B. DES AVANCÉES CONSIDERABLES OUVRANT DES NEGOCIATIONS PERILLEUSES

1. Le contenu parfois ambigu de l'accord obtenu à Doha

Après avoir failli échoué sur les dossiers de l'agriculture et de l'environnement, les 142 pays membres de l'OMC sont finalement parvenus à un accord pour lancer un nouveau cycle de négociations commerciales multilatérales, désigné sous le nom de « Doha Development Agenda » -programme de développement de Doha-. Cet accord a toutefois été obtenu au prix d'ambiguïtés qui exigeront une grande vigilance durant le déroulement des négociations à venir.

L'Union européenne peut s'estimer satisfaite des avancées obtenues sur plusieurs points figurant dans le mandat confié au négociateur européen, par les Etats membres, le 26 octobre 1999, et déjà valable pour la conférence de Seattle.

a) Philosophie générale de l'accord

Il prévoit un cycle assez large, visant à la fois la libéralisation et la régulation . Le mandat européen était, en effet, de lancer un cycle global combinant la poursuite de la libéralisation des échanges et le renforcement des règles pour une gouvernance mondiale. Ces deux volets paraissaient d'autant plus indissociables que la contestation de la « mondialisation » et la problématique du développement avaient pris une ampleur nouvelle depuis Seattle.

Ainsi, le texte inclut dans la négociation la définition de règles multilatérales pour des domaines encore mal couverts par les accords de Marrakech (1994), notamment l'investissement et la concurrence, ce qui n'était pas à l'ordre du jour à Seattle. Il propose aussi un renforcement des règles de l'OMC (notamment pour assurer le règlement des différends et la transparence des marchés publics).

L'accord prend en compte les préoccupations des pays en développement , notamment par des mesures facilitant la mise en oeuvre des précédents accords signés en 1994 à Marrakech, au terme du cycle de négociations d'Uruguay ouvert en 1987 mais également par une promesse de négociations anti-dumping à laquelle les Etats-Unis ont finalement consentie. Il préserve également les accords préférentiels entre l'Union européenne et les pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique), dont l'enjeu pour le commerce de la banane et du thon est crucial.

En vue des prochaines négociations et afin d'améliorer l'accès aux marchés des pays les moins avancés (PMA), l'Union européenne a proposé l'initiative « Tout sauf les Armes » : le Conseil européen a, le 26 février 2001, adopté le règlement qui permettra à la Communauté d'accorder en 2009 à l'ensemble des produits originaires des PMA une pleine franchise de droits et de quotas. Le nouveau règlement permet d'accorder un accès en franchise de droits et de quotas à tous les produits industriels, y compris les textiles, et agricoles en provenance des PMA sans aucune exclusion. Il prévoit une libéralisation totale pour la banane, le sucre et le riz, sur la base d'un régime transitoire d'ouverture progressive, s'échelonnant de 2006 à 2009 selon les produits.

Par comparaison, en l'état actuel, les Etats-Unis excluent plusieurs secteurs ou produits industriels -textile, habillement et chaussures, montres, verres, acier, articles de cuir, certains produits électroniques- et soumettent nombre de produits agricoles à contingents (viande, lait et dérivés, sucre, chocolat, jus d'orange, tabac, fromages, légumes, arachides, plantes). Le Japon n'exclut plus que quelques produits industriels (cuir et fourrure pour habillement et certains tissus de soie, de laine et de coton), ainsi qu'un produit agricole : le riz. Des produits tels que les bananes, le cacao, le café, les céréales et le vin demeurent soumis à des pics tarifaires.

L'Union européenne peut se féliciter de ce que le texte adopté à Doha plaide pour une multilatéralisation de l'initiative européenne « Tout sauf les armes ».

Au cours du cycle à venir qui, conformément à sa proposition, inclura cette question, l'Union européenne plaidera également pour une meilleure prise en compte des difficultés de mise en oeuvre des accords de l'OMC par les pays en développement . Les pays en développement relèvent des difficultés d'application des accords suivants: l'accord antidumping, l'accord sur les subventions et les droits compensateurs, les normes sanitaires et phytosanitaires, l'accord sur les obstacles au Commerce, l'accord sur les mesures relatives à l'investissement liées au commerce, la propriété intellectuelle, l'évaluation en douane... Ils contestent aussi l'asymétrie entre les droits et les obligations prescrites dans ces accords, notamment dans le cas de l'agriculture et du textile.

Concernant le textile , l'intransigeance américaine à Doha, face à l'Inde, a évité à l'industrie textile française une accélération de l'ouverture des marchés développés aux exportations des PVD de textile et habillement. Le calcul des quotas a été transmis au Comité pour le commerce des marchandises, qui devra rendre ses conclusions avant le 31 juillet 2002.

L'accord sur les textiles et vêtements (ATV) entre, au 1 er janvier 2002, dans une troisième phase de libéralisation des échanges. Les pays exportateurs, estimant que cet accord n'est pas appliqué effectivement par les pays développés, qui usent, selon eux, de mesures de sauvegarde ou d'autres instruments de restriction de l'accès au marché, souhaitaient renégocier l'accord. Ceci ne manquait pas d'inquiéter l'industrie textile française, d'autant que la date du 1 er janvier 2002 est aussi celle de l'entrée de la Chine à l'OMC et que la Commission européenne négocie actuellement, en marge de l'OMC et dans une perspective essentiellement politique, un accord avec le Pakistan lui offrant un accès privilégié pour ses produits . Le commissaire européen Pascal Lamy présente, en effet, comme « arme de paix » un projet de relèvement de 15 % des quotas et d'annulation des droits pour les produits textiles pakistanais (en échange, les producteurs européens devraient se voir offrir un accès plus facile au marché pakistanais, aujourd'hui protégé par des droits d'entrée supérieurs à 30 %, en moyenne). Or cette proposition n'a fait l'objet d'aucune étude d'impact préalable, ce qui préoccupe les industriels français du textile , qui estiment qu'elle menacerait 25 ou 30.000 emplois en Europe ; en outre, elle conduirait à détourner les flux d'importations européennes de textile des pays du Maghreb , avec lesquels l'Union européenne entretient traditionnellement des rapports privilégiés. L'impact d'un accord avec le Pakistan se ferait donc sentir aussi sur l'autre rive de la Méditerranée.

Le textile européen s'inquiète encore de la non-réciprocité dans l'accès aux marchés, de certaines dispositions de l'accord sur la propriété intellectuelle (TRIPS) -qui autoriseraient des copies par les PVD des modèles européens- et de l'encadrement, prévu par l'accord de Doha, des mesures anti-dumping en 2005 et 2006.

Enfin, l'Union européenne a obtenu l'engagement d'un dialogue sur le renforcement de l'assistance technique aux pays en développement pour favoriser leur intégration dans le système commercial.

Le renforcement de l'assistance technique est, en effet, nécessaire à une mise en oeuvre effective des accords de l'OMC par l'ensemble des pays en développement, notamment sur les points suivants : normes sanitaires et phytosanitaires, obstacles techniques au commerce, évaluation en douane et propriété intellectuelle.

Désormais, le « cadre intégré » en faveur des PMA, qui associe les six organisations internationales les plus compétentes en matière d'assistance technique liée au commerce, sert de cadre directeur aux stratégies d'intégration du commerce dans les politiques de développement. Les programmes d'intégration s'inscrivent dans une stratégie cohérente de développement, avec les Programmes de réduction de la pauvreté (PRSP) de la Banque mondiale. Les stratégies nationales de développement doivent être déclinées en programmes définis par les PMA eux-mêmes en fonction de leurs besoins. C'est à la rénovation du « cadre intégré » qu'appelle l'Union européenne.

b) L'accès aux médicaments

Ce point, qui était, dans un premier temps l'une des nombreuses pommes de discorde sur la mise en oeuvre des accords existants, a pris un poids tel qu'un texte séparé lui a été consacré et a été retenu par les membres de l'OMC réunis à Doha.

En réponse aux difficultés de mise en oeuvre des accords ADPIC (portant sur les droits de la propriété intellectuelle qui touche au commerce) -TRIPS en anglais-, dénoncées depuis Seattle par les PVD, l'accord en autorise une interprétation souple, permettant aux Etats confrontés à des pandémies de produire des copies de traitements brevetés . Ainsi, conformément au souhait de l'Union européenne, l'OMC reconnaît que les règles commerciales doivent tenir compte des questions de santé publique et de souveraineté politique.

Un aspect central de ce débat a concerné les licences obligatoires : constituant des exceptions au droit des brevets, les licences obligatoires permettent à un Etat de priver momentanément le détenteur d'un brevet de son droit exclusif sur ce dernier en raison d'une épidémie et de faire fabriquer le médicament concerné par le producteur de son choix sans le consentement du détenteur du brevet.

En garantissant le respect de la propriété intellectuelle, les accords ADPIC visent à permettre et encourager le financement privé de la recherche, ce qui est un acquis majeur. Toutefois, les dispositions exceptionnelles autorisant les pays pauvres à délivrer des licences obligatoires ne paraissent pas accessibles, en pratique : en effet, ces pays ne disposant généralement pas de capacités de production sur leur sol, la possibilité de délivrer des licences obligatoires ne leur serait utile que s'ils sont autorisés à faire appel à un producteur étranger et à réimporter sans droits ces médicaments.

La difficulté était de trouver le point d'équilibre entre la protection par les brevets de la propriété intellectuelle et l'accès des PVD aux médicaments en cas d'épidémies. Voulant exploiter les potentialités de l'accord ADPIC pour la production de médicaments génériques ou l'importation parallèle de médicaments, les PVD demandaient plus de souplesse dans le droit des brevets en cas d'urgence médicale. Avocats de cette souplesse maximale, l'Afrique du Sud, le Brésil et l'Inde demandaient une libre conduite de leurs politiques de santé (notamment de leur programme anti-Sida), qui ne les expose pas à une condamnation par l'OMC. Conformément à leur souhait, « rien dans l'accord ADPIC n'empêche les membres de prendre des mesures pour protéger la santé publique ». Les Etats-Unis et la Suisse, qui comptent de grands laboratoires, ont donc consenti à une certaine flexibilité, ce que l'émergence du bioterrorisme -récente épidémie d'anthrax et besoin américain de se fournir en antibiotique approprié à moindre coût- a sans doute facilité.

c) L'agriculture

Le projet de déclaration, proposé à la veille de la Conférence de Doha par le Président du Conseil Général de l'OMC, l'Ambassadeur Harbinson, retenait un objectif d'élimination des subventions à l'exportation, reposant sur l'idée d'une « marchandisation » de l'agriculture, inacceptable, notamment pour la France, et reprenait la revendication du groupe de Cairns -qui comprend le Canada, l'Australie et autres grands pays exportateurs agricoles hors USA et Union Européenne-. D'autres difficultés tenaient à la référence à une réduction substantielle des soutiens internes, à l'absence de progrès sur la protection des indications géographiques et à la place trop modeste accordée à la multifonctionnalité de l'agriculture (celle-ci ayant une fonction plus large que seulement commerciale : protection de l'environnement, aménagement du territoire, sûreté alimentaire, bien-être des animaux).

L'Union européenne a été offensive sur le dossier agricole, car elle pouvait se targuer d'avoir plus qu'appliqué les accords de Marrakech -réduction des droits de douane, des soutiens internes et des subventions à l'exportation- en mettant en oeuvre la réforme de la PAC dans le respect de l'agenda 2000. Ainsi , l'Europe est déjà plus ouverte que ses partenaires aux produits des PVD (20 milliards de dollars d'importations pour les Etats-Unis, 33 milliards de dollars pour l'Europe).

L'Union européenne a finalement obtenu à Doha un résultat conforme au mandat de 1999 :

- le texte fixe un agenda et un calendrier, sans préjuger des résultats : une formule diplomatique a permis de satisfaire l'Union Européenne comme le groupe de Cairns et les Etats-Unis. La formule prévoit que « s'appuyant sur les travaux accomplis à ce jour et sans préjuger du résultat des négociations, les pays s'engagent à des négociations globales visant à : des améliorations substantielles de l'accès aux marchés ; des réductions, en vue de leur retrait progressif, de toutes formes de subventions à l'exportation ; et des réductions substantielles du soutien interne ayant des effets de distorsion des échanges. » Si l'expression « retrait » -« phasing out »- demeure, le texte n'impose pas la suppression des subventions à l'exportation au terme du cycle de Doha -la suppression devenant ainsi un objectif de très long terme-. Comme le souhaitait l'Union européenne, la direction des négociations est donnée, et non pas son point d'arrivée, ce qui permettra de déterminer la position européenne dans les négociations à venir en fonction du rythme de réforme de la PAC. Ainsi, l'Europe peut maîtriser le rythme des évolutions à venir ; en outre, elle compte bien que les restitutions européennes ne soient pas seules remises en cause. Enfin, la signification exacte du terme « substantielles » -qualifiant les réductions de soutiens internes- sera déterminée par la négociation à venir, sur laquelle il conviendra d'être vigilant ;

- dans le texte, la spécificité de l'agriculture, fortement contestée à Seattle, est confortée. Les préoccupations traditionnelles (accès au marché, soutien interne, soutiens à l'exportation) sont équilibrées par la prise en compte -ne serait-ce que par la mention qui en est faite- des préoccupations non commerciales, qui ont déjà donné lieu à l'ouverture, au sein de l'OMC, à des travaux techniques, portant sur la sécurité sanitaire des aliments, le développement rural, le bien-être des animaux, l'environnement, les indications géographiques, ou encore la qualité des produits ;

- sur les indications géographiques, l'accord prévoit une avancée importante : la négociation d'un système multilatéral d'enregistrement et de notification des indications géographiques, pour les vins et spiritueux. En outre, il est prévu de commencer la discussion devant conduire à l'extension de ce registre à d'autres produits.

d) L'environnement

L'Union européenne a obtenu l'ouverture de négociations sur les relations entre les règles de l'OMC et les accords mondiaux sur l'environnement (AME) et, dans deux ans, éventuellement sur d'autres sujets. Il s'agit de la première intégration de l'environnement dans la négociation commerciale internationale, mais elle ne sera effective que si les accords internationaux sur l'environnement sont signés et ratifiés par l'ensemble de la communauté internationale (notamment par les Etats-Unis, qui n'ont pas signé le protocole de Kyoto de décembre 1997 sur les changements climatiques ni celui sur la biosécurité, qui autorise à refuser l'importation d'OGM au titre du principe de précaution). En effet, les Etats-Unis ont obtenu que les conclusions des négociations sur l'environnement ne soient applicables qu'aux membres de l'OMC signataires des traités environnementaux.

Cette avancée sur l'environnement apparaît, de ce fait, essentiellement symbolique.

En butte à l'opposition conjointe des Etats-Unis et des PVD, qui se satisfont de la flexibilité des règles actuelles, l'Union européenne a dû, par ailleurs, renoncer à inscrire dans l'accord l'éco-étiquetage, qui se trouve renvoyé au Comité sur le commerce et l'environnement, ainsi que l'examen du principe de précaution. Il est seulement fait référence, en écho aux travaux sur le principe de précaution menés depuis Seattle, au droit des membres de définir le niveau de protection qu'ils jugent approprié en matière de santé, de sécurité et d'environnement.

e) Les règles concernant l'investissement et la concurrence

Sur ces deux dossiers, une approche en deux temps a été retenue, rassurant les PVD. Après une phase de clarification des besoins, des négociations seront lancées -comme le souhaitait l'Union européenne-, dont les modalités seront décidées par consensus à la cinquième conférence ministérielle (dans deux ans).

En ce qui concerne l'investissement, l'Union souhaite un cadre accordant une protection adéquate aux investissements étrangers, assurant transparence et non-discrimination et permettant l'accès au marché pour les secteurs offerts. L'enjeu, en matière de concurrence, est de définir des principes communs à tous les membre pour éviter le contournement des engagements de libéralisation par des pratiques anti-concurrentielles.

En revanche, l'Union Européenne n'a pu obtenu satisfaction en matière de normes sociales : l'opposition farouche des PVD -qui redoutent un protectionnisme déguisé derrière les normes sociales- a empêché le texte d'aller au-delà d'une simple référence aux travaux de l'Organisation Internationale du Travail et d'un rappel de la déclaration de Singapour en 1996, engageant les membres de l'OMC à « observer les normes fondamentales du travail internationalement reconnues ». L'ambition européenne, qui se heurte au désintérêt américain et à l'hostilité des PVD, serait, à terme, de créer un forum permanent entre l'OMC et l'OIT.

Mais le désaveu de l'Europe sur ce dossier doit être mis en regard d'autres avancées sociales, qui sont à souligner : la protection des « services publics » reste assurée par l'accord sur les services ; la possibilité de choisir un niveau élevé de protection en matière de santé, de sécurité et d'environnement est ouverte; la banalisation des échanges agricoles est écartée; les considérations relatives au développement ont progressé .

2. Les enjeux des futures négociations portant sur les services

Les services n'ont pas été un sujet de discorde à la conférence de Doha, alors qu'ils appartiennent, au même titre que l'agriculture, aux négociations de « l'agenda incorporé » -c'est-à-dire dans le prolongement du cycle d'Uruguay-. Cette discrétion, sur un secteur d'un poids économique pourtant considérable, peut s'expliquer par deux raisons majeures.

D'une part, du point de vue européen, ce sujet représente une question offensive puisque l'Union européenne a déjà largement libéralisé ses services et peut ainsi faire valoir ses intérêts -sous réserve du maintien de l'exception culturelle pour les services audiovisuels, ce qui semble un souci largement partagé-.

D'autre part, le périmètre de la négociation est maîtrisé du seul fait que celle-ci fonctionne par liste positive , conformément à l'accord général sur le commerce des services (AGCS). Ce principe a notamment permis, jusqu'à présent, de préserver les services publics d'éducation, de santé et de transport ferroviaire.

Pourtant, il conviendra, au cours des négociations qui s'annoncent, de veiller à ce que le renforcement des disciplines sur la réglementation intérieure, ainsi que sur les subventions, ne permette à l'OMC de remettre en cause l'existence ou le fonctionnement des « services publics », tels qu'entendus en France.

L'Union Européenne a proposé de porter la négociation sur ses intérêts sectoriels, à savoir notamment :

- les services de télécommunications : l'Union propose leur libéralisation sur la base d'engagements d'accès au marché et de traitement national et dans le respect des principes pro-concurrentiels du « document de référence ». Elle considère, comme les Etats-Unis, que le développement du commerce électronique passe par la libéralisation d'une grappe de services liés aux télécommunications (services informatiques, services de paiement en ligne, services de publicité, services de livraison exprès). En revanche, alors que les Etats-Unis plaident aussi pour la privatisation des opérateurs de télécommunications, la France considère que ce sujet ne relève pas de l'OMC, tant que la propriété du capital n'affecte pas l'accès au marché ;

- les services financiers (banque, assurance, titres financiers) : l'Union européenne, qui a un intérêt offensif évident dans ce secteur du marché unique représentant 7 % du PIB communautaire, met en avant l'importance, dans le contexte du développement du commerce électronique, des prestations transfrontières et de la consommation à l'étranger, qui ont jusqu'à présent fait l'objet d'offres limitées. Elle souligne la complémentarité entre une libéralisation des services financiers et l'existence d'un cadre réglementaire adapté et efficace, notamment en matière prudentielle ;

- les services de tourisme : déjà largement libéralisés, ces services font encore l'objet de quelques limitations, dans les secteurs de la restauration, des agences de voyage ou de guides touristiques. L'Union européenne propose l'élimination de ces limitations ;

- les services de transport : contrairement aux Etats-Unis, qui veulent préserver le transport maritime et le transport aérien, l'Union européenne propose la libéralisation de ces secteurs. En matière de transport maritime, l'Union européenne, qui représente 30 % de la capacité de la flotte mondiale des navires de commerce, est forte des règles unifiées dont elle s'est dotée et qui comportent très peu de barrières à l'activité des prestataires étrangers. En matière de transport aérien, elle souhaite même élargir le champ de l'AGCS à d'autres services que ceux inclus dans le champ (vente et commercialisation, systèmes informatisés de réservation, maintenance des aéronefs). Les intérêts économiques français sont importants dans ce domaine, compte tenu du positionnement d'Air France comme compagnie et comme prestataire de services. En revanche, la France -à l'instar des Etats-Unis- n'est pas favorable à l'inclusion des droits de trafic dans le champ de l'AGCS, privilégiant des accords bilatéraux fondés sur la réciprocité. En matière de transport terrestre, l'Union a limité sa proposition à quelques secteurs et modes précis (transport international routier, réparation et maintenance et location de véhicules commerciaux avec chauffeur) ;

- les services postaux et de courrie r : l'Union européenne propose une libéralisation progressive des activités postales n'entrant pas dans le champ du secteur réservé aux opérateurs monopolistiques, afin que l'OMC ne puisse remettre en cause le service universel. Sa proposition de classification des services postaux va dans ce sens. Dans ce contexte, un point de convergence se dégage entre les propositions européennes et les propositions américaines de libéralisation des services de livraison exprès, totalement ouverts à la concurrence dans la pratique, pour autant que la définition de ces services soit suffisamment précise pour ne pas risquer d'affecter le monopole de la poste sur une partie des services postaux ;

- les services énergétiques : tout en appelant à leur libéralisation -dans la limite de l'acquis communautaire-, l'Union européenne rappelle les impératifs de sécurité des approvisionnements et de protection de l'environnement ainsi que les spécificités du nucléaire, qui doit rester en dehors du champ de l'AGCS.

Parallèlement, des discussions se poursuivent entre membres de l'OMC pour préciser le contenu de la classification des secteurs, dans les domaines -tels qu'énergie, services postaux et services environnementaux- où elle se révèle obsolète ou insuffisante. Les travaux continuent également depuis l'entrée en vigueur de l'AGCS sur les sujets n'ayant pas fait l'objet d'un accord au terme du cycle d'Uruguay : disciplines sur les subventions, sauvegardes et marchés publics, réglementation intérieure.

- les services professionnels (à savoir les professions libérales : avocats, experts-comptables...) : en matière de services juridiques, les Etats-Unis souhaitent obtenir une libéralisation des conditions d'entrée des avocats américains dans les sociétés civiles professionnelles d'avocats en Europe, afin que leurs avocats puissent se dispenser à l'avenir d'une inscription à un barreau en Europe. La France a limité son offre de libéralisation en limitant notamment au domaine du droit international l'exercice des avocats étrangers en France ;

- les services environnementaux (traitement des eaux ou des déchets...): les entreprises françaises disposent de solides positions sur ce marché (Vivendi est au 2ème rang, la Lyonnaise des eaux au 4ème), dont la croissance annuelle prévue dans les années à venir est de 8 %. Désireuse de permettre le développement de la libéralisation de ce marché dans un cadre juridique sûr, l'Union européenne a déposé une nouvelle proposition de classification des services environnementaux, plus complète, comportant en particulier la distribution de l'eau. La libéralisation effective des services environnementaux passe également par la mise en place de disciplines relatives aux marchés publics de services.

3. Opportunités ouvertes par l'adhésion prochaine de la Chine à l'OMC

La conférence ministérielle de Doha restera aussi celle qui aura entériné l'accord en vue de l'adhésion formelle de la Chine à l'OMC, quinze ans après la demande chinoise. Cette adhésion sera effective dès 2002, après ratification de l'accord par le Parlement chinois.

Les listes d'engagements établissent l'ensemble des droits d'accès au marché que la Chine devra accorder. Des dérogations provisoires -pour cinq ans- doivent faciliter l'intégration de la Chine dans le système commercial mondial.

Pour l'Union européenne, l'entrée de la Chine représente l'opportunité d'un marchés nouveau de 1,3 milliard de consommateurs, alors que ses propres engagements envers la Chine n'ont quasiment pas changé. En effet, l'Union européenne accordait déjà à la Chine la clause de la nation la plus favorisée , avant même que les membres de l'OMC ne s'y trouvent tenus par l'accord sur l'adhésion de la Chine. Toutefois, elle va devoir supprimer les derniers contingents tarifaires qu'elle appliquait à la Chine, portant sur les textiles, les chaussures et la vaisselle en céramique et en porcelaine. En contrepartie, il sera possible, jusqu'en 2008, de recourir à une mesure de sauvegarde spécifique pour faire face aux importations préjudiciables de textiles chinois. Jusqu'à douze ans après l'adhésion, des mesures de sauvegarde propres à certains produits permettront de corriger l'afflux d'importations chinoises portant atteinte (ou menaçant de porter atteinte) aux entreprises communautaires concurrentes.

De nombreuses opportunités s'offrent aux entreprises communautaires :

- produits industriels : suppression progressive des contingents et réduction des droits de douane de 17% à 9% en moyenne. Les droits appliqués aux produits du secteur des technologies de l'information, à la bière, aux jouets et aux meubles seront supprimés. D'autres secteurs exportateurs européens vont bénéficier de la libéralisation : automobile, chimie, alcools, cosmétique, cuir, textile, chaussures, pierre, céramique, verrerie, machines et appareils... ;

- produits agricoles : réduction des droits à une moyenne de 10 % d'ici 2005 sur les 60 produits les plus exportés par l'Union européenne et élimination, au niveau national, de toutes les subventions agricoles à l'exportation pour les producteurs chinois ;

- droits commerciaux et libéralisation des monopoles d'Etat sur les échanges : droit, pour les entreprises étrangères, de commercialiser et distribuer librement leurs produits en Chine, trois ans après l'adhésion ; ouverture aux importateurs privés des secteurs du pétrole, des engrais et de la soie ;

- services : investissements étrangers ouverts progressivement dans l'assurance (d'ici 3 ans pour l'asurance-vie), les télécommunications (téléphonie mobile, notamment), la distribution, les banques (ouverture totale d'ici 3 ans envers la clientèle entreprises et cinq ans pour les particuliers) , les services professionnels, le tourisme.

La conformité de la législation et des institutions commerciales chinoises aux règles de l'OMC sera assurée par les engagements chinois relatifs au traitement national (interdiction de discrimination envers les produits importés), aux conditions en matière d'investissements, à la protection des droits de propriété intellectuelle, aux subventions à l'exportation, aux marchés publics et aux instruments de défense commerciale.

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