EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La France est fière d'être un pays d'immigration ancienne et riche de ce que cette immigration lui a apporté. Depuis vingt ans, les flux migratoires s'accélèrent dans toute l'Europe. Il est nécessaire de regarder cette réalité au moment où les demandes d'asile, par exemple augmentent de soixante pourcent dans l'Union européenne en 2022, pour préparer notre pays aux défis qui l'attendent, pour mieux contrôler nos frontières et lutter contre l'immigration irrégulière, pour faire droit à la demande d'asile légitime, et assurer l'intégration effective des immigrés arrivant légalement sur notre territoire.

Rappelons en premier lieu que l'intégration européenne est à l'origine d'une mobilité accrue entre États-membres, qui permet à chaque Français de s'établir librement chez nos partenaires et réciproquement, d'y étudier ou d'y travailler. Avec le reste du monde également, les flux migratoires de toutes natures n'ont cessé de progresser.

La demande d'asile en France a ainsi triplé en dix ans, passant de 36 000 demandes en 2010 à 121 268 en 2021, dont plus du tiers résulte de mouvements secondaires au sein de l'Union européenne, après passage par un pays de première entrée, même si nous en connaissons un tiers de moins qu'en Allemagne.

L'immigration régulière, qui traduit le renforcement de l'attractivité de notre pays, pour les étudiants étrangers ou les profils qualifiés, est majoritairement familiale depuis les années 1970 et la régulation forte de l'immigration de travail.

Depuis 2017, le Gouvernement a mobilisé des moyens sans précédent pour notre politique migratoire. La loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie a fixé un cap clair, qui a donné des résultats dans un contexte rendu particulièrement incertain par les crises que nous avons traversées.

La lutte contre l'immigration irrégulière a ainsi pu s'appuyer sur des instruments juridiques renforcés, qu'il s'agisse de l'augmentation du temps laissé aux policiers et aux gendarmes pour la vérification de la situation administrative, ou de la durée maximale de rétention administrative portée à 90 jours. Ses effets ont été réels. Les éloignements forcés sont parvenus à un niveau jamais atteint de près de 19 000 mesures exécutées en 2019 et un total de 24 000 éloignements et plus de 31 000 éloignements et départs d'étrangers en situation irrégulière comptabilisés. Après deux années 2020 et 2021 marquées par les restrictions sanitaires, le nombre d'éloignements a de nouveau progressé de 20% en 2022, au prix d'un effort diplomatique permanent avec les principaux pays concernés.

La réponse de l'État à l'endroit des étrangers constituant une menace pour l'ordre public a fait l'objet de la plus grande fermeté. Depuis 2017, plus de 700 étrangers radicalisés ont été expulsés. En deux ans, plus de 90 000 titres de séjour ont été retirés ou refusés, et 3 200 étrangers représentant une menace pour l'ordre public ont été expulsés du territoire français.

Depuis cinq ans, des moyens inédits ont été engagés pour faire diminuer les délais d'instruction des demandes d'asile. L'OFPRA et la CNDA ont vu une augmentation significative de leurs effectifs, ce qui a permis d'enregistrer des progrès, qui restent néanmoins insuffisants pour répondre à la dynamique de la demande qui reprend très fortement en 2022 et dépassera 120 000 nouvelles demandes enregistrées. L'orientation directive des demandeurs d'asile sur le territoire, combinée à la création de 26 000 places d'hébergement depuis 2017 a permis de faire progresser la part des demandeurs d'asile hébergés de 50 à plus de 70 %.

Pour renforcer l'attractivité économique et scientifique de notre pays, le plan « Bienvenue en France » a fixé l'objectif d'accueillir 500 000 étudiants étrangers en France d'ici 2027. L'élargissement du titre passeport talents aux chercheurs et aux créateurs d'entreprises a déjà permis de renforcer l'immigration professionnelle très qualifiée, décisive pour le dynamisme de notre économie.

La politique d'intégration menée au bénéfice des étrangers a enfin été profondément renouvelée. La refonte du contrat d'intégration républicaine a ainsi permis de doubler le nombre d'heures de formation linguistique et de formation civique grâce à un effort de financement inédit de 190 millions d'euros supplémentaires. Les exigences linguistiques ont par ailleurs été relevées pour l'accès à la nationalité française.

L'évolution des flux migratoires se traduit par une forte hausse des demandes de visas et titres de séjour depuis 2009.

À titre d'illustration 1 ( * ) sur une période de dix ans, allant de 2009 à 2019 2 ( * ) :

- en 2009, 2 083 733 visas ont été demandés (1 823 631 ont été délivrés), alors qu'en 2019, 4 290 040 visas avaient été demandés (3 534 999 délivrés) ;

- en 2009, 194 410 premiers titres de séjour ont été délivrés, alors qu'en 2019, ils étaient plus de 277 466 ;

La délivrance des premiers titres de séjour par famille de motifs est représentée ci-dessous :

Pour ce qui concerne la demande d'asile, celle-ci a considérablement augmenté de 2015 à 2019, période pendant laquelle le nombre de demandes reçues à l'OFPRA est passé de 80 075 à 132 625.

La loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur 3 ( * ) a acté une hausse du budget pour permettre d'atteindre l'objectif de 3 000 places de rétention administrative. Le rapport annexé à cette loi prévoit que le délai de traitement d'un dossier par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides sera abaissé à soixante jours.

Les chiffres relatifs à l'immigration, à l'asile et à l'intégration, sur une période longue, sont publiés en annexe de la présente étude d'impact.

Cinq ans après la dernière et seule loi du quinquennat précédent en matière d'immigration et d'asile, l'environnement international continue de peser sur les flux migratoires, alimentés par les évolutions démographiques, l'instabilité de plusieurs États de notre environnement proche, et les déplacements de population engendrés par le changement climatique.

La loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration renforcée (IMDAEIR), du 10 septembre 2018 4 ( * ) , avait été adoptée dans le contexte de post-crise migratoire.

Le projet de loi alors déposé consistait à concrétiser ces mesures dans les champs nécessitant des mesures de niveau législatif, expliquant qu'il soit organisé autour des trois objectifs suivants :

- la réduction des délais d'instruction de la demande d'asile ;

- le renforcement de la lutte contre l'immigration irrégulière ;

- l'amélioration de l'accueil des étrangers admis au séjour pour leurs compétences et leurs talents.

Cette loi, dont le contenu n'a fait l'objet d'aucune censure du Conseil constitutionnel, a été appliquée dans son intégralité dès le 1 er mars 2019, date où tous les textes d'application avaient été pris.

Les mesures de cette loi ont notamment permis :

- de créer dans la loi le principe d'orientation directive, qui a été mis en oeuvre via la publication du schéma national d'accueil des demandeurs d'asile ; cela permet de rééquilibrer la prise en charge des demandeurs d'asile sur le territoire national ;

- de permettre une meilleure évaluation des mineurs non accompagnés étrangers en autorisant la création d'un traitement de données (AEM) ;

- d'agir efficacement contre le maintien sur le territoire des déboutés de l'asile originaires de pays d'origine sûr ;

- la lisibilité et la compréhension du droit des étrangers en simplifiant le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; l'ordonnance portant recodification a été publiée en décembre 2020.

L'insertion professionnelle des immigrés, en particulier des femmes, reste nettement inférieure à celle du reste de la population, en raison notamment d'une maîtrise insuffisante du français.

La part des ressortissants étrangers dans la délinquance représente par ailleurs plus du double de leur représentation dans la population, situation qui s'est dégradée au cours des dernières années, particulièrement dans les grandes villes.

Cette pression migratoire est particulièrement marquée dans la région parisienne et dans quelques grandes métropoles, pesant sur les services publics, en particulier de l'hébergement et du logement.

Cette situation n'offre pas les conditions d'une intégration réussie.

Il est donc nécessaire de nous doter de nouveaux outils budgétaires et juridiques, d'engager une réforme structurelle de notre système d'asile, et de renforcer les exigences d'une intégration réussie par la langue, par le respect de nos valeurs et par le travail.

Le présent projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, ne concerne pas les mêmes mesures que celles introduites ou modifiées par les dispositions introduites par la loi IMDAEIR. Au contraire, le présent projet de loi est porteur de nouveautés (création de nouveaux titres de séjour), notamment s'agissant de lever les freins à l'éloignement. Ce projet de loi est également porteur de réformes structurantes, nécessaires au regard, d'une part, des constats faits depuis 2018 et, d'autre part, des rapports institutionnels produits.

Ainsi, le présent projet de loi doit être perçu non pas comme une couche supplémentaire de sédimentation législative mais bien comme un outil indispensable porteur de transformations fortes, pour tous les acteurs de la politique publique de l'immigration, de l'asile et de l'intégration ainsi que pour les étrangers.

Le Gouvernement entend porter une attention particulière à l'intégration des étrangers. C'est l'objet du titre I er du présent projet de loi qui a pour objet de favoriser l'intégration des étrangers par le travail et par la langue.

Titre I er - Assurer une meilleure intégration des étrangers par le travail et la langue

Chapitre I er - Mieux intégrer par la langue

L'article 1 er a pour objet de conditionner la première délivrance d'une carte de séjour pluriannuelle (CSP) à la connaissance d'un niveau minimal de français. Cette mesure permet ainsi de s'assurer de l'intégration des étrangers bénéficiant de ce titre de séjour, tout en appréciant, à cette occasion le niveau de langue et l'effectivité des engagements pris lors de la conclusion du contrat d'intégration républicaine (CIR).

Aujourd'hui, les cartes de séjour pluriannuelles sont délivrées, sauf exceptions prévues par le droit en vigueur, à condition d'avoir suivi et participé aux formations prescrites par l'État dans le cadre du CIR et de ne pas avoir manifesté de rejet des valeurs de la République. Ainsi, l'étranger qui sollicite la carte de séjour pluriannuelle n'a pas d'obligation de maîtrise de la langue mais uniquement d'assiduité et de sérieux dans sa participation aux formations prescrites par l'État dans le cadre du CIR.

Dès lors, le présent article a pour objet de vérifier que le primo-demandeur de titre de séjour pluriannuel signataire d'un CIR maîtrise la langue française, témoignant ainsi de sa bonne intégration, condition qui doit être requise pour accéder à un titre pluriannuel.

La mesure a pour objectif d'inciter les étrangers qui souhaitent demeurer durablement sur le territoire à se mobiliser davantage dans leur apprentissage du français, de manière à favoriser leur intégration en France.

Elle ne s'applique pas aux personnes dispensées de CIR listées à l'article L. 413-5 du CESEDA ni aux bénéficiaires de la protection internationale qui se voient attribuer un titre de séjour de plein droit lié à leur statut, ni aux Algériens sous l'empire de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié.

L'article 2 a pour objectif d'organiser la contribution des employeurs à la formation en français des travailleurs étrangers allophones afin de favoriser leur insertion professionnelle et sociale en France.

En effet, la maîtrise de la langue est l'une des premières conditions d'une intégration réussie, socialement et professionnellement. Dans le domaine professionnel, il s'agit notamment de faciliter la compréhension des instructions et normes applicables (qualité, sécurité au travail) dans le cadre de l'emploi occupé mais également de faire valoir ses droits dans le cadre de la relation contractuelle établie avec l'employeur. L'amélioration du niveau de langue conditionne par ailleurs la capacité du salarié à acquérir de nouvelles compétences et à progresser professionnellement.

Aujourd'hui, la participation des employeurs à la formation de ses salariés a trois niveaux d'intensité qui varient selon la transférabilité des compétences acquises prévues à l'article L. 6321-1 du code du travail, en vertu duquel l'employeur a l'obligation d'adapter le salarié à son poste de travail, veille à la capacité du salarié à occuper un emploi, et peut proposer des actions participant au développement des compétences y compris numériques, ainsi qu'à la lutte contre l'illettrisme, notamment des actions d'évaluation et de formation permettant l'accès au socle de connaissances et de compétences.

Il est proposé de compléter les actions participant au développement des compétences que les employeurs pourront proposer à leurs salariés allophones dans le cadre du plan de développement des compétences. Il s'agit de permettre aux employeurs de proposer à ces salariés de suivre un parcours de formation linguistique pour leur assurer une connaissance suffisante de la langue française, dont le niveau est fixé par décret. Cette possibilité s'inscrivant dans le plan de formation des employeurs, celle-ci a vocation à se dérouler pendant le temps de travail conformément aux dispositions du code du travail (articles L. 6321-2 et L. 6321-6).

Cet article prévoit également que lorsque le salarié signataire du CIR est engagé dans un parcours de formation en français langue étrangère, le temps de formation à réaliser durant la mise en oeuvre de son contrat de travail constitue un temps de travail effectif et donne lieu au maintien de sa rémunération.

Lorsque les salariés allophones signataires du CIR mobilisent leur compte personnel de formation pour financer une formation en français réalisée en tout ou partie durant le temps de travail, l'autorisation d'absence est accordée de droit, dans la limite d'une durée fixée par décret en Conseil d'État.

Chapitre II - Favoriser le travail comme facteur d'intégration

L'article 3 crée, à titre expérimental, une carte de séjour temporaire mention « travail dans des métiers en tension ». Ce nouveau titre permettra, durant la phase de son expérimentation, d'ouvrir une voie d'accès au séjour à la seule initiative du ressortissant étranger en situation irrégulière exerçant une activité salariée tout en confirmant le rôle de l'État en qualité de régulateur de l'ordre public social. D'une durée de validité d'un an, la carte de séjour vaudra autorisation de travail, sans démarche à la charge de l'employeur.

L'expérimentation est prévue jusqu'au 31 décembre 2026. Un rapport dressant le bilan de la mise en oeuvre de ce titre de séjour sera remis au Parlement, il précisera si la pérennisation de ce titre est nécessaire.

Aujourd'hui, seule la procédure d'admission exceptionnelle au séjour permet une régularisation par le travail des ressortissants étrangers présents irrégulièrement sur le territoire national. Par cette procédure, les ressortissants étrangers peuvent solliciter, sous une double condition de durée de présence et de durée d'activité salariée (telle que précisée dans la circulaire du 12 novembre 2012, dite circulaire « Valls »), un titre de séjour « salarié » ou « salarié temporaire » en fonction du contrat de travail détenu, sans avoir l'obligation de produire un visa d'entrée.

Néanmoins, cette procédure nécessite la production par l'étranger de preuves de son investissement professionnel - notamment un formulaire CERFA rempli par son employeur - et de bulletins de salaire. Dès lors, l'admission exceptionnelle au séjour par le travail a pour effet d'induire un déséquilibre entre l'employeur, dont l'action positive est requise pour initier la procédure de régularisation, et le salarié étranger, plaçant ce dernier dans la dépendance de l'employeur y compris au regard du séjour.

De même, alors que l'emploi de ressortissants étrangers dépourvus d'une autorisation de travail est puni de cinq ans d'emprisonnement en vertu du code pénal, la procédure d'admission exceptionnelle ouvre la faculté pour l'employeur de contribuer à la régularisation administrative de la situation constitutive du délit, en la portant à la connaissance de l'administration.

Pour pallier ces limites, la carte de séjour temporaire mention « travail dans des métiers en tension » relèverait de la seule initiative du travailleur étranger. Elle serait délivrée de plein droit sous réserve de la preuve, apportée par tout moyen, d'une ancienneté de résidence sur le territoire national ainsi que d'une expérience professionnelle salariée dans un emploi figurant sur la liste des métiers en tension à l'exception des activités qui, exercées dans le régime du salariat, obéissent à des conditions réglementaires d'exercice.

Les travailleurs saisonniers seront par ailleurs exclus du champ d'application de ce dispositif, la condition de résidence habituelle leur faisant défaut.

À l'occasion de l'instruction de la demande de titre, la situation de l'employeur fera l'objet des contrôles et vérifications prévus au code du travail (respect des obligations déclaratives sociales, vérification que l'employeur n'a pas fait l'objet de sanctions, que le salaire proposé à l'étranger est conforme aux minima prévus par la loi, les conventions collectives de branche, ou d'entreprises).

Le titulaire de la carte de séjour temporaire mention « travail dans des métiers en tension » pourra, au moment de son renouvellement, bénéficier d'une carte pluriannuelle mention « salarié » s'il justifie d'un CDI. Les titulaires de la CST « travail dans les métiers en tension » pourront après le 31 décembre 2026 solliciter une CSP « salarié » ou « travailleur temporaire », selon la nature de leur contrat de travail, en demandant un changement de statut et s'ils justifient les conditions de délivrance de ces titres.

Conformément à l'article L. 436-4 du CESEDA, les étrangers entrés irrégulièrement en France ou non muni d'un titre de séjour dans les délais réglementaires doivent s'acquitter d'un droit de visa de régularisation d'un montant de 200 € en sus de la taxe de primo-délivrance lors de leur première admission au séjour. Une exception sera prévue pour les titulaires de cette carte, qui seront redevables du droit de timbre au tarif en vigueur pour la CST « travailleur temporaire » (soit 225 € au total).

L'article 4 instaure un dispositif d'accès au marché du travail sans délai pour les demandeurs d'asile dont il est fortement probable, au regard de leur nationalité, qu'ils obtiendront une protection internationale en France.

En vertu de l'article L. 554-1 du CESEDA, les demandeurs d'asile n'ont aujourd'hui accès au marché du travail qu'au bout d'un délai de 6 mois, sous réserve d'obtenir une autorisation préfectorale. Entre avril 2021 et avril 2022, sur 4 745 demandes d'autorisations de travail présentées par des demandeurs d'asile, 1 814 ont fait l'objet d'un accord, soit 38,2 % des personnes en ayant fait la demande. Cela représente environ 2,3 % du total des demandeurs d'asile majeurs enregistrés sur l'année 2021.

Une accélération de l'accès au marché du travail se justifie en revanche pour les demandeurs dont il est le plus probable qu'ils obtiendront ce statut, afin d'accélérer leur parcours d'intégration et de lutter contre l'emploi illégal d'étrangers sans autorisation de travail.

Le champ d'application de la présente mesure, qui déroge au principe prévu par l'article L. 554-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, repose sur un critère objectif : le taux de protection internationale en France constaté au cours de la dernière année civile échue par nationalité. Seuls les demandeurs d'asile ressortissant de pays dont le taux de protection excède un seuil élevé et fixé par décret, pourront accéder sans délai au marché du travail. Dans une logique symétrique à celle qui préside à l'établissement de la liste des pays d'origine sûre, qui permet de déroger à la procédure d'asile de droit commun au regard du pays d'origine du demandeur, la dérogation au principe d'égalité se justifie au regard la différence de situation objectivée par la probabilité d'obtenir une protection internationale en France.

Dès lors que le demandeur attestera de sa nationalité lors de l'introduction de sa demande d'asile, il pourra déposer une demande d'autorisation de travail, sauf si sa demande est placée en procédure accélérée (menace pour l'ordre public, fraude, réexamen...).

Les demandeurs d'asile qui obtiendront l'autorisation de travail nécessaire à l'exercice d'une activité professionnelle pourront également bénéficier d'une formation linguistique et professionnelle visant à renforcer leur intégration.

Cette mesure ne bénéficiera qu'aux demandeurs d'asile dont la demande relève de la responsabilité de la France, à l'exclusion des demandeurs placés sous procédure Dublin.

L'article 5 conditionne la création d'une entreprise individuelle à la régularité du séjour de son fondateur.

L'auto-entreprise est un régime simplifié du statut de l'entreprise individuelle, défini aux articles L. 526-22 et suivants du code de commerce et qui relève d'un régime fiscal et social allégé (articles 50 du code général des impôts et L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale).

Les auto-entrepreneurs sont des travailleurs indépendants non-salariés, qui peuvent exercer en tant :

- qu'artisans, l'immatriculation au répertoire des métiers est alors obligatoire ;

- que commerçants, l'immatriculation au registre du commerce et des sociétés est alors obligatoire ;

- que profession libérale.

L'immatriculation des auto-entrepreneurs commerçants au registre du commerce et des sociétés et celle des artisans au répertoire des métiers sont assujetties à une obligation de produire un titre de séjour en cours de validité, mentionnée à l'annexe 1-1 du code de commerce et dans un arrêté du 29 novembre 2021. Cependant, il apparaît qu'une part importante de personnes exerçant sous le régime de l'auto-entreprenariat, notamment en liaison avec des plateformes dites « collaboratives », sont dépourvues de titre de séjour. En outre, ce statut est également utilisé pour des sous-traitances de comptes enregistrés auprès de plateformes collaboratives, qui permettent à des étrangers en situation irrégulière de travailler alors qu'ils n'ont ni titre de séjour, ni autorisation de travail.

Ainsi conformément à la charte relative à la lutte contre la fraude et la sous-traitance signée en mars 2022 par les plateformes de livraison de repas, certaines de ces entreprises ont procédé ou envisagent de procéder à la désactivation de plusieurs milliers de comptes à l'issue de contrôles internes des profils des livreurs.

En relais et en complément de l'engagement des principales plateformes à uniformiser et développer des moyens de lutte contre le travail illégal, il est proposé de renforcer les règles afférentes à l'enregistrement d'une auto-entreprise par les centres de formalité des entreprises.

D'une part cela permettra d'éviter que la facilité d'accès à ce statut soit un facteur d'attractivité du territoire national pour l'immigration irrégulière. D'autre part, cette réforme participe de la lutte contre des situations de forte précarité, voire d'exploitation de cette main d'oeuvre irrégulière particulièrement vulnérable.

L'article 6 vise à accroitre la lisibilité, la cohérence et la visibilité du titre de séjour passeport talent.

D'une part, le titre est renommé carte de séjour pluriannuelle portant la mention « talent ». En effet, il apparaît que l'expression « passeport » conduit à une possible confusion sur la nature du document délivré pour le public cible des talents étrangers, ainsi que pour l'environnement des entreprises. La nouvelle formulation, en évitant de se référer au « passeport » pour un titre de séjour, et centrée uniquement sur la notion de talent, permet de lever toute forme d'ambiguïté, et d'accroitre de fait la visibilité du titre de séjour.

D'autre part les titres délivrés actuellement pour les motifs de création d'entreprise, de projet économique innovant et d'investissement en France sont fusionnés sous un unique titre portant la mention « talent-porteur de projet ».

En effet, ces motifs de délivrance similaires, en ce qu'ils consistent à porter un projet économique sur le territoire national, ne représentent respectivement que des volumes relativement faibles de titres délivrés, comparativement à d'autres motifs, ce qui justifie leur fusion. À titre d'exemple :

- pour le motif « création d'entreprise » : 72 titres ont été délivrés en première demande en 2021 (33 en 2020) et 128 en renouvellement en 2021 (89 en 2020) ;

- pour le motif « projet économique innovant » : 55 titres ont été délivrés en première demande en 2021 (38 en 2020) et 68 en renouvellement (66 en 2020) ;

- pour le motif « investissement économique » : 30 titres ont été délivrés en première demande en 2021 (18 en 2020) et 29 en renouvellement (17 en 2020).

À titre de comparaison, le passeport talent pour un emploi salarié (public hautement diplômé ou salarié d'une entreprise innovante) représente à lui seul en première demande 410 titres en 2020 (et 598 en 2019), et en renouvellement 8 635 titres en 2020 (et 9748 en 2019).

Regrouper les porteurs de projet sous un même titre « talent - porteur de projet » conduirait ainsi à une rationalisation du nombre de catégories actuellement existantes (dix catégories, et une catégorie supplémentaire pour les membres de famille). Cela permettra une meilleure compréhension du dispositif, en couvrant sous une catégorie unique et au sein d'un même cadre réglementaire, les porteurs de projets étrangers (création d'entreprise, développement de start-ups liées à l'innovation, investissement en France etc.).

L'article 7 crée une nouvelle carte de séjour pluriannuelle « talent - professions médicales et de la pharmacie » dédiée aux professionnels de santé et à leurs familles dès lors qu'ils sont recrutés par un établissement public ou privé à but non lucratif de santé, social ou médico-social.

Ce nouveau titre vise à répondre au besoin de recrutement de personnels qualifiés de santé dans les établissements de santé, les établissements médico-sociaux ainsi que les établissements sociaux. En effet, toutes les opportunités autorisant l'exercice de professionnels étrangers qualifiés ne peuvent actuellement être saisies par les établissements, faute de titre de séjour répondant pleinement à la spécificité de ces situations.

La nouvelle carte de séjour « talent - professions médicales et de la pharmacie » permettra d'améliorer la lisibilité et l'attractivité du droit au séjour pour ces publics qualifiés, tout en tenant compte des enjeux de vérification de l'aptitude de professionnels étrangers à exercer au sein d'un établissement du système de santé français.

Sont visés par cette mesure les étrangers exerçant une profession correspondant à celles visées aux articles L. 4111-1 et L. 4221-12 du code de la santé publique, c'est-à-dire les médecins (quelle que soit leur spécialité), les sages-femmes, les chirurgiens-dentistes et les pharmaciens.

La délivrance du titre de séjour sera expressément conditionnée :

- à l'obtention d'une autorisation d'exercice produite par l'agence régionale de santé dont les conditions de délivrance et la durée de validité seront définies par un arrêté du ministre de la santé ;

- à la production d'un contrat de travail établi avec un établissement public ou privé à but non lucratif ;

- au respect d'un seuil de rémunération fixé par décret en Conseil d'État.

La carte de séjour pluriannuelle « talent - professions médicales et de la pharmacie » pourra être délivrée dans deux cas de figure :

- aux praticiens diplômés hors Union Européenne (PADHUE) venant en France pour exercer une activité salariée d'une durée égale ou supérieure à un an au sein d'un établissement de santé public ou privé à but non lucratif et qui s'engagent à passer les épreuves anonymes de vérification des connaissances (EVC) durant la période de validité de leur contrat de travail. Dans ce cadre, le demandeur se verra délivrer en première demande un visa de long séjour valant titre de séjour (VLS-TS) mention « talent - professions médicales et de la pharmacie » d'une durée de treize mois. En cas de non validation des EVC durant la période couverte par le VLS-TS, et sous réserve que le demandeur justifie d'une inscription au concours des EVC, celui-ci pourra solliciter un unique renouvellement de son titre après délivrance d'une autorisation provisoire d'exercer par une autorité régionale pour une durée maximale de treize mois.

- à l'ensemble des PADHUE ayant réussi les EVC. Dans ce cadre, le demandeur se voit délivrer, en première demande, en renouvellement ou en changement de statut, une carte de « talent-professions médicales et de la pharmacie » d'une durée maximale de quatre ans.

À l'instar de l'ensemble des titres « talents », le titre « talent-professions médicales et de pharmacie » est délivré sans recours à une demande d'autorisation de travail et entraîne le bénéfice d'un titre de séjour « talents - famille » aux membres de la famille de l'étranger bénéficiaire du titre.

Par ailleurs, le présent article qui modifie le code de la santé publique a pour objet de déconcentrer la compétence pour délivrer les autorisations d'exercer en France pour les personnes titulaires d'un diplôme étranger. Ce ne serait plus le ministre ou le directeur du centre national de gestion sur délégation qui délivrerait les autorisations, mais une autorité régionale (soit le directeur général de l'agence régionale de santé, soit une autorité collégiale régionale) après avis d'une commission (selon le cas, une commission régionale ou une commission nationale). Cela permettrait ainsi d'augmenter le nombre d'autorités compétentes pour se prononcer et donc d'accélérer le flux de traitement des dossiers. Ces dispositions s'articulent avec la création de la carte de séjour pluriannuelle « talent - professions médicales et de pharmacie » créée par le présent article.

Chapitre III - Mieux protéger les étrangers contre les employeurs abusifs

L'article 8 crée une amende administrative sanctionnant les employeurs d'étrangers ne détenant pas un titre les autorisant à travailler. Cette nouvelle amende, prononcée par le préfet de département, s'ajoute aux sanctions pénales et administratives existantes et permettra de sanctionner de manière simplifiée les employeurs abusifs.

L'article L. 8251-1 du code du travail prohibe l'embauche ainsi que le fait de conserver à son service ou d'employer un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. La violation de cette interdiction ainsi que le fait de recourir sciemment aux services d'un employeur d'un étranger sans titre est un délit susceptible d'entraîner des sanctions pénales (peine d'emprisonnement et amende) et administratives (fermeture préfectorale).

Aussi, l'amende administrative pour emploi d'étranger non autorisé à travailler s'inscrit dans une gradation des sanctions, en s'appliquant dans les situations où cette infraction est caractérisée mais où les conditions ne sont pas rassemblées pour justifier une fermeture administrative. Aucun critère de gravité ou de répétition n'est prévu, l'autorité administrative devant uniquement prendre en compte les circonstances du manquement, le comportement de son auteur (notamment sa bonne foi) ainsi que ses capacités financières.

L'amende est prononcée sur la base d'un procès-verbal ou d'un rapport établi par un agent de contrôle compétent en matière de lutte contre le travail illégal. La décision du préfet ne peut être prise avant un délai de quinze jours à compter de la notification du courrier émanant de la préfecture informant l'employeur des mesures envisagées et l'invitant à présenter ses observations écrites ou orales, afin de respecter le principe du contradictoire.

En cohérence avec les amendes prononcées sur le fondement de l'article L. 8115-1 du code du travail ou en matière de formalités préalables au détachement, le montant maximum de l'amende serait fixé à 4 000 € par salarié concerné (porté au double, soit 8 000 € par salarié, en cas de nouveau manquement dans un délai de deux ans). Sous réserve du respect du principe de proportionnalité des sanctions, cette amende pourra se cumuler avec la fermeture administrative si celle-ci est prononcée

Afin de respecter le principe à valeur constitutionnelle « non bis in idem », s'il y a un cumul d'une amende administrative et d'une amende pénale à l'encontre d'une même personne, le montant global des amendes prononcées ne doit pas dépasser le maximum légal le plus élevé des sanctions encourues. Enfin, le préfet avise le procureur lorsqu'il envisage de prononcer une telle amende.

Le titre II du projet de loi a pour objet de rendre plus efficace le dispositif de lutte contre l'immigration irrégulière et d'améliorer le dispositif de protection de l'ordre public. À cette fin, ce titre est composé de deux chapitres : un chapitre I er dont la finalité est de lever certains obstacles à l'éloignement et un second chapitre qui permettra de mieux tirer les conséquences des actes des étrangers sur leur droit au séjour.

Titre II - Améliorer le dispositif d'éloignement des étrangers représentant une menace grave pour l'ordre public

Chapitre I er - Rendre possible l'éloignement d'étrangers constituant une menace grave pour l'ordre public

L'article 9 a d'abord pour objet d'aménager le régime de protection quasi-absolue contre l'expulsion dont bénéficient certains étrangers, en permettant d'y passer outre lorsque ceux-ci ont fait l'objet d'une condamnation pour des crimes ou délits punis de dix ans ou plus d'emprisonnement ou de cinq ans en réitération de crimes ou délits punis de la même peine.

En cohérence, la disposition harmonise sur deux points la rédaction de l'article L. 631-2 du CESEDA qui définit les protections relatives, applicables à d'autres catégories d'étrangers dont l'expulsion n'est possible qu'en cas de nécessité impérieuse pour la sûreté de l'État ou la sécurité publique d'une part, en prenant en compte l'échelle des peines encourues plutôt que le quantum de la condamnation effective et d'autre part, en étendant à ces catégories la possibilité de lever le protections bénéficiant aux conjoints de français ou parents d'enfants français qui se sont rendus coupables de violences à leur égard.

La légalité des mesures d'expulsion est conditionnée au respect de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en particulier son article 8. Ainsi, et sous le contrôle du juge, elles doivent prendre en compte de manière proportionnée, au regard de la menace représentée par l'étranger, les circonstances relatives à sa vie privée et familiale.

D'autre part, l'article 9 prévoit de tirer les conséquences des aménagements du régime de l'expulsion pour faciliter l'adoption des peines complémentaires d'interdiction du territoire français. Par cohérence, il est proposé d'harmoniser ces mêmes protections qui figurent à l'article 132-30-2 du code pénal, article miroir pour les interdictions du territoire français de celui du CESEDA pour les expulsions. Il serait en effet paradoxal et incohérent que le juge correctionnel qui déclare coupable un étranger pour des faits d'une particulière gravité ne puisse prononcer une interdiction du territoire français alors même que sur la base de ces mêmes faits le préfet pourrait prononcer, à la suite de cette condamnation, une expulsion.

Par ailleurs, le projet de loi vise à faciliter les expulsions et reconduites à la frontière d'étrangers ne respectant pas les valeurs de la République et commettant des infractions sur le territoire national. À cet égard, il apparaît inadapté de ne pas pouvoir prononcer des interdictions du territoire français, peine complémentaire qui doit être spécialement prévue à chaque fois par le législateur pour l'infraction en cause, pour des faits contre lesquels le Gouvernement lutte de façon prioritaire. Ainsi, les violences graves contre les forces de sécurité intérieure, les violences conjugales avérées mais dont l'incapacité temporaire de travail n'atteindrait pas neuf jours, ne peuvent aujourd'hui être sanctionnées par le tribunal correctionnel par une interdiction du territoire français. De même, il apparaît incohérent qu'une telle peine complémentaire ne soit pas prévue pour les vols aggravés dont certains sont pourtant punis de sept ou dix ans d'emprisonnement comme les vols commis à l'aide de mineurs ou les vols commis en réunion dans un local d'habitation. Le projet de loi étend donc la possibilité de prononcer des interdictions du territoire français pour ces catégories d'infractions.

L'article 10 a pour objet de réduire le champ des protections contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français (OQTF) lorsque l'étranger a commis des faits constituant une menace grave pour l'ordre public.

L'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit en effet des cas dans lesquels un étranger ne peut pas faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français.

Ces protections visent différentes catégories de personnes en raison de la durée de leur présence sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de leurs liens avec la France et de leur situation personnelle.

Toutefois, elles représentent un frein à l'éloignement, plus particulièrement dans les cas où l'étranger représente une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'État, ayant justifié le retrait de son titre de séjour. Le principe retenu est donc celui de la préservation des protections en vigueur, sous réserve d'un comportement menaçant gravement l'ordre public. La notion de « menace grave » figure déjà à l'article L. 631-1 du CESEDA. Elle est appréciée par le juge sur la base d'un faisceau d'indices (actualité, gravité, répétition des faits commis). Elle s'applique aux cas de condamnations, mais aussi aux situations où la matérialité des faits est établie, mais n'a pas donné lieu à condamnation judiciaire (ex : violences conjugales où la victime n'a pas déposé plainte).

Cette réforme permettra, dans le cas où l'étranger menace l'ordre public, de ne pas voir appliquer un cadre automatique de protections prévues par la loi, mais de mieux prendre en compte, de façon spécifique, l'impératif de sauvegarde de l'ordre public au regard de la situation personnelle de l'étranger.

La seule exception à cette suppression des protections en cas de menace grave à l'ordre public concerne les mineurs, qui n'étant pas soumis à l'obligation de détention de titre de séjour, ne peuvent être éloignés pour séjour irrégulier.

Ainsi, cette nouvelle rédaction n'a pas pour effet de soustraire les décisions portant obligation de quitter le territoire français aux dispositions de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et notamment ses articles 3 (protection contre les risques de tortures et de traitement dégradant) et 8 (droit à la vie privée et familiale), l'autorité administrative devant, sous le contrôle du juge administratif, prendre des mesures qui assurent une juste conciliation entre ces principes et le risque de trouble à l'ordre public.

La mesure préserve le cas particulier des ressortissants de l'Union européenne et des membres de leurs familles qui séjournent en France depuis plus de dix ans, en permettant leur éloignement en cas de nécessité impérieuse de sécurité publique.

L'article 11 a pour objet d'autoriser le recours à la coercition pour le relevé des empreintes digitales et la prise de photographie des étrangers en séjour irrégulier ou contrôlés à l'occasion de leur franchissement de la frontière alors qu'ils ne satisfont pas aux conditions d'entrée sur le territoire.

La loi prévoit déjà le principe du relevé des empreintes digitales et de la prise de photographie de ces catégories d'étrangers (article L. 142-1, 3° CESEDA). Ces opérations ont pour objet d'établir la situation de l'étranger, qui, n'étant pas en mesure de fournir à un officier de police judiciaire les pièces qui l'autorisent à circuler et séjourner en France est contrôlé à l'occasion du franchissement de la frontière ou est placé en retenue pour vérification de son droit de circulation et de séjour.

En ce qui concerne la retenue pour vérification du droit de circulation ou de séjour dans un local de police ou gendarmerie, les conditions du contrôle sont prévues aux articles L. 813-1 et suivants du CESEDA. La décision de retenir l'étranger est communiquée au procureur qui peut y mettre fin à tout moment. Lors de la retenue, si l'étranger ne fournit pas d'éléments pour apprécier son droit à la circulation, ses empreintes digitales et sa photographie peuvent être prises pour établir sa situation, ainsi que le prévoit l'article L. 813-10 dudit code. Les empreintes ne peuvent être mémorisées et faire l'objet d'un traitement automatisé en application du 3° de l'article L. 142-1, que s'il apparaît, à l'issue de la retenue, que l'étranger ne dispose pas d'un droit de circulation ou de séjour.

Toutefois, de nombreux étrangers en situation irrégulière refusent de donner leurs empreintes digitales, afin d'empêcher leur identification, ce qui a pour conséquences non seulement la difficulté à identifier de manière certaine l'étranger, mais aussi la possibilité qu'existent pour un seul et même individu divers alias, qui ne permettent pas d'apprécier la situation exacte de l'individu au regard du séjour, pour l'autorité administrative, comme pour le juge administratif ou judiciaire. En outre, l'absence d'empreintes est une difficulté supplémentaire objective pour identifier la nationalité de l'étranger et par suite mettre en oeuvre son éloignement effectif, puisque le préfet ne pourra pas fournir cet élément à l'appui de sa demande de laissez-passer consulaire.

Les articles L. 821-2, L. 822-1 et L. 824-2 du même code punissent déjà d'un an d'emprisonnement, 3 750 € d'amende et trois ans d'interdiction du territoire français l'étranger en situation irrégulière qui refuse de se conformer à l'opération de relevé de ses empreintes digitales. Pour autant, la sanction n'apparaît que peu dissuasive et ne permet pas in fine d'identifier l'étranger pendant la phase de retenue (article L. 813-10), ni de mémoriser par la suite ses empreintes s'il s'avère être en situation irrégulière (article L. 142-1, 3°).

Le présent article a dès lors pour objectif de renforcer l'efficacité du dispositif en permettant le recours à la contrainte, de façon proportionnée, après information du Procureur, aux fins de procéder aux relevés des empreintes digitales. Il modifie donc l'article L. 813-10 précité en ce sens.

S'agissant des étrangers contrôlés lors du franchissement de la frontière sans satisfaire aux conditions d'entrée, également tenus de se soumettre au relevé de leurs empreintes digitales et à la prise de photographie conformément à l'article L. 142-1, le CESEDA est complété par un article L. 331-4 prévoyant un dispositif de relevé d'empreintes et de prise de photographie similaire à celui prévu en retenue pour les étrangers interpellés sur le territoire national.

L'article 12 a pour objet d'interdire le placement en centre de rétention administrative de tout étranger mineur de moins de 16 ans. Aujourd'hui, aucun mineur ne peut être placé seul en rétention ; toutefois, dans certaines conditions, il est possible de placer en rétention un étranger majeur avec l'étranger mineur qui l'accompagne.

La première phrase de l'article L. 741-5 du CESEDA pose le principe de l'impossibilité qu'un mineur fasse l'objet d'une décision de placement en rétention le visant personnellement. Cette phrase n'est pas modifiée par le présent article.

En outre, compte tenu de la vulnérabilité particulière des mineurs de moins de 16 ans, ils ne pourront plus être placés en centre de rétention administrative, y compris lorsqu'ils accompagnent un adulte.

Les étrangers mineurs de seize à dix-huit ans pourront toujours être placés en centre de rétention dès lors qu'ils sont accompagnés d'un étranger majeur. Parce que ces mineurs ne sont pas dans la même situation que les mineurs de moins de seize ans, les conditions de leur placement en centre de rétention n'évoluent pas.

Chapitre II - Mieux tirer les conséquences des actes des étrangers en matière de droit au séjour

L'article 13 a pour objet d'imposer à l'étranger qui demande un titre de séjour de s'engager à respecter les principes de la République et de rendre possible le refus, le retrait ou le non-renouvellement de certains titres de séjour pour de nouveaux motifs liés à son comportement.

Dans un premier temps, le présent article crée une obligation pour l'étranger demandant un titre de séjour de s'engager à respecter les principes de la république. À cette fin, une section nouvelle intitulée « Respect des principes de la République française » est insérée dans le CESEDA. Conformément à la décision n° 2021-823 DC du 13 août 2021 du Conseil constitutionnel, la notion « principes de la République » est définie par la loi. Les principes de la République comprennent la liberté personnelle, liberté d'expression et de conscience, l'égalité entre les femmes et les hommes, la dignité de la personne humaine, la devise et les symboles de la République au sens de l'article 2 de la Constitution et le fait de ne pas se prévaloir de ses croyances ou convictions pour s'affranchir des règles communes régissant les relations entre les services publics et les particuliers .

En outre, le présent article défini ce qu'est un rejet des principes de la République, il résulte d'agissements délibérés de l'étranger troublant l'ordre public en ce qu'ils portent une atteinte grave à un ou plusieurs principes de la République. La précision de ce qu'est un rejet des principes de la République avait été rendue nécessaire par la décision n° 2021-823 DC du 13 août 2021 du Conseil constitutionnel.

Aujourd'hui la délivrance de certains titres de séjour n'est pas conditionnée au respect des principes et des valeurs de la République. Les articles L. 413-5 et L. 433-5 du CESEDA prévoient en effet que les demandeurs de la plupart des titres de séjour relevant de l'immigration professionnelle et étudiante sont dispensés de la signature du contrat d'intégration républicaine (CIR) prévu au second alinéa de l'article L. 413-2 du CESEDA. Or, la signature de ce contrat par l'étranger admis pour la première fois au séjour comporte l'engagement à respecter les valeurs de la République (article L. 413-2).

Surtout, les hypothèses dans lesquelles l'autorité administrative peut refuser la délivrance ou le renouvellement ou procéder au retrait d'un document de séjour sont restreintes à des situations bien précises qui ne prennent pas en considération l'hypothèse où le comportement de l'étranger caractériserait un rejet des principes de la République.

Cette mesure, qui s'applique à tous les détenteurs de titres de séjour hormis les ressortissants algériens qui sont exclusivement régis par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, complète les dispositions législatives existantes. Elle permet au préfet de tirer les conséquences, en matière de droit au séjour, d'un comportement manifestant un tel éloignement aux valeurs de la République qui atteste que l'intégration est compromise, sans nécessairement que ce comportement ne constitue une menace à l'ordre public.

Cette disposition permet par exemple d'envisager le refus de délivrance ou le retrait de titre de séjour à un étranger qui révèle par son comportement un refus de l'égalité entre les sexes, le rejet des principes de liberté de conscience, ou ayant commis un outrage au drapeau français au sens du décret n° 2010-835 du 21 juillet 2010 5 ( * ) .

Le présent article, en rendant obligatoire l'engagement à respecter les principes de la République, aura deux conséquences : si l'étranger refuse de manifester son engagement au respect de ces principes de la République, sa demande de titre de séjour pourra être rejetée ; s'il manque à son engagement à respecter les principes de la République, son titre de séjour pourra être retiré.

Pour tenir compte de la durée de présence d'un étranger sur le territoire au moment du retrait ou du refus de renouveler son titre de séjour en cas de rejet des principes de la République, il est prévu des garanties spécifiques pour les titres de long séjour (CSP/CR) telles que l'impossibilité de retirer ou de refuser le renouvellement si l'étranger est protégé contre l'éloignement et l'avis que sera systématiquement rendue par la commission du titre de séjour.

Le décret en Conseil d'État relatif au traitement automatisé de données à caractère personnel « Application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France » (AGDREF) sera modifié pour prendre en compte cette possibilité.

Dans un deuxième temps, le présent article a pour objet de rendre possibles le refus de renouvellement et le retrait de la carte de résident en cas de menace grave pour l'ordre public.

Aujourd'hui, le refus de renouvellement de la carte de résident et son retrait ne sont possible que lorsque :

- une décision d'expulsion est prise ;

- ou, depuis la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration, l'étranger a commis certaines infractions spécifiques et limitativement énumérées à l'article 222-9 du code pénal (violence ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente sur un mineur de moins de quinze ans), ou vit en état de polygamie.

Toutefois, si l'étranger titulaire d'une carte de résident est protégé contre une mesure d'expulsion, il demeure possible, pour certains délits, de « dégrader » son titre en une carte de séjour temporaire (CST).

On aboutit ainsi à une situation où la simple possession d'une carte de résident, accessible après cinq ans de séjour, trois ans pour certaines nationalités (notamment le Maroc et la Tunisie) voire immédiatement dans certaines situations (ascendants de Français, anciens combattants), ne permet de retirer ou de refuser de renouveler le titre que dans des cas extrêmement limités. La réserve d'ordre public ne s'applique donc pas pleinement pour les cartes de résident, alors que les détenteurs de ces titres peuvent représenter une menace grave pour l'ordre public.

Par ailleurs, l'étranger qui perd le bénéfice du statut de réfugié par une décision de l'OFPRA, ne peut se voir retirer sa carte de résident lorsque l'intéressé justifie de cinq années de présence régulière sur le territoire. De la même manière, l'étranger qui perd le bénéficie de la protection subsidiaire ne peut se voir retirer sa carte de séjour pluriannuelle lorsqu'il justifie de cinq années de présence régulière. Cette difficulté sera levée par le présent article, en rendant possible le retrait ou le non-renouvellement de ces titres de séjour dès lors que la protection aura été retirée et que l'étranger constitue une menace grave pour l'ordre public.

Par conséquent, cet article, d'une part, en rendant possible le non-renouvellement ou le retrait d'une carte de résident lorsque le comportement de l'étranger constitue une menace grave pour l'ordre public, lève un frein injustifié à la prise en compte du comportement de l'étranger dans l'examen du droit au séjour. D'autre part, en révisant les conditions dans lesquelles une carte de résident peut être « dégradée » en CST, il préserve l'étranger d'une situation dans laquelle sa carte de résident lui serait retirée sans pour autant pouvoir faire l'objet d'une mesure d'éloignement.

Dans un troisième et dernier temps, le présent article vise à mettre fin à la pratique de certains étrangers de demander le renouvellement de leurs titres de séjour de longue durée (certaines cartes de séjour pluriannuelles et cartes de résident) alors qu'ils n'ont pas établi leur résidence effective et habituelle en France. Dans ce cas, il sera désormais possible de refuser le renouvellement du titre de séjour.

Aujourd'hui, un étranger qui bénéficie d'un titre de séjour de longue durée (CSP ou carte de résident) peut obtenir le renouvellement de son titre même s'il vit principalement à l'étranger. Il doit simplement justifier d'un domicile en France qui peut être d'ailleurs un hébergement chez un tiers.

Dans cette hypothèse, l'étranger qui demande le renouvellement de son titre vient en France uniquement dans le but de faire la démarche en préfecture et il obtient ledit renouvellement sans difficultés car le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoit aucun moyen de s'y opposer.

La dématérialisation des procédures peut avoir pour effet d'accentuer ce phénomène puisque les étrangers n'auront plus besoin de se présenter personnellement en préfecture, au moins une fois, pour effectuer les démarches de renouvellement (obtention d'un récépissé, etc.).

En droit européen, le chapitre II de la directive 2003/109/CE du 25 novembre 2003 relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée indique que les États membres accordent, sous certaines conditions, ce statut aux ressortissants de pays tiers qui ont résidé de manière légale et ininterrompue sur leur territoire pendant cinq années, sauf dans certaines situations (études, formation, séjours temporaires, etc.).

Or, si l'étranger ne se présente en France que pour faire les démarches relatives au renouvellement de son titre de séjour, il méconnait la première condition d'une réelle intégration qui tient à la présence et la résidence en France de l'étranger.

Le présent article remédie à cette situation en rendant possible le refus de renouveler un titre de séjour dès lors que l'étranger ne réside pas effectivement et habituellement en France.

La notion de résidence habituelle et effective se définit ainsi : d'une part, la résidence effective implique que les étrangers soient domiciliés en France et y aient transféré le centre de leurs intérêts privés et familiaux. D'autre part, la résidence habituelle implique que les étrangers résident en France au moins six mois au cours de l'année civile, durant les trois dernières années précédant le dépôt de la demande.

Lorsque ces deux conditions ne seront pas remplies, le titre de séjour (certaines CSP et carte de résident) pourra ne pas être renouvelé.

Il est précisé que ne seront pas concernées par cette disposition les personnes titulaires d'un titre dont la logique s'oppose à l'exigence d'une telle résidence : cartes de séjour pluriannuelles « passeport-talent », « travailleur saisonnier », « étudiant-programme de mobilité » et les cartes de résident portant la mention « résident de longue durée UE ». De plus, au regard de la spécificité de leurs situations, cette condition ne s'appliquera pas aux cartes de séjour pluriannuelles délivrées aux réfugiés, aux bénéficiaires de la protection subsidiaire, aux apatrides, et à leurs familles respectives. Il en va de même pour les cartes de résident délivrées aux réfugiés et à leur famille. Enfin, elle ne s'appliquera pas non plus à la carte de séjour « retraité » car le bénéfice de ce titre nécessite d'établir sa résidence habituelle hors de France.

Titre III - Sanctionner l'exploitation des migrants et contrôler les frontières

L'article 14 a pour objet de sanctionner plus durement les passeurs pour mettre fin aux drames consécutifs aux tentatives de traversées par voie maritime. Le 24 novembre 2021, vingt-sept  étrangers en situation irrégulière qui tentaient de rejoindre les côtes britanniques ont trouvé la mort, noyés dans la Manche après le naufrage de leur embarcation au large de Calais.

Les premiers responsables de cette situation sont les passeurs qui, profitant des populations vulnérables, les exposent à des traversées maritimes périlleuses vers le Royaume-Uni. Plus de 1 500 passeurs ont ainsi été interpellés en 2021. La gravité de tels faits, comparables à la traite des êtres humains, et leur multiplication, justifient désormais l'aggravation des peines actuellement encourues, en mettant par ailleurs l'accent sur les têtes de réseaux.

Aujourd'hui, le fait, pour toute personne, de faciliter ou de tenter de faciliter, par aide directe ou indirecte, l'entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d'un étranger en France constitue un délit, que l'article L. 823-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) punit de cinq ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende.

En application de l'article L. 823-3 du même code, ces peines sont portées à dix ans d'emprisonnement et 750 000 € d'amende en cas de circonstances aggravantes. En outre, l'article L. 823-6 du même code prévoit une peine d'interdiction du territoire français pour une durée maximale de dix ans ou à titre définitif en cas de circonstances aggravantes.

Le présent projet de loi propose, à l'instar de l'infraction de traite des êtres humains, de criminaliser ces faits lorsqu'ils sont commis en bande organisée dans les circonstances suivantes :

- une peine de quinze ans de réclusion criminelle et une amende de 1 000 000 € seront encourues lorsque les étrangers auront été exposés à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente ;

- les dirigeants et les organisateurs de ces groupements seront quant à eux passibles, quelles que soient les circonstances, de vingt ans de réclusion criminelle et d'une amende de 1 500 000 €.

Ces peines sont sans préjudice des peines d'interdiction du territoire français applicables aux étrangers ayant commis ces faits.

L'article 15 a pour objet de durcir les sanctions contre les « marchands de sommeil » en créant des aggravations pour les peines encourues lorsque l'occupant d'un appartement insalubre est une personne vulnérable, en particulier un étranger en situation irrégulière. En effet, les étrangers en situation irrégulière sont, au regard des pratiques des marchands de sommeil, dans une situation de particulière vulnérabilité.

Aujourd'hui, lorsque l'autorité compétente constate que l'appartement d'une personne ne respecte pas les normes de sécurité ou de salubrité, elle prend un arrêté de mise en sécurité et de traitement de l'insalubrité, le propriétaire doit alors remettre les lieux en état. S'il ne le fait pas, il peut faire l'objet d'une astreinte administrative ou la personne publique peut exécuter d'office la remise en état. Cependant, si malgré toutes ces mesures les lieux n'ont pas été remis en état, si l'insalubrité n'a pas pris fin ou si le propriétaire de l'appartement menace l'occupant pour qu'il quitte les lieux, alors le propriétaire encourt une sanction pénale. Pour lutter contre l'habitat insalubre et pour contraindre les propriétaires à respecter les arrêtés de de mise en sécurité et de traitement de l'insalubrité, le présent article modifie les sanctions pénales prévues par le code de la construction et de l'habitation (CCH), en faisant du fait que la victime est un étranger en situation irrégulière une circonstance aggravante pour :

- le refus délibéré et sans motif légitime d'exécuter les travaux et mesures prescrits (article L. 511-22 I CCH) : la peine passe d'un an d'emprisonnement et 50 000 € d'amende à deux ans d'emprisonnement et 75 000 € d'amende si l'occupant est un ressortissant étranger en situation irrégulière ;

- le fait de ne pas déférer à une mise en demeure du représentant de l'État dans le département pour mettre fin à l'insalubrité concernant des locaux mis à disposition aux fins d'habitation dans des conditions qui conduisent manifestement à leur sur-occupation (article L. 511-22 II CCH) : la peine passe de deux ans d'emprisonnement et 75 000 € d'amende à trois ans d'emprisonnement et 100 000 € d'amende ;

- le fait de dégrader, détériorer, détruire des locaux ou de les rendre impropres à l'habitation de quelque façon que ce soit dans le but d'en faire partir les occupants lorsque ces locaux sont visés par un arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l'insalubrité (article L. 511-22 III CCH) : la peine passe de trois ans d'emprisonnement et 100 000 € d'amende à cinq ans d'emprisonnement et 150 000 € d'amende ;

- le fait, de mauvaise foi, de ne pas respecter une interdiction d'habiter ou d'accéder aux lieux prise en application du présent chapitre (article L. 511-22 III CCH) : la peine passe de trois ans d'emprisonnement et 100 000€ d'amende à cinq ans d'emprisonnement et 150 000 € d'amende.

Enfin, le présent article transpose cette nouvelle circonstance aggravante pour les délits prévus par le CCH concernant les faits suivants :

- en vue de contraindre un occupant à renoncer aux droits qu'il détient en application des articles L. 521-1 à L. 521-3-1 , de le menacer, de commettre à son égard tout acte d'intimidation ou de rendre impropres à l'habitation les lieux qu'il occupe ;

- de percevoir un loyer ou toute autre somme en contrepartie de l'occupation du logement, y compris rétroactivement, en méconnaissance du I de l'article L. 521-2 ;

- de refuser de procéder à l'hébergement ou au relogement de l'occupant, bien qu'étant en mesure de le faire.

La peine initialement encourue est de trois ans d'emprisonnement et 100 000 € d'amende ; elle sera portée à cinq ans d'emprisonnement et 150 000 € d'amende si l'occupant est une personne vulnérable, notamment un étranger en situation irrégulière.

Pour ne pas limiter les aggravations de peine aux seuls locataires en sens juridique, il est proposé que soient concernés les « occupants » au sens de l'article L. 521-1 du code de la construction et de l'habitation (CCH) : « l'occupant est le titulaire d'un droit réel conférant l'usage, le locataire, le sous-locataire ou l'occupant de bonne foi des locaux à usage d'habitation et de locaux d'hébergement constituant son habitation principale ».

L'article 16 est un article de mise en cohérence avec l'entrée en vigueur prochaine de « l'autorisation de voyage » telle que prévue par le règlement UE 2018/1240 portant création d'un système européen d'information et d'autorisation concernant les voyages (ETIAS). Il va transcrire en droit interne l'obligation pour les compagnies de transporteurs de contrôler l'ETIAS et, par voie de conséquence, il sera possible de sanctionner les compagnies en cas de non-respect de l'obligation de contrôle documentaire. Cet article étend donc le champ d'application d'une sanction administrative sans modifier le montant de l'amende administrative.

Aujourd'hui, en application de l'article L. 821-6 du CESEDA, des amendes administratives sont en effet prononcées à l'encontre des transporteurs qui acheminent des voyageurs ne remplissant pas les conditions d'entrée prévues dans l'espace « Schengen » telles qu'elles résultent du règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen), de la loi ou de l'accord international applicable à raison de la nationalité de la personne concernée.

Par conséquent, il est proposé de modifier les articles L. 821-6 et L. 821-7du CESEDA pour tenir compte de l'extension de ces conditions qui résultent de la prochaine entrée en vigueur de « l'autorisation de voyage » (ETIAS). La sanction administrative encourue est l'amende pour défaut de contrôle documentaire dont le montant peut aller jusqu'à 10 000 €.

L'article 17 a pour objet de permettre aux gardes-frontières de la police aux frontières d'inspecter visuellement des véhicules particuliers en « zone-frontière ».

En application de l'article L. 812-3 du CESEDA, les agents de la police aux frontières procèdent régulièrement à des opérations de visite sommaire des véhicules de plus de neuf places au bord des routes situées dans la bande des 20 km de la ligne frontière. L'efficacité de ces contrôles est en baisse marquée depuis plusieurs années du fait des contre-mesures prises par les passeurs. En effet, ceux-ci ont maintenant recours à des véhicules particuliers de moins de neuf places pour échapper aux contrôles.

La mesure proposée constitue donc une réponse à l'évolution des pratiques des passeurs ainsi qu'à l'augmentation des flux migratoires aux frontières terrestres de la France. Elle permettra, dans la perspective de la fin du rétablissement des contrôles aux frontières intérieures, de rendre plus efficaces les contrôles qui seront opérés à proximité de la frontière.

Par ailleurs, les dispositions du code frontières Schengen prévoient que, lors du contrôle aux points de passage aux frontières (PPF) ou, lors de la surveillance des frontières extérieures entre les PPF, les vérifications réalisées par les garde-frontières concernent non seulement les personnes mais également leur moyen de transport. Les frontières intérieures, en période de rétablissement des contrôles aux frontières intérieures, comme c'est le cas pour la France depuis 2015, bénéficient toutes choses égales par ailleurs, des mesures applicables aux frontières extérieures (article 32 du code frontières Schengen).

Une modification législative est proposée afin d'autoriser l'inspection visuelle des véhicules des particuliers, à l'article L. 812-3 du CESEDA.

L'article 18 a pour objet de mieux tenir compte des infractions à la législation sur l'entrée et le séjour des étrangers en France dans les conditions de délivrance des visas.

Les règles actuelles relatives à l'entrée sur le territoire national ne tiennent pas explicitement compte des infractions à la législation sur l'entrée et le séjour des étrangers en France commises par la personne qui souhaite entrer sur le territoire national.

Dès lors, les refus de visas opposés aux étrangers ayant fait l'objet d'une OQTF au cours d'un séjour antérieur récent sur le territoire français pourraient être insuffisamment fondés.

L'édiction d'une obligation de quitter le territoire français révèle en effet une infraction à la législation française sur l'entrée et le séjour des étrangers, qui doit être susceptible de justifier de restrictions particulières au retour de l'intéressé sur le territoire national, mais aussi qu'il en soit tenu compte dans l'examen d'une demande ultérieure d'entrée sur le territoire national.

Aujourd'hui, les OQTF peuvent être assorties d'une interdiction de retour - laquelle fait obstacle à la délivrance d'un visa d'entrée en France - dont la durée maximale est de deux à trois ans selon les cas (articles L. 612-6 à L. 612-10). Sauf circonstances humanitaires, l'interdiction de retour est systématiquement prononcée par l'autorité préfectorale lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'intéressé, ou lorsque celui-ci s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire. L'interdiction de retour peut être prolongée pour une durée maximale de deux ans lorsque l'étranger s'est maintenu irrégulièrement en France en dépit de l'OQTF, ou y est revenu alors que l'interdiction de retour était toujours en vigueur (article L. 612-11).

Pour parfaire le dispositif législatif en vigueur, et intégrer aux règles relatives à l'entrée sur le territoire national le principe d'une prise en compte des infractions récentes à la législation relative à l'entrée et au séjour, il est proposé d'instituer un nouveau motif de refus d'entrée en France dont la mise en oeuvre relèverait de dispositions communes à l'examen de demandes de visas, en instituant un nouvel article L. 312-1-A introduisant le chapitre « visas » du CESEDA.

La mesure envisagée prévoit que, lorsqu'un étranger a fait l'objet d'une OQTF exécutée au cours des cinq années qui précèdent sa demande de visa, et qu'il ne démontre pas s'y être effectivement conformé dans les délais fixés, le visa pourrait lui être refusé.

Ce principe est conforme au droit communautaire, qui autorise la prise en compte de la durée des séjours antérieurs au titre de l'appréhension du risque migratoire, qui peut lui-même fonder un refus de délivrance de visa (article 21 du code communautaire des visas), sous réserve d'un examen individuel.

Il est prévu une exception à ce principe nouveau : celle du constat de circonstances humanitaires par l'autorité chargée de délivrer le visa permettant d'accéder au territoire national, qui justifient de ne pas faire application de ce critère.

Le titre IV permet d'engager une réforme structurelle du système de l'asile.

L'article 19 a pour objet de permettre la création de pôles territoriaux « France Asile » qui offriront aux demandeurs d'asile un parcours administratif simplifié entre les différentes administrations compétentes (préfecture, Office français de l'immigration et de l'intégration, Office français de protection des réfugiés et des apatrides). L'enregistrement de la demande d'asile, l'octroi des conditions matérielles d'accueil et l'introduction de la demande d'asile pourront ainsi être effectués au sein d'un même pôle.

Le dispositif pourra être déployé progressivement sur le territoire, en fonction des besoins et des capacités locales, afin de favoriser un rééquilibrage territorial de l'accueil des demandeurs d'asile, et de mettre à disposition un service public de proximité.

Plus lisible pour l'usager, ce dispositif permettra également de raccourcir de plusieurs semaines les délais de la procédure, grâce à l'introduction immédiate de la demande d'asile, sans affecter les garanties apportées aux demandeurs d'asile, en particulier le temps nécessaire à l'établissement du récit et à la préparation de l'entretien avec l'officier de protection.

L'article 20 a pour objet de modifier l'organisation de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) afin de l'adapter à l'ampleur du contentieux et d'en renforcer l'efficacité.

D'une part, des chambres territoriales du droit d'asile pourront être créées. Gage de proximité et d'accessibilité pour les demandeurs et de maitrise des coûts que génère l'implantation aujourd'hui exclusivement francilienne de la CNDA (coûts de déplacements, hébergement, etc.), elles permettront d'engager un rééquilibrage du contentieux de l'asile sur territoire.

D'autre part, il est prévu que la cour statue, en principe, par décision d'un juge unique, sans préjudicie de la possibilité de renvoyer à une formation collégiale lorsque la complexité de l'affaire le justifiera.

Titre V - Simplifier les règles du contentieux relatif à l'entrée, au séjour et à l'éloignement des étrangers

Les articles 21 à 24 ont pour objet de tirer les conséquences du rapport du Conseil d'État relatif à la simplification du contentieux « étranger ».

À la douzaine de procédures existantes, est substituée une architecture contentieuse simplifiée, organisée en quatre catégories de recours. Cette organisation contentieuse a pour objectif de prioriser l'intervention du juge administratif en fonction de l'urgence qui s'y attache, compte tenu de la nature des décisions concernées :

La réforme du contentieux étranger est structurée autour de quatre procédures :

- OQTF avec délai de départ volontaire (un mois délai de recours / six mois délai de jugement) ;

- OQTF sans délai de départ volontaire (soixante-douze heures / six semaines) ;

- OQTF avec assignation à résidence (sept jours/quinze jours) ;

- OQTF avec placement en rétention (quarante-huit heures / quatre-vingt-seize heures).

L'OQTF débouté du droit d'asile pourra être contestée dans un délai de sept jours. Un délai de jugement de quinze jours commencera à courir à compter de la décision de la CNDA.

Intègrent également la procédure « sept jours/quinze jours » les contentieux de l'enregistrement de la demande d'asile et des conditions matérielles d'accueil.

Enfin, les décisions de transferts Dublin s'insèrent également dans cette nouvelle architecture contentieuse :

- les décisions de transfert sans mesure d'exécution ou avec assignation à résidence : sept jours de délai de recours/quinze jours de délai de jugement ;

- les décisions de transfert avec placement en rétention : quarante-huit heures/quatre-vingt-seize heures.

Cette proposition de réforme répond au double critère de simplification et de maintien de l'efficacité de la politique d'éloignement.

Les articles 21 et 24 comportent également des dispositions visant à limiter les déplacements au tribunal des étrangers maintenus en rétention administrative ou en zone d'attente, en prévoyant une possibilité de recourir à des moyens de communication audiovisuelle pour les audiences. Ainsi, lorsque cette possibilité sera exploitée, l'étranger sera présent, avec son conseil, dans une salle d'audience spécialement aménagée à proximité du lieu de rétention ou de la zone d'attente, tandis que le juge se tiendra au siège de la juridiction.

L'article 25 vise à permettre au juge des libertés et de la détention de statuer dans un délai de quarante-huit heures lorsque le nombre d'étrangers placés simultanément en zone d'attente est trop important pour lui permettre de statuer en vingt-quatre heures.

Aujourd'hui, un étranger peut être placé en zone d'attente pour une durée de quatre jours, à l'issue de laquelle son maintien peut être prolongé par le juge des libertés et de la détention pour une période de huit jours renouvelable une fois. Saisi à cette fin par le préfet, le juge dispose de vingt-quatre heures pour statuer à compter de sa saisine.

Ce délai prescrit par la loi s'avère parfois insuffisant. C'est ainsi que, suite à l'arrivée du navire Ocean Viking à Toulon le 11 novembre 2022, les requêtes aux fins de prolongation du maintien n'ayant pu être traitées par les juges dans les vingt-quatre heures prescrites par la loi, la plupart des étrangers en situation irrégulière ont été remis en liberté.

Le législateur avait pourtant prévu, dès 2011, que le juge doit pouvoir disposer d'un délai plus long - quarante-huit heures - pour statuer lorsque les nécessités de l'instruction l'imposent. Les juges ont toutefois considéré que cette dérogation doit s'apprécier au cas par cas, et qu'elle ne peut résulter d'un contexte extérieur au dossier ; cette solution a été confirmée en appel.

Pour répondre à cette situation, il est prévu que le juge, constatant son impossibilité à statuer en vingt-quatre heures, puisse bénéficier de quarante-huit heures pour le faire, lorsque le placement en zone d'attente simultané d'un nombre important d'étrangers s'avère incompatible avec les contraintes du service juridictionnel.

Titre VI - Dispositions diverses et finales

L'article 26 prévoit que les mesures nécessaires à l'adaptation et à l'extension aux collectivités relevant des articles 73 et 74 de la Constitution et à la Nouvelle-Calédonie fassent l'objet d'une ordonnance, prise dans les dix-huit mois qui suivront la promulgation de la loi. Ce délai permettra, en pleine concertation, d'adapter les importantes réformes contenues dans cette loi au contexte propre aux outre-mer. Dans l'attente de cette adaptation, les dispositions de la présente loi ne sont pas applicables aux Outre-mer.

L' article 27 détermine les modalités d'entrée en vigueur pour les articles 12, 21 à 24 ainsi que dans les territoires mentionnés aux articles 73 et 74 de la Constitution, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises.


* 1 Tous les chiffres mentionnés sont issus du département des statistiques et études documentaires de la Direction générale des étrangers en France et ont été publiés.

* 2 L'année 2019 est l'année de référence, les années 2020 et 2021 ayant subi les conséquences du covid-19.

* 3 Loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur.

* 4 Loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie .

* 5 Décret n° 2010-835 du 21 juillet 2010 relatif à l'incrimination de l'outrage au drapeau tricolore .

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