Avis n° 100 (2005-2006) de M. Jacques LEGENDRE , fait au nom de la commission des affaires culturelles, déposé le 24 novembre 2005

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N° 100

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2005-2006

Annexe au procès-verbal de la séance du 24 novembre 2005

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires culturelles (1) sur le projet de loi de finances pour 2006 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME II

AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT

Par M. Jacques LEGENDRE,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jacques Valade, président ; MM. Ambroise Dupont, Jacques Legendre, Serge Lagauche, Jean-Léonce Dupont, Ivan Renar, Michel Thiollière, vice-présidents ; MM. Alain Dufaut, Philippe Nachbar, Pierre Martin, David Assouline, Jean-Marc Todeschini, secrétaires ; M. Jean Besson, Mme Marie-Christine Blandin, MM. Jean-Marie Bockel, Yannick Bodin, Pierre Bordier, Louis de Broissia, Jean-Claude Carle, Gérard Collomb, Yves Dauge, Mme Annie David, MM. Christian Demuynck, Denis Detcheverry, Mme Muguette Dini, MM. Louis Duvernois, Jean-Paul Émin, Mme Françoise Férat, MM. François Fillon, Bernard Fournier, Hubert Haenel, Jean-François Humbert, Mme Christiane Hummel, MM. Soibahaddine Ibrahim, Alain Journet, André Labarrère, Philippe Labeyrie, Pierre Laffitte, Simon Loueckhote, Mme Lucienne Malovry, MM. Jean Louis Masson, Jean-Luc Mélenchon, Mme Colette Mélot, M. Jean-Luc Miraux, Mme Catherine Morin-Desailly, M. Bernard Murat, Mme Monique Papon, MM. Jean-François Picheral, Jack Ralite, Philippe Richert, René-Pierre Signé, André Vallet, Marcel Vidal, Jean-François Voguet.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 2540 , 2568 à 2573 et T.A. 499

Sénat : 98 et 99 (annexe n° 4 ) (2005-2006)

Lois de finances .

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La présentation des crédits consacrés à la francophonie constitue cette année un exercice nouveau : la loi organique relative aux lois de finances du 1 er août 2001 a substitué à une présentation des crédits par ministère une présentation des crédits par mission.

Cette nouvelle constitution financière doit permettre un meilleur contrôle de la dépense publique et de son efficacité. Toutefois, la façon dont elle a été appliquée aux crédits de la francophonie n'améliore pas la perception que nous pouvons avoir des moyens et des objectifs qui sont attribués à cette politique essentielle.

Celle-ci se traduit par un éparpillement des crédits consacrés à la défense de la langue française et à la promotion de la francophonie. A s'en tenir aux principaux ministères concernés - celui des affaires étrangères et celui de la culture et de la communication - ceux-ci sont en effet répartis entre au moins six actions rattachées à quatre programmes différents relevant eux même de trois missions distinctes.

Les crédits que le ministère des affaires étrangères consacre à la francophonie multilatérale proprement dite - c'est-à-dire aux opérateurs de la francophonie - sont éclatés entre deux missions distinctes : les crédits destinés à TV5, qui constitue le cinquième opérateur de la francophonie, figurent avec les autres crédits destinés à l'audiovisuel extérieur dans la mission « Action extérieure de l'Etat » ; en revanche, les crédits destinés, par l'intermédiaire du Fonds multilatéral unique, aux quatre autres opérateurs de la francophonie - l'Agence internationale de la francophonie, l'Agence universitaire de la francophonie, l'Association internationale des maires francophones et l'Université Senghor - sont, avec les enveloppes consacrées aux bourses de mobilité, rattachés à la mission interministérielle « Aide publique au développement ».

Ces modalités de rattachement sont critiquables, et pas seulement à cause de la dispersion artificielle qu'elles provoquent.

Le rattachement des crédits de la francophonie multilatérale à la mission « Aide publique au développement » témoigne, en effet, d'une conception dépassée qui place la francophonie dans l'orbite de la politique de coopération, alors que les sphères géographiques de ces deux politiques ne cessent de se disjoindre : les 56 pays « ayant le français en partage » réunis au sein de l'Organisation internationale de la francophonie (OIF) sont loin d'appartenir tous à la sphère des pays en voie de développement ; en sens inverse, la « zone de solidarité prioritaire » de notre politique de coopération s'est ouverte à de nombreux pays non francophones.

L'Afrique, et plus particulièrement l'Afrique francophone, a joué traditionnellement, et continuera de jouer un rôle important dans la défense internationale de notre langue. Mais, ce constat ne doit pas conduire à négliger les deux autres ensembles géographiques dont dépendra, aussi, à l'avenir, le statut international de notre langue : l'Europe et les institutions européennes, ainsi que les grands pays émergents que sont la Chine, l'Inde, le Brésil, le Mexique ou la Russie, qui sont susceptibles d'ouvrir de nouvelles frontières à la langue française.

Le rattachement des crédits de la francophonie multilatérale à la mission « Aide publique au développement » est d'autant plus regrettable qu'elle risque de contribuer à figer une organisation gouvernementale qui n'est plus adaptée.

La commission des affaires culturelles considère, depuis plusieurs années déjà, que la politique de rayonnement de notre langue est un des aspects fondamentaux de notre politique de promotion de la diversité culturelle, qui a rencontré un important succès avec l'adoption, le 20 octobre dernier, de la Convention de l'UNESCO sur la « protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles ». Son adoption, à une très large majorité, - par 148 voix contre 2 et 4 abstentions - témoigne de l'écho que rencontre aujourd'hui dans le monde notre combat en faveur de la diversité culturelle.

En conséquence, elle appelle de ses voeux la création d'un ministère délégué qui soit intégralement consacré à la francophonie et aux relations culturelles extérieures, audiovisuel extérieur compris.

I. LA FRANCOPHONIE DANS L'ORGANISATION GOUVERNE-MENTALE ET LA NOUVELLE ARCHITECTURE BUDGÉTAIRE

Plusieurs administrations concourent à la mise en oeuvre de la politique gouvernementale en faveur de la francophonie et de la diversité culturelle, au premier rang desquelles figurent celle du ministère des affaires étrangères, et celle du ministère de la culture et de la communication.

La variété des administrations qui concourent à la politique en faveur de notre langue n'est, en soit, pas condamnable, mais témoigne simplement de sa nature très transversale et interministérielle. Votre rapporteur pour avis a cependant toujours souhaité qu'une unité dans la conduite politique de l'action gouvernementale permette de surmonter les risques de dispersion inhérents à la multiplicité des administrations compétentes.

L'organisation gouvernementale actuelle, confortée par l'architecture de la nouvelle présentation de la loi de finances, ne va malheureusement pas dans le sens de ses recommandations.

A. LES DEUX PÔLES ADMINISTRATIFS DE L'ACTION GOUVERNEMENTALE

L'organisation gouvernementale de la francophonie s'articule entre deux pôles principaux, qui s'appuient chacun sur une administration différente.

La francophonie intérieure regroupe les actions qui concourent à la diffusion, à l'emploi et à l'enrichissement de la langue française, et en particulier à l'application de la « loi Toubon » relative à la langue française. Ces questions relèvent du champ de réflexion du Conseil supérieur de la langue française. Les missions qui s'y rapportent sont du ressort du ministère de la culture et de la communication , et plus particulièrement de la Délégation générale à la langue française et aux langues de France.

La francophonie extérieure comprend les actions qui tendent au rayonnement de la francophonie dans le monde. Elle s'attache à la politique de coopération avec les organismes internationaux à vocation francophone. Ces actions relèvent du ministère des affaires étrangères, qui délègue cette compétence au ministère délégué à la coopération, au développement et à la francophonie .

B. LA NÉCESSITÉ D'UN MINISTÈRE DÉLÉGUÉ CONSACRÉ ENTIÈREMENT À LA FRANCOPHONIE ET AUX RELATIONS CULTURELLES

Votre rapporteur a approuvé la réforme de 1998 qui, regroupant les administrations des affaires étrangères et de la coopération, a permis aux services français à l'étranger de ne plus relever que d'un seul ministère, estimant que la cohérence et la légitimité de leurs actions en sortiraient renforcées.

Cette réforme ne lui paraissait cependant pas suffisante en elle-même, et il a toujours souhaité que l'unification du ministère des affaires étrangères s'accompagne de la constitution d'un ministère délégué à la francophonie, regroupant tous les instruments concourant à la promotion de la langue française et à la défense de la diversité culturelle qui lui est conjointe.

Il regrette que le changement de Gouvernement n'ait pas été mis à profit pour promouvoir une organisation gouvernementale plus satisfaisante.

Il déplore qu'une fois de plus la coopération, le développement et la francophonie soient réunies dans un même ministère délégué.

Il souhaite rappeler que si, dans le passé, coopération et francophonie se sont souvent adressées aux mêmes pays, les deux sphères géographiques n'ont cessé, depuis, de se disjoindre : la francophonie intéresse de nombreux pays ou régions qui ne relèvent pas de notre politique de coopération ; en sens inverse, la « zone de solidarité prioritaire » de notre politique de coopération s'est ouverte à de nombreux pays non francophones. Il convient de prendre en compte ces deux évolutions dans notre organisation gouvernementale.

La réunion, au sein d'un même ministère, de ces deux compétences que le mouvement même de l'histoire invite à distinguer, se traduit, inévitablement, pourrait-on dire, par un déséquilibre dans l'attention qui leur est respectivement portée .

La rédaction du décret d'attribution du 26 juillet 2005 confirme d'ailleurs les appréhensions de votre rapporteur. Sur les cinq paragraphes que l'article premier consacre à la définition des attributions de la nouvelle ministre déléguée, un seul - l'avant-dernier - est consacré à la francophonie et à la coopération avec les organismes internationaux à vocation francophone.

Votre rapporteur rappelle que le rayonnement de notre langue et la promotion de la diversité culturelle constituent deux des axes principaux de la réponse que notre diplomatie apporte aux tenants de l'unilatéralisme et du « choc des cultures ». Il estime qu'il existe d'ailleurs une continuité de préoccupation entre la francophonie et les relations culturelles extérieures.

Aussi tient-il à réaffirmer, avec constance et fermeté, son souhait de voir la francophonie reconnue comme un axe à part entière de notre diplomatie, par la création d'un ministère délégué qui soit entièrement consacré à la francophonie et aux relations culturelles extérieures.

C. LA FRANCOPHONIE DANS LA NOUVELLE ARCHITECTURE BUDGÉTAIRE

La loi organique relative aux lois de finances du 1 er août 2001 a substitué à une présentation des crédits par ministère une présentation des crédits par mission, mais elle n'a pas contribué à améliorer la vision d'ensemble des objectifs et des moyens de la politique en faveur de la langue française et de la francophonie.

1. Un éparpillement des crédits

Dans la nouvelle nomenclature budgétaire, plusieurs missions contribuent à des titres divers à l'action en faveur de la francophonie et de la langue française : la mission ministérielle « Culture », la mission ministérielle « Action extérieure de l'Etat » et la mission interministérielle « Aide publique au développement ».

a) La mission ministérielle « Culture »

La mission « Culture » est constituée de trois programmes. Deux d'entre eux comportent des « actions » qui intéressent la langue française et la diversité culturelle.

• L'action « Patrimoine linguistique »

Au sein du programme « Patrimoine », l'action n° 7 « Patrimoine linguistique » regroupe les crédits mis à la disposition du ministère de la culture et de la communication, et plus particulièrement de sa Délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLFLF) , pour la conduite de sa politique linguistique.

Ces crédits représentent dans le projet de budget pour 2006 une enveloppe globale de 3,4 millions d'euros en crédits de paiement et en autorisations d'engagement. Au sein de cet ensemble, les crédits d'intervention proprement dits, d'un montant de 2,28 millions d'euros , sont consacrés au financement de quatre types d'actions conduites par la DGLFLF :

- le soutien aux associations et aux organisations de défense de la langue française sur le territoire national, ainsi qu'à la promotion de plurilinguisme dans l'Union européenne et dans le monde ;

- le soutien aux associations de lutte contre l'exclusion linguistique ainsi qu'aux organismes oeuvrant pour l'insertion sociale, l'accueil des émigrants et la formation linguistique ;

- la valorisation des langues de France à travers le soutien aux associations et aux organismes de défense du plurilinguisme sur le territoire national, et d'observation des pratiques linguistiques ;

- l'enrichissement de la langue française, et le soutien aux associations et organismes pour la normalisation de la recherche en terminologie et en néologie.

La répartition des crédits entre ces quatre objectifs est évaluée de la façon suivante par le ministère de la culture et de la communication.

En milliers d'euros

DOMAINES

MONTANT
DE LA SUBVENTION

Ø Présence du français et promotion du plurilinguisme

531

Ø Maîtrise de la langue française

251

Ø Valorisation des langues de France

412

Ø Enrichissement de la langue française

331

Ø Autres

751

TOTAL

2 276

• L'action culturelle internationale

L'action n° 6 « Action internationale » du programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » regroupe les moyens consacrés par le ministère de la culture à la défense de la diversité culturelle sur la scène internationale.

Les crédits consacrés à cette action s'élèvent à près de 20 millions d'euros en crédits de paiement et en autorisations d'engagement dans le projet de budget. Si l'on met à part les dépenses de personnel, proches du million d'euros, et une subvention de 70 000 euros versée à la Bibliothèque nationale de France, l'essentiel de ces crédits, soit 19 millions d'euros sont constitués de crédits d'intervention destinés à financer :

- des aides versées à des structures chargées de la promotion et de la diffusion de la culture française dans le monde, comme l'Association française d'action artistique, ou encore le Théâtre international de la langue française, la Maison de Culture du Monde, l'UNESCO, ou l' Agence internationale de la francophonie ;

- des aides versées à des structures chargées de la diffusion des cultures étrangères en France ;

- une participation à des programmes de l'Union européenne ou du Conseil de l'Europe (MEDIA et Eurimages).

b) La mission ministérielle « Action extérieure de l'Etat »

Le programme « Rayonnement culturel et scientifique » qui constitue l'un des trois programmes de la mission « Action extérieure de l'Etat » comporte deux actions intéressant la francophonie.

• L'action « Langue et culture françaises, diversité linguistique et culturelle »

L'action n° 2 de ce programme, intitulée « Langue et culture françaises, diversité linguistique et culturelle » regroupe les moyens consacrés par le ministère des affaires étrangères à la promotion de notre langue et à celle de la diversité culturelle dans les pays ne bénéficiant pas d'aide publique au développement .

Les 109 millions d'euros de crédits de paiement imputés sur cette action dans le projet de budget, sont notamment consacrés à la prise en charge de dépenses de personnel, au financement des 69 centres et instituts culturels français ainsi que des 73 Alliances françaises.

Ils doivent également contribuer, à hauteur de 3 millions d'euros, au financement d'opérations de promotion de la langue française, comme le plan pluriannuel pour le français dans l'Union européenne .

La répartition des crédits consacrés à cette action, hors dépenses de personnel, est évaluée de la façon suivante par le ministère des affaires étrangères :

En millions d'euros

INTITULÉ

CRÉDITS DE PAIEMENT PLF 2006

Sous-action 1

Langue française et diversité linguistique

8,18

Sous-action 2

Culture française et diversité linguistique

26,10

Sous-action 3

Animation du réseau d'établissements culturels

22,82

TOTAL ACTION N° 2

57,10

• L'action « Audiovisuel extérieur »

L'action n° 3 « Audiovisuel extérieur » dotée dans le projet de budget pour 2006 de 142 millions d'euros regroupe les subventions versées aux opérateurs audiovisuels pour un montant de :

- 72,1 millions d'euros au profit de Radio France Internationale (RFI) ;

- 4,27 millions d'euros au profit de RMC/MO ;

- 62,7 millions d'euros destinés à TV5 qui constitue le 5 e opérateur de la francophonie.

Ces crédits sont reconduits en 2006 au même niveau qu'en 2005 .

c) La mission interministérielle « Aide publique au développement »

La mission interministérielle « Aide publique au développement » comporte deux programmes :

- un programme n° 110 intitulé « Aide économique et financière au développement » mis en oeuvre par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie ;

- un programme n° 209 intitulé « Solidarité à l'égard des pays en développement » qui regroupe l'essentiel des moyens que le ministère des affaires étrangères consacre à la coopération avec les pays bénéficiant de l'aide publique au développement (APD) au sens qu'en donne le Comité d'aide au développement de l'OCDE. Le responsable de ce programme est le directeur général de la coopération internationale et du développement.

C'est à l'action n° 5 de ce programme, intitulée « Participation aux débats sur les enjeux globaux et aux dispositifs multilatéraux d'aide publique au développement » que sont rattachés les crédits destinés à la francophonie multilatérale.

Ils ne représentent toutefois qu'une faible partie de l'ensemble des moyens financiers rattachés à cette action, comme le montre la ventilation des crédits entre les trois sous-actions qui le composent.

En millions d'euros

INTITULÉ DES SOUS-ACTIONS

TITRE 6

CP

AE

51

Participation à des programmes multilatéraux de développement économique et social

1 007,0

1 007,2

52

Participation à des programmes de gouvernance démocratique et de consolidation de l'Etat de droit

7,8

7,8

53

Participation à des programmes multilatéraux francophones

58,4

58,4

TOTAL ACTION N° 5

1 073,2

1 073,4

Le fascicule budgétaire indique que les contributions aux programmes multilatéraux pour la francophonie sont reconduites à hauteur de 58,4 millions d'euros dans le projet de budget pour 2006, dont 45,2 millions d'euros au titre du Fonds multilatéral unique (FMU) et 11,94 millions d'euros de contributions obligatoires à l' Agence internationale de la francophonie.

2. Un rattachement critiquable des crédits de la francophonie multilatérale à la mission « Aide publique au développement »

Le combat pour la francophonie et la diversité culturelle constitue aujourd'hui un des axes majeurs de notre diplomatie. Le succès que constitue l'adoption, le 20 octobre dernier, par la Conférence générale de l'UNESCO, à la quasi-totalité des Etats qui le composent, d'une Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles montre qu'il s'agit là à la fois d'un sujet crucial dans un monde menacé par la perte de repères, et d'un thème porteur dans lequel se reconnaissent un très grand nombre d'Etats de notre planète.

Votre rapporteur estime que le rattachement des crédits de la francophonie multilatérale à la mission « Aide publique au développement » ne rend pas justice au rôle de pièce maîtresse que celle-ci joue dans notre combat pour la diversité culturelle.

Ce rattachement témoigne d'une conception dépassée qui place la francophonie dans l'orbite de la politique de coopération, alors que les sphères géographiques de ces deux politiques ne cessent de se disjoindre : les 56 pays « ayant le français en partage », réunis au sein de l'Organisation internationale de la francophonie (OIF) sont loin d'appartenir tous à une sphère du pays en voie de développement.

Votre rapporteur ne minimise en aucune façon le poids que l'Afrique et plus particulièrement l'Afrique francophone confèrera encore longtemps à la défense internationale de la langue française. Mais il souhaite que l'on n'oublie pas les deux autres ensembles géographiques dont dépendra aussi, à l'avenir, le statut international de notre langue : l'Europe et les institutions européennes, bien sûr, et les grands pays émergents que sont la Chine, l'Inde, le Brésil, le Mexique et la Russie, qui sont susceptibles d'ouvrir de nouvelles frontières à la langue française.

Il craint, en outre, que l'architecture du projet de loi de finances ne contribue à figer une organisation gouvernementale qui regroupe dans un même portefeuille ministériel coopération et francophonie, au détriment de cette dernière.

II. LE MAINTIEN EN 2006 D'UN IMPORTANT EFFORT FINANCIER EN FAVEUR DE LA FRANCOPHONIE

Les crédits concourant à l'action en faveur de la francophonie atteignent 863 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2006.

La contribution du ministère des affaires étrangères y occupe une place prépondérante : approximativement les 9/10 e de cette enveloppe globale .

Cette contribution décisive pour la francophonie regroupe deux enveloppes de crédits distinctes :

- les crédits bilatéraux destinés à permettre notamment le fonctionnement du réseau français de services de coopération et d'action culturelle, ou celui de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) ; ceux-ci relèvent du rapport de notre collègue David Assouline ;

- les crédits multilatéraux concourant au financement des opérateurs de la francophonie et d'associations oeuvrant pour la défense de la langue française, qui font l'objet du présent rapport.

Dans la nouvelle présentation budgétaire, ces crédits sont rattachés à deux des actions du programme n° 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement », au sein de la mission « Aide publique au développement ».

Il s'agit respectivement de :

- l'action n° 5 « Participation aux débats sur les enjeux globaux et aux dispositifs multilatéraux d'aide publique au développement », et plus particulièrement la sous-action n° 53 « Participation à des programmes multilatéraux francophones » à laquelle sont désormais rattachées la contribution au Fonds multilatéral unique, les contributions obligatoires à l'Agence internationale de la francophonie, et les subventions aux associations oeuvrant en faveur de la francophonie ;

- l'action n° 3 , « Promotion de l'enseignement supérieur et recherche au service du développement » à laquelle sont en principe rattachés les crédits destinés au programme de bourses en faveur de la mobilité scientifique et universitaire, issus du plan de relance de Beyrouth.

Toutefois, l'examen des crédits consacrés à la francophonie multilatérale ne serait pas complet s'il ne prenait pas en compte la subvention versée par le ministère à TV5.

Ces crédits relèvent certes d'une autre « mission » du ministère des affaires étrangères, la mission « Action extérieure de l'Etat », dont l'action n° 3 du programme « Rayonnement culturel et scientifique » regroupe l'ensemble des moyens financiers consacrés à l'audiovisuel extérieur.

Les crédits de cette mission ne relèvent pas en principe des compétences de votre rapporteur pour avis, mais celui-ci ne croit pas devoir se dispenser pour autant d'évoquer les crédits de TV5 qui constitue le cinquième opérateur de la francophonie .

A. LES SUBVENTIONS VERSÉES AUX ASSOCIATIONS OEUVRANT EN FAVEUR DE LA FRANCOPHONIE

Le service des affaires francophones attribue chaque année des subventions à des associations qui conduisent des projets de coopération multilatérale en langue française.

Une mention particulière doit être faite de l'Assemblée parlementaire de la francophonie qui, depuis 2002, est le seul acteur institutionnel à bénéficier d'une subvention imputée sur ce chapitre. Celle-ci s'est élevée en 2004, comme les années précédentes, à 130 000 euros.

Les crédits inscrits à l'article 42-15-50 dans les lois de finances initiales pour 2002, 2003 et 2004 se sont régulièrement établis à 580 166 euros.

Les crédits disponibles ont cependant connu de légères fluctuations au cours de ces années :

- en 2002 , ces crédits se sont élevés à 580 166 euros ;

- en 2003 , une annulation de 40 000 euros a ramené ce montant à 540 166 euros ;

- en 2004 , un transfert de crédits de gestion d'un montant de 61 000 euros l'a porté à 641 166 euros ; ce transfert correspondait au changement d'imputation de l'appui apporté à l'organisation de festivals qui relevait jusqu'alors de la Direction générale de la coopération internationale et du développement ; en 2005 , les crédits ont été reconduits au même niveau.

La justification des dépenses de l'action n° 5 ne fournit aucune précision sur les crédits qui seront consacrés aux associations en 2006 ; seules les réponses aux questionnaires budgétaires indiquent que ces crédits devraient être reconduits en 2006.

B. LES EFFETS DU PLAN DE RELANCE DE BEYROUTH SUR LE FINANCEMENT DES OPÉRATEURS DE LA FRANCOPHONIE

Le financement de quatre des cinq opérateurs de la francophonie - l'Agence universitaire de la francophonie, l'Association internationale des maires francophones et l'Université Senghor d'Alexandrie - est assuré par le Fonds multilatéral unique, qui, comme son nom l'indique, regroupe les contributions des différents membres de la francophonie.

La contribution versée par le ministère des affaires étrangères au FMU s'est stabilisée à hauteur de 36,68 millions d'euros, avant de connaître une progression sensible à partir de 2002, sous l'effet du plan de relance annoncé par le Président de la République lors du Sommet de Beyrouth.

Cette annonce a trouvé sa première traduction dans le projet de loi de finances rectificative pour 2002 qui a attribué au Fonds multilatéral unique une enveloppe de crédits supplémentaire de 20 millions d'euros , conforme aux engagements de Beyrouth. Ces crédits ont été intégralement affectés aux opérateurs de la francophonie, mais leur versement a été réparti entre les exercices 2002 et 2003, à hauteur respectivement de 12 et 8 millions d'euros.

Les engagements du plan de relance ont trouvé une nouvelle traduction dans la loi de finances initiale pour 2004 mais celle-ci a réparti les 20 millions d'euros complémentaires entre deux postes de dépenses :

- une mesure nouvelle de 10 millions d'euros destinée à porter la participation du service des affaires francophones au financement des opérateurs, via le FMU, de 36,68 à 46,68 millions d'euros ;

- une mesure nouvelle de 10 millions d'euros pour contribuer à la mise en place d'un programme de bourses en faveur de la mobilité scientifique et universitaire ; ces crédits, relevant de la Direction générale de la coopération internationale et du développement, ont été versés directement à l'Agence unitaire sans transiter par le FMU.

Comme le montre le tableau ci-dessous, l'augmentation de la subvention versée par le ministère des affaires étrangères au Fonds multilatéral unique, dans le cadre du plan de relance, aura permis d'augmenter de plus de 25 % en trois ans, les crédits consacrés aux opérateurs de la francophonie, et plus particulièrement à l'Agence intergouvernementale et à l'Association internationale des maires francophones.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS
VERSÉS AUX OPÉRATEURS DE LA FRANCOPHONIE
PAR L'INTERMÉDIAIRE DU FONDS MULTILATÉRAL UNIQUE
ENTRE 2002 ET 2004

En milliers d'euros

OPÉRATEURS

LFI 2002

LFI 2004

EVOLUTION
EN  %

Ø Agence internationale de la francophonie

14 900

22 195

49,0

Ø Agence universitaire de la francophonie

18 700

20 625

10,3

Ø Association internationale des maires francophones

1 329

1 929

45,0

Ø Université Senghor

1 770

1 750

- 1,0

Ø CONFEMEN

180

_

TOTAL FMU

36 679

46 679

+ 27,26

Votre rapporteur tient à relever l'effort manifeste que notre pays consacre à la francophonie en parfaite conformité avec les engagements pris par le Président de la République.

Ces crédits supplémentaires ont permis de renforcer l'action des opérateurs de la francophonie dans un certain nombre de directions prioritaires.

L' éducation a constitué la première de ces priorités. Ainsi, près de 7 millions d'euros ont-il pu être consacrés aux bourses de mobilité en faveur des étudiants confirmés et des jeunes chercheurs ; 1,5 million d'euros a permis le développement des campus numériques francophones et 1,87 million d'euros ont été attribués aux pôles d'excellence universitaire.

Le second axe de cette relance a consisté à appuyer l'action du Secrétaire général en faveur de la paix, de la démocratie et des droits de l'homme . Quatre millions d'euros ont ainsi été consacrés aux actions de médiation et de bons offices, à l'observation de processus électoraux, en liaison avec l'Assemblée parlementaire de la francophonie et avec l'Observatoire des pratiques et de la démocratie, des droits, des libertés dans l'espace francophone.

La promotion de la langue française a constitué une troisième priorité et le plan pluriannuel pour le français dans l'Union européenne a reçu une dotation de 1,4 million d'euros.

C. LE BUDGET DE 2005 : UNE INQUIÉTUDE SUR LE FINANCEMENT DES BOURSES DE MOBILITÉ

La loi de finances initiale pour 2005 a reconduit au même niveau qu'en 2004 tant la contribution du ministère des affaires étrangères au Fonds multilatéral unique que la subvention au programme de bourses de mobilité.

Ces deux enveloppes de crédits ont cependant connu, en gestion, des destins différents.

1. La reconduction de la contribution au FMU

Les crédits consacrés au FMU ont été globalement reconduits au même niveau qu'en 2004. La diminution qui le ramène de 46,68 millions d'euros en 2004 à 45,46 millions d'euros en 2005 est un effet purement optique. Elle correspond au transfert, pour un montant de 1,22 million d'euros, de la subvention au fonds de scolarisation des enfants francophones, désormais géré directement par l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE).

2. La nécessité de sortir de l'impasse le programme de mobilité scientifique et universitaire

La loi de finances initiale pour 2005 avait reconduit à hauteur de 10 millions d'euros l'enveloppe de crédits destinés au programme de bourses favorisant la mobilité scientifique et universitaire.

Le ministère des affaires étrangères n'a pas été toutefois en mesure de verser à l'Agence universitaire sa contribution à ce programme.

Votre rapporteur pour avis s'inquiète de cette situation qui affecte un programme qui fonctionne bien et correspond à de réels besoins. Aussi a-t-il fait part de sa préoccupation à la ministre déléguée lors de son audition devant la commission, le 9 novembre dernier. Celle-ci est convenue que cette dépense n'était actuellement pas couverte et a indiqué que le ministère étudiait plusieurs pistes pour y remédier. D'après les dernières indications qui ont été fournies à votre rapporteur pour avis, le principe du versement d'une enveloppe de 3 millions d'euros avant la fin de l'année serait maintenant acquis, mais le versement du solde des 7 millions d'euros resterait subordonné à la réalisation de transferts internes.

Votre rapporteur pour avis juge indispensable que le ministère des affaires étrangères assume le financement de ce programme, conformément à ses engagements . Il invite votre commission à se montrer vigilante sur ce sujet, notamment à l'occasion de la discussion du projet de loi de finances devant la Haute assemblée.

D. LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2006 : LE MAINTIEN D'UNE INTERROGATION SUR LA SITUATION DU PROGRAMME DE BOURSES DE MOBILITÉ

1. La reconduction des contributions aux programmes multilatéraux pour 2006

La justification des dépenses de l'action n° 5 indique que 1 ( * ) « les contributions aux programmes multilatéraux pour la francophonie seront reconduites à hauteur de 58,4 millions d'euros , dont 45,2 millions d'euros pour le FMU et 11,94 millions d'euros de contributions obligatoires à l'Agence internationale de la francophonie (AIF) ».

D'après les précisions orales qui ont été apportées à votre rapporteur, le montant de la subvention versée au FMU tiendrait compte d'un transfert interne de 0,3 million d'euros destiné à l'AIF et le montant des contributions obligatoires à l'AIF intégrerait une hausse statutaire de 2,5 %. Le solde, d'environ 1,3 million d'euros, inclurait les 0,6 million d'euros de subventions versées aux associations. Ces indications restent toutefois un peu approximatives, et votre rapporteur pour avis souhaite que le ministère des affaires étrangères se montre, lors de la présentation du projet de loi de finances pour 2007, un peu plus précis dans sa justification des dépenses au premier euro .

2. Une interrogation sur les bourses de mobilité

Votre rapporteur pour avis constate que le programme de bourses en faveur de la mobilité scientifique et universitaire, et les 10 millions d'euros qui devraient lui être attribués conformément aux engagements pris, ne figurent pas dans les documents budgétaires .

Les services du ministère indiquent que ce programme ne relève pas, comme les programmes multilatéraux, de l'action n° 5, mais plutôt de l'action n° 3 « Promotion de l'enseignement supérieur et recherche au service du développement ».

Votre rapporteur pour avis ne conteste pas la pertinence de ce rattachement, mais relève qu'à aucun moment, la justification des éléments de la dépense par nature de l'action n° 3 ne mentionne le programme en faveur de la mobilité scientifique et universitaire, ni les crédits qui lui seraient alloués en 2006, alors qu'elle précise par ailleurs le montant des subventions consacrées à EDUFRANCE (1 million d'euros), aux bourses « Major » (3,2 millions d'euros) ou au programme Eiffel de bourses d'excellence (10,8 millions d'euros).

Ce silence ne paraît pas de bon augure à votre rapporteur pour avis, particulièrement compte tenu des difficultés rencontrées en 2005 dans le financement de ce programme. Il espère que cette omission ne prélude pas à une remise en question de ces bourses de mobilité, et souhaite que la justification des dépenses au premier euro du projet de loi de finances pour 2007 se montre plus explicite à leur égard.

3. La reconduction de la contribution au financement de TV5

La contribution du ministère des affaires étrangères au financement de TV5 qui constitue le cinquième opérateur de la francophonie, n'a jamais transité par le Fonds multilatéral unique. La nouvelle architecture du projet de loi de finances la rattache à une action de l'autre mission ministérielle relevant du ministère des affaires étrangères sur laquelle sont regroupés l'ensemble des crédits consacrés à « l'audiovisuel extérieur ».

La subvention versée à TV5 doit être reconduite en 2006 au même niveau qu'en 2005, soit 62,7 millions d'euros .

E. LA CONTRIBUTION GLOBALE DE LA FRANCE À LA PROMOTION DE LA FRANCOPHONIE

Le Gouvernement présente, chaque année, en annexe au projet de loi de finances, un « état des crédits de toute nature concourant au développement de la langue française et à la défense de la francophonie ».

Votre commission est très attachée à la publication de cette annexe, qui répond à une demande de son ancien président, M. Maurice Schumann. Elle se réjouit de constater que ce document, qui permet d'avoir une vision globale de l'effort des différents ministères, ait survécu à la réforme opérée par la loi organique relative aux lois de finances.

Ce document évalue le montant global de ces crédits pour 2006 à 863 millions d'euros contre 881 millions d'euros en 2005, soit une réduction de 2 %.

ÉTAT RÉCAPITULATIF DES CRÉDITS
CONCOURANT AU DÉVELOPPEMENT DE LA LANGUE FRANÇAISE
ET À LA DÉFENSE DE LA FRANCOPHONIE

En millions d'euros

2005

2006

AE

CP

AE

CP

I - BUDGET GÉNÉRAL

A - Dépenses civiles

Ø Affaires étrangères

797,90

801,80

773,30

782,60

Ø Écologie et développement durable

0,10

0,10

0,10

0,10

Ø Santé et solidarités

0,05

0,05

0,07

0,07

Ø Culture et communication

7,80

7,90

7,80

7,80

Ø Éducation nationale et recherche

• I. Enseignement scolaire

0,10

0,10

0,08

0,08

• II. Enseignement supérieur

-

0,30

-

0,30

• III. Recherche

3,20

3,20

3,20

3,20

Ø Jeunesse, sports et vie associative

3,10

3,10

3,20

3,20

TOTAUX I

812,30

816,40

787,70

797,30

II- COMPTES SPÉCIAUX DU TRÉSOR

Ø Cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale

9,80

54,80

9,80

54,80

9,80

55,90

9,80

55,90

TOTAUX II

64,70

64,70

65,70

65,70

TOTAL GÉNÉRAL : I + II

877,00

881,10

853,40

863,00

Source : Etat récapitulatif des crédits de toute nature qui concourent à l'action extérieure de la France p.90

III. LES ORIENTATIONS DE LA FRANCOPHONIE POLITIQUE

Les « Conférences des chefs d'Etat et de gouvernement ayant le français en partage » initialement appelées Sommets francophones , constituent l'instance de décision suprême de la francophonie.

Elles s'appuient sur les conférences ministérielles de la francophonie , qui sont composées des ministres des affaires étrangères, ou des ministres chargés de la francophonie, et ont vocation à veiller à l'exécution des décisions prises lors des sommets, ainsi que sur le Conseil permanent de la francophonie (CPF) composé des représentants des chefs d'Etat et de Gouvernement, qui est plus particulièrement chargé de la préparation et du suivi des sommets.

Les réunions récentes de ces différentes instances ont permis à la francophonie politique de s'affirmer et de préciser le contenu de ses grandes orientations : consolidation de l'Etat de droit, promotion de la démocratie et de la diversité culturelle, réforme des opérateurs, engagement en faveur du développement durable.

A. LE SOMMET DE OUAGADOUGOU : UN NOUVEAU CADRE STRATÉGIQUE

Le dernier sommet, qui s'est tenu à Ouagadougou en novembre 2004, sur le thème de « la francophonie, espace solidaire pour un développement culturel » a été l'occasion d'une nouvelle affirmation de la dimension politique de la francophonie et d'une réforme institutionnelle.

1. La tonalité politique du sommet

La situation en Côte d'Ivoire a accentué la tonalité politique du sommet de Ouagadougou.

La résolution, adoptée à l'unanimité, a condamné la violation de cessez le feu et l'attaque contre la force Licorne. Elle a dénoncé les exactions commises contre les étrangers et réaffirmé que les engagements pris à Linas-Marcoussis et à Accra étaient la seule voie de réconciliation.

Ce texte, qui prolonge le communiqué conjoint d'Abuja et la résolution 1572, a engagé le Secrétaire général de la francophonie à continuer d'appuyer le processus conduisant à des élections et a inscrit son action dans le cadre de la déclaration de Bamako, qui constitue le texte de référence du mouvement francophone en matière de paix, de démocratie et de droits de l'homme.

Les débats ont également porté sur la situation en Haïti , en République démocratique du Congo et au Proche-Orient .

Le développement durable qui constituait le thème central du sommet a suscité un débat centré sur le financement du développement. Le Président de la République a exposé, à cette occasion, les propositions françaises en matière de taxation internationale et de micro crédit.

De nombreuses interventions ont également porté sur la diversité culturelle , en relation avec les négociations, alors en cours, à l'UNESCO, sur l'élaboration d'une « Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles » . Le sommet a adopté une résolution, présentée par la France et le Québec, sur l'aide aux pays les moins avancés dans le domaine culturel.

2. L'adoption d'un nouveau cadre décennal

La francophonie a été dotée, sur une initiative française, d'un cadre stratégique décennal, portant sur les années 2005-2014. Celui-ci assigne à la francophonie institutionnelle des objectifs stratégiques dans le cadre des quatre missions qui lui sont attribuées :

- langue française et diversité culturelle et linguistique ;

- paix, démocratie et droits de l'homme ;

- éducation, formation, enseignement supérieur et recherche ;

- coopération pour le développement durable.

Le sommet a, en outre, ouvert la voie à une réforme institutionnelle limitée.

Le Secrétaire général a été invité, dans cette perspective, à formuler des propositions lors de la Conférence ministérielle de Tananarive en novembre 2005.

Ce dernier a fait connaître ses premières réflexions lors de la session du 30 juin du Conseil permanent de la francophonie. Il s'est prononcé en faveur d'un nombre limité de modifications permettant de résoudre les problèmes juridiques et de clarifier les ajustements organisationnels demandés par le nouveau cadre stratégique.

Les amendements qu'il est envisagé d'apporter à la Charte de la francophonie érigeraient l'Organisation internationale de la francophonie en continuateur de l'Agence internationale de la francophonie ; l'OIF deviendrait ainsi l'unique organisation intergouvernementale de la francophonie.

La coopération multilatérale serait administrée par un responsable nommé par le Secrétaire général. Cette réforme limitée permettrait ainsi de mettre un terme aux difficultés que suscitait, dans l'organisation actuelle, la dyarchie qui résultait de la coexistence d'un administrateur général dirigeant l'Agence intergouvernementale, et du Secrétaire général, à la tête de l'Organisation internationale de la francophonie.

B. LES OPÉRATEURS DE LA FRANCOPHONIE

Les opérateurs de la francophonie sont au nombre de cinq. Ils font l'objet d'un financement international. Quatre d'entre eux sont financés par l'intermédiaire du Fonds multilatéral unique : l'Agence de la francophonie, l'Agence universitaire de la francophonie, l'Université Senghor d'Alexandrie et l'Association des maires et responsables de capitales et métropoles francophones. Le cinquième, TV5, fait l'objet d'un financement distinct.

1. L'Agence de la francophonie

Créée par la Convention de Niamey du 20 mars 1970, l'Agence intergouvernementale de la francophonie est l'unique opérateur intergouvernemental de l'Organisation internationale de la francophonie. Elle regroupe aujourd'hui 49 Etats et gouvernements. Son siège est implanté à Paris, mais elle dispose également de deux instituts spécialisés : l'Institut des nouvelles technologies de l'information et de la formation (INTIF) installé à Bordeaux, et l'Institut de l'énergie et de l'environnement de la francophonie (IEPF) situé au Québec. Elle s'appuie sur trois bureaux régionaux à Lomé pour l'Afrique de l'Ouest, à Libreville pour l'Afrique centrale, à Hanoi pour l'Asie-Pacifique.

Lors du sommet de Ouagadougou, en novembre 2004, l'Agence a vu son activité recentrée par l'adoption d'un cadre stratégique décennal.

Dans le domaine économique, l'Agence a organisé, en 2004 à Paris, à l'initiative de la France, un symposium sur l'accès aux financements internationaux.

Elle a également soutenu l'initiative sectorielle sur le coton soumise par quatre pays africains à Cancun. Enfin, elle a engagé une série de mesures pour accompagner l'élaboration à l'UNESCO du projet de convention sur la diversité culturelle.

En 2005, l'Agence a préparé la réunion dite de « Bamako + 5 » qui doit se dérouler en novembre dans la capitale malienne pour juger des résultats de la mise en oeuvre de la déclaration et du plan d'action de Bamako sur la pratique de la démocratie, des droits de l'homme et des libertés dans l'espace francophone.

Le budget global de l'Agence s'est établi à un peu plus de 83 millions d'euros en 2004 et en 2005. La participation française représente 40 % de cette enveloppe globale.

La conférence ministérielle de Tananarive des 22 et 23 novembre prochains doit arrêter la programmation et le budget de l'Agence pour les années 2006-2009.

2. L'Agence universitaire de la francophonie

L'Agence universitaire de la francophonie est issue de l'ancienne association des universités partiellement ou entièrement de langue française (AUPELF-UREF) fondée à Montréal en 1961 en vue de développer les échanges et la solidarité entre les universités de langue française.

D'abord simple association de recteurs et de présidents d'universités, elle a été érigée en 1989, au sommet de Dakar, en opérateur direct de l'organisation de la francophonie, statut qui a ensuite été confirmé dans la Charte de la francophonie adoptée au sommet de Hanoi en 1997.

L'Agence universitaire de la francophonie est la première des institutions de la francophonie à avoir fait l'objet d'une évaluation externe . Celle-ci a débouché sur une réforme en profondeur , qui s'est traduite par une modification des statuts, des programmes et de la gestion de l'Agence, décidée lors du conseil d'administration qui s'est tenu à Montréal en février 2000.

Le Conseil d'administration qui s'est tenu à Marrakech, en décembre 2002 a confirmé le redressement de l'agence dont le nombre d'adhérents, en augmentation sensible, s'établit à 565 établissements d'enseignement supérieur et de recherche .

La programmation de l'Agence universitaire s'organise autour de huit programmes :

- trois programmes thématiques relatifs à la langue française, au développement et à l'Etat de droit ;

- trois programmes d'appui à caractère technique destinés à renforcer les ressources scientifiques, universitaires et institutionnelles des universités ;

- un programme transversal pour la formation à distance et les technologies de l'information et de la communication ;

- un programme d'actions déléguées.

Le budget de l'Agence pour 2005 s'est élevé à 406 millions d'euros .

L'augmentation des contributions volontaires de la France, initiées par le plan de Beyrouth, a permis à l'Agence d'atteindre une masse critique et de développer un programme prioritaire en faveur de la mobilité scientifique et universitaire, des formations ouvertes et à distance, de pôles régionaux d'excellence scientifique et des campus numériques francophones.

3. L'association internationale des maires et responsables de capitales et métropoles francophones (AIMF)

L'Association internationale des maires et responsables des capitales et métropoles francophones (AIMF) a été créée le 1 er mai 1979 à Québec, afin de promouvoir entre ses membres, grâce à l'usage commun de la langue française, une coopération dans tous les domaines de l'activité municipale.

Elle rassemble 137 villes dans une cinquantaine de pays, et l'on attend qu'une vingtaine d'autres cités rejoignent ses rangs lors du congrès de Tananarive en novembre 2005.

Opérateur de plein exercice depuis le sommet de Cotonou en 1995, l'association tient des assemblées générales annuelles dont la dernière a eu lieu à Ouagadougou en novembre 2006 sur le thème « Rôles et moyens des villes dans le développement durable et la solidarité » . Celle de Tananarive en novembre 2005 privilégiera le thème « Villes et microfinance » .

Le budget prévisionnel pour 2005 s'élève à un peu plus de 5 millions d'euros.

Le budget de l'AIMF est présenté en deux sections :

- la première section correspond au fonctionnement de l'association ; elle est financée pour l'essentiel par les cotisations des membres de l'association et par une subvention d'équilibre de la Ville de Paris ;

- la seconde est destinée au financement des actions de coopération décentralisée ; elle est financée principalement par la contribution que l'AIMF perçoit en sa qualité d'opérateur de la francophonie et par des contributions spécifiques de villes membres ou d'autres organismes publics.

4. L'université Senghor d'Alexandrie

L'université francophone d'Alexandrie est un établissement privé d'enseignement supérieur, créé en 1989, dont la vocation est la formation de spécialistes de haut niveau dans quatre disciplines-clefs du développement africain : administration-gestion, nutrition-santé, gestion de l'environnement et gestion du patrimoine culturel. L'enseignement se déroule sur deux ans , avec un stage en situation de trois mois. Les candidats sont sélectionnés sur dossier, puis par voie de concours.

Votre rapporteur s'était alarmé, dans les précédents avis budgétaires, des dysfonctionnements qui avaient été relevés dans la direction et dans la gestion de l'établissement, et dont une mission d'évaluation externe, diligentée à la fin de l'année 2000, avait confirmé la gravité.

Ces données étaient d'autant plus choquantes que l'effectif des promotions d'étudiants s'était réduit à une cinquantaine d'étudiants.

La nécessité de procéder à une triple réforme statutaire , pédagogique et financière, a conduit, lors de la réunion de l'assemblée générale et du conseil d'administration de l'université qui s'est tenue à Paris, le 27 mai 2003, à l'adoption du règlement général, et à l'entrée des représentants des Etats dans le conseil d'administration .

Votre rapporteur avait vivement souhaité que l'Université procède à une augmentation sensible du nombre de ses auditeurs.

Il note avec satisfaction qu'une première étape est franchie avec le doublement des effectifs de la 9 e promotion (2003-2005) qui compte 101 auditeurs, et la multiplication des formations courtes délocalisées.

La 10 e promotion (2005-2007) devrait à son tour comporter 109 étudiants.

Au cours de l'année 2005, l'université a procédé à la création d'un nouveau « Master en développement » du type Master professionnel, pour remplacer le diplôme d'études professionnelles approfondies (DEPA) existant. Ce master est décliné en six spécialités réparties dans les quatre départements. Elle s'est également attachée à développer les actions de formation continue , notamment dans les domaines de l'économie et de la politique de gestion des ressources naturelles et de l'environnement. Enfin, la signature de plusieurs accords de coopération avec des établissements égyptiens, marocains, français ou québécois permet à l'université de s'ouvrir davantage à la coopération internationale .

Le budget global de l'université s'est élevé en 2005 à 2,6 millions d'euros . La France assure à elle seule 67 % de ses ressources.

Votre rapporteur restera attentif à l'évolution de l'université Senghor, qui doit apporter la preuve de son utilité .

5. TV5

La chaîne francophone par satellite, créée en 1984, a été consacrée comme opérateur direct de la francophonie par le sommet de Chaillot en 1991. Elle participe depuis lors à toutes les instances de la francophonie.

Au cours du sommet de Beyrouth en 2002, les chefs d'Etat et de gouvernement ont adopté un plan d'action qui prévoit l'extension de la diffusion de TV5 sur l'ensemble des réseaux existants et sa réception dans les espaces collectifs, tout en confortant son caractère de vitrine de la diversité culturelle.

Le sommet de Ouagadougou a insisté en 2004 sur le rôle que pouvait jouer TV5 en matière de soutien à l'apprentissage linguistique et comme vecteur de nouvelles technologies.

Le plan stratégique pour les années 2006-2009 adopté par la Conférence des ministres de TV5 à Bruxelles, le 19 septembre dernier, est orienté autour de trois axes :

- la consolidation du réseau mondial de distribution de la chaîne ;

- une meilleure adaptation des programmes aux différentes zones de diffusion, grâce à l'augmentation du sous-titrage ;

- le renforcement de l'identité et de l'attractivité de la chaîne grâce à l'amélioration de sa programmation.

Au cours de l'année 2004-2005, TV5 s'est attachée à améliorer son réseau de diffusion . Elle a amélioré sa couverture de l'Asie en inaugurant en avril 2005 sa diffusion en Malaisie , et en améliorant sa réception au Japon , où elle est désormais accessible 24 heures sur 24. Elle a, en outre, conforté ses positions en Europe en renouvelant ses principaux accords de distribution, et en accentuant son développement en ADSL. Elle a confirmé sa position de première chaîne francophone en Europe, susceptible de toucher 97 millions de foyers, et de quatrième chaîne internationale, certes derrière MTV (115 millions), Eurosport (161 millions) ou CNN International (99 millions) mais devant BBC World (75 millions), Euronews (72 millions) ou CNCB (64 millions).

TV5 conserve, en outre, la première place en Afrique , Maghreb et Moyen-Orient compris.

Aux Etats-Unis , le nombre d'abonnés payants est passé de 30 000 au début de l'année 2004 à 39 000 au 30 juin 2005. TV5 Etats-Unis est par ailleurs toujours reçue en service de base étendu dans 165 000 foyers, dans les Etats du Maine et de Louisiane.

Sur l'ensemble du continent latino-américain , TV5 a reçu, au cours du premier semestre 2005, cinq nouveaux contrats représentant un parc de 8 millions d'abonnés.

Ces progrès ont été enregistrés malgré une quasi-stagnation des moyens financiers de la chaîne depuis 2003 . Compte tenu du gel budgétaire, la dotation effective de TV5 en 2005 n'a pas progressé par rapport à 2004. Elle devrait être à nouveau reconduite au même niveau en 2006.

Il faut cependant rappeler qu'avec une contribution qui représente plus de 84 % des contributions des gouvernements partenaires, la France assure actuellement plus de 77 % du budget de TV5. Cet accroissement du poids relatif de la contribution française résulte des réformes opérées en 2001 mais constitue un sujet de préoccupation sur lequel les pouvoirs publics français ont attiré l'attention de leurs partenaires.

Votre rapporteur souhaite que la place conquise par TV5 dans le monde très concurrentiel de l'audiovisuel international, grâce à l'effort financier consenti par la France, ne soit pas hypothéquée par le lancement de la nouvelle chaîne d'information internationale, qui correspond à d'autres besoins et à d'autres objectifs.

6. L'Assemblée parlementaire de la francophonie

L'Assemblée parlementaire de la francophonie constitue un des éléments fondamentaux de l'architecture institutionnelle de la francophonie multilatérale.

Créée à Luxembourg en 1967, sous la forme d'une Association internationale des parlementaires de langue française (AIPLF), elle réunissait, alors, les délégués de 23 sections issues de Parlements d'Afrique, d'Amérique, d'Asie, d'Europe et d'Océanie.

Elle a préconisé, dès sa création, la mise en place d'une institution gouvernementale de la francophonie, et cette suggestion a donné naissance, en 1970, à l'Agence de coopération culturelle et technique (ACCT), devenue depuis l'Agence intergouvernementale de la francophonie (AIF).

C'est lors de la XVII e assemblée générale de Paris, en juillet 1989, que l'association est devenue l'Assemblée internationale des parlements de langue française (AIPLF), affirmant ainsi sa vocation à être l'organisation interparlementaire des pays de la francophonie, comme l'avait reconnu le sommet de Dakar en mai 1989.

Lors du sommet de Maurice en octobre 1993 , les chefs d'Etat et de gouvernement, après avoir réaffirmé la place éminente de l'institution parlementaire au coeur de la démocratie représentative et de l'Etat de droit, ont considéré que l'AIPLF, seule organisation interparlementaire de la francophonie, constituait le lien démocratique entre les gouvernements et les peuples de la francophonie.

En conséquence, ils ont décidé de reconnaître l'AIPLF, comme l'assemblée consultative de la francophonie, ce qu'a confirmé la charte de la francophonie adoptée à Hanoi en novembre 1997.

Pour se mettre en conformité avec la charte, l'assemblée a décidé lors de sa session ordinaire d'Abidjan en juillet 1998 d'adopter le nom d'Assemblée parlementaire de la francophonie (APF).

Elle est constituée aujourd'hui de sections membres représentant 69 parlements d'Etats et de communautés ayant la langue française en partage et de 9 observateurs.

Sa 31 e session , qu'elle a tenue en juillet 2005 à Bruxelles, en Belgique, a confirmé son rôle de « vigie » de la démocratie dans l'espace francophone, à travers l'adoption d'une résolution portant sur les principales situations de crise. L'Assemblée a également réaffirmé son engagement en faveur de la diversité culturelle, en rappelant la nécessité d'une convention internationale consacrant le droit des Etats et des gouvernements à établir et à maintenir des politiques de soutien à la culture. Enfin, elle a rappelé son attachement au plurilinguisme et à l'usage du français dans les institutions internationales, et en particulier au sein de l'Union européenne. A cette fin, elle a recommandé aux Etats d'adresser des instructions particulièrement fermes aux représentants nationaux francophones de s'exprimer en français lorsque cette langue est l'une des langues officielles de l'organisation internationale concernée.

L'APF a participé activement au X e sommet des chefs d'Etat et de gouvernement francophones qui s'est tenu les 20 et 27 novembre 2004 à Ouagadougou.

L'APF développe une coopération interparlementaire qui est articulée autour de plusieurs programmes réalisés en partenariat avec l'Agence de la francophonie et qui ont pour objet l'organisation de missions d'observation des élections, de séminaires parlementaires ou de missions d'information et de bons offices.

Elle organise une action de soutien aux Parlements francophones dans le cadre du programme NORIA créé en 2002, et doté d'un budget d'un million d'euros sur deux ans. Dans ce cadre, elle propose des séminaires de formation aux nouveaux élus des parlements démocratiques et à leurs personnels.

Enfin, elle a mis en place un financement apporté par l'Agence de la francophonie, un programme d'appui aux servies documentaires des parlements francophones.

L'APF dispose d'un budget global d'environ 1,5 million d'euros , et la France, qui met à sa disposition des locaux et des personnels, lui accorde une subvention de 130 000 euros régulièrement reconduite chaque année.

Pour 2006, le ministère des affaires étrangères envisage, dans la mesure des crédits dont il disposera, d'augmenter à titre exceptionnel cette subvention pour permettre à l'Assemblée de faire face aux frais supplémentaires que devrait occasionner la réunion de son bureau dans une région où la francophonie est encore trop peu représentée.

7. La préparation des jeux de la francophonie au Niger

Les jeux de la francophonie sont nés de la volonté des chefs d'Etat et de gouvernement réunis au Québec en 1987 de créer une solidarité sportive et culturelle au sein de la jeunesse francophone.

Ces jeux, organisés tous les quatre ans dans un pays différent, ont l'ambition de constituer une vitrine du mouvement francophone dans le domaine des sports et de la culture. Les IV es jeux de la francophonie, qui ont eu lieu à Ottowa-Hull en juillet 2001, ont accueilli 51 délégations et près de 3 000 participants. Les prochains jeux se dérouleront au Niger du 7 au 17 décembre 2005, et le Liban a été désigné pour accueillir les jeux de 2009.

La préparation des Jeux au Niger a rencontré de grandes difficultés tant du point de vue de son financement que de son organisation.

Le montant du budget de fonctionnement a été arrêté à 11,2 millions d'euros. Suivant la clef de répartition adoptée lors des Jeux de Madagascar, le pays hôte doit prendre en charge la moitié du financement, l'autre moitié étant apportée par les bailleurs de fonds. La France y contribuera, pour sa part, à hauteur de 1,664 million d'euros, la communauté française de Belgique pour 148 000 euros et la francophonie pour 125 000 euros.

Les difficultés rencontrées dans l'organisation des Jeux ont conduit à la mise en place d'une nouvelle équipe du Comité supérieur d'organisation des Jeux, dix mois avant leur ouverture officielle, ainsi qu'à l'envoi d'experts de la conférence des ministres de la jeunesse et des sports, et d'un conseiller spécial du Secrétaire général. La mobilisation des autorités nigériennes a permis d'opérer un redressement significatif tant au niveau de l'achèvement des travaux que du financement de l'opération.

IV. LA DÉFENSE DE LA LANGUE FRANÇAISE ET DE LA DIVERSITÉ CULTURELLE EN FRANCE ET DANS LES ORGANISATIONS INTERNATIONALES

La défense de la langue française et de son statut dans les organisations internationales relève des compétences de la Délégation générale à la langue française et aux langues de France, placée sous l'autorité du ministre de la culture et de la communication.

Ces missions revêtent une importance stratégique de premier plan.

Le ministre des affaires étrangères, le ministre de la culture et de la communication, mais aussi l'ensemble du Gouvernement doivent mener une action volontaire et coordonnée pour garder à la langue française son rayonnement international.

Cette défense internationale de notre langue ne pourra cependant être convenablement assurée que si les pouvoirs publics sont également décidés à défendre notre langue sur notre territoire.

A. LES MISSIONS ET LES MOYENS DE LA DÉLÉGATION GÉNÉRALE À LA LANGUE FRANÇAISE ET AUX LANGUES EN FRANCE

Aux termes du décret du 18 août 2004, la Délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLFLF) a pour mission d'assurer la préparation, la coordination et la mise en oeuvre des politiques publiques et la promotion des activités privées qui concourent à la diffusion, au bon usage et à l'enrichissement de la langue française ainsi qu'à la préservation et à la valorisation des langues de France.

La Délégation générale à la langue française et aux langues de France assure traditionnellement le secrétariat du Conseil supérieur de la langue française.

Le conseil a pour mission d'étudier les questions relatives à l'usage, à l'aménagement, à l'enrichissement, à la promotion et à la diffusion de la langue française en France et hors de France, et à la politique à l'égard des langues étrangères.

Elle comporte en outre un Observatoire des pratiques linguistiques , chargé, depuis sa création en 1999, de recenser, de développer et de rendre disponibles les connaissances relatives à la situation linguistique en France.

1. Les missions de la DGLFLF

Ces missions portent respectivement :

- sur l'emploi et la diffusion de la langue française ; à ce titre, elle est chargée du suivi de l'application de la loi du 4 août 1994 dite « loi Toubon » sur l'emploi de la langue française ;

- sur la maîtrise de la langue française, la lutte contre l'illettrisme et l'action territoriale ; à ce titre, elle a élaboré en 2004 un référentiel de compétences linguistiques qui a vocation à s'inscrire dans une grille de certification en français correspondant aux critères retenus par le Conseil de l'Europe ; ce référentiel et la certification qui lui est liée constitueront le coeur du volet linguistique du contrat d'accueil et d'intégration qui sera généralisé en 2006 ;

- sur les langues de France ; dans ce cadre, ont été organisées le 4 octobre 2003, les « Assises nationales des langues de France » ;

- sur le développement et la modernisation de la langue , par le contrôle qu'elle exerce sur les 19 commissions spécialisées de terminologie et de néologie, placées sous la tutelle de 13 ministères différents ; elle assure en outre le secrétariat de la commission générale de terminologie et de néologie qui examine les propositions des commissions spécialisées et transmet les termes retenus au Journal officiel, après accord de l'Académie française et du ministre intéressé ; elle assure, en outre, avec la délégation aux usagers et aux simplifications administratives, le secrétariat du comité pour la simplification du langage administratif créé en juin 2001 ;

- sur la communication et la sensibilisation à la langue française, en direction du grand public, avec des opérations telles que « le français comme on l'aime », ou en direction de milieux spécifiques.

2. Les moyens financiers de la DGLFLF

Pour réaliser ces missions, la DGLFLF dispose de deux enveloppes de crédits rattachés à la mission ministérielle « Culture » :

- des crédits de fonctionnement et de communication ouverts à l'action n° 7 « Fonction soutien » du Programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » ; ces crédits, évalués à 300 000 euros en 2005, devraient être reconduits pour un montant équivalent ;

- des crédits d'intervention relevant pour l'essentiel de l'action n° 7 « Patrimoine linguistique » du programme « Patrimoines » qui devraient être reconduits en 2006 du même niveau qu'en 2005, soit 1,5 million d'euros ; à ces crédits s'ajoutent une enveloppe de 100 000 euros , inscrite à l'action « Action culturelle internationale » du programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » , en faveur des Fonds de soutien à l'interprétation des colloques scientifiques internationaux organisés en France.

B. L'EMPLOI DE LA LANGUE FRANÇAISE EN FRANCE : UN COMBAT PRIMORDIAL

Assurer la prééminence du français sur notre territoire national, et affirmer la place du français sur la scène internationale sont, aux yeux de votre rapporteur pour avis, deux objectifs indissociables.

Si le français chez nous cesse d'être communément utilisé par certains milieux - le monde scientifique ou la communauté financière - s'il n'est plus présent dans certains domaines comme la recherche ou les nouvelles technologies, croit-on vraiment qu'il conservera longtemps son statut de langue à rayonnement international ? Croit-on vraiment qu'il continuera d'être appris, aimé dans le monde entier ?

Votre rapporteur a eu l'occasion de rappeler ces vérités d'évidence à l'occasion de la discussion devant le Sénat d'une proposition de loi d'origine sénatoriale, qui se proposait d'apporter quelques compléments à la loi du 4 août 1994 sur l'emploi de la langue française. Rapporteur de ce texte comme il l'avait été, onze années plus tôt de la « loi Toubon » de 1994, il s'est efforcé de tracer un bilan de l'application de ce dispositif législatif. Il en rappellera ici les principales conclusions, renvoyant à son rapport 2 ( * ) sur la proposition de loi, leur présentation exhaustive.

1. La « loi Toubon » : une loi désormais bien acceptée

Dix années après son adoption par le Parlement, la loi du 4 août 1994 est devenue un élément emblématique de notre paysage législatif, et sa légitimité est maintenant parfaitement reconnue par l'opinion publique.

C'est un point qui mérite d'autant plus d'être souligné que la discussion de la future « loi Toubon » devant le Parlement avait donné lieu à une campagne de dénigrement qui n'était pas exempte de mauvaise foi : certains n'avaient-ils pas, contre toute vérité, soupçonné le ministre de la culture de vouloir se livrer à une « police de la langue » destinée à l'expurger des termes étrangers que l'usage y avait introduit ?

Les années ont passé, contribuant à rétablir une juste perception des choses, et plus personne en France ne conteste ni le principe ni les dispositions de la « loi Toubon ». Celle-ci suscite même un intérêt nouveau chez un nombre croissant de nos concitoyens.

Un sondage réalisé en 2000 par la SOFRES, à la demande d'une association de consommateurs, a montré que 93 % des personnes interrogées jugeaient les dispositions de la « loi Toubon » relatives à l'information en français du consommateur très ou assez utiles, et cette proportion montait même à 98 % chez les cadres et les professions intellectuelles.

A la question « la loi vous paraît-elle une mesure un peu rétrograde, qui n'est plus adaptée à la mondialisation ? » 77 % des personnes interrogées ont répondu « non », et ce pourcentage atteignait même 84 % chez les « commerçants, artisans et industriels », et 92 % chez les « cadres et professions intellectuelles ». Enfin, 86 % des personnes interrogées ont estimé que le français devait rester obligatoire dans l'étiquetage et les modes d'emploi.

Les auditions auxquelles a procédé votre rapporteur l'ont d'ailleurs convaincu que les associations de consommateurs avaient pleinement pris conscience de la nécessité d'assurer une bonne information en français du consommateur, et qu'elles étaient prêtes à assumer un rôle actif dans la défense de notre langue.

Il a également pu constater que le monde du travail, peu mobilisé à l'origine pour la défense du français, découvrait progressivement, le caractère discriminant que peut présenter, pour les salariés, l'usage de plus en plus fréquent d'une langue étrangère, et que leurs représentants n'hésitent plus à se prévaloir des dispositions garantissant l'usage du français dans l'entreprise.

Votre rapporteur se réjouit que la proposition de loi d'origine sénatoriale, qui se propose d'actualiser certains aspects de la « loi Toubon », ait été adoptée par le Sénat à l'unanimité , témoignant du fait que la défense de notre langue en France est bien considérée comme une grande cause nationale qui transcende les clivages partisans .

2. Une loi équilibrée mais irrégulièrement appliquée

Votre rapporteur s'est attaché à rencontrer un grand nombre de responsables publics ou privés intéressés, à des aspects divers, aux problèmes posés par la défense de notre langue.

Le sentiment qui prévaut de ces auditions est globalement positif : les dispositions de la loi couvrent bien les différents domaines de la défense de notre langue, et aucun secteur significatif n'a été laissé de côté. En outre, son dispositif traduit une volonté d'équilibre qui a contribué à asseoir l'autorité de la loi et à faciliter son acceptation : très libérale à l'égard de la présentation conjointe de traductions, elle s'efforce de proportionner ses exigences linguistiques à des objectifs de protection des consommateurs, d'information du public, ou de défense des salariés.

Enfin, sa rédaction a su s'élever à un niveau de généralité suffisant pour s'adapter aux évolutions de la société, ou à celles de la technique.

Mais ce constat global positif doit aussitôt être nuancé.

Malgré sa cohérence juridique d'ensemble, la loi du 4 août 1994 reste en pratique inégalement appliquée.

a) Les dispositions relatives à l'information du consommateur

Les dispositions de l'article 2 de la loi qui garantissent au consommateur le droit à une information en français dans la présentation et le mode d'emploi d'un produit ou d'un service méritent une mention particulière.

Ce sont celles qui sont le mieux appliquées , grâce à un mécanisme de contrôle efficace qui confie la sanction des infractions à certains corps de fonctionnaires spécialisés, et notamment aux agents de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et à ceux de la Direction générale des douanes et des droits indirects (DGDI).

Les statistiques relatives à ces contrôles sont encourageantes : le nombre de contrôles est progressivement passé d'un millier au début des années 90 (sous l'empire de l'ancienne loi de 1975) à dix mille environ en 2002 et 2004. Dans le même temps, le taux d'infraction a été divisé par deux, tombant de 20 % à 10 %.

Les services de la DGCCRF estiment que la majorité des professionnels, et en particulier ceux des secteurs industriels et des services, ont une bonne connaissance de la législation relative à l'emploi de la langue française, et des obligations qu'elle leur impose. Dans l'ensemble, les manquements seraient le plus souvent de faible gravité et donneraient lieu davantage à des rappels de la réglementation qu'à la mise en oeuvre de procédures contentieuses.

En proportion, le nombre des interventions de la Direction générale des douanes et des droits indirects est beaucoup plus limité. Il a cependant fortement progressé sur les trois dernières années, passant de 1 092 en 2002 à 2 284 en 2004. Le nombre des infractions relevées est passé de 31 en 2002 à 39 en 2004 mais reste situé à un taux très marginal.

Alors que les dispositions de l'article 2 de la « loi Toubon » relatives à la protection des consommateurs sont en pratique, celles dont le respect est le mieux assuré, elles font l'objet depuis quelques années entre les autorités françaises et les autorités européennes, d'un débat sur la conciliation entre la libre circulation des marchandises au sein de l'Union et le droit des consommateurs à être informés dans leur langue .

La Commission européenne reconnaît aux Etats membres le droit d'adopter des mesures nationales exigeant que certaines mentions relatives à la désignation et à l'étiquetage des produits soient libellées dans une langue aisément compréhensible par le consommateur, qui peut être la langue nationale. Mais, s'appuyant sur la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, elle estime que le respect du principe de proportionnalité, qui s'impose aux Etats dans l'exercice de leurs compétences, doit permettre « l'emploi éventuel de moyens alternatifs assurant l'information des consommateurs, tels que des dessins, des symboles ou des pictogrammes. »

Elle ajoute que cette obligation de recourir au français doit être limitée aux mentions auxquelles l'Etat membre attribue un caractère obligatoire et pour lesquelles l'emploi d'autres moyens que leur traduction ne permet pas d'assurer une information des consommateurs appropriée.

Votre rapporteur ne reviendra pas ici sur les étapes successives qui ont ponctué la recherche d'un compromis, et qu'il a exposées en détail dans de précédents rapports 3 ( * ) .

La solution actuellement adoptée par les pouvoirs publics français a consisté dans la publication au Bulletin officiel de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (BOCCRF) du 26 avril 2005, d'une instruction à l'intention de services de contrôle de la DGCCRF.

Celle-ci prend appui sur l'un des considérants de la décision par laquelle le Conseil d'Etat avait, en juillet 2003, annulé une circulaire précédente en date du 20 septembre 2001. Dans celui-ci, le Conseil avait rappelé qu'il appartenait, « le cas échéant, aux ministres, dans l'hypothèse où des dispositions législatives se révéleraient incompatibles avec des règles communautaires, de donner instruction à leurs services de n'en point faire application ».

L'instruction du 26 avril 2005 se borne en conséquence à recommander aux services de suspendre l'application de l'article 2 de la loi dans les seuls cas où il contreviendrait aux directives communautaires.

La solution qui consiste à écarter, par une instruction ministérielle, l'application d'une disposition législative, dès lors que celle-ci s'avérerait contraire à une norme européenne (dont la valeur est, il est vrai, supérieure à celle des lois, en vertu de l'article 55 de notre Constitution) ne satisfait pas pleinement votre commission, qui la juge cependant acceptable à titre transitoire .

A l'occasion de la discussion de la proposition de loi relative à l'emploi de la langue française, elle a donc invité le Gouvernement français à se rapprocher des nouveaux membres de l'Union européenne qui ont intégré dans leur droit des dispositions législatives proches des nôtres garantissant l'information du consommateur dans sa langue nationale, pour faire évoluer la position des instances européennes .

Elle a réaffirmé pour sa part son attachement au caractère intangible du principe posé par la loi de 1994, et en particulier son article 2.

b) L'application des autres dispositions : un bilan plus nuancé

Les autres dispositions de la loi du 4 août 1994 ne bénéficient pas, comme celle de l'article 2 relatives à la publicité et à l'information du consommateur, de modalités spécifiques de contrôle spécialement confiées à certains corps de fonctionnaires dans l'exercice de leurs missions, et le caractère effectif de leur application s'en ressent.

La proposition de loi adoptée par le Sénat a privilégié deux voies pour y remédier :

- une extension aux associations de consommateurs de la capacité déjà reconnue aux associations de défense de la langue française d'exercer les droits reconnus à la partie civile pour un certain nombre d'infractions à la législation linguistique ;

- un renforcement du contrôle opéré par les différentes administrations concernées , dans leur domaine de compétence.

Votre commission tient en effet à rappeler ici qu'elle déplore vivement le caractère incomplet du rapport que le Gouvernement est tenu, aux termes de l'article 22 de la « loi Toubon », de présenter au Parlement sur l'application de la loi sur l'emploi de la langue française . Celui-ci ne comporte, à de rares exceptions près, aucun compte rendu de la façon dont plusieurs des différents ministères concernés, et notamment celui de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, celui de la justice, ou celui de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, ou encore celui des transports s'acquittent de leur mission de veille dans les secteurs de leur compétence.

Ces raisons ont conduit le Sénat, sur la proposition de votre commission, à compléter l'article 22 de la « loi Toubon » relatif au rapport annuel au Parlement par une phrase invitant les différentes administrations concernées par les dispositions de la loi à y apporter leur contribution et demandant plus particulièrement à la Chancellerie de tracer un bilan des procès-verbaux constatant les infractions à la législation linguistique, précisant la nature et les suites judiciaires qui lui sont réservées, particulièrement dans le cas où les associations agréées ont exercé les droits reconnus à la partie civile.

3. Les compléments apportés à la « loi Toubon »

Sur proposition de votre commission, le Sénat a en outre adopté un certain nombre de dispositions tendant à compléter le dispositif de la loi du 4 août 1994 pour mieux prendre en compte certains enjeux sectoriels.

a) L'information des consommateurs, des voyageurs et du public

Plusieurs dispositions de la proposition de loi adoptée par le Sénat tendent à compléter la loi du 4 août 1994 pour améliorer l'information des consommateurs, du public et des voyageurs.

Dans sa rédaction actuelle, l'article 3 de la loi de 1994 précitée impose l'usage du français pour toute inscription ou annonce apposée ou faite sur la voie publique, mais la circulaire d'application de 1996 a dispensé les enseignes de cette obligation en les englobant dans la dérogation consentie aux noms commerciaux et aux marques de fabrique.

Les dispositions adoptées par le Sénat imposent la traduction, ou l'explicitation - la notion est nouvelle - des termes étrangers utilisés dans la formulation d'une enseigne dès lors qu'ils sont susceptibles de contribuer à l'information du consommateur.

De la même façon, la proposition de loi impose la traduction ou l'explicitation des vocables étrangers utilisés dans la formulation d'une dénomination sociale, dès lors que ceux-ci sont de nature de l'activité de la société concernée.

L'article 3 de la loi de 1994 précitée impose également l'usage du français dans les annonces faites dans les transports en commun. La proposition de loi adoptée par le Sénat confirme explicitement que cette obligation s'impose dans les transports internationaux en provenance ou à destination du territoire national.

b) Le monde des entreprises et du travail

On assiste aujourd'hui à une prise en conscience progressive de l'enjeu essentiel que représentent les entreprises dans la préservation de l'influence du français dans le monde. C'est en effet très largement à travers elles que se joue l'avenir des langues dans la sphère économique et financière. C'est leur comportement qui fera pencher le monde des affaires vers le monolinguisme ou le multilinguisme.

Cette prise de conscience, dont on peut regretter le caractère un peu trop tardif, a suscité la réalisation d'un certain nombre d'études partielles mais cependant éclairantes.

Il en ressort que les pratiques linguistiques des entreprises relèvent rarement de politiques explicites et que l'anglicisation des échanges, accentuée par la mondialisation et les nouvelles technologies de l'information, présente des coûts humains et raciaux non négligeables.

Ces considérations ont conduit le Sénat, suivant sa commission des affaires culturelles, à apporter quelques retouches ponctuelles au dispositif de la loi de 1994 dans le domaine social :

- pour ériger les pratiques linguistiques des entreprises en élément du dialogue social, à travers la présentation, devant le comité d'entreprise, d'un rapport sur l'emploi de la langue française ;

- pour rendre obligatoire l'emploi du français dans la rédaction de l'ordre du jour sur lesquels sont convoqués les comités d'entreprises, les comités de groupe et les comités d'établissement, ainsi que dans celle de procès-verbaux dans lesquels sont consignées leurs déclarations ;

- pour ne dispenser de l'obligation d'une rédaction en français que les documents destinés à des salariés étrangers ou à des salariés dont l'emploi nécessite une parfaite connaissance de la langue utilisée.

Votre commission souhaite que cette proposition de loi qui apporte à la loi du 4 août 1994 un certain nombre de compléments utiles, sans remettre en cause son économie générale, puisse maintenant venir en discussion rapidement devant l'Assemblée nationale.

C. LE MULTILINGUISME ET LA DIVERSITÉ CULTURELLE AU CoeUR DE NOTRE POLITIQUE ÉTRANGÈRE

La défense de la langue française et, plus généralement, le combat pour la diversité linguistique et culturelle constituent un axe essentiel de notre politique étrangère et de notre action sur la scène internationale.

1. L'adoption de la Convention de l'UNESCO sur la diversité culturelle : un succès majeur

L'adoption, le 20 octobre dernier, par la Conférence générale de l'UNESCO, de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, à la quasi-unanimité des Etats, marque une étape importante dans le combat que la France et ses partenaires de la francophonie mènent depuis de nombreuses années.

Une première « déclaration universelle sur la diversité culturelle » avait déjà été adoptée par acclamations à la 31 e conférence générale de l'UNESCO d'octobre 2001.

Lors du Sommet du développement durable de Johannesburg, en septembre 2002, le Président de la République avait proposé d'aller plus loin et s'était prononcé en faveur de l'adoption par la communauté internationale d'une « convention mondiale sur la diversité culturelle » qui donnerait force de loi internationale aux principes de la déclaration que venait d'adopter l'UNESCO.

La mobilisation des partenaires de la francophonie a contribué à l'aboutissement de ce projet.

Son adoption à une très large majorité, par 148 voix contre 2 et 4 abstentions, témoigne de l'écho que rencontre aujourd'hui dans le monde notre combat en faveur de la diversité culturelle et du multilinguisme.

Fruit d'un long processus de maturation et de deux années de négociation, ce texte qui revêt la forme d'un instrument juridique international renforce l'idée déjà exprimée dans la déclaration de 2001, suivant laquelle la diversité culturelle doit être considérée comme un « patrimoine commun de l'humanité » et sa défense comme « un impératif éthique indispensable au respect de la dignité de la personne humaine ».

La convention réaffirme dans son article premier le droit souverain des Etats d'élaborer des politiques culturelles en vue de « protéger et promouvoir la diversité des expressions culturelles », et de « créer les conditions permettant aux cultures de s'épanouir et d'interagir librement de manière à s'enrichir mutuellement ».

Les principes posés par l'article 2 garantissent que toute mesure destinée à protéger et à promouvoir la diversité des expressions culturelles n'entrave pas le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales « telles que la liberté d'expression, d'information et de communication, ainsi que la possibilité, pour les individus de (les) choisir... ». Au nom du principe d'ouverture et d'équilibre » elle invite les Etats à prendre en compte l'ouverture aux autres cultures du monde.

Les articles 5 à 11 précisent les droits et obligations des Parties en matière de protection et de promotion de la diversité culturelle : création d'un environnement favorable, respect des minorités, reconnaissance du rôle des artistes et des créateurs.

Les articles 12 à 19 s'attachent à la promotion de la coopération internationale, particulièrement en direction des pays en développement, avec l'appui d'un Fonds international pour la diversité culturelle alimenté notamment par les contributions volontaires des Etats membres.

L'article 20 précise les relations de la Convention avec les autres instruments juridiques existants. Tout en affirmant la non-subordination de la convention aux autres instruments , il ajoute que rien dans celle-ci « ne peut être interprété comme modifiant les droits et obligations des Parties au titre d'autres traités auxquels elles sont Parties ».

L'article 29 de la Convention prévoit que celle-ci entre en vigueur trois mois après le dépôt du 30 e instrument de ratification.

Votre commission encourage donc nos partenaires de l'Union européenne, et nos partenaires de la francophonie, qui ont été à nos côtés pour l'adoption de ce texte, à engager dans les meilleurs délais sa ratification, de façon à garantir son entrée en vigueur rapide.

2. La place du français dans les institutions européennes

Le français occupe traditionnellement une situation relativement privilégiée dans le fonctionnement des institutions européennes. Toutefois, on assiste, depuis plusieurs années, à une érosion de ses positions, notamment comme langue de travail et langue de rédaction des rapports de la commission.

Ce mouvement s'est encore amplifié sous l'effet de l'élargissement de l'Union à de nouveaux pays. Le « plan pluriannuel pour le français dans l'Union européenne » tend à contrer cette tendance.

Dès la présidence française de 1995, le ministère des affaires étrangères a lancé un programme spécifique de formation au français en direction des fonctionnaires des institutions dans les pays candidats à l'élargissement (hauts fonctionnaires et particulièrement diplomates, traducteurs et interprètes). Le Centre européen de langue française (CELF) a été créé dans ce cadre à Bruxelles en tant que pôle de formation spécialisé pour les publics des institutions de l'Union européenne. Ce programme a été rejoint en 2002 par le Luxembourg, la communauté française de Belgique et l'Agence intergouvernementale de la francophonie (AIF). Officiellement signé le 11 janvier 2002, il porte désormais la dénomination de « Plan pluriannuel pour le français dans l'Union européenne ».

Ce plan comprend d'importants volets de formation, des actions de promotion de notre langue, ainsi que la mise à disposition de logiciels facilitant la rédaction administrative en français.

Il est centré sur la formation à la langue française des fonctionnaires et des diplomates non francophones, appelés à siéger à Bruxelles dans des groupes de travail sans interprétation.

En 2004 , près de 2 700 personnes ont bénéficié de ce plan dont un peu plus de 2 000 fonctionnaires des administrations centrales des Etats membres ou des Etats candidats à l'Union européenne, 500 diplomates des représentations permanentes et missions auprès de l'Union européenne à Bruxelles, et 50 diplomates et délégués permanents des Etats auprès du Conseil de l'Europe à Strasbourg.

Au cours du premier semestre 2005 , le nombre de bénéficiaires à cette formation a été porté à plus de 6 700 .

Le budget consacré à cette action, d'un montant de 1,5 million d'euros en 2005 , devrait être porté à 2 millions d'euros en 2006 .

Le ministère des affaires étrangères s'attache, en outre, à promouvoir le plurilinguisme en encourageant ses partenaires européens à développer l'enseignement de deux langues vivantes obligatoires dans leurs systèmes éducatifs nationaux, de façon à favoriser indirectement l'enseignement du français.

3. La place du français dans les organisations internationales

Lancé en 1997 à l'initiative de la France, au Sommet de la francophonie de Hanoi, « le Plan d'urgence pour la relance du français dans les organisations internationales » était destiné à renforcer la place de la langue française et à accroître le nombre de francophones, ressortissants des pays du Sud, très peu représentés dans ces instances. Le Plan de relance est géré par l'Agence intergouvernementale de la francophonie, sous l'autorité d'un comité de pilotage comprenant des représentants de toutes les grandes zones géographiques de l'espace francophone.

Le budget consacré à ce programme s'élève à plus de 5 millions d'euros pour la période 2004-2005. Le programme comprend plusieurs volets :

- un programme de formation à la fonction publique internationale destiné à améliorer la présence de francophones dans les organisations internationales ; le budget de ce programme géré par l'Agence internationale de la francophonie sous la coordination pédagogique de l'Ecole nationale d'administration (ENA) s'est élevé à 550 000 euros en 2005 ;

- le programme des jeunes experts francophones tend à la formation de ces derniers en vue de leur recrutement par les organisations internationales ; ce programme, d'une réelle efficacité (80 % des jeunes experts formés depuis 1999 ont été recrutés par les Nations Unies) s'avère cependant coûteux (environ 100 000 euros par an et par expert) et suscite à ce titre une réflexion au sein de l'Agence. Celle-ci envisage de le réorienter partiellement vers les organisations régionales de l'Afrique de l'Ouest et de l'Océan indien ; son budget global s'est élevé en 2005 à 2,75 millions d'euros ;

- un programme de soutien à l'environnement francophone reposant sur un fonds d'aide à la traduction et à l'interprétation ainsi que sur un fonds d'aide à la concertation francophone qui prévoit la prise en charge de délégués des pays francophones du sud pour leur permettre de participer à des réunions internationales.

*

* *

Le 21 mars 2006 sera consacré « journée de la francophonie », et votre rapporteur forme le souhait, qu'à l'occasion de cette célébration, le Gouvernement présente au Parlement un projet de loi autorisant la ratification de la convention de l'UNESCO sur la promotion de la diversité culturelle, et inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale la discussion de la proposition de loi relative à l'emploi de la langue française, adoptée en première lecture par le Sénat.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours d'une séance tenue le mercredi 30 novembre 2005 , la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Jacques Legendre sur les crédits de la mission « Aide publique au développement » pour 2006 .

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur pour avis.

M. Louis Duvernois a exprimé la préoccupation que lui inspirait également la dispersion des crédits, ce qui rend plus difficile leur identification, contrairement aux objectifs affichés de la LOLF. Il a souhaité que la mise en place de la nouvelle présentation budgétaire permette, lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2007, une meilleure visibilité des efforts consentis par la France en faveur de la francophonie et a déclaré apporter son plein soutien aux recommandations formulées par le rapporteur pour avis. Il a rappelé que l'année 2006 devait être l'année de la francophonie et a souhaité que celle-ci permette une meilleure sensibilisation des élites et de la société civile.

M. Jacques Valade, président , a exprimé son plein soutien aux recommandations du rapporteur pour avis, qui sont partagées par l'ensemble de la commission.

Suivant la proposition de son rapporteur pour avis, la commission a ensuite donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Aide publique au développement » pour 2006 , les groupes socialiste et communiste républicain et citoyen s'abstenant.

* 1 Projet de loi de finances pour 2006 - Annexe « Aide publique au développement » p.77.

* 2 Rapport n° 27 (2005-2006) fait par M. Jacques Legendre au nom de la commission des affaires culturelles sur la proposition de loi déposée par M. Philippe Marini relative à l'emploi de la langue française.

* 3 - Avis n° 69 - Tome XIV (2002-2003) fait par M. Jacques Legendre au nom de la commission des affaires culturelles sur le projet de loi de finances pour 2003 - Francophonie - p. 37 et sq.

- Avis n° 75 - Tome XII (2004-2005) fait par M. Jacques Legendre au nom de la commission des affaires culturelles sur le projet de loi de finances pour 2005 - Francophonie - p. 38 et sq.

- Rapport n° 27 (2005-2006) fait par M. Jacques Legendre au nom de la commission des affaires culturelles sur la proposition de loi relative à l'emploi de la langue française - p.30 et sq.

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