Projet de loi de finances pour 2003, adopté par l'Assemblée nationale - Tome V : JUSTICE : ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE

OTHILY (Georges)

AVIS 73 Tome V (2002-2003) - commission des lois

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Table des matières




N° 73

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2002-2003

Annexe au procès-verbal de la séance du 21 novembre 2002

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi de finances pour 2003 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME V

JUSTICE :

ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE


Par M. Georges OTHILY,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. René Garrec, président ; M. Patrice Gélard, Mme Michèle André, MM. Pierre Fauchon, José Balarello, Robert Bret, Georges Othily, vice-présidents ; MM. Jean-Pierre Schosteck, Laurent Béteille, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, secrétaires ; MM. Nicolas Alfonsi, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, Mme Nicole Borvo, MM. Charles Ceccaldi-Raynaud, Christian Cointat, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Marcel Debarge, Michel Dreyfus-Schmidt, Gaston Flosse, Jean-Claude Frécon, Bernard Frimat, Jean-Claude Gaudin, Charles Gautier, Daniel Hoeffel, Pierre Jarlier, Lucien Lanier, Jacques Larché, Jean-René Lecerf, Gérard Longuet, Mme Josiane Mathon, MM. Jacques Peyrat, Jean-Claude Peyronnet, Henri de Richemont, Josselin de Rohan, Bernard Saugey, Jean-Pierre Sueur, Simon Sutour, Alex Türk, Maurice Ulrich, Jean-Paul Virapoullé, François Zocchetto.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 230 , 256 à 261 et T.A. 37

Sénat
: 67 (2002-2003)


Lois de finances .

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION

Après avoir procédé à l'audition de M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice, et de M. Pierre Bédier, secrétaire d'Etat chargé des programmes immobiliers de la justice, le mercredi 27 novembre 2002, la commission des lois, réunie le mercredi 4 décembre 2002 sous la présidence de M. René Garrec, a examiné, sur le rapport pour avis de M. Georges Othily, les crédits consacrés à l'administration pénitentiaire par le projet de loi de finances pour 2003.

Le rapporteur pour avis a notamment formulé les observations suivantes :

- les crédits du ministère de la justice augmentent de 7,43 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2002. 1,5 milliard d'euros, soit 29,6 % des crédits du ministère seront consacrés à l'administration pénitentiaire ; ces crédits permettront notamment la création de 870 emplois ;

- le projet de budget s'inscrit dans le cadre d'une programmation pluriannuelle , qui avait été recommandée par la commission d'enquête du Sénat sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires. La loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 définit des objectifs ambitieux pour l'administration pénitentiaire pour les cinq années à venir ;

- le nombre de détenus a fortement augmenté au cours des derniers mois pour atteindre 56.385 le 1 er juillet 2002 contre 48.594 le 1 er janvier. Dans ces conditions, le taux d'occupation moyen des établissements pénitentiaires est passé de 103 % le 1 er juillet 2001 à 119 % le 1 er juillet 2002 . Une telle surpopulation rend plus difficile le maintien d'un haut niveau de sécurité dans les établissements pénitentiaires, contribue à la survenance d'actes de suicides, d'automutilations ou d'agressions à l'égard du personnel, enfin rend largement théorique l'exercice de la mission de réinsertion confiée à l'administration pénitentiaire ;

- la présence de plus en plus importante de détenus atteints de troubles mentaux pose des difficultés à l'administration pénitentiaire ; les dispositions de la loi d'orientation et de programmation pour la justice devraient permettre d'améliorer la prise en charge de ces personnes, grâce notamment à la création d'unités d'hospitalisation sécurisée de psychiatrie au sein des établissements de santé ;

- après bien des atermoiements, la mise en oeuvre de la loi consacrant le placement sous surveillance électronique sera généralisée au cours des prochaines années ;

- face au constat de l'insuffisance du contenu éducatif de la détention des mineurs dressé par la commission d'enquête du Sénat sur la délinquance des mineurs, le Gouvernement a décidé la création de huit établissements pénitentiaires spécialisés par les mineurs , qui devraient être encadrés à la fois par des personnels pénitentiaires et des personnels de la protection judiciaire de la jeunesse ;

- un ambitieux programme de construction d'établissements devrait permettre la création de 11.000 places au cours des prochaines années, ce qui contribuera à limiter la surpopulation carcérale et à améliorer les conditions de détention comme les conditions de travail des personnels.

La commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits du ministère de la justice consacrés à l'administration pénitentiaire.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi de finances pour 2003 soumis au Sénat fixe à 5,037 milliards d'euros le budget du ministère de la justice, ce qui représente une hausse de 7,43 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2002. Si le budget de la justice a déjà connu une hausse appréciable au cours des dernières années, le présent projet de loi de finances, qui s'inscrit dans le cadre de la loi n° 2002-1138 d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002, marque un effort sans précédent.

Au sein des crédits du ministère de la justice, 1,5 milliard d'euros, soit 29,6 %, seront consacrés à l'administration pénitentiaire.

I. LES CRÉDITS DE L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE POUR 2003 : UN EFFORT CONSIDÉRABLE

A. UN PROJET DE BUDGET INSCRIT DANS UNE PROGRAMMATION PLURIANNUELLE

Dans ses précédents rapports, votre rapporteur pour avis avait regretté l'insuffisante lisibilité des actions conduites en matière pénitentiaire, notamment en ce qui concerne les programmes de construction d'établissements. La commission d'enquête du Sénat sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires 1( * ) s'était prononcée dès 2000 pour l'élaboration d'une loi de programmation permettant de définir des objectifs et de fixer des échéances.

La loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice répond à ces attentes et définit un cadre ambitieux pour l'administration pénitentiaire au cours des cinq années à venir.

1. Les orientations

Le rapport annexé à la loi d'orientation et de programmation pour la justice fixe un certain nombre d'objectifs pour l'administration pénitentiaire. Il prévoit en particulier :

- une augmentation de la capacité des établissements pénitentiaires et une amélioration des conditions de détention . Ainsi, un programme de construction d'établissements vient d'être engagé. Le Gouvernement présentera une loi d'orientation pénitentiaire qui aura pour objet de définir le sens de la peine et de préciser les missions assignées à la prison. Votre rapporteur pour avis espère que cette annonce sera suivie d'effets, contrairement à ce qui s'est produit au cours de la précédente législature. Enfin, une réflexion sur les dispositifs d'individualisation des peines en cours d'exécution sera engagée 2( * ) ;

- la généralisation du placement sous surveillance électronique , afin de permettre, à échéance de cinq ans, le placement simultané sous surveillance électronique de 3.000 personnes ;

- le renforcement des services pénitentiaires d'insertion et de probation ;

- le développement des structures en milieu ouvert ;

- l'accroissement du niveau de sécurité des établissements
;

- l'amélioration de la prise en charge et du taux d'activité des détenus. Il s'agira de lutter contre l'indigence, de veiller au maintien des liens familiaux et d'améliorer les conditions d'exercice du travail des personnes détenues et de valoriser leurs acquis sociaux et professionnels. Rappelons qu'au cours de la discussion du projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice, le Sénat a supprimé, à l'initiative de notre excellent collègue M. Paul Loridant, le prélèvement pour frais d'entretien perçu sur le produit du travail des détenus ;

- l'amélioration de l'accès des détenus aux soins médicaux et psychologiques ;

- la mise à niveau des services d'administration déconcentrée et de formation ;

- la revalorisation du statut des personnels pénitentiaires et l'amélioration des conditions d'exercice de leurs missions .

2. La programmation

Pour mettre en oeuvre les orientations précédemment énumérées, 3.740 emplois devraient être créés dans l'administration pénitentiaire au cours des années 2003-2007.

1.313 millions d'euros d'autorisations de programme devraient être affectés à ces objectifs sur la même période.

B. DES MOYENS SUBSTANTIELS ATTRIBUÉS DÈS 2003 À L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE

Un grand nombre des actions prévues par la loi d'orientation et de programmation sont d'ores et déjà engagées et se voient attribuer des moyens substantiels dans le projet de loi de finances pour 2003.

Répartition des crédits de l'administration pénitentiaire
(en millions d'euros)

Titre III (moyens des services)

dont :

- personnel

- fonctionnement

1.335

876

459

Titre IV (interventions publiques)

7,5

Titre V (interventions exécutées par l'Etat)

148

TOTAL

1.492

Parmi les mesures nouvelles inscrites dans le projet de loi de finances au titre des dépenses ordinaires figurent :

La création de 870 emplois dont 613 emplois de surveillants , qui permettront :

- d'augmenter la capacité des établissements pénitentiaires et d'améliorer les conditions de détention ;

- de renforcer les services pénitentiaires d'insertion et de probation ;

- de créer des places de détention pour les mineurs ;

- de poursuivre le programme d'ouverture d'unités hospitalières sécurisées inter-régionales.

Notons que les 870 créations d'emploi prévues par le projet de budget pour 2003 représentent 23 % des créations d'emploi prévues par la loi d'orientation et de programmation pour la justice sur la durée de la législature.

des mesures indemnitaires et statutaires pour le personnel :

- 0,89 million d'euros sont prévus pour l'achèvement de la réforme du statut du corps des personnels de direction de l'administration pénitentiaire ;

- une provision de 0,101 million d'euros est prévue en vue de la réforme du statut des personnels d'insertion et de probation ;

- 18,7 millions d'euros sont prévus afin d'assurer la mise en oeuvre progressive de l'aménagement et de la réduction du temps de travail ;

- 0,2 million d'euros sont prévus pour revaloriser l'indemnité de responsabilité allouée aux personnels de direction.

l'abondement des crédits de fonctionnement de l'administration pénitentiaire à hauteur de 12,02 millions d'euros :

- amélioration des conditions de détention : mise aux normes des quartiers disciplinaires, maintenance des équipements et installations, amélioration de l'hygiène individuelle et collective ;

- amélioration de la prise en charge des personnes placées sous main de justice avec la reprise d'activités commerciales gérées par les associations (locations de téléviseurs) ;

- poursuite du développement du placement sous surveillance électronique ;

- sécurisation des établissements (tunnels à rayon X, brouillage des téléphones mobiles, reconnaissance biométrique) ;

- augmentation du budget de l'Ecole nationale d'administration pénitentiaire (ENAP) afin d'accroître ses capacités de formation.

En ce qui concerne les dépenses en capital, 374 millions d'euros d'autorisations de programme et 150,3 millions d'euros de crédits de paiement sont prévus aux titres V et VI du projet de budget pour 2003. Sur les 371 millions d'euros d'autorisations de programme prévues au titre V, 271 correspondent à des projets nouveaux liés à la loi d'orientation et de programmation :

construction d'établissements pour mineurs (90 millions d'euros) ;

rénovation des quartiers de mineurs existants (18 millions d'euros) ;

construction et rénovation de 11.000 places de prison (141 millions d'euros) ;

sécurisation des établissements (9 millions d'euros) ;

poursuite des actions engagées les années précédentes (rénovation des grandes maisons d'arrêt, construction de nouveaux établissements...).

II. LA SITUATION DE L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE

A. L'ÉVOLUTION DE LA POPULATION CARCÉRALE

1. Une augmentation brutale du nombre de détenus

Au 1 er janvier 2002, 48.594 personnes étaient détenues en France, contre 47.837 au 1 er janvier 2001. Pour la première fois depuis 1997, le nombre de détenus a augmenté d'une année sur l'autre.

Cette évolution s'est fortement accélérée au début de l'année 2002 puisque les prisons françaises accueillaient 56.385 détenus le 1 er juillet dernier (ce nombre a diminué à la suite de l'amnistie pour atteindre 53.680 le 1 er octobre mais a de nouveau augmenté ensuite pour s'établir à 54.438 le 1 er novembre). Entre le 1 er juillet 2001 et le 1 er juillet 2002, le nombre de détenus a augmenté de 13,4 % .



L'augmentation des entrées en détention constatée entre le premier semestre 2001 et le premier semestre 2002 a concerné tant les entrées pour crime (+ 21 %) que les entrées pour délit (+ 23 %).

Les entrées en détention pour vols criminels ont fortement augmenté (+ 39 %). Les entrées pour viols et violences criminelles ont respectivement augmenté de 14 et 23 %. Entre 1994 et 2000, le nombre d'incarcérations pour vols criminels avait diminué de 36 %, tandis que les incarcérations pour viols ou violences criminelles enregistraient une augmentation (respectivement + 11 % et + 18 %).

Parmi les entrées en détention pour délit, l'augmentation concerne plus particulièrement les délits de masse comme le vol avec circonstance aggravante (+ 33 %), les recels (+ 36 %), les entrées et séjours irréguliers sur le territoire national (+ 32 %) et les cessions et trafics de stupéfiants (+ 28 %).

Par ailleurs, la durée moyenne de détention continue d'augmenter. Elle est passée de 4,6 mois en 1980 à 8,4 mois en 2001.

En ce qui concerne la structure de la population pénale par quantum de peine, le nombre des condamnés à moins de cinq ans d'emprisonnement a diminué de 11 % entre 1996 et 2001 alors que le nombre de condamnés à cinq ans d'emprisonnement et plus a augmenté de 17 %. Au 1 er janvier 2002, les condamnés exécutant une peine de vingt à trente ans de réclusion étaient au nombre de 984 et les condamnés à perpétuité au nombre de 578. Ces condamnés à de très longues peines formaient 5 % des condamnés.

2. Une surpopulation carcérale préoccupante

Dans ses avis précédents, votre rapporteur pour avis constatait une diminution régulière du taux d'occupation des établissements pénitentiaires. La situation est radicalement différente cette année.

Au 1 er juillet 2002, notre pays comptait 47.982 places de détention dont 47.471 étaient effectivement disponibles. Compte tenu de l'augmentation du nombre de détenus, le taux d'occupation des établissements pénitentiaires, qui était de 103 % au 1 er juillet 2001 est passé à 119 % au 1 er juillet 2002 .

Cette densité varie fortement selon la catégorie d'établissement, puisqu'elle s'établit à 134 % dans les maisons d'arrêt . Parmi ces dernières, 16 ont une densité dépassant 200 % : Tulle, Bayonne, Lyon Montluc, Bonneville, Lyon Saint Paul, Grasse, Orléans, Gagny, Fontenay le Comte, La Roche sur Yon, Le Mans, Laval, Saint Brieuc, Foix, Béziers, Albi.

La situation actuelle est préoccupante. La surpopulation carcérale rend plus difficile le maintien d'un haut niveau de sécurité dans les établissements. Elle contribue à la survenance d'autoagressions (automutilations, suicides...) ou d'agressions à l'encontre des personnels. Elle peut également entraîner le non-respect de certaines dispositions du code de procédure pénale, notamment en ce qui concerne la séparation des prévenus et des condamnés. Enfin, elle rend largement théorique l'exercice de la mission de réinsertion confiée à l'administration pénitentiaire.

Le Gouvernement vient d'annoncer le lancement d'un programme de construction, qui devrait permettre d'augmenter le nombre de places dans les établissements pénitentiaires. Toutefois, ces établissements ne seront livrés que dans un délai de quatre à six ans. A plus court terme, aucune augmentation significative du nombre de places de détention n'est à attendre car la livraison prochaine des établissements du programme « 4.000 places » s'accompagnera de la fermeture d'établissements vétustes.

Le développement du placement sous surveillance électronique pourrait permettre de soulager quelque peu les établissements pénitentiaires. La recherche d'alternatives à l'incarcération pour les peines les moins graves mérite d'être poursuivie. A cet égard, la mission sur l'exécution des courtes peines d'emprisonnement confiée à M. Jean-Luc Warsmann, député, par M. le garde des Sceaux, pourrait conduire à de nouvelles évolutions sur cette question.

B. UNE VOLONTÉ D'AMÉLIORER LA PRISE EN CHARGE DES DÉTENUS ATTEINTS DE TROUBLES PSYCHIATRIQUES

Dès 2000, la commission d'enquête du Sénat sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires avait constaté qu'un grand nombre de détenus souffraient de troubles psychiatriques sérieux. Les dispositions de la loi d'orientation et de programmation pour la justice devraient permettre d'améliorer la prise en charge de ces personnes.

1. Une situation inquiétante

Plusieurs études ont montré que de plus en plus de personnes détenues présentaient des troubles mentaux. Ainsi, une enquête sur la santé des entrants en prison, conduite en 1997, révélait que 8,8 % d'entre eux avaient fait l'objet d'un traitement ou d'une hospitalisation en psychiatrie dans l'année précédant l'incarcération.

Une étude récente 3( * ) sur les arrivants en prison examinés par les services médico-psychologiques régionaux (SMPR) montre que 55 % d'entre eux présentent des troubles de la santé mentale . Parmi les principaux symptômes rencontrés figurent l'anxiété, mais aussi les addictions ou les troubles psychosomatiques.



Dans 48 % des cas, les médecins considèrent importants les troubles addictifs (sur une échelle : modéré, moyen, important). C'est également le cas de 15 % des troubles anxieux et de 25 % des troubles de conduite.

La forte proportion de troubles psychiatriques repérés à l'entrée dans les établissements est confirmée par des antécédents fréquents de prise en charge de ces détenus pour des problèmes de santé mentale. Au total, un entrant sur cinq a déjà été suivi par le secteur de psychiatrie. Cette proportion atteint 33 % pour les détenus dont un trouble est repéré à l'entrée. L'augmentation du nombre de détenus atteints de troubles psychiatriques s'est traduite par une multiplication par dix en moins de dix ans des hospitalisations d'office de personnes détenues . Elles ne concernaient que 100 personnes en 1994 contre plus de 1.000 depuis deux ans.

Enfin, il convient de rappeler que le nombre des suicides de détenus a fortement augmenté, passant de 59 en 1990 à 138 en 1996 avant de diminuer légèrement (104 en 2001). La France est l'un des pays d'Europe où le nombre de suicides en prison est le plus élevé.

Afin de disposer d'éléments plus complets, notamment sur l'incidence de la durée d'incarcération sur la santé mentale, le Gouvernement a décidé de lancer une enquête épidémiologique nationale sous l'égide de la direction générale de la santé concernant la santé mentale de la population carcérale. Les résultats en seront connus en 2004.

2. Des mesures d'amélioration de la prise en charge

La loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 a apporté plusieurs améliorations au dispositif de prise en charge des détenus atteints de troubles psychiatriques.

Elle dispose que l'ensemble des hospitalisations à temps complet pour troubles mentaux des personnes détenues, avec ou sans leur consentement, sont réalisées dans des établissements de santé et non au sein des établissements pénitentiaires. Elle opère, pour les personnes détenues, la fusion des régimes d'hospitalisation sous contrainte (hospitalisation d'office et hospitalisation à la demande d'un tiers) en un régime unique fondé sur la nécessité des soins.

En ce qui concerne les modalités de prise en charge des détenus atteints de troubles psychiatriques, il convient de rappeler que les centres hospitaliers disposent de moins en moins de services fermés et qu'ils ne sont plus dès lors en mesure d'assurer de façon efficiente la garde des personnes détenues hospitalisées.

Certes, lorsque les malades mentaux détenus présentent une dangerosité psychiatrique pour autrui nécessitant des protocoles thérapeutiques intensifs et des mesures de sûreté particulières, ils peuvent être soignés dans l'une des quatre unités pour malades difficiles (UMD) existant sur le territoire : Villejuif, Cadillac, Sarreguemines et Montfavet. Cependant, l'orientation en UMD des personnes détenues ne peut se faire que si l'indication médicale impose cette prise en charge selon un protocole thérapeutique spécifique à raison de la particulière gravité des troubles psychiatriques et de la dangerosité qu'ils présentent.

Pour remédier à ces difficultés, la loi d'orientation et de programmation pour la justice a posé le principe de l'hospitalisation des détenus atteints de troubles mentaux au sein d'unités spécialement aménagées des établissements de santé (L. 3214-1 du code de la santé publique).

Dix unités d'hospitalisation sécurisée de psychiatrie (UHSP) devraient être créées pour une capacité de 244 lits . La conception architecturale de ces unités reste à définir. Elle devra intégrer les spécificités pénitentiaires notamment en matière de sécurité et de maintien des liens familiaux. Le coût en investissement de la sécurisation de ces dix unités est évalué à 11,5 millions d'euros. Pour assurer les fonctions pénitentiaires de sécurité, de suivi et de coordination, enfin de maintien des liens familiaux, 140 emplois de personnels de surveillance devront être créés.

Après la création des UHSP, les SMPR seront progressivement recentrés sur les soins ambulatoires diversifiés, incluant les hospitalisations de jour et davantage d'activités et d'ateliers thérapeutiques.

C. LE PLACEMENT SOUS SURVEILLANCE ÉLECTRONIQUE ENFIN MIS EN oeUVRE

Votre rapporteur pour avis s'est régulièrement inquiété, au cours des dernières années, de la lenteur de la mise en oeuvre de la loi n° 97-1159 du 19 décembre 1997 consacrant le placement sous surveillance électronique comme modalité d'exécution des peines privatives de liberté. L'année 2002 a été marquée par une accélération de l'application de cette réforme, dont votre commission ne peut que se féliciter.

L'expérimentation du placement sous surveillance électronique, entamée en novembre 2000 dans quatre sites pilotes a été étendue à de nouveaux sites en 2001 puis à nouveau en 2002. Les juges de l'application des peines peuvent actuellement décider la mesure de placement sous surveillance électronique dans les ressorts des tribunaux de grande instance de Lille, Dunkerque, Hazebrouck, Agen, Marmande, Auch, Béziers, Aix-en-Provence, Grenoble, Angers, Dijon, Pontoise et Colmar.

Au cours de son audition par votre commission des Lois, M. Pierre Bédier, secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice, a indiqué que 433 mesures de placement sous surveillance électronique avaient été prononcées depuis le début de l'expérimentation et que 365 étaient achevées. Il a précisé que 23 retraits de la mesure avaient été décidés, 16 pour non-respect des conditions posées, 3 pour cause d'implication de la personne condamnée dans d'autres affaires pénales et 4 pour évasion.

Au regard des résultats de l'expérimentation, le Gouvernement a décidé la généralisation du placement sous surveillance électronique à l'ensemble des juridictions dans un délai de cinq ans.

L'année 2002 a par ailleurs été marquée par la parution du décret n° 2002-479 du 3 avril 2002 portant modification du code de procédure pénale et relatif au placement sous surveillance électronique. Ce décret précise les conditions d'application de la loi de 1997.

Enfin, la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 a modifié certaines des règles relatives au placement sous surveillance électronique. Elle a supprimé la possibilité d'exécuter une mesure de détention provisoire sous le régime du placement sous surveillance électronique, qui avait été introduite par la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes. En pratique, il semble que cette mesure n'ait été prononcée qu'une seule fois par un juge des libertés et de la détention.

En revanche, la nouvelle loi a instauré la possibilité de placer une personne sous surveillance électronique dans le cadre d'un contrôle judiciaire.

La loi d'orientation et de programmation a également permis à l'Etat de confier la mise en oeuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance des personnes placées sous surveillance électronique à des personnes de droit privé habilitées dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.

Votre rapporteur pour avis se félicite qu'une réforme portée par le Sénat et notamment par notre ancien collègue M. Guy-Pierre Cabanel, entre enfin dans une phase pleinement opérationnelle.

D. DÉTENTION DES MINEURS : LA COMMISSION D'ENQUÊTE DU SÉNAT ENTENDUE

Au cours des dernières années, l'administration pénitentiaire a dû faire face à une augmentation du nombre de mineurs détenus. 573 mineurs étaient incarcérés au 1 er janvier 1995, 718 au 1 er janvier 2000 et 826 au 1 er janvier 2002.

Dans son rapport publié en juillet 2002, la commission d'enquête du Sénat sur la délinquance des mineurs 4( * ) a constaté que la détention des mineurs demeurait peu éducative, que les activités proposées aux mineurs incarcérés restaient insuffisantes et que l'étanchéité entre les quartiers de mineurs et les autres quartiers des maisons d'arrêt était loin d'être parfaite.

La commission d'enquête a également observé que la sortie de prison était rarement préparée, les jeunes passant brutalement d'une contention totale à une liberté complète.

Face à cette situation, la commission d'enquête, refusant le postulat selon lequel aucun travail éducatif ne serait possible en milieu fermé, s'est prononcée pour la création d'établissements pénitentiaires spécialisés pour les mineurs, conçus spécifiquement pour permettre une prise en charge intensive en vue de la réinsertion de ces mineurs . Elle a souhaité que soit introduite une véritable mixité dans ces établissements entre l'administration pénitentiaire et la protection judiciaire de la jeunesse. Elle a enfin estimé que les nouveaux établissements pour mineurs devraient progressivement remplacer les actuels quartiers de mineurs des maisons d'arrêt.

Le Gouvernement a pris en compte les recommandations de la commission d'enquête et vient d'annoncer la construction de huit établissements pénitentiaires exclusivement réservés aux mineurs pour un total de 400 places. Deux établissements devraient être construits en Ile de France, un dans l'agglomération de Lyon, un dans l'agglomération de Toulouse, un dans le Sud-Est, un en Alsace, un dans l'agglomération de Valenciennes et un dans l'agglomération de Nantes.

Ces établissements devraient comporter 40 ou 60 places chacun, ces capacités devant permettre de concilier la dimension éducative et une gestion optimale des établissements. Au cours de son audition par votre commission des lois le 27 novembre 2002, M. Dominique Perben, garde des Sceaux, a indiqué « que ces établissements pourraient être dotés d'équipements de sécurité plus légers que les autres établissements pénitentiaires et que l'objectif était de construire les établissements autour de la salle de classe . Il a fait valoir que les jeunes devraient être occupés de manière continue, grâce à des activités scolaires, sportives et culturelles. Il a précisé que des éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse seraient appelés à intervenir dans ces établissements spécialisés, de manière à assurer un véritable suivi des mineurs par les mêmes personnes pendant la détention et après la sortie ».

En revanche, la loi d'orientation et de programmation pour la justice s'écarte des recommandations de la commission d'enquête, en ce qu'elle prévoit une augmentation du nombre de places dans les quartiers de mineurs des maisons d'arrêt, soit par extension des quartiers actuels, soit par création de nouveaux quartiers. Il est vrai que le maintien des liens familiaux implique d'avoir un nombre assez élevé d'établissements susceptibles d'accueillir des mineurs. Votre rapporteur pour avis souhaite néanmoins insister sur la nécessité de séparer très strictement les mineurs des autres détenus.

Il convient enfin de noter que la commission d'enquête du Sénat sur la délinquance des mineurs s'était inquiétée de l'absence d'aménagements de peines pour les mineurs détenus . Le Gouvernement a décidé d'habiliter certains centres de semi-liberté aux mineurs. L'application aux mineurs de la mesure de semi-liberté pourrait s'appliquer prochainement à Haubourdin, Maxéville et Grenoble.

E. LES PERSONNELS

En 2002, l'effectif budgétaire de l'administration pénitentiaire est de 27.755 agents répartis de la manière suivante :

- 21.749 personnels de surveillance ;

- 2.430 personnels administratifs ;

- 2.214 personnels socio-éducatifs ;

- 719 personnels techniques ;

- 472 personnels de direction ;

- 171 contractuels.

Le projet de budget prévoit la création de 870 emplois après la création de 1.525 emplois en 2002 et de 530 emplois en 2001. Entre 1990 et 2002, les effectifs budgétaires de l'administration pénitentiaire sont passés de 21.407 à 28.590.

Les créations d'emplois dans l'administration pénitentiaire depuis 1990

Année

Nombre de créations d'emplois

Nombre d'emplois consacrés
à l'ouverture d'établissements

Effectifs budgétaires

1990

2 053

1.927 (programme 13000)

21 407

1991

811

511 (programme 13000)

22 407

1992

399

208 (programme 13000)

22 704

1993

430

 

23 071

1994

450

 

23 477

1995

550

 

23 908

1996

730

230 (ouverture des établissements de Ducos (Martinique) et Baie Mahault (Guadeloupe))

24 619

1997

211

127 (ouverture de Remire-Montjoly (Guyane))

24 786

1998

300

12 (programme 4000)

25 086

1999

344

25 (programme 4000)

25 474

2000

386

30 (ouverture d'un CPA)

25 868

2001

530

215 (programme 4000)

26 233

2002

1.525

276 (programme 4000)

27 755

2003

870

477 (programme 4000)

28 590

TOTAL

9 589

 
 

Au cours des cinq années de la législature, 10.000 personnels de surveillance devront être recrutés. Or, le nombre de candidatures aux concours a diminué en 2001.

Entendu par votre commission des lois le 27 novembre dernier, M. Dominique Perben, garde des Sceaux, a indiqué qu'une grande campagne d'information avait été lancée, grâce à laquelle l'administration avait reçu 30.000 demandes de renseignements et 20.800 demandes de dossiers d'inscription, soit sensiblement plus que d'habitude.

L'année 2002 a vu l'entrée en vigueur d'une réforme du statut des personnels de direction . Depuis une réforme de 1998, le corps des directeurs est composé de trois grades (directeurs de 2 ème classe, de 1 ère classe et hors classe). Le décret n° 2002-724 du 30 avril 2002 relatif au statut particulier du corps des directeurs des services pénitentiaires institue, outre une revalorisation indiciaire par le biais de la suppression d'un échelon par grade, un nouveau pyramidage des trois grades dont les effectifs sont portés de 18 à 22 % pour le grade de directeur hors classe et de 24 à 30 % pour le grade de directeur de première classe. Ces fonctionnaires disposeront ainsi d'une carrière plus rapide et plus fluide entre les différents grades.

Le Gouvernement étudie actuellement une réforme du statut des personnels d'insertion et de probation , pour prendre en compte l'accroissement de la charge de travail de ces personnels sous l'effet de l'augmentation de l'effectif des personnes prises en charge et de l'attribution de tâches nouvelles. Une provision de 101.033 euros est inscrite dans le projet de budget pour engager cette réforme.

F. LES ÉTABLISSEMENTS

Dans son précédent rapport sur les crédits de l'administration pénitentiaire, votre rapporteur pour avis avait regretté le manque de lisibilité des actions annoncées en matière de construction d'établissements pénitentiaires. A cet égard, le présent projet de loi de finances marque une heureuse évolution puisqu'un projet cohérent est proposé pour l'ensemble de la législature sur le fondement de la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 .

1. Les projets en cours de réalisation

Le programme « 4.000 places », en cours de réalisation, prévoit la construction de six établissements : une maison d'arrêt à Seysses (Haute-Garonne), un centre pénitentiaire au Pontet (Vaucluse), une maison d'arrêt à Séquedin (Nord), un centre pénitentiaire à Liancourt (Oise), une maison d'arrêt à La Farlède (Var) et une maison d'arrêt à Chauconin-Neufmontiers (Seine-et-Marne).

La maison d'arrêt de Seysses devrait être mise en service en janvier 2003 et le centre pénitentiaire du Pontet en mars 2003.

La mise en service des quatre autres établissements devrait s'étaler entre le 4 ème trimestre 2003 et le 2 ème trimestre 2005.

Un autre programme a été décidé (programme « 1800 places »), qui prévoit la construction de maisons d'arrêt à Saint-Denis de la Réunion , Lyon et Nice .

2. Le nouveau programme de construction prévu par la loi d'orientation et de programmation pour la justice

La loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 prévoit la mise en oeuvre d'un programme de construction d'établissements pénitentiaires, qui comportera 11.000 places, dont 7.000 consacrées à l'augmentation de la capacité du parc et 4.000 en remplacement de places obsolètes.

Dès le 21 novembre 2002, le détail du programme pénitentiaire a été présenté par le garde des sceaux.

En pratique, 13.200 places devraient être construites au cours des prochaines années , si l'on ajoute aux 11.000 places prévues par la loi d'orientation et de programmation les 1.800 places prévues par le précédent Gouvernement mais dont la construction n'a pas encore commencé et les 400 places que contiendront les futurs établissements réservés aux mineurs.

Ce programme devrait permettre de remédier à la surpopulation carcérale et de rééquilibrer la carte pénitentiaire.

a) Les caractéristiques des futurs établissements

Le Gouvernement souhaite que les futurs établissements pénitentiaires soient plus sûrs, plus humains et mieux équipés.

- Afin de renforcer la sécurité , les nouveaux établissements bénéficieront de dispositifs de sûreté intérieure complémentaires et d'une protection périmétrique (double enceinte délimitant un chemin de ronde surveillée en permanence par des miradors).

En outre, de nouvelles technologies seront mises en place : brouillage des téléphones portables, développement des tunnels à rayons X, mise en place de systèmes d'alarme performants et généralisation des appareils de reconnaissance par biométrie.

Les maisons centrales seront dotées de dispositifs renforcés de sécurité passive (dispositifs anti-évasions, dispositifs anti-intrusion) et active (dispositifs de surveillance et d'intervention). Une étanchéité forte sera établie entre les différents quartiers pour contenir et réduire l'ampleur des phénomènes collectifs.

- Pour améliorer les conditions de vie dans les établissements pénitentiaires , les futurs établissements devraient comporter 400 à 600 places et être divisés en unités de 200 places au maximum.

Afin d'améliorer les conditions de travail des personnels pénitentiaires, un soin particulier sera apporté à l'ergonomie des postes de travail (locaux de surveillance et miradors), aux espaces de réunion ainsi qu'au développement d'activités sociales.

Pour les personnes détenues, la priorité est donnée à la qualité de vie et à l'hygiène. Des aménagements particuliers à l'intérieur de la prison seront prévus : lieux de vie en commun pour préparer à une meilleure réinsertion, facilités d'accès et d'information des familles de détenus.

- Des équipements spécifiques seront prévus : des cellules pour personnes handicapées seront équipées de sanitaires et de mobiliers adaptés. Des cellules aménagées permettront l'accueil des mères et des enfants dans des conditions plus satisfaisantes : des salles de jeux pour les enfants, un espace extérieur spécifique et un accès aisé sur la cour de promenade seront mis en place.

Afin de préciser encore les caractéristiques des futurs établissements, le garde des sceaux et le secrétaire d'Etat chargé des programmes immobiliers de la justice ont confié à M. René Eladari, ingénieur général honoraire des Ponts et Chaussées, la mission de réfléchir et de faire des propositions sur la conception des nouveaux établissements pénitentiaires.

Votre rapporteur pour avis souhaite souligner l'importance particulière des études préalables à la construction d'établissements pénitentiaires. Certains établissements récents, tels que le centre pénitentiaire de Remire-Montjoly ou la maison d'arrêt de Luynes, souffrent de défauts de conception évidents qui nuisent à leur bon fonctionnement.

b) Une répartition sur l'ensemble du territoire

Le projet gouvernemental prévoit la construction de vingt établissements pénitentiaires pour adultes, qui devraient être répartis de la manière suivante 5( * ) :

Etablissements pénitentiaires pour adultes (20 établissements)

Localisation

Type

Capacité

Mont de Marsan

CP (1)

400

Agglomération de Dunkerque

CP

400

Agglomération de Lille

CP

400

Agglomération du Havre

CP

400

Agglomération de Beauvais

CP

400

Agglomération de Lyon

MA (2)

600

Rhône-Alpes 1

CP

600

Rhône-Alpes 2

CP

600

Nice

MA

600

Ajaccio

CP

300

Orléans (Ingre)

CP

600

Ile de France

CD (3)

600

Rennes

CP

600

Le Mans (Coulaines)

CP

400

Alençon

MC (4)

150

Alsace

CP

500

Nancy

CP

500

Béziers

CP

600

Agglomération de Poitiers

CP

400

A localiser

MC

150

(1) CP = centre pénitentiaire (établissement composé au minimum d'un quartier maison d'arrêt et d'un quartier pour condamnés)

(2) MA = maison d'arrêt (établissement accueillant des prévenus et des condamnés à des peines inférieures à 1 an)

(3) CD = centre de détention (établissement accueillant exclusivement des détenus condamnés à une peine d'une durée supérieure à 1 an)

(4) MC = maison centrale (établissement sécuritaire accueillant les détenus les plus dangereux).


Par ailleurs, 1.600 places seront construites outre-mer, comprenant la nouvelle maison d'arrêt de la Réunion, dont la construction a été décidée par le précédent Gouvernement, et le remplacement de la maison d'arrêt de Basse-Terre en Guadeloupe.

Enfin, 2000 places sont réservées pour la mise en place de concepts pénitentiaires nouveaux. Leur localisation sera déterminée à l'issue des missions respectivement confiées à M. Pierre Eladari (conception des nouveaux établissements pénitentiaires) et à M. Jean-Luc Warsmann, député (courtes peines d'emprisonnement).

c) Des conditions de réalisation facilitées

Les lois d'orientation et de programmation pour la justice et pour la sécurité intérieure ont prévu des dispositifs destinés à faciliter la réalisation des futurs établissements pénitentiaires :

- l'article 3 de la loi d'orientation et de programmation pour la justice a modifié la loi du 22 juin 1987 relative au service public pénitentiaire. Rappelons que l'article 2 de cette loi a permis de recourir au secteur privé pour la construction d'établissements pénitentiaires et la gestion de certaines tâches au sein de ces établissements. Tout en clarifiant cet article, la loi d'orientation et de programmation a élargi le champ des procédures utilisables en précisant que la convention entre l'Etat et la personne ou le groupement de personnes doit être un marché passé selon les procédures prévues par le code des marchés publics, sans en désigner aucune en particulier. Le texte ne prévoit plus l'approbation d'un cahier des charges par décret en Conseil d'Etat, ce qui pourrait permettre de gagner six à neuf mois ;

- l'article 4 de la loi d'orientation et de programmation pour la justice a pour sa part étendu la procédure d'expropriation dite « d'extrême urgence » prévue par l'article L. 15-9 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique aux terrains choisis pour la construction d'établissements pénitentiaires ;

- enfin, l'article 3 de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure a permis à l'Etat de financer par crédit-bail la construction des bâtiments destinés à la justice, à la police et à la gendarmerie. Ce dispositif permet de passer un marché avec un organisme financier qui assure le financement de l'ensemble de la prestation : construction et exploitation.

Le même article a autorisé l'Etat à recourir au système de la location avec option d'achat . Dans ce système, l'administration met un terrain à la disposition d'un prestataire privé sous forme d'autorisation d'occupation temporaire. Sur la base des besoins détaillés formulés dans le cahier des charges, le prestataire privé finance, réalise puis loue les établissements dont l'administration pénitentiaire a besoin. Au terme de la durée de location du bien, l'Etat peut acquérir l'établissement.

Ces différents dispositifs devraient faciliter la réalisation, dans des délais acceptables, du programme de construction d'établissements pénitentiaires.

3. Les constatations de votre commission

Dans le cadre de la préparation du présent rapport, votre rapporteur pour avis a visité la maison d'arrêt de Borgo et le centre pénitentiaire de Moulins-Yzeure.

a) La maison d'arrêt de Borgo

La maison d'arrêt de Borgo, mise en service le 18 novembre 1993, est située à 17 km de Bastia. Sa capacité théorique est de 263 places. Elle comporte un quartier hommes (140 cellules), un quartier femmes (9 cellules), un quartier accueil (10 cellules), un quartier de semi-liberté (10 cellules) et un quartier mineurs (27 cellules).

Jusqu'il y a peu, la maison d'arrêt accueillait la plupart du temps un nombre de détenus très inférieur à sa capacité (112 détenus le 1 er janvier 2000 pour une capacité de 263 places). Cette situation s'est modifiée au cours de la dernière année, l'établissement ayant accueilli jusqu'à 200 détenus (175 le jour de la visite de votre rapporteur pour avis).

Cette évolution pose des difficultés sérieuses à la direction de la maison d'arrêt, dès lors que le budget d'un établissement est calculé en fonction du nombre de journées de détention au cours de l'année n-1. Ce système montre à l'évidence ses limites en cas de variation brutale du nombre de détenus.

Le 24 octobre 2002, la maison d'arrêt accueillait 103 prévenus et 76 condamnés. Parmi ces derniers, seuls 27 étaient condamnés à une peine d'emprisonnement d'une durée inférieure à un an. Malgré les prescriptions de la loi interdisant l'incarcération des condamnés à de plus longues peines en maison d'arrêt, 36 détenus étaient condamnés à des peines délictuelles comprises entre un an et dix ans d'emprisonnement, 13 étaient condamnés à des peines criminelles.

La population pénale accueillie à la maison d'arrêt de Borgo n'est pas représentative de l'ensemble de la population pénale. Près de 25 % des prévenus sont poursuivis pour meurtre ou assassinat.

Au cours de sa visite, votre rapporteur pour avis a pu constater que les locaux étaient en bon état, ce qui n'est pas le cas pour l'ensemble des établissements mis en service au début des années 1990. La maison d'arrêt de Borgo est dotée d'équipements d'excellente qualité : terrain de sport, gymnase, salle de spectacles.

Elle comporte également de vastes zones d'ateliers totalement inutilisées. De la même manière, aucune activité de formation professionnelle n'était jusqu'à présent mise en oeuvre. Cette situation s'explique notamment par le fait que les détenus, plus qu'ailleurs, reçoivent un soutien financier de leurs familles qui ne les incite pas à souhaiter travailler en prison. Une formation à l'informatique vient seulement de commencer. Une formation à la cuisine devrait également être mise en place en 2003.

Les différents intervenants rencontrés par votre rapporteur pour avis ont notamment formulé les remarques suivantes :

- le nombre de cellules du quartier de semi-liberté paraît insuffisant au regard du nombre de détenus qui pourraient prétendre à cette mesure ;

- la maison d'arrêt ne dispose plus de personnel technique chargé de la cuisine, en sorte que l'élaboration des repas est confiée à un personnel de surveillance assisté de détenus, ce qui paraît pour le moins singulier ;

- l'insuffisance de la présence de psychiatres ou de psychologues ne permet pas un suivi satisfaisant des détenus souffrant de troubles psychiatriques ;

- le poste central d'information de la maison d'arrêt, qui permet la surveillance de l'établissement et la gestion de l'ouverture de certaines portes, est situé dans les locaux administratifs et non à l'entrée de la zone de détention comme c'est le cas habituellement ; une telle situation est susceptible de poser des problèmes de sécurité.

En ce qui concerne le personnel de la maison d'arrêt, l'ensemble des postes prévus à l'organigramme ne sont pas pourvus, en particulier en ce qui concerne les chefs de service pénitentiaires et les personnels administratifs, ce qui pose des difficultés sérieuses à la direction de l'établissement. Le taux d'absentéisme est élevé, particulièrement pendant l'été.

Les représentants des organisations professionnelles rencontrées par votre rapporteur pour avis ont estimé que les effectifs de la maison d'arrêt demeuraient insuffisants. Ils ont critiqué l'absence de revalorisation depuis 2000 de l'indemnité compensatrice de frais de transport prévue pour les fonctionnaires exerçant en Corse . Ils ont enfin souligné les difficultés rencontrées par les personnels dans la recherche de logements.

Le Gouvernement a récemment annoncé le transfert en Corse de certains condamnés incarcérés sur le continent. Le programme de construction d'établissements pénitentiaires prévoit la construction d'un centre pénitentiaire dans l'agglomération d'Ajaccio. Devant votre commission des Lois, M. Dominique Perben, ministre de la justice, a indiqué que, dans l'attente de la livraison du nouvel établissement, les détenus transférés seraient incarcérés soit à Borgo soit dans l'actuelle maison d'arrêt d'Ajaccio. En pratique, la maison d'arrêt de Borgo accueille déjà un nombre significatif de condamnés.

b) Le centre pénitentiaire de Moulins-Yzeure

Le centre pénitentiaire de Moulins comporte une maison d'arrêt et une maison centrale. La maison d'arrêt a une capacité théorique de 154 places et la maison centrale une capacité de 168 places.

Le 1 er décembre 2002, la maison d'arrêt accueillait 203 détenus, dont 82 condamnés à des peines d'une durée supérieure à un an d'emprisonnement. La maison centrale accueillait 122 détenus, dont 22 condamnés à des peines comprises entre 20 et 30 ans de réclusion criminelle et 23 à la réclusion criminelle à perpétuité.

Le centre pénitentiaire de Moulins est confronté de manière récurrente à des difficultés de personnel. Le directeur du centre pénitentiaire a pris ses fonctions en septembre dernier. Il est entouré de trois directrices adjointes, qui ont pris leurs fonctions à la même période. L'une d'entre elles, qui dirige la maison centrale, a été titularisée en septembre.

La même situation se retrouve dans les autres corps. Alors que le centre pénitentiaire compte huit postes de chef de service pénitentiaire de deuxième classe, quatre seulement sont pourvus. Lors du dernier mouvement de cette catégorie de personnel, aucune candidature n'a été enregistrée pour cet établissement. Dans ces conditions, il est très fréquent que des personnels soient affectés à Moulins dès leur sortie de l'école, alors que la maison centrale accueille une population pénale particulièrement difficile.

Une telle situation appelle sans doute une réflexion sur les moyens de valoriser l'exercice de fonctions pénitentiaires dans les établissements les plus difficiles.

Au cours de sa visite, votre rapporteur pour avis a pu constater que les moyens en personnel médical de l'unité de consultations et de soins ambulatoires (UCSA) étaient insuffisants, notamment en ce qui concerne la psychiatrie. Le nombre de consultations dans cette discipline a en effet beaucoup augmenté au cours des dernières années. En outre, l'établissement compte de plus en plus de détenus âgés, pour lesquels des prises en charge particulières sont parfois nécessaires.

Les cuisines de l'établissement sont vétustes et mériteraient d'être refaites. En ce qui concerne l'entretien et la maintenance de l'établissement, un contrat a été passé avec une société privée. Toutefois, ce contrat ne couvre pas l'ensemble des besoins de l'établissement. Ainsi, l'unité de consultations et de soins ambulatoires de la maison centrale fait l'objet d'un nettoyage par l'entreprise extérieure mais pas l'unité de consultations et de soins ambulatoires de la maison d'arrêt !

Il convient enfin de signaler que la maison d'arrêt, mise en service en 1984, devait à l'origine accueillir un quartier de femmes qui n'a jamais été ouvert. Dans ces conditions, un bâtiment de l'établissement qui devrait être consacré à la détention sert en fait à certaines tâches administratives.

*

* *

Au bénéfice de l'ensemble de ces observations, votre commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits du ministère de la justice consacrés à l'administration pénitentiaire.


1 « Prisons : une humiliation pour la République », rapport n° 449 ((1999-2000) présenté par M. Guy-Pierre Cabanel au nom de la commission d'enquête présidée par M. Jean-Jacques Hyest.

2 Une mission sur l'exécution des courtes peines d'emprisonnement vient d'être confiée par le garde des Sceaux à M. Jean-Luc Warsmann, député.

3 La santé mentale et le suivi psychiatrique des détenus, étude de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques et du Groupe français d'épidémiologie psychiatrique.

4 « Délinquance des mineurs : la République en quête de respect », rapport n°340 (2001-2002) présenté par M. Jean-Claude Carle au nom de la commission d'enquête présidée par M. Jean-Pierre Schosteck.

5 La carte du nouveau programme pénitentiaire est présentée en annexe du présent rapport pour avis.


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