N° 362

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2004-2005

Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 31 mai 2005

Enregistré à la Présidence du Sénat le 1 er juin 2005

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi en faveur des petites et moyennes entreprises ,

Par Mme Catherine PROCACCIA,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, président ; MM. Alain Gournac, Louis Souvet, Gérard Dériot, Jean-Pierre Godefroy, Mmes Claire-Lise Campion, Valérie Létard, MM. Roland Muzeau, Bernard Seillier, vice-présidents ; MM. François Autain, Paul Blanc, Jean-Marc Juilhard, Mmes Anne-Marie Payet, Gisèle Printz, secrétaires ; Mme Jacqueline Alquier, MM. Jean-Paul Amoudry, Gilbert Barbier, Daniel Bernardet, Mme Brigitte Bout, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Mmes Isabelle Debré, Christiane Demontes, Sylvie Desmarescaux, M. Claude Domeizel, Mme Bernadette Dupont, MM. Michel Esneu, Jean-Claude Étienne, Guy Fischer, Jacques Gillot, Mmes Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Gélita Hoarau, Christiane Kammermann, MM. Serge Larcher, André Lardeux, Mme Raymonde Le Texier, MM. Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Roger Madec, Jean-Pierre Michel, Alain Milon, Georges Mouly, Jackie Pierre, Mmes Catherine Procaccia, Janine Rozier, Michèle San Vicente, Patricia Schillinger, M. Jacques Siffre, Mme Esther Sittler, MM. Jean-Marie Vanlerenberghe, Alain Vasselle, André Vézinhet.

Voir les numéros :

Sénat : 297, 333, 363, 364 (2004-2005)

Entreprises

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Ces dernières années ont démontré qu'en matière de création et de développement des entreprises, aucune politique ne peut se permettre de faire l'économie d'un accompagnement social des entrepreneurs. Il est, en effet, désormais acquis que l'accompagnement des porteurs de projets réduit de moitié les défaillances d'entreprises.

De la création à la transmission d'une entreprise, l'accompagnement a un double objectif : garantir aux nouveaux entrepreneurs un environnement favorable et permettre à ceux qui sont déjà installés d'assurer la pérennité de leur exploitation face à la concurrence ou, lorsqu'ils parviennent à la retraite, de transmettre leur entreprise dans des conditions optimales.

Bien sûr, le tout début du processus de création suppose l'intervention de l'esprit d'entreprise. Mais il ne suffit plus. Car, dans une époque marquée par des contraintes sociales importantes, la sensibilisation des entreprises au cadre juridique environnant est devenue indispensable. Avec l'évolution rapide des techniques de gestion, de vente ou de communication, la formation professionnelle continue devient un facteur décisif de stabilité et de compétitivité pour celles qui sont déjà installées.

Rendre possible la transmission d'entreprise dans de bonnes conditions est également devenu crucial pour la survie du tissu économique de notre pays : dans les dix prochaines années, 500.000 chefs d'entreprises partiront à la retraite, ce qui rend urgente la formation des actifs (apprentis, salariés ou demandeurs d'emploi) susceptibles de reprendre les entreprises individuelles et d'assurer le maintien des 2,5 millions d'emplois impliqués dans ce retournement démographique.

Ensuite, l'accompagnement social passe par la simplification des formalités sociales des entreprises, en particulier pour les plus petites. Or, les chefs d'entreprises individuelles sont souvent dans l'incapacité de pourvoir aux tâches administratives, fréquemment confiées à leur conjoint, véritable « travailleur de l'ombre » de l'exploitation, mais dont le statut précaire ne contribue pas à la reconnaissance.

Pour ceux qui ne parviennent pas, faute de temps, à faire face aux contraintes sociales, la complexité des formalités peut favoriser le recours au travail illégal, en particulier au travail dissimulé. A cet égard, la simplification administrative doit légitimement s'accompagner de la mise en place d'un arsenal de sanctions vis-à-vis de ceux qui contribuent au développement d'une économie souterraine et déloyale.

La place désormais importante accordée à l'accompagnement social dans l'entreprenariat justifie que votre commission des Affaires sociales ait souhaité se saisir, pour avis, d'une quinzaine d'articles du présent projet de loi, soumis en première lecture au Sénat.

Du reste, cette saisine pour avis constitue la suite logique de l'implication dont elle a fait preuve lors de l'examen des textes législatifs relatifs à la création d'entreprise : en témoigne notamment sa participation à la commission spéciale qui avait examiné la loi pour l'initiative économique du 1 er août 2003. Un an et demi après l'entrée en vigueur de cette loi, son bilan très positif a encouragé le Gouvernement à vouloir en amplifier les effets avec un projet de loi spécifiquement destiné aux petites et moyennes entreprises.

Il est également vrai que le succès de la loi pour l'initiative économique s'expliquant largement par son important volet social, le Gouvernement a choisi de doter le présent projet de loi d'un contenu social particulièrement riche, qui ne pouvait laisser votre commission indifférente. En conséquence, elle se propose d'examiner les dispositions suivantes :


la formation professionnelle des entrepreneurs (articles premier à 4) ;


la reconnaissance sociale des conjoints d'entrepreneurs (articles 10 et 12 à 14) ;


la simplification des formalités administratives et sociales des entreprises (article 46) ;


le développement de l'apprentissage (article 47) ;


la mise en place d'une convention forfait-jours pour certains salariés itinérants non-cadres (article 51) ;


la lutte contre le travail illégal (articles 48 à 50 et 52).

I. L'ACCOMPAGNEMENT SOCIAL, FACTEUR CLÉ DU DÉVELOPPEMENT DES PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES

A. L'ENTREPRENARIAT PEUT-IL DEVENIR UNE VALEUR SÛRE DE NOTRE PAYS ?

1. Un environnement et des idées reçues longtemps défavorables à l'entreprenariat

Notre pays est longtemps resté suspicieux à l'égard des porteurs de projets et des « patrons », d'une part, et frileux vis-à-vis du risque, d'autre part. Aujourd'hui encore, l'opinion ne retient que les difficultés rencontrées par les entrepreneurs, ce qui n'est pas de nature à donner aux jeunes le goût du risque et l'envie d'entreprendre.

En effet, l'entreprise et l'école restent deux mondes cloisonnés qui ne se parlent pas, comme l'a relevé le rapport annuel du Conseil national de la création d'entreprise en 2004. D'un côté, notre système éducatif, majoritairement tourné vers les enseignements académiques, laisse peu de place à la prise d'initiatives et n'incite pas au développement de l'esprit d'entreprendre. Si les patrons de petites et moyennes entreprises sont peu enviés par nos concitoyens en raison de leur charge de travail, les patrons de grands groupes ont, contrairement à la situation observée aux États-unis, une image déplorable auprès du grand public français. De l'autre côté, il est difficile de faire entrer le monde de l'entreprise dans les établissements scolaires, les enseignants étant déjà sollicités par la société civile sur d'autres actions de sensibilisation (santé, violences...).

Ce constat souligne la nécessité de valoriser la création d'entreprise par un discours public mobilisateur et d'accompagner, dans une démarche pédagogique, l'entreprenariat. Réhabiliter la prise de risques suppose, par conséquent, d'accorder aux entrepreneurs la reconnaissance et la confiance. Ce besoin est peut-être plus fort encore s'ils échouent car notre culture sous-estime encore trop souvent les vertus pédagogiques de l'échec. Dans ces conditions, il ne faut pas s'étonner que la majorité des nouveaux entrepreneurs soient issus d'un environnement entrepreneurial.

De même, les idées reçues persistent. Par exemple, la statistique, trop souvent avancée, selon laquelle une entreprise sur deux disparaît avant sa cinquième année, est non seulement de nature à dissuader les créateurs d'entreprise, comme d'ailleurs les établissements de crédit, mais surtout fausse. En réalité, comme l'ont souligné les études de l'INSEE, une entreprise sur deux reste bien en activité au-delà de sa cinquième année d'existence, mais 15 % seulement ont déposé leur bilan : la cessation des autres entreprises n'a pas eu nécessairement pour origine des difficultés économiques.

Devenir des créations d'entreprises après cinq ans d'activité

Source : INSEE (janvier 2005)

Du reste, parmi les créateurs ayant cessé leur activité, 43 % ont créé une autre entreprise (ou envisagent de le faire) dix-huit mois après la cessation. Seuls 27 % déclarent ne plus vouloir tenter l'aventure.

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