2. Une importance croissante accordée aux investissements immatériels

L'évolution des investissements dans le secteur des IAA combine une relative stagnation des investissements productifs et un dynamisme des investissements immatériels.

En 2000, les entreprises agroalimentaires ont consacré 3,5 milliards d'euros à leurs investissements corporels. Ces derniers représentent, en moyenne, 15 % de la valeur ajoutée, ce qui est inférieur au niveau atteint par le secteur (19 %) à la fin des années 1980, mais également au niveau enregistré dans l'industrie manufacturière (19,3 %).

Les investissements réalisés ces dernières années sont d'abord motivés par les obligations de mise aux normes des usines et le respect des réglementations sanitaires . En particulier, les investissements destinés à lutter contre les nuisances industrielles et à rendre les établissements conformes aux règles environnementales applicables dans le domaine de l'eau, du traitement des déchets, ou de la qualité de l'air se multiplient, notamment dans les secteurs du sucre, des produits amylacés, du fromage, de l'industrie des viandes et des produits à base de viande.

Une forte proportion de ces investissements est destinée à traiter les pollutions en aval de la production. Représentant 67 % des sommes investies en 2000, ils sont majoritairement consacrés au traitement des eaux.

Les autres investissements matériels visent à répondre aux évolutions de la demande ou à permettre une utilisation plus intensive des équipements industriels existants. A cet égard, selon des données fournies par la Banque de France 2 ( * ) , la durée d'utilisation des équipements dans les IAA a progressé de 48 heures à 58 heures par semaine en moyenne entre 1989 et 2000 grâce à l'augmentation des effectifs et au développement du travail posté.

Les dépenses immatérielles des IAA connaissent, quant à elles, une progression marquée.

Elles sont, avant tout, consacrées au financement d'actions commerciales et de publicité , qui ont représenté 9,1 milliards d'euros en 2000, soit presque trois fois le montant de l'investissement matériel.

Les achats de logiciels et de matériels informatiques ont également beaucoup augmenté depuis 1998, sous le double effet du passage à l'an 2000 et à l'euro.

3. Des relations tendues avec la grande distribution

(1) Un partenaire incontournable

A travers six centrales d'achat, la grande distribution contrôle 94 % des ventes de produits alimentaires sur le marché français. La part de marchés des grandes surfaces dans les ventes continue à progresser au détriment du commerce alimentaire de proximité, bien que les extensions et les ouvertures de magasins soient soumises à autorisation.

LE MARCHÉ DES PRODUITS ALIMENTAIRES (HORS TABAC)

(en pourcentage)

1995

2001

Grandes surfaces d'alimentation générale

63,2

66,2

dont : Supermarchés

Hypermarchés

29,1

33,1

29,5

34,7

Alimentation spécialisée et artisanat commercial

18,5

16,3

Petites surfaces d'alimentation générale

10,0

8,5

Source : comptes du commerce, INSEE.

(2) Les difficultés rencontrées

Cette place centrale de la grande distribution dans les débouchés des IAA s'accompagne de relations parfois difficiles. En particulier, deux phénomènes sont à l'origine de tensions.

(a) Le développement des marques de distributeurs

La recherche de valeur ajoutée a conduit la grande distribution à développer ses propres marques , concurrençant ainsi les entreprises agroalimentaires.

La première génération de marques de distributeurs (MDD), apparue au milieu des années 70, concernait des produits d'entrée de gamme, soumis à des cahiers des charges peu contraignants. Une deuxième génération de MDD a ensuite cherché à copier les grandes marques industrielles tout en proposant des produits moins chers. Les marques de distributeurs actuelles reposent clairement sur une logique de compétitivité-produit qui concurrence directement les grandes marques industrielles . A titre d'exemple, l'étude précitée du ministère de l'agriculture évoque la marque « Reflets de France », développée par Promodès pour certains produits de terroir, et la marque « Monoprix Gourmet ».

Selon les données fournies par l'Institut SECODIP, les MDD représentent 23 % du marché des produits alimentaires en valeur, et jusqu'à 31 % pour les produits traiteurs vendus en grande surface, 35 % pour les surgelés et 41 % pour la charcuterie.

Ce développement des MDD a deux effets sur le secteur agroalimentaire.

D'une part, il place les PME dans une situation de dépendance parfois forte. Il convient, à cet égard, de rappeler que les PME représentent en volume 73 % des produits alimentaires commercialisés sous MDD. Cependant, les MDD déchargent les PME du coût que représentent les dépenses de marketing et de publicité.

D'autre part, les MDD concurrencent directement les grandes marques industrielles, même s'il faut noter que certaines entreprises agroalimentaires produisent à la fois sous marques de distributeurs et sous leurs propres marques.

(b) Les dérives de la coopération commerciale

Comme les producteurs agricoles, les entreprises agroalimentaires subissent les dérives liées à l'obligation de rémunérer les services de coopération commerciale fournis par les distributeurs , en particulier à l'occasion d'actions promotionnelles, à travers le versement de « marges arrières ».

Cette pratique s'est considérablement développée à la suite de l'encadrement des « marges avant », imposé aux distributeurs par la loi Galland de 1996.

La dérive observée dans le domaine de la coopération commerciale tient au fait que les « marges arrières »versées ne correspondent pas toujours à des prestations réellement fournies.

Or, il est difficile pour les entreprises agroalimentaires, en particulier les plus petites d'entre elles, de dénoncer les pratiques abusives, car elles encourent un déréférencement de leurs produits. Le rapport de forces est d'autant plus déséquilibré que les opérateurs sont très peu nombreux dans le secteur de la grande distribution.

Certains groupes agroalimentaires sont, certes, protégés par leur notoriété, l'enseigne ne pouvant se permettre de ne pas présenter leurs marques en linéaires. Cependant, comme l'a fait observer M. Benoît Mangenot, Directeur Général de l'ANIA, lors de son audition au Sénat, la dépendance existe toujours puisqu'une marque industrielle représente, au plus, 2 % du chiffre d'affaires de la grande distribution alors que celle-ci peut constituer 30 à 40 % des débouchés d'une entreprise.

La loi sur les nouvelles régulations économiques (NRE) du 15 mai 2001 a tenté de remédier à ce déséquilibre entre fournisseurs et distributeurs par des dispositions visant à moraliser les pratiques commerciales et à sanctionner les abus de dépendance économique. Quant à la Commission d'examen des pratiques commerciales créée par cette loi, elle est tout juste opérationnelle et n'a donc pas encore pu faire la preuve de son utilité.

Selon M. Mangenot, les problèmes n'ont pourtant pas disparu puisque les « marges arrières » ont progressé de 10 % depuis quatre ans.

Face à l'efficacité relative des instruments juridiques, l'ANIA s'est engagée, en début d'année, dans un dialogue avec la grande distribution qui a débouché sur une recommandation gelant, dans un premier temps, la progression des « marges arrières » en contrepartie d'une modération des augmentations de tarifs de la part des fournisseurs. Pour les années 2004 à 2006, cette recommandation prévoit une décroissance des « marges arrières ».

Une circulaire interprétative des lois Galland et NRE est attendue, qui devrait faciliter les relations entre grande distribution et fournisseurs en permettant une lecture identique de leurs dispositions. Votre rapporteur pour avis souhaite que les professionnels en fassent le meilleur usage possible.

* 2 Citées par l'étude du ministère de l'agriculture.

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