II. LE SECTEUR NUCLÉAIRE

Selon votre Commission, parmi les signes encourageants pour l'industrie nucléaire, on a remarqué, en février 2003, que la Suède a décidé de surseoir au démantèlement de sa centrale de Barsebäck, puis, en mai suivant, que les Suisses ont refusé, par référendum, d'abandonner le nucléaire, tandis que la Finlande a choisi de construire un nouveau réacteur.

Votre rapporteur ne saurait trop insister sur le fait que transparence et information des populations sont plus que jamais au coeur du débat sur la question nucléaire. Aussi, à titre personnel, il lui paraît très souhaitable que soit inscrit, dans les meilleurs délais, à l'ordre du jour du Parlement, le projet de loi relatif à la transparence et à la sécurité nucléaire présenté initialement par le précédent Gouvernement et repris par l'actuel.

A. LES ACTEURS DU SECTEUR NUCLÉAIRE

La puissance installée totale du parc électronucléaire d'EDF s'établit aujourd'hui à 63 130 MWe dont 30.770 MW pour les réacteurs « REP 900 », 26 370 MW pour les unités « REP 1300 » et 5.990 MW pour la technologie « N4 ». Le taux de disponibilité moyen de ces centrales a légèrement progressé, pour atteindre 82 % en 2002.

Votre rapporteur ne reviendra pas, dans le présent avis, sur la question de l'évolution du statut d'EDF et de GDF, considérant que les réserves très claires qu'il a émises dans son rapport sur le projet de loi de finances pour 2003 conservent toute leur actualité.

La principale question qui se pose désormais tient au renouvellement des centrales existantes , à l'horizon 2010 (la première tranche REP 900 ayant été mise en service en 1977). Selon l'Autorité de sûreté, une durée de vie de trente ans serait envisageable de façon générale sous réserve de la délivrance d'autorisations, au cas par cas.

La question est donc posée de la construction d'un modèle de réacteur de nouvelle génération « EPR » , issu de l'amélioration des réacteurs à eau sous pression actuels (notamment en termes de sûreté et de performances techniques, d'augmentation de la durée de vie, de la disponibilité et de l'optimisation du combustible). Une telle perspective est ouverte par le rapport de MM. Birraux et Bataille, députés, sur la durée de vie des centrales nucléaires et les nouveaux types de réacteurs que votre Commission des Affaires économiques a entendus, au cours d'une audition, au printemps 2003. Nos deux collègues estiment qu'« afin de disposer d'une garantie pour sa production d'électricité à l'horizon 2010-2015, la France doit engager sans délai la construction d'un démonstrateur tête de série EPR, dans la perspective de disposer, au moment de l'arrêt des premiers réacteurs REP du palier 900 MWe, d'un réacteur testé, prêt à être construit en série. Il appartiendra alors à l'industrie de prouver l'avenir et la compétitivité à long terme de l'EPR ». Votre Commission considère également que le temps est venu de choisir le réacteur EPR.

A titre personnel, pour votre rapporteur, il apparaît cependant nécessaire de considérer que la question de l'« EPR », « ne peut être tranchée, sans des compléments d'étude, allant au-delà des éléments fournis lors du débat national ». Sommairement, il souhaite souligner la position de ceux qui considèrent que nous approchons du cycle de fin de vie de plusieurs tranches de nucléaire et que l'EPR est indispensable pour assurer la transition avec les centrales de 4 e génération, opérationnelles à une date très éloignée, dans le temps, ... (2040-2050). Mais il veut rappeler, également, les arguments de ceux qui affirment que la durée de vie des centrales actuelles, peut être suffisamment prolongée, permettant ainsi d'aboutir directement à des centrales « génération 4 », sans en passer par l'EPR. Pour eux « l'EPR nous priverait du passage à des techniques plus avancées, résultant des recherches internationales en cours ». D'autres enfin, ne contestent pas l'EPR du fait de sa technologie, mais plutôt parce qu'« elle scellerait pour plusieurs décennies la poursuite du programme électronucléaire français » auquel ils s'opposent.

Pour 2004, les moyens financiers affectés aux programmes et recherches du Commissariat à l'énergie atomique (CEA) s'élèvent, à 1,502 Md€, contre 1,54 Md en 2003. Les ressources de l'établissement public se composent, d'une part, de la subvention civile accordée par l'État au titre des budgets de la Recherche et de l'Industrie, qui s'élève à 911,2 M€, dont 797 millions pour sur le titre IV (- 19 M€ par rapport au PLF 2003) et 114,2 millions pour le titre VI qui reste stable et, d'autre part, des ressources propres du CEA, issues des recherches qu'il mène pour l'industrie (soit 486 M€ en 2002, 480 millions en 2003 et 594 prévus pour 2004 13 ( * ) ).

Le CEA détient également 79 % des titres d' AREVA , filiale créée en 2001 dont les dividendes alimentent le fonds destiné au démantèlement des installations (soit 104 M€ pour 2002, cf. ci-dessous).

Dans la perspective de l'élargissement de l'Union européenne et eu égard à l'obsolescence constatée sur certaines centrales nucléaires des pays candidats à l'adhésion, votre rapporteur pour avis a interrogé le Gouvernement sur les engagements pris par les pays concernés pour assurer un niveau élevé de sécurité nucléaire et une protection de l'environnement . Il lui a été répondu qu'à l'occasion du Conseil européen d'Helsinki (décembre 1999), l'Union avait souscrit un objectif élevé de sécurité nucléaire et que la mise en oeuvre des recommandations du rapport élaboré en 2001 sur la sûreté nucléaire dans le contexte de l'élargissement faisait l'objet d'un suivi régulier reposant sur des missions d'experts des Etats membres et fixe, pour les centrales les moins sûres, des calendriers précis de démantèlement et de fermeture assortis d'un soutien financier de l'Union dans le cadre des négociations d'adhésion avec la Bulgarie, la Lituanie et la Slovaquie.

B. L'AVAL DU CYCLE NUCLÉAIRE

Le programme de démantèlement nucléaire

Le démantèlement par EDF des centrales du parc des réacteurs à eau pressurisée (REP) est prévu selon un « scénario de référence » en trois étapes courant sur 58 ans au total (démantèlement partiel au niveau 2 AIEA sur 7 ans environ, surveillance pendant 40 ans de l'installation, puis démantèlement final au niveau 3 pendant 8 ans). Son coût est estimé à 15 % du coût complet d'investissement, réévalué chaque année en fonction de l'indice des prix.

EDF procède, d'ores et déjà, au démantèlement de neuf réacteurs appartenant à des filières plus anciennes, et à celui de SUPERPHÉNIX. Du fait de l'entrée en vigueur, le 1 er janvier 2002, du règlement n° 2000-06 du Comité de la Réglementation Comptable relatif aux passifs, les exploitants d'installations nucléaires (EDF, AREVA et CEA), sont tenus d'inscrire dans leurs comptes la totalité des coûts de démantèlement sans compensation possible avec les actifs éventuellement attendus de tiers et sans étalement de cette charge dans le temps, ce qui conduit à majorer les provisions pour risques et charges et nécessite une contrepartie à l'actif, soit par l'intermédiaire « d'actifs de démantèlement », soit par l'intermédiaire de créances sur des tiers, si le démantèlement d'une installation est cofinancé par un partenaire industriel.

EDF constitue, depuis 1979, une provision pour démantèlement des centrales nucléaires (soit 12.276 M€ au 31 décembre 2002), et des provisions pour couvrir les charges futures engendrées pour le retraitement de son combustible usé et pour le stockage des déchets ultimes (16.371 M€ à la même date). La politique de constitution d'actifs dédiés (actions et d'obligations) au financement du coût du démantèlement se poursuit à hauteur de 0,3 G€ par an dans le cadre du contrat de groupe 2001-2003 entre l'Etat et EDF.

Au 31 décembre 2002, le montant provisionné par AREVA s'élevait à 12,3 Md€, (8,5 Md€ pour le démantèlement des installations nucléaires et 3,8 milliards pour la reprise des déchets), dont 4,254 Md€ seront à sa charge. Pour faire face à ces dépenses, sa filiale, COGEMA, a ouvert un portefeuille de titres, dont la valeur de marché atteignait 2.127 M€ à la clôture de l'exercice 2002.

Quant au CEA , il a créé un fonds dédié aux dépenses d'assainissement et de démantèlement de ses installations civiles pour faire face à des dépenses de démantèlement et de gestion des déchets dont le devis actualisé était estimé, fin 2002, à 7.854,6 Md€ dont 7.451,4 M€ sont provisionnés et 403,2 M€ constituent des engagements hors bilan.

Le recyclage des combustibles et le retraitement des déchets

Dans le domaine du recyclage des combustibles , la production commerciale de l'usine de fabrication de MOX exploitée par COGEMA à Cadarache, a été arrêtée en juillet 2003, car elle ne répondait plus aux exigences fixées par l'Autorité de Sûreté sur le risque sismique. Afin qu'une autre installation prenne son relais, une enquête publique a été menée au premier semestre de la même année pour accroître la capacité de l'usine MELOX.

La capacité française de retraitement des combustibles nucléaires usés est constituée par trois unités implantées à La Hague. COGEMA, qui exploite ces installations, a adapté les conditions d'utilisation de ces unités pour répondre aux évolutions de la nature des combustibles usés réceptionnés (notamment en raison de la hausse progressive des taux de combustion) sur le site et aux besoins de traitement d'autres types d'effluents ou de matières. C'est pourquoi les trois décrets autorisant la création des trois unités concernées ont été mis à jour, tandis qu'une procédure de révision des arrêtés autorisant les rejets d'effluents liquides et gazeux a été engagée. Les décrets publiés le 11 janvier 2003 ne modifient donc pas le régime juridique des déchets nucléaires radioactifs en France, mais encadrent plus précisément l'activité des unités de La Hague en fixant des limites précises et en prenant en compte l'évolution des combustibles usés depuis la publication des premiers décrets d'autorisation en 1981.

L'application de la loi du 30 décembre 1991

La loi n° 91-1381 du 30 décembre 1991 (articles L. 542-1 et suivants du code de l'environnement) a déterminé trois axes de diversification de la recherche relative à la gestion des déchets nucléaires : la séparation et la transmutation des éléments radioactifs à vie longue et le stockage dans des formations géologiques profondes dont est chargé le CEA, d'une part, et, d'autre part le conditionnement et l'entreposage de longue durée en surface qu'étudie l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA). Selon le 9 ème rapport de la commission nationale d'évaluation, publié en juin 2003, les études en cours devraient permettre de présenter au Parlement, en 2006, une gamme de solutions de gestion. D'après les éléments adressés à votre rapporteur pour avis, la situation se présente, pour chacun des axes de recherche, comme suit.

Dans le domaine de la séparation et à la transmutation des éléments radioactifs à vie longue :

- les programmes de séparation poussée , ont démontré la faisabilité, en laboratoire, d'un schéma de référence pour la séparation des principaux radionucléides qui pourrait être réalisée au plan technique, à l'horizon 2005 ;

- la faisabilité de la transmutation est démontrée et il est prévu de reprendre, en 2003, une phase expérimentale sur le réacteur de recherche PHENIX ;

- enfin les études sur le conditionnement des actinides mineurs ou de certains produits de fission à vie longue , en ont également démontré la faisabilité scientifique, sans que son coût soit chiffré.

En ce qui concerne le stockage dans des formations géologiques profondes , deuxième voie de recherche, des travaux ont été mené en site argileux qui ont permis d'atteindre la profondeur de - 250 mètres en juillet 2003, le laboratoire et les galeries d'expérimentations, se trouvant en moyenne à 450 m de profondeur. Les travaux en site granitique n'ont pas progressé depuis la remise d'un rapport établi par l'ANDRA en 2002 qui présente un bilan des acquis sur la conception d'un tel stockage, en vue de la remise, fin 2005, d'un second rapport de cet organisme. Selon les informations transmises à votre Commission, « la richesse des données déjà obtenues dans le domaine argileux et les premières constatations issues du « Dossier Argile 2001 » de l'ANDRA permettent d'envisager la tenue d'un rendez-vous parlementaire » en 2006 comme le prévoit la loi de 1991.

Les recherches relatives à l'entreposage de longue durée en surface se poursuivent au CEA où les premiers conteneurs prototypes ont été réalisés en 2002, outre la création d'un centre d'étude sur le conditionnement et l'entreposage des déchets radioactifs, à Marcoule.

* 13 L'Institut de protection et de sûreté nucléaire (IPSN) étant constitué, depuis la loi de finances initiale pour 2000, sous la forme d'un établissement public distinct du CEA, ses crédits figurent au budget du Ministère de l'écologie et du développement durable.

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