II. LES MESURES DE RÉFORME ANNONCÉES POUR CHAQUE NIVEAU D'ENSEIGNEMENT

Alors que le lycée constituait pour le précédent ministre de l'éducation nationale le pivot et la priorité des réformes de l'enseignement scolaire, l'école primaire semble aujourd'hui faire l'objet de toutes les attentions de son successeur, la réforme du collège, maillon faible de notre système éducatif, étant renvoyée une fois de plus au stade de la réflexion, tandis que celle du lycée, engagée par son prédécesseur, se trouve sensiblement infléchie.

A. LA RÉFORME DE L'ÉCOLE PRIMAIRE : UN PROBLÈME DE MÉTHODE PLUTÔT QUE DE MOYENS

Annoncées par le ministre de l'éducation nationale le 20 juin dernier, les mesures relatives à l'école primaire, dont l'objectif prioritaire est de favoriser la réussite scolaire de tous les élèves et de mieux répondre aux défis du futur, n'ont qu'une traduction budgétaire limitée.

1. Les contenus d'enseignement

a) L'acquisition des fondamentaux : apprendre à lire et à écrire

La circulaire d'octobre 1999 relative aux langues dans l'enseignement préélémentaire précisait les objectifs et les modalités de travail à l'école maternelle, afin de favoriser la maîtrise de la langue orale, l'accès à l'écrit et de structurer les premiers éléments d'une éducation à l'image.

Le plan du 20 juin 2000 se propose de renforcer la priorité accordée à la maîtrise de l'oral et de l'écrit.

Il a été indiqué à votre rapporteur que dès l'école maternelle, il sera demandé aux enseignants de travailler prioritairement l'expression orale pour préparer l'accès des enfants à l'écrit, ainsi que l'acquisition du " geste grapho-moteur " . A l'école élémentaire, il s'agit de donner la capacité et le goût de lire aux élèves et de faire de la lecture un outil pour toutes les disciplines en développant l'utilisation par les élèves de manuels, d'ouvrages documentaires et de ressources sur Internet ainsi que d'apprendre à l'enfant à écrire en développant " l'habileté gestuelle pour que l'écriture devienne un exercice banal et un outil de construction et d'expression de la pensée " . Bref, au-delà de ce jargon pédagogisant, on apprendra aux écoliers à lire et à écrire, ce qui est la vocation même de l'école.

Dans cette perspective, un nouveau plan de développement des bibliothèques centres documentaires a pour ambition de développer l'accessibilité de la littérature de jeunesse et des oeuvres du patrimoine aux élèves du primaire, tandis que le fonds disponible sera enrichi d'une dotation de 500 000 livres pour les années 2000 et 2001.

b) La mise en oeuvre des nouveaux programmes

Les priorités retenues (maîtrise de la langue et de la lecture, développement des sciences et de l'éducation artistique, meilleure intégration des langues vivantes, pratique des NTIC) seront prises en compte pour l'élaboration de nouveaux programmes ; ceux-ci doivent être rédigés au cours de l'année scolaire 2000-2001 et mis en oeuvre à la rentrée 2002. Ces programmes prendront en compte les principaux enseignements issus de la consultation des maîtres sur les documents d'accompagnement des programmes de 1995 2 ( * ) .

Pour sa part, votre commission estime nécessaire de mettre en oeuvre dans les meilleurs délais les mesures pour améliorer l'apprentissage de la lecture, alors que 10 à 15 % des élèves arrivent en classe de sixième sans savoir convenablement lire, et que le collège ne remédie pas à cette situation.

En effet, les résultats des tests de lecture réalisés lors de la dernière journée d'appel de préparation à la défense sur un échantillon de près de 22 000 jeunes de 17-18 ans ont montré que 11,5 % des garçons éprouvent des difficultés de lecture, contre 7,1 % des filles, la proportion des garçons en grave difficulté de lecture passant même de 4,9 à 6,7 % en un an.

c) Le développement des pratiques d'évaluation

Les évaluations nationales existantes, notamment en début du CE2, devraient être améliorées. Des formes nouvelles d'évaluation seront mises en oeuvre durant l'année scolaire 2000-2001 en grande section d'école maternelle et en cours préparatoire. Les évaluations porteront essentiellement sur le langage oral et les premières phases d'entrée dans la maîtrise de l'écrit. Elles visent le repérage des acquis et des difficultés naissantes qui nécessitent une intervention pédagogique. Les enseignants auront la possibilité de choisir les modalités d'évaluation mais les résultats de cette évaluation ne feront pas l'objet d'une collecte nationale.

d) La poursuite de la rénovation de l'enseignement des sciences et de la technologie

L'opération La main à la pâte , impulsée par Georges Charpak et l'Académie des sciences, a constitué depuis 1996 la principale innovation pour l'enseignement des sciences à l'école primaire. Elle concerne aujourd'hui 5 000 classes. Les maîtres impliqués ont bénéficié d'un soutien en matière de formations, d'outils pédagogiques mis à leur disposition via Internet, d'aides financières pour l'équipement des écoles en matériel pédagogique. Depuis quatre ans, 3,7 millions de francs ont été consacrés à cette action, dont 1,8 million de francs en 1999.

Le plan de rénovation de l'enseignement des sciences et de la technologie à l'école a pour objectif de développer à l'école primaire les bases d'une culture scientifique et de stimuler l'enseignement des sciences. Les IUFM, le CNDP et son réseau, l'INRP, l'Académie des sciences doivent contribuer à la réussite de ce plan, auquel la communauté scientifique est également invitée à participer.

Votre commission ne peut que se féliciter d'une telle initiative qui est de nature à remédier à la désaffection des lycéens et des étudiants pour les filières scientifiques.

e) Le développement de l'éducation artistique et culturelle

Cet objectif passe par un encouragement des pratiques telles que les chorales et par une incitation au développement d'autres formes artistiques (éducation au cinéma, découverte de l'architecture...) : les classes culturelles et les ateliers artistiques permettant des rencontres avec des créateurs, seront confortés et leur nombre augmenté.

Des moyens nouveaux sont prévus pour atteindre cet objectif de promotion de l'éducation artistique : création d'une mission de l'éducation artistique et culturelle et d'un centre national pour les arts et l'action culturelle, dotés de crédits spécifiques.

f) L'intégration des nouvelles technologies dans les apprentissages

En liaison avec les collectivités locales, l'éducation nationale a entrepris un effort important pour assurer l'équipement et la connexion à l'Internet de toutes les écoles.

Un " Brevet Informatique et Internet " sera créé, dont l'objectif est d'attester le niveau acquis par les élèves dans la maîtrise des outils multimédias. Sa mise en place sera progressive à l'école, jusqu'à l'achèvement des équipements (2002), tandis que tous les collèges pourront le mettre en oeuvre dès 2000-2001.

2. Les mesures concernant les enseignants

a) Le recrutement et la formation des professeurs des écoles

Certaines mesures sont prévues pour améliorer la formation des enseignants du premier degré :

- l'introduction d'une épreuve de langues vivantes dans le concours de recrutement de professeurs des écoles et le renforcement (en formation initiale et continue) de leur formation linguistique ;

- le développement de la pratique régulière des nouvelles technologies dans le cadre de la formation initiale ;

- la possibilité pour les professeurs des écoles de choisir une " dominante de formation " à l'IUFM, afin d'améliorer les échanges de service et le travail en équipe.

S'agissant des incidences de la réforme de l'école primaire pour les professeurs des écoles, votre commission tient à souligner les réserves de nombre d'enseignants du premier degré à l'égard de certaines mesures qui sont, selon eux, de nature à porter atteinte à la polyvalence de leur fonction.

Une étude publiée en septembre dernier par l'INRP sur " la polyvalence des maîtres du primaire et la formation des professeurs des écoles " montre en effet que ces enseignants tendent naturellement à hiérarchiser les matières entre les disciplines " importantes, sérieuses, mais scolaires " et les " matières non scolaires, ludiques, parce que non évaluées ", c'est-à-dire les langues vivantes, les arts plastiques et la musique, l'EPS et l'éducation civique.

C'est particulièrement le cas pour les langues vivantes en primaire, puisque 54 % des enseignants interrogés dans le cadre de cette étude estiment que " le maître ne doit pas enseigner la langue étrangère ", cette obligation étant perçue comme un obstacle à la polyvalence, et pour la prise en charge par des intervenants extérieurs d'activités nécessitant la présence de spécialistes (arts, EPS ...) ; dans ce cas le maître est cantonné à la surveillance des élèves, alors qu'il devrait rester leur responsable pédagogique, voire le " chef d'orchestre " , comme l'indiquait la charte de l'école du XXIe siècle.

b) L'amélioration de la liaison entre l'école et le collège

Afin de favoriser l'adaptation des élèves et la continuité des apprentissages, la préparation des élèves à l'enseignement secondaire doit être envisagée dès le cours moyen, sous forme de visites de collèges, d'activités auprès des collégiens pendant une ou plusieurs journées, d'échanges en utilisant les nouvelles technologies.

En outre, l'amélioration de la communication entre enseignants des écoles et des collèges avant la fin de chaque année scolaire, sur les élèves et leur parcours scolaire, doit contribuer à améliorer l'accueil des nouveaux collégiens par la mise en place rapide des dispositifs d'aide personnalisée, une meilleure exploitation des résultats de l'évaluation nationale de début d'année en classe de sixième devrait permettre d'ajuster les dispositifs proposés.

Cette évaluation permettra d'approfondir le dialogue entre les enseignants des deux degrés sur les contenus et les méthodes, sur les priorités de l'école, contribuant ainsi à la régulation des projets d'enseignement.

Enfin, la rédaction de nouveaux programmes, qui prendront en compte l'impératif de continuité entre école et collège, devrait faciliter cet effort d'harmonisation.

Votre commission tient à souligner la modestie de ce dispositif et à rappeler que la commission d'enquête du Sénat avait proposé des aménagements plus ambitieux, comme le développement d'une certaine polyvalence des professeurs dans les premières années de collège.

3. Les moyens budgétaires de la réforme

Le projet de loi de finances 2001 comporte des moyens nouveaux pour favoriser la rénovation du contenu de l'enseignement primaire dans trois domaines prioritaires :

•  l'utilisation des NTIC : 90 millions de francs de crédits supplémentaires sont prévus, notamment pour favoriser une mise en place progressive dans les écoles du " Brevet Informatique et Internet ", les crédits pédagogiques (hors équipement) consacrés aux nouvelles technologies étant en progression de plus de 50 % ;

•  l'apprentissage des langues vivantes, avec l'objectif de généralisation de l'enseignement d'une langue vivante en CM1, et la rénovation de l'enseignement des sciences à l'école, avec l'extension de l'opération La main à la pâte : 60 millions de francs sont prévus à cet effet, soit un doublement des crédits consacrés à ces actions ;

•  la formation artistique et culturelle : 263 millions de francs de crédits nouveaux seront consacrés à cette action.

Les crédits consacrés à la formation continue des personnels sont majorés de 20 millions de francs pour accompagner la mise en oeuvre de ces orientations pédagogiques.

Au total, la réforme de l'école primaire annoncée à grand bruit il y a six mois bénéficiera de 433 millions de francs. C'est peu pour un budget de l'enseignement scolaire de 332 milliards de francs, et pour les objectifs affichés, c'est-à-dire favoriser la réussite scolaire de tous les élèves et répondre aux défis du futur.

4. L'apprentissage des langues vivantes dans le premier degré

a) Le plan de développement annoncé

Le plan annoncé par le ministre le 20 juin 2000 a pour objet de faire débuter l'apprentissage des langues dès le plus jeune âge. L'objectif est que, dans les cinq ans à venir, tous les élèves de sixième apprennent deux langues vivantes, l'une commencée à l'école primaire, l'autre débutée au collège.

Dès la rentrée 2000, l'apprentissage d'une première langue vivante doit être généralisé dans toutes les classes de CM2 et, l'année suivante, dans les classes de CM1. Avant la rentrée 2002, tous les élèves de cours moyen seront concernés par l'enseignement des langues.

Ce plan implique la mobilisation de tous les enseignants ayant une compétence linguistique, le renforcement de la formation linguistique des maîtres du premier degré, l'affectation à la rentrée 2000 de 400 postes supplémentaires d'assistants étrangers dans l'enseignement primaire, s'ajoutant aux 1 000 postes déjà créés en 1998, le recours à des intervenants extérieurs : 30 millions de francs de crédits nouveaux étaient prévus au titre du budget 2000 et du collectif budgétaire, le projet de loi de finances 2001 prévoyant un doublement de ces moyens.

Par ailleurs, 5 millions de francs ont été engagés dès l'année 2000 pour développer l'usage des logiciels de langue et une bourse d'échanges entre classes primaires devait être créée sur Internet pendant la durée de la présidence française de l'Union européenne.

L'enseignement des langues vivantes sera intégré dans les nouveaux programmes de l'école primaire qui seront publiés au printemps 2001 ; à compter de la rentrée 2002, l'apprentissage des langues vivantes devrait bénéficier chaque année à des élèves de plus en plus jeunes.

L'effort de formation initiale et continue des enseignants du premier degré devrait être poursuivi pour qu'à terme l'enseignement des langues puisse être pris en charge par la majorité d'entre eux.

b) Le bilan de l'actuel dispositif d'apprentissage des langues étrangères dans l'enseignement primaire

Le dispositif mis en oeuvre à la rentrée 1998-1999 tendait à généraliser progressivement un enseignement de langues vivantes au cours moyen. Cet enseignement, d'une durée d'une heure et demie par semaine, était dispensé par des personnels disposant de compétences linguistiques.

Selon les résultats d'une enquête menée au printemps dernier, cet enseignement est actuellement assuré dans plus de 47 500 classes de cours moyen (enseignement public et privé), soit 70 % des classes concernées. Le taux de couverture des classes de CM2, prioritaires au cours des deux premières années de la généralisation, s'élève à 84 %. Celui des classes de CM1 a progressé dans l'enseignement public en passant de 35 % en 1998-1999 à 51 % à la date de l'enquête.

Les principales langues enseignées sont l'anglais (76 % des classes), l'allemand (20 %) et l'espagnol (2 %). D'autres langues sont enseignées aux élèves, notamment l'italien, le portugais et l'arabe, mais elles restent peu représentées.

Plus de 4000 personnels supplémentaires ont participé en 1999-2000 à cet effort de généralisation portant l'effectif global des intervenants en langues à 24 500 personnes. Les enseignants du premier degré représentent 55 % des personnels, les professeurs de langue du second degré 26 %, les intervenants extérieurs 13 % et les assistants étrangers 4 %.

Les formations continues destinées à développer les compétences linguistiques et pédagogiques des instituteurs et professeurs des écoles ont accueilli 9 200 stagiaires, pour un volume de 48 500 journées de formation.

Il convient par ailleurs d'indiquer que le plan annoncé pour le développement des langues vivantes à l'école primaire a fait l'objet d'une réflexion conduite par M. Francis Goullier, inspecteur général de l'éducation nationale, conduite autour de deux principes :

- la nécessité de prendre appui sur les spécificités de certaines régions ou bassins de formation en consolidant les dispositifs existants (enseignement des langues régionales, enseignement de la langue du pays voisin dans les régions frontalières...) ;

- la priorité donnée à la communication (compréhension et expression à l'oral, puis à l'écrit) sans que les apports culturels soient pour autant négligés.

c) Les moyens affectés au nouveau dispositif

• Les professeurs des écoles

Les personnels mobilisés pour l'enseignement des langues vivantes devraient être, à terme, des enseignants du premier degré formés spécifiquement pour dispenser un enseignement linguistique à de jeunes enfants.

A l'heure actuelle, environ 15 000 enseignants du primaire ont été estimés capables d'enseigner une langue vivante étrangère à des élèves de cours moyen, soit 5 % de l'effectif total des enseignants du premier degré. Ce chiffre est sans doute sous-estimé, le passage devant la commission d'habilitation restant une démarche volontaire de la part de l'enseignant. Dans le cadre du plan de développement, un recensement précis des personnels disposant de compétences linguistiques devra être effectué dans le premier degré et des formations seront proposées aux enseignants.

Il convient de rappeler que les nouvelles générations de professeurs des écoles seront davantage préparées aux langues vivantes en raison de l'introduction en 2002 d'une épreuve obligatoire de langue vivante au concours de professeur des écoles: en effet, 40 % des candidats choisissent aujourd'hui les langues vivantes comme seconde épreuve d'admission.

• Les locuteurs étrangers

Les assistants étrangers de langue vivante sont recrutés dans le cadre de programmes d'échanges conclu avec nos pays partenaires. Ces étudiants sont présélectionnés par le pays d'origine et ensuite sélectionnés par des commissions mixtes réunissant les représentants du ministère de l'éducation nationale et ceux des pays partenaires. Ils sont nommés par les recteurs dans les établissements du second degré.

Les recteurs d'académie peuvent procéder à des recrutements locaux élargis à d'autres catégories de personnes dont les compétences ont été validées par une commission d'habilitation : étudiants étrangers inscrits dans les universités françaises, personnes bilingues, locuteurs natifs vivant en France, étudiants diplômés en langues vivantes et ayant effectué des séjours prolongés à l'étranger.

d) Vers un véritable plurilinguisme

Il a été indiqué au rapporteur que les orientations proposées par la mission d'information 3 ( * ) de la commission des affaires culturelles du Sénat sur l'apprentissage des langues vivantes, présidée par M. Jacques Legendre, avaient été prises en compte dans le plan de développement annoncé par le ministre : recherche de la diversification linguistique, notamment par l'enseignement obligatoire de deux langues vivantes et l'incitation au développement d'une troisième langue, apprentissage précoce des langues dans le primaire, prise en compte des spécificités linguistiques régionales, adaptation de la formation des enseignants, développement des échanges d'enseignants entre la France et les pays voisins.

Lors de la rentrée scolaire 2000, il est apparu, compte tenu des demandes des familles, un excédent d'enseignants en allemand, en arabe, en portugais et en russe. En revanche, l'anglais, l'espagnol et l'italien connaissent une situation déficitaire. Malgré une augmentation des postes offerts aux différents concours d'enseignement, la poursuite d'un recrutement est parfois contrariée par l'absence d'un vivier suffisant de candidats pour répondre aux besoins du système éducatif, notamment en anglais.

Afin d'atténuer la tendance " naturelle " à privilégier l'anglais en première langue à l'entrée au collège, une des options du plan de développement des langues vivantes est de mettre en oeuvre dès l'école primaire une véritable diversification linguistique. Ce plan devrait se traduire dans les cinq ans à venir, par l'apprentissage de deux langues vivantes pour tous les élèves de sixième, ainsi que par l'ouverture de sections européennes. Le bagage linguistique minimal de chaque élève de 6 e sera constitué de deux langues vivantes dont l'anglais. Dans cette perspective, il n'apparaît plus nécessaire de débuter les apprentissages linguistiques par l'anglais et de limiter le choix de la deuxième langue vivante à l'espagnol.

A cet égard, la circulaire du 23 juin 2000 relative aux mesures dites du " collège des années 2000 " invite les responsables académiques et départementaux du système éducatif, ainsi que les chefs d'établissement, à favoriser une plus grande diversification de la deuxième langue vivante, généralisée pour tous les élèves depuis 1998 en classe de quatrième, en prenant appui sur les spécificités académiques.

L'enseignement précoce de langues étrangères dans l'enseignement élémentaire devrait donner une place plus importante aux langues européennes, aux langues régionales et aux langues issues de l'immigration. Les langues dites rares devraient faire aussi l'objet d'une attention soutenue et l'apprentissage de l'arabe ou du chinois devra être proposé. Un effort particulier de sensibilisation des familles à l'intérêt d'ouvrir l'éventail des langues vivantes devrait être engagé.

Votre commission, qui porte depuis plusieurs années, un intérêt tout particulier à cette diversification linguistique ne peut qu'espérer que ces orientations ne resteront pas des voeux pieux et suivra avec attention leur mise en oeuvre.

e) Le développement de l'apprentissage des langues régionales

La politique mise en place depuis plusieurs années en faveur de l'enseignement des langues et cultures régionales, dans la perspective ouverte par la charte européenne des langues régionales et minoritaires, dont la ratification devra être autorisée par le Parlement, a été réaffirmée lors de la conférence de presse tenue sur l'école primaire par le ministre de l'éducation nationale le 20 juin 2000.

Elle s'est traduite par l'annonce de la création d'un concours spécial destiné à répondre aux besoins en professeurs des écoles qualifiés pour assurer le développement de l'enseignement bilingue, la mise en oeuvre de ce concours devant intervenir en 2002.

Aux voies actuellement offertes aux élèves pour l'apprentissage dans l'enseignement public des langues régionales -enseignement d'initiation et enseignement bilingue à parité pour l'école primaire et enseignement bilingue dans les sections de langue régionale pour le collège- devrait prochainement s'ajouter, à l'issue des négociations avec les associations Diwan et Seaska pour l'intégration de leurs établissements dans l'enseignement public, une troisième modalité - le bilinguisme par la méthode d'enseignement dite de l'immersion.

Au niveau du baccalauréat et pour l'ensemble des séries, l'enseignement bilingue verra sa place reconnue par la délivrance d'une mention spécifique portée sur ce diplôme, tandis que sera mis en place dans les académies concernées un conseil consultatif académique des langues et cultures régionales.

En application de cette politique, le ministre a signé le 18 octobre dernier avec le conseil régional d'Alsace et les deux conseils généraux concernés, une convention visant à développer l'enseignement de l'allemand et de l'alsacien dans les écoles : alors que 43 % des élèves (91 % en CM2) bénéficient déjà de trois heures d'allemand, la convention prévoit de généraliser cette offre dans le premier degré.

Les sites bilingues seront en outre développés, la pratique de l'alsacien encouragée en maternelle, et un concours spécial organisé pour les professeurs des écoles, incluant une épreuve en allemand.

Par ailleurs, la loi d'orientation relative à l'Outre-mer prévoit, dans son article 34, l'extension des dispositions de la loi du 11 janvier 1951, dite " Loi Deixonne ", aux langues régionales en usage dans les quatre académies ultra-marines.

L'enseignement des créoles est déjà autorisé à l'initiative des recteurs dans le cadre des dispositions de l'article 12 de la loi du 11 juillet 1975, réaffirmées par l'article 1 er de la loi d'orientation sur l'éducation du 10 juillet 1989 qui donne la possibilité d'offrir un enseignement, à tous les niveaux, de langues et cultures régionales.

Le ministre a annoncé en octobre dernier la création d'un CAPES de créole afin de mieux prendre en compte les identités régionales ultramarines, la première session devant se tenir en 2002.

Enfin, le gouvernement se propose de promouvoir l'enseignement de la langue corse dans les écoles élémentaires de l'île.

Au terme de l'accord dit " Matignon ", signé avec les élus insulaires, " le gouvernement proposera au Parlement le vote d'une disposition posant le principe selon lequel l'enseignement de la langue corse prendra place dans l'horaire normal des écoles maternelles et primaires et pourra ainsi être suivi par tous les élèves, sauf volonté contraire des parents ".

Si votre commission n'est nullement hostile à un développement de l'enseignement de la langue corse, elle est plus réservée sur le principe de son inclusion obligatoire dans l'horaire scolaire de l'école primaire qui entraînera nécessairement une réduction de l'horaire consacré à un autre enseignement, par exemple le français.

Un tel objectif suppose par ailleurs que soit identifié parmi les dialectes de l'île la langue qui sera enseignée, un recrutement et une formation spécifique des enseignants en IUFM (le gouvernement proposerait deux concours séparés, avec et sans corse), un recours à des intervenants extérieurs et à des aides-éducateurs recrutés sur profil " langue et culture corse ", ouvrant ainsi la porte à une " corsisation des emplois ".

Votre commission tient à rappeler que le rapport Poignant, publié en 1998, sur les langues et cultures régionales, fixait comme principe : " apprendre une langue régionale est un acte volontaire. Cette faculté doit être ouverte à tous. L'obligation doit être exclue des textes législatifs et réglementaires ".

5. Les incertitudes concernant l'aménagement des rythmes scolaires

Depuis 1984 divers aménagements des temps scolaires et périscolaires ont été expérimentés au plan local.

Ces aménagements mis en place dans les écoles ont entraîné des modifications journalières, hebdomadaires ou annuelles du calendrier scolaire. Afin de recenser ces modalités, une étude nationale a été demandée à l'inspection générale de l'éducation nationale qui a donné lieu à un rapport rendu public en février 2000.

a) Le bilan à la rentrée scolaire 1999

Le rapport de l'IGEN fait apparaître qu'environ 30 % des écoles et 25 % des élèves bénéficient d'un aménagement du temps scolaire. Parmi ces écoles, 25 % pratiquent la semaine de 4 jours, plus fréquemment en zone rurale et 4 % des écoles la semaine de 5 jours avec des aménagements.

L'aménagement des rythmes scolaires a pour objet d'améliorer les conditions d'apprentissage, le " climat " de l'école et de mieux équilibrer les différents temps de l'enfant, scolaires, périscolaires et familiaux.

L'enquête montre qu'il n'existe pas de modèle généralisable. Les choix doivent être guidés par le souci de l'intérêt des élèves en prenant en compte l'organisation du temps scolaire, celle de la journée en articulation avec le temps périscolaire dans le cadre d'un contrat éducatif local et en cherchant une homogénéité à l'échelle d'un territoire. La réflexion engagée doit évoluer au sein des équipes pédagogiques et dans un dialogue avec les familles, les élus et les acteurs du monde associatif intervenant dans le temps post-scolaire. L'aménagement des rythmes scolaires doit être mené avec le souci de l'adaptation aux réalités du terrain, l'inspecteur d'académie étant chargé d'assurer la cohérence au niveau départemental.

b) Le contrat éducatif local (CEL) : développer l'aménagement des temps et des activités des élèves

Les dispositifs d'aménagement des rythmes scolaires mis en place en 1996 ne seront pas reconduits au terme de leur contrat. En effet, le contrat éducatif local a vocation à intégrer les contrats d'aménagement des rythmes de vie des enfants et des jeunes.

Les ministères concernés ont mis en place en 1998 des contrats éducatifs locaux dont l'objectif était de favoriser, par la mise en oeuvre de projets éducatifs locaux, la réussite scolaire et l'épanouissement de la personnalité des enfants des écoles maternelles et élémentaires et des jeunes de collège, en particulier ceux qui éprouvent le plus de difficultés à accéder aux différentes formes de culture.

Ces projets visaient à compenser les inégalités pendant le temps où les enfants ne sont pris en charge ni par l'école ni par leur famille.

Chaque projet retenu par le comité départemental de pilotage peut bénéficier des moyens et des financements de l'Etat. Le ministère de l'éducation nationale met à la disposition des collectivités locales et des associations des aides-éducateurs dans le cadre de conventions spécifiques. Les enseignants volontaires peuvent participer aux activités péri et extra-scolaires ; dans ce cas ils sont rémunérés soit par l'éducation nationale, dans le cadre des heures pour activités péri-éducatives, soit par l'organisme qui les emploie. En outre, une partie des crédits déconcentrés peut être engagée dans ce dispositif. Par ailleurs, 50 millions de francs ont été réservés aux CEL dans le cadre du collectif budgétaire 2000.

L'enquête menée en mars 2000 auprès des inspections académiques a révélé que 1 237 CEL avaient été signés en métropole et 46 dans les DOM-TOM. D'ici la fin de l'année 2000, environ 1 750 CEL devraient être signés sur l'ensemble du territoire, la signature de ces contrats étant liée à celle des contrats de ville.

Actuellement, 7 379 établissements scolaires publics sont associés à ces projets (hors Paris et DOM-TOM) : 2 606 écoles maternelles, 3 934 écoles élémentaires, 735 collèges, 102 lycées, 2 établissements régionaux d'enseignement adapté et un institut médico-éducatif.

Votre commission souhaiterait que le ministre précise ses intentions concernant l'avenir de l'aménagement des rythmes scolaires, compte tenu notamment du constat établi par l'IGEN et des conclusions du rapport de M. Hubert Montagner, psychologue spécialiste des rythmes de l'enfant.

* 2 L'inspecteur général Alain Boissinot a remis au cours de l'été un rapport sur l'élaboration des programmes, qui dénonce notamment le rythme de leur révision, et suggère d'ouvrir leur élaboration aux praticiens de l'éducation (enseignants, syndicats et parents d'élèves). Deux groupes de travail, pour le collège et l'école primaire devraient être mis en place, à partir des conclusions de ce rapport.

* 3 Vers un nouveau contrat pour l'enseignement des langues vivantes, Sénat, n° 73, 1995-1996.

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