EXAMEN EN COMMISSION

Au cours d'une séance tenue dans l'après-midi du mercredi 24 juillet 2002 sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a procédé à l'examen du projet de loi n° 36 d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure , sur le rapport de M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur pour avis .

A titre liminaire, M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur pour avis, a indiqué que le projet de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (LOPSI) était une réponse éloquente du gouvernement aux inquiétudes et aux appels des citoyens manifestés lors des dernières élections.

Puis il a rappelé que ce projet de LOPSI comprenait initialement six articles et deux annexes, l'Assemblée nationale y ayant ajouté deux articles additionnels, et il a présenté successivement :

- les articles 1 et 2 portant respectivement approbation des orientations de la nouvelle politique de sécurité intérieure définies dans l'annexe I, et de la programmation des moyens supplémentaires détaillés dans l'annexe II  alloués à la sécurité intérieure sur la période 2003-2007 ;

- les dispositions normatives du projet de LOPSI, en s'attachant plus particulièrement à l'article 5 relatif à l'évaluation.

Il a tout d'abord indiqué que l'article 1 er portait approbation des orientations de la nouvelle politique de sécurité intérieure définies dans l'annexe I, notant que la formule d'approbation était traditionnelle dans les lois de programmation.

Puis il a exposé que l'article 2 fixait à 5,6 milliards d'euros le montant global des crédits supplémentaires pour la sécurité intérieure sur la période 2003-2007, prévoyait que 13 500 emplois seraient créés dans la police nationale et la gendarmerie nationale au cours de cette période, et portait approbation du contenu de l'annexe II détaillant la programmation de ces moyens nouveaux. Il a précisé que ces 13.500 emplois étaient des emplois supplémentaires par rapport à l'existant, et a ajouté qu'ils ne se substitueraient pas à ceux d'adjoints de sécurité et de gendarmes auxiliaires, dont l'apport serait maintenu sous une forme ou sous une autre, même si les modalités concrètes en étaient encore floues.

Il a précisé que la rédaction de cet article 2 avait été considérablement affinée par l'Assemblée nationale afin de préciser la base de référence pour les crédits supplémentaires.

Il a indiqué que, comme le soulignait l'étude d'impact de la LOPSI, les articles 1 et 2 avaient en commun de n'avoir aucune portée normative, la programmation des moyens n'ayant, en vertu du principe d'annualité budgétaire, qu'une portée indicative. Il s'est d'ailleurs félicité de ce que la programmation budgétaire ne soit pas détaillée année par année sur la période 2003-2007, parce que cela constituait un élément de souplesse appréciable. Il a en effet considéré que cette souplesse permettrait d'optimiser la répartition annuelle des crédits supplémentaires en fonction de l'avancement concret des projets, et que cette méthode de globalisation des crédits avait déjà été employeé avec succès pour les dépenses immobilières des préfectures.

M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur pour avis , a ensuite souligné que, contrairement aux deux précédentes lois de programmation en la matière, à savoir à la loi « Joxe » de 1985 et la loi « Pasqua » 1995, l'horizon de la LOPSI coïncidait avec celui de la législature. Il en a déduit, d'une part que l'annexe I constituait un véritable programme de gouvernement pour la législature en matière de sécurité intérieure, d'autre part que les engagements financiers détaillés dans l'annexe II constituaient des engagements forts, d'autant plus que nos concitoyens pourraient effectivement juger de la réalité des moyens alloués à la sécurité intérieure grâce au dispositif d'évaluation proposé par l'article 5 du présent projet de loi.

Il a ensuite estimé que l'annexe I témoignait d'une volonté politique sans précédent d'améliorer la répartition, l'organisation et la gestion des forces de sécurité intérieure, la coordination de la police et de la gendarmerie sous une même tutelle opérationnelle en constituant la mesure emblématique. Il a ajouté que chaque corps conservait son identité, mais que cette nouvelle coordination permettait à la fois le maintien d'une complémentarité étroite, d'une émulation positive et d'une efficacité renforcée.

En outre, il a considéré que le gouvernement ne cherchait pas à faire mieux avec moins de crédits, ce qui supposerait un simple redéploiement, mais voulait faire mieux avec beaucoup plus de crédits.

Enfin, il a estimé que ces emplois et ces crédits supplémentaires contribueraient à restaurer les capacités opérationnelles de nos forces, amoindries au cours des dernières années par le sacrifice des crédits d'investissement et de maintenance, qui avaient servi de variable d'ajustement ; par l'évolution de la structure des personnels au profit des moins qualifiés, ce qui conduisait à une baisse de la qualité opérationnelle moyenne, quelle que soit la bonne volonté des emplois jeunes ; et surtout par les 35 heures. Il a en effet exposé que les modalités de mise en oeuvre des 35 heures devaient initialement se traduire pour la seule police nationale à une perte équivalente à près de 8.000 emplois équivalent-temps plein, si bien que le précédent gouvernement avait commencé, dans un mouvement comparable à celui des « Shadoks », de racheter aux policiers les jours de congés supplémentaires qu'il leur avait donnés. En conclusion de la première partie de son exposé, il a ainsi rappelé ce qu'il avait qualifié de « paradoxe Vaillant » : plus de crédits, mais finalement, moins de policiers !

S'agissant ensuite des dispositions normatives du projet de LOPSI, M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur pour avis, a précisé qu'il n'avait pas traité des articles additionnels 4 ter et 4 bis , relatifs respectivement aux échanges d'information entre administrations et à la législation des transport de fonds, ni de l'article 6 relatif au cas particulier des collectivités territoriales d'outre mer, ces dispositions ressortant de la compétence exclusive de la commission des lois.

Il a indiqué qu'il proposait, en revanche, un avis sur les articles 3 et 4, qui présentaient une incidence budgétaire, ainsi que sur l'article 5, relatif à l'évaluation.

Il a alors exposé que l'article 3 s'inscrivait dans le prolongement des efforts prévus pour la remise à niveau des bâtiments de la police et de la gendarmerie, puisqu'il visait à offrir, en complément ou par dérogation au droit existant, une palette de solutions nouvelles afin d'accélérer la réalisation de projets immobiliers. Il a ainsi précisé que ces dispositions devraient permettre de réduire de 7 à 3 ans la durée de construction d'un commissariat, qui provoquait l'exaspération de nos concitoyens.

Il a également ajouté que certaines de ces solutions, qui assouplissaient les procédures existantes en matière de marchés publics, visaient également à permettre une meilleure prise en compte des coûts d'entretien des bâtiments au moment de leur construction.

Par ailleurs, il a indiqué que l'article 3 prévoyait aussi un recours accru aux financements des collectivités locales prévus, sur la base du volontariat, et selon des modalités s'inspirant de celles mises en place en 1990 pour l'enseignement supérieur dans le cadre du plan Université 2000. Il a précisé que ces dispositions tendaient à autoriser une collectivité à prendre l'initiative d'un investissement immobilier jugé nécessaire, en bénéficiant du fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FTCVA) et éventuellement d'aides ou d'incitations complémentaires.

M. Aymeri de Monstesquiou, rapporteur pour avis , a considéré que cette disposition valait reconnaissance implicite de l'incapacité de l'Etat à assumer son devoir de financement d'un service public régalien, mais que cet aveu, pour cuisant qu'il fût, était courageux, dès lors qu'il permettait de changer une situation choquante, tant il avait été frappé par l'état de délabrement de certains commissariats visités en tant que rapporteur spécial des crédits de la sécurité. Il a ajouté qu'il convenait en effet d'être pragmatique, afin de donner des conditions de travail satisfaisantes aux forces de sécurité et des conditions d'accueil décentes aux victimes.

Le rapporteur pour avis a ensuite présenté l'article 4 tendant à permettre à certains militaires de la gendarmerie, dont la limite d'âge est fixée à 55 ans, de prolonger leur activité d'un an s'ils en font la demande expresse et sous la double condition de leur aptitude physique et de l'intérêt du service. Il a précisé que ce dispositif s'inspirait de dispositions analogues relatives aux personnels de la police et de l'administration pénitentiaire adoptées par le Sénat dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2001.

Enfin, il a présenté l'article 5 relatif à l'évaluation, en précisant que cet article avait été entièrement réécrit par l'Assemblée nationale, à l'initiative de M. Alain Joyandet, rapporteur pour avis de la commission des finances, et que cet article prévoyait désormais trois mesures bien articulées, aux termes desquelles :

- premièrement, le gouvernement présenterait chaque année au Parlement les objectifs de performance assignés à la police nationale et à la gendarmerie nationale, ce qui anticipait sur l'entrée en vigueur de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances ;

- deuxièmement, les résultats obtenus au regard de ces objectifs seraient évalués chaque année par une instance extérieure aux services concernés et transmis au Parlement ;

- enfin, à partir de 2003, le gouvernement déposerait chaque année un rapport au Parlement sur l'exécution de la loi.

M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur pour avis , a indiqué que ce dispositif novateur et ambitieux était bienvenu, mais que son dernier volet lui semblait devoir être complété. En effet, il a considéré qu'il était indispensable que l'évaluation annuelle de la mise en oeuvre de la loi d'orientation et de programmation s'appuie sur un point de départ incontestable, estimant que l'on ne pouvait pas vraiment apprécier les évolutions sur la période 2003-2007 sans disposer d'une photographie de la situation de départ.

C'est pourquoi il a souhaité la réalisation d'ici le premier semestre 2003 d'un « audit » portant état des lieux du fonctionnement et de l'organisation des forces de sécurité intérieure en 2002. Il a d'ailleurs indiqué qu'il soumettrait un amendement en ce sens.

Il a également proposé un amendement tendant à aligner le texte de cet article sur celui proposé par la commission pour le projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice.

Enfin, il a considéré qu'il était essentiel de définir des Zones d'Action Prioritaire (ZAP) sur lesquelles se concentrerait l'action des forces de sécurité. Il a précisé que leur définition permettrait en effet d'évaluer chaque année les progrès accomplis, l'objectif étant que ces zones ne nécessitent plus de traitement particulier d'ici la fin de la législature.

Sous le bénéfice de ces amendements, il a proposé de donner un avis favorable à l'adoption du projet de loi.

Un large débat s'est ensuite ouvert.

M. Paul Loridant a souhaité savoir si les effectifs supplémentaires prévus par le projet de loi tenaient compte des départs à la retraite qui seront particulièrement importants au cours des prochaines années. S'agissant de l'article 3, il a considéré que la modification du code général des collectivités territoriales proposée revenait à opérer un chantage vis-à-vis des collectivités territoriales, dont la plupart ne pourraient obtenir de commissariat ou de tribunal de grande instance, qu'en le construisant et en le finançant. Il a estimé que le Sénat était habituellement plus vigilant sur ces questions.

M. François Trucy s'est déclaré inquiet quant à l'évolution des effectifs de gendarmerie et a souhaité savoir si le ministère de la défense continuerait à prendre en charge leur gestion.

M. Jacques Oudin a déploré les insuffisances de la gestion des ressources humaines et des emplois dans les forces de sécurité intérieure, et notamment, l'importance des personnels actifs chargés de tâches administratives. Il a rappelé que la politique de gestion des ressources humaines des policiers aux Etats-Unis leur permettait de travailler au-delà de l'âge de leur retraite pour assurer ces tâches.

Il a également regretté les déficiences de l'administration en matière de gestion patrimoniale, relevant que l'Etat ne payait pas correctement ses loyers, et que les normes des logements de gendarmes n'étaient pas adaptées. Enfin, s'agissant de l'évaluation du projet de loi, il a considéré qu'il était souhaitable, comme le précisait l'article 5, qu'un service autre que les services opérationnels contrôle la production des statistiques et des indicateurs de performance.

M. Adrien Gouteyron s'est interrogé sur la motivation des jeunes pour entrer dans la police et la gendarmerie, compte tenu des perspectives de carrière. Il a insisté sur la nécessité de mettre en oeuvre un système de formation performant afin d'intégrer les 13.500 emplois supplémentaires prévus par le projet de loi. S'agissant de bâtiments affectés à la police et à la gendarmerie nationales, il a souhaité obtenir des éclaircissements sur les modalités d'attribution du FCTVA aux communes qui les construisent.

M. Roger Karoutchi a insisté sur la nécessité de sécuriser les transports en commun, notamment en Ile-de-France, et il a rappelé que la région Ile-de-France s'était fortement impliquée dans la construction de commissariats de police mis à disposition de l'Etat à titre gratuit.

M. Roger Besse a rappelé que les collectivités territoriales participaient à la construction de casernes de gendarmerie depuis de nombreuses années. S'agissant du fonctionnement des brigades de gendarmerie en milieu rural, il a souhaité savoir qui prendrait le commandement des communautés de brigades annoncées par le projet de loi.

M. Eric Doligé a indiqué que, compte tenu des délais de construction des bâtiments, les effectifs qu'ils devaient accueillir étaient souvent modifiés entre le stade de la conception du projet et celui de sa livraison. Il a également déploré le fait que les logements des gendarmes n'étaient pas toujours à la hauteur des équipements offerts par les logements HLM.

En réponse à M. Paul Loridant, M. Jean Arthuis, président, a rappelé que la plupart des gendarmeries sont la propriété des collectivités territoriales et mises à disposition de l'Etat contre le paiement d'un loyer. Il a rappelé que la loi de finances rectificative pour 1988 avait écarté le bénéfice du FCTVA pour les collectivités territoriales qui construisaient pour le compte de tiers, et qu'une clarification était nécessaire, afin que l'Etat ne s'enrichisse pas « sur le dos » des collectivités. Il a également souligné que, si les collectivités territoriales étaient invitées à investir pour l'Etat, ce dernier continuerait de supporter les charges de maintenance et d'entretien des bâtiments.

En réponse à M. Paul Loridant, M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur pour avis , a indiqué que les 13 500 emplois annoncés par le projet de loi étaient bien des emplois supplémentaires par rapport à l'existant. Pour les procédures immobilières, il a reconnu qu'il s'agissait d'un aveu du manque de moyens de l'Etat et qu'il était nécessaire d'offrir une palette de solutions supplémentaires pour mettre à niveau le patrimoine immobilier des forces de sécurité.

En réponse à M. François Trucy, il a considéré que les délais de construction des bâtiments, qui pouvaient aller jusqu'à neuf ans, étaient trop importants. Il s'est par ailleurs prononcé en faveur de l'externalisation de certaines tâches incombant actuellement aux fonctionnaires actifs, considérant que sa proposition d'audit pourrait permettre d'avoir une vision précise des effectifs susceptibles d'être ainsi dégagés.

En réponse à M. Jacques Oudin, il a reconnu qu'il était nécessaire de mieux utiliser les compétences des agents en introduisant davantage de souplesse, s'agissant en particulier de l'âge de départ à la retraite. Il a également souligné l'intérêt de la globalisation des marchés immobiliers afin de prendre en compte le coût d'entretien et de maintenance des bâtiments.

En réponse à M. Adrien Gouteyron, il a considéré que la qualité de la formation et les perspectives de carrière offertes par la police et la gendarmerie nationales étaient essentielles, et il a plaidé pour que les ministères concernés s'inspirent davantage des méthodes de gestion des ressources humaines en vigueur dans les grandes entreprises.

En réponse à M. Roger Besse, il a indiqué que les communautés de brigades seraient fondées sur la coordination entre plusieurs unités pour les heures d'ouverture, l'accueil et les modalités d'intervention, en soulignant que cette réforme serait menée en concertation avec les collectivités locales, ce qui constitue un progrès notable.

En réponse à M. Eric Doligé, M. Aymeri Montesquiou, rapporteur pour avis , a estimé que le raccourcissement des délais de construction des bâtiments et la concertation accrue avec les collectivités locales permettraient de limiter l'inadéquation entre le parc immobilier et les effectifs des forces de sécurité.

La commission a ensuite procédé à l'examen des articles.

Elle a donné un avis favorable à l' adoption des articles 1, 2, 3 et 4.

A l' article 5, elle a adopté un amendement visant à demander au gouvernement le dépôt d'un rapport sur l'organisation et le fonctionnement des forces de sécurité intérieures avant le 30 juin 2003 et un autre amendement visant à supprimer la mention d'une instance extérieure dans le processus d'évaluation prévu.

A l'issue de ce débat, la commission a émis un avis favorable à l'adoption du projet de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure.

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