CHAPITRE III
DISPOSITIONS RELATIVES À LA PRÉSERVATION, À LA RESTAURATION ET À LA VALORISATION DES ZONES HUMIDES

ARTICLE 53

Exonération de taxe foncière sur les propriétés non bâties pour les zones humides

Commentaire : le présent article propose d'instaurer, dans le cas des zones humides, une exonération de 5 ans de taxe foncière sur les propriétés non bâties, décidée par le maire, sur proposition de la commission communale des impôts directs. Le taux de cette exonération serait de 50 % selon le droit commun, et de 100 % pour certaines zones.

I. L'EXONÉRATION PROPOSÉE PAR LE TEXTE INITIAL

A. UNE EXONÉRATION DE TAXE FONCIÈRE DE 50 % SUR LES PROPRIÉTÉS BON BÂTIES

Le présent article propose d'insérer dans le code général des impôts un article 1395 D, instaurant dans le cas des zones humides une exonération de 5 ans de taxe foncière sur les propriétés non bâties, à hauteur de 50 % selon le droit commun, et de 100 % dans le cas de certaines zones.

1. L'exonération de droit commun, de 50 %

Cette exonération concernerait la taxe foncière sur les propriétés non bâties perçue au profit des communes et de leurs établissements publics de coopération intercommunale.

a) Les zones concernées

(1) L'inscription sur une liste dressée par le maire

Les propriétés concernées devraient figurer sur une liste dressée par le maire, sur proposition de la commission communale des impôts directs.

A la suite d'une modification apportée par l'Assemblée nationale, le présent article prévoit en outre une obligation de communication par le maire à l'administration des impôts, avant le 1 er septembre de l'année qui précède l'année d'imposition, de la liste des parcelles bénéficiant de l'exonération ainsi que des modifications qui y sont apportées, la liste et les modifications étant affichées en mairie.

(2) L'obligation de satisfaire à deux conditions cumulatives

Seules pourraient bénéficier du dispositif les propriétés répondant, de manière cumulative , aux deux conditions suivantes :

- être classées dans les deuxième et sixième catégories définies à l'article 18 de l'instruction ministérielle du 31 décembre 1908, c'est-à-dire, respectivement, les « prés et prairies naturels, herbages et pâturages » et les « landes, pâtis, bruyères, marais, terres vaines et vagues, etc. » 110 ( * ) ;

- être situées dans les zones humides, définies à l'article L. 211-1 du code de l'environnement comme « les terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d'eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire », où « la végétation, quand elle existe, (...) est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l'année ».

b) Une exonération de cinq ans

L'exonération, renouvelable, serait applicable pendant cinq ans à compter de l'année qui suit celle de la signature de l'engagement et serait renouvelable.

c) Modalités de bénéfice de l'exonération

Afin d'éviter les « effets d'aubaine », la propriété devrait faire l'objet d'un engagement de gestion pendant cinq ans, portant notamment sur la préservation de l'avifaune et le non-retournement des parcelles.

Par ailleurs, le présent article prévoit l'obligation, pour le propriétaire, de fournir au service des impôts, avant le 1 er janvier de la première année au titre de laquelle l'exonération est applicable ou renouvelable, l'engagement souscrit pour les parcelles lui appartenant inscrites sur la liste dressée par le maire.

En cas d'inscription erronée sur la liste ou lorsque les conditions pour bénéficier de l'exonération ne sont pas respectées, les impositions en résultant seraient établies au profit de l'Etat dans les conditions prévues à l'article L. 173 du livre des procédures fiscales. En particulier, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de l'année suivant celle au titre de laquelle l'imposition est due.

2. L'exonération à 100 %

L'exonération serait portée à 100 % pour les propriétés non bâties situées dans certaines zones naturelles :

- celles faisant l'objet de prescriptions particulières, fixées par décret en Conseil d'Etat afin d'assurer la protection des principes mentionnés à l'article L. 211-1 (article L. 211-3) ;

- celles concernées par le conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres (articles L. 322-1 à L. 322-14) ;

- les parcs nationaux (articles L. 331-1 à L. 333-4) ;

- les zones inscrites sur la liste départementale des monuments naturels et des sites dont la conservation ou la préservation présente, au point de vue artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque, un intérêt général (articles L. 341-1 à L. 342-1) ;

- celles concernées par des mesures de conservation d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées (articles L. 411-1 à L. 411-7) ;

- les « sites Natura 2000 », qui comprennent les zones spéciales de conservation et les zones de protection spéciale 111 ( * ) (articles L. 414-1 à L. 414-7).

L'engagement de gestion pendant cinq ans porte sur le non-retournement des parcelles en cause et sur le respect des chartes et documents de gestion ou d'objectifs approuvés au titre des réglementations visées précédemment.

En cas de coexistence sur une même commune de parcelles pouvant bénéficier de l'exonération de 50 % et de l'exonération de 100 %, deux listes correspondant à chacune des exonérations applicables doivent être dressées par le maire sur proposition de la commission communale des impôts directs.

B. UNE EXONÉRATION COMPENSÉE PAR L'ETAT

Le présent article prévoit que l'Etat compense les pertes de recettes supportées, l'année précédente, par les communes et les EPCI à fiscalité propre.

Il précise que la compensation n'est pas applicable aux EPCI qui font application du II de l'article 1609 nonies C du code général des impôts, c'est-à-dire des EPCI percevant la taxe d'habitation et les taxes foncières.

Cette compensation serait égale au produit obtenu en multipliant, chaque année, et pour chaque commune ou EPCI à fiscalité propre, le montant des bases d'imposition exonérées de l'année précédente par le taux de la taxe foncière sur les propriétés non bâties de la même année.

Pour les communes qui appartiennent à un EPCI sans fiscalité propre, le taux voté par la commune serait majoré du taux appliqué au profit de l'EPCI.

III. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A l'initiative de sa commission des affaires économiques, l'Assemblée nationale a apporté deux modifications au présent article, avec l'avis favorable du gouvernement.

Tout d'abord, elle a adopté un amendement n° 267 supprimant la disposition selon laquelle les propriétés exonérées devaient être « en nature de prés ou landes », ce qui pouvait sembler redondant avec la référence aux deuxième et sixième catégories de l'instruction ministérielle précitée du 31 décembre 1908.

Ensuite, elle a adopté un amendement n° 268 rectifié, précisant que la liste des parcelles et les modifications qui y sont apportées font l'objet d'un affichage en mairie.

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. CORRIGER UN EFFET PERVERS DE L'ANCIENNETÉ DES VALEURS LOCATIVES CADASTRALES

L'exonération proposée par le présent article a pour objet de corriger un effet pervers de l'ancienneté des valeurs locatives cadastrales.

Les zones humides ont longtemps été les terres les plus productives, et donc les plus lourdement taxables. Cependant, la valeur locative est calculée, pour les propriétés non bâties, à partir des conditions du marché locatif de 1961. Aussi, selon les informations transmises à votre rapporteur pour avis, la valeur locative cadastrale des terrains situés en zone humide, en particulier de ceux en nature de prés ou de landes, serait trop élevée au regard de la valeur locative de ces terrains, telle qu'elle est aujourd'hui déterminée par le marché.

La suppression en 1993 des parts départementale et régionale de la taxe foncière sur les propriétés non bâties a permis de limiter cet inconvénient.

L'exonération facultative proposée par le présent article permettrait donc d'aller plus loin en ce sens.

B. LE PRÉSENT ARTICLE SATISFAIT À LA « DOCTRINE » DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES EN MATIÈRE D'EXONÉRATIONS DE FISCALITÉ LOCALE

Par ailleurs, le présent article satisfait au principe , exposé dans le rapport d'information précité présenté en 2003 par le président de votre commission des finances, notre collègue Jean Arthuis 112 ( * ) , que les exonérations de fiscalité locale décidées par les collectivités territoriales ne doivent pas être compensées.

Certes, l'exonération proposée par le présent article est subordonnée à la condition que la propriété non bâtie soit inscrite sur une liste dressée par le maire, qui n'a pas compétence liée. Cependant, cette liste étant dressée sur proposition de la commission communale des impôts directs, on peut considérer qu'en pratique, cette exonération sera automatique, sauf décision contraire du maire. On se trouve donc dans un cas de figure analogue à celui de l'exonération de taxe professionnelle en ZRR, qui existe sauf délibération contraire des collectivités territoriales concernées.

Décision de la commission : votre commission émet un avis favorable sur cet article.

* 110 L'Assemblée nationale a en effet supprimé la disposition selon laquelle les propriétés non concernées doivent être « en nature de prés ou landes ».

* 111 Les sites Natura 2000 font l'objet de mesures destinées à conserver ou à rétablir dans un état favorable à leur maintien à long terme les habitats naturels et les populations des espèces de faune et de flore sauvages qui ont justifié leur délimitation. Les sites Natura 2000 font également l'objet de mesures de prévention appropriées pour éviter la détérioration de ces mêmes habitats naturels et les perturbations de nature à affecter de façon significative ces mêmes espèces.

* 112 Rapport d'information n° 289 (2002-2003).

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