II. UNE ACTIVITÉ DES JURIDICTIONS TOUJOURS CARACTÉRISÉE PAR DES DÉLAIS DE JUGEMENT TROP LONGS

A. LES JURIDICTIONS JUDICIAIRES

1. Une activité judiciaire fortement contrainte par la pression des affaires nouvelles

a) Un encombrement persistant des juridictions civiles du premier degré mais une amélioration de la situation des cours d'appel

En 2003, le nombre des affaires nouvelles croît dans les tribunaux de grande instance (+ 3 %) mais connaît une stabilisation dans les tribunaux d'instance. Le volume des affaires terminées augmente également mais reste à un niveau inférieur au flux des entrées. Du fait de cette configuration peu favorable, les tribunaux de grande instance et les tribunaux d'instance ne parviennent toujours pas à inverser la tendance à la hausse des délais de jugement qui se dégradent légèrement (+ 0,1 mois dans chaque ordre de juridiction) pour s'établir respectivement à 9,5 mois et 4,9 mois .

Des progrès sont perceptibles toutefois dans les cours d'appel compte tenu de l'ampleur des moyens mis en oeuvre pour résorber l'encombrement chronique dont elles souffraient. Ainsi, en dépit de la hausse des affaires nouvelles pour la deuxième année consécutive, leur délai de jugement moyen s'établit à 16,1 mois en 2003 contre 17, 2 mois en 2002. 22 cours d'appel ont réussi à diminuer leur durée moyenne de traitement. La situation de la Cour de cassation paraît stabilisée , la durée moyenne de traitement des affaires qui s'élève à 24 mois accusant une baisse de 6 jours.

L'écart demeure cependant avec l'objectif ambitieux d'une réduction de la durée de traitement des affaires à 12 mois pour les cours d'appel, 6 mois pour les tribunaux de grande instance et 3 mois pour les tribunaux d'instance inscrit dans le programme quinquennal.

Les délais de traitement nécessaires à la résorption des stocks connaissent une évolution similaire. En voie d'amélioration pour les cours d'appel (14,9 en 2003 contre 15 en 2002), ceux-ci s'aggravent pour les tribunaux de grande instance (13,2 en 2003 contre 12,7 en 2002) et les tribunaux d'instance (10,55 en 2003 contre 10,48 en 2002).

b) Un taux de classement toujours trop élevé malgré des efforts pour amplifier la réponse pénale

En 2003 le nombre d'affaires « poursuivables » susceptibles de recevoir une réponse pénale, en progression constante (+ 2,7 % par rapport à 2002), s'est élevé à 1.386.500 sur 5.320.000 dossiers pénaux traités par les parquets (soit 27,7 %).

Bien qu'il demeure encore élevé, le taux de classement sans suite pour inopportunité des poursuites diminue notablement puisqu'il représente désormais un gros quart des affaires « poursuivables » (27,9 % contre 31,8 % en 2002). Comme le montre le graphique ci-après, les motifs de classement sont divers.

LES PRINCIPAUX MOTIFS DE CLASSEMENT SANS SUITE
DES AFFAIRES POURSUIVABLES

Source : ministère de la justice

Le taux de réponse pénale apportée à ces affaires progresse corrélativement, passant de 68,2 % en 2002 à 72,1 % en 2003. Celle-ci prend trois formes :

- la poursuite devant une juridiction de jugement ou d'instruction ; 654.513 procédures pénales ont donné lieu à des poursuites judiciaires, ce qui représente 47,2 % des affaires « poursuivables ». Pour la première fois depuis 1997, cette part est en hausse. Cette évolution s'explique en partie par l'extension à certains délits du champ d'application de la procédure de l'ordonnance pénale. Sous l'effet du traitement en temps réel des affaires, les modes de comparution rapide poursuivent leur progression : les convocations par officier de police judiciaire et les comparutions immédiates ont représenté 75 % des affaires en 2003 (contre 26 % seulement en 1990) ;

- le recours aux mesures alternatives aux poursuites ; de plus en plus fréquentes, ces procédures progressent fortement par rapport à 2002 (+ 14  %). Elles représentent 24 % des affaires « poursuivables ». Il existe plusieurs catégories de ce type de mesure : le rappel à la loi, procédure la plus utilisée (52 % des mesures alternatives), la réparation du dommage ou la disparition du trouble causé par l'infraction (13,4 % des procédures alternatives), l'injonction thérapeutique ou encore l'orientation vers une structure sanitaire et sociale (4,4 % des procédures) ;

- la mise en oeuvre de mesures de composition pénale 23 ( * ) ; il s'agit d'une nouvelle forme d'intervention du parquet applicable depuis 2001 qui monte en puissance ; on recense 14.788 compositions pénales réussies en 2003 (soit 1% des affaires poursuivables).

La durée moyenne des affaires pénales ayant atteint le stade du jugement, qui s'élève à 11,1 mois en 2002, enregistre une stabilisation par rapport à 2001.

En matière criminelle , le délai imputable à l'institution judiciaire - 32,5 mois dont 22,7 mois pour le déroulement de l'instruction et 9,8 mois pour le délai d'audiencement- augmente en 2002 par rapport à l'année précédente (30,9 mois). En 2003, le nombre de personnes jugées par les cours d'assises atteint un seuil encore inégalé (4.022 personnes), ce qui témoigne des efforts de productivité accomplis par les magistrats . Toutefois, compte tenu du fait que certaines personnes sont jugées deux fois depuis l'instauration d'un appel des jugements de cours d'assises prévu par la loi du 15 juin 2000 24 ( * ) , la hausse d'activité des magistrats ne s'est pas répercutée dans les mêmes proportions sur l'évacuation des affaires. En 2003, le stock d'affaires en attente d' « audiencement » devant les cours d'assises a progressé de 10 %, ce qui représente ainsi 2.162 affaires soit dix mois d'activité.

En matière correctionnelle , on observe une hausse d'activité de 4,9 % en 2002. Stable par rapport à 2001, le délai de traitement des affaires s'élève à 11,2 mois avec des différences toutefois selon la nature des contentieux : il s'allonge en matière de sécurité routière et diminue s'agissant de vols, de stupéfiants ou de police des étrangers.

En matière contraventionnelle , le délai de jugement des contraventions de cinquième classe a légèrement diminué en 2002, s'élevant à 9,1 mois .

Un récent sondage publié en novembre dernier 25 ( * ) a mis en évidence l'insatisfaction des Français à l'égard de la justice, la durée excessive des procédures cristallisant une grande part des critiques.

Dès son arrivée à la tête du ministère de la justice, M. Dominique Perben, garde des sceaux, a pris conscience de l'urgente nécessité de remédier à l'encombrement des juridictions préjudiciable à la qualité des décisions rendues. De nombreuses mesures ont été proposées pour désengorger les tribunaux dont les effets sont déjà perceptibles notamment dans les cours d'appel.

* 23 Qui permet au parquet de proposer à l'auteur des infractions d'exécuter une ou plusieurs mesures telles que le versement d'une amende de composition, la réalisation, au profit de la collectivité, d'un travail non rémunéré, l'accomplissement d'un stage ou d'une formation dans un organisme sanitaire, social ou d'un stage de citoyenneté.

* 24 En 2003, 553 appels ont été formés à l'encontre des jugements de première instance (soit un taux d'appel de 22 %, en baisse par rapport à 2002 - 23,8 %).

* 25 Sondage effectué pour le compte du Figaro magazine par l'institut TNS-SOFRES - Figaro magazine du 6 novembre 2004.

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