II. LA MISE EN oeUVRE DE LA SÉCURITÉ CIVILE

1. Les actions liées à la sécurité sanitaire

La canicule de 2003 avait souligné de manière dramatique les interactions permanentes entre sécurité sanitaire et sécurité civile, et la nécessité de renforcer la coopération entre les acteurs concernés pour améliorer la réponse des secours en cas de crise. La lutte contre l'épidémie de chikungunya et les mesures de prévention du risque de grippe aviaire en sont une nouvelle illustration.

a) La préparation au risque de grippe aviaire

Depuis l'alerte lancée début 2004 par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) sur le risque d'une épidémie de grippe aviaire de grande ampleur, la France se prépare à une pandémie grippale .

La stratégie de l'Etat de préparation et de réponse à cette pandémie est décrite dans le plan gouvernemental du 6 janvier 2006. En cas de crise, ce plan prévoit de confier la conduite opérationnelle de l'action de l'Etat au ministère de l'intérieur.

Les services de la DDSC ont été mobilisés, avec les sapeurs-pompiers, lors de la première identification du virus dans un élevage avicole de l'Union européenne, à Versailleux (Ain), procédant alors à l'euthanasie des dindes de cet élevage et à la destruction des bâtiments de l'exploitation.

Ils poursuivent en outre le travail de planification (plan de continuité des services de février 2006), de sensibilisation (circulaires aux préfets) et de préparation (exercices nationaux et régionaux en 2005 et 2006 ; achat de 1.474.200 masques) au risque de grippe aviaire.

b) La réponse à l'épidémie de chikungunya

Virus transmis par la piqûre des moustiques du genre Aedes , le chikungunya (ou « maladie de l'homme courbé ») provoque de fortes douleurs articulaires associées à une raideur du corps, et des fièvres intenses.

Identifiée pour la première fois en 1953 en Tanzanie, cette maladie n'est à ce jour pas transmissible d'homme à homme mais de fortes suspicions de transmission in utero existent. Aucun traitement n'a été mis au point et à ce jour, seuls les symptômes du virus peuvent être combattus. En outre, la prolifération des moustiques doit être combattue pour éviter sa propagation.

En 2005, le chikungunya a touché les Comores, Mayotte (40.000 malades) , l'île Maurice. Il a provoqué une crise sanitaire sans précédent à La Réunion entre janvier et juin 2006 .

Les moyens nationaux de la sécurité civile ont complété les structures de commandement mises en place à La Réunion et à Mayotte et mené la lutte anti-vectorielle autour des habitations.

Grâce à ce dispositif important et à l'arrivée de l'hiver austral, les cas de chikungunya ont diminué. Malheureusement, l'épidémie n'est pas éradiquée et le retour de conditions climatiques favorables à son vecteur pourrait amener une recrudescence des cas sans poursuite des mesures de prévention et de lutte. C'est pourquoi les dispositifs mis en place devraient être reconduits.

2. Les interventions de la sécurité civile à l'étranger

Depuis vingt ans, personnels et moyens de la sécurité civile sont régulièrement sollicités par les gouvernements du monde entier et déployés à l'étranger, conformément à une procédure bien définie.

Après examen attentif d'une demande formelle d'assistance, le ministère des affaires étrangères décide alors du principe de l'intervention, en relation constante avec le ministère de l'intérieur (centre opérationnel de gestion interministérielle des crises - COGIC), chargé de proposer une stratégie d'engagement des moyens. De là, un élément de reconnaissance et d'évaluation (ERE) est envoyé sur place pour analyser la situation et définir l'étendue du dispositif français.

Sous commandement unique, les détachements engagés, placés auprès de l'ambassadeur de France, sont composés de personnels des unités d'instruction et d'intervention de la sécurité civile (UIISC), mais aussi de sapeurs-pompiers, voire de secouristes agréés par la sécurité civile.

Votre commission tient à rendre un hommage particulier aux équipes de secours qui ont permis le rapatriement de plus de 11.000 Français en provenance du Liban, du 17 juillet au 17 août , réalisant de fait la plus grande opération de rapatriement depuis la fin de la guerre d'Algérie.

Lieu

Durée

Moyens mis en oeuvre

Nature de la catastrophe

Mission des détachements

Pakistan

Octobre 2005

Détachement composé d'un ERE de 5 personnels et d'un GICA de 21 personnels

Séisme :

49.739 mors

74.134 blessés

Suivi du déploiement des moyens français

Animation de la cellule de crise à l'ambassade de France

Coordination des secours européens

Sauvetage

Indonésie

Mai-Juin 2006

Détachement composé d'un ERE de 5 personnels et de 42 médecins et infirmiers

Séisme :

5.846 morts

15.000 blessés

Envoi de matériel médical et de Fret humanitaire : déploiement d'un dispensaire de campagne pour la Croix-Rouge française

Aide sanitaire

Renfort des équipes hospitalières

Liban

Juillet-Août 2006

Deux missions d'appui et de secours à Beyrouth et à Chypre (87)

Equipes de soutien aux rapatriés à Roissy

Guerre, bombardements du territoire libanais

Evacuation et rapatriement de 11.000 ressortissants français

Côte d'Ivoire

Septembre 2006

ERE de 5 personnels

Pollution toxique

Evaluation des risques sanitaires et environnementaux

Définition de mesures conservatoires et des modalités de neutralisation du danger

3. La lutte contre les feux de forêts

a) Une année difficile en 2005, un bilan très satisfaisant en 2006

Les données disponibles pour l'année 2005 soulignent les difficultés rencontrées par les secours dans un contexte de sécheresse intense et de vents violents au cours de l'été.

La surface brûlée dans les départements méditerranéens s'est établie à 17.800 hectares (dont 16.200 hectares pendant l'été). De plus, il y a eu extension de la zone traditionnelle de risques avec 4.950 hectares brûlés sur le reste du territoire. Ce bilan préoccupant a été aggravé par le décès de 6 agents de la sécurité civile (4 membres d'équipage d'avions de la sécurité civile ; 1 pilote de bombardier et 1 sapeur-pompier).

L'année 2006 , pourtant marquée par une sécheresse dans la zone sud et des températures caniculaires en juillet, a été plus favorable sur le front des feux de forêts.

Le bilan des surfaces brûlées dans les départements méditerranéens au 1 er septembre s'établit à un peu plus de 5.200 hectares pour 2.020 départs de feux, surface bien inférieure à la moyenne décennale (15.600 hectares). 40 % de la superficie brûlée est imputable à des incendies qui ont eu lieu avant la mobilisation du dispositif estival (exemple des 450 hectares brûlés au Menez Hom dans le Finistère en mai) et les départements du Languedoc-Roussillon ont été plus durement touchés qu'à l'accoutumée.

Au total, grâce à l'amélioration de la prévention et de la lutte contre les incendies, les feux de forêts n'ont pas pris d'ampleur catastrophique.

Nombre de départs de feux

Surfaces incendiées

2004

2005

2006

2004

2005

2006

Alpes-Maritimes

147

143

140

243

338

144

Bouches-du-Rhône

229

204

180

2.674

2.264

700

Haute-Corse

388

241

380

4.460

4.200

610

Corse-du-Sud

241

272

320

98

200

230

Hérault

79

121

69

102

700

910

Var

305

303

303

932

1.860

470

Total zone méditerranéenne

1.999

1.871

2800

10.600

17.570

5.263

Sud Ouest

1.250

1.830

990

1.450

3.350

900

Autres

521

NC

NC

1.650

1.600

1.000

Total France

3.770

NC

NC

13.700

22.520

7.100

Source : ministère de l'intérieur et base de données Prométhée (au 28/11/06).

b) Une stratégie de prévention et de lutte sans cesse améliorée

Les retours d'expérience de la campagne de feux de forêt de 2003 (74.000 hectares brûlés dans toute la France) et l'examen attentif des campagnes « feux de forêts » ultérieures des services de secours illustrent en premier lieu le rôle déterminant de la prévention des incendies par :

- la connaissance toujours plus fine de l'origine des feux de forêts . En 2004, 75 % des incendies ont donné lieu à une enquête contre 20 % en moyenne dans les années 90. En 2005, la répartition de l'origine des feux de forêt était la suivante : imprudence (47 %) ;  malveillance (39 %) ; accidentel (9 %) ; foudre (5 %) ;

- les aides au maintien des activités agricoles ou pastorales dans les massifs méditerranées fragilisés par des feux récurrents. Pour 2007, 28 millions d'euros sont prévus par le ministère de l'agriculture au titre de la prévention des incendies de forêts ;

- le respect de l'obligation de débroussaillement des parcelles à proximité des habitations et infrastructures et la mise en place de plans de prévention des risques d'incendie de forêts (PPRIF ; 55 communes sont aujourd'hui dotées d'un plan approuvé et 162 d'un plan prescrit), destinés à limiter le « mitage » urbain des massifs les plus exposés. En effet, ces mesures doivent permettre de ne pas disperser l'action des secours mobilisés contre un feu en les contraignant à défendre une habitation ou un terrain isolé.

Votre commission constate les efforts entrepris en ce sens, en particulier grâce à des opérations de sensibilisation des propriétaires par les collectivités territoriales (cellule d'aide au débroussaillement en Corse) ;

- l'atout essentiel que constitue l'expertise de Météo France pour l'anticipation des risques et le déploiement préventif des moyens de secours.

Ainsi, Météo France (qui dispose depuis longtemps d'une antenne météorologique qui diffuse, deux fois par jour, des prévisions de danger pour quinze départements méditerranéens) a mis en place une nouvelle antenne spécifique à la zone sud ouest , dont les forêts sont plus sensibles aux incendies depuis les tempêtes de 1999 (chablis). De plus, dans le cadre du programme Eurorisk , Météo France et la DDSC développent une carte nationale de danger météorologique en matière d'incendies de forêts , afin de permettre aux zones moins régulièrement exposées de disposer d'un outil d'appréciation du risque feux de forêts ;

- des dispositifs efficaces de surveillance des massifs et de prévention opérationnelle au cours de l'été (agents forestiers ; stratégie de guet aérien armé et d'attaque des feux naissants 20 ( * ) des avions bombardiers d'eau).

Concernant les dispositifs de lutte contre les feux de forêts, il convient d'insister sur :

- la mobilisation réussie des moyens de la flotte aérienne de la sécurité civile , confirmant la pertinence du maintien de ses capacités (3.600 heures de vol d'avions bombardiers d'eau en 2005). L'apport décisif des deux nouveaux bombardiers d'eau polyvalents Dash 8 et de l'hélicoptère bombardier d'eau Aircrane, loué pour les interventions en Corse auquel il est adapté, a déjà été souligné.

- la plus grande souplesse de l'utilisation des colonnes de renfort de sapeurs-pompiers , en soutien des moyens de secours locaux ;

- l'engagement accru des forces de police et de gendarmerie, ainsi que de l'institution judiciaire, pour rechercher et réprimer les incendiaires . En 2006, 150 auteurs d'incendie ont été identifiés, dont une dizaine pour des feux volontaires et les parquets sont intervenus pour la mise en oeuvre des poursuites sous forme de comparution immédiate. A titre d'exemple, la Cour d'assises du Var a condamné à douze ans de réclusion un auteur d'incendie qui a parcouru 2.000 hectares en 2003 et dans lequel une dizaine de sapeurs-pompiers avaient été blessés.

4. L'adaptation permanente aux risques nucléaire, radiologique, bactériologique et chimique (NRBC)

Pour 2007, la capacité de réponse des secours va être renforcée par certains équipements (acquisition de tenues à haute protection et de deux embarcations pour les navires ; mise en place d'une deuxième chaîne de décontamination dans le cadre du plan de modernisation de la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP)).

La formation aux risques NRBC des personnels de l'Etat concernés va être également améliorée avec le développement du centre de formation à la gestion des crises NRBC à la caserne Mortier de Cambrai .

Après avoir envisagé de recourir à un partenariat public-privé, le ministère de l'intérieur a finalement confié la maîtrise d'oeuvre des formations à l'institut national des hautes études de sécurité (INHES) en mai 2006. L'INHES bénéficie d'une subvention de 300.000 euros à ce titre. Le pôle doit démarrer ses activités au début de l'année prochaine (simulations de crises...).

De son côté, la BSPP a créé un centre de formation « risques technologiques » délivrant toutes les qualifications NRBC, qui vise à former ses personnels et à sensibiliser les autres acteurs de la chaîne des secours (police, gendarmerie, services de santé) ou les services d'équipements.

Les SDIS, qui bénéficient désormais d'équipements idoines pour les interventions NRBC, ont développé deux spécialités professionnelles, à « risques radiologiques » et « risques chimiques et biologiques ». Mais la préparation aux risques NRBC passe surtout par les exercices , seuls à même de valider les bonnes pratiques (entre 2005 et 2006, une vingtaine d'exercices NRBC a été menée).

A titre d'exemple, le 13 février 2006, un exercice a été organisé à Lyon, prévoyant des attaques simultanées au stade Gerland, à la station de tramway Montrochet et place des Terreaux afin de tester la capacité de réponse et de coordination des secours (intégration de la dimension judiciaire ; expérimentation d'ANTARES ...).

* 20 Cette stratégie consiste, en période de risques élevés, à maintenir des appareils en vol sur les espaces les plus exposés afin de pouvoir éteindre les débuts d'incendie dans les dix premières minutes.

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