C. LES ATTEINTES AUX DROITS DU PARLEMENT À TRAVERS LA TRANSPOSITION DE LA DIRECTIVE 92/49/CEE DU CONSEIL DU 21 MAI 1992 " NATURA 2000 "

1. Contexte et contenu de la directive

Comme le rappelait notre collègue Jean-François Le Grand dans son rapport d'information 1 ( * ) adopté par notre commission, en avril 1997, le très mauvais contexte dans lequel a été mise en oeuvre la directive 92/43/CEE " Habitats naturels " explique le rejet unanime constaté, en 1996, contre ce texte, et ce parmi l'ensemble des acteurs du monde rural. Ainsi, relevait-il, on avait à faire à " un texte mal connu, mal interprété, une règle du jeu quasi inexistante, un défaut majeur de communication et à des réactions de défense de la part de certains se sentant pris au piège de l'intégrisme écologique prôné par quelques autres ".

Depuis, le dialogue a repris avec profit, notamment au niveau local. Mais la procédure imposée aujourd'hui par le Gouvernement ne fait-elle pas peser une menace sur les avancées réelles constatées tant en ce qui concerne la désignation de ce réseau écologique européen que l'élaboration des futurs documents de gestion ?

a) Contenu de la directive " Habitats naturels "

L'objectif de la directive est de contribuer à assurer la préservation de la diversité biologique européenne, principalement au moyen de la constitution d'un réseau écologique intitulé " Natura 2000 " de sites abritant les habitats naturels et les habitats d'espèces de faune et de flore sauvages d'intérêt communautaire.

La directive cherche à concilier cet objectif de protection avec les exigences économiques, sociales et culturelles des Etats membres. Ainsi, la désignation des sites entraînera pour les Etats membres une obligation de résultat, c'est-à-dire, selon la directive, le maintien ou la restauration des habitats naturels et des habitats d'espèces d'intérêt communautaire, dans un état de conservation favorable, mais l'article 2, dans son paragraphe 3, précise également qu'il est tenu compte tant des exigences économiques sociales et culturelles que des particularités régionales et locales et l'article 6 aménage le régime d'implantation dans les zones du réseau, des projets affectant de façon significative l'environnement.

L'objectif de la directive est donc de mettre en place un réseau d'habitats dits d'intérêt communautaire en créant des Zones spéciales de conservation (ZSC) visant la conservation des 253 types d'habitats, des 200 espèces faunistiques et des 432 espèces végétales figurant dans ses annexes.

Ces habitats ou ces espèces sont soit en danger de disparition dans leur aire de répartition naturelle " et sont donc considérés comme prioritaires dans la directive ", soit ont une aire de répartition naturelle réduite, sont menacés ou vulnérables ou enfin constituent des exemples remarquables des caractéristiques propres à l'une ou à plusieurs des six régions biogéographiques européennes.

La directive est complétée par six annexes :

- annexe I : types d'habitats naturels d'intérêt communautaire dont la conservation nécessite la désignation de ZSC (basée sur la classification CORINE-biotopes) ;

- annexe II : espèces animales et végétales d'intérêt communautaire dont la conservation nécessite la désignation de ZSC ;

- annexe III : critères de sélection des sites susceptibles d'être identifiés comme sites d'importance communautaire et désignés comme ZSC ;

- annexe IV : espèces animales et végétales d'intérêt communautaire qui nécessitent une protection stricte ;

- annexe V : espèces animales et végétales d'intérêt communautaire dont le prélèvement dans la nature et l'exploitation sont susceptibles de faire l'objet de mesures de gestion ;

- annexe VI : méthodes et moyens de capture et de mise à mort et modes de transport interdits.

La constitution de ce réseau fait l'objet d'une procédure détaillée prévue aux articles 4 et 5 de la directive et qui requiert une collaboration étroite entre la Commission européenne et les Etats membres : sur la base de listes nationales transmises par les Etats membres, la Commission doit établir la liste des sites d'intérêt communautaire que les Etats membres devront désigner ensuite en ZSC.

Le calendrier prévisionnel de la constitution du réseau " Natura 2000 " s'établissait ainsi :

- établissement d'une liste nationale de sites (1992-1995) ;

- établissement de la liste communautaire (1995-1998) ;

- incorporation des sites retenus au réseau " Natura 2000 " (1998-2004), et adoption des mesures de gestion, mais tous les Etats membres ont pris du retard dans la mise en oeuvre de la directive.

Il convient de rappeler que la directive 92/43/CEE " Habitats naturels " intègre également les zones de protection spéciale (ZPS) désignées au titre de la directive 79/409/CEE/Oiseaux sauvages. Ainsi, à compter de l'entrée en vigueur de la directive 92/43/CEE/"Habitats naturels", le 5 juin 1994, l'article 7 prévoit que les obligations découlant de l'article 6 paragraphes 2, 3 et 4 se substituent à celles de l'article 4, paragraphe 4 de la directive 79/409/CEE/Oiseaux sauvages et s'appliquent tant aux ZPS désignées à cette date qu'aux ZPS créées ultérieurement.

S'agissant de la protection des espaces ainsi intégrés dans le réseau écologique européen, la directive fait peser sur les Etats membres une obligation de résultat.

L'article 2 de la directive fixe l'objectif général à atteindre, à savoir le " maintien ou le rétablissement dans un état de conservation favorable des "Habitats naturels" et des espèces de faune et de flore sauvages d'intérêt communautaire " en précisant que " les mesures prises " pour atteindre cet objectif " tiennent compte des exiges économiques, sociales et culturelles, ainsi que des particularités régionales et locales ".

L'article 6, paragraphes 1 et 2, donne compétence aux Etats membres pour définir les mesures appropriées permettant d'atteindre les objectifs définis à l'article 2, notamment afin d'éviter toute perturbation ou détérioration ayant des effets significatifs sur les espèces ou les habitats visés dans les annexes.

En conséquence, et tout en laissant aux Etats membres le soin de définir les moyens permettant d'atteindre les objectifs fixés, la directive prévoit de façon détaillée à l'article 6, paragraphes 3 et 4, la procédure d'évaluation de l'impact d'un projet sur l'environnement, lorsque ce projet est prévu dans une ZSC.

- Il s'agit de s'assurer que tout nouveau projet d'activités prend en compte effectivement les intérêts de conservation de la nature. Ceci passe par une évaluation appropriée des incidences du projet sur les objectifs de conservation du site et la consultation du public en cours de procédure.

- S'il est démontré que l'impact du projet porte préjudice à l'intégrité du site, les autorités nationales ne peuvent donner leur accord que sous certaines conditions :

* s'il est démontré qu'il n'existe pas d'autre solution ;

* si le projet répond à un intérêt public majeur qui peut être de nature sociale ou économique ;

* l'Etat doit alors adopter des mesures compensatoires pouvant, au besoin, prévoir la recréation du même type d'habitat sur le site ou ailleurs.

Enfin, lorsque le site abrite un type d'habitat naturel ou d'espèce prioritaire, le projet ne peut porter préjudice à l'intégrité du site que pour des considérations majeures liées à la santé de l'homme et à la sécurité publique.

En ce qui concerne le régime de protection des espèces, la présence de celles dotées d'un statut prioritaire justifie, en outre, la mise en place de mesures évitant toute perturbation et dérangement.

b) Bilan d'application de la directive " Habitats naturels " en France.

Les propositions françaises ont peu évolué depuis le 15 juillet 1999 et concernent 1.029 sites couvrant environ 26.720 km 2 de superficie, soit environ 4,9 % du territoire. La superficie moyenne de chaque site est d'environ 2.600 hectares.

Le tableau ci-dessous, communiqué par l'administration fin 1999, récapitule la répartition des sites proposés par région :

Propositions transmises à la commission

Région

Nombre

Surface terrestre (ha)

Surface marine (ha)

Cours d'eau (km)

Pourcentage/
superficie régionale

Alsace

16

50 908

6,1

Aquitaine

66

149 271

7 864

1

3,6

Auvergne

61

86 080

2 382

3,3

Bourgogne

46

55 201

3

1,7

Bretagne

52

87 012

100 101

3,2

Centre

38

106 109

2,7

Champagne-Ardenne

72

53 678

2,1

Corse

43

89 153

52 510

10,3

Franche-Comté

40

119 904

7,4

Ile-de-France

14

24 112

60

2,0

Languedoc-Roussillon

57

297 151

7 208

10,9

Limousin

27

17 236

8

1,0

Lorraine

60

42 245

1,8

Midi-Pyrénées

91

270 155

6,0

Nord-Pas-de-Calais

21

9 374

4 603

0,8

Basse-Normandie

30

55 640

55 314

3,2

Haute-Normandie

20

23 509

7 363

660

1,9

Pays-de-la-Loire

32

155 890

30 038

4,9

Picardie

32

28 597

10 033

1,5

Poitou-Charentes

50

104 138

185 033

2

4,0

Provence-Alpes-Côte d'Azur

70

576 949

12 137

18,4

Rhône-Alpes

110

269 848

6,2

TOTAL

1 029

2 672 160

472 204

3 116

4,9

En application du décret n° 95-631 du 5 mai 1995 relatif à la conservation des "Habitats naturels", l'inventaire des sites proposés par la France à la Commission européenne a fait l'objet d'une concertation locale avec les maires et les représentants des milieux économiques et professionnels concernés.

L'arrêt du Conseil d'Etat du 27 septembre 1999 a, d'ailleurs, rappelé cette obligation de consultation en annulant pour illégalité la circulaire du 11 août 1997 ainsi que les trois décisions des 16 octobre, 3 décembre et 9 décembre 1997 du ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, parce que cette circulaire autorisait les préfets à s'affranchir de la procédure de consultation pour les sites, dont la transmission ne posait pas de problème.

Il convient de souligner que la liste des 1.029 propositions transmises intègre les propositions annulées par l'arrêt du conseil, car celles-ci ont été soumises, dans un deuxième temps, à la procédure de consultation prévue par le décret de 1995.

Actuellement, la concertation se poursuit pour définir la gestion de chaque site avec l'élaboration d'un cahier d'objectifs dans le cadre d'un comité local de pilotage qui associe tous les acteurs concernés.

En 1996, un programme expérimental, soutenu financièrement par la Commission européenne, au titre du Fonds Life, avait concerné 36 sites pilotes. En 1999-2000, la réalisation de documents d'objectifs porte désormais sur 300 sites.

* 1 Natura 2000 : de la difficulté de mettre en oeuvre une directive européenne (n°309 - 1996-1997).

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page