EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Adopté en première lecture par l'Assemblée nationale les 10 et 11 juillet derniers, le projet de loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, composé à l'origine de trente-quatre articles, en comprend désormais cinquante-sept, répartis sous quatre titres.

Il a pour objet de renforcer les moyens mis à la disposition des pouvoirs publics pour lutter contre le phénomène de marginalisation de certaines catégories de populations, à commencer par celles vivant dans des zones urbaines dites « sensibles ».

A cette fin, le présent projet de loi s'ordonne, selon les termes mêmes de son exposé des motifs, autour de quatre axes principaux :

- la réduction des inégalités sociales et territoriales, par la mise en oeuvre de programmes d'action de l'Etat dans le cadre des zones urbaines sensibles ;

- la rénovation de l'habitat et du cadre de vie des quartiers faisant déjà l'objet de mesures au titre de la politique de la ville, grâce à la réalisation d'un programme national de rénovation urbaine et au renforcement des moyens d'intervention publique à l'égard des immeubles présentant des risques pour la sécurité de leurs occupants ;

- le soutien du développement économique et du développement de l'emploi dans les zones franches urbaines par l'extension du champ d'application des mesures actuellement prévues par la législation ;

- le renforcement de la lutte contre la marginalisation des ménages surendettés en leur permettant de bénéficier, sous certaines conditions, de l'effacement de leurs dettes non professionnelles.

Renvoyé, pour son examen au fond, à la commission des Affaires économiques , le présent projet de loi appelle , pour certaines de ses dispositions, un avis de votre commission des Lois , la commission des Affaires sociales et la commission des Finances se saisissant également pour avis de ce texte.

Comme elle l'avait fait dans le cadre de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 sur la solidarité et le renouvellement urbain, votre commission s'est saisie des dispositions concernant les immeubles collectifs et les copropriétés figurant au chapitre IV du titre premier du projet de loi instaurant divers dispositifs relatifs « à la sécurité dans les immeubles collectifs à usage d'habitation et aux copropriétés en difficulté » (articles 15 à 19). En outre, comme lors de l'examen de la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, votre commission s'est également saisie des dispositions relatives au traitement des situations de surendettement des ménages, figurant au titre III du projet de loi instituant notamment une « procédure de rétablissement personnel » au profit de particuliers surendettés à la situation financière définitivement obérée, emportant effacement de l'ensemble de leur passif (articles 27A à 28 quater ).

La commission des Affaires économiques a décidé de s'en remettre à l'analyse et à l'appréciation de votre commission des Lois pour les articles 16 (pouvoirs de l'administrateur provisoire de copropriété), 18 (cession ou concession d'immeubles expropriés pour cause d'utilité publique à la suite d'une déclaration d'un état de carence), 19 (octroi du bénéfice de l'aide juridictionnelle à certains syndicats de copropriétaires), ainsi que sur le titre III (procédure de rétablissement personnel).

I. LE PROJET DE LOI : UN ENSEMBLE DE MESURES DESTINÉES À LUTTER CONTRE LA MARGINALISATION D'UNE PARTIE DE LA POPULATION

A. LA NÉCESSITÉ D'UN NOUVEAU TRAIN DE MESURES DESTINÉES À RENFORCER LA LUTTE CONTRE LA MARGINALISATION

La marginalisation de certaines catégories de populations résulte de deux causes distinctes mais intrinsèquement liées : les conditions de logement et d'habitation ainsi que la situation de détresse financière de certains particuliers, confrontés au phénomène du surendettement.

1. La nécessité de renforcer les moyens de l'intervention publique en matière d'habitat

Notre législation comporte d'ores et déjà un certain nombre de dispositifs visant à assurer la sécurité des immeubles et permettant l'intervention des pouvoirs publics dans le but de restaurer les conditions d'habitat des occupants d'immeubles dégradés. Ces dispositifs apparaissent cependant insuffisants pour assurer les conditions d'un habitat et d'un cadre de vie décents dans certains immeubles bâtis.

Depuis longtemps, le code de la construction et de l'habitation prévoit un mécanisme permettant au maire de prendre les mesures qui s'imposent afin de préserver la sécurité publique lorsque cette dernière est menacée par des édifices menaçant ruine 1 ( * ) .

Le code de la santé publique comprend également un dispositif permettant l'intervention publique à l'égard des immeubles présentant un caractère insalubre . Il se traduit notamment par la possibilité pour le préfet de prendre, à l'issue d'une procédure spécifique, les mesures appropriées pour remédier à l'insalubrité des immeubles 2 ( * ) .

Plus récemment, la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbain a renforcé ces deux dispositifs traditionnels par l'insertion d'un article L. 123-3 dans le code de la construction et de l'habitation donnant compétence au maire pour enjoindre à l'exploitant d'un immeuble recevant du public à usage partiel ou total d'hébergement, de prendre des mesures de sauvegarde, afin de faire cesser une situation d'insécurité et, le cas échéant, pour procéder d'office aux travaux nécessaires pour remédier à la situation d'insécurité manifeste découlant de l'état de cet immeuble.

Toutefois, ces dispositifs ne permettent pas toujours d'assurer pleinement l'intervention des pouvoirs publics lorsque la condition des équipements communs au sein d'immeubles collectifs à usage d'habitation est telle que ses occupants peuvent craindre pour leur sécurité.

Or, une intervention est souvent indispensable et urgente pour certains immeubles « dégradés ».

Cette situation est particulièrement flagrante pour les immeubles collectifs à usage d'habitation soumis au régime de la copropriété , défini par la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis.

On dénombrait en effet près de 6.197.000 logements en copropriété et en immeubles collectifs en 1996. Ainsi, un rapport du Conseil économique et social de septembre 2002 soulignait le nombre croissant des copropriétés en difficultés et formulait certaines propositions afin de les sortir de leur situation. 3 ( * )

Ce rapport constatait notamment l'existence de copropriétés dites « dégradées », qui présentent « un état de gravité dans lequel la vie quotidienne est tout à fait affectée, confinant parfois au drame » 4 ( * ) . Une enquête nationale sur le logement, conduite par l'INSEE, relevait en 1996 que 6 % des copropriétés devaient faire face à des impayés de charges nombreux et importants et que pour 7,5 % d'entre elles, les prestations correspondant au fonctionnement courant ne pouvaient plus être assurées. De même, dans 6,5 % des copropriétés, les prestations essentielles pouvaient être assurées mais aucun travail d'entretien ne pouvait être effectué, faute de ressources suffisantes.

* 1 Voir les articles L. 511-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation.

* 2 Voir les articles L. 1331-28 et 1331-28-1 du code de la santé publique.

* 3 « Copropriétés en difficulté », rapport présenté par Mme Dominique Rastoll au nom de la section du cadre de vie du Conseil économique et social, adopté le 24 septembre 2002.

* 4 Ibid., p. II-15.

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