CHAPITRE PREMIER

L'URGENCE D'UNE RÉFORME STRUCTURELLE EN PROFONDEUR

I. UN DIAGNOSTIC PARTAGÉ

A. LE CONSTAT : UN DÉFICIT EXPONENTIEL DE L'ASSURANCE MALADIE

1. Une aggravation inquiétante des comptes sociaux due principalement à la dégradation sans précédent du solde de l'assurance maladie

a) L'accélération manifeste du déficit de l'assurance maladie depuis 2000

Force est de constater que la branche maladie du régime général de la sécurité sociale a été en constant déficit depuis le début des années 90. Toutefois la dégradation du solde de l'assurance maladie s'est accélérée depuis la fin de cette décennie : inférieur à un milliard d'euros en 1999, de l'ordre de 2 milliards d'euros en 2000 et 2001, le déficit de l'assurance maladie a augmenté de près de 4 milliards d'euros chaque année depuis 2002.

En outre, comme le soulignait le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale de mai 2003, si, il y a dix ans « la sécurité sociale était confrontée à une crise de recettes, aujourd'hui le problème porte à la fois sur les recettes, dont la progression est affectée par le ralentissement de la conjoncture, et sur les dépenses d'assurance maladie dont le rythme de croissance en volume est depuis 2001 plus élevé qu'il n'avait jamais été depuis plus de vingt ans. Une conséquence des évolutions contrastées des dépenses de maladie, de retraite et de famille, est que les soldes par branche font le grand écart. Au lieu d'être réparti entre elle comme c'était le cas il y a dix ans, le déficit se concentre aujourd'hui exclusivement sur l'assurance maladie ».

Evolution comparée du solde de la branche maladie
et des autres branches du régime général

(en milliards d'euros)

Source : commission des comptes de la sécurité sociale (juin 2004)

Aujourd'hui, c'est donc la dérive structurelle des dépenses d'assurance maladie qui est en cause . Au terme d'une accélération continue depuis 2000, ces dépenses ont, en outre, connu en 2002 et 2003 des augmentations particulièrement fortes où se sont d'ailleurs conjuguées les incidences simultanées de plusieurs facteurs : une croissance rapide de la consommation de soins, l'augmentation régulière du taux moyen de remboursement et la mise en oeuvre de mesures dont le coût financier a été très élevé (revalorisations tarifaires des professionnels de santé, réduction du temps de travail dans les établissements publics de santé notamment et plans de développement dans le secteur médico-social).

Il faut noter qu'en quatre ans, de 1999 à 2003, les dépenses d'assurance maladie auront augmenté de 26 % alors que sur la même période la progression du PIB s'est élevée à + 15,5 % seulement.

L'augmentation tendancielle du déficit annuel de l'assurance maladie depuis le début des années 90 atteste de son caractère éminemment structurel.

Le déficit tendanciel de l'assurance maladie depuis 1990

Une analyse de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) datant du mois de février 2004 a tenté d'évaluer le déficit tendanciel de l'assurance maladie depuis 1990, à savoir le montant du déficit obtenu en extrayant de la chronique des déficits constatés chaque année depuis 1990 leur composante conjoncturelle et en analysant leur composante structurelle au regard des nombreuses mesures de financement intervenues durant cette période.

Cette étude montre que le déficit tendanciel du régime général d'assurance maladie, avant toute mesure de financement, s'est creusé de 25 milliards d'euros entre 1990 et 2003, et plus encore de 2,8 milliards d'euros par an depuis 1998. Cette évolution annuelle du déficit tendanciel est celle qui correspond à une croissance tendancielle de l'économie française de l'ordre de 2,2 % en volume. En outre, si les mesures de financement nécessaires n'avaient pas été prises, la dette accumulée depuis 1990 avoisinerait aujourd'hui les 200 milliards d'euros . Les mesures de financement qui sont intervenues représentent, en montant cumulé, près de 160 milliards d'euros.

Cette dérive n'a pas été régulière durant cette période. Le déficit s'est stabilisé en 1991, a augmenté faiblement en 1994 et, surtout, s'est stabilisé à nouveau, durant deux ans, entre 1995 et 1997. En dehors de ces périodes d'accalmie, le déficit du régime général d'assurance maladie a progressé à un rythme rapide et régulier, et cette progression, un peu plus importante depuis 1998, est, sur les dernières années, de près de 3 milliards d'euros par an, soit environ 0,2 point de PIB, à taux de prélèvement et de croissance constant.

La CNAMTS note que la stabilisation du déficit durant les trois périodes précitées a résulté, notamment, d'une « modification des comportements des acteurs du système : durant ces périodes qui semblent avoir été tout à la fois des périodes de faible croissance économique et des moments de mobilisation collective autour de réformes qui apparaissaient urgentes en raison des déséquilibres financiers qui se faisaient jour, la consommation médicale et l'activité des professionnels de santé ont connu une période de décélération ».

Source : Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS)

Il convient en outre de noter que, même au plus fort de la croissance économique, l'assurance maladie n'a jamais renoué avec un solde positif et que le redressement des comptes du régime général intervenu entre 1996 et 2000 s'est accompagné du maintien d'un déficit de l'assurance maladie deux fois supérieur en 2000 à ce qu'il était en 1991. Le niveau actuel du déficit de l'assurance maladie interdit tout retour spontané à l'équilibre. Dès lors on ne peut que partager l'analyse de la commission des comptes de la sécurité sociale dans son rapport de septembre 2003 selon laquelle « la conjoncture économique, même si elle commence à s'améliorer en 2004, ne paraît guère susceptible de contribuer au redressement des comptes sociaux qui devrai donc s'appuyer sur des actions structurelles ».

b) Le déficit actuel : un niveau historiquement élevé

Comme le souligne la commission des comptes de la sécurité sociale dans son rapport de juin 2004, en 2004, « le déficit de la branche maladie dépasse de très loin les pires résultats antérieurs », et devrait s'établir à 12,9 milliards d'euros, niveau le plus haut jamais enregistré.

Le déficit de l'assurance maladie pèse lourdement sur les comptes sociaux

(en points du PIB)

Source : INSEE

Dès 2002, ce déficit avait atteint le point bas de 1995, soit plus de 6 milliards d'euros. Il a continué à se dégrader en 2003 pour atteindre 11,1 milliards d'euros, soit + 5 milliards d'euros en un an. Ce déficit pour 2003 représentait plus de 9 % des recettes totales de la branche maladie et plus d'un cinquième du déficit du budget de l'Etat prévu en loi de finances pour 2003.

Si le ralentissement notable des recettes en 2002 et 2003 a affecté toutes les branches du régime général de manière indifférenciée, la progression des dépenses d'assurance maladie a été sans commune mesure avec celle des dépenses des autres branches .

Il augmenterait encore en 2004, bien au-delà des prévisions gouvernementales contenues dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 et malgré les mesures d'économies mises en oeuvre par ce texte, puisqu'il se situerait, d'après les prévisions de la commission des comptes de la sécurité sociale, à 12,9 milliards d'euros, soit deux milliards d'euros de plus que les prévisions résultant du vote de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004.

En 2004, le déficit de l'assurance maladie représenterait l'équivalent de 10 % des dépenses de la branche, ce qui signifie que 10 % des dépenses, soit l'équivalent des remboursements de médicaments, ne sont pas financés par des ressources permanentes .

Comme le souligne fort justement la commission des comptes de la sécurité sociale, « la forte croissance de la masse salariale et donc des ressources de l'assurance maladie en 1999, 2000 et 2001, dans un contexte économique très favorable à l'emploi, a masqué la dérive structurelle des dépenses et retardé la prise de conscience de la gravité de la situation de l'assurance maladie. Celle-ci n'est finalement apparue au grand jour qu'en 2002, avec le retournement conjoncturel ».

Taux d'évolution des dépenses d'assurance maladie depuis 1997

(en %)

Evolution de

la masse salariale

Source : commission des comptes de la sécurité sociale (juin 2004)

c) Un élément incontournable de la dégradation des comptes publics dans leur ensemble

La dérive persistante des dépenses de santé et du déficit de l'assurance maladie constitue aujourd'hui un véritable enjeu budgétaire dans un contexte de recherche de réduction significative des déficits publics.

En effet, il convient ici de rappeler que la France, dans son programme de stabilité 2004-2006 transmis à la Commission européenne en décembre 2002, s'est engagé à infléchir de manière significative l'évolution de ses dépenses publiques, notamment de ses dépenses d'assurance maladie.

Progression annuelle moyenne des dépenses d'assurance maladie présentée dans le programme de stabilité 2004-2006

(en volume)

1998-2002

2003

2004-2006

3,8 %

3,8 %

2,5 %

Source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

Globalement, le solde des administrations de sécurité sociale a suivi les évolutions du déficit public, avec une dégradation marquée entre 1990 et 1995, un retour aux excédents entre 1999 et 2001 et une nette dégradation depuis. On peut rappeler ici que les administrations de sécurité sociale agrègent le régime général de la sécurité sociale, l'UNEDIC (assurance chômage), les régimes de retraite complémentaire, divers fonds spéciaux ainsi que les hôpitaux publics.

Le solde de la branche maladie est chaque année plus dégradé que celui des autres branches et depuis 1998, le déficit de l'assurance maladie a été, à lui seul, supérieur à celui de l'ensemble des comptes sociaux.

Les comptes des administrations publiques en 2003, publiés par l'INSEE au mois d'avril 2004, ont mis en évidence la détérioration particulièrement inquiétante des comptes des administrations de sécurité sociale, en raison notamment de la forte croissance des dépenses de santé.

Si la dégradation financière touche l'ensemble des administrations publiques, ce sont les administrations de sécurité sociale qui, en 2003, contribuent le plus à l'augmentation du déficit public . Leur besoin de financement s'élève à 11,1 milliards d'euros après 4,1 milliards d'euros en 2002. En raison d'un « effet de ciseaux », leurs recettes sont particulièrement sensibles à la conjoncture, alors que les prestations maladie et chômage croissent vivement. Il faut noter que la dégradation enregistrée entre 2002 et 2003, de 7 milliards d'euros, est du même ordre que celle, de 8,1 milliards d'euros, observée entre 2001 et 2002.

Capacité ou besoin de financement global des administrations de sécurité sociale

(en milliards d'euros)

2000

2001

2002

2003

7,2

4,0

- 4,1

- 11,1

Source : INSEE

L'aggravation du besoin de financement des administrations de sécurité sociale entre 2002 et 2003 résulte notamment du ralentissement de la progression des recettes (+ 3,1 % en 2003 après + 3,3 % en 2002), qui pâtissent de la conjoncture dégradée que les hausses des taux de cotisation ne compensent que partiellement.

La forte croissance des prestations de santé est la principale cause d'une progression toujours soutenue des dépenses des administrations de sécurité sociale (+ 5,1 % en 2003 après + 5,6 % en 2002) et de la détérioration du solde du régime général. En outre, malgré les mesures prises, le déficit des régimes d'assurance chômage ne se réduit que légèrement et atteint 4,2 milliards d'euros en 2003 après 4,6 milliards d'euros en 2002.

A l'inverse, les régimes de retraite complémentaire restent largement excédentaires, de près de 7 milliards d'euros. Enfin, en 2003, la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) a repris une dette de 1,3 milliard d'euros du Fonds de financement de la réforme des cotisations sociales (FOREC) vis-à-vis des régimes de sécurité sociale. Cette reprise de dette permet au FOREC de dégager une capacité de financement en 2003.

Capacité ou besoin de financement des administrations de sécurité sociale par type de régime

(en milliards d'euros)

 

2002

2003

Régime général

- 5,0

- 12,8

Régimes d'indemnisation du chômage

- 4,6

- 4,2

Fonds spéciaux (FSV, FOREC, FIVA...)

- 0,8

- 0,1

Régimes complémentaires

6,9

6,8

Autres régimes (régimes particuliers de salariés, non salariés, régimes agricoles)

- 0,1

- 0,6

Hôpitaux publics

- 0,4

- 0,2

Total des administrations de sécurité sociale

- 4,1

- 11,1

Source : INSEE (ces comptes reposent sur des évaluations provisoires, avant clôture des comptes des organismes)

En outre, les perspectives économiques du gouvernement pour 2004/2005 publiées au mois de mars 2004 mettent en évidence la persistance du déficit des administrations de sécurité sociale en 2004 et 2005 , avec toutefois une nette amélioration du solde prévue pour 2005.

Solde des administrations de sécurité sociale

(en points de PIB)

2001

2002

2003

2004

2005

0,3

- 0,3

- 0,6

- 0,4

- 0,1

Source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

La persistance d'un déficit de la branche maladie et d'une forte hausse des dépenses de santé sont un des éléments importants expliquant la dégradation continue des comptes publics français.

Une autre approche, en terme de solde budgétaire structurel, permet de confirmer ce point. En effet, le solde budgétaire structurel correspond au solde qui serait réalisé si le PIB était à son niveau potentiel 1 ( * ) . A poids des prélèvements fiscaux et sociaux inchangé, le ratio déficit structurel/PIB se réduit, si la hausse des dépenses publiques est inférieure à celle du PIB potentiel. Or, sur les dernières années, la hausse des dépenses de l'Etat a été relativement modérée, 2 à 3 % en valeur en moyenne, en deçà de la croissance potentielle. La dégradation du déficit structurel est donc en partie imputable à la forte progression des autres dépenses, et plus particulièrement des dépenses de santé.

Une réforme de l'assurance maladie permettant d'établir une maîtrise durable des dépenses de santé apparaît donc indispensable. C'est à cette condition que le déficit structurel des administrations publiques sera significativement réduit et que les comptes publics pourront à nouveau respecter les critères européens.

Enfin, il faut noter, entre 2002 et 2003, un quasi doublement du montant de la dette des administrations de sécurité sociale au sens du traité de Maastricht .

Montant de la dette des administrations de sécurité sociale depuis 2000

(en millions d'euros)

 

2000

2001

2002

2003

Administrations de sécurité sociale (ASSO)

12.494

13.060

16.151

31.351

Total des administrations publiques (APU)

812.116

838.707

897.474

992.051

Part de la dette des ASSO dans le total des APU

1,54 %

1,6 %

1,8 %

3,16 %

Source : INSEE, Cour des comptes

2. Les facteurs explicatifs de cette dégradation

a) Une dégradation affectant tous les postes de dépenses de l'assurance maladie

Deux grandes masses de dépenses peuvent être identifiées au sein des dépenses d'assurance maladie : les dépenses de soins de ville et les dépenses des établissements de santé. Les dépenses de soins de ville se répartissent elles-mêmes en deux parties d'importance comparable : les dépenses d'honoraires (21,7 % du total des dépenses d'assurance maladie) et les autres soins de ville (25,4 % du total) dominés par les médicaments et les indemnités journalières. Les dépenses des établissements de santé sont, d'abord, celles des établissements publics ou participant au service public hospitalier. Elles constituent plus d'un tiers des dépenses globales de l'assurance maladie. Les autres catégories d'établissements sont les cliniques privées, les établissements pour enfants inadaptés ou adultes handicapés et les établissements pour personnes âgées.

D'abord concentrée sur les médicaments et les dispositifs médicaux, la dérive des dépenses s'est étendue aux honoraires et aux établissements entre 2001 et 2003. Dès lors, les dépenses qui augmentaient rapidement depuis 1997, notamment les médicaments, ont continué à progresser rapidement, tandis que celles qui évoluaient plus modérément, notamment les honoraires et les établissements, ont nettement accéléré depuis 2002 pour se rapprocher du rythme des précédentes.

Il convient toutefois de noter un point positif en 2004 : l'inflexion de la progression des dépenses d'assurance maladie, liée à la fin des effets des mesures qui avaient pesé sur l'évolution des dépenses en 2002 et 2003, à savoir les revalorisations tarifaires des professionnels de santé ainsi que le coût de la réduction du temps de travail dans les hôpitaux publics. D'après l'analyse de la commission des comptes de la sécurité sociale, on observe par ailleurs sur les premiers mois de 2004 un ralentissement de la croissance de l'activité des professionnels libéraux.

Hors incidence des revalorisations tarifaires des médecins et de la réduction du temps de travail dans les hôpitaux, la croissance tendancielle des dépenses d'assurance maladie reste toutefois aujourd'hui sur un rythme de l'ordre de 5,5 % par an. Les ressources, quant à elles, augmentent à un rythme tendanciel proche de celui de la masse salariale, de l'ordre de 4 %.

Evolution des composantes de l'ONDAM

 

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004 prévision

Soins de ville

5,7 %

4,4 %

6,6 %

7,8 %

7,8 %

7,5 %

4,3 %

Etablissements

2,5 %

2,5 %

3,0 %

4,2 %

6,4 %

5,2 %

4,7 %

Dont : hôpitaux

1,6 %

2,3 %

3,3 %

3,7 %

5,9 %

4,8 %

3,9 %

Cliniques privées

3,4 %

2,9 %

0,6 %

4,1 %

7,3 %

5,5 %

5,4 %

Médico-social

6,4 %

3,3 %

3,5 %

7,4 %

8,7 %

6,6 %

8,4 %

ONDAM

4,0 %

3,3 %

4,7 %

5,8 %

7,2 %

6,4 %

4,6 %

NB : par rapport aux chiffres publiés, ce tableau comporte une correction qui rattache à l'exercice 1999 des dépenses enregistrées comptablement en 2000.

Source : commission des comptes de la Sécurité sociale (juin 2004)

• La consommation des soins de ville a redémarré à la mi-1997 et reste depuis sur une tendance forte et régulière

La forte croissance des dépenses d'assurance maladie a d'abord été le fait des dépenses de soins de ville, avec une première inflexion à la hausse des volumes entre 1997 et 1999 (+ 5,4 %), puis une nouvelle accélération à partir de 1999 (+ 6,9 % par an en moyenne jusqu'en 2002). La forte progression des soins de ville de 2002 (+ 7,8 %) s'est poursuivie en 2003 à un rythme à peine moins soutenu et devrait s'établir d'après les prévisions de la commission des comptes de la sécurité sociale de juin 2004 à 7,5 %.

Au sein des soins de ville, la croissance des dépenses de médicaments est restée rapide malgré le développement des génériques. La part des génériques dans le répertoire atteignait plus de 50 % en 2004 contre 37 % en 2002. Ce développement sensible du générique ne suffit toutefois pas à endiguer l'effet de glissement de la consommation de médicaments mois chers vers des médicaments coûteux. Ce phénomène est le facteur principal de la croissance des dépenses de médicaments.

Les indemnités journalières conservent une croissance rapide malgré une décélération notable en 2003. Les indemnités journalières connaissent depuis 2000 des rythmes de croissance très élevés. On enregistre toutefois depuis 2003 un ralentissement de la croissance des indemnités journalières de courte durée. La croissance des indemnités journalières de longue durée reste sur une tendance forte, en raison notamment de l'arrivée à l'âge de 55 ans des générations du baby boom.

Enfin, au sein des dépenses de soins de ville, le rythme de croissance des honoraires médicaux a rattrapé celui des médicaments en 2002 et 2003, sous l'effet des mesures de revalorisation tarifaire. A la forte augmentation des dépenses en volume des soins de ville se sont ajoutées, depuis 2002, de fortes revalorisations d'honoraires des professions de santé libérale, pour un montant total de 1,7 milliard d'euros. Ainsi la croissance des honoraires remboursés par le régime général, qui était de 4,7 % en 2000, a atteint 7,7 % en 2002 et 7,3 % en 2003. En 2004, l'arrêt des effets des mesures tarifaires et une certaine modération de l'activité des professionnels libéraux contribuent au ralentissement des honoraires remboursés au premier trimestre.

D'après le rapport de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés sur l'exécution de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie en 2003, on note ainsi une réelle mais timide décélération des dépenses de soins de ville en 2003 due notamment à une décélération manifeste de postes de dépenses dont la croissance est traditionnellement forte : médicaments, biens médicaux et indemnités journalières. L'infléchissement des volumes est toutefois au maximum d'un point et demi par rapport aux taux de croissance des années 2000 et 2001. L'impact d'une telle décélération n'est donc pas à la hauteur des enjeux financiers et on peut estimer que l'année 2003 reste dans le prolongement des années 1997-2002.

En 2004, l'évolution tendancielle des soins de ville est estimée par la commission des comptes de la sécurité sociale à 6,7 %. Toutefois, compte tenu des mesures prévues par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 et du ralentissement observé au cours du premier semestre, l'hypothèse retenue par la commission des comptes est une augmentation des soins de ville de 4,3 %, représentant un dépassement de 500 millions d'euros par rapport à l'ONDAM.

• Les dépenses des établissements se sont accélérées en 2002 et 2003

Les versements aux établissements ont augmenté à un rythme relativement rapide en 2003, + 5,2 %, toutefois inférieur à la progression exceptionnellement forte de l'année 2002 (+ 6,4 %).

Plusieurs facteurs expliquent cette accélération. Les coûts liés à la mise en place de la réduction du temps de travail ont fortement pesé sur les hôpitaux. Les cliniques ont connu des revalorisations tarifaires significatives en même temps qu'une progression rapide de leur activité. Les dépenses médico-sociales se sont accélérées sous l'effet des plans de création de place en établissements pour handicapés et la médicalisation des établissements pour personnes âgées.

Le coût pour l'assurance maladie des mesures exceptionnelles intervenues depuis 2000

La mise en place de l'aménagement et de la réduction du temps de travail (ARTT) dans la fonction publique hospitalière doit s'accompagner de la création de 45.000 emplois personnels non médicaux et de 3.500 emplois médicaux (dont les postes correspondant à l'intégration des gardes dans le temps de travail) pour un coût de 1,9 milliard d'euros en année pleine. Les 45.000 emplois non médicaux se répartissent en 37.000 emplois dans le champ sanitaire et 8.000 emplois dans le champ médico-social. Compte tenu du temps nécessaire pour pourvoir les emplois créés, la mise en place de l'ARTT s'est accompagnée au cours des exercices 2002 et 2003 de l'introduction d'un compte épargne temps (CET) destiné à « stocker » les congés non utilisés et du paiement d'heures supplémentaires.

Au plan financier, le coût global prévisionnel de la création, échelonnée sur la période 2002-2005, des 34.600 emplois non médicaux (hors unités de soins longue durée) et des 3.500 emplois médicaux dans les établissements publics de santé s'élève à 1,624 milliard d'euros. Ce montant est porté à 1,865 milliard d'euros pour 45.000 emplois créés (hors médecins), si l'on tient compte des établissements sociaux et médico-sociaux publics.

Il convient d'y ajouter les crédits non pérennes consacrés au financement du CET, soit 1,256 milliard d'euros pour les établissements publics de santé (1,364 milliard d'euros si l'on ajoute les établissements sociaux et médicaux sociaux publics). Ces crédits sont destinés à financer, pour la période 2002-2004 pour les médecins et 2002-2003 pour les personnels non médicaux, les droits à congé non pris ou portés dans un CET du fait de l'étalement sur trois ans des créations d'emplois au titre de la réduction du temps de travail. Ce financement permettra aux établissements de remplacer les agents qui utiliseront ces droits, qui représentent un volume de plus de 30.000 équivalents temps plein sur la période 2002-2004.

D'après le rapport de la Cour des comptes sur la sécurité sociale datant de septembre 2003, les conséquences financières de la réduction du temps de travail à l'hôpital sont évaluées pour 2004 et 2005 à, respectivement, 881 millions d'euros et 355 millions d'euros, ces coûts étant essentiellement liés au CET.

Au total, les protocoles hospitaliers signés en 2000 et 2001 et la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail majorent de près de 3,4 milliards d'euros les dépenses de l'ONDAM par rapport à 1999, avec le bénéfice de la création de 43.000 emplois.

En outre, la revalorisation des honoraires des généralistes en 2002 s'est traduite par un coût en année pleine de 690 millions d'euros.

L'effet net cumulé sur 2003 de l'ensemble des décisions publiques intervenues depuis 2000 en termes d'assurance maladie est de 5 à 5,5 milliards d'euros par rapport à 2000 d'après les calculs de la Cour des comptes. Ce montant mérite d'être rapproché des déficits des régimes obligatoires d'assurance maladie de 2002 (6,1 milliards d'euros) et 2003 (10,6 milliards d'euros) .

En 2004, les dépenses en établissement devraient augmenter de 4,7 %. Cette prévision correspond au respect des objectifs fixés dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 à l'exception des cliniques.

• La part des dépenses de santé remboursées par la sécurité sociale n'a cessé de croître depuis 1994

La croissance forte des volumes et les revalorisations tarifaires des honoraires se sont accompagnées d'une hausse continue du taux moyen de remboursement, malgré la baisse des taux de remboursement des médicaments à service médical rendu jugé faible ou modéré. Le taux moyen de prise en charge pour les soins de ville est ainsi passé de 77,7 % en 1994 à 79,7 % en 2003, augmentant encore de 0,2 point par rapport à 2002.

Cette croissance résulte de l'augmentation très forte des effectifs d'assurés en affection de longue durée (ALD), dont les dépenses sont exonérées de ticket modérateur. Sur les seuls soins de ville, le taux moyen de remboursement est près de 2 points plus élevé en 2003 qu'en 1994 ce qui représente un surcoût d'environ un milliard d'euros.

Evolution du taux moyen de prise en charge du régime général

Source : commission des comptes de la sécurité sociale (juin 2004)

b) Des facteurs conjoncturels

Le rapport de la Cour des comptes sur la sécurité sociale de septembre 2003 souligne l'existence de deux types de facteurs expliquant l'accélération régulière de l'évolution des dépenses d'assurance maladie : des facteurs structurels , d'une part - surprescription de médicaments, progression forte des dépenses d'indemnités journalières, accès croissant de certains assurés au bénéfice de l'affection de longue durée (qui concerne aujourd'hui six millions de personnes) - des facteurs plus conjoncturels , d'autre part, tels que certaines décisions récentes, qu'il s'agisse de la succession des protocoles hospitaliers ou des revalorisations substantielles d'honoraires qui ont accéléré les dépenses et dégradé les comptes.

S'agissant de l'impact de la croissance économique sur le déficit de l'assurance maladie, il convient de noter que « l'effet de ciseaux » entre le ralentissement des recettes affectées, d'une part, l'accélération de la croissance des dépenses, d'autre part, est particulièrement prégnant s'agissant de la branche maladie .

Comme le souligne le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale de juin 2004, « l'année 2003 a marqué l'effet de ciseau maximal entre les dépenses et les recettes du régime général, et donc la plus forte dégradation du solde. Elle a constitué le point le plus bas du cycle conjoncturel, avec une croissance du PIB de 0,5 % et surtout une augmentation nominale de la masse salariale limitée à 1,9 %, la plus faible depuis 1993, qui a pesé sur les recettes de cotisations et de CSG. Dans le même temps les dépenses d'assurance maladie continuaient d'augmenter à un rythme très rapide (6,4 %), à peine infléchi par rapport à 2002 (7,2 %) ».

La dégradation financière des comptes sociaux est due, dans une certaine mesure, au ralentissement conjoncturel ayant entraîné une moindre progression de la masse salariale du secteur privé en 2002 et, plus encore, en 2003, qui se caractérise par un ralentissement de la croissance de la masse salariale d'au moins un point par rapport à 2002. De même, la progression des produits liés aux revenus d'activité a été faible en 2003, de l'ordre de + 2,2 %.

Pour 2004, la prévision de la commission des comptes de la sécurité sociale repose sur l'hypothèse d'une progression de la masse salariale du secteur privé de l'ordre de + 2,9 %, incluant une reprise de la croissance des effectifs salariés en cours d'année. La progression des produits liés aux revenus d'activité devrait être de l'ordre de + 2,6 % en 2004, malgré l'accélération attendue de la masse salariale.

D'après les prévisions de la commission des comptes de la sécurité sociale, après prise en compte des autres recettes (impôts et taxes, transferts du Fonds de solidarité vieillesse (FSV)...), la progression de l'ensemble des produits du régime général serait de l'ordre de 3 % en 2004, soit un rythme proche de celui constaté en 2003 .

Au sein des charges, ce sont les prestations d'assurance maladie qui connaissent la croissance la plus rapide. Ainsi, les dépenses entrant dans le champ de l'ONDAM 2 ( * ) ont augmenté de + 6,4 % en 2003, à champ constant, après une augmentation de 7,2 % en 2002. La prévision annoncée pour 2004 repose sur l'hypothèse d'un ralentissement plus marqué : la croissance des dépenses du champ de l'ONDAM serait de 4,6 %, soit une nette décélération par rapport aux deux années précédentes.

Evolution des recettes et des dépenses par branche en 2003 et 2004

(en %)

0%

1%

2%

3%

4%

5%

6%

7%

8%

recettes

toutes

branches

maladie

AT-MP*

vieillesse

famille

2003

2004

* accidents du travail - maladies professionnelles

Source : commission des comptes de la sécurité sociale (juin 2004)

En outre, les années 2002-2003 ont du supporter l'impact de mesures financières exceptionnelles dont l'incidence a été simultanée :

- les créations d'emplois dans la fonction publique hospitalière liées aux programmes de santé publique et à la mise en place de la réduction du temps de travail s'ajoutant à des revalorisations salariales importantes négociées à partir de l'année 2000 dans le secteur public et à partir de l'année 2002 dans les cliniques ;

- les revalorisations tarifaires accordées aux professionnels de santé libéraux en 2002 et 2003 ;

- la montée en charge des plans de développement dans le secteur médico-social ;

- le transfert sur l'assurance maladie de charges financées antérieurement par le budget de l'Etat.

c) Des facteurs structurels plus profonds

La croissance des dépenses d'assurance maladie est une tendance lourde depuis plus de vingt ans, liée notamment à l'influence de facteurs structurels à l'oeuvre dans l'ensemble de nos sociétés modernes, tel le vieillissement de la population ou encore l'amélioration des techniques médicales.

Dans son rapport sur la sécurité sociale datant de septembre 2003, la Cour des comptes souligne que « l'écart de croissance entre le PIB et la consommation finale des ménages d'une part, les dépenses d'assurance maladie d'autre part, se creuse nettement en 2001 et 2002. L'écart annuel moyen de croissance entre PIB et dépenses d'assurance maladie est de 1,47 point entre 1990 et 2002 et de 3,1 points en 2001-2002. D'environ 15 points entre 1996 et 2000, l'écart cumulé passe de 20 points en 2001 à 28 points en 2002 ».

La consommation des soins a connu une augmentation rapide depuis 1997 : cette augmentation est liée à des facteurs structurels : le vieillissement de la population qui se traduit par une hausse du nombre de personnes âgées dont la consommation médicale est élevée ; corrélativement, l'épidémiologies des affections de longue durée (principalement les maladies cardio-vasculaires, les cancers, les troubles mentaux et la diabète) qui sont plus fréquentes avec l'âge mais dont le risque intrinsèque de survenue augmente également ; enfin, le progrès technique qui met à disposition des patients des traitements plus efficaces mais aussi plus coûteux.

D'après une étude réalisée par la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés publiée en juillet 2003 3 ( * ) , « aujourd'hui, le régime général consacre un peu plus de la moitié de ses dépenses de soins de ville (mais aussi de ses dépenses hospitalières) aux malades âgées de 55 ans et plus, et un peu moins d'un tiers (30 %) à ceux qui sont âgés de 70 ans au moins. Ces derniers représentent un peu plus de 10 % de la population totale. Bien que la consommation médicale croisse avec l'âge, la part que représentent les dépenses de ces personnes dans la dépense totale du régime général n'est pas encore très importante, pour une raison bien simple : au-delà de 70 ans, la mortalité devient forte et les effectifs des générations concernées commencent à diminuer sensiblement : à 70 ans, les probabilités de décès à un an sont aujourd'hui de l'ordre de 3 % pour les hommes et de 1 % pour les femmes et ces probabilités progressent évidemment en même temps que ces générations avancent en âge ».

La part des dépenses de soins de ville consacrées à des patients âgés

Lecture du graphique : 30 % des dépenses de soins de ville du régime général concernent des patients âgés de 70 ans au moins. Les personnes de ces âges représentaient 12 % de la population totale au 1 er janvier 2002.

Source : CNAMTS (juillet 2003)

En outre, une récente étude, publiée par le Comité de politique économique de l'Union européenne en novembre 2003, consacrée à l'évaluation de l'impact du vieillissement sur les finances publiques, révèle que, en moyenne, le vieillissement de la population conduira dans les Etats membres, d'ici à 2050, à une augmentation des dépenses publiques comprises entre 3 % et 7 % du PIB si aucune mesure correctrice n'est prise. Dans la plupart des Etats membres, cet impact budgétaire débutera dès 2010, les répercussions les plus importantes étant attendues entre 2010 et 2030.

En France, compte tenu du vote de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites, l'augmentation des dépenses publiques devrait être, malgré tout d'après ce rapport, de 2,4 % du PIB.

En outre, la croissance des dépenses de santé devrait se traduire, dans l'ensemble des Etats membres, par des augmentations de dépenses publiques comprises entre 1,5 % et 4 % du PIB.

Les études disponibles mesurant l'impact du vieillissement de la population sur l'évolution des dépenses de santé

Le vieillissement a aujourd'hui un coût : les dépenses de santé des plus de 60 ans sont trois fois plus élevées que celle des trentenaires et les personnes âgées de plus de 70 ans consomment 30 % des dépenses totales.

D'après une étude réalisée par la DREES 4 ( * ) , les facteurs démographiques seraient tendanciellement à l'origine d'environ 1 point par an de croissance des dépenses totales de santé en volume, dans la plupart des pays d'Europe occidentale. En outre, au sein de ces facteurs démographiques structurels, l'impact du vieillissement serait de l'ordre de 0,7 % par an sur la période 2000-2020 .

A l'avenir, la croissance du nombre de personnes âgées devrait induire une croissance des dépenses d'assurance maladie. Selon les projections démographiques publiées par l'INSEE en 2001, la France compterait en 2020 1,4 fois plus de personnes de 60 ans et plus, qu'en 2000, et 1,8 fois plus de personnes de 80 ans et plus, (3,2 fois plus en 2040). Ainsi en 2020, la France compterait 17 millions de personnes de 60 ans et plus et près de 4 millions de personnes de 80 ans et plus. A l'horizon 2040, il y aurait près de 7 millions de personnes de 80 ans et plus.

A cet égard, la DREES 5 ( * ) a réalisé des projections du nombre de personnes âgées dépendantes à l'horizon 2020 puis 2040 , afin d'appréhender les effets des évolutions démographiques futures en fonction de différents scénarii possibles d'évolution de la dépendance aux âges élevés.

A l'horizon 2040, le vieillissement de la population devrait conduire, dans les trois hypothèses, à une augmentation tendancielle du nombre de personnes âgées dépendantes de plus de 60 ans . Une première accélération aurait lieu à partir de 2010 et une seconde à partir de 2030. Sur la période 2000-2020, la hausse serait de l'ordre de 16 % dans le scénario optimiste, 25 % dans le scénario central et de 32 % dans le scénario pessimiste. Entre 2020 et 2040, le nombre de personnes âgées dépendantes augmenterait dans des proportions légèrement supérieures. Au total, sur les quarante années, l'augmentation serait de 35 % dans le scénario optimiste, 55 % dans le scénario central ou de 80 % dans le scénario pessimiste. Cette hausse serait en outre concentrée sur les 80 ans et plus .

La croissance tendancielle est également favorisée, d'après le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2003, par « la grande liberté dont l'ensemble des acteurs disposent dans le système de soins. Les gains potentiels du système de soins en termes d'efficacité sont sans doute très importants. On peut ainsi simplement rappeler que la France est selon l'OCDE le premier consommateur de médicament par habitant, au-delà même des Etats-Unis, sans que le bénéfice en termes de santé soit démontré ».

A l'augmentation de la consommation, s'ajoute une croissance régulière du taux moyen de remboursement : le nombre des assurés exonérés du ticket modérateur augmente très rapidement et celui des patients admis en « affection longue durée » ouvrant droit à l'exonération totale du ticket modérateur s'accroît d'environ 6 % par an. Au total, les dépenses relatives aux personnes exonérées du ticket modérateur représentent plus de la moitié des remboursements. Parallèlement au développement des exonérations de ticket modérateur, on constate une déformation générale de la consommation de soins au profit des soins les mieux pris en charge par l'assurance maladie , ce qui a tendance à augmenter le taux moyen de remboursement des soins. S'agissant des soins de ville, l'effet de cette seule amélioration tendancielle du taux de remboursement conduit à un surcoût pour l'assurance maladie de 350 millions d'euros en 2002.

3. L'insoutenabilité à moyen terme du déficit de l'assurance maladie

a) Pour la première fois depuis dix ans toutes les branches de la sécurité sociale seraient déficitaires en 2004

La dégradation financière de la branche maladie intervient dans un contexte de tension des comptes de la sécurité sociale qui ne permet plus aux autres branches de financer le déficit de l'assurance maladie.

Pour la première fois depuis 1994, les quatre branches du régime général de la sécurité sociale devraient être simultanément déficitaires en 2004. Le déficit du régime général reste concentré sur la branche maladie. Mais les résultats des autres branches se dégradent aussi à partir de 2003, sous l'effet de la conjoncture, de la hausse des prestations et des transferts .

En outre, il convient de noter que, d'après les dernières prévisions de la commission des comptes de la sécurité sociale, le solde global du régime général en 2004 devrait être dégradé de près de 3 milliards d'euros par rapport aux objectifs fixés en loi de financement de la sécurité sociale pour 2004, dont deux milliards d'euros sont imputables à la seule branche maladie.

Solde du régime général depuis 1990

(en milliards d'euros)

-16

-14

-12

-10

-8

-6

-4

-2

0

2

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

soldes en encaissements-décaissements jusqu'en 1998, en droits constatés à partir de 1999 - prévisions pour 2004

en milliards d'euros

Source : commission des comptes de la sécurité sociale (juin 2004)

Avec une dégradation de 6,7 milliards d'euros en un an, le solde du régime général a atteint - 10,2 milliards d'euros en 2003, un niveau similaire au point le plus bas enregistré au cours de la décennie 90. Le déficit devrait continuer de se creuser en 2004, pour atteindre 14 milliards d'euros, soit « le plus haut niveau jamais enregistré » .

b) Un solde de trésorerie inquiétant

Le déficit cumulé des organismes de sécurité sociale a contribué à dégrader la situation de trésorerie du compte de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) à la Caisse des dépôts et consignations (CDC). D'après les informations contenues dans le rapport de la Cour des comptes sur les résultats de l'exécution des lois de finances pour 2003, « en l'absence de toute mesure d'ajustement, le solde débiteur pourrait dépasser les 24 milliards d'euros à la fin de juin 2004 et excéder en fin d'année le plafond d'avance autorisé de 33 milliards d'euros. La transformation de tout ou partie de ce déficit en dette, par sa reprise par la CADES 6 ( * ) , allègerait la trésorerie de l'ACOSS, mais ne saurait remplacer des mesures de redressement indispensables pour réduire l'écart qui s'est creusé entre le niveau des recettes et celui des dépenses ».

Depuis 1990, les reprises de dette par l'Etat puis la CADES représentent près de 51 milliards d'euros. La dernière reprise de dette par la CADES avait été calculée en fonction du solde du compte de l'ACOSS auprès de la CDC au 31 décembre 1997, et l'avait replacé en situation positive de 2,5 milliards d'euros, au 1 er janvier 1998. A la fin de l'année 2003, le solde du compte de l'ACOSS était débiteur de 14 milliards d'euros.

En outre, le traitement du déficit crée deux types de dépenses :

- le remboursement des emprunts contractés par la CADES pour financer les reprises de dette. La CADES est financée par un prélèvement spécifique, la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS). Son rendement a été de 4,7 milliards d'euros en 2003 ;

- les frais financiers que l'ACOSS paie à la CDC : en 2003, l'ACOSS a payé environ 120 millions d'euros d'intérêt à la CDC. Le creusement du déficit en 2004 pourrait conduire à une charge d'intérêts de l'ordre de 500 millions d'euros.

Evolution du solde du compte de l'ACOSS, en fonction des variations annuelles de trésorerie et des reprises de dette

(en milliards d'euros)

Source : commission des comptes de la sécurité sociale (juin 2004)

c) Les scénarii du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie

Dans son rapport du 23 janvier 2004, le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie a établi trois scénarii d'évolution tendancielle du déficit de l'assurance maladie en fonction du taux de croissance de l'économie et du différentiel entre ce taux et le taux de croissance des dépenses d'assurance maladie (trois hypothèses d'écart de croissance ont été retenues : + 1%, + 1,5 % et + 2%).

Ainsi, en l'absence de mesures correctrices et en retenant un taux de croissance des dépenses d'assurance maladie supérieur de 1,5 % à celui du produit intérieur brut (PIB), l'accumulation des déficits (hors charges d'intérêt) représenterait plus de 260 milliards d'euros en 2013 et 640 milliards d'euros en 2020, soit 30 % du PIB. En retenant ces hypothèses, le déficit annuel de l'assurance maladie s'élèverait à 29 milliards d'euros en 2010 et à 66 milliards d'euros en 2020 (hors charges de la dette et en euros constants 2002).

Pour relever ce défi, le Haut Conseil, qui rappelle, dans son rapport du 24 janvier 2004, que l'assurance maladie constitue l'un de nos grands succès collectifs, écarte différentes options : le recours à un endettement massif pour couvrir la croissance des dépenses ; une solution consistant simplement à accroître les recettes, qui se traduirait par une augmentation importante des prélèvements obligatoires (un point de CSG supplémentaire tous les trois ans, soit un doublement d'ici 2020) et à un effet d'éviction massif au détriment des autres besoins collectifs ; une solution fondée exclusivement sur une baisse des remboursements (une diminution de plus de 20 points du taux de prise en charge), ce qui conduirait à remettre en cause les principes de solidarité et d'égalité ; enfin, une solution reposant sur un rationnement insidieux des soins, qui se ferait au détriment de leur qualité.

En outre, dans son rapport sur l'exécution de l'ONDAM 2003, publié en juillet 2004, la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés rappelle que :

« - à elle seule, la croissance économique ne sera pas suffisante : le rythme nécessaire pour engendrer des recettes permettant de couvrir un déficit progressant de 2,8 milliards d'euros par an serait de 2 points supérieur à la croissance potentielle (2,2 %) ;

« - l'augmentation des prélèvements, si elle peut s'avérer indispensable, ne serait toutefois pas une solution pérenne. A titre d'exemple, il faudrait, une fois le régime remis à l'équilibre, une hausse de 1 point de CSG tous les trois ans, pour ne pas, de nouveau, recommencer à accumuler du déficit. Symétriquement, la baisse des taux de remboursement qui serait nécessaire pour rééquilibrer le système serait incompatible avec le rôle social que joue l'assurance maladie ;

« - la dette enfin ne doit pas croître indéfiniment, le coût de la consommation actuelle ne pouvant être systématiquement rejeté sur les générations futures.

« Sans négliger aucun des paramètres mentionnés ci-dessus et notamment la fixation de recettes à un niveau suffisant, la garantie d'un équilibre financier durable de l'assurance maladie passe par une maîtrise dynamique des dépenses. Cette maîtrise implique deux actions d'envergure : la mobilisation des marges d'économies qui existent dans le système, la mise en oeuvre d'une nouvelle définition du périmètre de soins remboursables et sa gestion active ».

Votre rapporteur pour avis estime en effet que, à moyen terme, seules des mesures de régulation efficace des dépenses, aboutissant à de nouveaux comportements, individuels et collectifs, garantiront une maîtrise des déficits et une viabilité du système de santé .

* 1 Le PIB potentiel est le PIB résultant de l'utilisation des facteurs de production disponibles, sans générer de tensions inflationnistes. En France, sa croissance est estimée à 2,2 % en volume, soit environ 4 % en valeur.

* 2 Objectif national de dépenses d'assurance maladie.

* 3 Point de conjoncture n°15 - juillet 2003 : Le vieillissement de la population et son incidence sur l'évolution des dépenses de santé.

* 4 Direction de la recherche, des études et de l'évaluation statistiques (DREES) - Etudes et résultats n° 175, juin 2002, Comparaison internationale des dépenses de santé.

* 5 DREES - Etudes et résultats n° 160, février 2002, Personnes âgées dépendantes et aidants potentiels : une projection à l'horizon 2040.

* 6 Caisse d'amortissement de la dette sociale.

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