souffrant de maladies chroniques et recevant un traitement médical à ce titre bénéficient des mêmes prestations complémentaires que les personnes handicapées, dans la mesure où elles subissent une dégradation de leur capacité à s'insérer dans la vie sociale.

Sont notamment considérées comme des prestations complémentaires :

- « le sport de réadaptation ( Rehabilitationssport ) en groupes prescrit par un médecin et réalisé sous suivi et supervision médicale, y compris des exercices pour des femmes et des jeunes filles handicapées ou menacées d'un handicap qui visent à renforcer leur estime personnelle » ;

- « l'entraînement fonctionnel ( Funktionstraining ) en groupes sous la direction et la supervision de professionnels compétents ». 53 ( * )

Le bénéfice de ces prestations complémentaires est un droit pour toute personne qui en remplit les conditions médicales. Elles sont prises en charge financièrement, sans coût pour le patient, par les différentes caisses du système de sécurité sociale. 54 ( * ) Toutefois, la prise en charge nécessite le respect d'une procédure spécifique et elle est limitée dans le temps en fonction des objectifs médicaux à atteindre. Des valeurs de référence pour la durée totale du traitement et le nombre de séances sont prévues. Selon la situation du patient peuvent intervenir l'assurance-maladie (§ 43 SGB V), le régime général des retraites (§ 28 SGB VI) ou le régime agricole (§ 10 ALG 55 ( * ) ), le système d'indemnisation des victimes de guerre (§§ 11-12 BVG 56 ( * ) ) ou la protection contre les accidents du travail (§ 39 SGB VII). 57 ( * ) On se concentrera sur la prise en charge par les caisses légales d'assurance-maladie, quel que soit leur statut, mais des dispositions similaires valent pour les autres caisses avec quelques variantes.

Les dispositions légales sont complétées et leur mise en oeuvre explicitée par un accord-cadre sur le sport de rééducation et l'entraînement fonctionnel, signé par les différents acteurs réunis en un groupement fédéral comme il est courant en Allemagne pour la conduite d'une politique publique. La dernière version date de 2011 et remplace le précédent accord de 2003. 58 ( * )

Le patient souffrant d'une affection de longue durée peut se faire prescrire par un médecin conventionné le sport de rééducation ou l'entraînement fonctionnel nécessaire à sa participation à la vie sociale et adapté à sa pathologie. En principe, il s'agit du médecin traitant. 59 ( * ) Une demande de prise en charge financière est alors adressée à la caisse dont dépend le patient. Un formulaire spécifique 60 ( * ) valant ordonnance et demande de prise en charge financière a été élaboré conjointement par la Fédération des caisses d'assurance-maladie et l'Association fédérale des médecins conventionnés. Le formulaire rempli par le médecin doit porter mention du diagnostic, du motif et de l'objectif des mesures de réadaptation par le sport, de la durée souhaitée et de recommandations sur le type d'activités appropriées.

Avant de commencer l'activité physique prescrite dans un organisme habilité, le patient doit obligatoirement voir sa demande de prise en charge acceptée par sa caisse, qui s'assure de sa validité formelle. À la réception de sa confirmation de prise en charge, il dispose de 6 mois pour commencer à participer à un groupe de sport de rééducation ou d'entraînement fonctionnel ; passé ce délai, l'ordonnance est caduque et la validation de la prise en charge est annulée. Le délai de 6 mois 61 ( * ) n'est pas anodin car les listes d'attente peuvent être longues dans certains organismes agréés pour délivrer les prestations adaptées d'activité physique. La participation à des groupes de sport de réadaptation s'effectue dans le centre habilité situé le plus proche du domicile ou du lieu de travail du patient, dès lors que peuvent y être suivies les activités prescrites par le médecin traitant.

La rémunération et le règlement dépendent d'accords contractuels passés entre les représentants des organismes prestataires au niveau fédéral ou régional et les caisses d'assurance sociale. L'organisme prestataire de services transmet ses factures aux caisses d'assurance-maladie par voie électronique. À titre d'exemple dans le Land frontalier de la Sarre, les centres sportifs agréés reçoivent au moins 5,25 euros par participant par séance.

Aucune contribution ou participation aux frais et aucun acompte ne peuvent être exigés du patient. Toutefois, le centre sportif où se déroulent les séances est libre de proposer aux patients une inscription complémentaire payante pour bénéficier de ses installations en dehors des séances. L'important est que le patient ne puisse se voir obligé de prendre un abonnement ou une inscription.

Notons que certaines caisses, comme les Ersatzkassen héritières du système bismarckien qui regroupent 27 millions d'assurés, tendent à exiger l'assiduité des patients. Depuis 2014, elles autorisent dans certaines circonstances les organismes prestataires de services à mettre fin avant terme aux séances de sport de réadaptation de patients absentéistes qui ne peuvent justifier leurs fréquentes absences aux séances. Sont facturées toutes les séances suivies.

Outre les bénéfices physiques en termes d'endurance, de force, de coordination, de souplesse et les bénéfices psychologiques attendus, il s'agit de développer l'autonomie du patient « en l'aidant à s'aider lui-même » ( Hilfe zur Selbsthilfe ), afin de le motiver et de le disposer à pratiquer une activité physique régulière sur le long terme, de façon autonome et responsable et à ses propres frais. La prescription médicale d'activité physique n'a pas vocation à perdurer ; c'est une façon d'initier une démarche positive que le patient devra poursuivre par ses propres moyens à l'expiration d'un certain nombre de séances. Une reconduction de la prescription d'activité physique est possible mais elle nécessite de déposer une nouvelle demande de prise en charge auprès de sa caisse d'assurance-maladie et la reconduction ou la prolongation n'est autorisée que si le médecin détaille les raisons qui la rendent nécessaire et indispensable.

Les valeurs de référence fixées par l'accord-cadre pour la prise en charge financière par les caisses sont exprimées en nombre de séances d'une durée de 45 mn. En matière de renforcement de l'estime de soi sont prises en charge 28 séances. En matière de sport de réadaptation, sont en principe prises en charge jusqu'à 50 séances sur une période de 18 mois. Si l'autorisation de prise en charge porte sur moins de 50 séances alors la période pendant laquelle elles doivent être réalisées est réduite proportionnellement. Pour certaines pathologies très lourdes 62 ( * ) , la prise en charge s'étend en principe jusqu'à 120 séances sur 36 mois.

Un sort particulier est réservé aux patients atteints d'une maladie cardiaque chronique, qui sont réunis dans des groupes de réadaptation par le sport spécifiques ( Herzgruppen ). La prise en charge couvre alors 90 séances sur 24 mois, portées à 120 séances sur la même période pour les enfants et adolescents. La durée d'une séance est de 60 mn. La prescription d'activité physique peut, en outre, être renouvelée lorsque le patient a dû subir à nouveau un traitement sérieux notamment une intervention chirurgicale (artères coronaires, ventricules, implantation d'un dispositif type pacemaker ou transplantation).

La taille des groupes de sport de réadaptation est également encadrée selon le tableau suivant :

Public
(critères de pathologie ou d'âge)

Nombre maximal
de participants

Standard

15

Femmes pour les groupes de renforcement de l'estime de soi

12

Malades cardiaques

20

Pathologies très lourdes (paralysies, amputation, dommages cérébraux, etc.)

7

Enfants de moins de 15 ans

10

Enfants de moins de 15 ans lourdement handicapés

5

Le champ des activités physiques qui peuvent être proposées au titre de sport de réadaptation est restreint. Elles doivent présenter une efficacité médicale, elles ne s'apparentent ni à un loisir, ni à une compétition. Sont exclues les activités qui visent la maîtrise d'un appareil (courses de fauteuil roulant données comme exemple), les sports d'autodéfense et de combat, les séances de musculation sur machine, les activités présentant un risque élevé de blessures et celles qui entraînent un coût financier démesuré. Sont autorisées les exercices de gymnastique, l'athlétisme léger, la natation et les jeux de mouvement en groupes.

Les activités physiques prescrites par le médecin et prises en charge par les caisses d'assurance-maladie se déroulent en principe au sein de groupes de sport de réadaptation installés dans des organismes affiliés à la Fédération allemande du handisport ( Deutschen Behinderten-Sportverband - DBS ), aux différentes fédérations sportives régionales ou à la Société allemande de prévention et de réadaptation pour les maladies cardiaques ( DGPR ). Les associations sportives locales sont les prestataires de services les plus courants.

La mise en place de groupes de sport de réadaptation est soumise à la délivrance préalable d'un agrément par les fédérations régionales du handisport dépendant de la DBS, ou par les représentants régionaux de la DGPR pour le sport à destination des malades cardiaques. L'agrément peut également être délivré par les caisses d'assurance sociale ou par le groupement rassemblant au niveau régional tous les acteurs institutionnels concernés (caisses, fédérations). L'octroi de l'agrément répond à des critères unifiés. L'établissement support de la prestation dépose une demande de constitution de groupes de sport de réadaptation et fournit une série de renseignements sur l'établissement lui-même et son affiliation à une fédération, sur les thérapeutes/entraîneurs (noms, qualifications, formations complémentaires, licence d'exercer), sur les conditions matérielles d'exercice (lieux, équipements), sur la taille et la composition du groupe de patients, sur l'assurance contre les accidents, sur le suivi et la supervision médicale (nom et déclaration du médecin responsable et présent ou à disposition pendant les séances, organisation des permanences, anamnèse/diagnostic et suivi du dossier médical des patients), sur la gestion des urgences médicales éventuelles et sur la tenue des registres (liste des participants, documents sur le déroulé des séances, éventuellement des incidents).

Les groupes de sport bénéficiant d'un agrément sont tous déclarés régulièrement, au moins une fois par an, aux caisses d'assurance sociale. L'inspection courante des prestations dépend de l'organisme qui a délivré l'agrément, mais les caisses sont habilitées à enquêter sur des cas individuels.

Le suivi et la supervision individuelle du patient demeure de la responsabilité du médecin traitant. Le suivi des groupes de sport de réadaptation est réalisé par un médecin associé qui conseille en tant que de besoin le patient et les entraîneurs pendant les séances. Les tâches du médecin-conseil (nécessairement expérimenté) sont de déterminer les exercices adaptés en fonction des limitations et de l'état de santé du patient, de déterminer avant chaque séance la résistance du patient, de la prendre en compte dans la définition de l'entrainement du jour et de surveiller les participants pendant la séance. La présence personnelle et continue du médecin-conseil est obligatoire au cours des séances pour malades cardiaques. Toutes les données pertinentes sont documentées par écrit pour assurer le suivi des participants.

Les exercices sportifs doivent être dirigés par des instructeurs ( Übungsleiter ) qui disposent d'une qualification adéquate. Des formations et des certificats/licences ont été mis en place notamment par la Fédération du handisport, par le comité olympique et par la Société de prévention des maladies cardiaques (DGPR). Les réquisits de qualification selon les pathologies et les patients sont réunis dans un document de référence national établi par les parties prenantes (caisses d'assurance sociale, fédération handisport, associations de prévention par le sport, DGPR). 63 ( * ) L'encadrement d'enfants et d'adolescents nécessite de faire preuve de capacités psychopédagogiques particulières. En matière d'entraînement fonctionnel, destiné à retrouver de la mobilité musculaire ou articulaire, les groupes sont conduits par des kinésithérapeutes ou des ergothérapeutes disposant d'une formation complémentaire et d'une expérience en matière de rhumatismes et d'ostéoporose.

2. Des initiatives décentralisées en Italie et au Royaume-Uni
a) Des lois régionales italiennes en matière d'affections de longue durée

En Italie , l'organisation territoriale de l'État, dont les régions ont des compétences législatives encadrées par la Constitution, entraîne une différenciation de l'organisation des services de santé. Certes, l'article 117, al. 2, lettre m, de la Constitution italienne fixe la compétence réservée de l'État italien en matière de « détermination des niveaux essentiels des services publics concernant les droits civils et sociaux qui doivent être garantis dans l'ensemble du territoire national ». Cependant, en matière de protection de la santé, l'alinéa 3 du même article attribue une compétence concurrente aux régions qui organisent leur système de santé régional dans les limites fixées par l'État.

Sur ce fondement, quelques régions italiennes, notamment la Vénétie et la Sardaigne, qui disposent d'une autonomie particulièrement étendue, ont adopté des dispositions concernant la prescription médicale d'activité physique dans les cas de maladies de longue durée.

(1) La prescription d'activité médicale et les gymnases de santé en Vénétie

L'article 21 de la loi régionale de la Vénétie n° 8 du 11 mai 2015 portant dispositions en matière sportive et motrice 64 ( * ) , modifiée en 2016 65 ( * ) , dispose que des programmes d'activité physique structurés et adaptés au patient se déroulent sur ordonnance ou conseil médical et sous le contrôle d'un diplômé universitaire ( laureato ) en sciences motrices au sein de structures publiques ou privées idoines, dites « gymnases de santé » ( palestre della salute ) ayant obtenu l'agrément de la Région.

Il s'agit d'établissements aménagés pour la pratique des exercices physiques qui, fonctionnant aussi comme des salles de sport ouvertes au public, remplissent des conditions qui permettent d'accueillir les patients atteints de maladies chroniques non transmissibles (cardiopathies, diabète, affections respiratoires...) pour lesquels une pratique d'activité physique déterminée a été prescrite par le médecin. La procédure et les conditions d'obtention de l'agrément de ces structures, prévues pour la première fois dans la loi de 2015 susvisée, ont été fixées et modifiées par une délibération du conseil régional de Vénétie de 2017 66 ( * ) .

Quant à l'ordonnance de prescription d'une activité physique prévue dans la loi régionale, elle constitue l'acte par lequel le médecin indique au patient le type, l'intensité, la fréquence et la durée de l'exercice qui doit être réalisé eu égard au tableau clinique du patient 67 ( * ) . Il s'agit d'activités considérées comme partie intégrante du traitement ou comme compléments utiles du traitement afin d'améliorer la condition du patient.

Toutefois, rien n'est prévu pour le remboursement des pratiques d'activité sportive sur ordonnance médicale.

(2) La prescription médicale d'activité physique en Sardaigne

Par délibération du conseil régional du 22 septembre 2017, la région autonome de Sardaigne a adopté un document portant orientations pratiques sur la promotion et la prescription d'activité physique chez les patients ayant des pathologies chroniques 68 ( * ) .

L'article 3.2 de ces lignes directrices prévoit deux types de prescription d'activité physique : une prescription d'activité physique autonome ( prescrizione dell'attività fisica autonoma ) et une prescription d'exercice physique adapté ( prescrizione dell'eserczio fisico adattato ).

Le niveau de risque clinique du patient détermine la différence entre les deux types de prescription :

Niveau de risque clinique

Type
de prescription

Médecin qui peut émettre l'ordonnance

Type d'administration de la prescription
(Mode de réalisation)

Bas

Prescription d'activité physique autonome

Médecin traitant (généraliste) et spécialiste

Libre. Possibilité de réaliser l'activité dans le domaine extra-sanitaire

Moyen

Prescription d'exercice physique adapté

Médecin spécialiste

Réalisée dans le domaine extra-sanitaire mais contrôlée par des spécialistes dans des structures ayant un diplômé en sciences motrices

Haut

Prescription d'exercice physique adapté

Suggestion du médecin spécialiste et ordonnance du médecin du sport

Au sein des structures sanitaires et contrôlée en continu.

Dans la prescription d'exercice physique adapté, il est nécessaire d'individualiser dans l'ordonnance les paramètres suivants de l'activité : la fréquence (le nombre de séances par semaine), l'intensité, la durée et le type d'exercice (aérobie, anaérobie, exercice de puissance ou mixte).

En ce qui concerne les frais et le remboursement, les coûts de l'activité physique autonome doivent être supportés par le patient lui-même. Quant à la prescription d'exercice physique adapté, les patients pourront bénéficier des ressources allouées par la Sardaigne à ce projet dans une phase initiale à titre expérimental 69 ( * ) , ce après quoi ils devront réaliser l'activité à leurs frais.

b) L'application territoriale du programme britannique de recommandation d'exercice physique

Au Royaume-Uni , un programme d'orientation vers l'activité physique (exercise referral scheme) encouragé par le National Health Service , le service public de santé, peut être mis en place entre un médecin et un patient si ce dernier répond à plusieurs critères. Ces critères et la mise en oeuvre de ce programme dépendent des collectivités territoriales et varient selon celles-ci. En général, le programme est suivi sur une durée de 12 à 16 semaines. Il n'est pas nécessairement gratuit, une participation de quelques livres par session peut être demandée aux pratiquants.

Ainsi à Rochdale 70 ( * ) , dans le Grand-Manchester, toute personne âgée de plus de 16 ans, ayant une maladie récurrente ou des conditions médicales chroniques (diabète, maladie cardiaque, cholestérol, haute pression artérielle, épilepsie, problèmes mentaux, maladie pulmonaire, maladie musculaire ou articulaire), un indice de masse corporelle supérieur à 25 (surpoids) et ne pratiquant pas d'activité physique peut demander à bénéficier d'un programme d'exercice structuré d'une durée de 12 semaines.

Toute personne pensant remplir ces critères et souhaitant bénéficier du programme doit initialement se rapprocher de son médecin généraliste, d'un infirmier ou d'un conseiller santé pour obtenir une recommandation. Le professionnel de santé va faire parvenir cette recommandation au service communal gérant le programme, qui convoquera la personne à un premier rendez-vous avec un agent du programme dans un centre sportif. Ce premier entretien dure une heure environ et n'est pas un rendez-vous sportif, il vise à faire le point sur la santé et le mode de vie de la personne puis à mettre en place les exercices appropriés et les activités pour le programme de 12 semaines. Les activités incluses dans le programme sont par exemple la natation, les activités de groupe (tai chi, yoga, aquagym), la marche ... Les agents du programme sont à l'écoute des participants pendant toute la durée de la remise en forme et, à l'issue des 12 semaines, un rendez-vous final est proposé pour faire le point sur les progrès accomplis et comment continuer avec un mode de vie plus sain. À Rochdale, la participation financière demandée varie en fonction des activités : certaines sont gratuites, d'autres proposées à un coût réduit.

Dans le comté de Kent 71 ( * ) , les critères pour pouvoir bénéficier du programme de recommandation d'activité physique sont différents : l'individu doit être physiquement inactif (moins de 30 minutes d'activité modérée par semaine), âgé d'au moins 19 ans, déterminé à effectuer un changement de mode de vie de long terme, cliniquement stable et sérieux dans la prise de ses médicaments, résident du Kent ; il doit avoir un problème de santé défini, se remettre d'une opération ou présenter tout autre facteur de risque de maladie chronique. Les pathologies concernées peuvent être le cancer, l'obésité, la désintoxication de drogue ou d'alcool, l'hypertension, les problèmes musculaires ou articulaires, le diabète, etc. Le surpoids ou le fait d'être fumeur sont des conditions qui, à elles seules, ne permettent pas de bénéficier du programme. Certaines maladies sont explicitement exclues du programme (arythmie non contrôlée, tension artérielle supérieure à 18/10, ...).

Les personnes intéressées s'adressent à un professionnel de santé au sens large : médecin généraliste, infirmier, kinésithérapeute, diététicien. Si ce dernier estime que le patient est éligible au programme, il remplit le document de recommandation et d'orientation, valable un mois, charge au patient de prendre contact sur cette base avec un centre affilié au programme. Le patient rencontre un instructeur qui vérifie qu'il est effectivement éligible au programme, en fonction du document de recommandation et de l'adéquation de l'offre disponible dans le centre à sa pathologie. Le programme établi avec l'instructeur physique dure généralement entre 10 et 12 semaines. Il n'est pas gratuit, le coût varie selon l'activité et le prestataire choisis.

À Cardiff 72 ( * ) et plus généralement au Pays-de-Galles, le système national d'orientation vers l'activité physique est mis en place depuis 2007 73 ( * ) . Originellement établi par l'assemblée autonome galloise et aujourd'hui financé par l'organisme gallois de santé publique, le programme est coordonné par l'association des collectivités territoriales galloises et fonctionne dans les 22 collectivités qui composent le Pays-de-Galles. Un coordinateur national, un coordinateur local par collectivité territoriale et environ 96 équivalents temps plein d'instructeurs spécialisés complètent la structure. Le programme s'adresse aux personnes âgées de plus de 16 ans et souffrant d'une maladie chronique ou susceptibles d'en développer une. Tout comme en Angleterre dans le Grand-Manchester et le Kent, les personnes qui pensent être éligibles au programme doivent s'adresser à un professionnel de la santé, sans qu'il s'agisse nécessairement d'un médecin, pour obtenir une recommandation. Le programme mis en place dépend des besoins appréciés de façon individuelle pour chaque personne La participation financière demandée au pratiquant est de 2 £ par session, cette somme est fixée localement sur une base annuelle. Les participants sont tenus de participer aux sessions et aux rendez-vous de suivi planifiés à l'issue de 16 semaines et de 52 semaines.

3. Les systèmes de santé du Canada et de Suède encouragent la pratique sportive, sans réelle prescription thérapeutique et sans prise en charge financière

La « prescription » d'activités sportives au Canada et en Suède présente comme principal point commun le fait qu'il s'agisse davantage d'une démarche destinée à rendre plus solennelle une recommandation générique, pour qu'elle paraisse plus impérative au patient qu'elle ne l'est réellement, plutôt que d'une prescription médicale au sens strict. Il s'agit d'un instrument de la politique générale de la santé publique pour encourager la pratique sportive comme facteur de prévention des maladies et d'amélioration de l'état de santé général de la population. Cette tendance est encore plus marquée au Canada qu'en Suède mais dans aucun des deux pays, les activités pratiquées du fait d'une « prescription » d'activité physique ne font l'objet d'une prise en charge financière par les assurances sociales générales.

Depuis 2001, la Suède tend à inciter la population à pratiquer une activité physique régulière afin de prévenir et soigner différentes affections, le gouvernement a donc mis en place une politique publique intitulée « Mettre la Suède en mouvement » ( Sätt Sverige i rörelse ) introduisant une nouvelle manière de procéder, à savoir la prescription médicale d'activité physique, l'objectif étant de développer la collaboration entre le monde médical et celui du sport en vue d'encourager la pratique de l'exercice chez les patients. Cependant, la recherche de la division n'a mis en évidence aucun dispositif légal qui fixerait précisément les contours de cette politique, laissée à l'initiative de la profession et soutenue diversement par les régions.

Les personnels de santé habilités (médecins, kinésithérapeutes, infirmiers, psychologues, diététiciens, ergothérapeutes, dentistes ou sages-femmes) peuvent prescrire du « sport sur ordonnance » (Fysisk aktivitet på recept - FaR) afin de prévenir ou traiter certaines maladies. Les prescriptions sont effectuées sur la base des recommandations formulées au sein d'un document sur l'activité physique dans la prévention et le traitement des maladies couvrant 53 types d'affections, texte de référence publié par un éditeur médical ( läkartidningen förlag ).

L'ordonnance précise la durée, la fréquence et l'intensité auxquelles l'activité doit être suivie pour qu'un résultat soit atteint. Toutefois, il ne s'agit pas d'une ordonnance donnant lieu à prise en charge par un système d'assurance maladie. Le fait que les activités physiques prescrites soient réalisées hors des établissements de santé implique le non-remboursement de celles-ci, ainsi que la non-prise en charge par le dispositif de protection contre les hauts coûts ( högkostnadskyddet ) 74 ( * ) . Les bénéficiaires supportent théoriquement les coûts financiers liés à leur activité 75 ( * ) .

Étant donné que la gestion du système de santé suédois est déléguée à l'échelon régional, il revient aux 20 régions que compte le pays de mettre en place des partenariats avec les prestataires privés pour octroyer éventuellement des rabais ou exonérations pour les patients s'étant vu délivrer une ordonnance d'activité physique.

La prescription doit être utilisée dans un délai d'un an à compter de la date d'émission et elle vaut pour 3 mois d'exercice à compter de sa première utilisation. Un patient peut recevoir au maximum deux prescriptions permettant de bénéficier d'un entrainement organisé. La région de Scanie autour de Malmö, dans son dépliant dédié, explique cette durée par le fait qu'en général, au-delà, la motivation est suffisante pour s'entraîner seul 76 ( * ) .

L'idée est d'encourager les personnes à pratiquer une activité physique à leur niveau, en bougeant plus au quotidien. L'ordonnance permet essentiellement d'avoir un cadre de pratique et un suivi par le professionnel de santé prescripteur, tout en s'adaptant aux besoins et aux souhaits des pratiquants. L'accent est mis sur la collaboration entre le prescripteur et le pratiquant, qui doit être proactif dans le choix de son activité. Si les adultes sont le premier public visé, des ordonnances peuvent toutefois être établies pour des enfants.

Le sport sur ordonnance peut être géré sous certains aspects par une association sportive régionale (idrott), notamment ce qui concerne la certification des instructeurs chargés d'encadrer des pratiquants ayant reçu une prescription de sport. En Scanie, par exemple, les associations sportives proposant le sport sur ordonnance doivent avoir au moins un instructeur qui a reçu la formation idoine auprès de l'association sportive de Scanie (Skåneidrotten) . En matière d'assurance, cette dernière propose une couverture spéciale pour le sport sur ordonnance : tout opérateur concluant un accord avec Skåneidrotten concernant le sport sur ordonnance est automatiquement inclus dans cette assurance sans en payer la prime qui relève de Skåneidrotten .

La direction nationale de la santé publique et des affaires sociales (Socialstyrelsen) estime en moyenne à 100 000 le nombre de prescriptions sportives délivrées chaque année en Suède.

Dans ce cadre, deux motions ont été déposées au Parlement au cours de l'année 2017. Elles ont reçu un avis favorable de la commission des affaires sociales mais ne se sont pas traduites ni en textes normatifs, ni en décision gouvernementale. La première, en date du 10 mars 2017, présentée par Monica Haider et Clas Göran Carlsson, tous deux sociaux-démocrates, fait état du besoin d'uniformisation des prescriptions, au regard de la diversité des profils des personnels habilités et d'un besoin de clarté quant à l'offre disponible, celle-ci pouvant aller de la natation à la marche nordique en passant par le yoga. La seconde, déposée le 12 septembre 2017 par Lars-Axel Nordell (chrétien-démocrate), propose de charger l'Agence nationale de santé publique ( Folkhälsomyndigheten ) de la surveillance du déploiement du dispositif au niveau régional. Ce contrôle permettrait notamment d'examiner la corrélation entre le nombre de prescriptions et les effets éventuels sur la santé, sur la démographie et sur la prescription médicamenteuse. Les résultats devraient également être mis à la disposition du public et du personnel médical via une banque de données.

Au Canada, la Société canadienne de physiologie de l'exercice (SCPE) établit des recommandations 77 ( * ) en termes d'activité physique pour les Canadiens, notamment en termes de durée (150 minutes par semaine d'activité modérée à élevée) et de bienfaits sur la santé en précisant que la pratique préconisée permet de contribuer à réduire les risques de décès prématuré, de maladies du coeur, d'accidents vasculaires cérébraux, d'hypertension artérielle, de certains types de cancers, de diabète de type 2, d'ostéoporose et de surpoids et d'obésité. Pour autant, elle ne mentionne pas la notion de prescription d'activités physiques, pas plus que le rapport de 2017 de l'administrateur en chef de la santé publique sur l'état de la santé publique au Canada, qui souligne pourtant le rôle de l'exercice physique dans un mode de vie sain 78 ( * ) .

Les médecins québécois peuvent émettre à destination de leurs patients des prescriptions d'exercice sans que cela ne soit réellement une prescription au sens médical du terme. C'est une incitation à faire du sport qui ne revêt pas généralement de lien direct avec un traitement thérapeutique. On peut cependant mentionner certaines initiatives venant de la profession médicale ou des associations de patients qui tentent de généraliser la prescription d'exercice, mais sans cadre légal ou réglementaire et sans convention avec l'assurance sociale.

Depuis 2007, l'initiative « l'exercice : un médicament® Canada » vise à mobiliser les médecins canadiens pour qu'ils promeuvent l'activité physique chez leurs patients et leur famille, en particulier en posant la question de la pratique de l'exercice physique lors des consultations. Un outil de prescription d'exercices et de demande de consultation 79 ( * ) a été créé, afin d'émettre des suggestions pour réduire les comportements sédentaires (monter les escaliers, regarder moins la télévision ...) et des recommandations d'activités physiques (fréquence, intensité, durée et type). Il « se veut un outil formel de conseils et de prescription fondé sur la notion selon laquelle si un médicament ou une intervention étaient disponibles dont le profil d'efficacité et d'innocuité était comparable à l'effet de l'activité physique, on s'attendrait à ce que les médecins les prescrivent » 80 ( * ) .

Ainsi, depuis 2015, une initiative conjointe de la Fédération des médecins omnipraticiens 81 ( * ) du Québec et du Grand Défi Pierre Lavoie 82 ( * ) encourage les médecins de famille à prescrire des « cubes d'énergie » à leurs patients, un cube équivalant à 15 minutes d'activité physique 83 ( * ) . La symbolique des cubes d'énergie était déjà présente dans les actions à destination des enfants au Québec (et l'idée a également été reprise en France). Des carnets avec des feuilles de prescription dédiées ont été transmis aux médecins, mais la prescription peut aussi s'écrire sur une ordonnance standard du type de celles permettant la délivrance de médicaments ou sur papier libre. Il s'agit en premier lieu d'une mesure de prévention basée sur un dialogue entre le patient et le médecin, pour définir un type d'activité et un mode de pratique adaptés. Si les directives à destination de certaines maladies encouragent la pratique d'une activité physique, il n'y a pas pour autant de prescription thérapeutique.

On peut mesurer l'écart avec le modèle allemand en examinant les feuilles de prescription mises en place au Canada dans le cadre de la lutte contre les maladies chroniques. L'association canadienne de diabète a, par exemple, recours à une feuille de type ordonnance par laquelle le « fournisseur de soins de santé [...] recommande de suivre la prescription d'activité physique » inscrite sur le formulaire 84 ( * ) . L'intention qui préside à cette initiative transparaît clairement dans le document donné au patient : « la pratique régulière de l'activité physique est l'un des moyens les plus importants pour gérer votre diabète et bien vivre avec le diabète. Toutefois, de nombreuses personnes ont besoin d'aide pour commencer un programme d'exercice et atteindre ces objectifs. Plus on pratique l'activité physique, plus on en retire de bénéfices, peu importe le point de départ. Consultez les renseignements à l'endos de cette fiche pour mettre en pratique votre prescription d'activité physique. Vous pouvez me demander de l'aide ou un appui personnalisé, au besoin, ou faire appel à un autre membre de votre équipe de soins de santé » . Un choix à la discrétion du professionnel de santé est offert entre cinq possibilités génériques : « 1/ augmentez votre activité physique quotidienne et réduisez les périodes de sédentarité. Limitez vos activités de loisirs sédentaires à 2 heures par jour. 2/ Commencez à pratiquer régulièrement des exercices aérobiques ____ minutes _____ fois par semaine (L'objectif est d'atteindre 150 minutes par semaine, mais certaines personnes doivent commencer avec aussi peu que 5 à 10 minutes par jour et augmenter graduellement). 3/ Commencez à faire des exercices de résistance 2 jours par semaine. 4/ Continuez à pratiquer régulièrement des exercices aérobiques 5 fois par semaine pendant 30 minutes au minimum par session. 5/ Continuez à pratiquer régulièrement des exercices de résistance 3 jours ou plus par semaine » .

Enfin, dernier exemple, l'association canadienne de sclérose en plaques insiste également sur l'importance d'une activité physique adaptée à la maladie, en indiquant sur son site internet que « la recherche montre sans aucune équivoque que l'exercice est bénéfique et sans danger pour les personnes qui vivent avec la sclérose en plaques. L'exercice est même considéré aujourd'hui comme l'un des aspects importants de la prise en charge globale de cette maladie » . Des lignes directrices ont même été publiées en 2013 pour aider les malades atteints de sclérose en plaques à élaborer des programmes d'exercices, déterminer des objectifs en matière de promotion de l'activité physique et surveiller les niveaux d'activité physique de la population adulte atteinte de cette maladie. « Les personnes atteintes de sclérose en plaques, les membres de leur famille, les professionnels de la santé et les organismes voués à la promotion de l'exercice ou à l'aide aux adultes atteints de sclérose en plaques peuvent se servir de ces directives, par exemple pour formuler des recommandations en matière d'activité physique dans le contexte de la sclérose en plaques ou pour élaborer des programmes d'exercices adaptés aux besoins des adultes atteints de cette maladie » . Le « trousseau d'information » à destination des malades est également un outil pédagogique visant à aider les pratiquants, qui récapitule les directives, les bienfaits, des exemples ... sans jamais faire mention de l'existence de séances de sport prescrites et prises en charge dans le cadre du traitement thérapeutique de la maladie 85 ( * ) .

LA TAXE SUR LES SERVICES NUMÉRIQUES

La division de la Législation comparée du Sénat a conduit une recherche sur les différents modèles de taxation des services numériques dans six pays : l'Australie, l'Autriche, l'Espagne, l'Italie, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni.

1. Des initiatives volontaristes en Europe continentale mais dispersées et dépendantes du cycle électoral
a) Les tâtonnements de l'Italie en 2017 et en 2018

Les initiatives fiscales italiennes visant les fournisseurs de services numériques remontent à 2017.

En premier lieu, un décret-loi rapidement ratifié instaura non pas une taxe à proprement parler, mais une procédure de coopération facultative renforcée entre certaines entreprises et l'administration fiscale italienne 86 ( * ) . Les entreprises visées étaient celles qui appartenaient à des groupes multinationaux dont les revenus consolidés étaient supérieurs à un milliard d'euros et qui effectuaient des cessions de biens et des prestations de services dans le territoire italien pour un montant de plus de 50 millions d'euros annuels. Ces conditions permettaient dans les faits de faire rentrer les géants du numérique dans le champ d'application du texte, bien que le texte ne fît pas mention des services ou des transactions numériques. Le but était de faciliter les négociations avec l'administration fiscale italienne afin de déterminer le montant des impôts dus par ces entreprises, alors que la reconnaissance d'un établissement permanent sur le territoire italien n'était pas aisée, les établissements de ces groupes actifs en Italie étant installés sur le papier à l'étranger.

Une deuxième étape est franchie dans la loi de finances italienne pour 2018 qui introduit une taxe sur les transactions numériques (imposta sulle transazioni digitali) portant sur les prestations de services par des moyens numériques à des résidents italiens 87 ( * ) . Dans les faits, cette taxe est restée lettre morte avant d'être remplacée par une taxe sur les services numériques (servizi digitali) en 2019.

En 2018, le gouvernement italien avait prévu l'obligation de payer une taxe d'un montant correspondant à 3 % de la valeur nette de chaque prestation de services réalisée par le biais de moyens numériques 88 ( * ) . L'entreprise devenait imposable dès lors qu'elle avait effectué plus de 3 000 transactions numériques dans l'année civile. Le législateur avait ainsi fait le choix de fixer le seuil d'imposition en fonction du nombre des transactions plutôt qu'en fonction d'un montant financier.

Cependant, l'indispensable décret d'application du ministre de l'économie et des finances prévu par la loi de finances n'ayant jamais été pris en raison du changement de gouvernement après les dernières élections législatives, la taxe sur les transactions numériques est demeurée entièrement sans effet avant d'être abrogée par la nouvelle loi de finances pour 2019.

b) L'instauration d'une taxe sur les services numériques dans la loi de finances italienne pour 2019

La loi de finances italienne pour 2019 a institué une taxe sur les services numériques 89 ( * ) . Toutefois, sa mise en oeuvre effective reste suspendue à la prise d'un décret d'application conjoint du ministre de l'économie et des finances et du ministre du développement économique, après avoir entendu l'Autorité de régulation du secteur des télécommunications, le Défenseur de la protection des données personnelles et l'Agence pour l'Italie digitale 90 ( * ) . Le décret d'application n'a pas encore été pris, ce qui bloque pour l'instant l'application de la taxe.

L'assujetti à la taxe sur les services numériques italienne est défini comme toute personne exerçant des activités commerciales qui, à titre individuel ou au niveau d'un groupe de sociétés, réalise un chiffre d'affaires global supérieur à 750 millions d'euros dont au moins 5,5 millions d'euros en Italie 91 ( * ) .

Le taux de la taxe est fixé à 3 % du montant des opérations taxables par l'assujetti chaque trimestre, soit 3 % du revenu tiré de la fourniture de services (1) de publicité sur des plateformes numériques, (2) de mise à disposition d'une interface numérique permettant aux usagers d'être en contact et d'interagir entre eux ou de faciliter la fourniture directe de biens ou de services et (3) de transmission de données recueillies par les usagers et générées par l'utilisation d'une interface numérique.

Les sociétés proposant des services numériques en Italie mais établies à l'étranger et n'ayant ni d'établissement déclaré sur le territoire italien, ni de numéro d'identification fiscale sont tenues de s'enregistrer auprès de l'administration fiscale (Agenzia delle entrate) aux fins de déterminer leur imposition découlant de la taxe numérique.

La nouvelle taxe italienne sur les services numériques étant considérée comme un impôt indirect, la loi prévoit l'application du régime de la TVA (imposta sul valore aggiunto) en ce qui concerne le contrôle fiscal, les sanctions et la détermination des pénalités, le recouvrement de la taxe ainsi que le contentieux relatif à la taxe sur les services numériques.

c) Un projet de loi déposé au Parlement en Espagne mais reporté après les prochaines élections législatives

Le 25 janvier 2019, le Congrès des députés espagnol a enregistré le dépôt d'un projet de loi portant création d'une taxe sur certains services numériques 92 ( * ) . La convocation des élections générales en Espagne le 28 avril prochain après la censure du gouvernement Sanchez devrait retarder la discussion et l'adoption de ce texte.

Selon l'exposé des motifs, le projet de loi vise à anticiper la conclusion d'un accord sur cette taxe au sein de l'Union européenne en l'absence de consensus entre les États membres. Toutefois, le gouvernement espagnol réaffirme sa volonté de participer au mouvement d'harmonisation européenne si bien que la taxe sur certains services numériques proposée correspond en grande partie au projet de la Commission européenne.

Le projet de loi espagnol définit la taxe sur certains services numériques (determinados servicios digitales) comme une contribution indirecte sur la prestation de certains services numériques dans lesquels interviennent les usagers situés sur le territoire espagnol (art. 1). Dans ce cas, la participation des usagers constitue un élément indispensable du processus de création de valeur de l'entreprise prestataire. La qualification de services numériques imposables au titre de cette loi est toutefois limitée aux services de publicité en ligne, d'intermédiation en ligne et de transmission de données (art. 4).

Certains services susceptibles de rentrer dans ces catégories ne sont pas assujettis (art. 6). Les exemptions les plus importantes portent sur :

- les ventes de biens ou de services en ligne dans lesquelles le fournisseur n'agit pas en qualité d'intermédiaire ;

- les prestations d'intermédiation en ligne dont la finalité unique ou principale est de fournir un service de communication ou de paiement à travers une interface numérique ;

- les prestations de services financiers régulés par des entités financières régulées ;

- les prestations de services numériques par des sociétés membres d'un groupe de sociétés ou détenues directement ou indirectement par une autre à hauteur de 100 % des participations. Comme dans le régime italien, cette exception relève du cas du contrôle d'une société par une autre.

Afin d'éviter le contentieux international des investissements ou sur la double imposition, l'exposé des motifs prend le soin d'indiquer clairement que cette nouvelle taxe ne constitue pas un impôt sur les revenus ou sur le patrimoine et ne rentre pas, de ce fait, dans le champ d'application des conventions fiscales internationales sur la double imposition. Les dispositions du projet de loi s'entendent sans préjudice des traités et des conventions internationales faisant partie de l'ordonnancement juridique espagnol (art. 3).

Sont assujetties, peu importe que leur lieu d'établissement soit situé en Espagne, dans un État membre ou dans un État tiers, les entreprises qui réalisent un chiffre d'affaires global supérieur à 750 millions d'euros dont au moins 3 millions ont été réalisés en Espagne (art. 8).

Le taux d'imposition est fixé à 3 % des revenus tirés de prestations de services numériques imposables réalisées en Espagne après déduction du montant de la TVA due pour chaque fourniture de services numériques (art. 10 et 11). Pour déterminer la proportion d'activités en Espagne, un coefficient est appliqué au montant total des revenus tirés des activités numériques. En ce qui concerne les services de publicité en ligne, le coefficient correspond à la fraction du nombre d'occurrences de la publicité sur des dispositifs informatiques situés sur le territoire espagnol divisé par le nombre d'occurrences de la publicité en tout lieu. Pour les services d'intermédiation en ligne qui facilitent la remise de biens ou la prestation de services directement entre usagers, le coefficient correspond à la fraction du nombre d'usagers espagnols divisé par le nombre d'usagers global en tout lieu. Pour les autres services d'intermédiation en ligne, la base imposable est constituée par les revenus tirés des usagers titulaires d'un compte d'accès à l'interface numérique ouvert depuis un dispositif informatique situé en Espagne. Pour les services de transmission de données, le coefficient appliqué aux revenus totaux correspond à la fraction du nombre d'usagers ayant généré des données qui sont situés en Espagne divisé par le nombre total d'usagers ayant généré des données en tout lieu.

Le recouvrement de l'impôt est trimestriel et coïncide avec les trimestres naturels. Les assujettis devront présenter la déclaration et le calcul de cette taxe et réaliser le paiement conséquent selon des modalités déterminées par un décret du ministre des finances.

Sont également prévues d'autres obligations pour les redevables de la taxe : l'obligation de déclarer les activités dont découle l'assujettissement à l'impôt, la demande d'un numéro d'identification fiscale pour les entreprises qui n'ont pas d'établissement en Espagne et l'inscription dans un registre spécial de l'administration fiscale destiné à recueillir les données des assujettis à la taxe sur les services numériques. L'étendue, les limites et les conditions de ces obligations doivent être fixées par la voie réglementaire (art. 13).

En cas de manquement, il est fait renvoi à l'application du régime général des infractions fiscales. Une amende est prévue d'un montant équivalent à 0,5 % du montant des opérations imposables, jusqu'à 400 000 euros par année de manquement.

d) Les annonces autrichiennes face à l'impasse des négociations européennes

L' Autriche sous l'impulsion du chancelier Kurz a pris position en faveur d'une taxe sur les services numériques (Digitalsteuer) visant les multinationales. Elle a tenté de parvenir à une position commune au niveau européen au cours de sa présidence du Conseil au deuxième semestre 2018. Le 10 janvier 2019, à l'issue d'un séminaire gouvernemental, le ministre des finances Hölger a précisé les contours du projet du gouvernement autrichien. La taxe s'élèverait à 3 % des recettes de publicité en ligne enregistrées par les fournisseurs de services numériques. Seraient concernées les multinationales réalisant un chiffre d'affaires mondial supérieur à 750 millions d`euros et un chiffre d'affaires en Autriche d'au moins 10 millions d'euros. La proposition tient manifestement compte des projets de la Commission et de la tentative de compromis franco-allemand fin 2018.

Le gouvernement autrichien avait annoncé qu'il ne chercherait à mettre en oeuvre ce dispositif fiscal propre à l'Autriche que si aucun accord n'était conclu au niveau européen. Après l'échec des négociations au sein du Conseil, le ministre des finances autrichien a confirmé son intention le 15 mars 2019 et a constitué un groupe d'experts pour élaborer un dispositif précis sur la base des conclusions du séminaire gouvernemental de janvier. Il est attendu que la nouvelle taxe numérique soit intégrée au projet de loi de finances pour 2020.

Parallèlement, d'autres mesures fiscales sont prévues pour faire face à la numérisation de l'économie. Ainsi, la TVA (Umsatzsteuer (Ö)) s'appliquera dès le premier cent aux biens vendus en ligne depuis un État tiers alors qu'aujourd'hui elle ne s'applique que lorsque la valeur du bien acheté en ligne et importé dépasse 22 euros. Le site de commerce en ligne Alibaba est dans la ligne de mire du gouvernement autrichien pour des sous-déclarations systématiques de la valeur des biens. Enfin, l'Autriche prévoit de renforcer les obligations déclaratives de plateformes de location de logements comme Airbnb pour faciliter la levée des taxes afférentes.

Le gouvernement autrichien espère grâce à l'ensemble de ces mesures lever 200 millions d'euros par an.

2. L'évolution des pays de Common Law : de la lutte contre l'optimisation fiscale des multinationales vers le ciblage des services numériques
a) Les initiatives du Royaume-Uni

Le gouvernement britannique a fait adopter dans la loi de finances pour 2015 une taxe sur les bénéfices détournés (Diverted Profits Tax - DPT) pour contrer certaines pratiques, en particulier les « arrangements artificiels » destinés à éviter une imposition au Royaume-Uni. 93 ( * ) Le ministre des finances expliquait alors cette mesure par le fait qu'il était nécessaire de s'assurer que les profits soient taxés au Royaume-Uni lorsque les activités économiques qui les avaient générés s'y étaient déroulées. Cette taxe est censée renforcer l'équité du système fiscal sans nuire à la compétitivité.

Cette taxe entrée en vigueur le 1 er avril 2015 est appelée communément « taxe Google ». Elle vise clairement les grandes multinationales du numérique même si elle couvre l'ensemble des secteurs économiques. Le mécanisme appelé « Double Irish » mis en place par Google était notamment dans la ligne de mire du gouvernement conservateur. En effet, les bénéfices réalisés par Google au Royaume-Uni sont rapatriés dans une société enregistrée à Dublin mais résidente fiscale aux Bermudes.

Le dispositif britannique est complexe. On se limitera à en donner les grandes lignes, le dispositif australien plus récent étant présenté plus en détail ci-dessous. Le principe fondamental est de définir juridiquement des structurations d'entreprises, par exemple l'absence délibérée d'un établissement permanent, ou des transactions entre entreprises liées, britanniques et non-britanniques, qui ne présentent aucune contrepartie économique réelle ( lack of economic substance ) et qui sont destinées à échapper à l'impôt sur les sociétés britannique ou à profiter d'une disparité fiscale entre États ( tax mismatch ). Il revient aux sociétés de déclarer les arrangements et schémas d'optimisation qu'elles ont mis en place et qui sont susceptibles d'entrer dans le champ d`application de la taxe, dans les trois mois suivant la fin de l'exercice comptable.

Le calcul du montant des bénéfices détournés fait l'objet de nombreuses dispositions. Les petites et moyennes entreprises 94 ( * ) sont exemptées du dispositif, dès lors que dans les schémas d'optimisation faisant intervenir deux sociétés liées, britannique et non-britannique, toutes les deux appartiennent à cette catégorie. Sur la base de leurs estimations, les services fiscaux britanniques notifient ensuite à l'entreprise leur décision de la taxer au titre de la Diverted Profits Tax (DPT) pour un montant correspondant à 25 % des bénéfices détournés sur la période comptable. 95 ( * )

Sur l'exercice 2017-2018, les services fiscaux ont procédé à 190 notifications d'imposition au titre de la DPT concernant 22 entreprises, chaque notification portant sur un schéma d'optimisation fiscale donné. Ces notifications ont entraîné la collecte de 219 millions de livres, auxquels il faut ajouter 169 millions de livres de collecte supplémentaire d'impôt sur les sociétés due aux changements de comportement et à la mise en conformité de certaines multinationales. Au total, on peut estimer à 388 millions de livres (environ 446 millions d'euros 96 ( * ) ) sur l'année le gain brut tiré de la législation anti-détournement de bénéfices.

Par ailleurs, dans deux prises de position publiques à l'automne 2017 et au printemps 2018, le gouvernement britannique a appelé de ses voeux une réforme des règles de taxation internationales pour les entreprises du numérique. En attendant une réforme globale, il a choisi d'instaurer une taxe sur les services numériques (Digital Services Tax - DST) qui entrerait en vigueur en avril 2020.

D'après le ministère des finances britannique 97 ( * ) , cette taxe rapporterait 1,5 milliard de livres sur 4 ans en appliquant un taux de 2 % sur les revenus de certains modèles d'activité des entreprises du numérique, dès lors qu'ils sont essentiellement liés à la participation d'usagers britanniques. Cela s'appliquerait aux moteurs de recherche, aux plateformes de réseaux sociaux et aux plateformes d'intermédiation de vente en ligne ( marketplaces) . Il ne s'agit pas d'une taxe sur la vente de biens en ligne proprement dite mais sur les revenus tirés de l'intermédiation de telles ventes. Il ne s'agit pas non plus d'une taxe généralisée sur la publicité en ligne ou sur la collecte de données. Ces activités ne seront taxées que si l'entreprise fournit une des prestations de moteur de recherche, de réseau social ou de marketplace . La DST n'entrera pas dans le champ d'application des traités anti-double imposition signés par le Royaume-Uni.

Dans la conception britannique, la DST doit être étroitement ciblée, proportionnée et transitoire en attendant une solution internationale. Elle se caractérise par :

- un double seuil : pour être taxables, les revenus totaux générés par les activités commerciales faisant partie du champ visé doivent atteindre au moins 500 millions de livres dans le monde (environ 575 millions d'euros). En outre, un deuxième seuil est fixé à 25 millions de livres (environ 29 millions d'euros) de recettes réalisées au Royaume-Uni ou en lien avec les usagers du Royaume-Uni ;

- une clause de protection pour épargner les entreprises déficitaires, totalement exemptées, ou aux marges très réduites, qui bénéficieront d'un taux réduit ;

- une clause de révision en 2025, en fonction de l'avancée des négociations internationales. Dans l'éventualité où une solution internationale interviendrait avant 2025, la DST ne serait plus appliquée.

Le gouvernement britannique a lancé une consultation portant sur la conception de cette nouvelle taxe en novembre 2018, les contributions étaient attendues au plus tard pour le 28 février 2019. En termes de calendrier, la DST devrait être formellement créée par la loi de finances 2019-2020 et entrer en vigueur en avril 2020.

b) Un renforcement des arsenaux australiens et néo-zélandais

Depuis 2014 où elle a assumé la présidence du G20, l' Australie est en pointe dans la recherche d'un nouveau compromis multilatéral de refonte du système international de taxation des entreprises multinationales. Elle a participé activement aux travaux de l'OCDE visant à combattre l'érosion de la base fiscale et le transfert de bénéfices ( Base Erosion and Profit Shifting - BEPS Project ) et a déjà mis en oeuvre plusieurs de ses recommandations en durcissant sa législation.

L'approche australienne vise d'abord à contrecarrer et punir les différentes stratégies d'évasion ou d'optimisation fiscale des multinationales. De ce point de vue, les GAFA sont certes les sociétés concernées et consciemment visées au premier chef mais elles ne sont pas les seules. Les pratiques de Starbucks dans le commerce de boissons et la restauration sont aussi visées par exemple. En complément, le gouvernement australien commence à déployer une politique ciblant les défis posés par l'économie numérique et consulte en vue de l'élaboration d'une législation fiscale dédiée pour les prochains budgets.

La lutte contre l'évasion fiscale des multinationales repose sur deux blocs législatifs dont l'application repose sur une équipe spécialisée au sein des services fiscaux :

- la Multinational Anti-Avoidance Law de 2015 98 ( * ) ;

- la Diverted Profits Tax ou taxe sur les bénéfices détournés de 2017, qui est aussi connue dans les médias australiens comme « taxe Google ». 99 ( * )

Les deux dispositifs s'attaquent aux acteurs multinationaux majeurs ( significant global entities ), qui peuvent être soit une société-mère dont le revenu annuel total est supérieur ou égal à 1 milliard de dollars australiens (environ 625 millions d'euros), soit une entité appartenant à un groupe consolidé dont la société-mère bénéficie d'un revenu annuel de ce montant.

Le principe de la Multinational Anti-Avoidance Law (MAAL) est d'empêcher les multinationales de se structurer de telle sorte qu'elles échappent à l'impôt sur les sociétés australien tout en réalisant un chiffre d'affaires important en Australie. Entrée en vigueur le 1 er janvier 2016, la MAAL cible les dispositifs d'optimisation fiscale dans lesquels : (1) l'entité étrangère fournit des biens ou des services à un consommateur australien, (2) une entité australienne, qui est associée ou commercialement dépendante de l'entité étrangère, réalise une activité directement liée à la fourniture desdits biens ou services, (3) tout ou partie du revenu tiré par l'entité étrangère de l'activité en Australie n'est pas attribuable à un établissement permanent en Australie, (4) un des buts principaux de la structuration retenue est d'obtenir un gain fiscal au regard du droit commun australien, ce qui revient à introduire une notion d'intention, interprétée toutefois de façon minimaliste par l'administration fiscale. Si ces quatre conditions sont réunies, alors les services fiscaux australiens peuvent annuler unilatéralement tout gain fiscal et imposer l'entité étrangère sur la totalité de l'activité réalisée en Australie comme si elle y disposait d'un établissement permanent. De surcroît, les plafonds des pénalités qui peuvent être infligées à la multinationale en cas d'évasion fiscale sont doublés par rapport au droit commun.

Au 30 juin 2018, 44 multinationales avaient achevé ou engagé une procédure de mise en conformité. Le ministère des finances australien estime que chaque année 7 milliards de dollars australien en chiffres d'affaires seront réintégrés dans la base d'imposition australienne grâce à la MAAL. En outre, 200 millions de dollars australiens de TVA ont été récupérés sur 2016-2017 grâce à la mise en conformité.

Par ailleurs, la Diverted Profits Tax (DPT) est entrée en vigueur le 1 er juillet 2017. Elle vise spécifiquement les pratiques de transfert de bénéfices hors d'Australie grâce à des conventions ou des transactions entre entités apparentées ou affiliées. Classiquement dans ces schémas d'optimisation, une entité est redevable de l'impôt sur les sociétés en Australie et l'autre dans un pays à bas taux, par exemple Singapour. Sont sanctionnées les transactions transfrontalières entre entités apparentées qui (1) aboutissent à ce que l'entité imposable en Australie bénéficie d'un gain fiscal, autrement dit d'une baisse de son imposition, et que l'entité imposable à l'étranger supporte une augmentation du montant de son imposition inférieure à 80 % de ce gain fiscal, (2) manquent de substance économique réelle et (3) visent à obtenir un avantage fiscal au regard du droit commun australien. Lorsque ces conditions sont remplies, le taux de l'impôt sur les sociétés dû par l'entité australienne est relevé à 40 %. 100 ( * )

Sont exemptées de la DPT les fonds d'investissement, les entités étrangères propriétés d'un gouvernement étranger et les fonds de pension étrangers. De même, ne sont pas touchés les cas où l'entité australienne dispose d'un revenu annuel inférieur à 25 millions de dollars australiens (environ 15,5 millions d'euros).

En revanche, il convient de remarquer que la DPT est déclenchée sur la base d'une évaluation des services fiscaux et sans attendre une déclaration ou une auto-évaluation par l'entité australienne redevable. Le paiement est exigible immédiatement et la contestation du DPT ne le diffère pas, en accord avec le principe du « pay now, argue later » aussi valable au Royaume-Uni. Il revient à l'entité redevable qui conteste la DPT d'apporter aux services fiscaux les preuves qui la dédouaneraient.

Parallèlement, la réponse australienne au défi fiscal spécifique de l'économie numérique se consolide au travers de l'extension de la TVA ( Goods and Services Tax - GST ) aux biens et services numériques importés en 2017, aux biens importés de faible valeur en 2018 et aux services de réservation de logement touristique installés à l'étranger, cette dernière projetée à compter de 2019 101 ( * ) . En particulier, depuis le 1 er juillet 2017, la vente par un fournisseur non-résident de services électroniques et numériques à des consommateurs australiens est soumise à une TVA de 10 %, taux identique à celui qui s'applique à la fourniture de biens et de services physiques. Sont compris le streaming et le téléchargement de musique, de films, de jeux et d'applications pour mobile, les livres électroniques sur lecteurs, les services de stockage de données et de cloud . Le fournisseur non-résident de prestations de service numériques est tenu de s'enregistrer auprès de l'administration fiscale pour s'acquitter de la TVA dès lors que ses ventes annuelles en ligne dépassent 75 000 dollars australiens en valeur (environ 50 000 euros). Les plateformes comme Google Play, Apple App Store ou Amazon Kindle qui mettent à disposition des contenus sont tenues d'appliquer cette taxe et de procéder à sa déclaration.

Enfin, le ministère des finances australien a lancé en octobre 2018 une consultation publique sur les modalités de révision du système de taxation des sociétés pour prendre en compte la numérisation 102 ( * ) . Le document de la consultation récapitule les actions déjà menées, anticipe les effets attendus de la numérisation croissante de l'économie et demande au public des contributions sur une série large de questions sans laisser transparaître de préférence pour une option particulière. Le gouvernement australien suit très attentivement les projets de la Commission européenne, des États membres et du Royaume-Uni, mais n'a pas encore arrêté de position ferme.

La Nouvelle-Zélande a annoncé le 18 février 2019 qu'elle lancerait une consultation sur les changements à apporter à la réglementation fiscale qui permet aux entreprises multinationales du numérique de réaliser des activités en Nouvelle-Zélande sans payer d'impôt sur les revenus qu'elles en tirent.

La Première ministre Jacinda Ardern a déclaré dans une conférence de presse 103 ( * ) à l'issue du Conseil des ministres que les multinationales devaient payer leur juste part d'impôt en Nouvelle-Zélande. La Nouvelle-Zélande s'est engagée au sein de l'OCDE pour développer un cadre pour lutter contre les défis fiscaux émergeant de la numérisation de l'économie mondiale. Le gouvernement néo-zélandais souhaite continuer à travailler au niveau multilatéral pour obtenir un accord large sur cette question, tout en étudiant la possibilité d'introduire dans l'intervalle une taxe sur les services numériques.

En parallèle, le groupe de travail sur les taxes (Tax Working Group) , mis en place en 2017, a publié son rapport final le 21 février 2019 104 ( * ) . Tout en soutenant la démarche du gouvernement de continuer à participer aux discussions de l'OCDE sur cette question, il recommande que la Nouvelle-Zélande soit prête à agir au mieux de ses intérêts et que « le Gouvernement se tienne prêt à mettre en oeuvre une taxe sur les services numériques si une masse critique d'autres pays vont dans cette direction et s'il est raisonnablement certain que les industries d'exportation néo-zélandaises ne seront pas matériellement impactées par des mesures de rétorsion » 105 ( * ) . La démarche néo-zélandaise s'inscrit d'ailleurs expressément dans la lignée d'autres pays pionniers, comme l'Australie, la France, l'Italie, l'Espagne, l'Autriche ou le Royaume-Uni.

Le rapport précise que le groupe de travail a reçu beaucoup de contributions du public sur ce sujet, qui ressent un sentiment d'injustice du fait que ces entreprises ne sont pas concernées par la taxation. Il s'inquiète que ce sentiment d'injustice puisse annoncer l'érosion de l'adhésion populaire au système fiscal dans son ensemble.

Le système fiscal néo-zélandais actuel semble prodiguer un avantage aux multinationales des services numériques par rapport aux entreprises néo-zélandaises du même secteur qu'il convient de réduire grâce à l'instrument fiscal. Le montant des services numériques transnationaux en Nouvelle-Zélande est estimé à 2,7 milliards de dollars néo-zélandais par an (environ 1,63 milliard d'euros). Une taxe apporterait un revenu de l'ordre de 30 à 80 millions NZD (de 18 à 48 millions d'euros). Son taux n'est pas fixé mais d'après les annonces du ministre du budget serait compris entre 2 et 3 % des revenus générés en Nouvelle-Zélande, dans la continuité des taux retenus par les autres pays.

L'influence australienne est patente. En 2018, le Parlement néo-zélandais a déjà adopté un texte visant à neutraliser l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices 106 ( * ) , qui devrait rapporter 200 millions NZD à l'État. La proposition de taxation des multinationales du numérique s'inscrit dans la droite ligne de ce premier dispositif qui visait à lutter contre la planification fiscale agressive des multinationales.

LA PARTICIPATION À L'UNION EUROPÉENNE DANS LES TEXTES CONSTITUTIONNELS DES ÉTATS MEMBRES

La division de Législation comparée du Sénat a conduit une recherche sur l'inscription de la construction européenne dans les textes constitutionnels des États membres. Elle s'est concentrée sur des États plus souvent laissés de côté dans les comparaisons des constitutionnalistes que l'Allemagne et l'Italie dont les cours constitutionnelles entretiennent un dialogue remarqué avec la Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE). Elle s'est aussi attachée à la lettre des textes sans aborder systématiquement la question de la primauté du droit communautaire ou des réserves ultra vires ou d'identité constitutionnelle. Bien que la jurisprudence des cours constitutionnelles ou suprêmes ne soit pas négligée, il s'agit surtout de rendre manifeste la diversité d'approche de l'écriture constitutionnelle en matière européenne, en particulier lorsqu'elle se distingue de la matière classique des relations internationales et de la conclusion d'accords internationaux. Ont été retenus sept pays, les Pays-Bas, la Belgique, l'Irlande, le Danemark, la Suède, la Finlande, l'Estonie et la Roumanie, traités dans l'ordre chronologique de leur adhésion

Aux Pays-Bas , la Constitution du 17 février 1983 révisée ne comprend aucune mention de l'Union européenne.

Cependant, ses dispositions relatives aux traités internationaux dessinent un régime moniste d'articulation entre le droit international et le droit national qu'il est intéressant d'examiner. Ainsi, l'article 90 demande au gouvernement d'encourager le développement de l'ordre juridique international et l'article 91 pose le principe d'une approbation préalable des traités liant les Pays-Bas par le Parlement, tout en renvoyant à la loi le soin de fixer les conditions qui permettent d'écarter cette obligation ou d'autoriser une approbation tacite ( stilzwijgende goedkeuring ). Dans le cas où des dispositions du traité ne seraient pas conformes à la Constitution, 107 ( * ) l'approbation parlementaire nécessite la majorité des deux tiers des suffrages exprimés (art. 91, al. 3), ce qui s'interprète comme une révision implicite de la Constitution.

Tout en tenant compte de cette dernière exigence, l'article 92 autorise le transfert par ou en vertu d'un traité des compétences à une organisation internationale en matière de législation, d'administration ou de justice. 108 ( * ) C'est l'article fondamental pour la participation des Pays-Bas à la construction européenne. Il convient de noter qu'une loi simple éventuellement adoptée à la majorité des deux tiers suffit pour l'approbation des traités européens. Le référendum de 2005 sur le traité constitutionnel n'était pas une formalité nécessaire. Organisé sur le fondement d'une loi spéciale adoptée pour l'occasion, il n'avait pas d'autre valeur en principe que consultative, même si politiquement l'échec rendait impossible la ratification du traité constitutionnel européen.

La conception moniste des rapports entre les ordres international et national est rendue explicite par les articles 93 et 94. Ainsi, une fois publiées, les dispositions des traités et les décisions des organisations internationales ont force contraignante, dès lors que leur contenu peut concerner toute personne. 109 ( * ) Cette dernière expression donne lieu à des débats doctrinaux et jurisprudentiels mais vise globalement les dispositions qui contiennent des droits opposables par des individus. 110 ( * ) La Haute Cour néerlandaise dans son arrêt de principe sur l'application de la convention-cadre de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) sur l'interdiction de fumer ( rookverbod ) a indiqué que l'effet direct du droit international (non coutumier) valait pour des dispositions inconditionnelles ( onvoorwaardelijk ) et suffisamment précises pour être immédiatement appliquées comme du droit objectif au sein de l'ordre juridique national. Le contenu matériel des dispositions du traité est déterminant lorsque l'intention de doter le texte d'un effet direct n'est ni explicitement mentionné, ni ne ressort de l'histoire des négociations. Toutefois, le simple fait de laisser une liberté de choix ou de politique à l'État signataire ne suffit pas à soi seul pour nier tout effet direct au droit international. 111 ( * )

La primauté des dispositions contraignantes des traités sur les dispositions légales en vigueur dans le royaume est garantie par l'article 94 de la Constitution 112 ( * ) , qui vaut également pour la Constitution néerlandaise elle-même dès lors que l'approbation d'un traité s'écartant de la norme constitutionnelle a respecté la condition de majorité renforcée de l'article 91.

Cependant, même si cette position de principe a facilité la reconnaissance des principes d'effet direct et de primauté du droit communautaire dégagés par la Cour de justice de l'Union européenne, les articles 93 et 94 de la Constitution néerlandaise relatif au droit international ne concernent pas le droit communautaire reconnu comme un ordre juridique propre. La Haute Cour néerlandaise considère que ces dispositions constitutionnelles internes ne sont pas pertinentes pour juger de l'application du droit communautaire aux Pays-Bas, qui résulte des traités européens conformément à la jurisprudence de la CJUE. 113 ( * ) En réalité, il faut plutôt interpréter la jurisprudence Rookverbod de 2014 de la Haute Cour néerlandaise à propos des articles 93 et 94 de la Constitution comme une extension à l'interprétation du droit international des principes régissant l'appréciation de l'effet direct et de la primauté du droit communautaire. Explicitement, le juge néerlandais défend une convergence ( naar elkaar toegroien ) des critères d'interprétation des traités internationaux et du droit communautaire.

Cette convergence d'interprétation est d'autant plus bienvenue qu'elle permet d'unifier les bases du contrôle de conventionnalité, essentiel à la protection des libertés publiques et des droits fondamentaux aux Pays-Bas, dans la mesure où l'article 120 de la Constitution néerlandaise interdit tout contrôle juridictionnel de la constitutionnalité des lois et des traités 114 ( * ) .

En Belgique , le titre IV de la Constitution du 17 février 1994 révisée traite des relations internationales. Sur les quatre articles qui le composent, seuls les articles 168 et 168 bis sont explicitement relatifs à l'Union européenne. Ils visent respectivement à protéger les prérogatives du Parlement belge en cas de révision des traités et à adapter les élections européennes pour tenir compte de certaines spécificités locales dues à la division linguistique du pays. Ainsi, « dès l'ouverture des négociations en vue de toute révision des traités instituant les Communautés européennes et des traités et actes qui les ont modifiés ou complétés, les Chambres en sont informées. Elles ont connaissance du projet de traité avant sa signature » . En outre, « pour les élections du Parlement européen, la loi prévoit des modalités spéciales aux fins de garantir les intérêts légitimes des néerlandophones et des francophones dans l'ancienne province de Brabant » .

La Cour constitutionnelle belge peut connaître des recours pour raison d'incompatibilité entre la Constitution et un texte national ratifiant un traité européen. Ainsi l'arrêt n° 58/2009 du 19 mars 2009 concernant le recours en annulation du décret flamand du 10 octobre 2008 portant assentiment au Traité de Lisbonne. Les plaignants soutenaient que :

- le décret en question violait les articles 10 et 11 de la Constitution belge, puisque selon les États, l'approbation du traité était donné soit par référendum, soit par les parlements nationaux, et que cette différence de traitement n'était pas compatible avec le principe d'égalité et de non-discrimination ;

- ce même décret violait l'article 195 de la Constitution puisqu'il approuvait le Traité de Lisbonne sans que les dispositions constitutionnelles concernées aient été préalablement déclarées susceptibles d'être révisées : le Traité de Lisbonne introduisant de nouvelles normes juridiques, à l'instar des actes législatifs et non législatifs, et contenant des règles contraignantes de portée générale, il s'agit en fait de droits et obligations s'appliquant directement aux citoyens et non d'un accord international entre États membres ;

- l'article 77, 6° de la Constitution et de l'article 1 er de la Loi spéciale du 8 janvier 1980 de réformes institutionnelles seraient également violés puisque le décret approuvait le traité sans que les chambres législatives fédérales et les parlements régionaux n'aient préalablement conclu un accord de coopération sur l'application du protocole sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité annexé au traité ;

- enfin, les parties ont argué que le décret violait les articles 10 et 11 de la Constitution garantissant l'égalité des droits entre citoyens et l'absence de discrimination, puisque le traité ne s'appliquait pas de façon identique à tous les États-membres.

Ce recours a été rejeté par la Cour constitutionnelle. 115 ( * ) Sur le premier moyen tiré de la diversité des procédures selon les États membres, la cour n'avait pas compétence pour se prononcer sur les ordres constitutionnels d'autres États que la Belgique. Le deuxième moyen ne s'appuyant pas sur les dispositions de la Constitution relative aux droits fondamentaux, ni sur celles déterminant la répartition des compétences entre l'État, les communautés et les régions, la Cour constitutionnelle n'était pas compétente pour en connaître. Sur le troisième moyen, l'absence d'accord de coopération n'affecte pas la validité du décret attaqué puisque le protocole relatif à l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité peut être appliqué dès l'assentiment au Traité de Lisbonne. Le quatrième moyen alléguant une différence de traitement entre les citoyens des États membres est à nouveau en dehors de la juridiction de la cour.

En Irlande , il est fait plusieurs mentions de l'appartenance à l'Union européenne dans la Constitution du 1 er juillet 1937 révisée. Elles sont rassemblées à l'article 29 4°, dans le chapitre sur les relations internationales. L'enchaînement des dispositions ne suit pas d'ordre logique mais résulte de l'adoption successive de sept amendements à la Constitution irlandaise entre 1972 et 2012. 116 ( * ) Chaque traité ou révision des traités a donné lieu à l'inscription d'un nouvel amendement. Certaines dispositions ne visent que l'autorisation de la ratification et de la participation à la construction européenne. D'autres visent à transposer en droit interne et à sanctuariser certaines options accordées à l'Irlande, notamment en matière de coopération judiciaire. En contrepartie, rien dans la Constitution irlandaise ne doit être interprété comme faisant obstacle à ce que le droit communautaire n'ait force de loi en Irlande. Enfin, les droits du Parlement irlandais sont systématiquement défendus, son assentiment étant nécessaire pour l'exercice de ses prérogatives par l'exécutif au sein des institutions européennes dès lors que les règles du jeu européen sont amenées à évoluer, y compris par le biais de décisions internes au Conseil.

Plus précisément, l'article 29 4° prévoit expressément que :

- l'Irlande affirme son engagement en faveur de l'Union européenne dans laquelle les États membres oeuvrent ensemble à la promotion de la paix de valeurs partagées et du bien-être de leurs peuples ;

- l'État irlandais peut adhérer à Euratom, puis ratifier le Traité de Lisbonne, et par conséquent devenir un membre de l'Union européenne, et enfin ratifier le Traité sur la stabilité et la gouvernance de l'Union économique et monétaire ;

- aucune disposition de la Constitution irlandaise n'invalide de textes ou mesures adoptés par l'État avant, pendant ou après l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne qui découlent des obligations nées du statut d'État membre. De même aucune disposition de la Constitution n'empêche des textes ou mesures adoptés par l'Union européenne et ses institutions ou des organes compétents en vertu des traités d'avoir force de loi en Irlande ;

- l'État peut entrer dans les dispositifs de coopération renforcée, tout en subordonnant pareille prérogative à l'accord préalable des deux chambres du Parlement, exercer les options et pouvoirs laissés à sa discrétion par les articles ou protocoles sur les coopérations renforcées, sur l'acquis de Schengen et sur l'espace de liberté, de sécurité et de justice ;

- l'État peut approuver les décisions, règles ou autres textes, prévoyant de s'écarter de la règle de l'unanimité au Conseil, autorisant l'adoption de la procédure législative ordinaire, portant sur l'établissement de règles minimales de procédure pénale et de définition de crimes transfrontaliers graves, ainsi que sur l'instauration du Parquet européen en matière financière. L'approbation par le gouvernement irlandais ne peut être accordée qu'avec l'assentiment préalable des deux chambres du Parlement ;

- l'État ne validera aucune décision du Conseil en matière de défense européenne commune, si celle-ci inclut l'Irlande.

La Cour suprême irlandaise a plusieurs fois été saisie sur des questions d'incompatibilité des traités européens avec la Constitution irlandaise.

En 1987, dans l'arrêt de référence Crotty 117 ( * ) , la Cour suprême a jugé que l'Irlande ne pouvait pas ratifier l'Acte unique européen sans au préalable modifier sa constitution. Cet arrêt a conduit à l'adoption du 10 e amendement à la Constitution irlandaise. Le principe issu de l'arrêt Crotty est qu'en vertu de la Constitution, le gouvernement ne peut pas disposer de son pouvoir exécutif en concluant un accord lui faisant abandonner des pouvoirs qu'il tient de la Constitution, dans des circonstances où les intérêts d'un tiers peuvent prévaloir sur les intérêts de l'État, dans la mesure où les pouvoirs donnés aux organes de l'État le sont pour le bien commun du peuple irlandais. De ce fait, si une telle décision doit être prise, elle doit l'être par le peuple. Une cession de souveraineté nécessite l'approbation du peuple irlandais.

Cet arrêt est toujours mentionné dans les demandes devant la Cour suprême concernant des incompatibilités entre les traités européens et la Constitution. En effet, il confirme le droit des citoyens irlandais de contester en justice des actes législatifs ou des décisions du gouvernement en cas de manquement manifeste aux obligations constitutionnelles. L'autorisation d'adhésion à l'Union européenne ne constitue pas un blanc-seing qui exclurait toute voie de recours. 118 ( * )

Par exemple dans l'arrêt Pringle de 2012 119 ( * ) , le plaignant estimait entre autres, en s'appuyant que les principes de l'arrêt Crotty , que le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l'Union économique et monétaire impliquait un transfert de souveraineté à un degré tel que cela le rendait incompatible avec la Constitution et qu'il fallait au préalable un référendum amendant la Constitution pour permettre à l'État de ratifier ce traité au nom de l'Irlande. La Cour suprême a estimé qu'en l'espèce, l'État n'avait pas abdiqué sa capacité à conduire une politique propre pour l'avenir, qu'il n'avait pas cédé à une autre institution le pouvoir d'élaborer à l'avenir la politique économique et qu'il n'avait accordé à quiconque le pouvoir d'accroître les contributions financières de l'État. En conséquence, le gouvernement n'a ni abdiqué, ni cédé, ni subordonné ses pouvoirs à un tiers par le traité. Il s'agissait d'une décision politique incluse dans son pouvoir exécutif, conformément à la Constitution, qui n'impliquait pas de transfert de souveraineté économique et financière non autorisé. La Cour suprême a donc rejeté le pourvoi.

Plus récemment, en 2016, la Cour suprême a rejeté dans l'arrêt Rea les arguments d'un plaignant qui, en première instance, avait demandé que le second référendum de ratification du Traité de Lisbonne soit déclaré nul et sans effet. Devant la Cour suprême, il soutenait notamment, en s'appuyant également sur les principes tirés de l'arrêt Crotty , que le gouvernement avait agi au-delà de ce qu'il lui était permis en négociant un traité contraignant affectant les droits fondamentaux des personnes et leur protection constitutionnelle sans avoir obtenu leur consentement pour le faire. Le recours a été rejeté pour des motifs de procédure puisqu'il n'appartenait pas à la Cour suprême de contester le refus par la High Court d'accepter un recours en judicial review du référendum en l'absence d'aucune illégalité ou irrégularité du processus. Cette attaque collatérale par le biais d'un recours essentiellement de droit administratif contre le résultat du référendum ayant modifié la Constitution irlandaise était sans fondement juridique. On notera toutefois que la Cour suprême profite de l'affaire pour réaffirmer son pouvoir d'interpréter la Constitution irlandaise, cette interprétation devant être respectée par les institutions de l'Union européenne, y compris la Cour de Justice. 120 ( * )

Au Danemark , la participation du pays à l'Union européenne est régie par l'article 20 de la Constitution du 5 juin 1953, même s'il ne la mentionne pas expressément. Alors que l'article 19 organise l'équilibre entre pouvoir exécutif et pouvoir législatif en matière d'affaires internationales et de défense, en octroyant au Parlement de larges prérogatives, l'article 20 prévoit les modalités d'un transfert de compétences de l'État danois vers une organisation supranationale. Aux termes de son premier alinéa, « les compétences qui reviennent aux autorités du Royaume en vertu de la présente Constitution peuvent être transférées par la loi, dans une mesure déterminée, à des autorités internationales qui ont été instituées par accord réciproque avec d'autres États afin de promouvoir l'ordre juridique international et la coopération ». 121 ( * )

La commission chargée de préparer la rédaction de la Constitution de 1953 avait en effet envisagé la possibilité de la participation du Danemark à la Communauté européenne du charbon et de l'acier, dont le caractère supranational était connu. Elle souhaitait que cette éventualité puisse se concrétiser sans nécessiter de modification du texte constitutionnel à peine adopté. 122 ( * )

La loi permettant d'approuver les transferts de souveraineté rendus nécessaires par les traités européens n'est toutefois pas adoptée selon les modalités ordinaires. Ainsi, conformément à l'alinéa 2 de l'article 20 de la Constitution danoise, une majorité des 5/6 e est requise au Parlement. Si cette majorité qualifiée n'est pas atteinte mais que le projet de loi est néanmoins approuvé par une majorité simple comme ordinairement et si le gouvernement décide de maintenir le projet de loi, celui-ci est soumis à l'approbation directe des électeurs. Le référendum est organisé dans les conditions générales posées par l'article 42 de la Constitution danoise, dont l'alinéa 5 prévoit que la question est fermée pour ne laisser le choix qu'entre le oui et le non et que le projet de loi ne peut être rejeté que par une majorité simple des votants représentant au moins 30 % des électeurs inscrits. Il n'existe pas de quorum positif pour l'approbation du projet de loi soumis au référendum. Plus la participation est basse, plus le rejet du projet et par conséquence du transfert de souveraineté prévue dans le traité nécessite une forte majorité d'opposants.

Huit référendums sur la base de l'article 20 alinéa 2 ont été organisés au Danemark pour demander l'approbation d'un transfert de souveraineté vers les institutions européennes. Par trois fois, les Danois ont repoussé la poursuite de l'intégration européenne du pays. Ils ont approuvé en 1972 l'entrée dans la Communauté européenne, puis en 1986 l'Acte unique. Ils ont rejeté en 1992 le Traité de Maastricht, avant de l'approuver finalement en 1993 après la négociation complémentaire de l'Accord d'Édimbourg. Le Danemark obtint quatre réserves de compétences qui n'étaient pas transférées ; elles furent réduites à trois après l'approbation par référendum du Traité d'Amsterdam en 1998 : le maintien hors de la coopération judiciaire et policière ( retsforbeholdet ), hors de l'Europe de la défense et hors de la monnaie unique. En 2000 et en 2016 respectivement, les Danois ont rejeté la levée de la réserve sur l'euro, puis sur la justice et les affaires intérieures. En 2014, ils ont en revanche approuvé la participation du Danemark à la juridiction unifiée des brevets ( patentdomstolen ).

La doctrine danoise considère que si l'abandon de prérogatives souveraines au profit d'une organisation supranationale exige une procédure et des conditions d'adoption spéciale de la loi qui y procède, le rapatriement de compétences ( tilbagekaldelse ) au profit de l'État danois ne nécessiterait en revanche que l'approbation d'une loi ordinaire, nonobstant l'éventuelle violation des engagements internationaux du Danemark que cela représenterait. En ce sens, le retrait de l'Union européenne serait formellement analogue à la dénonciation d'un traité international avec l'accord obligatoire du Parlement tel que le prévoit l'article 19 alinéa 1 er de la Constitution danoise. 123 ( * ) L'ordre juridique danois est en effet dualiste 124 ( * ) . En particulier, la Cour suprême a confirmé définitivement qu'il était un principe fondamental du droit danois que les traités internationaux comme la Convention européenne des droits de l'homme ne pouvaient avoir une force équivalente à la Constitution. 125 ( * )

Toutefois, le droit de l'Union européenne fait l'objet d'un traitement spécifique par le juge danois dans la mesure où il est intégré à l'ordre juridique danois, conformément à la procédure de transfert de souveraineté posé à l'article 20 de la Constitution. La Cour suprême saisie a posteriori de la conformité du Traité de Maastricht a validé la constitutionnalité de la participation du Danemark tout en relevant que la loi d'adhésion dont elle a précisé l'interprétation fixait des limites claires aux compétences que détenait l'Union européenne à l'égard du Danemark. 126 ( * ) Tout en évitant de poser un principe général de primauté du droit communautaire qui serait invocable par les individus sur la base des traités européens eux-mêmes, la Cour suprême a tiré en 2017 des lois d'adhésion du Danemark aux traités européens, adoptées conformément à la Constitution danoise, la conclusion nette que dans tous les domaines où le Danemark a abandonné une partie de sa souveraineté au profit des institutions européennes, le droit communautaire prime systématiquement. Il revient également aux autorités danoises et aux juges danois l'obligation d'interpréter dans toute la mesure du possible toutes les dispositions légales soulevant des doutes ou des incertitudes conformément au droit communautaire et à la jurisprudence de la CJUE. 127 ( * )

Il paraît raisonnable en tout état de cause de penser qu'il y aura dans la pratique peu de motifs de conflit entre les cours et entre les ordres juridiques danois et européen en raison des mesures d'exemption au profit de la souveraineté nationale danoise prévues dans les traités, de la relative rareté du contentieux constitutionnel au Danemark, enracinée dans une réticence traditionnelle au contrôle de constitutionnalité des lois, et enfin de l'ancienneté de la Constitution danoise qui révisée en 1953 remonte pour l'essentiel au texte de 1849 et ne comprend donc pas de catalogue extensif de droits fondamentaux.

Il convient enfin de préciser la situation des îles Féroé et du Groenland qui occupent une position très particulière au sein du Danemark. Les îles Féroé qui obtinrent leur pleine autonomie ( hjemmestyren ) en 1948 n'ont jamais intégré la Communauté européenne comme le reste du royaume, ne font pas partie de l'Union européenne. Elles ne font pas partie des pays et territoires d'outre-mer (PTOM). Les citoyens danois résidant aux Féroé ne disposent pas de la citoyenneté européenne.

Le Groenland présente un cas un peu différent. Il est entré comme partie intégrante du Danemark au sein des communautés européennes en 1973 mais lors du référendum d'adhésion une majorité nette de sa population s'était prononcée contre. La pleine autonomie fut concédée en 1979 et en 1985, le Groenland se retire des communautés européennes. Il dispose toutefois du statut de PTOM.

Il existe en Suède quatre textes qui, ensemble, forment le socle constitutionnel du pays (grundlagar) : la Loi sur la forme du gouvernement (regeringsformen) de 1974, la Loi sur la succession du trône (successionsordningen) de 1810, la Loi sur la liberté de la presse (tryckfrihetsförordningen) de 1949 et la Loi sur la liberté d'expression (yttrandefrihetsgrundlagen) de 1991. Le Règlement du Parlement (riksdagsordningen) est considéré comme un texte intermédiaire entre une loi fondamentale et une loi ordinaire.

La décision d'intégrer l'Union européenne en 1995 a conduit à une modification de l'une des lois constitutionnelles : la regeringsformen contient des dispositions insérées en 1994 sur le vote pour les élections européennes et sur le transfert de droits de décision à l'ancienne communauté européenne.

Son chapitre 1 er , sur les fondements du régime politique, précise que la Suède est membre de l'Union européenne (§10).

Son chapitre 10, consacré aux relations internationales, dispose que dans le cadre de la coopération au sein de l'Union européenne, le Parlement suédois peut transférer des droits de décision qui ne concernent pas les principes du régime politique. Un tel transfert exige que la protection des droits et libertés à l'intérieur de l'espace de coopération soit équivalente à celle prévue dans la loi suédoise et dans la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le Parlement peut décider d'un tel transfert à la majorité des trois quarts des votants et de la moitié des parlementaires (§6). En outre, le Parlement a un droit d'information et de consultation en matière de coopération européenne. Le gouvernement doit, de façon continue, informer le Riksdag et consulter les organes nommés par le Parlement sur ce qu'il se passe dans le cadre de la coopération au sein de l'Union européenne (§7).

En Finlande , la Constitution du 11 juin 1999 révisée intègre pleinement les aspects européens. Dès le chapitre 1 er , section 1, il est inscrit que la Finlande est un État membre de l'Union européenne.

Le chapitre 8, consacré aux relations internationales, précise que le gouvernement est responsable pour la préparation, à l'échelon national, des décisions à prendre dans l'Union européenne et décide des mesures nationales concomitantes, sauf si la décision nécessite une approbation parlementaire. Le Parlement participe également à la préparation des décisions qui interviendront dans l'Union européenne (section 93). Toute proposition soumise au Parlement concernant un transfert d'autorité à l'Union européenne doit être adoptée par au moins deux tiers des votes (sections 94 et 95).

En outre, le Parlement se prononce sur les actes, accords ou autres mesures qui vont être décidés au niveau européen et qui, autrement, seraient de sa compétence. Le gouvernement doit apporter aux commissions compétentes des informations sur l'examen de la question dans l'Union européenne, ainsi que sur sa position (section 96). Le Premier ministre doit fournir au Parlement ou à une commission des informations sur les sujets qui seront traités lors d'un conseil européen préalablement et sans délai après une réunion du conseil. Cela est également valable lorsque des amendements aux traités établissant l'Union européenne sont en cours de préparation (section 97).

Outre ces aspects, la Constitution finlandaise rappelle également que les citoyens européens domiciliés en Finlande, âgés de plus de 18 ans sont autorisés à voter aux élections européennes (section 14) et que le Premier ministre représente la Finlande lors des conseils européens ou lors des autres activités européennes requérant une participation au plus haut niveau de l'État, sauf si le gouvernement en décide autrement (section 66).

En Estonie 128 ( * ) , la Constitution du 28 juin 1992 a été modifiée suite au référendum du 14 septembre 2003, par lequel le peuple estonien a adopté la loi amendant la Constitution en disposant que l'Estonie appartient à l'Union européenne, sous réserve du respect des principes fondamentaux de la Constitution estonienne, et que lors de l'entrée de l'Estonie dans l'Union européenne, sa Constitution sera appliquée sans préjudice des droits et obligations découlant du traité d'adhésion. Seul un référendum peut modifier cette loi.

Les relations internationales et les traités internationaux sont prévus au chapitre IX de la Constitution, articles 120 à 123, qui ne traitent pas de l'Union européenne en particulier.

En Roumanie , la Constitution du 31 octobre 2003 révisée fait de multiples références à l'Union européenne, et en particulier au traité d'adhésion de la Roumanie. La base fondamentale est l'article 148 consacré à l'intégration dans l'Union européenne, auquel fait pendant au sein du court titre VI de la Constitution roumaine l'article 149 relatif à l'adhésion à l'OTAN. Ce parallélisme témoigne du fait que l'intégration euroatlantique avec ses deux piliers formait l'enjeu global essentiel de la diplomatie roumaine.

L'approbation des traités européens, qui visent le transfert de certaines attributions nationales aux institutions communautaires et l'exercice en commun de ces compétences avec les autres États membres, nécessite une loi adoptée en séance conjointe de la Chambre des députés et du Sénat à la majorité des deux tiers du nombre de parlementaires. 129 ( * )

Le principe de primauté du droit communautaire est reconnu. Il découle de l'adhésion, que les dispositions des traités constitutifs de l'Union européenne ainsi que la réglementation communautaire à caractère obligatoire, ont priorité face aux dispositions contraires des lois internes, dans le respect des dispositions de l'acte d'adhésion de la Roumanie. 130 ( * )

Le gouvernement transmet aux deux chambres du Parlement les projets d'actes à caractère obligatoire avant que ceux-ci ne soient soumis à l'approbation des institutions de l'Union européenne (art. 148, al. 5).

Le Parlement, le Président de la Roumanie, le gouvernement et l'autorité judiciaire garantissent le respect ( aducerea la îndeplinire ) des obligations résultant de l'acte d'adhésion et du principe de primauté (art. 148, al. 4).

Par ailleurs, deux politiques de l'Union européenne sont mentionnées explicitement : la politique régionale (art. 135) et la monnaie unique (art. 137). En effet, dans le cadre d'une économie de marché, fondée sur la libre entreprise et la concurrence ( economie de piaþã, bazatã pe libera iniþiativã °i concurenþã ), l'État roumain doit notamment assurer l'application des politiques de développement régional en accord avec les objectifs de l'Union Européenne. 131 ( * ) De même, si la monnaie nationale est le leu, la mise en circulation de l'euro et le remplacement de la monnaie nationale par l'euro peuvent être prévus par la loi organique dans les conditions fixées lors de l'adhésion. 132 ( * )

Les élections européennes sont évoquées à l'article 38 qui confère le droit distinctif aux citoyens roumains d'élire et d'être élus au Parlement européen.

Les citoyens des autres États membres de l'Union se voient parallèlement reconnaître le droit d'élire et d'être élus aux fonctions locales, dès lors qu'ils remplissent les conditions fixées par la loi organique (art. 16 al. 4). Les droits des citoyens européens sont aussi garantis en matière de propriété foncière privée : ils peuvent acquérir ou hériter des terrains (art. 44 al. 2).

LE STATUT DES TRAVAILLEURS DES PLATEFORMES NUMÉRIQUES

La division de la Législation comparée du Sénat a conduit une recherche sur le statut des travailleurs des plateformes numériques dans cinq pays :

- l'Allemagne, l'Espagne et le Royaume-Uni dont la législation du travail atténue la division entre travail salarié et travail indépendant en reconnaissant au moins une catégorie intermédiaire accordant certains droits et protections sociales, d'une part ;

- les États-Unis et la Suisse, qui comme la France ne connaissent pas ce type de régime légal intermédiaire, d'autre part. 133 ( * )

Cet échantillon confronte également des pays de Common Law et des pays de tradition germanique et romaine. Il paraît suffisamment représentatif.

La recherche a porté essentiellement sur le droit du travail, le droit de la protection sociale n'étant abordé que de façon subsidiaire, dès lors que le statut de la personne est principalement déterminé par la législation du travail et les décisions des juges du travail.

Il en ressort que :

- partout, l'essor des plateformes est considéré comme remettant en cause le cadre légal du droit du travail et la conception de la relation de travail sur laquelle il est fondé ;

- les statuts intermédiaires déjà existants entre salarié et indépendant n'ont pas été créés pour le crowdsourcing et le crowdworking et nécessiteraient une réfection significative pour s'adapter aux nouvelles situations de travail et accorder une protection substantielle aux travailleurs des plateformes ;

- dans les systèmes juridiques prévoyant un statut intermédiaire, les juges tendent à interpréter de façon restrictive la notion de salarié, qui reste difficile à appliquer aux travailleurs des plateformes. Une récente décision espagnole en première instance constitue une exception dont la portée et la solidité sont toutefois incertaines.

- malgré des débats publics animés et une réflexion doctrinale intense, aucune solution juridique ne fait consensus et le législateur ne concrétise pas son désir d'action dans des textes normatifs opérationnels ;

- la charge de la responsabilité de définir la relation contractuelle et une protection adéquate repose partout sur le juge dans le silence de la loi ;

- quoique prudent, le juge sait faire preuve de créativité dans son interprétation des textes légaux et des clauses contractuelles lorsqu'il constate une dépendance économique nette du travailleur qui justifie de lui étendre des protections fermées aux indépendants ;

- les jurisprudences sont encore en voie de consolidation et ne règlent pas la question en dehors du cas qui leur est soumis ;

- même si l'on constate une convergence des préoccupations et de la bienveillance des juges, elle n'aboutit pas à une convergence des statuts et des protections accordées aux travailleurs des plateformes numériques entre les différents pays. Les solutions jurisprudentielles manifestent une convergence des raisonnements juridiques qui ne se traduit pas en harmonisation des droits et des conditions de travail, y compris entre pays européens voisins.

1. Les systèmes juridiques disposant d'un statut intermédiaire ou hybride entre le salarié et l'indépendant
a) Allemagne : un éventail de statuts légaux, des incertitudes juridiques et une protection lacunaire en débat

Il n'existe en Allemagne aucun texte prévoyant un statut spécifique pour les travailleurs ou professionnels des plateformes numériques ( Plattformbeschäftigte ). Il n'existe pas davantage de solution globale adoptée par la jurisprudence pour assimiler ces travailleurs à une des catégories définies par le droit du travail. Cela résulte en partie de l'hétérogénéité du secteur qui couvre des activités de tout type, de la diversité des relations contractuelles nouées et de la variété des structures juridiques adoptées par les plateformes. Par défaut, au contentieux, il s'agit pour le juge d'apprécier in concreto la relation de travail en fonction des circonstances particulières dans lesquelles se trouvent le travailleur, la plateforme et le donneur d'ordre/consommateur.

Malgré l'existence de quatre grands statuts légaux de travailleur, qui entraînent des droits et des régimes de protection différenciés, l'inadaptation du cadre actuel à l'économie des plateformes fait l'objet d'un consensus large aussi bien dans la doctrine que chez les acteurs politiques et sociaux.

(1) Une typologie des travailleurs dans le droit du travail allemand

Le droit du travail allemand, dont on rappelle qu'il n'est pas codifié et se trouve dispersé dans une série de textes indépendants, distingue quatre grands statuts de travailleur : le salarié ( Arbeitnehmer ), le quasi-salarié ( Arbeitnehmerähnliche Person ), le travailleur à domicile ( Heimarbeiter , Hausgewerbetreibender ) et le travailleur indépendant ( Selbstständige ).

(a) Le contrat de travail et la délimitation du travail salarié et du travail indépendant

Le concept de salarié n'est pas défini directement mais il est dérivé de la notion de contrat de travail, type particulier de contrat de prestation de service ( Dienstvertrag ), à l'article 611a, 1 er alinéa du code civil allemand. En vertu du contrat de travail, le salarié accomplit un travail au service d'un autre dans une relation de dépendance personnelle. Ce travail est déterminé de façon externe et soumis à des instructions qui peuvent porter sur son contenu, sur la façon dont il doit être accompli, sur le temps et le lieu. Une personne est considérée comme soumise à des instructions si elle ne peut pas librement structurer son travail et déterminer ses heures de travail. Le degré de dépendance personnelle dépend de la nature spécifique du travail. La désignation formelle apparente du contrat n'est pas importante ; c'est la considération globale de l'ensemble des circonstances dans lesquelles s'accomplit la relation contractuelle qui entraîne la caractérisation comme contrat de travail. 134 ( * )

Entrée en vigueur le 1 er avril 2017, cette définition légale du contrat de travail a été fixée pour consolider la jurisprudence du Tribunal fédéral du travail (BAG) d'Erfurt afin de prévenir le déploiement abusif de pseudo-travailleurs indépendants. La relation de dépendance personnelle est cruciale pour apprécier le statut de salarié. Elle ne doit pas être conçue comme une relation de dépendance économique 135 ( * ) mais liée directement à l'obligation de suivre des instructions qui déterminent l'activité, le temps et les horaires de travail. Si l'on considère a contrario la définition du travail indépendant donnée par le code du commerce, on trouve l'idée qu'est indépendant celui qui pour l'essentiel ( im Wesentlichen ) est libre d'organiser son activité et de déterminer son temps de travail. 136 ( * ) Malgré ce principe recteur, tout est affaire de degré puisque certains salariés peuvent jouir d'une grande liberté d'organisation, d'initiative et d'autonomie professionnelle au quotidien. 137 ( * )

Le critère de la dépendance personnelle est parfois interprété comme un critère de dépendance organisationnelle. Le salarié est inséré au sein d'une organisation établie par un autre, il est amené à collaborer avec d'autres salariés qu'il ne choisit pas, il reçoit du matériel ou des équipements d'un autre pour réaliser son activité.

Il est parfois fait recours à un critère divergent : la répartition du risque entrepreneurial. Celui qui supporte volontairement un tel risque doit être considéré comme indépendant. Toutefois, il convient de noter que le Tribunal fédéral du travail a oscillé sur ce critère et demeure assez réticent envers cette approche. 138 ( * )

La délimitation abstraite précise du travail dépendant et du travail indépendant, avant même d'évoquer les cas intermédiaires, reste hors d'atteinte en dehors des circonstances de l'espèce d'après le BAG ( Bundesarbeitsgericht) . Aucun critère pris individuellement n'est suffisant. 139 ( * )

En dehors de ces implications en matière de droit du travail, la distinction entre salarié et indépendant a d'importantes conséquences en matière de sécurité sociale. 140 ( * ) À grands traits, on peut considérer que la couverture sociale obligatoire ne concerne que les salariés et assimilés, tandis que l'indépendant évalue son risque et demeure libre de son assurance maladie ou retraite.

(b) Les cas intermédiaires du quasi-salarié et du travailleur à domicile

Le quasi-salarié et le cas particulier du travailleur à domicile répondent à des dispositions légales spécifiques, qui ne leur octroient pas cependant les mêmes protections qu'aux salariés.

Le quasi-salarié n'est pas un salarié mais un travailleur ou prestataire indépendant qui se trouve dans une situation analogue à celle d'un salarié du fait de sa dépendance économique, et non plus personnelle. Il nécessite à ce titre une protection comparable par la société même si le droit du travail ne lui est pas applicable en principe.

Le Tribunal fédéral du travail examine avec beaucoup d'attention la réalité de la dépendance économique et du besoin de protection par la société du travailleur en question. 141 ( * ) Il exige généralement que sa position sociale globale soit assimilable à celle d'un salarié. 142 ( * ) La dépendance économique est présumée lorsque le travailleur trouve ses moyens de subsistance dans la valorisation de sa force de travail et tire une part décisive de ses revenus de son activité au service de son partenaire contractuel. 143 ( * )

La base légale fondamentale pour appréhender le concept de quasi-salarié se trouve dans une loi à champ déterminé. En effet, l'article 12a alinéa 1 er de la loi consolidée sur les conventions collectives ( Tarifvertragsgesetz ) reprend et précise la notion de dépendance économique et de besoin de protection en énonçant trois critères nécessaires pour que le bénéfice de ses dispositions s'étende aux quasi-salariés :

- travailler pour d'autres personnes sur la base d'un contrat ;

- accomplir ses obligations personnellement et sans la collaboration d'employés ;

- travailler de façon prédominante pour une personne ou recevoir en moyenne plus de la moitié de leur rémunération totale d'une personne. 144 ( * )

Même s'il existe un intérêt social fondé sur une dépendance économique réelle justifiant l'extension au quasi-salarié de la protection légale dont jouit le salarié, il ne s'agit pas de confondre les deux statuts en étendant le bénéfice de l'intégralité du droit du travail au quasi-salarié. La protection accordée au quasi-salarié n'est donc pas générale, elle ne peut concerner que certaines dispositions légales qui prévoient expressément leur extension au quasi-salarié.

Ainsi, les quasi-salariés bénéficient des protections légales suivantes : la compétence des tribunaux du travail pour régler les litiges avec leurs partenaires contractuels 145 ( * ) , le droit aux congés 146 ( * ) , une protection générale de leur santé et de leur sécurité au travail 147 ( * ) , ainsi qu'une protection contre les discriminations 148 ( * ) . Cela reste mineur par rapport aux protections dont bénéficient les salariés. En particulier, les quasi-salariés ne bénéficient d'aucune protection contre l'équivalent d'un licenciement lors de la rupture de la relation contractuelle.

Enfin, seuls certains quasi-salariés sont inclus dans certaines branches de sécurité sociale. Ainsi, sont soumis à l'obligation légale de s'assurer pour leur retraite les quasi-salariés qui n'emploient pas régulièrement d'autres personnes dans le cadre de leur activité professionnelle et qui n'ont sur la durée et pour l'essentiel qu'un seul commanditaire pour leurs prestations. 149 ( * ) Ils doivent supporter eux-mêmes la totalité des contributions au système. Autant qu'une mesure de protection sociale, il s'agit d'une disposition défensive qui vise à prévenir l'érosion des cotisants au régime de retraite par une transformation artificielle de salariés en pseudo-indépendants.

À titre de cas particulier, il faut analyser le cas du travailleur à domicile dont le statut est réglé de façon autonome par une loi dédiée depuis 1951. Le législateur définit le travailleur à domicile ( Heimarbeiter ) comme celui qui travaille à des fins lucratives dans un lieu qu'il a choisi lui-même, que cela soit son lieu d'habitation ou non, seul ou avec les membres de sa famille, pour le compte d'un artisan-commerçant ou d'un intermédiaire sous-entrepreneur ( Zwischenmeister ). Il abandonne l'utilisation et la valorisation des fruits de son travail au commanditaire. 150 ( * )

Le même régime légal vaut pour l'artisan-commerçant à domicile ( Hausgewerbetreibende ) dont l'activité est limitée à la production, le traitement ou le conditionnement de marchandises mais qui peut employer deux aides ou deux travailleurs à domicile en dehors du cercle familial 151 ( * ) . Elles peuvent également être étendues à d'autres personnes en situation comparable - y compris à l'intermédiaire sous-entrepreneur qui sans être salarié répartit les commandes entre travailleurs à domicile 152 ( * ) - mais qui ne respectent pas tous les termes de ces définitions dès lors qu'un besoin de protection paraît justifié 153 ( * ) . C'est le degré de dépendance économique qui permet d'apprécier le besoin de protection.

Il est important de noter que ce régime n'est pas lié strictement à l'exercice de l'activité au domicile ou sur le lieu d'habitation, ni restreint au milieu familial uniquement. C'est pourquoi il pourra être possible et intéressant d'envisager la requalification des travailleurs des plateformes numériques en travailleurs à domicile au sens du droit allemand.

Comme le quasi-salarié, le travailleur à domicile n'a pas de contrat de travail, ni d'employeur et se trouve dans une situation de dépendance économique, et non de dépendance personnelle comme le salarié. Par contraste avec le salarié, le travailleur à domicile n'est en général soumis que de façon minimale à des instructions pendant l'accomplissement de son travail et détermine librement ses heures de travail. En outre, l'obligation d'accomplir le travail individuellement et personnellement qui vaut pour les salariés n'est pas applicable au travailleur à domicile : son travail est considéré par la doctrine comme anonyme dès lors qu'il peut être réalisé dans le cercle familial ou avec des aides. C'est un point qui dans la discussion du statut du crowdworking mérite l'attention.

Pour autant, la dépendance économique du travailleur à domicile n'a pas à être nécessairement appréciée au regard des critères stricts posés pour le quasi-salarié par la loi sur les conventions collectives. Le juge examine comment les tâches et commandes sont assignées, quelles sont les conditions tarifaires, si le travailleur peut raisonnablement perdre de futures commandes s'il décline une commande ou conteste le prix offert. 154 ( * )

Lorsqu'il doit reconnaître un statut de travailleur à domicile, le juge fait encore prévaloir la réalité objective de la relation contractuelle sur les stipulations formelles du contrat et sur les représentations subjectives des parties. Il appartient par ailleurs au commanditaire de tenir une liste des travailleurs à domicile auxquels il a recours et de la transmettre aux autorités administratives compétentes. 155 ( * )

Le régime spécial du travailleur à domicile est significativement plus favorable et protecteur que celui du quasi-salarié en matière de :

- contrainte sur la durée du travail, le volume de travail devant être réparti entre les différents travailleurs en fonction de leurs capacités 156 ( * ) ;

- transparence des conditions financières, via l'obligation de publier une liste des rémunérations ( Entgelt ) 157 ( * ) ;

- possibilité de conclure des accords collectifs entre organisations syndicales et représentants des commanditaires sur le contenu, la conclusion et la fin des relations contractuelles 158 ( * ) ;

- protection contre la résiliation abusive de la relation contractuelle avec la fixation d'un délai de préavis, valable non seulement pour la résiliation du contrat mais aussi pour les réductions du volume de commande de plus de 25 % des travailleurs à domicile régulièrement employés depuis un an 159 ( * ) .

En outre, au-delà de la loi sur le travail à domicile, d'autres textes prévoient d'étendre leurs dispositions à cette catégorie. Ainsi les travailleurs à domicile et assimilés sont-ils pris en compte par la loi sur la constitution interne de l'entreprise, qui régit notamment la structure des organes internes et des instances représentatives du personnel (IRP), dès lors qu'ils travaillent principalement ( in der Hauptsache ) pour l'entreprise considérée. 160 ( * ) Les travailleurs à domicile n'ont pas le droit au maintien de leur rémunération en cas de maladie au même titre que les salariés. Toutefois, un régime dérogatoire prévoit qu'ils reçoivent un supplément de rémunération afin de leur permettre d'être financièrement prémunis en cas de maladie. 161 ( * ) De même, ils ne bénéficient pas du régime des congés payés propres aux salariés mais ils conservent néanmoins un droit au congé adapté à leur forme de travail. 162 ( * )

(2) La caractérisation incertaine des plateformes numériques et de leurs travailleurs

Formellement, dans la plupart des cas, les travailleurs des plateformes numériques sont présentés comme des indépendants qui ne sont liés que par des relations commerciales avec la plateforme ou le donneur d'ordre/consommateur. Il n'y alors pas de contrat de travail formel et pas d'employeur identifiable.

Cependant, la question demeure de la caractérisation réelle des activités au regard du droit du travail. Certains travailleurs ne disposent qu'en apparence de l'indépendance ( Scheinselbständigkeit ). Cette question se pose au juge à un niveau concret et local lorsqu'il doit envisager une requalification de la relation de travail et du statut du travailleur afin de lui reconnaître des droits et des protections. Elle se pose également au législateur au niveau abstrait et global, s'il veut étendre ou modifier les statuts légaux existants pour tenir compte des particularités du crowdworking et de l'intermédiation numérique, à défaut de concevoir un statut supplémentaire dédié.

Répondre nécessite de confronter chacun des trois régimes de travail non indépendant aux spécificités des plateformes numériques pour identifier clairement les points de friction. 163 ( * )

Si l'on doit considérer les travailleurs des plateformes numériques comme des salariés, se pose la question de l'employeur : est-ce le commanditaire ou la plateforme ? Il est difficile de considérer que celui qui passe la commande soit l'employeur dans la mesure où il n'y a bien souvent pas de contrat entre le travailleur et le commanditaire mais des relations contractuelles séparées entre le commanditaire et la plateforme et entre la plateforme et le travailleur. S'il est possible en droit allemand de requalifier un contrat commercial en contrat de travail, il est beaucoup plus difficile de passer outre les volontés négatives des parties de ne pas conclure de contrat.

Faut-il alors considérer la plateforme comme l'employeur avec un schéma articulant une relation commerciale entre le commanditaire et la plateforme et un lien de subordination entre le travailleur et la plateforme ? La dépendance personnelle du travailleur doit être établie. Il faut donc examiner le degré de contrôle exercé par la plateforme, ainsi que l'ampleur et la précision des instructions qu'elle donne. Tout dépend du détail de l'organisation de la plateforme et du contenu du contrat avec le travailleur. Le lien de subordination ne pourrait être établi que si la conduite du travailleur était déterminée à un haut degré par le contrat. Plus que d'exercer un droit de donner des instructions qui l'apparenterait à un employeur, la plateforme procède plutôt via le contrat à une sorte de préprogrammation générale du type de tâches à effectuer.

Certes, on peut avancer qu'un pouvoir de contrôle est exercé par le suivi des activités, la comparaison des performances entre travailleurs et le principe de la notation ouvert au commanditaire qui peuvent se traduire en sanctions ou inflexions des tâches par la plateforme. Ces arguments sont toutefois fragiles en droit allemand car ils n'établissent aucune dépendance personnelle. La notation a posteriori dépend du commanditaire et les éventuelles sanctions s'apparentent à des pénalités commerciales classiques ; ces éléments pointent précisément vers une dépendance économique typique d'un contrat commercial déséquilibré mais pas d'un contrat de travail.

Dans bien des cas, les instructions ne se font pas en temps réel notamment parce que le travail est trop fragmenté ou dure trop peu de temps. C'est en particulier le cas pour le crowdworking proprement dit, qui rend la dépendance personnelle aussi évanescente que la relation contractuelle elle-même. Cela pose une question fondamentale : une durée minimale d'interaction n'est-elle pas nécessaire pour établir une relation de travail ? Même si un contrat de travail à durée infinitésimale pouvait être établi, il n'en demeure pas moins que nombre de dispositions protectrices du code du travail ne prennent sens que si une certaine continuité dans la relation est observée. Dans ce cas, une fraction seulement des protections accordées au salarié bénéficierait au travailleur des plateformes numériques.

Pour bénéficier du statut de quasi-salarié, les conditions sont moins strictes ; il suffit fondamentalement de prouver la dépendance économique du travailleur. Cependant, ressurgit la difficulté née de la disjonction de la plateforme et du commanditaire. Si, comme les chauffeurs de véhicule de transport (VTC), il utilise plusieurs plateformes librement et simultanément pour exercer son activité et trouver son client, il est difficile de prouver la dépendance à l'égard d'une seule personne. La multiplicité des clients payeurs trouvés par l'intermédiaire de la plateforme est encore plus manifeste dans le crowdworking stricto sensu . Elle diffuse la dépendance économique sur le système plutôt que sur une seule personne identifiable et freine l'assimilation au quasi-salarié. La requalification en quasi-salarié, qui n'offre de toute façon qu'une fraction des protections dont bénéficie le salarié, n'est concrètement possible que si le travailleur est directement rémunéré par une seule plateforme à hauteur de plus de 50 % de ses revenus.

Reste la possibilité de faire rentrer le travailleur de plateformes numériques dans la catégorie large de travailleur à domicile, qui a l'avantage de bénéficier d'un statut beaucoup plus favorable que le seul quasi-salarié. Le Tribunal fédéral du travail a posé le principe que la durée et le volume du travail effectué, pas plus que le montant des revenus touchés, n'importaient pour présumer une relation de travail à domicile. 164 ( * ) Le travailleur à domicile et le travailleur des plateformes numériques partagent généralement certaines caractéristiques communes : un fort degré d'anonymat, l'absence d'intégration dans l'organisation d'une société ou dans une communauté de travail (atomisation) et une liberté de choisir le lieu et des horaires de travail. Demeurent toutefois quelques difficultés. D'abord, la relation de travail à domicile ne se confond pas avec une obligation d'accomplir une tâche ; elle constitue plutôt une forme d'accord-cadre établi avant la commande constituant une relation contractuelle particulière subséquente et elle perdure après l'achèvement de la commande. Ce n'est pas toujours le cas dans le crowdworking . Ensuite, la relation de travail à domicile est plutôt établie avec le commanditaire/client qu'avec la plateforme/intermédiaire. Enfin, la loi sur le travail à domicile fait rentrer les intermédiaires eux-mêmes dans la catégorie du travailleur à domicile méritant d'être protégé plutôt que dans celle du commanditaire tenu à des obligations envers le travailleur.

(3) Une inadaptation du cadre légal reconnue par les acteurs nationaux

Bien que des requalifications soient possibles en fonction des circonstances de l'espèce, aucun des régimes actuels du salariat, du quasi-salariat et du travail à domicile ne semble adapté aux travailleurs des plateformes numériques. L'identification de l'employeur ou du cocontractant tenu à des obligations spéciales n'est pas aisée dans l'état du droit. Au final, le droit du travail allemand offre actuellement peu de possibilités de protection des travailleurs sur plateformes numériques.

Cette difficulté est reconnue au plan fédéral, tant par les juristes que par le gouvernement et par les partenaires sociaux. Le gouvernement fédéral a en effet engagé une réflexion sur une adaptation du droit dans le cas de sa stratégie de numérisation en profondeur de l'économie ( Digitalisierung ). Les groupes de travail mis en place réfléchissent non seulement au droit du travail, mais aussi à la fiscalité, au droit de la propriété intellectuelle, à la protection des données personnelles. Une partie des juristes allemands tend vers une refonte et une actualisation du régime du travail à domicile pour intégrer plus aisément les crowdworkers . C'est aussi la conclusion retenue fin 2016 par le groupe de travail sur l'adaptation du droit à l'industrie 4.0 du ministère fédéral de l'économie. 165 ( * )

Certains partenaires sociaux privilégient une refonte plus globale avec une modification plus substantielle des différents statuts légaux, ainsi qu'une harmonisation des régimes de protection pour éviter les lacunes et les interstices. C'est notamment ce que préconise le think tank rattaché au DGB, la fédération des principaux syndicats allemands qui compte notamment IG Metall et ver.di parmi ses membres. 166 ( * ) Au plan de l'action concrète, des initiatives ont été également prises en Allemagne pour définir et encourager des bonnes pratiques d'emploi par les plateformes de crowdsourcing , avec l'élaboration d'une charte de bonne conduite en novembre 2017. L'installation d'un médiateur est prévue avec un collège paritaire (2 représentants des plateformes, 2 représentants des travailleurs) présidé par un juge du travail indépendant. Sont concernées huit plateformes volontaires (Testbirds, Clickworker, Streetspotr, Crowd Guru, AppJobber, content.de, Shopscout et Bugfinders). L'information des travailleurs sur leurs droits et sur ces initiatives est assurée via un site internet dédié géré par le DGB. 167 ( * ) L'impact de ces initiatives reste encore difficile à évaluer. Elles ne remplaceront pas en tout état de cause les évolutions législatives nécessaires.

b) Royaume-Uni : l'adaptation en débat du statut hybride de worker et une jurisprudence récente favorable aux travailleurs
(1) Les droits ouverts par le statut légal de worker

Au Royaume-Uni comme ailleurs, l'hétérogénéité des relations contractuelles entre le travailleur et la plateforme bloque l'émergence d'un modèle unique. La question demeure toutefois de savoir si les différents régimes légaux peuvent être interprétés assez souplement par le juge de Common law pour offrir une protection des travailleurs des plateformes numériques ( gig economy ) adaptée aux différentes configurations particulières.

Le droit du travail britannique connaît trois grand statuts d'emploi aux termes de l' Employment Rights Act de 1996 : le salarié ( employee ), le worker 168 ( * ) et l'indépendant ( self-employed contractor ) par ordre décroissant de protection.

Les salariés disposent de tous les droits et garanties spécifiques prévus par la loi en matière de rémunération, de congé maternité/paternité/adoption, de congé maladie, d'indemnité de licenciement, de protection contre les licenciements abusifs et de retraite. Les indépendants ne jouissent pratiquement d'aucune garantie au titre du droit du travail au-delà du strict droit des contrats.

Les workers se trouvent dans une situation intermédiaire. La fluidité de leur relation avec l'employeur, caractérisée en général par une liberté plus grande d'entreprendre ou non le travail et un contrôle plus lâche que dans le salariat, les empêchent de bénéficier des mêmes garanties que les salariés. Leurs droits demeurent plus proches du socle de base définis par le droit de l'Union européenne, en particulier la limitation du temps de travail, le régime anti-discriminations et la protection des lanceurs d'alerte. Ils bénéficient également du droit au salaire minimum et aux congés payés. En revanche, ils n'ont pas nécessairement de droit à la retraite. Le versement d'une pension est conditionné à la taille de l'opérateur de la plateforme et à certains critères sur le titulaire d'un emploi ( jobholder ) précisés dans le Pensions Act de 2008.

Le tableau ci-dessous récapitule les caractéristiques de ces trois statuts d'emploi ainsi que les droits et protections qui y sont attachés par la législation du travail.

Synthèse des statuts d'emploi au Royaume-Uni

Salarié

« limb (b) » Worker

Indépendant

Caractéristiques

Nature de l'obligation

Contrat de travail

Obligations mutuelles

Tâches déterminées

Contrat de travail ou tout autre type de contrat

Cocontractant pour le compte duquel le travail est effectué n'est pas considéré comme un client

Pas d'obligation d'aucune des parties de fournir ou de recevoir une prestation

Travaille pour son propre compte et formule des offres pour remporter des contrats envers des clients contre d'autres offrants concurrents

Horaires

Définis

Non définis

Librement définis

Responsabilité personnelle

Obligation personnelle

Ne peut recourir à un tiers pour effectuer les tâches à sa place

Soumis à des procédures disciplinaires et au pouvoir de sanction de l'employeur

Obligation personnelle

Ne peut recourir à un tiers pour effectuer les tâches à sa place

Ne travaille pas directement pour le client final

Peut déléguer ou sous-traiter

Aucun pouvoir disciplinaire du cocontractant ; pénalités contractuelles

Supervision

Supérieur hiérarchique responsable de déterminer les tâches, la charge de travail, et de s'assurer de la bonne exécution

Supervision présente mais moins directe et prononcée

Pas de supervision

Équipement

Équipement et matériel fournis par l'employeur

Équipement et matériel fournis par l'employeur

Fournit lui-même son équipement et matériel

Droits et protection

Rémunération

Droit au salaire minimum et protection contre les réductions de salaire illégales

Droit au salaire minimum et protection contre les réductions de salaire illégales

Soumet des factures. Définit sa rémunération en fonction de son bénéfice. Peut gagner moins que le salaire minimum

Temps de travail

Durée maximale hebdomadaire fixée

Droit aux pauses

Possibilité de bénéficier des dispositifs d'aménagement du temps de travail ( flexible working )

Durée maximale hebdomadaire fixée

Droit aux pauses

-

Congés

Droit aux congés payés

Droit aux congés payés

-

Maladie & Maternité

Droit au congé-maladie

Droit au congé maternité

Pas de congés maladie, ni maternité

-

Protection de l'emploi

Plein accès au tribunal du travail

Protection contre le licenciement abusif 169 ( * )

Indemnités de licenciement

Plaintes pour discrimination ou comme lanceur d'alerte

Pas d'indemnité

Peu de possibilités

Source : PJH Law, 2016 ; House of Commons, Employment Briefing, 2018; modifié par la division de la Législation comparée

Est un salarié toute personne qui a conclu un contrat de travail ( contract of employment ) ou qui travaille sous l'empire d'un tel contrat. Par contrat de travail, il faut entendre un contrat de service ou un contrat d'apprentissage, exprès ou tacite, et s'il est exprès, oral ou écrit. 170 ( * ) Cette définition est essentielle car elle permet d'affirmer que le statut d'emploi n'est pas à la disposition des parties au contrat ; l'accord des parties sur la nature du contrat même fixé dans le contrat lui-même ne lie pas le juge. Ce cadre reste toutefois minimal et renvoie à la jurisprudence consolidée le soin de définir le contrat de service et ainsi de déterminer les critères de test du statut de salarié. 171 ( * )

À partir de cas typiques 172 ( * ) , le juge anglais a tiré quatre éléments fondamentaux du contrat de travail. Premièrement, le travailleur répond d'une obligation de travail personnelle ( personal service ). Un contrat prévoyant la possibilité pour le travailleur de décider librement de se faire remplacer par un substitut pour l'exécution des prestations du contrat n'est pas un contrat de travail. 173 ( * )

Deuxièmement doivent être présentes des obligations mutuelles entre les parties prenant la forme d'un travail contre rémunération ( mutuality of obligation ). Un contrat sans tâches à effectuer ou sans contrepartie de rémunération n'est pas un contrat de travail 174 ( * ) . Des accords relativement lâches ou intermittents sans obligation de procurer du travail pour l'entreprise ou d'accepter aucun travail pour le travailleur ne se qualifient pas comme contrat de travail. C'est souvent ce qui empêche des travailleurs atypiques concluant des contrats « zéro heures » ou exerçant une activité via une plateforme numérique de se voir reconnaître la qualité de salarié. Néanmoins, la jurisprudence trace des frontières subtiles et admet que le droit de refuser certaines tâches pour le travailleur et le droit de retirer du travail par l'employeur ne permettent pas de conclure nécessairement à l'absence de contrat de travail tant qu'il existe une obligation réciproque globale de travailler ou un autre et de payer pour ce travail 175 ( * ) .

Troisièmement, l'employeur doit jouir du droit de contrôler l'activité de l'employé à un degré suffisant. Un contrôle factuel quotidien de toutes les tâches n'est pas exigé dès lors qu'en dernier ressort, l'employeur conserve la faculté de donner des instructions. 176 ( * ) Typiquement, l'employeur définit les horaires et le lieu de travail du salarié, la manière dont les tâches sont accomplies et les moyens employés.

Une fois reconnus ces trois éléments fondamentaux, le juge doit, quatrièmement, examiner l'intégralité du contrat pour évaluer la réalité économique de la relation nouée et la cohérence des clauses avec ce qui est attendu d'un contrat de travail. Autrement dit, le juge procède à une évaluation économique plus globale pour déterminer si le travailleur in fine se trouve dans une situation analogue à celle d'un salarié et nécessitant la protection de la loi. En particulier, le juge va considérer la répartition du risque financier personnel entre l'employeur et le travailleur, ainsi que le degré de responsabilité dans les décisions de gestion et d'investissement. Il considérera si la personne en question embauche des tiers pour l'aider à accomplir son travail et s'il a une opportunité de bénéficier directement de sa bonne gestion de l'accomplissement des tâches. 177 ( * )

À côté du salariat, le législateur britannique a reconnu un statut hybride et donné une définition du worker au sens restreint. 178 ( * ) Il s'agit d'une personne sous contrat travaillant personnellement pour accomplir un travail et dont le cocontractant pour lequel elle accomplit ce travail n'est pas le client.

On retrouve la nécessité de disposer d'un contrat, dont rien n'indique qu'il ne puisse être oral, et la nécessité d'accomplir personnellement le travail comme dans le salariat. En revanche, on remarquera que le critère de l'obligation mutuelle 179 ( * ) n'est pas un prérequis absolu pour caractériser les workers , ce qui les différencie des salariés. De même, le critère du contrôle par l'employeur est apprécié de façon libérale et assez aisément rempli.

En outre, la relation contractuelle entre les deux parties n'est pas la relation commerciale d'un professionnel spécialisé envers son client : le worker ne propose pas ses services aussi librement qu'une profession libérale (avocats, comptables, architectes), il dépend généralement d'un employeur principal et n'agit pas pour son propre compte. L'analyse économique de la relation contractuelle est importante pour la jurisprudence : le travailleur est-il dépendant économiquement d'un employeur ou libre d'aller de contrat en contrat ? Prend-il des risques financiers personnels ? Quel est son degré d'intégration dans l'organisation et le personnel de l'employeur ? Quelles compétences et expertises peut-il apporter ? Fournit-il lui-même son équipement et son matériel ? En répondant à ces questions, le juge trace cas après cas la limite entre le worker et l'indépendant 180 ( * ) .

(2) L'analyse de la jurisprudence sur la qualification des travailleurs des plateformes

Les travailleurs des plateformes numériques passeraient très difficilement les tests posés par la Common law pour l'octroi du statut de salarié. Les requérants en principe ne demandent d'ailleurs pas la requalification de leur contrat en contrat de travail, ni le bénéfice du statut plein de salarié. Ils visent plutôt la reconnaissance par le juge du travail de leur qualité de worker . Ils ont ainsi récemment remporté plusieurs succès devant les tribunaux britanniques, y compris en appel et devant la Supreme Court , qu'il convient d'analyser.

La tendance générale de la jurisprudence britannique est plutôt d'assimiler les travailleurs des plateformes numériques à des workers plutôt qu'à des indépendants, tout en leur refusant systématiquement la qualité de salarié. 181 ( * ) En particulier, une personne pourra être reconnue comme worker si elle assure une prestation personnelle de services pour la plateforme numérique avec laquelle elle est en contrat, sans que la plateforme soit, en vertu du contrat, le client de cette personne. Dans ce cas, en effet, la personne ne sera pas un indépendant dans la mesure où elle ne travaille pas pour son propre compte. Dès que la plateforme surveille et conditionne suffisamment l`activité (port d'uniforme, traqueur GPS, restriction dans le choix des remplaçants possibles, facturation centralisée), elle ne peut plus prétendre à être simplement un client d'un travailleur indépendant mais doit porter la pleine responsabilité de l'employeur d'un worker .

• Pimlico Plumbers v Smith

Dans cette affaire, le requérant M. Smith, qui souhaitait réduire ses heures de travail comme chauffagiste auprès de l'entreprise Pimlico Plumbers après une crise cardiaque, avait vu son contrat résilié. Il se tourna en 2011 vers le juge du travail ( Employment Tribunal ) pour obtenir réparation de son préjudice couvrant à la fois un licenciement abusif, une réduction illégale de son salaire et le refus de l'employeur de le payer pour ses congés annuels. Il revendiquait à la fois le statut de salarié et le bénéfice de la législation anti-discrimination.

Sa situation était la suivante. M. Smith était employé sous un contrat de prestation de services en indépendant, utilisait ses propres outils, se déplaçait de client en client et payait ses propres impôts et cotisations sociales. Toutefois il était obligé de porter l'uniforme de la compagnie et de conduire un véhicule à sa marque. Il lui était interdit de sous-traiter son activité par contrat à un tiers. Un capteur GPS était installé sur son véhicule pour suivre ses mouvements. Il devait enregistrer tout son travail sur l'application et le système d'information de son employeur. Son temps de travail était fixé à 40 heures avec une obligation de permanence et de demande d'autorisation pour s'absenter. Il était enfin soumis aux procédures disciplinaires de l'entreprise.

Le juge du travail lui refusa dès la première instance le statut de salarié car il ne passait pas les tests de la jurisprudence, ce que M. Smith ne contesta pas dans les étapes suivantes de la procédure. Il ne pouvait donc engager une poursuite pour licenciement abusif. En revanche, le tribunal lui accorda le statut de worker , ce qui validait la compétence du juge du travail pour trancher le litige au fond et qui permettait à M. Smith de bénéficier pleinement de l'application des règles anti-discriminations.

L'entreprise fit appel de cette décision mais perdit successivement ses recours devant le tribunal d'appel du travail, puis la cour d'appel. En juin 2018, la Cour suprême valida à l'unanimité toutes les décisions précédentes des juridictions inférieures et la qualité de worker reconnue à M. Smith. 182 ( * ) La Cour suprême a examiné les deux points essentiels : l'obligation de service personnel de M. Smith et l'absence de qualité de client de Pimlico Plumbers.

Sur le premier point, l'élément essentiel était la très faible capacité pour M. Smith de confier à un autre un travail particulier qu'il avait accepté de mener mais ne souhaitait plus réaliser lui-même. La possibilité de trouver un remplaçant, quoiqu'ouverte par les clauses du contrat, était significativement réduite par le fait que le contrat, d'une part, faisait directement référence à l'exercice de ses compétences par M. Smith, d'autre part, restreignait le choix du remplaçant à une personne liée à Pimlico Plumbers par le même type de contrat que M. Smith. L'obligation de prestation personnelle était donc établie.

Sur le second point, le juge du travail a correctement estimé qu'il existait une forme d'accord-cadre ( umbrella contract ) liant M. Smith et Pimlico Plumbers entre les différentes tâches assignées par la compagnie. Le chauffagiste était en fait tenu à certaines obligations même en dehors des prestations réalisées pour le compte de l'entreprise. Le contrôle administratif étroit de son activité, les contraintes précises sur le montant et les dates de versement de la rémunération des prestations et les clauses de non-concurrence à la fin du contrat empêchaient manifestement de considérer Pimlico Plumbers comme un client de M. Smith. Ces éléments contrebalançaient la liberté de refuser une prestation particulière et d'accepter du travail extérieur pour son propre compte lorsqu'aucune tâche ne lui était confiée par Pimlico.

• Uber v Aslam

Parallèlement se poursuit le contentieux entre Uber et ses chauffeurs dont les contrats stipulent expressément qu'ils sont des partenaires indépendants avec lesquels aucune relation d'employeur à salarié n'est constituée. Deux chauffeurs M. Aslam et M. Farrar ont porté l'affaire devant le juge du travail pour demander la qualité de worker et le bénéfice du salaire minimum au titre du National Minimum Wage Act 1998 et des congés payés au titre des Working Time Regulations 1998 .

La position d'Uber reste que le contrat de prestation de services de transport n'existe qu'entre le chauffeur et le passager et que la plateforme agit seulement comme intermédiaire procurant ses services aux chauffeurs pour leur permettre de trouver leur client. Le tribunal du travail, en première instance et en appel, donna tort à Uber et requalifia ses chauffeurs en workers en considérant qu'ils exercent personnellement leur activité pour le compte d'Uber dont l'activité principale est le transport de passager.

Uber perdit encore en 2018 devant la cour d'appel par deux voix contre une. 183 ( * ) L'opinion majoritaire s'est appuyée en particulier sur la jurisprudence Autoclenz de la Cour suprême 184 ( * ) . Dans cette affaire précédente, des voituriers étaient amenés à signer des contrats avec l'entreprise Autoclenz stipulant qu'ils n'étaient pas des employés mais des sous-traitants indépendants, qu'il n'existait aucune obligation entre les deux parties ni de proposer du travail ni de l'accepter et qu'il était possible pour le travailleur de se faire remplacer par un substitut convenablement qualifié. En d'autres termes, le contrat reprenait à la lettre les éléments de la jurisprudence classique pour empêcher la requalification en employé des pseudo-indépendants. Ce stratagème échoua devant tous les degrés de juridiction jusqu'à la décision définitive de la Cour suprême qui requalifia le contrat commercial en contrat de travail et accorda aux voituriers le bénéfice du salaire minimum et des congés payés. Constatant le déséquilibre dans le pouvoir économique et de négociation entre les parties, les juges ont considéré que les clauses écrites ne représentaient pas adéquatement le contenu de l'accord trouvé entre les parties et qu'il fallait aller au-delà et considérer l'ensemble des circonstances de l'espèce pour déterminer ce qui avait été réellement conclu entre les parties. Il était légalement permis au tribunal d'ignorer les termes écrits du contrat dès lors qu'ils s'écartaient de ce qu'une personne raisonnable et sage aurait considéré comme reflétant la réalité. Sur le même fondement de principe, la cour d'appel a rejeté le recours d'Uber en considérant que la Common law avait heureusement suffisamment de souplesse pour s'attaquer aux « arrangements contractuels alambiqués, complexes et artificiels, certainement formulés par une batterie d'avocats, établis unilatéralement et imposés par Uber à des dizaines de milliers de chauffeurs et de passagers, sans qu'aucun d'entre eux ne soit en mesure de corriger ou de résister au langage du contrat. » 185 ( * )

L'opinion dissidente n'est toutefois pas négligeable car elle vient de Lord Justice Underhill, un spécialiste de droit du travail qui présidait auparavant le Tribunal d'appel du travail. Il a soutenu le parallèle entre Uber et les compagnies de taxi pour contester l'opinion majoritaire et a demandé l'intervention du législateur pour régler le problème à un niveau général. Un recours d'Uber est annoncé devant la Cour suprême.

• Independent Workers Union of Great Britain v Central Arbitration Committee

Dans cette affaire, il s'agissait de déterminer la mesure dans laquelle les livreurs de Deliveroo pouvaient s'organiser en syndicats et négocier des accords collectifs, dans le silence de leurs contrats. Cette question relève de la compétence du Comité central d'arbitrage ( Central Arbitration Committee - CAC ), qui décide sur les requêtes formulées par les syndicats en matière de reconnaissance, d'information et de négociation collective. Le CAC a repoussé la demande du syndicat des travailleurs indépendants de Grande-Bretagne IWGB, qui voulait se voir reconnaître la faculté de négocier des accords collectifs pour le compte des livreurs de Deliveroo, en considérant que leur statut de travailleur indépendant leur fermait la possibilité de se constituer en syndicat pour défendre leurs intérêts collectifs. Pour le comité, ils n'étaient pas des workers au sens de l'article 296 du Trade Union and Labour Relations (Consolidation) Act 1992, pourtant extrêmement proche de celle de l' Employment Rights Act 1996, car la clause de remplacement éventuel par un substitut présente dans leurs contrats a été interprétée par le comité comme contraire à l'obligation de réaliser personnellement les prestations.

Le syndicat des livreurs et coursiers IWGB a alors soumis une requête en révision ( judicial review ) contre la décision du comité devant la High Court en s'appuyant sur la garantie de la liberté de réunion et d'association offerte par l'article 11 de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH). La Haute Cour dans sa formation administrative a autorisé l'examen de la requête sur un seul des cinq motifs avancés puis a rejeté la révision demandée en décembre 2018. 186 ( * )

Elle a considéré que l'article 11 ne s'appliquait pas et que la jurisprudence de la Cour de Strasbourg ne permettait pas de considérer de façon pertinente les livreurs de Deliveroo comme des workers engagés dans une relation de travail avec leur employeur. Elle a considéré que la décision du CAC portait uniquement sur l'impossibilité de mobiliser le dispositif prévu par la loi britannique de reconnaissance obligatoire d'un syndicat au sein de l'entreprise, mais que rien n'empêchait les livreurs d'adhérer à des syndicats ou de participer volontairement à des accords. Selon la Haute Cour, la limitation de leur capacité à entrer dans des négociations collectives est de toute façon sans portée sérieuse et par conséquent ne constitue pas une entrave injustifiée et disproportionnée à la liberté d'association, dans la mesure où en l'espèce, les livreurs de Deliveroo n'avaient pas matière à négocier ni leur temps de travail, ni leur vacances puisqu'ils n'étaient soumis à aucune obligation personnelle de travail.

La Haute Cour a estimé sur ce fondement que les livreurs de Deliveroo étaient des indépendants liés par un contrat commercial avec la compagnie. Elle a expressément considéré la jurisprudence Pimlico Plumbers qu'elle a interprétée comme faisant de l'obligation de service personnel le test unique de la qualité de worker par opposition à l'indépendant. Sans la qualité de worker , les livreurs ne pouvaient se prévaloir des dispositions sur les négociations collectives et la représentation syndicale obligatoire du Trade Union and Labour Relations (Consolidation) Act 1992 .

Deliveroo est ainsi la seule compagnie significative de la gig economy à avoir récemment obtenu gain de cause devant les tribunaux britanniques. Cela peut simplement refléter une différence d'approche dans la jurisprudence entre le juge du travail et le juge administratif, qui ne sont pas saisis des mêmes requêtes, ni selon les mêmes voies de recours. Les recours individuels pour obtenir une protection dans une situation de forte dépendance économique semblent plus prometteurs que les recours collectifs contre des actes administratifs ou assimilés.

c) Espagne : vers l'approfondissement du statut intermédiaire de dépendance économique ?
(1) Le statut de travailleur économiquement dépendant

Le régime espagnol distingue entre le travail subordonné ou salarié et le travail indépendant. Le travail est dit indépendant en l'absence d'un lien de subordination aux ordres et instructions d'une autre personne : il est exclu du coeur de la législation du travail constitué par le Statut des travailleurs salariés 187 ( * ) . Toutefois, il est prévu de pouvoir étendre certains éléments du statut et des protections afférentes au travail indépendant à la condition que la loi en décide expressément ainsi 188 ( * ) . À ce titre, des normes concernant la liberté syndicale et la prévention des risques professionnels ont été déjà étendues au travail autonome.

Confirmant la division fondamentale entre travail pour le compte d'autrui ( por cuenta ajena ) et pour son propre compte ( por cuenta propria ), le législateur espagnol a adopté en 2007 un statut du travail indépendant 189 ( * ) . Configuré traditionnellement dans le cadre des relations juridiques propres au droit privé commun, le régime du travail indépendant s'applique aux personnes physiques, qui de manière habituelle, personnelle et directe, pour leur propre compte et en dehors de la subordination ou de la direction d'une autre personne, exercent des activités économiques ou professionnelles à titre onéreux. À ce titre, les articles 4, 5, 6 et 10 du statut reconnaissent l'existence de droits et de devoirs professionnels, ainsi que des garanties économiques au profit des travailleurs autonomes.

Une nouvelle sous-catégorie a été créée par le statut du travail indépendant de 2007, dont les articles 11 et suivants établissent le régime applicable au travailleur économiquement dépendant (trabajador autónomo dependiente económicamente - TRADE) . Il s'agit d'un régime professionnel intermédiaire entre le salariat et le travail indépendant de droit commun. Contrairement au régime des travailleurs salariés, le TRADE se met en relation directe avec le client à travers un contrat d'activité, qui prend normalement un caractère civil ou commercial. En effet, la notion de « dépendance économique » indique que la principale source de revenus du travailleur provient de manière stable d'un seul client, dont il dépend économiquement car il reçoit de lui au moins 75 % de ses revenus de travail et d'activité économique (art. 11 al. 1 er ). Si le travailleur fournit ses services de façon continue et habituelle pour le même client, celui-ci est considéré comme un collaborateur de l'entreprise, même s'il ne fait pas partie de l'effectif de la société, il participe activement au développement de l'activité 190 ( * ) .

La loi impose cinq conditions cumulatives pour acquérir la qualité de TRADE :

- ne pas engager de salariés 191 ( * ) ou sous-traiter à des tiers pour l'exercice de l'activité ;

- exercer l'activité de manière différenciée par rapport aux travailleurs qui prêtent leurs services selon une modalité quelconque de contrat de travail pour le compte du client ;

- disposer en propre des infrastructures productives et équipements nécessaires à l'exercice de l'activité ;

- déployer son activité selon des principes d'organisation propre, nonobstant les indications techniques du client ;

- percevoir une contrepartie en fonction du résultat de l'activité dans les conditions convenues avec le client.

Si une personne remplit toutes ces conditions, elle pourra demander au client la formalisation d'un contrat de travailleur indépendant économiquement dépendant. Si le client refuse, le travailleur pourra demander la reconnaissance de son statut auprès du juge du travail (art. 1 bis de la loi 20/2007). Le contrat doit nécessairement prendre une forme écrite et être enregistrée auprès du service public de l'emploi. Il fera mention expresse de la condition de travailleur économiquement dépendant, qui elle-même ne peut être reconnue qu'à l'égard d'un client unique (art. 12). Le TRADE dispose de droits syndicaux : il peut adhérer à un syndicat et bénéficier des accords collectifs ( acuerdos de interés profesional ) négociés par les représentants des travailleurs économiquement dépendants et les entreprises qui les emploient. Les accords peuvent porter sur les modalités, le temps et le lieu de travail. Ils ne lient que les parties signataires. Les clauses du contrat contraires aux accords collectifs sont réputées nulles et sans effet (art. 13).

Par rapport au travailleur indépendant classique, le TRADE bénéficie de garanties sociales à défaut de l'intégralité du régime de protection des salariés :

- droit à des congés pour une durée minimale de 18 jours ouvrables par an. En fonction du contrat, ces congés peuvent être rémunérés ou non ;

- obligation pour le contrat de définir la durée maximale de la journée de travail, le régime de repos hebdomadaire, la distribution par semaine de l'activité si elle est comptabilisée annuellement ou mensuellement ;

- limitation des heures supplémentaires à 30 % du temps de travail ordinaire ;

- possibilité de moduler les horaires dans le but de concilier vie familiale et professionnelle. 192 ( * )

La loi de 2007 prévoit également avec soin les cas d'extinction de la relation contractuelle. Lorsque le client résilie le contrat sans cause justifiée, le travailleur économiquement dépendant a le droit de percevoir une indemnisation dont le montant est fixé soit par le contrat individuel, soit par l'accord collectif applicable. Réciproquement, le client peut être indemnisé, si le TRADE n'a pas rempli ses obligations contractuelles amenant le client à résilier le contrat ou si le désistement du TRADE sans préavis occasionne au client un préjudice important qui paralyse ou perturbe le déroulement normal de son activité (art. 15).

Une telle catégorie intermédiaire entre les salariés et les travailleurs autonomes de droit commun ne relève donc pas de la législation du travail stricto sensu mais dessine un régime professionnel distinct. Toutefois, malgré l'opportunité potentielle qu'offre ce statut hybride, il n'est pas évident que les relations entre les travailleurs et les plateformes numériques puissent être catégorisées ainsi. Tout dépend des circonstances concrètes particulières, qui peuvent manifester un lien réel de subordination et plaider pour l'octroi du statut de salarié ou, au contraire, se tenir dans les limites des relations commerciales classiques d'un professionnel indépendant et de son client. C'est pourquoi la doctrine et la jurisprudence des tribunaux sociaux, compétents pour connaître les litiges, tendent à préconiser une intervention législative pour clarifier la régulation de l'économie des plateformes numériques.

(2) Une jurisprudence en attente de consolidation

La doctrine a mis en relief l'intérêt d'une reconfiguration de la législation du travail. Ainsi, l'ancien président du Tribunal constitutionnel espagnol et professeur de droit social à la Complutense, Francisco Pérez de los Cobos a souligné que le silence du législateur faisait retomber sur les juges la qualification des travailleurs des plateformes numériques. Il a admis l'insuffisance du contrat de travail et de ses éléments caractéristiques pour une qualification juridique adéquate des nouvelles formes d'emploi et a proposé une reformulation du statut du travailleur autonome économiquement dépendant pour réguler l'économie des plateformes numériques et garantir la sécurité juridique de tous les acteurs. 193 ( * )

Le juge du travail espagnol ( Juzgado de lo Social ) a évoqué le besoin de fixer un cadre légal pour les professionnels qui travaillent comme collaborateurs des plateformes numériques. Le Tribunal suprême n'a pas encore rendu de décision permettant d'identifier sa position en ce qui concerne l'existence ou l'inexistence d'une relation de travail entre les sociétés gérant une plateforme numérique et leurs collaborateurs, ainsi que la détermination du régime juridique applicable.

Néanmoins, le tribunal social n°33 de Madrid a tranché en février 2019 194 ( * ) une affaire qu'il convient de mettre en avant. En effet, le juge a estimé que la relation entre Glovo et l'un des coursiers revêtait le caractère d'une relation de travail ( de naturaleza laboral ). Il s'agissait d'un pseudo-indépendant ( falso autónomo) car le service rempli par le coursier n'aurait aucun sens ni justification, si celui-ci n'était pas intégré à l'activité commerciale de la société. Le contrôle exercé sur le travailleur exerçant son activité sous les instructions de l'employeur et comme partie intégrante de son employeur, ainsi que le caractère continue de la relation comprenant des obligations mutuelles de prestations et de paiements, ont incliné le juge à accepter l'existence d'un lien de subordination. 195 ( * ) Dans ce cas, le juge social n'a donc pas fait appel à la catégorie de travailleur économiquement dépendant et a préféré faire usage du droit du travail après une requalification en salarié. En conséquence, la résiliation du contrat s'apparentait à un licenciement illégal portant atteinte à la liberté d'expression et au droit de grève ; le juge l'a annulée en ordonnant la réintégration immédiate du coursier à son poste de travail et le versement des arriérés de salaires.

Dans la décision, le juge admet que la situation concrète des travailleurs sur les plateformes numériques ne rentre pas dans les catégories classiques prévues dans l'ordre juridique interne. De ce fait, il encourage le législateur à clarifier le régime applicable à ces personnes afin de créer une nouvelle catégorie plus pertinente et conforme à la réalité des conditions de travail 196 ( * ) . Certes, il faudra attendre les décisions du Tribunal suprême, mais semble déjà assez claire la nécessité de mettre à jour les catégories traditionnelles pour faire face à l'évolution du marché de travail numérique.

2. Les systèmes juridiques fondés sur la dichotomie entre le salarié et l'indépendant sans catégorie intermédiaire
a) Suisse : une dichotomie entre salarié et indépendant, mais une jurisprudence libérale en faveur des travailleurs économiquement dépendants

La question du statut des travailleurs de plateforme en Suisse est actuellement au coeur de l'actualité politique comme judiciaire. Il n'existe pas dans le droit du travail suisse, en l'état actuel, de statut intermédiaire entre celui de salarié et celui d'indépendant. On rappelle que la Suisse, plus encore même que le modèle allemand, reconnaît relativement peu de spécificités au contrat de travail traité très généralement comme un objet obéissant au droit des obligations.

(1) Une incertitude sur le traitement approprié des travailleurs de plateforme qui alimente le débat public

Le droit suisse sépare classiquement les salariés et les indépendants. Le droit des assurances sociales fait la distinction entre les revenus provenant d'une activité indépendante et les rémunérations pour un travail dépendant 197 ( * ) . Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, exerce une activité lucrative dépendante l'assuré qui offre ses services et se trouve dans une situation de dépendance économique et d'intégration organisationnelle à l'égard de la partie qui l'emploie. 198 ( * ) À l'inverse, exerce une activité lucrative indépendante l'assuré qui supporte essentiellement le risque économique de son activité apprécié au regard des investissements réalisés, des locaux et des équipements assumés en propres et du personnel employé 199 ( * ) . Il n'en demeure pas moins que le statut de salarié ou d'indépendant apprécié au regard de l'obligation de cotisation est toujours apprécié in concreto par le juge en fonction des circonstances de l'espèce. La même approche s'impose si l'on considère le statut de salarié ou d'indépendant sous l'angle du droit du travail proprement dit.

En Suisse comme dans la plupart des autres pays, la diversité des types et des modèles économiques des plateformes numériques fait obstacle à une solution uniforme et tranchée. Le Conseil fédéral suisse a publié en 2017 un rapport sur les principales conditions-cadres pour l'économie numérique et un autre sur les conséquences de la numérisation sur l'emploi et les conditions de travail. Dans ce dernier, il relève que les travailleurs de plateformes numériques occupent des « emplois atypiques » « brouillant la distinction entre activité dépendante et activité indépendante » 200 ( * ) . Le caractère ponctuel et discontinu de prestations réalisées de façon disséminée sans communauté d'entreprise identifiable est la principale pierre d'achoppement pour reconnaître l'existence d'un contrat de travail.

La question de l'éclaircissement du statut des travailleurs des plateformes numériques est régulièrement portée à l'ordre du jour du Parlement suisse. En septembre 2018, un postulat 201 ( * ) demandant à ce que soit étudiée la création d'un nouveau statut de travailleurs a été adopté par le conseil national.

En décembre 2018, le Conseil des États s'est prononcé à son tour en demandant que soit précisé le statut des travailleurs des plateformes numériques 202 ( * ) . Outre deux motions sur une meilleure protection des travailleurs indépendants contre les risques sociaux, d'une part, sur une plus grande autonomie des parties dans les assurances sociales, d'autre part, un postulat a été adopté aux fins de mieux protéger les travailleurs indépendants des plateformes et de l'« économie à la tâche » ou gig economy.

L'Office fédéral des assurances sociales a également débuté des travaux, dans lesquels la question des emplois flexibles sera abordée. Le rapport sur les avantages et inconvénients d'un assouplissement dans le domaine des assurances sociales est attendu pour la fin de l'année 2019.

(2) Une jurisprudence reconnaissant des situations de dépendance économique

Dans le silence de la loi, la jurisprudence suisse a admis la possibilité d'accorder une protection à certains travailleurs formellement indépendants mais se trouvant dans une situation de dépendance économique. L'inspiration sous-jacente paraît provenir de la catégorie d' Arbeitnehmerähnliche du droit du travail allemand.

Est en situation de dépendance économique celui qui ne peut plus disposer de sa propre force de travail et perd sa capacité de peser sur l'évolution de son revenu. Soit la dépendance économique est utilisée pour établir l'existence d'un contrat de travail, soit plus libéralement elle est utilisée par analogie pour étendre certaines règles du droit du travail en dépit de l'absence de lien de subordination et de contrat de travail. L'idée est alors sans requalification du contrat d'adopter une interprétation du contrat commercial fidèle au droit du travail. Ainsi, le Tribunal fédéral a examiné la compatibilité avec le droit du travail 203 ( * ) de clauses de non-concurrence inscrites dans un contrat de services entre une entreprise et un chauffeur routier qui lui avait également vendu son camion. 204 ( * )

Une autre affaire est particulièrement intéressante dans la perspective de l'économie des plateformes numériques. Le Tribunal fédéral a tranché en étendant les règles de protection contre les licenciements abusifs 205 ( * ) à une personne franchisée car son contrat de franchise la plaçait dans une situation subordonnée analogue à celle d'un travailleur. Le besoin de protection de la partie la plus faible au contrat peut exiger l'application de dispositions légales contraignantes portant sur d'autres types de contrats dès lors que l'esprit même de ces dispositions se laisse transposer à la relation contractuelle concrète en cause. En l'espèce, le degré et le type de dépendance économique auxquels est soumise la partie la plus faible au contrat l'apparente, à défaut de l'identifier, à une relation de travail entre employeur et salarié. Le franchisé s'est vu en conséquence allouer une indemnité pour résiliation abusive du contrat par le franchiseur. 206 ( * )

Bien que le Tribunal fédéral prenne toutefois soin de ne pas tirer de conclusions générales débordant l'affaire en jugement, sa jurisprudence ne sera pas sans effet sur le statut des crowdworkers . Selon le rapport du conseil fédéral de 2017, « la protection découlant de la dépendance économique selon la jurisprudence du Tribunal fédéral aura une influence sur le régime juridique du travail par le biais de plateformes. Ainsi, des tâches ponctuelles successives qui ne sont pas qualifiées de contrat de travail pourront bénéficier d'une protection restreinte si les tribunaux voient une situation de dépendance économique. Un critère déterminant dans ce contexte sera la fourniture de prestations, de manière exclusive ou prépondérante, à un seul mandant » 207 ( * ) .

Par ailleurs, la société Uber est au coeur de multiples contentieux. En 2016, le service des assurances sociales du canton de Zürich (SVA Zürich) et la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (Suva) ont décidé de requalifier en salariés les chauffeurs d'Uber ce qui reportait sur l'entreprise la charge des cotisations sociales. Le contentieux est pendant même si le 10 juillet 2018 Uber a remporté un succès partiel devant le tribunal cantonal des assurances sociales : le juge a renvoyé le dossier à la Suva afin qu'elle détermine quelle entité juridique du groupe Uber serait l'employeur redevable de cotisations en Suisse. Se profile ainsi une autre facette du problème : l'organisation interne complexe des sociétés gérant des plateformes numériques qui utilisent des filiales de droit et de statut divers. 208 ( * )

En revanche, le 2 mai 2019, le tribunal des prud'hommes de Lausanne a reconnu à un ancien chauffeur d'Uber la qualité de salarié et requalifié son congé en licenciement injustifié avec effet immédiat. Cette personne avait exercé pour UberPop entre avril 2015 et décembre 2016 à titre d'activité principale. Elle avait été congédiée avec effet immédiat sur la base de mauvaises notations, sans que le chauffeur puisse y répondre. La filiale d'Uber, signataire du contrat de service, a été condamnée à lui verser des indemnités de licenciement équivalentes à deux mois de salaire, assorties d'un dédommagement au titre du préjudice moral et du paiement des congés auxquels il aurait pu prétendre. Il est probable qu'Uber fasse appel de cette décision.

b) États-Unis : un paysage très mouvant avec une jurisprudence active
(1) Les tests jurisprudentiels de la qualité de salarié

L'éligibilité aux droits et protections issus du droit du travail américain dépend de la qualité de salarié (employee) , dont le contour reste imprécis et peut varier en fonction des lois fédérales qui emploient cette notion. Reste comme point fixe la distinction fondamentale avec l'indépendant, défini précisément comme celui qui ne bénéficie pas du statut de salarié. L'appréciation de la relation entre l'employeur et le travailleur repose sur plusieurs critères et des bases d'interprétation plus ou moins restrictive : le test de droit commun (Common law test) , le test des conditions économiques réelles (economic realities test) , et plus récemment le test dit « ABC » . 209 ( * )

Le test de droit commun est considéré comme reprenant l'interprétation la plus étroite. Les critères pertinents pour évaluer la nature de la relation de travail, dans ce cadre, touchent le contrôle exercé sur les particularités matérielles du travail et les aspects de la relation permettant de déterminer le degré de liberté dont dispose l'individu. Entrent par exemple dans les facteurs d'appréciation l'intensité et les modalités du contrôle et de la supervision, le type d'emploi et de tâches, la fourniture des équipements et matériels par le travailleur ou l'employeur, les modalités de rémunération, l'organisation du temps de travail et la durée de la relation.

Le test des conditions économiques réelles se fonde sur les dispositions relatives au salaire minimal, aux heures supplémentaires et au travail des enfants du Fair Labor Standards Act . Cette législation du New Deal datant de 1938 a été dûment interprétée à la Cour suprême pour assouplir la Common law et étendre ces protections à des relations contractuelles qui n'étaient pas alors considérées comme des relations de travail entre employeur et salarié. Le juge doit interpréter la loi de 1938 comme étendant la notion de salarié. 210 ( * ) Doit par conséquent être considéré comme un salarié tout individu employé par un employeur 211 ( * ) et « employer » (employ ) est défini comme « laisser ou autoriser à travailler » (suffer or permit to work) 212 ( * ) , incluant ainsi autant l'emploi direct (l'employeur dirige le travailleur) qu'intermédiaire (l'employeur autorise le travail). Entrent donc dans la catégorie des salariés autant les personnes directement employées par l'employeur que celles qui travaillent indirectement pour lui.

Une jurisprudence abondante s'est déployée pour interpréter cette clause « suffer or permit » en recourant à une analyse des conditions économiques réelles plutôt qu'à une analyse abstraite. Le noeud de la décision est de déterminer si l'individu travaille pour son propre compte ou bien se trouve dans une relation de dépendance économique à l'égard de son cocontractant, qui peut, quant à lui, obliger, autoriser ou laisser l'individu travailler. La Cour suprême a estimé que les stipulations formelles du contrat qui définiraient le travailleur comme indépendant pouvaient être éventuellement ignorées si l'appréciation globale de la relation faisait apparaître une telle dépendance économique. 213 ( * ) Une cour d'appel de Californie a fait usage en 2007 de cette jurisprudence Rutherford Food de l'après-guerre pour qualifier des chauffeurs-livreurs de Fedex comme salariés soumis au code du travail californien contre les indications contraires de leur contrat. 214 ( * ) Plusieurs questions peuvent être posées par la juge dans son analyse : le travail effectué fait-il partie intégrante de l'activité de l'entreprise ? Les compétences managériales du travailleur pèsent-elles sur son espérance de gain économique ? Qui assume le risque financière, notamment en matière d'investissement ? On retrouve ici des recoupements dans les raisonnements menés par le juge britannique pour distinguer les workers des indépendants, la notion de salarié/ employee étant interprétée beaucoup plus strictement au Royaume-Uni.

Par ailleurs, l'administration fédérale ne s'est pas désintéressée de la question. Par exemple, en 2015, le service des salaires et du temps de travail du ministère du travail américain, a publié des lignes directrices précisant l'interprétation qu'elle retenait de la clause « suffer or permit » pour débusquer les pseudo-indépendants 215 ( * ) . Quelques points intéressants peuvent y être relevés dans la perspective d'un traitement du secteur des plateformes numériques. Il s'agit surtout d'éviter un classement trop rapide en indépendant en écartant certains critères pris isolément. Une organisation relativement flexible du travail, notamment des horaires, ne fait pas nécessairement d'un individu un travailleur indépendant plutôt qu'un salarié, étant donné que beaucoup de secteurs et beaucoup de lignes d'activités connaissent désormais une flexibilisation accrue. En outre, dans la même veine, le travail à la maison ou ailleurs que dans les installations de l'entreprise n'est pas considéré comme faisant obstacle à une intégration du travail effectué dans l'activité de l'entreprise. De ce point de vue, le télétravail et le travail sur site extérieur montrent de surcroît que l'absence de contrôle direct de l'employeur et la détermination souple de ces heures de travail par le travailleur ne constituent pas non plus des critères dirimants, qui seraient exclusivement caractéristiques d'un statut indépendant et bloqueraient la reconnaissance du statut de salarié et l'application du Fair Labor Standards Act .

Le test des conditions économiques réelles qui recommande une approche globale de la relation contractuelle est parfois contesté car le résultat de son application demeure incertain. Il paierait sa souplesse d'un surcroît d'insécurité juridique défavorable aussi bien aux travailleurs qu'aux entreprises. C'est pourquoi s'est étendu, au sein des juridictions et des administrations des États fédérés, le recours à un test plus tranché, dit test ABC, pour trier les authentiques indépendants et salariés dissimulés en pseudo-indépendants. Il en existe plusieurs versions dont certaines sont codifiées comme au Massachusetts 216 ( * ) et dans le Delaware 217 ( * ) . Même dans les États qui n'ont pas explicité dans un texte les trois critères du test ABC, les juridictions peuvent faire appel à cette méthode pour interpréter leur droit local.

Ainsi, en 2018, dans l'arrêt Dynamex , la Cour suprême de Californie a ainsi retenu le test ABC dans la formulation du Massachusetts pour déterminer si une personne pouvait convenablement être considérée comme un entrepreneur indépendant ( independent contractor ) à qui les dispositions de la loi de Californie sur les salaires, le temps de travail et les conditions de travail ne s'appliquaient pas. 218 ( * )

Selon le test ABC, un travailleur est correctement considéré comme un indépendant si et seulement si l'entité qui l'a recruté établit simultanément que :

- (A) le travailleur n'est pas soumis au contrôle et aux instructions de l'entité dans l'accomplissement de son travail, aussi bien aux termes du contrat que dans les faits ;

- (B) le travailleur effectue un travail qui est hors de la ligne d'activité ordinaire de l'organisme l'ayant embauché 219 ( * ) ;

- (C) indépendamment de l'entité qui l'a recruté, le travailleur a pris la décision de s'installer à son compte et exerce habituellement une activité économique ou commerciale ou une profession de même nature que les tâches prévues au contrat.

Selon la Cour suprême de Californie, la charge de la preuve retombe sur l'employeur qui doit prouver que les trois conditions précédentes sont remplies cumulativement.

(2) Un mouvement vers la requalification en salariés des travailleurs de plateforme malgré des obstacles persistants ?

La question de la distinction entre les deux statuts appliquée aux travailleurs des plateformes numériques n'est pas encore tranchée aux États-Unis. Elle l'est d'autant moins facilement que les positions des États fédérés ne sont pas nécessairement identiques en la matière. Ce sont surtout les tribunaux qui déterminent la réalité du lien existant entre un travailleur et un employeur dans le cadre des travailleurs de plateforme au cas par cas. Outre les tests précités, la législation de l'État fédéré dans lequel ils sont implantés est essentielle pour décider l'affaire.

Ainsi, en Floride, une cour d'appel de Floride a considéré en 2017 qu'un chauffeur n'était pas un employé mais un indépendant. De la même façon, en Pennsylvanie, une cour fédérale de district a jugé en 2018 que les chauffeurs Uber étaient correctement classés en tant qu'indépendants 220 ( * ) . Dans les deux cas, la charge de la preuve pesait sur le travailleur. À l'inverse, l'organisme d'appel de l'assurance chômage de New-York a considéré que les chauffeurs Uber étaient des employés et pouvaient à ce titre prétendre aux prestations chômage 221 ( * ) .

Les jugements en la matière ne sont pas forcément nombreux puisqu'en vertu du système judiciaire américain, les parties ont tout intérêt à trouver un accord amiable. Ainsi en mars 2019, Uber a réglé un conflit juridique ancien avec des chauffeurs en Californie et au Massachusetts. Les chauffeurs souhaitaient être requalifiés en employés, Uber a obtenu qu'ils demeurent des indépendants contre un paiement total de 20 millions de dollars. Par cet accord, l'entreprise a mis fin à une bataille engagée en 2013.

Cependant, le mouvement vers la requalification en salarié dans certains États fédérés essentiels pour l'essor de l'économie des plateformes semblent d'ores et déjà lancé. En mai 2019, une cour d'appel fédérale a jugé que les critères du test ABC imposés par la Cour suprême de Californie pouvaient être utilisés rétroactivement en Californie. 222 ( * ) La décision portait sur une entreprise de nettoyage mais il est généralement attendu qu'elle ait un impact très important sur les franchiseurs comme McDonald's et les plateformes numériques opérant en Californie, qui pourraient être amenées à y requalifier en salariés les contractants indépendants qu'elles emploient.

Le législateur tente désormais de reprendre la main. Pour éviter les erreurs de classification des travailleurs, et en se fondant sur l'arrêt de la Cour suprême de Californie, l'assemblée de Californie a adopté le 29 mai 2019 un projet de loi 223 ( * ) visant à insérer dans le code du travail des dispositions concernant le statut d'employé et celui d'indépendant. L'exposé des motifs indique expressément que « cette loi témoignerait de l'intention de la Législature de codifier la décision Dynamex et de clarifier son application. Cette loi permettrait, selon l'exposé des motifs, que le test « ABC » soit appliqué à l'appui de la détermination du statut d'un travailleur en tant que salarié ou indépendant [...] » . Les trois conditions cumulatives du test ABC sont reprises dans ce qui deviendrait, en cas d'adoption définitive, l'article 2750.3 du code du travail californien. Le texte a été transmis au Sénat de Californie le 30 mai 2019. L'analyse du texte proposé, réalisée le 1 er avril 2019, indique que des études récentes tendent à établir la prévalence de l'erreur de classification dans les industries en croissance et en particulier dans le secteur fondé sur les applications à la demande. 224 ( * )

En revanche, au niveau fédéral, le ministère du travail américain a publié le 29 avril 2019 un avis juridique ( opinion letter ) estimant que les travailleurs des plateformes numériques sont des entrepreneurs indépendants et non des employés 225 ( * ) . Pour asseoir son point de vue, il a appliqué six critères tirés de la jurisprudence de la Cour suprême et portant sur la nature et le degré du contrôle de l'employeur potentiel, sur la permanence de la relation du travailleur avec l'employeur potentiel, sur le montant de l'investissement du travailleur en installations, équipements ou embauche d'aides, sur le niveau de compétence, d'initiative, de jugement ou d'anticipation demandé par la prestation de services, sur les opportunités de gain et de perte économique pour le travailleur et sur le niveau d'intégration dans l'entreprise de l'employeur potentiel.


* 1 https://www.cnr.it/en/doc-ethics

* 2 Decreto legislativo 30 marzo 2001, n. 165. Norme generali sull'ordinamento del lavoro alle dipendenze delle amministrazioni pubbliche (art. 54.5).

* 3 Legge 6 novembre 2012, n. 190. Disposizioni per la prevenzione e la repressione della corruzione e dell'illegalità nella pubblica amministrazione.

* 4 https://www.cnr.it/sites/default/files/public/media/doc_istituzionali/ethics/Carta-dei-principi-per-la-ricerca-nelle-scienze-sociali-e-umane-4-5-2017.pdf

* 5 https://www.cnr.it/sites/default/files/public/media/doc_istituzionali/codice-etica-deontologia-per-ricercatori-patrimonio-culturale-cnr.pdf?v=02

* 6 Dans le domaine des biens et des activités culturels, le code ad hoc met en exergue l'importance de la valorisation du patrimoine culturel, de l'absence de conditionnement politique, religieux ou socio-culturel dans la reconstruction historique et l'interprétation des résultats ; de la protection des monuments et l'usage de techniques non destructrices ainsi que du respect des restes humains, des croyances et des objets considérés sacrés.

* 7 Les actes administratifs devant être externes (esterni) en Italie, il s'agit d'un type d'actes dépourvus de caractère administratif étant donné qu'ils n'ont de validité qu'à l'égard de l'organisme lui-même.

* 8 Legge 22 aprile 1941 n. 633. Protezione del diritto d'autore e di altri diritti connessi al suo esercizio.

* 9 Legge 19 aprile 1925, n. 475. Repressione della falsa attribuzione di lavori altrui da parte di aspiranti al conferimento di lauree, diplomi, uffici, titoli e dignità pubbliche.

* 10 Décision n° 18826 du 15 mai 2011 de la troisième section de la chambre pénale de la Cour de cassation italienne (Cassazione penale, sez. III, sentenza 12/05/2011 n° 18826). Pour l'application de la loi de 1925 par le Conseil d'État italien cf. Cons. Stato Sez. VI, Sent., 29/01/2015, n. 412.

* 11 Real Decreto Legislativo. 20-06-1935, n. 1071. Modifiche ed aggiornamenti al testo unico delle leggi sulla istruzione superiore.

* 12 La Fédération néerlandaise des centres médicaux universitaires (NFU), l'Organisation néerlandaise pour la recherche scientifique (NWO), la Fédération des organismes de recherche appliquée (TO2-federatie), l'Union des universités néerlandaises (VSNU) et l'Union des hautes écoles professionnelles (VH).

* 13 K. Algra (président), Commissie “Verkenning herziening gedragscode wetenschapsbeoefening”, Adviesrapport, octobre 2016. Le code de conduite néerlandais de 2004 avait été amendé en 2014 sans être fondamentalement modifié. La révision de 2018 procède à une telle refonte qu'elle a créé un nouveau code et de nouvelles obligations qui ont nécessité un nouvel engagement écrit formel de toutes les parties.

* 14 VSNU, Landelijk Model Klachtenregeling Wetenschappelijke Integriteit.

* 15 Sur ce dernier point, le code de conduite ne leur fait pas obligation de prévoir une assistance juridique tout en les autorisant à l'organiser (§ 5.4, point 20).

* 16 Règlement LOWI, 20 mars 2018.

* 17 Le 1 % restant dans le budget de la DFG provient de fondations et de l'Union européenne.

* 18 § 1, Satzung der DFG, version du 2 juillet 2014, enregistrée auprès du tribunal de Bonn.

* 19 §§4-5, Satzung der DFG.

* 20 Les 12 membres de la commission étaient issus quasi exclusivement du domaine des sciences naturelles (physique, chimie, biologie) et de la médecine, à l'exception d'un juriste. Trois membres ne travaillaient pas dans une institution allemande : un Suisse, un Français et un Américain. Les différentes branches de l'Institut Max-Planck étaient bien représentées, envoyant trois membres au sein de la commission.

* 21 DFG, Vorschläge zur Sicherung guter wissenschaftlicher Praxis, Denkschrift - Empfehlungen der Kommission ”Selbstkontrolle in der Wissenschaft“, décembre 1997,-septembre 2013 (2e v)

* 22 Empfehlung 1 (Gute wissenschaftliche Praxis), DFG Vorschläge, 2013.

* 23 Empfehlung 7 (Sicherung und Aufbewahrung von Primärdaten), DFG Vorschläge, 2013.

* 24 Empfehlung 2 (Festlegung von Regeln) & Empfehlung 8 (Verfahren bei wissenschaftlichem Fehlverhalten).

* 25 Empfehlung 9 (Gemeinschaftliches Vorgehen außeruniversitärer Institute).

* 26 Empfehlung 14 (Forschungsförderung - Verwendungsrichtlinien).

* 27 Empfehlung 5 (Vertrauenspersonen - Ombudspersonen).

* 28 Empfehlung 16 (Ombudsman für die Wissenschaft).

* 29 Empfehlung 17 (Hinweisgeber, sog. Whistleblower).

* 30 Par exemple, DFG, Verfahrensordnung zur Feststellung eines wissenschaftliches Fehlverhaltens du 26 octobre 2011, dernière version amendée le 3 juillet 2018.

* 31 DFG, Verfahrensleitfaden zur guten wissenschaftlichen Praxis, septembre 2018.

* 32 Hochschulrektorenkonferenz, Musterordnung zum Umgang mit wissenschafltichem Fehlverhalten in den Hochschulen, 6 juillet 1998.

* 33 Ausschuß zur Untersuchung von Vorwürfen wissenschaftlichen Fehlverhaltens.

* 34 Ce comité central est composé de 39 membres du Senat de la DFG, de 16 représentants du gouvernement fédéral, de 16 représentants des Länder et de 2 représentants de l'Association des donateurs pour la science allemande.

* 35 Point III, 3., c in DFG, Verfahrensordnung zur Feststellung eines wissenschaftliches Fehlverhaltens (2018).

* 36 BVerwGE 147292/301. Cf. Kingreen & Poscher, Staatsrecht II - Grundrechte,
(33. Auflage), Müller, 2017, pp. 201-202.

* 37 BVerwGE 53/96 du 12 décembre 1996 (dernière instance administrative confirmant les jugements du tribunal administratif de Giessen de 1993 et de la Cour administrative de Hesse de 1995).

* 38 BVerfG, 1 BVR 653/97 du 8 août 2000 ; à l'unanimité, les juges constitutionnels rejettent le recours de l'université contre les condamnations prononcées par le juge administratif dans l'affaire.

* 39 Universities UK, The Concordat to Support Research Integrity, juillet 2012.

* 40 Les sept anciens Research Councils ont été regroupés en avril 2018 sous l'ombrelle d'un nouvel organisme, United Kingdom Research and Innovation (UKRI), créé par le Higher Education and Research Act et doté d'un budget global de 7 milliards £.

* 41 Le Wellcome Trust est une fondation caritative. Disposant d'environ 15 milliards £ d'actifs, elle agit comme un acteur essentiel du financement de la recherche médicale.

* 42 House of Commons, Science and Technology Committee, Research integrity, Sixth Report of Session 2017-19, HC 350, 11 juillet 2018.

* 43 HC, op. cit., p. 14.

* 44 Ibid., p.20.

* 45 Ibid., p. 21.

* 46 Ibid., p. 41.

* 47 Ibid., p. 26

* 48 Ibid., p. 23.

* 49 Ibid., pp. 49-50.

* 50 Lov nr 383 om videnskabelig uredelighed du 26 avril 2017.

* 51 Il convient de relever que ce rapport était défavorable à la mise en place d'un système de protection des lanceurs d'alerte, en insistant sur la grande difficulté de garantir l'anonymat dans des équipes de recherche de taille souvent réduite et sur les risques d'attiser les conflits au sein même des équipes.

* 52 E. Füzéki & W. Banzer, « Exercise Referral in Germany », Schweizerische Zeitschrift für Sportmedizin und Sporttraumatologie, 62(2), 2014, pp. 29-31. L'élan est donné dès la fin des années 1970 à la prévention des maladies chroniques par le sport (§ 73 Abs. 1 SGB V). Le système de prévention par le sport, qui ne rentre pas dans le champ de l'étude, bénéficie du soutien et de l'implication de l'Ordre fédéral des médecins, de la Société allemande pour la médecine du sport et la prévention et du Comité sportif olympique allemand.

* 53 § 64 (1) 3 & 4 Sozialgesetzbuch (SGB) IX - Rehabilitation und Teilhabe von Menschen mit Behinderungen

* 54 Ne sont pas pris en charge par la sécurité sociale les coûts d'habillement et d'équipements (chaussures, maillots, etc.).

* 55 ALG : Gesetz über die Alterssicherung der Landwirte

* 56 BVG : Bundesversorgungsgesetz

* 57 Un soutien financier supplémentaire peut être apporté aux chômeurs et aux personnes qui relèvent de l'assurance-dépendance (Pflegeversicherung) lorsque leur couverture n'est pas garantie (§ 64 (2) SGB IX).

* 58 Bundesarbeitsgemeinschaft für Rehabilitation (BAR), Rahmenvereinbarung über den Rehabilitationssport und das Funktionstraining du 1 er janvier 2011. L'accord engage les caisses d'assurance sociale (définies comme porteurs de la réadaptation - Rehabilitationsträger), la Fédération du handisport (en représentation du comité olympique), les associations d'entraide contre l'ostéoporose et de la lutte contre les rhumatismes, la société allemande de prévention des maladies cardiaques et l'association fédérale des médecins conventionnés. En outre, se sont joints à l'accord diverses associations de lutte contre une maladie déterminée (sclérose en plaques, fibromyalgie, Parkinson, spondylarthrite ankylosante) et des associations de promotion du sport-santé (DVGS, RehaSport Deutschland).

* 59 Les caisses de retraite (régime général et régime des agriculteurs) autorisent la délivrance de l'ordonnance par un médecin du centre de rééducation où se dérouleront les séances d'activité physique prescrites.

* 60 Le Muster 56 : http://kbv.de/media/sp/Muster_56.pdf

* 61 Le régime général des retraites étend la période de validité de la prescription de 6 mois à un an. L'assurance sociale contre les accidents du travail ne limite pas en général la durée et le nombre de séances qui peuvent être prescrits et autorise plus facilement la reconduction de la prescription.

* 62 Parésie cérébrale infantile, paraplégie/tétraplégie, double amputation des membres, tumeur cérébrale, AVC, grave traumatisme crânien, sclérose en plaques, Parkinson, spondylarthrite ankylosante, maladie des os de verre, atrophie musculaire, Marfan, asthme bronchique, maladie pulmonaire obstructive chronique, mucoviscidose, polyneuropathie, insuffisance rénale définitive.

* 63 BAR, Qualifikationsanforderungen « Übungsleiter/in in Rehabilitationssport », 1 er janvier 2012.

* 64 Legge regionale 11 maggio 2015, n. 8 “Disposizioni generali in materia di attività motoria e sportiva”

* 65 Legge Regionale n. 18 del 27.06.2016, Disposizioni di riordino e semplificazione normativa in materia di politiche economiche, del turismo, della cultura, del lavoro, dell'agricoltura, della pesca, della caccia e dello sport. capo VIII art. 72: Modifiche dell'articolo 21 “Palestre della Salute” della legge regionale 11 maggio 2015, n. 8 “Disposizioni generali in materia di attività motoria e sportiva”.

* 66 Deliberazione della Giunta Regionale (DGR) Modifica degli Allegati "A" e "B" della D.G.R. n. 925 del 23/06/2017, "Approvazione dei requisiti e del procedimento necessari ad ottenere la certificazione di "Palestra della salute" e degli indirizzi relativi alla formazione, ai sensi dell'articolo 21, comma 3, Legge Regionale n. 8 del 11 maggio 2015.

* 67 Art. 21 al. 1 loi régionale de 2015 dans sa version modifiée.
Cf. également le site de la région sur la prescription médicale d'activité physique :
https://www.regione.veneto.it/web/sanita/prescrizione-esercizio-fisico .

* 68 Giunta regionale della Regione autonoma della Sardegna. Deliberazione n. 44/34 del 22.9.2017 Adozione di indirizzi operativi sulla promozione/prescrizione dell'attivita` fisica e sulla prescrizione dell'esercizio fisico a persone con patologie croniche.

* 69 Tel qu'il a été prévu dans le Plan régional sarde pour la prévention 2014-2018 (Piano Regionale di Prevenzione 2014-2018 (PRP)), approuvé par délibération n° 30/21 du Conseil régional du 16 juin 2015 (Giunta regionale della Sardegna. Delibera del 16 giugno 2015, n. 30/21).

* 70 http://www.rochdale.gov.uk/health-and-wellbeing/be-active/Pages/exercise-referral-scheme.aspx

* 71 https://www.kent.gov.uk/__data/assets/pdf_file/0005/79754/Exercise-Referral-Scheme-info-pack.pdf

* 72 http://www.cardiffandvaleuhb.wales.nhs.uk/national-exercise-referral-scheme

* 73 https://www.wlga.gov.uk/national-exercise-referral-scheme-ners

* 74 Ce système prévoit que les dépenses annuelles de médicaments d'un patient soient plafonnées à 2 300 SEK soit l'équivalent de 220 €, au-delà desquelles la région prend en charge les frais excédentaires.

* 75 Dans le cas particulier où l'employeur prendrait en charge le coût de la prestation, les frais seraient déductibles si la prestation était une mesure de rééducation dont il serait responsable selon le code de la sécurité sociale ou si l'activité concernait une rééducation ou un traitement préventif visant à permettre au salarié de continuer à travailler.

https://www4.skatteverket.se/rattsligvagledning/324264.html

* 76 http://www.farskane.se/globalassets/skanes-idrottsforbund-far/dokument/far-folder-till-aktorer.pdf

* 77 https://csepguidelines.ca/wp-content/uploads/2018/04/CSEP_PAGuidelines_adults_fr.pdf

* 78 https://www.canada.ca/content/dam/phac-aspc/documents/services/publications/chief-public-health-officer-reports-state-public-health-canada/2017-designing-healthy-living/2017-concevoir-mode-vie-sain-fra.pdf p. 14

* 79 https://aqmse.org/wp-content/uploads/2014/10/prescription-dexercices.pdf

* 80 https://aqmse.org/wp-content/uploads/2014/10/outil-prescription-exercices.pdf

* 81 Équivalents des médecins généralistes en France

* 82 Association qui promeut l'activité en particulier chez les enfants et la recherche sur les maladies orphelines

* 83 https://www.gdplmd.com/fr/pourquoi-bouger

* 84 http://guidelines.diabetes.ca/cdacpg/media/documents/patient-resources/fr/Patient_Provider_Prescription_Tool_FR_FINAL_June17_2014.pdf

* 85 https://scleroseenplaques.ca/library/document/weVOHUzdm4Q9NRcErWIjgLb7S5xYD8Jl/original.pdf

* 86 Art. 1 er bis, Decreto-Legge. 24 aprile 2017, n. 50. Disposizioni urgenti in materia finanziaria, iniziative a favore degli enti territoriali, ulteriori interventi per le zone colpite da eventi sismici e misure per lo sviluppo. Équivalent fonctionnel d'une ordonnance, il a été modifié et ratifié par la loi 96/2017.

* 87 Art. 1, points 1011 à 1019, Legge 27 dicembre 2017, n. 205 Bilancio di previsione dello Stato per l'anno finanziario 2018 e bilancio pluriennale per il triennio 2018-2020.

* 88 L'article 1 point 1012 renvoyait au décret d'application de ces dispositions le soin de définir et indiquer les transactions qui rentraient dans son champ d'application, ces transactions étant en tout état de cause celles réalisées à travers Internet ou à travers un réseau électronique de sorte que l'opération devienne essentiellement automatisée et avec une intervention humaine minime.

* 89 Art. 1, points 35 à 45, Legge 30 dicembre 2018, n° 145. Bilancio di previsione dello Stato per l'anno finanziario 2019 e bilancio pluriennale per il triennio 2019-2021.

* 90 Respectivement, en italien, l'Autorita` per le garanzie nelle comunicazioni, il Garante per la protezione dei dati personali e l'Agenzia per l'Italia digitale.

* 91 La loi exclut de son champ d'application les sociétés contrôlées par une autre société aux termes de l'article 2359 du code civil italien, équivalent de l'article L. 233-3 du Code de commerce français.

* 92 121/000039 Proyecto de Ley del Impuesto sobre Determinados Servicios Digitales. Le ministère des finances espagnol avait élaboré un avant-projet de loi portant création d'une taxe sur certains services numériques soumis à la procédure de consultation publique le 23 octobre 2018. Il a également réalisé une étude d'impact sur l'avant-projet de loi en question. http://www.hacienda.gob.es/Documentacion/Publico/NormativaDoctrina/Proyectos/Tributarios/MAIN%20APL%20IDSD.pdf

* 93 Finance Act 2015 (Royal assent : 26 mars 2015), Part 3.

* 94 En l'absence de fixation d'un seuil spécifique pour la qualification de PME au sens de la Diverted Profits Tax, il convient de se référer à la définition standard comme entreprise de moins de 250 salariés. Il y a 5,7 millions de PME au Royaume-Uni selon cette définition soit 99 % des entreprises. Cf. House of Commons, C. Rhodes, Briefing Paper N.06152, Business Statistics, 12 décembre 2018.

* 95 Les bénéfices détournés sont taxés à 55 % lorsqu'ils sont intégrés dans un schéma de ring-fencing (séparation et cantonnement des actifs ou des bénéfices au sein d'une même entité pour des raisons de régulation sectorielle ou fiscales).

* 96 Taux de conversion au 21 mars 2019. Les fluctuations à la baisse de la livre britannique à l'approche du Brexit tendent à sous-estimer la valeur du seuil en euros.

* 97 https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/752172/DST_web.pdf

* 98 Tax Laws Amendment (Combating Multinational Tax Avoidance) Act 2015, (Royal Assent : 11/12/2015)

* 99 Treasury Laws Amendment (Combating Multinational Tax Avoidance) Act 2017 & Diverted Profits Tax Act 2017, (Royal Assent : 04/04/2017)

* 100 Le taux normal est en principe de 30 %, avec la perspective de le baisser à 25 % dans les prochains budgets.

* 101 Treasury Laws Amendment (2018 Measures No. 5) Bill 2018 : Online hotel bookings, projet de loi déposé au Parlement australien en Septembre 2018.

* 102 The digital economy and Australia's corporate tax system, Treasury Discussion Paper, Commonwealth of Australia, October 2018.

* 103 https://www.beehive.govt.nz/sites/default/files/2019-02/18%20February%202019%20Post%20Cab%20Press%20Conference.pdf

* 104 Un rapport d'étape, dont les premières recommandations étaient conformes à celles du document final, avait été rendu public en septembre 2018

* 105 https://taxworkinggroup.govt.nz/sites/default/files/2019-03/twg-final-report-voli-feb19-v1.pdf p.78-79

* 106 https://www.parliament.nz/en/pb/bills-and-laws/bills-proposed-laws/document/BILL_75623/taxation-neutralising-base-erosion-and-profit-shifting

* 107 Il n'appartient pas au juge d'examiner la constitutionnalité des traités, ni de décider s'il aurait fallu appliquer la procédure de majorité renforcée. Cf. G. Boogaard & J. Uzman, Commentaar op de Nederlandse Grondwet, art. 120-Toetsingsverbod, janvier 2016, consultable en ligne.

* 108 Grondwet, art. 92: “Met inachtneming, zo nodig, van het bepaalde in artikel 91, derde lid, kunnen bij of krachtens verdrag aan volkenrechtelijke organisaties bevoegdheden tot wetgeving, bestuur en rechtspraak worden opgedragen.” Pour un commentaire, cf. FMC Vlemminx, Commentaar op de Nederlandse Grondwet, art. 92-Bevoegheden volkenrechtelijke organisaties, juillet 2015, consultable en ligne.

* 109 GW art. 93: “Bepalingen van verdragen en van besluiten van volkenrechtelijke organisaties, die naar haar inhoud een ieder kunnen verbinden, hebben verbindende kracht nadat zij zijn bekendgemaakt.” Pour un commentaire, notamment sur l'explicitation de l'effet direct du droit international sur le fondement de la jurisprudence de la Haute Cour néerlandaise, cf. FMC Vlemminx & ACM Meuwese, Commentaar op de Nederlandse Grondwet, art. 93-Verbindende kracht verdrag, août 2018, consultable en ligne.

* 110 AW Heringa, Staatsrecht, Boomjuridisch, 2017, pp. 159-150.

* 111 Hoge Raad (HR), 10 octobre 2014, (Rookverbod), NJ 2015/12.

* 112 GW art. 94 : “Binnen het Koninkrijk geldende wettelijke voorschriften vinden geen toepassing, indien deze toepassing niet verenigbaar is met een ieder verbindende bepalingen van verdragen en van besluiten van volkenrechtelijke organisaties.” FMC Vlemminx & ACM Meuwese, Commentaar op de Nederlandse Grondwet, art. 94-Verdrag boven wet, août 2018, consultable en ligne.

* 113 HR, 2 novembre 2004 (Verplichte rusttijden), AR1797

* 114 GW, art. 120: “De rechter treedt niet in de beoordeling van de grondwettigheid van wetten en verdragen.” Cf. AW Heringa, Staatsrecht, Boomjuridisch, 2017, pp. 133-138.

* 115 Cour constitutionnelle de Belgique, Arrêt n° 58/2009 du 19 mars 2009

* 116 La loi de 1972 relative au 3 e amendement à la Constitution autorise l'Irlande à devenir un État membre de la Communauté européenne, selon la dénomination de l'époque. La loi de 1987 relative au 10 e amendement à la Constitution autorise l'État à ratifier l'Acte unique européen. La loi de 1992 sur le 11 e amendement à la Constitution autorise l'État irlandais le Traité de Maastricht sur l'Union européenne et à en devenir membre. La loi de 1998 sur le 18 e amendement à la Constitution autorise l'Irlande à ratifier le Traité d'Amsterdam, la loi de 2002 relative au 26 e amendement à la Constitution autorise l'État à ratifier le Traité de Nice, la loi de 2009 relative au 28 e amendement à la Constitution autorise l'État irlandais à ratifier le Traité de Lisbonne. Enfin, la loi de 2012 relative au 30 e amendement à la Constitution autorise l'Irlande à ratifier le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l'Union économique et monétaire.

* 117 Crotty v. An Taoiseach, [1987] IESC 4

* 118 J. O' Connor, « L'Acte unique européen devant la Cour suprême d'Irlande (Affaire Crotty) », Annuaire français de droit international , volume 33, 1987. pp. 762-773.

* 119 Pringle -v- Government of Ireland & ors, [2012] IESC 47.

* 120 Rea -v- Ireland and ors, [2016] IESC 19. Cf. point 18.

* 121 GRL, § 20, Stk. 1 : ”Beføjelser, som efter denne grundlov tilkommer rigets myndigheder, kan ved lov i nærmere bestemt omfang overlades til mellemfolkelige myndigheder, der er oprettet ved gensidig overenskomst med andre stater til fremme af mellemfolkelig retsorden og samarbejde”.

* 122 F. Waage, Forfatningsret, Karnov, 2018, p. 28.

* 123 F. Waage, Forfatningsret, Karnov, 2018, pp. 166 & 176-177.

* 124 H. Zahle, Dansk forfatningsret, t. 2, 2003, p. 2011.

* 125 Højesteret, U 2010.1547.

* 126 Højesteret, U 1998.800.

* 127 Højesteret, U 2017.824. Cf., F. Waage, Forfatningsret, Karnov, 2018, pp. 30-31.

* 128 Par exception à sa ligne directrice, la division de la Législation comparée s'est appuyée pour étudier le cas estonien non sur les textes en langue originale mais sur la version en anglais officielle dès lors que le pays mène une politique constante et systématique de mise à disposition de sa législation en anglais.

* 129 Constituþia României, art. 148, (1) :”Aderarea României la tratatele constitutive ale Uniunii Europene, în scopul transferãrii unor atribuþii cãtre instituþiile comunitare, precum °i al exercitãrii în comun cu celelalte state membre a competenþelor prevãzute în aceste tratate, se face prin lege adoptatã în °edinþa comunã a Camerei Deputaþilor °i Senatului, cu o majoritate de douã treimi din numãrul deputaþilor °i senatorilor.” La même règle est prévue pour l'approbation du Traité de l'Atlantique Nord à l'article 149.

* 130 Constituþia României, art. 148, (2) :”Ca urmare a aderãrii, prevederile tratatelor constitutive ale Uniunii Europene, precum °i celelalte reglementãri comunitare cu caracter obligatoriu, au prioritate faþã de dispoziþiile contrare din legile interne, cu respectarea prevederilor actului de aderare.”

* 131 Constituþia României, art. 135, (2) :” Statul trebuie sã asigure: [...] g) aplicarea politicilor de dezvoltare regionalã în concordanþã cu obiectivele Uniunii Europene. »

* 132 Constituþia României, art. 135, (2) : ”Moneda naþionalã este leul, iar subdiviziunea acestuia, banul. În condiþiile aderãrii la Uniunea Europeanã, prin lege organicã se poate recunoa°te circulaþia °i înlocuirea monedei naþionale cu aceea a Uniunii Europene.”

* 133 Les Pays-Bas, le Danemark et la Suède sont aussi dans ce cas.

* 134 § 611a (1), BGB: ”Durch den Arbeitsvertrag wird der Arbeitnehmer im Dienste eines anderen zur Leistung weisungsgebundener, fremdbestimmter Arbeit in persönlicher Abhängigkeit verpflichtet. Das Weisungsrecht kann Inhalt, Durchführung, Zeit und Ort der Tätigkeit betreffen. Weisungsgebunden ist, wer nicht im Wesentlichen frei seine Tätigkeit gestalten und seine Arbeitszeit bestimmen kann. Der Grad der persönlichen Abhängigkeit hängt dabei auch von der Eigenart der jeweiligen Tätigkeit ab. Für die Feststellung, ob ein Arbeitsvertrag vorliegt, ist eine Gesamtbetrachtung aller Umstände vorzunehmen. Zeigt die tatsächliche Durchführung des Vertragsverhältnisses, dass es sich um ein Arbeitsverhältnis handelt, kommt es auf die Bezeichnung im Vertrag nicht an.“

* 135 S. Kamanabrou, Arbeitsrecht, Mohr Siebeck, 2017, p. 29. Cf. les décisions du BAG du 30 septembre 1989 (5 AZR 563/97) et du 16 mars 1994 (5 AZR 447/92).

* 136 § 84 Abs. 1 S. 2 HGB. Dans le cas particulier de l'agent commercial (Handelsvertreter).

* 137 Cf. BAG, 13 novembre 1983 (5 AZR 149/82) et BAG, 19 novembre 1997 (5 AZR 21/97).

* 138 Pour : BAG, 19 novembre 1997 (5 AZR 653/96) ; Contre : BAG, 25 mai 2005 (5 AZR 347/04).

* 139 S. Kamanabrou, op. cit., p. 31. Cf. BAG, 19 novembre 1997 (5 AZR 653/96) et BAG, 22 août 2001 (5 AZR 502/99).

* 140 Stricto sensu , le droit des assurances sociales n'emploie pas les mêmes catégories que le droit du travail en Allemagne. Les titulaires d'un emploi non-indépendant sont assurés dans tous les branches de la sécurité sociale : §7, Abs. 1, Sozialgesetzbuch (SGB) IV.

* 141 S. Kamanabrou, op. cit., p. 48.

* 142 BAG, 30 août 2000 (5 AZB 12/00) et BAG, 15 novembre 2005 (9 AZR 626/04).

* 143 BAG, 11 juin 2003 (5 AZB 43/02) et BAG, 15 novembre 2005 (9 AZR 626/04).

* 144 §12a (1) TVG. Le contrat visé est soit un contrat de prestation de service (Dienstvertrag), soit un contrat d'entreprise avec obligation de résultat (Werkvertrag). Si la rémunération à laquelle a droit le quasi salarié de la part de l'employeur n'est pas prévisible, alors, à moins que la convention collective du secteur n'en dispose autrement, les calculs sont effectués sur la base des six derniers mois ou de la durée de la prestation si elle est inférieure.

* 145 § 5, Abs. 1, S.2, Arbeitsgerichtsgesetz (ArbGG).

* 146 §2, Bundesurlaubsgesetz (BUrlG).

* 147 §2, Abs. 2, Arbeitsschutzgesetz (ArbSchG).

* 148 § 6, Abs. 1 S.1, Allgemeines Gleichbehandlungsgesetz (AGG).

* 149 §2, Nr 9, Sozialgesetzbuch (SGB) VI.

* 150 § 2, Abs. 1, S. 1, Heimarbeitsgesetz (HAG) : ”Heimarbeiter im Sinne dieses Gesetzes ist, wer in selbstgewählter Arbeitsstätte (eigener Wohnung oder selbstgewählter Betriebsstätte) allein oder mit seinen Familienangehörigen (Absatz 5) im Auftrag von Gewerbetreibenden oder Zwischenmeistern erwerbsmäßig arbeitet, jedoch die Verwertung der Arbeitsergebnisse dem unmittelbar oder mittelbar auftraggebenden Gewerbetreibenden überläßt.“

* 151 § 2, Abs. 2, HAG.

* 152 § 2, Abs. 3, HAG.

* 153 § 1, Abs. 2, HAG.

* 154 BAG, 3 avril 1990 (3 AZR 258/88).

* 155 § 6, HAG.

* 156 § 11, HAG.

* 157 § 8, HAG.

* 158 § 17, HAG.

* 159 § 29 & 29a, HAG.

* 160 § 5, Abs. 1, Betriebsverfassungsgesetz (BetrVG).

* 161 §10, Entgeltfortzahlungsgesetz (EFZG).

* 162 §12, Bundesurlaubsgesetz (BUrlG).

* 163 Cf. les analyses de B. Waas, « Crowdwork in Germany », in B. Waas, W. Liebman, A. Lyubarski & K. Kezuka, Crowdwork - A Comparative Law Perspective, HIS-Schriftenreihe, Band 22, Bund Verlag, 2017. Voir également la présentation de J. Beckmann, “The Legal Status of Crowdworkers under German Law”, HSI Meeting Amsterdam - `The Gig Economy - Challenges for Labour Law”, 29 septembre 2017.

* 164 BAG, 28 février 1989 (3 AZR 468/87).

* 165 Bundesministerium für Wirtschaft und Energie, Industrie 4.0 - wie das Recht Schritt hält, Ergebnispapier, octobre 2016, p. 31.

* 166 K. Jürgens, R. Hoffmann, C. Schildmann, Arbeit transformieren !, Denkanstösse der Kommission ”Arbeit der Zukunft“, Hans Böckler Stiftung, Band 189, décembre 2017.

* 167 http://faircrowd.work/de/

* 168 Stricto sensu, les employees pouvant être des workers, il faudrait parler de limb b) workers. Par souci de simplicité, on retient simplement le terme de worker. On fait également le choix de ne pas traduire en « travailleur », ni en « collaborateur occasionnel » pour éviter les confusions et les malentendus.

* 169 Après deux ans dans le même emploi salarié.

* 170 Sect. 230 (1) & (2), Employment Rights Act 1996.

* 171 D. Pyper, House of Commons Library, Employment Status, Briefing Paper, N. CBP 8045, 28 mars 2018.

* 172 Le cas fondamental a été décidé par la High Court en 1968 : Ready Mixed Concrete (South East) Ltd v Minister of Pensions and National Insurance [1968] 2 QB 497.

* 173 Court of Appeals (England and Wales), Express & ECHO Publications Ltd v Tanton [1999] EWCA Civ 949.

* 174 CoA (E&W), Stringfellow Restaurants Ltd v Quashie [2012] EWCA Civ 1735.

* 175 Employment Appeal Tribunal, Cotswold developments Construction Ltd v Williams [2006] IRLR181.

* 176 CoA ( E&W), Troutbeck SA v White & Anor [2013] EWCA Civ 1171

* 177 High Court, Market Investigations Ltd v Minister of Social Security [1969] 8 QB 173, 185.

* 178 Sect. 230 (3) (b), Employment Rights Act 1996. Le worker est reconnu depuis 1875 et dans sa forme moderne depuis 1971. Cette définition de worker issue de l'Employment Rights Act 1996 converge avec les notions utilisées pour interpréter les Working Time Regulations 1998 (R. 2 (1)) et l'Equality Act 2010 (sect. 83 (2)) comme l'a confirmé en 2018 la Supreme Court dans l'affaire Pimlico Plumbers v Smith (ci-dessous).

* 179 Employment Appeal Tribunal, Cotswold developments Construction Ltd v Williams [2006] IRLR181.

* 180 EAT, Byrnes Bros (Formwork) Ltd v Baird & Others [2002] ICR 667.

* 181 Par exemple, Dewhurst v CitySprint UK Ltd ET/2202512/2016 pour les coursiers à vélo et Addison Lee Ltd v Lange & Others UKEAT/0037/18/BA pour des chauffeurs de véhicule en 2017.

* 182 Supreme Court, Pimlico Plumbers Ltd v Smith [2018] UKSC 29, on appeal from [2017] EWCA Civ 51

* 183 Uber BV v Aslam [2018] EWCA Civ 2748.

* 184 Autoclenz Ltd v Belcher [2011] UKSC 41

* 185 Opinion majoritaire exprimée par le Master of the Rolls Etherton et Lord Justice Bean, Uber BV v Aslam [2018] EWCA Civ 2748, pt 105.

* 186 Independent Workers Union of Great Britain v Central Arbitration Committee [2018] EWHC 3342 (Admin)

* 187 Estatuto de los trabajadores, version révisée par le Real Decreto Legislativo 2/2015 du 23 octobre 2015.

* 188 Estatuto de los trabajadores, Disposición adicional primera: “El trabajo realizado por cuenta propia no estará sometido a la legislación laboral, excepto en aquellos aspectos que por precepto legal se disponga expresamente.”.

* 189 Estatuto del trabajo autónomo, Ley 20/2007 du 11 juillet 2007.

* 190 A. Martin Valverde, F. Rodriguez-Sanudo & J. Garcia Murcia, Derecho del trabajo, 25e édition, Tecnos, 2016, pp. 219.

* 191 Cette condition posée à l'art. 11 al. 2 a) du Statut de 2007 est assouplie dans certains cas limitativement énumérés qui justifient l'embauche d'un salarié unique vis-à-vis duquel le TRADE assume la position et les obligations d'un employeur : risque pour la mère pendant la grossesse ou l'allaitement naturel, périodes de repos pour une naissance ou adoption, garde de mineurs de 7 ans à charge, garde d'un parent dépendant ou handicapé.

* 192 Art. 14, Estatuto del trabajo autonomo, Ley 20/2007.

* 193 F. Pérez de los Cobos « El trabajo en plataformas digitales », CincoDías, 26 décembre 2018.

* 194 Juzgado de lo Social, n°33 de Madrid, Sentencia 53/2019 du 11 février 2019.

* 195 Ibid., fondement juridique n° 15.

* 196 Ibid., fondement juridique n° 16.

* 197 Sur le fondement des articles 5 et 9 de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants (LAVS) du 20 décembre 1946. Cette loi distingue les types de rémunérations soumises à cotisation et non les catégories de personnes qui doit s'acquitter de la cotisation.

* 198 ATF 122 V 169, S. S. gegen Ausgleichskasse des Kantons Zug und Verwaltungsgericht des Kantons Zug, du 27 juin 1996.

* 199 ATF 125 V 383, S. F. gegen Ausgleichskasse Luzern und Verwaltungsgericht des Kantons Luzern, du 20 octobre 1999.

* 200 Conseil fédéral, Les conséquences de la numérisation sur l'emploi et les conditions de travail : opportunités et risques, rapport du 8 novembre 2017, p. 54.

https://www.newsd.admin.ch/newsd/message/attachments/50255.pdf

* 201 D'après le lexique disponible sur le site du Parlement suisse, « le postulat charge le Conseil fédéral d'examiner l'opportunité, soit de déposer un projet d' acte de l'Assemblée fédérale , soit de prendre une mesure et de présenter un rapport à ce sujet. Il peut être déposé par la majorité d'une commission , par un groupe parlementaire ou par un député . Un postulat est réputé adopté dès qu'il a été approuvé par l'un des conseils ». C'est l'équivalent fonctionnel d'une résolution.

* 202 https://www.parlament.ch/fr/services/news/Pages/2018/20181212115810654194158159041_bsf086.aspx

* 203 Art. 340 et suivants du code des obligations.

* 204 TF 4C.360/2004, A . gegen B_AG, du 19 janvier 2005.

* 205 Art. 336 et suivants du Code des obligations suisse.

* 206 ATF 118 II 157, S. Marie-Therese B. gegen Y. R.-AG , du 26 mars 1992. Cf. en particulier le considérant 4 : ”[...] a) aa) Bei Dauerschuldverhältnissen, in welchen die eine Partei wirtschaftlich von der andern abhängig ist, kann die Schutzbedürftigkeit der schwächeren Vertragspartei die sinngemässe Anwendung zwingender Vorschriften erheischen, welche das Gesetz für verwandte Vertragstypen vorsieht (vgl. BAUDENBACHER, a.a.O., S. 213 f.). Voraussetzung ist allerdings stets, dass sich der Regelungsgedanke bestimmter gesetzlicher Schutzvorschriften auf das konkrete Vertragsverhältnis übertragen lässt. Ob und für welche Bestimmungen dies zutrifft, ist im Einzelfall ausgehend von der Bedeutung zu beurteilen, die der Vertrag für die schwächere Vertragspartei einnimmt. Massgebend sind die Art und das Ausmass der Abhängigkeit der schwächeren von der stärkeren Vertragspartei.

[...] bb) [...] All das rückt den Vertrag in seiner Bedeutung für die Beklagte in die Nähe eines Arbeitsverhältnisses, bestand doch, obschon die Beklagte ihre Geschäftstätigkeit formell selbständig ausübte, faktisch eine Abhängigkeit von der Klägerin, die derjenigen des Arbeitnehmers vom Arbeitgeber zumindest sehr nahe kommt. Damit rechtfertigt sich die sinngemässe Anwendung arbeitsrechtlicher Schutzvorschriften.“

* 207 Conseil fédéral, Les conséquences de la numérisation sur l'emploi et les conditions de travail : opportunités et risques, rapport du 8 novembre 2017, p. 58.

* 208 Pour mémoire, Uber opère par exemple en Suisse via une entité de droit néerlandais.

* 209 Sur les critères de Common law et le test d'economic realities, cf. les analyses de W.B. Liebman & A. Lyubarsky, « Crowdworkers, the Law and the Future of Work : The U.S. », in B. Waas, W. Liebman, A. Lyubarski & K. Kezuka, Crowdwork - A Comparative Law Perspective, HIS-Schriftenreihe, Band 22, Bund Verlag, 2017, pp. 24-142.

* 210 Walling v. Portland Terminal Co., 330 U.S. 148 (1947) et Nationwide Mutual Ins. Co. v. Darden, 503 U.S. 318, 326 (1992).

* 211 29 U.S.Code § 203(e)(1).

* 212 29 U.S. Code § 203(g).

* 213 Rutherford Food Corp. v. McComb, 331 U.S. 722, 728-29 (1947).

* 214 Cal. Ct. App., Estrada v. FedEx Ground Package Sys., Inc ., 64 Cal. Rptr. 3d 327, 335-336 (2007).

* 215 D Weil, U.S. Department of Labor, Wage and Hour Division , `“Suffer or Permit” Standard in the Identification of Employees Who Are Misclassified as Independent Contractors', Administrator's Interpretation No. 2015-1 , (15 July 2015).

* 216 Massachusetts General Laws., ch. 149, § 148B.

* 217 Delaware Workplace Fraud Act, §3501 (a) (7).

* 218 SC of California, Dynamex Operations West Inc. v. Superior Court of Los Angeles County, S222732, 30 avril 2018.

* 219 Exemples donnés par la Cour sur la base d'affaires déjà traitées : un plombier recruté par un commerce de détail pour réparer une fuite serait un indépendant, mais des couturières à domicile employées par un fabricant de vêtements ou un décorateur de gâteaux employé pour personnaliser les gâteaux d'un pâtissier font partie du personnel des entreprises et doivent être considérés comme salariés.

* 220 U.S. District Court, Eastern Distrct of Pennsylvania, Ali Razak & others v. Uber Technologies Inc., No. 16-573, 11 avril 2018.

* 221 https://nelp.org/news-releases/nysdols-employee-status-ruling-new-york-uber-drivers/

* 222 U.S. Court of Appeals, Ninth Circuit, Vasquez v. Jan-Pro Franchising International, Inc. , 2 mai 2019.

* 223 https://leginfo.legislature.ca.gov/faces/billTextClient.xhtml?bill_id=201920200AB5

* 224 https://leginfo.legislature.ca.gov/faces/billAnalysisClient.xhtml?bill_id=201920200AB5#

* 225 https://www.dol.gov/newsroom/releases/whd/whd20190429

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