D. LES INSTITUTS ET CENTRES DE RECHERCHE A L'ÉTRANGER : DES PÔLES D'EXCELLENCE À VALORISER

Les travaux en sciences sociales et humaines, qui sont -ou ont été ?- un des points forts de la recherche française, sont effectués, au sein de la DGCID, par un réseau de 25 instituts et centres de recherche à l'étranger, de 2 collèges universitaires en Russie, ainsi que grâce à l'envoi de missions ponctuelles de chercheurs.

La mission de ce réseau est de contribuer au développement de nos connaissances sur les sociétés contemporaines de régions encore peu ou mal étudiées en France, et susceptibles de jouer un rôle dans les équilibres politiques, économiques et culturels de la planète.

Cette mission est particulièrement d'actualité aujourd'hui, car l'instabilité globale constatée dans les relations internationales requiert de meilleures connaissances sur des ensembles politiques et humains qui se déterminent, de façon croissante, selon des valeurs opposées à celles en vigueur dans les démocraties occidentales.

Le ministère des affaires étrangères n'a pas vocation à conduire seul ces activités, il lui appartient de fournir un cadre à la recherche , et de faire valoir sa compétence propre dès qu'il s'agit d'organiser, ou d'animer l'action de l'Etat à l'étranger, dans une démarche de coopération. Ces centres, multidisciplinaires, développent donc leurs programmes avec des partenaires locaux et internationaux, et offrent un accueil aux chercheurs européens, en s'efforçant de bénéficier de programmes de l'Union européenne.

Ce réseau s'est progressivement constitué, à partir d'initiatives individuelles, puis, après 1945, avec la volonté d'accroître les études pluridisciplinaires sur des sociétés contemporaines complexes.

Les principales étapes de la constitution de ce réseau sont les suivantes :

1922 : Institut Français d'Etudes Arabes de Damas

1924 : Maison Franco-Japonaise de Tokyo créée sur l'initiative de Paul Claudel, alors ambassadeur de France au Japon

1930 : Institut Français d'Etudes Anatoliennes (IFEA)

1946 : Institut Français d'Archéologie du Proche-Orient (IFAPO) à Beyrouth, avec deux antennes à Damas et Amman

1947 : Institut Français d'Archéologie de Téhéran (IFRI)

1948 : Institut Français d'Etudes Andines de Lima (IFEA), avec trois antennes, à Bogota, La Paz et Quito

1968 : Le Caire, Centre d'Etudes et de Documentation économique, Juridique et Sociale (CEDEJ)

1977 : Beyrouth, Centre d'Etudes et de Recherches sur le Moyen-Orient Contemporain (CERMOC)

1978 : Hong Kong, Centre d'Etudes Français sur la France Contemporaine (CEFC)

1980 : Nairobi, Institut Français de Recherche sur l'Afrique (IFRA)

1983 : Mexico, Centre Français d'Etudes Mexicaines et Centraméricaines (CEMCA)

1989 : New Delhi, Centre de Sciences Humaines (CSH)

1991 : Prague, Centre Français de Recherche en Sciences Sociales (CEFRES)

1992 : Berlin, Centre Marc Bloch (sciences sociales) ; Techkent, Institut Français d'Etudes sur l'Asie Centrale (IFEAC) ; Tunis, Institut de Recherche sur le Maghreb Contemporain (IRMC)

1994 : Johannesburg : Institut Français d'Afrique du Sud (IFAS)

1999 : Rabat, Centre d'Etudes en Sciences Humaines (CESHS) ; Bangkok, Institut de Recherche sur l'Asie du Sud-Est Contemporain (IRASEC)

2001 : Moscou, Centre franco-russe en sciences sociales et humaines

2003 : Institut Français du Proche-Orient (IFPO).

Pour renforcer les capacités interdisciplinaires de ces centres, un accord interministériel a été signé, le 5 décembre 2000, par les ministres des Affaires étrangères, de l'Education, et de la Recherche.

Depuis cette date, ces ministères sont associés avec le CNRS, pour financer et définir l'orientation scientifique de ces centres.

L'application de l'accord du 5 décembre 2000 se traduit par :

* le regroupement des centres du pourtour méditerranéen en quatre pôles géographiques :

- un pôle Turquie-Iran-Asie centrale

- un pôle Egypte-Soudan-Péninsule arabique

- un pôle Proche Orient

- un pôle Maghreb

* la création, le 1 er janvier 2003, d'un Institut Français du Proche-Orient (IFPO), réunissant le CERMOC, l'IFAPO et l'IFEAD, qui vise à renforcer la recherche française au Proche Orient.

* l'allocation de moyens humains et financiers par les ministères partenaires, comme l'affectation de chercheurs du CNRS, ou le financement partage des bourses.

* l'évolution de ces centres vers le statut d'unités associées au CNRS.

Les postes diplomatiques implantés dans les mêmes pays que ces centres souhaiteraient les voir contribuer à leur activité et leur documentation par la fourniture de notes ponctuelles entrant dans leur domaine de compétence. Cette nécessaire complémentarité semble loin d'être acquise, ce qui ne peut qu'accentuer l'insuffisant financement dont pâtit ce réseau scientifique de qualité. Certes, le chercheur travaille selon un calendrier différent de celui du diplomate, et est légitimement soucieux de son indépendance. Cependant, le ministère des affaires étrangères qui soutient et finance son activité souhaite, tout aussi légitimement, qu'elle soit valorisée au profit de nos postes diplomatiques.

Parmi ces thèmes d'études retenus par ces centres, on peut citer :

Beyrouth - Centre de Recherche sur le Moyen-Orient Contemporain (CERMOC)

Champ de recherche : « Etats et sociétés du Moyen-Orient contemporain (Liban, Syrie, Cisjordanie et Gaza, Jordanie, Irak). Logiques de ruptures et logiques de paix dans la recomposition des espaces, des communautés et des pouvoirs ».

Delhi - Centre de Sciences Humaines (CSH)

Champ de recherche : « L'Inde contemporaine au sein de l'Asie du Sud : ordre et complexités dans la gestion des héritages face au défi de l'internationalisation ».

Johannesbourg - Institut Français d'Afrique du Sud (IFAS)

Champ de recherche : « Reconstruction de l'espace (ville, région, territoire) et des identités (politiques, sociales, historiques) en Afrique du Sud dans un contexte post-apartheid ».

Lima - Institut Français d'Etudes Andines (IFEA)

Champ de recherche : « Les pays andins : multiplicité des milieux naturels et des héritages historiques à l'épreuve du développement ».

Tokyo - Maison Franco-Japonaise (MFJ)

Champ de recherche : « L'intégration du Japon en Asie et dans le monde industrialisé : transformations «économiques, sociales et culturelles ».

Ces exemples illustrent l'apport de ces recherches à la connaissance du monde contemporain, ainsi que leur caractère transversal et multidisciplinaire.

Par ailleurs, deux projets d'universités françaises à l'étranger méritent d'être cités ; car c'est une forme de coopération universitaire que la France met trop peu en oeuvre. Galatasaray repose sur un large réseau d'écoles dont le prestigieux lycée du même nom.

L'Université Galatasaray d'Istanbul
Une université francophone pour relier l'Europe à l'Asie :

- créée en 1992 par un accord intergouvernemental franco-turc, l'Université Galatasaray, qui a ouvert ses portes en 1993, s'insère avec ses 2 000 étudiants dans le projet intégré qu'elle constitue avec le lycée de Galatasaray, lié à la France depuis 1868 et qui scolarise pour sa part 1 100 élèves.

- installée dans un ancien palais situé sur les rives du Bosphore, l'Université ouvre aujourd'hui de nouvelles perspectives pour la Turquie qui se destine à jouer un rôle clé dans la région. Son emplacement au pied du pont reliant l'Europe et l'Asie en est un symbole significatif.

- le réseau scolaire des 15 lycées turcs francophones, regroupant au total près de 10 000 élèves, a désormais la possibilité d'accéder en Turquie aux études supérieures francophones correspondant aux critères européens. Mais ces lycéens ne constituent que la moitié des 300 étudiants entrant, après une sélection sévère, à l'Université Galatasaray. L'autre moitié, issue des écoles turques ou anglophones, accroît chaque année le nombre des futurs cadres francophones du pays.

Aujourd'hui, les quelques mille diplômés des sept premières promotions de l'Université Galatasaray issus des facultés de Droit, de Sciences économiques et administratives, d'Ingénierie et de Technologie, de Communication, de Sciences et Lettres, occupent déjà des postes-clés sur le marché du travail, dans le secteur privé turc ou français et dans la haute fonction publique turque.

L'effort de la France sur ce projet-phare de la coopération est exceptionnel : avec notamment 33 postes d'enseignants sur l'Université et 30 sur le lycée, il est de l'ordre de 3 millions d'euros annuels depuis 10 ans.

L'université française d'Egypte est un premier pas vers la création d'un pôle universitaire en français au Caire, qui constituera un débouché pour les lycéens égyptiens où une partie de l'enseignement est donnée en français (anciens lycées de la Mission laïque nationalisés).

L'Université Française d'Egypte est une université égyptienne privée (sans but lucratif) reposant sur un partenariat fort avec des universités et institutions supérieures françaises. Elle a ouvert ses portes en octobre 2002.

Trois facultés fonctionnent aujourd'hui qui rassemblent 109 étudiants :

- une faculté de gestion et systèmes d'information en partenariat avec l'université Paris IX Dauphine (71 étudiants : 38 en 2003, 33 en 2002),

- une faculté de langues appliqués, en partenariat avec l'université Paris III Sorbonne nouvelle (19 étudiants : 13 en 2003, 6 en 2002),

- une faculté d'ingénierie qui a débuté en octobre 2003, en partenariat avec un consortium composé de l'Institut National Polytechnique de Grenoble,  l'Ecole Nationale Supérieure des Télécommunications, l'Ecole Nationale des Arts et Métiers, l'Ecole nationale des ponts et chaussées et le lycée Louis le Grand (20 étudiants ont intégré cette faculté).

Malgré le doublement du nombre d'étudiants inscrits en première année entre 2002 et 2003 (39 en 2002, 72 en 2003), les résultats sont en recul par rapport aux prévisions. Parmi les raisons invoquées, on doit signaler la diminution de près de 30 % du cours de la livre égyptienne par rapport à l'euro durant ces derniers mois, ainsi que l'ouverture, en octobre 2003, de l'université allemande du Caire, université privée de langue anglaise.

La présence en Egypte de plus de 60 établissements scolaires bilingues (français-arabe) qui totalisent environ 45 000 étudiants (2500 bacheliers chaque année) constitue néanmoins un facteur d'optimisme pour le futur de ce projet.

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