II. UNE DÉMOCRATISATION DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR A RELATIVISER

S'il convient de se féliciter que l'université ne soit pas restée à l'écart de l'explosion démographique des années 80, force est cependant de s'interroger sur les conditions d'accueil des nouveaux étudiants, notamment dans les premiers cycles, et au regard de la stagnation des effectifs qui devraient en théorie permettre d'améliorer l'encadrement sur le plan qualitatif.

Il conviendra également de se demander si le système d'aides aux étudiants, alors que le plan social étudiant est arrivé à son terme, reste pertinent et comment les filières les plus sélectives pourraient davantage s'ouvrir aux bacheliers et étudiants méritants.

A. L'ÉVOLUTION DES EFFECTIFS ÉTUDIANTS : UNE DÉCROISSANCE DES FLUX D'ENTRÉE, UNE STABILISATION DU « STOCK »

ÉVOLUTION GÉNÉRALE DES EFFECTIFS DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

(en milliers)

Année universitaire

1992-1993

1993-1994

1994-1995

1995-1996

1996-1997

1997-1998

1998-1999

1999-2000

2000-2001

2001-2002

2002-2003

Effectifs dépendants du budget de l'enseignement supérieur

dont IUT

dont IUFM

1 387

85

59

1 504

93

75

1 554

99

83

1 591

103

86

1 575

109

86

1 547

113

83

1 526

115

82

1 523

117

82

1 529

119

80

1 538

nc

nc

1 544

nc

nc

Nombre total d'étudiants

1 957

2 080

2 134

2 169

2 155

2 132

2 119

2 128

2 143

2 160

nc

Source : ministère de l'éducation nationale

(prévisions pour les années universitaires 2001-2002 et 2002-2003)

1. Une légère augmentation des effectifs en 2001 et 2002

En raison d'une progression générale des effectifs de 0,4 % dans les principales filières de l'enseignement supérieur à la rentrée 2000, le nombre d'étudiants en université (dont les IUT), IUFM, écoles d'ingénieurs, STS et CPGE s'élevait à 1 885 100.

Le nombre global d'inscriptions devrait encore légèrement augmenter (+ 10 000 en 2001 et + 8 000 en 2002). Le fléchissement du nombre de bacheliers, lié à l'évolution démographique, leur permettrait d'être mieux accueillis dans les filières sélectives (IUT, STS et CPGE) et leur taux de poursuite d'études progresserait. Grâce au développement des licences professionnelles, le deuxième cycle universitaire accueillerait plus d'étudiants et les effectifs du troisième cycle se maintiendraient à court terme.

2. Des prévisions contrastées selon les filières

En 2001 et 2002, le nombre de bacheliers devrait baisser et, dans le même temps, le nombre de places offertes en IUT, CPGE et STS devrait progresser. La « concurrence » serait moins importante dans ces filières sélectives et les bacheliers seraient relativement plus nombreux à pouvoir s'y inscrire.

Les bacheliers généraux seraient ainsi relativement plus nombreux à entrer en IUT (+ 0,5 point en 2001 après + 0,3 en 2000) et en CPGE (+ 0,5 point après une stabilité en 2000), tandis que les STS accueilleraient relativement plus de bacheliers technologiques (+ 1,7 point en 2001 et + 0,7 point en 2002 après une baisse de 0,4 point en 2000).

A l'université, hors IUT, la baisse des taux de poursuite des bacheliers généraux et technologiques se prolongerait en 2001 et 2002, mais serait moins prononcée (- 1,2 puis - 0,4 point après une baisse de 1,9 point en 2000). Pour les bacheliers généraux, la baisse du taux de poursuite d'études proviendrait du moindre attrait des sciences pour les bacheliers scientifiques (- 1 point en 2001), et des disciplines littéraires pour les bacheliers L (- 0,2 point en 2001). Les nouveaux bacheliers technologiques seraient, eux aussi, moins attirés par les disciplines littéraires.

Ces hypothèses d'orientation après le baccalauréat conduisent, sur le court terme, à une diminution sensible du nombre d'entrants dans les principales filières du supérieur en 2001 et 2002 (successivement - 8 600 puis - 2 000 étudiants), conséquence de la baisse importante du nombre de bacheliers. Cependant, c'est essentiellement à l'université, hors IUT, qu'ils seraient moins nombreux.

3. Une évolution diverse selon les cycles de formation

La baisse globale du nombre d'inscrits en premier cycle des principales filières du supérieur s'accentuerait en 2001 et 2002 (- 0,6 % puis - 0,8 %). Les tendances observées en 2000 se retrouveraient : baisse en université hors IUT, stabilité en CPGE et STS et progression en IUT.

Après trois années de baisse, le nombre d'étudiants en deuxième cycle a légèrement progressé en 2000 (+ 0,7 %), particulièrement en Sciences économiques et Administration Economique et Sociale -AES- (+ 5,9 %). Cette hausse est la conséquence d'une croissance de 19,7 % des entrants directs (première inscription à l'université en deuxième cycle), soit + 4 800 étudiants, et des arrivées d'IUT (+ 2 200 étudiants). Ces progressions s'expliquent vraisemblablement par la mise en place des licences professionnelles (4 400 étudiants s'y sont inscrits à la rentrée 2000). En revanche, le taux d'accès global en deuxième cycle diminue de 1,7 point.

Quant aux effectifs de troisième cycle, ils progressent pour la 3ème année consécutive, et encore plus fortement qu'en 1999 (+ 3,9 %).

Ces tendances, sur les deuxième et troisième cycles, ont été prolongées pour les deux rentrées à venir. Grâce au développement des licences professionnelles, les effectifs du deuxième cycle progresseraient successivement de 1,4 % puis 1,9 %. La croissance du nombre d'étudiants en troisième cycle devrait légèrement s'atténuer pour atteindre 2 % en 2002.

ÉVOLUTION DES EFFECTIFS PAR FILIÈRES ET PAR CYCLES DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

FILIERES DE FORMATION

CONSTAT

PRÉVISION

1995-1996

1996-1997

1997-1998

1998-1999

1999-2000

2000-2001

2001-2002

2002-2003

IUT

103 092

108 587

112 857

114 587

117 407

119 246

122 200

123 300

1er cycle

686 353

656 052

631 282

616 493

606 320

600 223

590 700

581 700

2ème cycle

490 090

496 029

494 423

487 621

484 243

487 583

494 500

504 000

3ème cycle

206 049

208 755

205 477

205 694

211 665

219 881

225 300

229 700

Formations ing. universitaires

24 186

24 839

25 979

27 282

29 378

30 795

32 000

33 200

UNIVERSITES*

1 382 492

1 360 836

1 331 182

1 309 808

1 302 228

1 307 687

1 310 500

1 315 400

Instituts ou écoles d'ingénieurs indépendantes

19 650

19 807

20 239

21 260

20 962

21 742

22 500

23 200

Sous-total Ens. Sup.**

1 505 234

1 489 230

1 464 278

1 445 655

1 440 597

1 448 675

1 455 200

1 461 900

IUFM

86 068

85 885

83 134

81 602

82 184

80 373

82 500

82 500

TOTAL Ens. Sup

1 591 302

1 575 115

1 547 412

1 527 257

1 522 781

1 529 048

1 537 700

1 544 400

Autres formations d'ing.

31 804

32 195

32 880

34 412

35 411

36 866

38 400

40 000

CPGE

70 288

72 656

73 102

71 373

70 855

70 263

70 100

70 200

STS

236 426

242 094

245 325

246 595

248 877

248 889

249 300

248 900

TOTAL GENERAL

1 929 820

1 922 060

1 898 719

1 879 637

1 877 924

1 885 066

1 895 500

1 903 500

* hors IUT y compris ingénieurs universitaires

**UNIVERSITES (y compris ingénieurs universitaires) + IUT+ Instituts ou Ecoles d'ingénieur indépendantes

PRÉVISIONS D'EFFECTIFS D'ÉTUDIANTS DES UNIVERSITÉS, PAR DISCIPLINE

Disciplines

Constat

Prévisions

1995-96

1996-97

1997-98

1998-99

1999-2000

2000-2001

2001-2002

2002-2003

Droit

197 664

191 940

186 356

183 839

184 586

182 542

181 600

180 600

Sciences Economiques, AES

161 709

156 116

153 327

153 171

158 135

165 329

173 000

180 600

Lettres et Sciences Humaines

529 412

522 887

512 449

502 498

493 797

489 850

486 200

482 200

Sciences exactes et naturelles (1)

320 346

315 195

302 755

289 712

283 709

284 156

284 400

285 800

STAPS

20 549

27 698

33 491

38 769

42 877

45 141

45 500

46 300

Santé (2)

152 811

147 000

142 803

141 819

139 124

140 669

139 800

139 900

TOTAL GENERAL

1 382 492

1 360 836

1 331 182

1 309 808

1 302 228

1 307 687

1 310 500

1 315 400

(1) Y compris formations d'ingénieurs.

(2) Médecine, pharmacie, odontologie.

4. Les projections à dix ans des effectifs d'étudiants : une démocratisation universitaire achevée ?

Les projections à dix ans élaborées par le ministère ne portent que sur quatre principales filières du supérieur, les effectifs d'IUFM et d'écoles d'ingénieurs étant exclus de cet exercice à long terme.

L'évolution de la population étudiante dépend, pour une grande part, du flux annuel d'arrivée de nouveaux bacheliers et des orientations choisies. Le nombre de nouveaux bacheliers est estimé à partir des effectifs des classes de terminales par série et prend en compte les variations démographiques.

a) Le taux d'accueil des bacheliers généraux et technologiques

Après une baisse de 2,1 points en 2000, le taux d'accueil des bacheliers généraux et technologiques dans les principales filières du supérieur augmenterait de 0,5 point pendant deux ans. En effet, la diminution du nombre de bacheliers et les ouvertures prévues de classes en IUT, STS et CPGE devraient réduire la «concurrence» à l'entrée de ces filières sélectives. Jusqu'en 2005, la tendance à la baisse des taux de poursuite en université ne serait plus compensée par des entrées relativement plus nombreuses en filières sélectives et le taux de poursuite global fléchirait pour se stabiliser ensuite au niveau de celui de l'année 2000.

Compte tenu de l'évolution du nombre de bacheliers et des taux d'accueil sur 10 ans, il y aurait 10 600 jeunes de moins en 2010 qu'en 2000 qui entreraient dans les quatre principales filières du supérieur. Cette baisse toucherait essentiellement les universités hors IUT. Elle serait importante les deux premières années, puis l'augmentation du nombre de bacheliers généraux et technologiques se traduirait par une progression des flux d'entrée en 2003 et 2004. Après une période de stabilité, l'effectif des nouveaux entrants fléchirait à nouveau à partir de 2008.

b) Les filières sélectives

En termes de nombre total d'étudiants, les filières sélectives, dans leur ensemble, verraient leurs effectifs augmenter de 5 700 étudiants sur 10 ans. C'est essentiellement en IUT et pendant les cinq premières années que les effectifs progresseraient.

c) L'évolution des effectifs universitaires selon les cycles et les disciplines

Le nombre d'étudiants en université hors IUT progresserait à peine, en moyenne sur la période de projection et cette filière accueillerait 1 800 étudiants de plus en 2010 (+0,1%). Au total, les effectifs universitaires, hors IUT, pourraient s'établir aux environs de 1 310 000.

Cependant, les effectifs du premier cycle universitaire diminueraient les trois premières années (- 6 800 étudiants par an, en moyenne, sur 3 ans). Puis ce cycle connaîtrait 5 années de stabilité avant de décroître à nouveau, en fin de période. Au total, il y aurait 22 200 étudiants de moins en 1er cycle, en 2010 par rapport à 2000.

Ce mouvement à la baisse ne se retrouverait pas dans les deux autres cycles : en 2010, il y aurait 10 400 jeunes de plus qu'en 2000, poursuivant des études en deuxième cycle universitaire et le nombre d'étudiants inscrits en troisième cycle serait plus élevé de 13 600.

Sous l'angle des disciplines, les effectifs devraient progresser fortement en sciences économiques et AES (+ 14,6 % sur 10 ans) et, dans une moindre mesure, en Sciences (+ 1,9 %) et en Staps (+ 1,3 %). En revanche, les formations littéraires verront sans doute leurs effectifs totaux diminuer (-  4,9 % sur 10 ans).

Dans l'ensemble, les quatre principales filières de l'enseignement supérieur compteraient 7 500 étudiants de plus en 2010, avec des progressions d'effectifs importantes en IUT, en 2ème et 3ème cycles universitaires.

PROJECTIONS D'EFFECTIFS DANS LES PRINCIPALES FILIÈRES DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

 

1990

1995

2000*

2001

2002

2005

2010

Université (hors IUT et IUFM)

1 108 456

1 382 492

1 307 687

1 310 500

1 315 400

1 315 600

1 309 500

- dont premier cycle

549 334

686 353

600 223

590 700

581 700

582 100

578 000

- dont deuxième cycle

376 011

490 090

487 583

494 500

504 000

497 400

498 000

- dont troisième cycle

183 111

206 049

219 881

225 300

229 700

236 100

233 500

 
 
 
 
 
 
 
 

IUT

74 328

103 092

119 246

122 200

123 300

125 100

124 500

- dont IUT secondaire

35 504

47 256

51 917

53 200

53 800

54 600

54 300

- dont IUT tertiaire

38 824

55 836

67 329

69 000

69 500

70 500

70 200

 
 
 
 
 
 
 
 

CPGE

64 514

70 288

70 263

70 100

70 200

71 200

70 600

 
 
 
 
 
 
 
 

STS

204 920

236 426

248 889

249 300

248 900

251 200

249 000

- dont STS production

63 809

87 049

89 686

89 700

89 800

89 900

89 000

- dont STS services (**)

141 111

149 377

159 203

159 600

159 100

161 300

160 000

Ensemble

1 452 218

1 792 298

1 746 085

1 752 100

1 757 800

1 763 100

1 753 600

EFFECTIFS UNIVERSITAIRES PAR DISCIPLINE

 

1990

1995

2000*

2001

2002

2005

2010

Droit

161 004

197 664

182 542

181 600

180 600

179 400

178 600

Sc. Eco., AES

126 907

161 709

165 329

173 000

180 600

189 600

189 500

Lettres, Sc. Humaines

410 739

529 412

489 850

486 200

482 300

471 500

466 000

Sciences

245 025

320 346

284 156

284 400

285 800

288 600

289 700

STAPS

11 716

20 549

45 141

45 500

46 300

45 900

45 700

Santé

153 065

152 811

140 669

139 800

139 800

140 600

140 000

Toutes disciplines

1 108 456

1 382 492

1 307 687

1 310 500

1 315 400

1 315 600

1 309 500

B. LES LIMITES DU SYSTÈME D'AIDES AUX ÉTUDIANTS

Après avoir rappelé les derniers développements du plan social étudiant mis en oeuvre depuis 1998, il conviendra de s'interroger sur l'efficacité du système actuel d'aides aux étudiants.

1. Le bilan du plan social étudiant

Le plan social étudiant visait à créer les conditions d'une meilleure reconnaissance de la place des étudiants dans la société, à leur apporter les bases d'une plus grande indépendance matérielle et morale, tout en leur permettant d'être responsabilisés dans la conduite des politiques et des institutions de la vie étudiante. Sa vocation était d'améliorer significativement, de manière qualitative et quantitative, les conditions de vie étudiante avec l'objectif de parvenir, sur une période de quatre ans (des années universitaires 1998-1999 à 2001-2002), à une proportion de 30 % d'étudiants aidés tout en relevant le montant des bourses de 15 %.

a) Le bilan de la dernière année universitaire

Pour la dernière année universitaire, le bilan du plan social étudiant peut être ainsi résumé :

- le nombre total de boursiers était de 475 502, soit une augmentation de 16 235 bénéficiaires (+ 3,41 % par rapport à 1999-2000) ;

- le nombre de boursiers à taux « zéro » s'élevait à 29 984, soit une augmentation de 147 %. Par ailleurs 8 347 « bourses de cycle », pour le redoublement en deuxième cycle, ont été attribuées ;

- 8 090 allocations d'études ont été attribuées sur un contingent de 9 000 ;

- 200 bourses de mérite ont été attribuées ce qui porte le nombre de boursiers de mérite depuis la rentrée 1998 à 497.

Ces résultats répondent à l'objectif visé pour la troisième année du plan social étudiant, puisque le pourcentage d'étudiants aidés était de 28 % en 2000-2001.

b) Les mesures mises en place à la rentrée 2001

Les mesures prises pour l'année universitaire en cours sont les suivantes :

- relèvement uniforme de 3 % du plafond des ressources pour les six échelons ;

- augmentation du taux des bourses de 8,1 % en moyenne (bourses sur critères sociaux et sur critères universitaires) pour atteindre l'objectif initial du plan social étudiant qui était de parvenir à une augmentation de + 15 % du montant des bourses par rapport à l'année universitaire 1997-1998 ;

- augmentation de 2 000 du nombre d'allocations d'études ;

- augmentation de 200 du nombre de bourses de mérite ;

- augmentation de 10 millions de francs de la participation du ministère au complément Erasmus ;

- création d'une bourse de mobilité destinée aux boursiers sur critères sociaux dans la limite d'un contingent annuel (4 000 bourses), afin de permettre aux étudiants boursiers sur critères sociaux de réaliser leurs projets de mobilité européenne et internationale dans le cadre de leurs études. Le montant mensuel de la bourse de mobilité est de 2 519 francs, ce qui correspond en année complète à une bourse de 5 ème échelon (22 670 francs). Ce montant s'ajoute à celui de la bourse sur critères sociaux initialement accordée, le dispositif pouvant également bénéficier aux étudiants bénéficiaires d'une allocation d'études ou d'une bourse à taux zéro.

En outre, on rappellera que les étudiants inscrits en troisième cycle pouvaient jusqu'à maintenant bénéficier d'une bourse de DESS, allouée en priorité aux étudiants les plus méritants et boursiers sur critères sociaux l'année précédente. Cependant, du fait du contingentement, tous les étudiants précédemment boursiers ne pouvaient pas prétendre à cette aide, alors que c'est à ce niveau d'études que les étudiants ont plus besoin d'autonomie financière.

Afin de remédier à cette situation, il a été proposé pour l'année 2001-2002, à la fois de maintenir le système actuel en conservant un contingent de bourses sur critères universitaires pour le DESS réservé aux étudiants les plus méritants, et en priorité à ceux qui étaient boursiers l'année précédente, mais également d'allouer une bourse sur critères sociaux aux étudiants éligibles à cette aide qui auraient été exclus du contingent.

c) L'évolution des crédits affectés aux bourses universitaires

Les crédits relatifs aux bourses d'enseignement supérieur inscrits sur le chapitre 43-71 article 10 de la section « enseignement supérieur » du budget du ministère de l'éducation nationale ont évolué comme suit :

- budget 1998 : 1 milliard d'euros (6,527 milliards de francs) ;

- budget 1999 : 1,09 milliard d'euros (7,135 milliards de francs) ;

- budget 2000 : 1,19 milliard d'euros (7,811 milliards de francs) ;

- budget 2001 : 1,29 milliard d'euros (8,458 milliards de francs), dont 38,31 millions d'euros (251,3 millions de francs) de mesures nouvelles pour la rentrée universitaire 2001 ;

- projet de budget 2002 : 1,30 milliard d'euros (8,54 milliards de francs), dont 23,17 millions d'euros (152 millions de francs) de mesures nouvelles.

2. Une évolution nécessaire du système d'aides aux étudiants

a) Un ralentissement des dépenses d'action sociale en faveur des étudiants

Votre commission constate que les dépenses d'action sociale enregistrent une progression très ralentie (10,37 milliards de francs, soit 1,581 million d'euros) de 1,3 % en 2002, alors que les crédits correspondants avaient augmenté de 8,2 % en 1999 et en 2000, puis de 6,8 % en 2001, soit un accroissement total de 25 % au cours de la période de mise en place du plan social étudiant.

Ce ralentissement vise surtout les aides directes qui ne progresseront que de 1,2 % en 2002, contre près de 30 % pour la période 1999-2001, alors que l'augmentation des aides indirectes (hébergement, restauration, transport...) en 2002 (1,6 %) est du même ordre que celle des trois années précédentes.

Le tableau ci-après récapitule les principales dépenses d'action sociale en faveur des étudiants au titre du seul budget de l'enseignement supérieur :

(en millions d'euros)

 

LFI 1998

LFI 1999

LFI 2000

LFI 2001

PLF 2002

Aides indirectes (fonctionnement du CNOUS et des CROUS)

253

263

269

265

269

Evolution en  %

+ 0,2

+ 4,0

+ 2,1

- 1,2

+ 1,6

Nombre de lits subventionnés (en milliers) 1

100,1

99,5

99,8

99,4

99,4

Nombre de repas subventionnés (en millions)

63,3

62,1

60,7

 
 

Aides directes (bourses, secours d'étude et contribution de l'Etat aux transports collectifs parisiens)

1002

1094

1197

1299

1315

Evolution en  %

+ 0,7

+ 9,3

+ 9,4

+ 8,5

+ 1,2

Etudiants boursiers (en milliers)

410

454

476

nc

 

Taux d'étudiants boursiers

24,1  %

27,2  %

28,2  %

30,0  %

 

Total pour l'action sociale

1255

1367

1466

1564

1584

Source : ministère de l'éducation nationale

La réalisation des objectifs du plan social étudiants conduit à s'interroger sur une refonte plus profonde du système d'aides sociales.

b) La nécessité de repenser le système d'aides sociales aux étudiants

Comme elle le signale depuis plusieurs années, votre commission regrette qu'aucune initiative véritable n'ait été engagée pour remédier au caractère anti-redistributif du système d'aide sociale aux étudiants, dénoncé notamment depuis 1997 par le rapport Cieutat, et pour réduire la part trop importante des aides attribuées sans conditions de ressources.

Elle constate par ailleurs que le système d'aides aux étudiants (aides au logement majorées, prestations familiales et complément familial versés aux familles, avantages fiscaux divers au titre du quotient familial et de revenus perçus à l'occasion d'emplois occasionnels...) est trop complexe et sans doute moins efficace, comme le montrent les rapports de l'OCDE, que ceux mis en place chez certains de nos voisins.

Elle tient par ailleurs à rappeler que si le tiers des étudiants français bénéficient d'une aide directe, 30 % d'entre-eux sont obligés de travailler pour financer leurs études, et ce au détriment de leur réussite universitaire, comme le note l'Observatoire de la vie étudiante.

Par ailleurs, elle tient à souligner le coût du logement pour les étudiants, et notamment pour ceux qui ne peuvent se loger en résidence universitaire : le montant des bourses ne couvre guère que les dépenses de logement.

Devant votre commission, le ministre a indiqué que la création d'une allocation d'autonomie pour les étudiants dépassait le seul cadre universitaire et que sa mise en place éventuelle entraînerait naturellement une refonte de tous les mécanismes d'aides dont peuvent bénéficier les jeunes.

Même si elle s'interroge sur le principe d'accorder une aide systématique à chaque étudiant, votre commission estime que le dispositif actuel doit impérativement être simplifié et clarifié. Elle attendra avec intérêt les conclusions de la commission nationale pour l'autonomie des jeunes qui doit rendre ses conclusions à la fin de cette année et qui devra se prononcer, au-delà des seuls étudiants, sur le principe de la création d'une allocation d'autonomie pour les jeunes de 18 à 25 ans accordée en contrepartie d'une formation ou d'une activité professionnelle, telles que celle-ci avait été préconisées notamment par le Commissariat général du Plan et par le Conseil économique et social.

C. DES UNIVERSITÉS OFFRANT DES CHANCES DE RÉUSITE TRÈS INÉGALES DANS LES PREMIERS CYCLES

S'il convient de se féliciter de l'accès massif des lauréats au baccalauréat, premier grade universitaire dans les premiers cycles, force est de constater que la réussite de ces étudiants au DEUG est très inégale et varie du simple au triple selon les établissements universitaires et les filières.

1. Un taux de réussite au DEUG très variable selon les universités

a) Le constat

Alors que le taux de réussite au DEUG est souvent décrié, il faut rappeler que parmi les quelque 112 000 étudiants de DEUG, 45,5 % ont obtenu en 1999 leur diplôme en deux ans.

Si le taux de réussite national approche globalement les 80 %, c'est en prenant en compte les 23,3 % d'étudiants qui obtiennent le DEUG en trois ans, les 8,7 % l'obtenant en quatre ans et les 2,2 % en cinq ans... L'enquête par université menée par la direction de la programmation et du développement (DPD) du ministère de l'éducation nationale montre que ce taux national varie de 41,8 % à 100 % selon les établissements, en retenant une période de cinq ans.

L'enquête comparative de la DPD, publiée le 17 octobre dernier, et portant sur les chances de réussite des étudiants à l'issue des deux premières années de DEUG, dessine un tableau très contrasté de nos 81 universités 3( * ) quant à leur efficacité pour compenser les handicaps sociaux ou scolaires des étudiants inscrits dans les premiers cycles universitaires.

Les résultats de l'étude montrent d'abord que les bacheliers scientifiques réussissent mieux que les autres dans toutes les filières, que les étudiants en retard dans leurs études échouent plus fréquemment au DEUG, que les bacheliers généraux réussissent sensiblement mieux que les bacheliers technologiques, alors que les bacheliers professionnels qui ont accès comme les autres à l'université, et qui se recrutent davantage dans les catégories moins favorisées, y connaissent massivement l'échec.

En retenant les exemples extrêmes, l'université de Paris X-Dauphine qui pratique une sélection de ses étudiants affiche un taux de réussite au DEUG en deux ans de 80,7 %, alors que celle de Paris VIII-Saint-Denis, qui accueille un tiers d'étrangers et un quart d'étudiants salariés enregistre un taux de 22,9 %.

Pour les autres établissements, alors que le taux de réussite moyen du DEUG en deux ans est de 45,5 %, la variation est de l'ordre de 5 % autour de ce taux moyen, celui-ci s'élevant à 68,8 % pour les DEUG réussis en trois ans.

Au regard des disciplines, le droit et les sciences sont plus sélectifs que les sciences économiques, les langues, les sciences humaines, les STAPS et les lettres. S'agissant des taux de réussite au DEUG au-delà de deux ans, l'étude constate une réussite élevée dans les universités à dominante scientifique (82,4 % en cinq ans), alors que seuls 39,4 % des étudiants réussissent en deux ans ; pour les études de droit, la sélection est encore plus forte puisqu'elles enregistrent 35,4 % de réussite en deux ans et 68,8 % en cinq ans.

b) Des résultats prenant en compte la « valeur ajoutée » de chaque université

Si l'étude de la DPD révèle que tous les premiers cycles n'offrent pas les mêmes chances aux étudiants, elle s'efforce aussi de mesurer leur « valeur ajoutée » c'est-à-dire l'écart entre le taux de réussite réel et un taux simulé à partir du profil des étudiants (série du bac, retards scolaires...) afin d'évaluer la mobilisation et l'efficacité des universités : Perpignan (+ 23,6), Avignon (+ 22,8), Lyon-II (+ 18,4) arrivent ainsi en tête alors que Paris VIII (- 28), Paris III (- 21,6), Bordeaux IV (- 11,7) et Bordeaux III (- 10,3) ferment la marche.

Si les sciences présentent des résultats relativement homogènes, en droit et en économie, l'écart entre un bachelier de 19 ans et un bachelier plus âgé est de 26 %, alors qu'en lettres et sciences humaines, les résultats sont les plus hétérogènes et les écarts négatifs les plus importants.

2. Des premiers cycles qui restent inchangés pour l'essentiel

Placée par le ministre sous « le signe de la souplesse et de la libération des initiatives », la dernière rentrée universitaire n'a comporté aucun aménagement pédagogique d'importance des premiers cycles universitaires, à l'exception de quelques mesures prises en application du rapport Petit.

Certes, le nombre de DEUG expérimentaux bi ou pluridisciplinaires, qui permettent aux nouveaux étudiants de s'orienter ou de se réorienter vers des parcours plus diversifiés est passé de trois à quinze depuis la rentrée 1999 et six nouveaux DEUG littéraires pluridisciplinaires ont été créés à ce titre.

En outre, trois filières doivent faire l'objet d'une rénovation :

- les sciences économiques, où l'importance des mathématiques serait réduite en s'inspirant des préconisations du rapport Fitoussi ;

- la première année de médecine qui devrait être commune dès 2002 à toutes les professions de santé ;

- les DEUG scientifiques, dont la rénovation engagée dans six universités (Bordeaux I, Grenoble I, Lille I, Littoral, Montpellier II et Paris XI) afin d'endiguer la crise des vocations, commence à porter ses fruits. La diminution des effectifs des filières scientifiques s'est quelque peu ralentie (- 1,2 % à la rentrée 2000 contre - 3,2 % à la rentrée 1999) et grâce aux mesures engagées à titre expérimental (cours en petits groupes, tronc commun en premier cycle, place donnée à l'expérimentation...), le taux de réussite en deux ans a progressé de près de 20 % dans les établissements concernés.

Il convient par ailleurs de noter que, pour inciter les enseignants à innover en DEUG, un label « équipe pédagogique » bénéficiant de crédits particuliers va être créé sur le modèle du label « équipe d'accueil » existant en matière de recherche. Les enseignants-chercheurs pourront faire évoluer leur participation à cette équipe dans leur dossier de promotion, comme le préconise le rapport Espéret.

Enfin, le développement du tutorat en premier cycle est à nouveau présenté comme une innovation, alors que celui-ci constituait l'un des éléments de la réforme pédagogique mise en place par M. François Bayrou.

3. Les observations de la commission

Votre commission constate que ces « mesurettes » ne répondent pas à la gravité des problèmes constatés dans les premiers cycles.

Elle regrette notamment que des formules plus ambitieuses, qui coexisteraient avec les DEUG, de type collèges universitaires décentralisés à forte composante de remédiation scolaire, orientés vers des formations plus professionnalisées et répondant aux besoins d'emploi locaux, n'aient pas été davantage explorées.

En l'absence de toute réforme d'envergure, les premiers cycles risquent d'être de plus en plus délaissés par les enseignants-chercheurs, la recherche universitaire n'y sera plus qu'un souvenir et l'enseignement supérieur véritable ne commencera qu'à la licence.

A cet égard, votre commission remarque que l'étude officielle de la DPD ne fait que confirmer que les premiers cycles ne sont pas en mesure de compenser les handicaps scolaires ou sociaux de leurs étudiants, ce qui n'est d'ailleurs pas leur rôle, mais observe qu'elle ne prend en compte que le profil des étudiants et non pas les caractéristiques de chaque université en matière de locaux, d'équipements et surtout d'encadrement. On peut ainsi faire un lien entre la sous-dotation des universités de lettres, de langues, de sciences humaines et sociales, notamment en équipements informatiques et leurs résultats médiocres.

Lors de son audition, le ministre a estimé que les inégalités constatées par la DPD dans les taux de réussite au DEUG entre les universités devaient être appréhendées avec prudence, même si la valeur ajoutée des établissements permet de prendre en compte la diversité des populations étudiantes accueillies et a rappelé que la vocation des premiers cycles était d'offrir une chance de réussite à tous les bacheliers, quelle que soit leur origine.

Votre commission considère, pour sa part, dans le droit fil des réflexions qu'elle a engagées en 1996 sur les premiers cycles universitaires, qu'un minimum d'orientation et de réorientation des étudiants est nécessaire, et fait trop souvent défaut et que l'encadrement pédagogique en DEUG, qui est de moins en moins le fait des enseignants-chercheurs, doit être renforcé et adapté aux nouveaux étudiants, sauf à voir ceux-ci se fourvoyer dans des études sans issue.

L'étude de la DPD a le mérite de souligner les imperfections d'un système qui conduit trop d'étudiants à passer jusqu'à cinq ans en DEUG dans des filières ne correspondant ni à leurs goûts, ni à leurs aptitudes, ainsi que le caractère hétéroclite de parcours universitaires qui finissent par mettre en cause la notion même de diplôme national.

En conséquence, il convient de s'interroger sur le maintien d'un moule unique qui ignore l'hétérogénéité de la population des bacheliers et d'engager une nécessaire réflexion sur l'avenir des premiers cycles universitaires afin de remédier aux inégalités et au gâchis humain constatés.

D. UNE DÉMOCRATISATION DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR À APPROFONDIR

1. Le constat : une démocratisation très inégale, y compris à l'université

Si l'évolution démographique de ces dernières décennies s'est traduite par une plus grande démocratisation de l'enseignement supérieur, force est de constater que de grandes inégalités persistent entre les filières, alors que la moitié de chaque classe d'âge accède désormais à cet enseignement.

Comme on le sait, les enfants des catégories sociales moins favorisées se retrouvent surtout dans les filières universitaires courtes et techniques tandis que les étudiants plus favorisés sur le plan culturel ou social ont davantage accès aux filières longues et générales.

Sur un plan général, on rappellera que les enfants de familles ouvrières, qui représentent encore 20 % de la population française, ne constituent que 10 % de la population étudiante, alors que les enfants d'enseignants, cadres et professions libérales, qui représentent moins de 10 % de la population globale constituent aujourd'hui 33 % de la population étudiante.

Dans le même sens, les enfants relevant de ces catégories « privilégiées » représentent 32,81 % des étudiants des premiers cycles universitaires et 52,26 % des effectifs des classes préparatoires aux grandes écoles.

Le tableau ci-après indique l'origine socio-professionnelle des étudiants dans les principales filières de l'enseignement supérieur :

(en pourcentage)

 

Total

Université

CGPE

STS

IUT

Agriculteurs

1,87

2,14

1,97

2,81

3,27

Artisans, commerçants, chefs d'entreprise

4,60

7,04

6,93

8,38

8,16

Professions libérales, cadres supérieurs, enseignants

9,04

32,81

52,26

14,23

26,23

Professions intermédiaires

14,35

16,53

15,69

17,31

20,20

Employés

21,46

12,67

8,99

16,61

15,18

Ouvriers

19,76

10,98

5,77

24,63

16,13

Retraités, inactifs

28,93

9,77

7,03

12,63

7,33

Indéterminé

-

8,6

1,35

3,40

3,50

Ces chiffres globaux ne doivent toutefois pas masquer la réalité de la sélection sociale également opérée dans les universités : la proportion d'étudiants issus de milieux moins favorisés diminue au fur et à mesure que le degré d'études s'élève, ce qui relativise l'écart constaté entre les grandes écoles et la seule université.

En effet, alors que les enfants d'employés représentent 14,5 % des étudiants de premier cycle, ils ne sont plus que 7,1 % en troisième cycle. De même, les enfants de familles ouvrières représentent 13,1 % des étudiants en DEUG mais ne sont plus que 4,9 % après la maîtrise.

A l'inverse, près de 40 % des étudiants de médecine et 49 % des étudiants de pharmacie sont des enfants de cadres, alors que ces derniers ne sont que 20 % dans la filière AES.

Le second facteur tient à la réussite scolaire des étudiants qui varie selon leur origine sociale : le taux de réussite au DEUG en deux ans est ainsi de 40,7 % pour les étudiants moins favorisés, de 45 % pour les catégories moyennes et de plus de 50 % pour les étudiants issus de milieux favorisés.

Force est donc de constater que la démocratisation de notre enseignement supérieur, au demeurant relativement satisfaisante sur le plan quantitatif, n'est qu'apparente au niveau de la réussite et que les chiffres globaux dissimulent des inégalités persistantes du fait notamment de la sélectivité des cycles supérieurs de l'université.

2. Les inégalités sociales dans le recrutement des grandes écoles

L'étude menée par la DEP 4( * ) , auprès de l'Ecole polytechnique, l'ENS, l'ENA et HEC publiée en 1995, montre que la proportion d'étudiants de familles modestes (père agriculteur, ouvrier, employé, artisan, commerçant) dans les quatre plus grandes écoles a diminué de manière importante depuis 40 ans : alors que la proportion de ces élèves était de 29 % au début des années 50, elle n'était plus que 9 % au début des années 90.

Ces chiffres doivent évidemment être appréciés au regard de la diminution de la place de ces catégories sociales dans la population française, qui s'est très fortement réduite entre 1950 et 1990.

Il reste qu'un jeune étudiant issu de ces catégories avait 23 fois moins de chances qu'un autre d'intégrer une de ces quatre grandes écoles en 1990, soit une situation comparable à celle observée il y a 40 ans.

Il convient aussi de souligner que le recrutement des grandes écoles est de plus en plus étroit et que le nombre de leurs élèves par rapport à celui des étudiants est de plus en plus faible. Selon le rapport Attali, les écoles d'ingénieurs ne représentent plus que 3,7 % du total des étudiants contre 14 % il y a un siècle ; le nombre de polytechniciens par promotion est aujourd'hui de l'ordre de 400 élèves, contre 250 en 1900, alors que si leur proportion dans la population étudiante était restée la même, il devrait être de près de 50 000.

Le rapport entre le nombre de diplômes des grandes écoles, distribués avec parcimonie et le nombre des diplômes délivrés par les universités, s'est donc considérablement réduit en un siècle et le problème du recrutement social dans les grandes écoles, qui n'a pas évolué depuis les années d'après-guerre, reste donc d'actualité.

3. Les mesures susceptibles d'améliorer la démocratisation de l'enseignement supérieur

a) Un maillage universitaire du territoire plus serré

On sait que les formations de proximité sont moins coûteuses pour les familles que les formations offertes dans les grandes villes universitaires, les transports et le logement étant les deux sources principales de dépenses pour un étudiant. Offrir une formation dans un lieu proche du domicile des parents favorise incontestablement la poursuite d'études dans l'enseignement supérieur.

A titre d'exemple, la commission rappellera que les sections de techniciens supérieurs (STS) sont très largement diffusées sur le territoire : sur un peu plus de 1 800 établissements qui comportent au moins une STS, près de 150 se situent dans des communes de moins de 10 000 habitants et près de 400 dans des communes entre 10 000 et 50 000 habitants. Au total, la moitié des établissements dans lesquels un étudiant peut préparer un BTS sont situés dans une commune de moins de 100 000 habitants.

De même, des départements d'IUT sont implantés dans la quasi-totalité des départements français et répartis sur plus de 170 sites différents, l'ouverture de départements nouveaux se faisant en priorité dans des villes moyennes.

Enfin, les antennes de DEUG, qui ont été très largement délocalisées dans les villes moyennes au cours des dernières années, participent du même souci d'offrir des formations supérieures de proximité.

b) Une plus grande ouverture des grandes écoles

Afin de faire accéder en classes préparatoires, mais également dans les grandes écoles, davantage d'enfants de familles sous représentées, ouvriers, employés, professions intermédiaires, plusieurs mesures sont susceptibles d'être proposées, d'une manière combinée :

- promouvoir les relations entre les lycées dits « prestigieux » et les lycées moins favorisés en permettant aux élèves de ces derniers qui ne comportent pas de CPGE d'y être recrutés sans ségrégation ni allongement de la durée des études. Cet objectif suppose une refonte des procédures actuelles d'admission en classes préparatoires qui éliminent du dispositif les élèves mal informés ;

- faciliter des échanges de professeurs, mener en commun des activités pédagogiques et d'autres activités culturelles et sportives lorsque ces lycées défavorisés disposent de CPGE ;

- développer les cycles préparatoires intégrés aux grandes écoles qui apportent des garanties de poursuite d'études aux élèves. Une telle mesure suppose de s'assurer que le recrutement de ces cycles privilégie les élèves de milieux modestes et que des enseignements complémentaires leur sont dispensés en tant que de besoin ;

- fournir une meilleure information sur les aides financières (bourses de mérite et bourses sur critères sociaux) et faire connaître l'internat comme solution pour l'hébergement. Comme il a été vu, plus de 450 000 étudiants bénéficiaient de bourses sur critères sociaux lors de la dernière année universitaire et 9 000 étudiants se trouvant dans une situation financière particulièrement difficile percevaient une allocation d'études. En revanche, moins de 700 étudiants ont bénéficié depuis 1998 d'une bourse de mérite, ce qui apparaît très insuffisant.

Afin de remédier au flou statistique existant concernant l'accès aux filières sélectives, la Conférence des grandes écoles a engagé une étude sur l'origine sociale de ses étudiants.

4. Une mesure symbolique : l'ouverture de l'IEP de Paris à quelques bacheliers méritants des ZEP

Afin de diversifier et de démocratiser le recrutement de ses étudiants, l'Institut d'études politiques de Paris a mis en place, à la rentrée 2002, une nouvelle procédure de sélection « hors concours », en partenariat avec sept lycées classés en zone ou réseau d'éducation prioritaire, ou présentant des caractéristiques socio-culturelles analogues.

L'opération repose sur une collaboration avec un petit nombre d'établissements volontaires, dont les modalités sont définies dans le cadre de conventions, celles-ci ayant vocation dans un second temps à être étendue à d'autres établissements.

La procédure de sélection retenue suppose de la part des candidats capacités intellectuelles, motivation et engagement. Elle comporte une phase d'admissibilité dont la responsabilité est déléguée aux établissements et une phase d'admission sous la responsabilité de l'IEP de Paris.

a) La phase d'admissibilité

Les proviseurs et les équipes enseignantes des lycées sélectionnés doivent apprécier les qualités et capacités des candidats et établir collégialement une liste de candidats admissibles sur la base des critères suivants : potentiel personnel, progression observée entre la classe de seconde et la terminale, capacité de travail, maîtrise de l'écrit et d'une langue étrangère, curiosité intellectuelle, capacité d'adaptation, motivation et résultats au bac. Ces choix sont précédés par une épreuve se déroulant dans les lycées consistant en la réalisation d'une revue de presse sur un thème choisi par le candidat. Cette revue de presse est complétée par une note de synthèse et une réflexion personnelle, ce travail étant présenté à l'oral par le candidat devant des enseignants et le proviseur de l'établissement.

b) La phase d'admission et les mesures d'accompagnement

Au terme de cette procédure d'admissibilité, les candidats présentent à l'IEP de Paris une épreuve orale d'admission devant un jury composé d'universitaires, de représentants d'entreprises et de membres de la direction de l'Institut. Ce jury fonde sa décision sur le parcours et les résultats scolaires du candidat, son travail écrit (la revue de presse), les résultats au bac, la motivation retenue par le jury d'admissibilité dans les lycées.

Des mesures d'accompagnement sont mises en place en amont sous la forme d'actions d'information et de sensibilisation des lycéens (visites de l'IEP de Paris, rencontres, diffusion d'informations actualisées et personnalisées, modules méthodologiques...). Ce dispositif de soutien spécifique se poursuivra pour les candidats reçus par l'organisation d'un suivi particulier (tutorat notamment) et la mise en place d'aides financières (bourse de mérite annuelle de 40 000 F et aide au logement de 20 000 F).

Sept établissements ont été choisis dans les académies de Créteil, Nancy-Metz et Versailles pour amorcer l'opération. Ils ont été sélectionnés sur recommandation des rectorats dans les zones et les quartiers socialement en difficulté (présence d'un grand nombre de boursiers et taux de catégories socioprofessionnelles défavorisées supérieur à la moyenne nationale).

Un autre critère déterminant a été la motivation des équipes enseignantes et des proviseurs. Ces établissements ont, en effet, mené des politiques d'innovation pédagogique, telles que l'ouverture d'une classe préparatoire aux grandes écoles ou de sections européennes.

c) Une mise au point laborieuse du dispositif

Sans reprendre les observations qu'elle formulait lors de l'examen pour avis du projet de loi portant diverses mesures d'ordre social, éducatif et culturel, dont l'article 14 avait pour objet de conforter les pouvoirs du conseil de direction de l'IEP en matière d'admission des élèves, la commission rappellera brièvement les étapes et les avatars juridiques de l'adoption du dispositif :

- 26 février 2000 : publication d'un projet de convention entre sept lycées de ZEP et l'IEP de Paris afin de pré-sélectionner des candidats ;

- 26 mars : le projet de convention est adopté par le conseil de direction à la quasi-unanimité ;

- 3 avril : une requête en référé visant à suspendre les conventions ZEP est déposée ;

- 20 avril : la requête est rejetée par le tribunal administratif de Paris, alors qu'une requête au fond est également déposée ;

- 28 juin : la loi portant DDOSEC est adoptée, et notamment son article 14 qui conforte les pouvoirs du conseil de direction de l'IEP en matière d'admission des élèves, compte tenu des observations de la commission des affaires culturelles du Sénat, et de son rapporteur pour avis, M. Jacques Valade, qui avait souligné le caractère discriminatoire d'une telle convention ;

- 2 juillet : le Conseil constitutionnel est saisi par 60 sénateurs sur la conformité de plusieurs articles de la loi ;

- 11 juillet : le Conseil constitutionnel valide l'article 14 de la loi en considérant qu'il est « loisible au législateur ... de permettre la diversification de l'accès des élèves du second degré aux formations dispensées par l'IEP ... » à condition que « les modalités particulières que fixera à cette fin, sous le contrôle du juge de la légalité, le conseil de direction de l'Institut, reposent sur des critères objectifs ».

- 3 septembre : le conseil de direction de l'IEP approuve à nouveau, à la quasi unanimité, les conventions avec les lycées situés en ZEP ;

- 13 septembre : 18 étudiants sont admis à Science-Po selon la procédure dérogatoire prévue par les conventions éducation prioritaire.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page