CHAPITRE II -

L'ÉVALUATION DES POLIQUES PUBLIQUES
EN 2000-2001

Loin de n'être qu'une procédure administrative, l'évaluation des politiques publiques constitue un enjeu politique majeur . C'est pourquoi il est souhaitable que les activités du Commissariat au Plan dans ce domaine ne soient pas soumises au pouvoir exclusif du Premier ministre, mais bien au contrôle des Assemblées parlementaires.

Les élus prennent, en effet, peu à peu conscience de cet enjeu qui les intéresse au premier chef, eux qui doivent rendre compte à leurs concitoyens des conséquences des décisions publiques. C'est ainsi que l'évaluation sort petit à petit du champ des discussions des spécialistes (universitaires, chercheurs ...) pour être évoquée sur la place publique.

Il est révélateur, à cet égard, que le porte-parole d'un parti ait récemment suggéré de rattacher la Cour des Comptes et le Commissariat général du plan du Parlement pour constituer un grand pôle d'évaluation des politiques publiques . C'est dire l'importance, pour la représentation nationale d'un sujet encore trop méconnu.

I. UN RÉGIME INSTITUÉ AU TERME D'UN PROCESSUS LENT ET COMPLEXE

Le premier régime d'évaluation des politiques publiques françaises a été institué en 1990. La faible efficacité du dispositif mis en place a conduit à sa réforme, opérée en 1998.

A. LES PÉRIPÉTIES ANTÉRIEURES AU DÉCRET DU 18 NOVEMBRE 1998

Un consensus s'est progressivement établi parmi les spécialistes, à compter du milieu des années 1990, pour recommander une modification du décret n° 90-82 du 22 janvier 1990 qui fixait la procédure initiale d'évaluation des politiques. Ce texte limitait, en effet, à un faible nombre d'autorités (Premier ministre, ministres, Conseil d'Etat, Cour des Comptes et médiateur de la République) la faculté de saisir le comité interministériel de l'évaluation (CIME) chargé, à cet époque, de déterminer la liste des évaluations à réaliser.

La lourdeur de ce mécanisme ( le CIME s'est réuni trois fois au cours de ses huit années d'existence ) conduisait M. Jean Boyer, alors rapporteur pour avis de votre commission, à estimer dès 1996 que cette procédure était en voie d'essoufflement. Cet affaiblissement se transforma peu à peu en paralysie : Le nombre d'évaluations réalisées dans le cadre de ce régime ne dépassa pas 13 en huit ans, tandis que certaines d'entre elles -au demeurant d'une bonne qualité technique- nécessitèrent quatre (évaluation de la politique de prévention des risques naturels, mars 1993-septembre 1997) voire cinq (évaluation de la politique de maîtrise de l'énergie, mars 1993-janvier 1998) années pour être menées à bien .

Cette situation rendait la réforme de l'évaluation d'autant plus inéluctable que le législateur avait créé des instances d'évaluation ad hoc depuis le milieu des années 1983, à l'instar de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (1983), du Comité national d'évaluation des établissement publics à caractère scientifique, culturel ou professionnel (1985), du comité national d'évaluation de la recherche, de la Commission d'évaluation du RMI, et du comité d'évaluation des qualifications (tous trois créés en 1989), du comité d'évaluation de la politique de la ville, et de l'Agence nationale d'évaluation des pratiques médicales (1990).

Tel fut l'objet du décret du18 novembre 1998.

B. LE CONTENU DU DÉCRET DU 18 NOVEMBRE 1998

Le décret n°98-1048 du 18 novembre 1998 relatif à l'évaluation des politiques publiques a institué le régime de l'évaluation en vigueur, en créant un nouvelle structure, le Conseil national de l'évaluation et en confiant un rôle important au Commissariat général dans le pilotage des évaluations.

1. Le rôle du Comité national de l'évaluation et les conditions de sa saisine

Le texte a supprimé le « filtre » qui résultait de l'existence du Conseil scientifique de l'évaluation (CSE) et du Comité interministériel de l'évaluation, qu'un rapport considérait comme la source de l' « impressionnante déperdition » entre les projets envisagés et ceux retenus, laquelle procédait de la réticence des ministères à « se plier à une procédure qui les oblige à se soumettre à un regard extérieur, notamment celui des autres ministères 4( * )

Le décret du 28 décembre 1998 crée un Conseil national de l'évaluation (CNE) composé de quatorze membres , issus :

- du Conseil d'Etat ;

- de la Cour des comptes ;

- du Conseil économique et social ;

- de représentants des maires, des conseillers généraux et régionaux, respectivement désignés par les associations représentatives des maires, des présidents de conseils généraux et des présidents de conseils régionaux.

Les institutions et les personnes susceptibles de saisir le CNE d'une proposition d'évaluation sont :

- le Premier ministre ;

- les ministres ;

- le Conseil d'Etat ;

- la Cour des Comptes ;

- le médiateur de la République ;

- les collectivités territoriales et les associations d'élus représentées en son sein.

Comme l'a souligné, à juste titre, Madame Janine Bardou dans son rapport 5( * ) pour avis sur le projet de loi de finances pour 2000, il est regrettable qu'aucun parlementaire ne figure parmi les membres du CNE, alors même qu'y participent des personnalités représentant des associations d'autres élus et que les organes du Parlement, à commencer par les commissions permanentes des Assemblées constituées en son sein ne puissent pas même saisir le CNE d'une proposition d'évaluation .

2. Le rôle du Commissariat général dans le dispositif d'évaluation des politiques publiques

Le Commissariat général assure le secrétariat du Conseil national de l'évaluation . A ce titre il aide à la rédaction des projets de cahiers des charges, à l'examen de la faisabilité technique et administrative des opérations d'évaluation, à la composition et à la mise en place des instances d'évaluation, à la publication des travaux lorsque ceux-ci sont achevés.

Il assure également le suivi des travaux en cours et la gestion des crédits du Fonds national de développement de l'évaluation (FNDE). Il suit la préparation des études commandées à des prestataires de services extérieurs par les instances d'évaluation désignées pour mener à bien chaque évaluation. Il propose enfin au Premier ministre, en liaison avec les administrations concernées, les suites à donner aux évaluations qui concernent des politiques menées par l'État.

Selon les informations communiquées à votre rapporteur pour avis, la procédure se déroule en pratique dans les conditions suivantes : « dans un premier temps, le Commissariat général du Plan recueille les intentions d'évaluation des différents ministères -voire les suscite- et aide ceux-ci à formaliser leurs projets. Parmi ces projets, le Conseil national de l'évaluation retient ceux qui lui semblent arrivés à maturité ; il peut également s'auto-saisir de thèmes qu'il juge opportuns ; il propose un programme d'évaluation au Premier ministre. Celui-ci arrête son choix et le rend public (parution au Journal officiel). Dans la plupart des cas, les travaux d'évaluation sont conduits par des instances indépendantes. Le Conseil national de l'évaluation se prononce ensuite sur la qualité de travaux achevés. Toute évaluation faite dans le cadre de cette procédure est rendue publique, assortie des réponses des administrations et des collectivités territoriales concernées ainsi que l'avis du Conseil national de l'évaluation . »

En outre, le CGP participe à l'animation du club de l'évaluation dont le siège est situé au ministère de la Fonction publique et de la Réforme de l'État. Il a également apporté, en 2001, son soutien à la préparation du troisième colloque de la Société française de l'évaluation sur « l'évaluation des politiques publiques à l'épreuve des territoires », qui a rassemblé plus de 300 participants.

Enfin, selon les termes du décret du 18 novembre 1998, le Commissariat général contribue à la formation dans le domaine de l'évaluation , notamment en diffusant l'état des pratiques et des méthodes utilisées en contribuant à des missions de formation (notamment à l'École nationale d'administration, à l'Institut international d'administration publique, à l'Institut d'études politiques de Paris, à l'École supérieure des Télécommunications, et à l'École nationale de la santé publique).

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