CHAPITRE III -

LA POLITIQUE AÉROPORTUAIRE : L'HEURE DES CHOIX

I. QUEL ACCROISSEMENT DES CAPACITÉS ?

A. LE CONTEXTE : VERS UNE SITUATION DE PÉNURIE AÉROPORTUAIRE ?

Le Président d'Air France s'inquiétait, lors de son audition devant votre commission, au printemps dernier, de l'émergence d'une « situation de pénurie aéroportuaire en Europe ».

Certes, la crise actuelle, brusque et aiguë, que traverse le transport aérien, ne manque pas d'affecter à court terme la croissance du trafic et de rendre moins immédiate la question de l'accroissement des capacités aéroportuaires. Toutefois, l'histoire montre que, bien qu'étant cyclique, et particulièrement sensible aux aléas économiques de la conjoncture politique internationale, le trafic aérien augmente tendanciellement sur le moyen terme.

Les principales plates-formes européennes se trouvent aujourd'hui dans une situation contrastée en termes de réserves de capacité. Certaines grandes plates-formes européennes disposent de quelques réserves qui leur permettront de faire face, à plus ou moins longue échéance en fonction des contraintes environnementales, à l'évolution de trafic prévue pour les quinze prochaines années. Les pays concernés sont en situation de préserver et de conforter les intérêts de compagnies qui y sont basées et ne seront pas enclins à rechercher de nouvelles plates-formes susceptibles d'introduire de la concurrence. A l'inverse, la situation prévisible de pénurie dans d'autres Etats, ou les contraintes d'exploitation (Londres, Francfort,...) rendent difficile une évolution à court et moyen terme des compagnies concernées. Plusieurs observateurs attribuent ainsi une partie des difficultés actuelles de British Airways aux contraintes s'exerçant sur le système aéroportuaire londonien, alors que le redressement d'Air France est concomitant avec l'accroissement des capacités de l'aéroport de Paris-Charles de Gaulle et la mise en place de son « hub » sur cet aéroport.

Les prévisions 25( * ) font état de contraintes fortes sur les systèmes aéroportuaires européens dans les 20 ans à venir :

A Londres :

Le système aéroportuaire londonien a traité 107 millions de passagers et 910 000 mouvements en 1999, répartis ainsi qu'il suit :

- Heathrow : 62 millions de passagers et 458.000 mouvements.

- Gatwick : 31 millions de passagers et 256.000 mouvements.

- Stansted : 9 millions de passagers et 155.000 mouvements.

- Luton : 5 millions de passagers et 79.000 mouvements.

Londres-Heathrow possède deux pistes principales et une piste sécante utilisée occasionnellement. Il est le premier aéroport européen avec un emport moyen très important de 138 passagers par mouvements. Une nouvelle piste est envisagée à l'horizon 2008 . Sa réalisation demeure très hypothétique, en particulier pour des raisons environnementales. En effet, en échange d'un engagement de non-construction d'une piste supplémentaire, un premier accord pour la construction d'une nouvelle aérogare T5, d'une capacité de 15 millions de passagers par an, a été obtenu. Ceci permettra une augmentation du nombre des passagers mais sans augmentation du nombre de mouvements.

Gatwick traite actuellement 31 millions de passagers avec une piste unique et deux aérogares. Cette capacité annuelle très importante s'explique en partie par la structure du trafic : sa répartition est très uniforme dans la journée sans réelle pointe, avec de nombreux vols touristiques. Aucun développement majeur n'est envisagé même si une réorganisation devrait permettre d'atteindre 40 millions de passagers par an avec 280.000 mouvements.

Stansted , qui a atteint un trafic de 9,5 millions de passagers en 1999, devrait augmenter la capacité de son terminal pour accueillir 15 millions de passagers en 2007. Cet aéroport espère profiter de la saturation des deux grands aéroports londoniens, Heathrow et Gatwick, pour se développer. Luton compte lui aussi sur la saturation des deux grands pour accroître son trafic. Son projet est de doubler sa capacité pour atteindre les 10 millions de passagers en 2008. Ces deux aéroports alternatifs se sont largement appuyés sur les opérateurs à bas prix pour assurer leur propre développement.

Compte tenu des prévisions de croissance du trafic à Londres, la construction du nouveau terminal T5 d'Heathrow et les projets d'extension des autres aéroports londoniens devraient permettre de satisfaire la demande des passagers jusqu'à l'horizon 2012 , après quoi d'autres solutions devront être envisagées.

A Francfort :

L'aéroport de Francfort a accueilli 46 millions de passagers en 1999, pour 440 000 mouvements. Il fonctionne aujourd'hui avec deux pistes principales et une piste sécante, utilisée uniquement pour les décollages.

Face à la saturation de son hub, Lufthansa souhaite la construction d'une piste supplémentaire d'ici à 2006 . Cependant, la réalisation de ce projet nécessite la destruction d'une partie de la forêt domaniale de Francfort. En ce qui concerne la capacité en aérogare, Francfort dispose d'une réserve importante d'espace sur l'ancienne base militaire, correspondant à un traitement de 5 millions de passagers par an.

Lufthansa et Francfort fondent également leur axe de développement sur les possibilités de l'intermodalité avec l'ICE (train à grande vitesse) pour les trafics de rabattement et pour substituer une partie du trafic court-courrier, ce qui pourrait concerner 9 à 10 millions de passagers par an. La capacité additionnelle devrait, selon les calculs de l'aéroport, permettre au trafic de monter jusqu'à 60 millions de passagers en 2005/2010. Compte tenu du manque d'espace aux alentours de Francfort, il n'y a, pour l'instant, aucun projet de nouvel aéroport. Par contre, l'aéroport de Hahn , à proximité, est considéré comme une alternative intéressante. Cet aéroport pourrait décharger Francfort, surtout pour le trafic tout cargo et charter.

Le deuxième aéroport allemand, Munich , doit augmenter sa capacité de façon à pouvoir accueillir 30 millions de passagers dans les dix prochaines années. Cet aéroport est considéré aujourd'hui comme pouvant devenir un hub majeur en Europe . Lufthansa l'utilise déjà comme plate-forme de connexion pour les trafics intra-européens et pour quelques destinations long-courrier. Munich est également envisagé comme solution de rechange par Lufthansa dans le cas où les projets d'extension de Francfort ne se réaliseraient pas.

A Amsterdam :

Le trafic en 1999 y a été de 37 millions de passagers pour 410.000 mouvements. Devant l'accroissement rapide des trafics, le gouvernement néerlandais a dû arbitrer entre la construction d'un nouvel aéroport sur la mer du Nord et l'accroissement des capacités de Schiphol en diminuant son impact sonore. Après de longs mois de discussions, les autorités et l'aéroport sont parvenus à mettre en place un plan de réduction du bruit sur la plate-forme, éliminant ainsi l'utilité immédiate de construction d'un deuxième aéroport.

A Madrid :

Madrid Barajas a accueilli 28 millions de passagers en 1999 pour 375.000 mouvements. L'aéroport de Madrid-Barajas possède 3 pistes. Le plan de développement de l'aéroport prévoit deux pistes supplémentaires pour atteindre une capacité de 60-70 millions de passagers (utilisation de 4 pistes). Au-delà de 2020, le gouvernement espagnol envisagerait de fermer Barajas, situé à 13 km du centre ville, et de transférer toutes les activités à Campo Real, site d'implantation d'une nouvelle plate-forme aéroportuaire localisée à 15 km de Madrid.

Le système aéroportuaire parisien se situe dans la zone d'activité économique européenne dite de « la banane bleue » qui s'étend de Londres à Rome. La concentration des aéroports sur une des zones d'activité économique européennes majeures révèle la forte relation existant entre activités aéroportuaires et localisation des activités économiques des régions desservies par ces aéroports. La carte ci-dessous illustre ce phénomène :

Source : DGAC, Services des Bases Aériennes, pour le dossier « DUCSAI ».

Paris se place à la septième place mondiale en terme de millions de passagers accueillis annuellement, comme le montre le graphique ci-dessous :

Source : DGAC - Avril 2001

Dans le cadre du débat actuel sur la construction d'une troisième plate-forme aéroportuaire, les projections de trafic font état d'une capacité de traitement des aéroports parisiens actuels de 90 millions de passagers, compte tenu des restrictions du trafic imposées, pour une demande estimée à 140 millions de passagers en 2020 . Dans les conditions actuelles, la question se pose : comment « absorber » à cet horizon les 50 millions de passagers qui ne pourront être traités par le système aéroportuaire parisien dans sa définition actuelle. Toutefois, si les plafonnements actuels étaient levés, certains estiment que les aéroports parisiens pourraient accueillir cette demande supplémentaire.

Relevons que la « contre-expertise » sur l'opportunité de la construction d'une troisième plate-forme aéroportuaire, demandée à un cabinet d'études 26( * ) dans le cadre de la Commission nationale du débat public, pourtant réalisée entre mi-septembre et mi-octobre, ne remet pas en cause la perspective d'un doublement du trafic dans les 20 prochaines années.

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