II. UN CONSENSUS AUTOUR DES PRINCIPES FÉDÉRATEURS

A. LA NÉCESSITÉ D'AGIR EN TENANT COMPTE DES RÉSULTATS DES PLANS DE REDRESSEMENT ANTÉRIEURS

1. Des plans successifs n'ayant pas permis un redressement pérenne

La réforme proposée aujourd'hui doit être appréciée à la lumière des tentatives précédentes de redressement de l'assurance maladie, qui n'ont pas permis d'atteindre un équilibre durable de notre système d'assurance maladie.

Comme le relève le rapport de la mission présidée par M. Jean Louis Debré, président de l'Assemblée nationale 9 ( * ) , « l'histoire de l'assurance maladie est devenue celle de ses plans de redressement financier. Du « plan Durafour » de 1975 au « plan Juppé » de 1995, ce sont pas moins d'une douzaine d'opérations de redressement comptable qui se sont succédé, sous toutes les majorités ».

Différents instruments ont ainsi été utilisés - blocage du budget des hôpitaux publics, contributions à la charge des laboratoires pharmaceutiques, hausse des prélèvements affectés à la sécurité sociale, augmentation du reste à charge pour les assurés, largement neutralisée par le recours aux assurances complémentaires, déremboursement de certains médicaments... Aucun de ces éléments n'a toutefois suffi à enrayer la progression des dépenses.

2. Vers une réforme des lois de financement de la sécurité sociale

En outre, on doit également s'interroger sur l'outil des lois de financement de la sécurité sociale. Si elles ont permis de mieux associer le Parlement au suivi du financement de la sécurité sociale, on ne peut que constater que les objectifs de dépenses qu'elles fixent, qui n'ont qu'un caractère indicatif, ont tous été dépassés depuis 1998, ce qui entame leur crédibilité et ce d'autant plus que, comme l'a déjà souligné votre rapporteur pour avis dans son rapport sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004, aucun projet de loi de financement rectificative n'a jusqu'à présent été présenté. C'est la raison pour laquelle le gouvernement devrait proposer au Parlement un projet de loi organique réformant les lois de financement de la sécurité sociale , qui proposerait notamment la fixation d'objectifs pluriannuels de dépenses, afin d'inciter à une meilleure gestion et de mieux prendre en compte la montée en charge, souvent progressive, des mécanismes de régulation des dépenses de santé. Cette réforme complètera la réforme de l'assurance maladie aujourd'hui présentée.

Même la reprise périodique des déficits, par l'Etat puis par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (cf. infra, la partie consacrée à la reprise de la dette et à l'allongement de la durée de vie de la CADES), n'a pas permis, ainsi qu'on l'a déjà constaté, d'atteindre un équilibre satisfaisant. La remarque de la Cour des comptes, dans son rapport sur les résultats de l'exécution des lois de finances pour 2003, prend à cet égard tout son sens. Elle notait en effet que la transformation de tout ou partie du déficit de l'assurance maladie « en dette, par sa reprise par la CADES, allègerait la trésorerie de l'ACOSS, mais ne saurait remplacer des mesures de redressement indispensables pour réduire l'écart qui s'est creusé entre le niveau des recettes et celui des dépenses ».

L'enjeu de la réforme qui nous est proposée consiste donc bien à trouver les solutions pour atteindre un équilibre durable de l'assurance maladie. Elle a été préparée par des travaux importants, au premier rang desquels figurent le rapport du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie et le rapport de la mission d'information précitée présidée par M. Jean-Louis Debré, président de l'Assemblée nationale.

La synthèse des observations du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie

Soixante ans après l'ordonnance du 4 octobre 1945, le constat s'impose : l'assurance malade constitue un de nos grands succès collectifs. En offrant un très large et égal accès aux soins, elle a joué, outre son rôle proprement sanitaire, une importante fonction de cohésion sociale. C'est aujourd'hui un de nos biens communs les plus précieux.

Or le niveau et la dynamique de ses dépenses (la part non couverte représente aujourd'hui plus d'un mois de consommation par an) la placent désormais en situation de grave difficulté. Jamais il n'a paru aussi indispensable, urgent et ardu d'en préserver l'avenir.

L'enjeu pourtant, dans cette période critique, n'est pas seulement de maintenir. C'est de comprendre qu'il est possible d'aller de l'avant, pour bâtir quelque chose de neuf et d'encore meilleur. Les difficultés qui se dressent devant le système d'assurance maladie - et qui ont, notamment, justifié la création du Haut conseil - représentent de véritables opportunités à saisir.

Deux orientations se dégagent en effet du diagnostic [du Haut conseil] :

Il faut d'abord, s'attacher résolument à améliorer le fonctionnement du système de soins et la coordination de ses acteurs. C'est là un changement important par rapport à la période où furent conçues les assurances sociales : l'assurance maladie ne peut plus se contenter d'être un simple dispositif de paiement pour des soins qui s'organiseraient tout seuls. Pour être efficaces, les politiques d'assurance maladie doivent nécessairement porter aussi, en concertation avec tous ses intervenants, sur l'organisation du système de soins.

Par ailleurs, sans remettre en cause l'universalité de la couverture, nous devons être capables de faire des choix. C'est l'autre changement important pour l'assurance maladie : l'offre de soins est infiniment plus riche et variée qu'autrefois, et la demande de biens médicaux croît sans cesse. Or tout ce qui est proposé n'est pas mettre à sur le même pied, tout n'a pas la même qualité, tout n'a pas la même pertinence pour bien soigner. Le système de financement s'épuiserait à vouloir couvrir sans aucun tri tout ce que les industries et profession de santé peuvent offrir. Plus grave encore, il épuiserait les possibilités de redistribution de la richesse collective sur beaucoup d'autres besoins sociaux essentiels. Ainsi que le souligne un rapport récent, l'existence d'un financement socialisé appelle un discernement et une optimisation dans l'emploi des fonds qui relèvent, en dernière analyse, d'une exigence éthique.

Or ces contraintes sont, en même temps, une chance pour la réforme qu'il faut conduire.

Structurer davantage le fonctionnement du système de soins, éprouver la qualité et l'utilité de ce que l'on rembourse, entrer dans des démarches exigeantes d'évaluation des pratiques et d'accréditation, c'est tout simplement mieux soigner. Consolider les régimes d'assurance maladie, il faut l'affirmer avec force, ce n'est pas simplement perpétuer le système en jouant sur les niveaux de prélèvement et de remboursement, mais offrir beaucoup mieux en termes d'étendue, de technicité et de professionnalisme des soins, en rappelant que le malade est le coeur du système de santé.

La hiérarchisation des priorités de financement va dans le même sens : c'est une exigence de justice, qui inscrit le redressement de l'assurance maladie dans un projet de société. Payer aveuglément n'importe quel traitement n'assure pas les meilleurs soins pour tous : cela aboutit plutôt, en pratique, à ce que l'excellence ne profite qu'à quelques uns. Pour être effectivement solidaire, l'assurance maladie doit notamment savoir faire des choix de qualité et d'efficience, aussi bien dans ce qu'elle rembourse que dans le niveau auquel elle prend en charge.

En définitive, ce qui est en jeu aujourd'hui n'est rien d'autre que de trouver un chemin de « développement durable » pour notre système de solidarité. Le développement durable n'est pas, on le sait, le refus de la croissance - en l'espèce, de la croissance des dépenses de santé - mais le refus d'une croissance dépourvue de sens, qui dilapide ses ressources et se détruit elle-même.

L'impérieuse remise en ordre des comptes doit servir d'élan. Le système peut être, demain, à la fois financièrement assaini et de meilleure qualité sanitaire, dès lors qu'il aurait trouvé un financement équitable et viable sur le long terme, qu'il aurait les outils de discernement du service rendu et s'en servirait effectivement, et enfin, - élément trop souvent sous-estimé - qu'il s'appuierait sur des institutions et, en leur sein, sur des responsables en mesure de rendre des comptes sur des missions claires, répondant aux priorités collectives.

Source : rapport du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie

Le Haut conseil appelle une réforme basée sur la qualité, conjuguant trois actions : tout d'abord, l'amélioration du système de soins et de la coordination des acteurs, ensuite, sans remettre en cause l'universalité de la couverture, la nécessité de faire des choix et de hiérarchiser les financements ; enfin, un ajustement des recettes pour combler le besoin de financement. Le Haut conseil attire en outre l'attention sur la nécessité d'une meilleure transparence des rapports financiers entre l'Etat et l'assurance maladie, qui contribuera à une clarification des missions et des moyens de chacun .

En concertation avec les acteurs concernés, le gouvernement a ainsi élaboré un projet de réforme qui reprend les orientations dressées par le Haut conseil et réaffirme les principes fondateurs de notre système d'assurance maladie.

* 9 L'assurance maladie : débat, questions, propositions pour une vraie réforme, rapport n° 1617, XIIème législature, juin 2004.

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