CHAPITRE IER -

LE PROJET DE LOI DE FINANCES

A. DES CRÉDITS PEU IDENTIFIABLES ET DISPERSÉS

1. Des dotations noyées au sein d'un agrégat budgétaire composite

Alors que la poste et les technologies de l'information faisaient l'objet d'un ministère à part entière dans le précédent Gouvernement, aussi bien que d'une section budgétaire distincte, la réorganisation administrative et financière du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie a conduit :

- dans un premier temps à la constitution d'un agrégat « Poste et télécommunications » au sein du fascicule budgétaire des crédits de l'industrie ;

- puis, dans un deuxième temps, à l'inclusion de ces crédits au sein d'un agrégat composite, dénommé, dans le projet de loi de finances pour 2000 « Action sur l'environnement des entreprises et modernisation des PMI » ; rebaptisé, dans les projets de loi de finances pour 2001 et 2002, « Action sur l'environnement et le développement de la compétitivité des entreprises ».

Cet agrégat « thématique », n° 23, est pour le moins disparate puisqu'il regroupe des crédits très divers :

- crédits de formation (écoles des mines, ENSCI, Supélec et groupe des écoles de télécommunications) ;

- crédits de promotion de la qualité et de normalisation (normalisation, certification, métrologie, actions de l'AFNOR, du Bureau national de la métrologie...) ;

- crédits des structures d'« appui à la compétitivité industrielle » (création d'entreprise, développement de la productique, prévention des risques industriels) ;

- et, enfin, les crédits relatifs au « contrôle et à la régulation du secteur postal et des télécommunications ».

Cette composante de l'agrégat n° 23 inclut :

- les crédits de l'ART 3( * ) et de l'ANF 4( * ) ;

- les crédits de la cellule postes et télécommunications de la Polynésie française, de la Nouvelle-Calédonie et de Mayotte ;

- les contributions aux organisations internationales dans le secteur postal et des télécommunications (UIT 5( * ) et UPU 6( * ) ) ;

- la subvention à l'association des utilisateurs du téléphone et des télécommunications ;

- la subvention à La Poste au titre du transport postal de la presse et les moyens du Médiateur du service universel postal chargé de traiter les litiges avec les usagers.

2. D'autres dotations dispersées au sein du budget de l'Etat

Il faut noter que cet agrégat n° 23 ne comprend pas les moyens de l'administration centrale, et notamment de la DIGITIP 7( * ) du ministère de l'industrie, qui sont en partie dévolus aux secteurs postal et des télécommunications, crédits indissociables de l'ensemble de ceux du ministère de l'économie et des finances dans la nouvelle présentation budgétaire, non plus que la subvention à la Commission supérieure du service public des postes et télécommunications (qui figure à l'article 33 du chapitre 34-98, dans l'agrégat 31 « Administration générale et dotations communes », pour un montant de 241 235 euros).

En outre, le budget des charges communes prévoit des crédits destinés à payer les pensions des retraités de La Poste et de France Télécom , conformément à la loi du 26 juillet 1996 pour l'opérateur de télécommunications, qui a définitivement réglé la question du financement des retraites, et, pour l'opérateur postal, à la solution provisoire mise au point par l'article 8 du contrat de plan. Le montant total de ces crédits s'élève à 4,0 milliards d'euros 8( * ) , (soit 26,6 milliards de francs) pour 2002 , dont 2,5 milliards d'euros pour les retraités de La Poste et 1,5 milliard d'euros pour ceux de France Télécom.

Comme cela est développé au chapitre II du présent rapport, votre commission s'inquiète de l'évolution des charges de retraites postales d'ici à 5 ans et souhaite que le Gouvernement s'attache à trouver en la matière une solution satisfaisante pour La Poste.

Enfin, les crédits budgétaires du ministère de l'industrie relatifs au réseau national de recherche en télécommunications (RNRT) figurent à l'agrégat 22 du fascicule « Economie, finances et industrie » (au sein du chapitre budgétaire 66-01). Ces crédits, qui ne sont pas non plus individualisés, sont complétés par des dotations en provenance du ministère de la recherche. Depuis 1998, 94,6 millions d'€ ont été affectés à ces opérations par le ministère de l'industrie, dont 12 millions 9( * ) en 2001. L'ordre de grandeur devrait être le même pour 2002.

Des crédits de soutien au développement des nouvelles technologies de l'information sont également disséminés entre plusieurs agrégats du fascicule « Economie, finances et industrie ». En réponse aux questions de votre rapporteur quant à leur montant exact, le Gouvernement a répondu que « seul l'arbitrage du Ministre, rendu fin 2001 ou début 2002, permettra d'arrêter la programmation de ces crédits ». Bel exemple de transparence budgétaire !

Cet éclatement, de même que la globalisation des enveloppes, altèrent la lisibilité des crédits de l'Etat destinés au secteur des postes et technologies de l'information.

B. UNE ENVELOPPE GLOBALE DE 438 MILLIONS D'EUROS

Pour présenter une analyse pluriannuelle des crédits de ce secteur, votre rapporteur pour avis reconstitue, artificiellement, l'ancien agrégat « Poste et télécommunications », qui avait le mérite de présenter de façon cohérente les actions de l'Etat en faveur de ce secteur. Cette reconstitution donne le « budget » ci-après :

CRÉDITS POSTE ET TÉLÉCOMMUNICATIONS EN DO + CP
EN EUROS


Chapitre

Intitulé

Crédits votés LFI 2001

Crédits demandés PLF 2002

Variation LFI 2001/PLF 2002

37-06

ART

Rémunérations

Fonctionnement

TOTAL

8.501.968

6.895.535

15.397.503

9.105.667

7.047.984

16.153.651

+ 7,1 %

+ 2,2 %

+ 4,9 %

36-10 art. 71

63-04 art 10

ANF

Fonctionnement

Equipement

TOTAL

26.465.149

8.232.000

34.697.149

27.288.373

5.183.000

32.471.373

+ 3,1 %

-37,0 %

- 6,4  %

36-10 art 72 et 73

43-01 art. 30

GET 10( * )

ENSPTT (solde de tout compte)

79.197.267

320 143

89.868.698

304.898

+ 13,5 %

- 4,7 %

nb : dernière année d'existence de l'Ecole

44-80 art 60

Aide au transport postal de la presse

289.653.133

289.653.133

0 %

41-10 art 40

Subvention aux organisations internationales

8.059.218

8.059.218

0 %

41-10 art 10

Organismes P&T d'outre-mer

952.806

952.806

0 %

44-80 art 40

Subvention association d'utilisateurs

52 442

52 442

0 %

34-98 art 15

Médiateur postal (nouveau)

-

304.898

ns

TOTAL

 

428 329 661

437 821 117

ns

Ces chiffres appellent quelques brefs commentaires :

L'aide au transport postal de la presse (289 millions d'euros, soit 1,9 milliards de francs) représente les 2/3 du total. Ce montant, inchangé, est conforme aux engagements pris par l'Etat dans le contrat de plan. Il n'assure toutefois pas la couverture totale des frais de cette activité , dont une large part demeure assumée par La Poste (cf. chapitre II du présent rapport) ;

Les crédits consacrés à la formation augmentent, mais les moyens dégagés ne semblent pas suffisants, compte tenu des objectifs très ambitieux assignés au Groupement des écoles de télécommunications : ce dernier doit accroître significativement son effort de recherche et augmenter son nombre de diplômés annuels de 1.000 à 1.500 d'ici à 2005. Aussi ses besoins nouveaux sont-ils estimés à environ 15 millions d'euros (100 millions de francs), alors que le projet de loi de finances n'augmente sa dotation que de 10 millions d'euros ;

Les crédits demandés pour l'ART s'élèvent à 16 millions d'euros, en progression de 4,9 %. Toutefois, cette augmentation est sans commune mesure avec l'accroissement des missions de l'autorité et les enjeux de la régulation dans le secteur des télécommunications, qui se traduit par une technicité croissante des décisions à adopter et une progression très importante de leur nombre.

L'homologue britannique de l'ART, l'OFTEL, dispose de 200 collaborateurs (136 à l'ART) et d'un budget, qui a augmenté de 80 % en cinq ans, de 30 millions d'euros, soit deux fois plus que l'ART. Le RegTP allemand (également en charge, il est vrai, des questions postales) emploie 220 personnes. Le régulateur danois dispose de 191 emplois et d'un budget de 20 millions d'euros, le régulateur irlandais a 95 agents et 20 millions d'euros de budget, de même que les régulateurs belge et suédois.

Rapporté au nombre d'habitants, le budget de l'ART est un des plus faible des régulateurs européens des télécommunications : ce ratio est, en effet, de 1,75 franc par an et par habitant, contre 2,25 francs en Espagne, 2,95 francs en Italie et 3,51 francs en Grande Bretagne.

Ces chiffres apparaissent peu en rapport avec l'ambition du législateur lors de la création de l'ART par la loi de réglementation des télécommunications.

Une remarque similaire pourrait être faite pour la Commission supérieure du service public des postes et télécommunications.

C. L'ARTICLE 17 DU PROJET DE LOI DE FINANCES : LE PRIX DES LICENCES UMTS

Un article de la première partie du projet de loi de finances concerne plus particulièrement le secteur des télécommunications. Il s'agit de l'article 17 qui, depuis sa modification par un amendement du Gouvernement lors de la discussion à l'Assemblée nationale, concerne le prix des licences UMTS.

L'article 36 de la loi de finances pour 2001 est modifié et de nouvelles conditions financières sont désormais fixées pour les redevances liées à l'utilisation des fréquences UMTS :

Un « ticket d'entrée », ou part fixe, d'un montant de 619.209.795,27 euros, est versé le 30 septembre de l'année de délivrance de l'autorisation ou lors de cette délivrance si celle-ci intervient postérieurement au 30 septembre. Cette somme équivaut à la première échéance du système précédent. Elle a déjà été versée par Orange et SFR le 30 septembre 2001.

Une « part variable », est versée annuellement, calculée en pourcentage du chiffre d'affaires réalisé au titre de l'utilisation desdites fréquences. Il est prévu que le taux de cette part variable et les modalités de son calcul, notamment la définition du chiffre d'affaires pris en compte, seront précisés dans les cahiers des charges annexés aux autorisations (édictés par un arrêté ministériel).

Enfin, par dérogation aux règles générales de durée des licences, et notamment au I de l'article L. 33-1 du code des postes et télécommunications, les autorisations d'établissement et d'exploitation des réseaux mobiles de troisième génération sont délivrées pour une durée de vingt ans , contre 15 ans dans les autres cas.

Cet article appelle trois commentaires :

Baisser le prix des licences est une bonne décision , qui n'a que trop tardé. Pour être réellement bénéfique à l'ensemble du secteur, elle devrait s'accompagner d'une démarche similaire de la part des autres Etats de l'Union européenne. Regrettons seulement qu'il ait fallu au Gouvernement un « bras de fer » médiatique avec l'un des opérateurs pour décider enfin d'une mesure de bon sens compte tenu des conditions du marché ;

Laisser au pouvoir réglementaire le soin de fixer la « part variable » est politiquement peu satisfaisant, la procédure employée ayant d'ores et déjà trop exclu le Parlement ;

Ne pas avoir saisi cette occasion pour programmer une extension des exigences de couverture territoriale est, au sens de votre commission, une erreur. Dans un contexte où le prix des licences était exorbitant, il était difficile de demander aux opérateurs une couverture trop large du territoire, compte tenu des coûts importants en résultant. Mais, dès lors que ce prix est significativement diminué, il apparaît possible d'inciter à une couverture accrue.

Comme le détaillera le chapitre III ci-après, l'expérience de téléphonie mobile de 2 e génération a, en effet, montré que si la concurrence était le moteur le plus dynamique pour inciter les opérateurs à aller au-delà de leurs obligations de couverture, elle trouvait toutefois sa limite, laissant durablement perdurer des « zones d'ombre », non couvertes.

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