2. De forts handicaps subsistent

Malgré l'ensemble des mesures prises pour réformer le fonctionnement de DCN et améliorer sa compétitivité d'importants handicaps subsistent, expliquant l'urgence du changement de statut.

. Sureffectif et sous-encadrement

En premier lieu, et malgré la diminution rapide des effectifs depuis 1996, DCN continue de souffrir de sureffectifs. Au regard de son chiffre d'affaires, DCN apparaît toujours comme sous-productive par rapport aux normes du secteur qui exigeraient un ratio d'au moins 0,15 million d'euros par employé. En 1999, ce ratio s'établissait, selon la Cour des Comptes, à 0,11. Il sera donc indispensable d'agir sur tous les leviers possibles pour redresser une situation qui ne permet pas à court terme à DCN de faire face à la concurrence internationale. Elle justifie que des mesures particulières soient prises dans le cadre du contrat d'entreprise qui accompagnera le changement de statut.

Ensuite, en dépit de ce sureffectif, DCN souffre d'un sous-encadrement . Les départs anticipés à la retraite ont entraîné une forte perte d'expérience et une diminution excessive du nombre des cadres intermédiaires. La logique de dégagement des cadres a en outre bloqué toute nouvelle embauche et empêché le recrutement de cadres qualifiés dans les domaines des achats et de l'entretien des bâtiments. DCN a également subi des départs et une désaffection de la part des cadres de haut niveau qui ne souhaitaient pas rester dans une entreprise dont l'avenir apparaissait moins sûr que celui des grands groupes de l'armement. L'ensemble de ces phénomènes a donc conduit la direction de DCN à concentrer ses efforts sur l'exportation et les constructions neuves, expliquant en partie la dégradation de la disponibilité des bâtiments de la Marine depuis trois ans.

Dans la gestion de ses ressources humaines DCN souffre aussi de la rigidité qu'impliquent des personnels sous statut bénéficiant d'avantages importants. Les ouvriers d'Etat représentent les trois quarts des effectifs, ils sont peu mobiles et disposent d'une complète sécurité de l'emploi. DCN doit garder l'ensemble de ses personnels quel que soit son plan de charge. En raison de son personnel à statut public, DCN a des coûts fixes élevés et sur lesquels elle n'a aucune marge de manoeuvre : les personnels doivent être payés quelle que soit la charge de travail.

. La gestion des stocks et la passation des marchés

Les difficultés rencontrées dans l'entretien des bâtiments de la Marine nationale, qui ont provoqué une forte baisse de leur taux de disponibilité, a mis en lumière les graves insuffisances de la gestion des pièces de rechange et des munitions. Elles ont conduit à maintenir des stocks considérables mais mal répertoriés et parfois obsolètes, DCN n'étant pas capable de répondre rapidement, sinon par des achats en urgence très coûteux, aux demandes de la Marine. La Cour des comptes a ainsi mis en lumière l'absence de centralisation des achats, le nombre très élevés des achats d'une valeur inférieure à 7 000 F dont le coût était en moyenne de 2 000 F et l'obscurité de procédures d'urgence favorisant les malversations.

DCN reste également handicapée par sa soumission au Code des marchés publics qui a néanmoins été assoupli par un décret du 31 juillet 2001 (recours aux marchés-cadres, modification des règles de mise en concurrence).

. L'absence d'une gestion d'entreprise et l'incapacité à nouer des alliances industrielles

Dans le cadre de son statut de service à compétence nationale et donc d'administration, la DCN ne peut pas réellement développer une culture d'entreprise, de risque industriel et de responsabilité face aux résultats économiques et financiers de son activité. Dans ses achats, dans ses modes de contractualisation et de financement, elle reste liée par le droit public et ne peut fonctionner comme une entreprise. Elle n'a, par exemple, pas les capacités indispensables de réactivité dans un univers concurrentiel.

Par ailleurs, son statut de service administratif du ministère de la défense l'empêche de mettre en place une quelconque alliance durable et donc capitalistique avec des industriels européens. Une telle possibilité provoque de toute façon une réaction de rejet immédiat chez nos partenaires.

Plus préoccupant encore est le risque de marginalisation de DCN en Europe dans le cadre des restructurations en cours alors qu'en tant que deuxième industriel du secteur, elle devrait en être l'un des moteurs. En effet, en Europe, deux pôles importants sont apparus ces dernières années avec la fusion de BAe et de Marconi Electronic Systems et celle de HDW et Kockums. Dans le secteur des sous-marins, les surcapacités sont importantes, ce qui provoquera de nouvelles restructurations que le nouveau groupe souhaitera certainement fédérer. Une coopération est engagée avec Fincantieri sur le nouveau sous-marin U 212, alors que DCN coopère déjà avec le groupe italien sur le programme de frégates antiaériennes Horizon. De la même façon, DCN coopère avec l'Espagnol Izar sur le programme Scorpène, mais, dans la perspective de la privatisation de cette entreprise, Lockheed Martin et le chantier naval américain Bath Irons Works participent au programme de frégate F 100 pour l'Espagne et l'exportation. En France même, un groupe international comme Thalès pourrait trouver d'autres partenaires que DCN si la situation n'évoluait pas favorablement.

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