Question de M. BAS Philippe (Manche - Les Républicains) publiée le 21/11/2019

Question posée en séance publique le 20/11/2019

M. Philippe Bas. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Hier, le Président de la République a été reçu par les maires dans le meilleur esprit républicain. Il leur a rendu hommage – le contraire aurait surpris –, mais il a laissé le chantier de l'acte III de la décentralisation en jachère, sans rien annoncer de neuf. Or les nuages s'accumulent sur les libertés locales.

La recentralisation est en marche, qui place les communes sous la dépendance de l'État et déresponsabilise les élus. L'autonomie financière recule avec l'usine à gaz de la compensation de la taxe d'habitation. Les dotations s'érodent, car elles ne sont pas indexées sur l'inflation. Les subventions discrétionnaires des préfets sont préférées à la dotation d'investissement, qui seule est libre d'emploi.

À travers les « contrats de Cahors », l'État s'immisce dans la libre administration des collectivités. Il oppose aussi une fin de non-recevoir au rééquilibrage des relations entre communes et intercommunalités.

Rien n'est fait pour faire obstacle au communautarisme. Sur ce point, on sait maintenant ce que le Président de la République ne veut pas, même si on ne sait toujours pas ce qu'il veut. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Monsieur le Premier ministre, allez-vous prendre la pleine mesure de ces réalités et des menaces d'asphyxie qui pèsent sur la démocratie locale ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)


Réponse du Premier ministre publiée le 21/11/2019

Réponse apportée en séance publique le 20/11/2019

M. François Patriat. Vous êtes servis ! (Sourires sur les travées du groupe LaREM.)

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président Bas, vous avez brossé un tableau bien noir de la réalité vécue par les maires. (Marques d'étonnement sur les travées des groupes Les Républicains et UC.) Après tout, pour reprendre votre formule, il aurait été surprenant qu'il en soit autrement ! (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)

Je voudrais apporter quelques nuances au discours que vous venez de prononcer, en faisant appel à la faible expérience qui est la mienne, mais que je crois utile de souligner. Je me souviens de la réaction des communes et des maires – je ne parle que des maires, parce que c'est la seule expérience dont je puisse faire état – quelques semaines après les élections municipales de 2014, à un moment où il était question non pas d'une stabilité des dotations – vous vous en souvenez –, mais de leur diminution drastique et pluriannuelle.

Monsieur le président Bas, quand on regarde la totalité du mandat municipal qui a vocation à s'achever au mois mars 2020 – c'est en tout cas comme cela que, pour ma part, je le regarderais –, on voit très clairement une période où, pendant trois ans, les dotations ont baissé, les périmètres des intercommunalités ont été modifiés, parfois brutalement,…

M. André Reichardt. Exact !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. … et où toute une série de mesures sont venues transformer le quotidien des maires. Monsieur le président Bas, on voit bien, je crois, que, dans les trois années qui ont suivi, cette baisse des dotations s'est arrêtée. Vous le savez parfaitement. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Pierre-Yves Collombat. Non !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Les chiffres sont là. La commission des finances peut l'établir. C'est parfaitement documenté.

Vous savez très bien que nous avons décidé de ne pas nous engager dans un big-bang périmétrique pour remodifier les répartitions de compétences, lesquelles avaient d'ailleurs parfois été votées dans le cadre d'une commission mixte paritaire – monsieur le président du Sénat, vous le savez parfaitement –, et de faire en sorte de pouvoir assimiler – digérer, si j'ose dire – la transformation profonde qui a été réalisée jusqu'en 2017.

Ce que je constate, monsieur le président Bas, c'est que nous allons finir de remplacer la taxe d'habitation par une recette fiscale dynamique, dans le cadre d'un dispositif, qui, comme l'a remarquablement expliqué M. le secrétaire d'État voilà quelques minutes, garantit aux communes des ressources pérennes.

Monsieur le président Bas, je peux le dire, j'étais maire à l'époque : si le même système avait été mis en place quand on a supprimé la taxe professionnelle, lors du quinquennat qui précédait le quinquennat précédent… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Grosdidier. Que vous souteniez !

M. Pierre-Yves Collombat. C'était qui ?

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Je crois que vous voyez très bien ce à quoi je fais référence !

Si le même système que celui que nous proposons avait été mis en place, je suis convaincu que les maires et les intercommunalités s'en trouveraient mieux.

En d'autres termes, monsieur le président, on peut nuancer ce que vous avez indiqué et dire que le Président de la République a fait le choix de la stabilité et de la confiance. (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains, SOCR et CRCE.)

J'observe en outre, car vous ne l'avez pas dit, mais vous auriez pu le dire, monsieur le président Bas, que c'est le président de l'Association des maires de France lui-même qui nous a fortement invités à ce que, sur les projets relatifs à la décentralisation, sans mettre la question à l'écart, on laisse passer la période qui va jusqu'à mars prochain et aux échéances municipales. Ce n'est pas le Président de la République qui l'a proposé.

Avec Mme la ministre Jacqueline Gourault et Sébastien Lecornu, ministre chargé des collectivités territoriales, le Gouvernement est en train de travailler à un projet de loi qui, pour la première fois, ira bien plus loin que tout ce qui a été fait jusqu'à présent en matière de différenciation.

Comme vous êtes un homme qui croit à la réalité des faits plutôt qu'aux promesses, monsieur le président Bas, je vous renvoie à ce que nous avons fait pour l'Alsace (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) : écoute des collectivités territoriales, loi de différenciation.

M. François Grosdidier. Vous n'avez pas écouté la Moselle, en tout cas !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. C'est à mon avis un exemple éloquent et réel, puisqu'il a été voté par le Sénat, de ce que nous sommes capables de faire !

Ainsi nuancés, il me semble que nos deux discours se répondent. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. Pierre-Yves Collombat. Vous avez tous la même politique !

M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour la réplique.

M. Philippe Bas. Monsieur le Premier ministre Philippe, je vous l'accorde : il y a eu pire que votre gouvernement. (Rires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Voyez-vous, la commune n'est pas une nostalgie. Les maires ne sont pas des faire-valoir. Ils n'ont que faire des flatteries. Ils appartiennent à la démocratie du concret. Ce ne sont pas des marchands de bonheur.

Il est plus que temps d'inverser par des mesures vigoureuses la tendance à la recentralisation qui n'a cessé de s'affirmer au cours des dernières années. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

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