EXAMEN EN COMMISSION

La Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du présent avis lors de sa séance du 21 novembre 2001.

A l'issue de l'exposé du rapporteur pour avis, M. Philippe de Gaulle a demandé des précisions sur le montant supplémentaire de rémunération attribué aux personnels militaires en opérations extérieures.

M. Michel Caldaguès a estimé que pour l'armée de terre, comme pour les autres armées, le projet de budget pour 2002 se traduisait par une forte amputation de crédits au regard des niveaux prévus par la loi de programmation et la « revue de programmes ». Il a souligné qu'en jouant tantôt sur les réductions d'autorisations de programme, tantôt sur celles des crédits de paiement, avait été enclenchée une logique d'amenuisement continu de crédits d'équipement de la défense. Il s'est également demandé si certains programmes ne figuraient pas dans la programmation des matériels, alors même que n'y sont pas inscrits des crédits relatifs à d'autres équipements qui leur sont pourtant indissociablement liés.

M. Christian de La Malène a considéré que la réduction continue des moyens des armées, et notamment de l'armée de terre, conduisait à s'interroger sur les missions mêmes que l'on entendait leur confier. Il a déploré qu'au vu de la situation internationale, notre pays ne soit pas déterminé à relever son effort de défense, à l'exemple de plusieurs de ses alliés.

Evoquant plus précisément les capacités de transport de troupes et de matériels pour les opérations de projection, M. Xavier de Villepin, président, a manifesté son inquiétude sur l'évolution du programme d'avion de transport A400M, dont l'avenir était largement suspendu à la décision qui sera prise par les autorités allemandes.

M. Michel Caldaguès a souligné, à ce propos, que la formule d'un programme en coopération revenait à subordonner l'avenir de notre capacité de transport stratégique aux décisions de nos partenaires et, en l'occurrence, de l'Allemagne.

M. Guy Penne, réagissant aux observations du rapporteur pour avis sur les crédits du titre III, a rappelé que c'est le Président de la République qui avait décidé d'engager la professionnalisation qui, comme on pouvait le présumer, s'est avérée plus coûteuse que prévu, alors que la loi de programmation avait défini un niveau constant pour le titre III de 1997 à 2002. S'agissant des missions de l'armée de terre, il a relevé que certaines d'entre elles, comme l'accompagnement de la mise en place de l'euro, présentaient un caractère purement conjoncturel et disparaîtraient prochainement. En ce qui concerne les crédits d'équipement, il a observé qu'au cours des dernières années, les armées n'étaient pas parvenues, malgré un taux de consommation supérieur à celui des ministères civils, à dépenser toutes leurs dotations, ce qui laisserait à penser que celles-ci ne sont pas insuffisantes.

M. André Rouvière a regretté que l'exposé du rapporteur pour avis n'ait pas présenté un tableau plus objectif de la situation de l'armée de terre. Après avoir, lui aussi, estimé que le coût de la professionnalisation avait été sous-estimé au moment de la décision de suspendre le service national, il a considéré que son exécution s'était néanmoins opérée dans de bonnes conditions. Il s'est également déclaré convaincu que les mesures récentes annoncées par le Premier ministre permettraient la mise en place à la hauteur voulue de la réserve opérationnelle. Enfin, il a souligné le risque qu'il y aurait à répandre des visions exagérément pessimistes de la situation actuelle de la condition militaire.

M. Xavier de Villepin, président, a évoqué les obstacles à la mise en place de la réserve opérationnelle, du fait notamment des difficultés éprouvées par les entreprises pour laisser à leurs personnels la disponibilité nécessaire pour accomplir leurs périodes de réserve. S'agissant de la condition de personnels militaires, il a souhaité que la question fasse l'objet d'un examen approfondi et objectif au sein de la commission.

A la suite de ces interventions, M. Serge Vinçon, rapporteur pour avis, a apporté les précisions suivantes :

- les majorations et indemnités allouées aux personnels en opérations extérieures représentent l'équivalent d'un doublement de la solde normale ;

- le glissement de nombreux programmes au fil des années et leur étalement sur des périodes excessivement longues entravent l'adaptation rapide des équipements ; à titre d'exemple, il serait aujourd'hui judicieux de pouvoir financer les développements concernant la mise au point d'une version « multirôles » de l'hélicoptère de combat Tigre, mieux adaptée à nos besoins et plus attractive pour l'exportation, mais une telle adaptation se heurte aux contraintes financières et à l'inertie d'un programme défini il y a plus d'une décennie ;

- au moment où plusieurs pays occidentaux relèvent leur effort de défense, le gouvernement vient d'annuler 2,4 millions de francs de crédits d'équipement sur le budget de la défense, alors que 3,3 milliards de francs ont déjà été annulés en octobre ; par ailleurs, les crédits d'équipement prévus pour 2002 diminuent et creusent un écart qui sera difficile à combler par rapport à la première annuité de la loi de programmation 2003-2008 ;

- la mise en oeuvre de la professionnalisation n'a pas mis en évidence un surcoût significatif, mais certaines mesures salariales, postérieures à 1997, ont pesé sur le niveau du titre III ;

- les missions exceptionnelles au profit des populations en métropole se renouvellent régulièrement et le nombre d'opérations extérieures a augmenté durant la dernière décennie, si bien que le niveau d'activité soutenu constaté au cours des dernières années tend à se confirmer dans la durée ;

- la sous-consommation des crédits trouve son origine dans le ralentissement des engagements opéré au cours des années antérieures ;

- s'il importe de donner une vision objective de la condition militaire, elle n'en constitue pas moins, actuellement, une forte préoccupation des personnels, qui comparent légitimement leur situation à celle des autres catégories professionnelles.

*

* *

Au cours de sa séance du 22 novembre, la commission a examiné l'ensemble des crédits du ministère de la défense.

M. Xavier de Villepin, président, a rappelé que le projet de budget de la défense pour 2002 prend en compte, au titre III et de façon positive, les exigences de la professionnalisation. Il prévoit à cet effet un abondement substantiel des crédits liés à la condition militaire, ainsi qu'à l'entraînement des forces. Cependant, a-t-il déploré, le projet n'apporte aucune marge de manoeuvre pour tout ce qui relève des crédits d'équipement.

La condition militaire, et notamment les mesures catégorielles en faveur des sous-officiers, sont un des aspects positifs des crédits du titre III. Ils permettent également d'améliorer les normes d'entraînement des trois armées, qui constituaient un sujet de préoccupation depuis plusieurs années.

Le titre V, en revanche, n'est plus à la hauteur des besoins. Si l'on excepte le nucléaire, judicieusement préservé et renforcé, ce titre, pour ce qui est des forces classiques, s'inscrit dans la logique des diverses encoches qui ont affecté plusieurs annuités de l'actuelle programmation. Il rend par ailleurs irréaliste la transition avec le niveau de la première annuité telle que définie dans le projet de loi de programmation 2003-2008.

Enfin, le niveau des crédits de paiement du projet 2002 n'est guère compatible avec l'état des engagements réalisés depuis 1998 qui auraient justifié, au contraire, a souligné M. Xavier de Villepin, président, écarter l'octroi d'une marge de gestion accrue pour les armées. Les autorisations de programmes, pour leur part, n'augmentent pas de façon suffisante. Pour l'armée de terre, notamment, certaines commandes ne pourront être passées au moment prévu, entraînant de nouveaux retards.

Concluant une programmation 1997-2002 qui aura, au fil des encoches et des annulations, manqué de l'équivalent budgétaire d'une annuité, ce projet de budget de la défense pour 2002, a estimé M. Xavier de Villepin, président, est d'autant plus critiquable -en dépit des efforts importants consentis sur le titre III- qu'il intervient à un moment où la situation internationale requiert une disponibilité accrue de nos forces dont on sait qu'elles seront, à moyen terme, confrontées à des lacunes capacitaires importantes comme, notamment, le transport aérien ou les hélicoptères de transport de troupe.

Autant de raisons qui, a conclu M. Xavier de Villepin, président, le conduisaient à émettre un avis défavorable à l'adoption de ces crédits.

M. Jean-Pierre Masseret n'a pas contesté les préoccupations exprimées dans le constat formulé par M. Xavier de Villepin, président. Il a toutefois estimé, d'une part, qu'une appréciation rigoureuse des crédits devait tenir compte des conséquences de la décision de professionnaliser nos forces et que, d'autre part, l'actuelle loi de programmation militaire avait -après certes une revue de programmes- à peu près atteint ses objectifs, ce qui ne s'était pas produit souvent dans le passé.

Pour M. Jean-Pierre Masseret, c'est la décision, qu'il a jugée improvisée, de professionnaliser les forces qui affectait aujourd'hui les crédits d'équipement. Chacun savait le surcoût que ne manquerait pas d'entraîner cette réforme qui a quand même été menée à bien. Dans un cadre budgétaire global nécessairement contraint, l'incidence de la professionnalisation ne pouvait que peser sur le titre V.

Cela étant, a poursuivi M. Jean-Pierre Masseret, ce constat ne devait pas empêcher d'identifier les difficultés capacitaires qui pouvaient affecter le rôle de nos forces dans le monde ou dans le cadre d'une défense européenne que la France, à son avis, était bien seule à vouloir réellement promouvoir.

Prenant ainsi en compte que les objectifs majeurs de la programmation avaient été atteints en dépit du coût de la professionnalisation et rendant hommage aux personnels des forces armées, M. Jean-Pierre Masseret a indiqué que le groupe socialiste voterait les crédits de défense pour 2002.

M. Michel Caldaguès s'est élevé contre une forme de chantage moral selon lequel un rejet des crédits de défense porterait atteinte au moral des armées. C'était bien plutôt, selon lui, si le Parlement se montrait aveugle et négligent dans ses analyses que ce moral pouvait être légitimement atteint. Pour M. Michel Caldaguès, un mauvais budget légitimait un vote négatif.

M. Michel Caldaguès s'est déclaré inquiet de ce que la loi de programmation militaire, en s'assignant un modèle d'armée, au demeurant cohérent, à l'horizon 2015, avait sacrifié le moyen terme, renvoyant à plus tard les exigences capacitaires indispensables à bref délai. Ainsi, à l'horizon 2008, ce constat capacitaire lui apparaissait consternant et directement lié, notamment, au non-respect de l'engagement, inclus dans la loi de programmation militaire, de crédits d'équipement constants, alors même que la plus grande partie de la période couverte par la loi avait coïncidé avec une relative embellie budgétaire. M. Michel Caldaguès a estimé que nos forces se trouvaient cruellement démunies dans de trop nombreux domaines : risque de non-permanence de notre composante nucléaire navale, de défaut de permanence dans le transport stratégique -dont la capacité future dépendait d'une décision allemande- enfin non-permanence du groupe aéronaval. Que restait-il sinon une situation dramatique, du fait du non-respect d'une loi de programmation pourtant votée par la représentation nationale ?

Enfin, M. Michel Caldaguès a contesté le raisonnement tendant à faire porter à la professionnalisation la responsabilité de la situation. Elle était la seule réussite de cette programmation et ce n'est pas elle qui avait conduit à l'état actuel des crédits d'équipement.

M. Michel Caldaguès a alors indiqué qu'il se joindrait à l'avis défavorable proposé par M. Xavier de Villepin, président.

M. Jean-Yves Autexier a relevé l'effort consenti sur l'espace, la communication, le renseignement ainsi que la réaffirmation d'une dissuasion indépendante. Il a cependant souligné les conséquences négatives de la décision, prise, a-t-il estimé, dans l'improvisation, de mettre un terme au service national. On recueillait à présent, a-t-il poursuivi, les fruits amers de la programmation. Celle-ci avait eu deux objectifs : la professionnalisation tout d'abord, qui dans un contexte de diminution de la croissance ne pouvait que peser sur les crédits d'équipement. Ensuite, la configuration de nos forces en vue de leur projection pour des opérations extérieures : or, celles-ci ne relevaient pas toujours de l'intérêt national et s'avéraient par ailleurs excessivement coûteuses. Relevant cependant que malgré une marge de manoeuvre réduite les objectifs essentiels avaient été préservés, M. Jean-Yves Autexier a indiqué que le groupe communiste républicain et citoyen s'abstiendrait sur les crédits de la défense pour 2002.

M. Jean-Guy Branger a rappelé qu'il y a plus de vingt ans, les crédits de défense correspondaient à 3,5 % du PIB. A l'époque, chacun estimait qu'un taux de 4 % était nécessaire pour le bon fonctionnement et un équipement adapté des forces armées. Aujourd'hui la part de la défense dans le PIB était ramenée à moins de 2 % . Cela illustrait, a estimé M. Jean-Guy Branger, un manque de volonté politique et il relevait de la responsabilité de la représentation nationale d'expliquer à l'opinion les conséquences très négatives de cette insuffisance.

La commission a alors émis un avis défavorable à l'adoption des crédits de défense figurant dans le projet de loi de finances pour 2002.

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