N° 164

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2002-2003

Annexe au procès-verbal de la séance du 5 février 2003

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi relatif aux entreprises de transport aérien et notamment à la société Air France ,

Par M. Yves FRÉVILLE,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis, président ; MM. Jacques Oudin, Gérard Miquel, Claude Belot, Roland du Luart, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Aymeri de Montesquiou, vice-présidents ; MM. Yann Gaillard, Marc Massion, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; MM. Philippe Adnot, Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Jacques Baudot, Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Eric Doligé, Thierry Foucaud, Yves Fréville, Paul Girod, Adrien Gouteyron, Hubert Haenel, Claude Haut, Roger Karoutchi, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, François Marc, Michel Mercier, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, René Trégouët.

Voir les numéros :

Sénat : 108 et 165 (2002-2003).

Transports aériens.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le présent projet de loi tend à prévoir les mécanismes permettant de préserver la nationalité des sociétés françaises cotées de transport aérien et à poser les conditions dans lesquelles sera effectué le transfert de la majorité du capital de la société Air France du secteur public au secteur privé.

La privatisation d'Air France a été envisagée à plusieurs reprises par le passé, et a été amorcée par l'importante ouverture de capital effectuée par le gouvernement de M. Lionel Jospin en 1999. La situation financière de la compagnie et sa position favorable sur le marché du transport aérien permettent d'envisager cette opération dans de bonnes conditions, mais le calendrier précis de sa réalisation dépendra de l'évolution aujourd'hui incertaine des marchés financiers.

La privatisation d'Air France a pour principal objectif de permettre à notre compagnie nationale de s'adapter à l'évolution du marché du transport aérien dont la crise actuelle - la plus importante de son histoire - générera sans doute de profonds bouleversements et entraînera probablement une restructuration des entreprises, au moins à l'échelle de l'Union européenne. A terme, seulement trois ou quatre compagnies majeures devraient subsister dans l'Union européenne aux côté des compagnies low cost . Dans cette perspective, la privatisation d'Air France devrait lui permettre de jouer un rôle moteur au niveau européen.

Dans un premier temps, l'Etat conserverait de l'ordre de 20 % du capital d'Air France tandis que la part des salariés pourrait être portée à près de 20 %, ce qui constituerait deux groupes d'actionnaires stables.

Votre rapporteur pour avis s'est attaché, au cours de son examen du présent projet de loi, à porter plus particulièrement son attention sur les articles premier et 5 du présent projet de loi, qui touchent au coeur de la compétence de votre commission des finances.

I. LA SITUATION SATISFAISANTE DE LA SOCIÉTÉ AIR FRANCE JUSTIFIE SA PRIVATISATION

A. LA PRIVATISATION D'AIR FRANCE : DERNIÈRE ÉTAPE D'UNE HISTOIRE MOUVEMENTÉE

1. Un développement mal maîtrisé conduisant à une recapitalisation de 20 milliards de francs

a) Une ouverture du capital prévue dès la création de la compagnie aérienne

Air France a été créée par le regroupement de plusieurs compagnies aériennes en 1933, et a été nationalisée en 1945.

La loi n° 48-976 portant institution de la Compagnie nationale Air France, a organisé la fusion des compagnies Air-France, Air-Bleu et Air-France Transatlantique : l'article 17 de cette loi prévoyait que « la Société Air-France, la Société Air-Bleu, la Société Air-France Transatlantique sont dissoutes et entrent en liquidation le jour de la constitution de la Compagnie nationale Air-France.

« Les actions de la Société Air-Bleu et de la Société Air-France Transatlantique qui n'ont pas déjà été transférées à l'Etat - en vertu de l'article premier, alinéa 1°, de l'ordonnance du 26 juin 1945 - lui seront transférées au jour de la constitution de la Compagnie nationale Air France ».

Quelques années auparavant, l'ordonnance n° 45-1403 du 26 juin 1945, portant nationalisation des transports aériens, disposait en son article premier : « Il est institué, sous le nom de Compagnie nationale Air-France, une société soumise aux règles édictées par la présente loi et, dans tout ce qui n'est pas contraire à celle-ci, par les lois sur les sociétés anonymes. (...) Celle-ci a pour objet d'assurer l'exploitation de transports aériens (...). La Compagnie nationale Air-France peut créer ou gérer des entreprises présentant un caractère annexe par rapport à son activité principale ou prendre des participations dans des entreprises de ce genre, après autorisation donnée par décret pris en Conseil des ministres. Toutefois, la Compagnie nationale Air-France ne peut créer ou gérer des entreprises de fabrication de matériel aéronautique, ni prendre de participation dans de telles entreprises ».

L'article 4 de la loi de 1948 prévoyait qu'« à concurrence de 30 % du capital, l'Etat devra céder des actions de la Compagnie nationale Air-France :

"I. - A des collectivités et établissements publics intéressés de France et de l'Union française.

"II. - A des personnes privées, françaises, physiques ou morales.

"En aucun cas, le total des actions souscrites par la deuxième catégorie ne pourra excéder 15 % du capital ».

L'article 10 prévoyait que « l'exploitation des services d'intérêt public confiée à la Compagnie nationale Air-France fera l'objet d'une convention qui devra être soumise à l'approbation du Parlement dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi.

« Un cahier des charges, approuvé par arrêté du Ministre des Travaux publics, des transports et du Tourisme et, dans la mesure où ses dispositions comportent des incidences financières, du Ministre des Finances et des Affaires économiques, détermine les conditions générales d'exploitation et les règles de fonctionnement des services exploités : notamment les règles relatives au personnel navigant, au matériel volant, au contrôle technique du matériel en exploitation et au contrôle du trafic ».

Ainsi, l'ouverture minoritaire du capital d'Air France était possible dès 1948. L'article 4 de la loi précitée (codifié à l'article L. 342-1 du code de l'aviation civile) rendait même obligatoire l'ouverture du capital à hauteur de 15 % au maximum, à des personnes privées, et de 15 % à des collectivités et établissements publics. Or, cette obligation légale n'a jamais été respectée.

b) Une première tentative de privatisation reportée en 1987

La compagnie Air France ne figurait pas dans la liste des entreprises privatisables annexée à la loi dite de privatisation du 2 juillet 1986. Il n'était pas question en effet, à l'époque, à l'époque, de privatiser la compagnie, mais de permettre l'accès de capitaux privés minoritaires afin de financer les investissements et d'ouvrir l'entreprise.

Une première tentative d'ouverture du capital de la société a été envisagée en 1987, sous la présidence de M. Jacques Friedmann. Il s'agissait d'opérer une augmentation de capital « afin de contribuer au redressement nécessaire de la structure de l'entreprise et au rassemblement de capitaux permettant de faire face aux importants programmes d'investissements prévus » et de mettre en vente sur les marchés financiers des actions de la compagnie, à hauteur de 15 % de son capital. Les statuts de la compagnie auraient été modifiés pour mettre en oeuvre l'ouverture du capital et préciser les modalités de cotation d'Air France en bourse. Le capital aurait été représenté par deux catégories d'actions, et toute personne détenant plus de 0,5 % du capital aurait dû se faire connaître. 10 % de l'augmentation de capital aurait été réservée au personnel de la compagnie. Par augmentations successives, il était prévu de porter le capital d'Air France à 10 milliards de francs, les capitaux privés apportant 1,5 milliard de francs. Une seconde ouverture du capital à hauteur de 15 % était également prévue.

Cette opération a été annulée suite au krach boursier du 29 octobre 1987.

c) La fusion avec UTA et Air Inter en 1990

Le 12 janvier 1990, Air France rachetait UTA, entraînant la prise de contrôle d'Air Inter. A l'époque, Air France, avec 39.000 salariés et 110 appareils, desservait un vaste réseau mondial ainsi que quelques lignes intérieures françaises telles que les Antilles, la Corse ou Nice, au départ de Paris. Air Inter, avec 10.000 salariés et 52 avions, limitait son activité au territoire métropolitain, et UTA, avec 6.800 salariés et 13 avions, assurait pour l'essentiel des liaisons à destination de l'Afrique, de l'Extrême orient et de l'Océanie.

On notera que cette opération de fusion a eu lieu juste avant le retournement de cycle qu'a connu le secteur du transport aérien, accéléré par la forte hausse des prix du pétrole et la diminution du trafic provoquée par la guerre du Golfe.

La Commission européenne avait, suite au rachat des compagnies Air Inter et UTA, ouvert une procédure à l'encontre de cette opération. Un accord conclu entre le gouvernement français et la Commission avait mis fin à cette procédure, sous réserve d'obligations imposées par la Commission à Air France, visant à préserver les conditions de la concurrence entre les compagnies aériennes en France. Cet accord prévoyait notamment :

- l'ouverture à la concurrence de près de 50 lignes desservies par des compagnies du groupe Air France, accompagnée d'une garantie pour les compagnies nouvelles d'obtenir pendant trois ans leurs demandes de créneaux horaires ;

- le renoncement par Air France et UTA à exploiter certaines liaisons pour une durée de quatre ans, assortie d'une priorité donnée aux compagnies extérieures pour exploiter des liaisons non exploitées par des compagnies du groupe à la date de l'accord ;

- l'engagement du groupe Air France de ne prendre aucune participation financière dans le capital d'autres transporteurs aériens établis en France, et de céder sa participation financière dans le capital de TAT.

d) Une situation financière catastrophique nécessitant une recapitalisation de 20 milliards de francs par l'Etat (1991-1994)

Au début des années 1990, la compagnie Air France a du absorber plusieurs chocs importants :

- la fusion avec les compagnie Air Inter et UTA, rachetées en 1990 ;

- l'impact de la guerre du Golfe sur les prix du pétrole et sur le transport aérien de manière générale 1 ( * ) ;

- l'ouverture du marché du transport aérien à la concurrence dans le cadre de l'Union européenne.

Au début des années 1990, la santé financière de la compagnie nationale Air France était donc désastreuse, entraînant la constitution d'une commission de contrôle au sein de la Haute Assemblée, chargée d'examiner la gestion administrative, financière et technique de l'entreprise nationale Air France et des sociétés de toute nature, comme des compagnies aériennes qu'elle contrôle, que présidait notre collègue Ernest Cartigny et que rapportait notre collègue Serge Vinçon. Cette commission de contrôle avait donné lieu à la publication d'un rapport 2 ( * ) .

Ce rapport indique notamment que « au jour du regroupement [avec Air Inter et UTA] , la compagnie nationale connaissait une productivité tout à fait insatisfaisante, en termes financiers, en regard de celle de la plupart de ses concurrents et ce, tout particulièrement, du point de vue de la productivité de son personnel (...) En d'autres termes, au moment de la prise de contrôle d'UTA et d'Air Inter, la compagnie nationale était confrontée à un sérieux problème de compétitivité qui laissait peser une menace inquiétante sur son avenir, en raison de l'inéluctable accroissement de la pression concurrentielle à laquelle la libéralisation du transport aérien allait la soumettre ».

Ce rapport estimait qu'Air France avait des « goûts hégémoniques » et une « nostalgie monopolistique » concernant le transport aérien français, et rêvait d'une absence de concurrence. La commission de contrôle estimait que le regroupement des trois principales compagnies aériennes nationales n'était pas la meilleure solution : « voici donc un regroupement dont les motivations sont incertaines. Officiellement, il y est question de préparer l'avenir en tenant compte de la nouvelle donne concurrentielle en Europe et en Amérique du nord. En réalité, la compagnie a plutôt cherché à bénéficier d'un temps de répit avant de pouvoir affronter la concurrence, ô combien plus redoutable, des grandes compagnies, notamment américaines. Cette logique n'est guère satisfaisante pour l'esprit et laisse craindre de futurs déboires ».

Par ailleurs, « dans cette ambiance de privatisation généralisée [des compagnies de transport aérien en Europe] , dans ce contexte de renforcement du jeu des règles de marché, la nationalisation innomée d'UTA fait figure d'exception, de résurgence saugrenue d'un passé en voie de disparition (...)

« Si l'exemple ne vient pas forcément de l'étranger, tout conduit à penser que l'ouverture du capital à des capitaux privés est inéluctable et indispensable. Elle est d'ailleurs légale. Une gestion moderne, une autonomie totale des décisions, des capitaux ouverts constituent les voies de la modernité dans lesquelles le groupe pourrait s'engager ».

En novembre 1993, date à laquelle Christian Blanc fut nommé président d'Air France, la compagnie connaissait un grave conflit social. Sur l'ensemble de l'année 1993, le déficit consolidé de la compagnie atteignait 8,4 milliards de francs, et avait accumulé les déficits depuis 1989. Trois années plus tard, le résultat de l'entreprise était proche de l'équilibre, grâce notamment à une diminution sensible de près de 4,5 milliards de francs des frais financiers, rendue possible grâce au désendettement permis par le versement, échelonné sur trois ans, de vingt milliards de francs consenti par l'Etat français - et donc, par les contribuables - à la compagnie aérienne. Des gains de productivité importants ont également permis à la compagnie de se redresser et d'améliorer sa compétitivité.

En l'absence de la recapitalisation massive accordée par l'Etat français et validée par les institutions communautaires avec d'importantes réserves, la société Air France aurait vraisemblablement été contrainte à la faillite. La survie d'Air France n'a donc été rendue possible en 1994 que grâce aux 20 milliards de francs accordés par l'Etat pour sa recapitalisation, et donc, payés par les contribuables français .

La pérennité de la société impliquait alors qu'elle réalise d'importants efforts afin d'améliorer sa productivité et de rationaliser sa gestion.

Votre rapporteur pour avis rappelle que le redressement de la compagnie aérienne s'est effectué à offre constante, la Commission européenne interdisant toute autre utilisation de la recapitalisation de la compagnie par l'Etat à d'autres fins que sa restructuration, et notamment, toute expansion de ses activités. La recapitalisation d'Air France n'avait en effet été autorisée par la Commission européenne que dans le cadre d'un accord, fixant un grand nombre de conditions, parmi lesquelles « la nécessité d'engager le processus de privatisation d'Air France ».

Les conditions posées par la Commission européenne à la recapitalisation d'Air France :

- l'attribution de la totalité de l'aide à Air France, à l'exclusion de ses filiales ;

- la nécessité d'engager le processus de privatisation d'Air France ;

- la fixation d'objectifs précis en matière de gains de productivité ;

- l'engagement de l'Etat français à adopter un comportement d'actionnaire normal vis-à-vis d'Air France ;

- l'utilisation de l'aide uniquement pour la restructuration et non pour acquérir des participations nouvelles ;

- le gel du nombre d'avions pendant la durée du plan ;

- l'engagement de ne pas accroître l'offre en sièges sur les liaisons intra-communautaires ;

- la mise sous surveillance des tarifs, qui ne doivent pas être inférieurs à ceux des concurrents ;

- l'absence de traitement préférentiel pour Air France en ce qui concerne les droits de trafic ;

- le gel du nombre de lignes exploitées dans l'espace économique européen ;

- la limitation des sièges offerts sur la filiale Air Charter ;

- l'engagement d'opérer toute cession de biens et de services au profit d'Air Charter dans les conditions de marché ;

- l'engagement de cession des hôtels Méridien ;

- la modification, en liaison avec Aéroports de Paris, des règles de distribution du trafic au sein du système aéroportuaire parisien ;

- l'optimisation de l'utilisation des aérogares d'Orly.

e) Une inscription sur la liste des entreprises privatisables en 1993

La loi de privatisation n° 93-923 du 19 juillet 1993 mentionnait la Compagnie nationale Air France parmi les sociétés pour lesquelles « sera transférée du secteur public au secteur privé la propriété des participations majoritaires détenues directement ou indirectement par l'Etat soit dans les entreprises figurant sur la liste annexée à la présente loi, soit dans toute société dont l'objet principal serait de détenir directement ou indirectement une participation dans une entreprise figurant sur cette liste ».

Ainsi, la compagnie nationale Air France se trouvait-elle, dès 1993, sur la liste des entreprises publiques « privatisables ». Pour autant, sa santé financière excluait alors l'ouverture de son capital dans de bonnes conditions pour elle comme pour l'Etat.

2. Une modernisation importante de l'entreprise

a) L'ouverture du capital en 1999

Le gouvernement de Lionel Jospin s'est engagé, au début de l'année 1999, dans une opération d'ouverture du capital d'Air France, au terme de laquelle l'Etat n'a conservé que 54 % du capital de la société 3 ( * ) , selon les conditions posées par l'article 51 de la loi n° 98-546 du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier autorisant l'Etat à mettre en oeuvre un accord d'échange salaires-actions pour les pilotes de la compagnie et à porter de 10 % à 15 % la part du capital réservée aux salariés lors de la mise sur le marché des titres.

b) Le rachat de plusieurs compagnies régionales françaises en 2000

Air France a racheté au cours de l'année 2000 plusieurs compagnies régionales françaises de transport aérien, soit Proteus Airlines, Flandre Air, Regional Airlines et Brit Air, les trois premières compagnies ayant été fusionnées en avril 2001 sous le nom de Regional - CAE (compagnie aérienne européenne).

Ces rachats ont consolidé les accords de franchise qu'Air France avait conclus en 1997-1998 avec ces compagnies, et se sont accompagnés du renforcement de plusieurs plate-formes régionales (pour l'essentiel, Lyon, Clermont-Ferrand, Bordeaux et Marseille), qui permettent à la compagnie d'accroître le nombre de correspondances possibles entre les vols des compagnies du groupe Air France, afin de drainer une clientèle régionale supplémentaire vers les vols qu'elle effectue, améliorant ainsi leur rentabilité.

c) La constitution de l'alliance mondiale « Skyteam »

Air France a constitué, avec quelques années de retard sur ses principaux concurrents européens, une alliance aérienne globale baptisée « Skyteam » avec pour partenaire majeur, la compagnie américaine Delta Air Lines.

L'alliance a été créé par un accord exclusif signé le 22 juin 2000 par Air France, Delta Air Lines, Aeromexico et Korean Air. Deux nouveaux membres, la compagnie tchèque CSA et Alitalia, ont ensuite intégré cette alliance. L'alliance Skyteam a obtenu le 18 janvier 2002 du département américain des transports l'approbation de sa demande d'immunité antitrust, ce qui permet aux compagnies membres d'approfondir leurs accords de coopération commerciale, et de mettre en oeuvre une collaboration plus étroite sur leurs réseaux transatlantiques.

L'alliance Skyteam permet à Air France d'étendre son réseau et ses possibilités de commercialisation sans qu'il lui soit nécessaire de mettre en oeuvre des moyens supplémentaires. Ainsi, la coopération avec la compagnie américaine Delta Air Lines permet à Air France de desservir plus d'une centaine de lignes au départ de l'aéroport de Roissy Charles de Gaulle, en plus des villes desservies en propre par la compagnie.

L'alliance Skyteam représente un trafic de 204 millions de passagers transportés annuellement, une flotte de près de 1.200 avions et environ 170.000 salariés. Avec environ 7.000 vols quotidiens, l'alliance Skyteam dessert plus de 500 destinations dans plus d'une centaine de pays.

L'alliance Skyteam pourrait se développer à l'avenir, notamment avec l'intégration de la compagnie néerlandaise KLM et des compagnies américaines Northwest et Continental, qui fait l'objet de discussions depuis l'été 2002.

Les alliances visent à conquérir des parts de marchés au détriment des autres alliances et des compagnies non intégrée dans une alliance. Elles permettent d'accroître considérablement l'offre de transport aérien et de réaliser des économies d'échelle en terme de coût d'exploitation. Les modes de coopération les plus utilisés dans le cadre des alliances sont ceux du partage de code et de la fusion des programmes de fidélité.

d) La bonne résistance de la compagnie à la crise mondiale du transport aérien

Les attentats du 11 septembre 2001 ont fortement accentué la diminution du trafic aérien enregistrée au cours du premier semestre de l'année 2001, compte tenu de la dégradation de la situation économique mondiale. Cette diminution du trafic a fortement pesé sur les recettes des compagnies aériennes, qui ont été par ailleurs confrontées à une croissance de la fiscalité destinée à financer les mesures de sûreté, ainsi qu'à une hausse des tarifs des redevances, directement liée à la diminution du trafic. Les compagnies les plus fragiles financièrement, comme Swissair ou Sabena en Europe, n'ont pas résisté à cette situation.

En dépit d'aides massives de leur gouvernement, les compagnies aériennes américaines ont subi la plus importante crise financière de leur histoire, obligeant plusieurs d'entre elles (dont US Airways et United Airlines) à se placer sous la protection du chapitre 11 de la loi américaine sur les faillites.

Dans ce contexte de crise mondiale du secteur du transport aérien, Air France a mieux résisté à la crise que la plupart de ses concurrents. Cette bonne performance relative a essentiellement été obtenue grâce à la qualité de son « hub » à Roissy, à la structure de son réseau, moins dépendant de l'évolution du marché entre l'Europe et l'Amérique du nord que British Airways, par exemple, ainsi qu'aux gains de part de marché obtenus sur les liaisons avec l'Afrique et l'Asie, et enfin, aux économies rendues possibles par le développement de son alliance stratégique « Skyteam » et par la modernisation de sa flotte.

Au cours de l'exercice 2001-2002, la compagnie Air France a réalisé, avec un résultat net de 153 millions d'euros, le seul résultat bénéficiaire en Europe et le troisième mondial parmi les compagnies aériennes, sans tenir compte des compagnies low cost . Par ailleurs, ses principaux ratios financiers montrent une situation financière saine et un endettement maîtrisé.

Les tableaux suivants permettent de comparer la situation d'Air France et celle des principales compagnies aériennes européennes et mondiales au cours de l'exercice 2001-2002.

La situation des principales compagnies aériennes européennes

2001-2002

Exercice

En millions d'euros

Groupe Air France
01/04/01
31/03/02

Rapport annuel de la compagnie

Groupe British Airways
01/04/01
31/03/02

Rapport annuel de la compagnie

Groupe KLM

01/04/01
31/03/02

Rapport annuel de la compagnie

Groupe Lufthansa

01/04/01
31/03/02

Rapport annuel
de la compagnie

Chiffre d'affaires

12.258

13.618

6.532

16.690

Résultat d'exploitation

235

- 180

- 94

- 316

Résultat net

153

- 232

- 156

- 633

Marge d'exploitation

1,9 %

- 1,3 %

- 1,4 %

- 1,9 %

Marge nette

1,2 %

- 1,7 %

- 2,4 %

- 3,8 %

Masse salariale

3.738

3.223

1.747

4.481

Masse salariale/CA

30 %

24 %

27 %

27 %

Source : Direction générale de l'aviation civile

La situation des principales compagnies aériennes américaines

2001-2002

Exercice

En millions d'euros

Groupe American *

01/01/01
31/12/01

Rapport annuel

Groupe United


01/01/01
31/12/01

Rapport annuel

Groupe Delta


01/01/01
31/12/01

Communiqué de la compagnie

Groupe Continental

01/01/01
31/12/01

Rapport annuel

Groupe Northwest

01/02/01
31/12/01

Rapport annuel

Chiffre d'affaires

21.182

18.026

15.503

10.018

11.064

Résultat d'exploitation

- 2.759

- 4.212

- 1.248

161

- 969

Résultat net

- 1.968

- 2.396

- 1.147

- 106

- 472

Marge d'exploitation

- 13,3 %

- 23,4 %

- 8,1 %

1,6 %

- 8,8 %

Marge nette

- 9,3 %

- 13,3 %

- 7,4 %

- 1,1 %

- 4,3 %

Masse salariale

8.972

7.908

6.840

3.374

4.427

Masse salariale/CA

42 %

44 %

44 %

34 %

40 %

* American + American eagle

Source : Direction générale de l'aviation civile

3. Une situation actuelle incertaine

a) L'évolution des titres Air France

Le graphique suivant, tiré du site internet d'Air France, montre l'évolution du cours de l'action Air France et des volumes de titre échangés au cours des deux dernières années.

D'après les informations recueillies auprès de la société Air France, aucun actionnaire ou groupe d'actionnaires autres que l'Etat ne détenait, au 31 mars 2002, directement ou indirectement, isolément ou conjointement ou de concert, plus de 5 % du capital ou des droits de vote. On notera que les actions détenues par les salariés sont logées à 93 % dans des fonds communs de placement d'entreprise.

Ventilation de l'actionnariat d'Air France

b) Le contexte général du transport aérien

Le transport aérien connaît un développement à long terme très soutenu, et supérieur à celui de tous les autres modes de transport, avec un taux de croissance annuel supérieur à 6 %, en moyenne, au cours des vingt dernières années. Le trafic dans les aéroports des 15 pays membres de l'Union européenne a quintuplé depuis 1970. Depuis 1990, l'Europe et l'Asie constituent les principales zones de croissance du transport aérien, avec un doublement du trafic au cours de la décennie 1990-2000. L'Amérique du nord a connu une croissance nettement inférieure de son trafic aérien sur la même période, avec une progression d'environ 50 %.

Cependant, la santé financière et la croissance du transport aérien sont très dépendantes des variations de la croissance mondiale (on observe en effet une corrélation très forte entre le rythme de la croissance mondiale et celui de la croissance du transport aérien), ainsi qu'à celles du prix du pétrole. Le transport aérien est également devenu particulièrement sensible à la situation géopolitique internationale. Jusqu'aux attentats du 11 septembre 2001, la seule véritable « récession » qu'avait connue le secteur du transport aérien était celle de 1991, lors de la guerre du Golfe. D'après les données de l'Organisation de l'Aviation Civile Internationale (OACI), le trafic passager avait, au cours de cette année, diminué de 2,7 %, et le trafic cargo, de 2 %. Par ailleurs, le taux de remplissage des appareils était passé de 68 % en 1990 à 66 % en 1991. Les compagnies aériennes internationales avaient, d'après l' International Air Transport Association (IATA), perdu 600 millions de dollars au cours de l'année 1991, et n'avaient renoué avec les profits qu'au cours de l'année 1994.

Il convient de souligner qu'en dépit d'une croissance importante, la rentabilité du secteur du transport aérien reste fragile, compte tenu de la faiblesse des marges réalisées par les compagnies, généralement de 1 % à 3 %. Le secteur du transport aérien se caractérise, à l'instar de l'ensemble des prestations de service, par une main d'oeuvre très importante, mais aussi par des coûts fixes très élevés, compte tenu notamment du coût des avions. L'IATA soulignait dans un récent rapport qu'en 23 ans, les compagnies américaines n'avaient réalisé que 6 milliards de dollars de profit, soit une moyenne annuelle d'environ 260 millions d'euros 4 ( * ) .

* 1 On rappellera que, suite à la guerre du Golfe, Air France avait été contrainte de prendre des mesures de chômage partiel, présentées alors comme sans précédent dans son histoire.

* 2 Rapport de la commission de contrôle, n° 330, seconde session ordinaire de 1990-1991.

* 3 La part du capital de 54 % détenue par l'Etat résulte de l'ouverture du capital, mais également de la dilution du capital (création d'actions nouvelles liée à l'exercice de bons de souscription d'actions et à la conversion d'obligations remboursables en action) et de la distribution d'actions gratuites aux salariés.

* 4 Cité dans « Transport aérien - Les nouveaux défis », sous la direction de Michel Combes, Jean-Marc Montserrat et Loîc Tribot La Spière, éditions Publisud, mai 2002.

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