II. L'EXPÉRIMENTATION DU RSA : PRÉLUDE À UNE RÉFORME D'ENSEMBLE DU SYSTÈME DES MINIMA SOCIAUX

A. UN SYSTÈME COMPLEXE ET OPAQUE

Pour avoir travaillé de manière approfondie sur cette question, votre commission sait combien le système actuel de solidarité nationale est complexe et porteur de nombreux paradoxes. 16 ( * )

Notamment, il décourage les bénéficiaires de minima sociaux de reprendre une activité professionnelle, du fait de la perte nette des ressources et des droits connexes liés à leur statut d'allocataires.

Pour ces motifs, votre commission s'était déclarée favorable à l'étude d'un autre dispositif, privilégiant la suppression des effets de seuil et fondé sur le niveau de revenu, plutôt que sur le statut, pour définir les conditions d'éligibilité aux aides sociales connexes. 17 ( * )

1. Un système stratifié et hétérogène

Le système de solidarité nationale compte, à ce jour, pas moins de neuf minima sociaux. Il s'agit de prestations non contributives, versées sous condition de ressources et visant à assurer un revenu minimum à certaines catégories de personnes.

Les minima sociaux en France

Minimum social

Personnes ciblées

Montant mensuel
(en euros)

Revenu minimum d'insertion (RMI)

Personne de vingt-cinq ans et plus ne disposant d'aucune autre prestation de solidarité.

440,86 pour 1 pers. seule
661,29 pour 2 pers.
132,26 par pers. suppl.
(forfait logement inclus)

Allocation de parent isolé (API)

Personnes isolées assumant seules la charge d'un ou plusieurs enfants

748,24 pour 1 pers. seule
(avec un enfant à charge)

Allocation de solidarité spécifique (ASS)

Chômeurs ayant épuisé leurs droits à l'assurance chômage et justifiant d'au moins cinq ans d'activité salariée au cours des dix dernières années précédant la rupture de leur contrat de travail

taux normal : 14,51 par jour
taux majoré : 20,83 par jour
plafond : 1 015,70

Allocation d'insertion (1) (AI)

Détenus libérés, personnes en attente de réinsertion, rapatriés, réfugiés et demandeurs d'asile

10,22 par jour (2)
plafond : RMI selon composition de la famille

Allocation équivalent retraite (AER)

Chômeurs de moins de soixante ans totalisant déjà 160 trimestres de cotisation à l'assurance vieillesse

31,32 par jour
plafond : 1 503,36

Minimum vieillesse

Personnes âgées de plus de soixante-cinq ans (soixante ans en cas d'inaptitude au travail) disposant de droits nuls ou très faibles à l'assurance vieillesse

621,27 pour 1 pers. seule
1 114,51 pour 1 ménage

Allocation supplémentaire d'invalidité (3)

Personnes de moins de soixante ans, titulaires d'une pension d'invalidité de très faible montant, servie par la sécurité sociale au titre d'une incapacité permanente

365,97 pour 1 pers. seule
603,90 pour 2 pers.

Allocation aux adultes handicapés (AAH)

Personnes handicapées qui ne peuvent prétendre ni à un avantage invalidité, ni à une rente d'accident du travail

621,27
complément : 99,40
majoration (4) : 103,63

Allocation veuvage (5)

Conjoints survivants d'assurés sociaux décédés

549,07
plafond : 2 059,01/trim.

(1) Supprimée par la loi de finances pour 2006 et remplacée par l'allocation temporaire d'attente (ATA).

(2) Montant de l'ATA, qui est versée sous condition de ressources aux demandeurs d'asile pendant la durée de la procédure d'instruction de leur demande, lorsqu'ils ne peuvent accéder à des revenus de remplacement du travail ou à d'autres minima sociaux.

(3) A partir du 14 janvier 2007, l'allocation de solidarité aux personnes âgées et l'allocation supplémentaire d'invalidité remplacent les diverses prestations constitutives du minimum vieillesse.

(4) Majoration pour la vie autonome.

(5) La loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites a supprimé cette allocation qui est en voie d'extinction progressive.

TSA hebdo [1 123] du 13 juillet 2007 - Données mises à jour au 11 juillet 2007

Ces allocations varient selon les publics qu'elles visent (personnes âgées ou familialement isolées, personnes handicapées ou exclues du monde du travail) et les inégalités (incapacité de travailler, par exemple) qu'elles entendent corriger. Leurs conditions d'accès, leurs modalités de calcul et de versement diffèrent sensiblement, ce qui rend le système hétérogène et peu lisible pour ses 3,5 millions de bénéficiaires.

Nombre d'allocataires au 31 décembre 2005

Revenu minimum d'insertion (RMI)

1 134 500

Allocation de parent isolé (API)

182 300

Allocation de solidarité spécifique (ASS)

374 500

Allocation d'insertion (1) (AI)

34 100

Allocation équivalent retraite (AER)

42 400

Minimum vieillesse

537 000

Allocation supplémentaire d'invalidité

112 600

Allocation aux adultes handicapés (AAH)

774 200

Allocation veuvage (2)

6 800

Ensemble des minima sociaux en métropole

3 198 400

DOM

316 200

Total France entière

3 514 600

(1) Supprimée par la loi de finances pour 2006 et remplacée par l'allocation temporaire d'attente.

(2) Supprimée par la loi portant réforme des retraites du 21 août 2003 et en voie d'extinction progressive.

Source : DREES, Etudes et résultats n° 539, novembre 2006.

2. Un système encore peu incitatif à la reprise d'activité

Certains minima ont connu une augmentation importante de leur nombre d'allocataires depuis leur création : tel est notamment le cas de l'API 18 ( * ) et du RMI 19 ( * ) , qui couvrent en France près de 1,4 million de personnes, en attente d'insertion.

Or, les enquêtes récentes mettent en évidence deux phénomènes préoccupants :

- parmi les bénéficiaires de ces deux minima, une part non négligeable (29 % pour le RMI et 53 % pour l'API) déclare ne pas occuper d'emploi et ne plus en chercher. Ils invoquent le plus souvent des raisons de santé ou des contraintes familiales ;

Raisons invoquées par les bénéficiaires de minima sociaux sans activité
expliquant leur abandon de recherche d'emploi

(en %)

Catégorie de bénéficiaires

RMI

API

Raisons invoquées

MS (1)

Sortis

Moy.

MS (1)

Sortis

Moy.

Problèmes de santé

41

36

40

3

16

8

Indisponibilité pour raisons familiales

28

42

32

89

70

81

Pas de travail qui convient

11

6

9

0

1

1

Pas financièrement intéressant

1

2

1

1

1

1

En formation, a déjà trouvé un emploi, attente création entreprise

7

6

7

5

11

7

Autre raison, ne sait pas

12

8

11

2

1

2

(1) MS : toujours titulaire du minimum social au moment de l'enquête.

Champ : personnes sans emploi déclarant ne pas en rechercher un (hors retraités dispensés de recherche).

Guide de lecture : 40 % des personnes interrogées, actuellement ou anciennement bénéficiaires du RMI et sans emploi, déclarent ne pas en chercher à cause de leurs problèmes de santé.

Source : DREES, Enquête auprès des bénéficiaires de minima sociaux 2006 Études et résultats - n° 567 - avril 2007.

- parmi les personnes sans activité qui recherchent un emploi, nombreuses sont celles qui disent rencontrer des obstacles importants pour en trouver un. L'absence de formation adéquate ou d'emploi adapté à proximité, les problèmes de santé et de transport sont le plus souvent cités.

Raisons identifiées par les bénéficiaires de minima sociaux sans activité
expliquant leur difficulté à trouver un emploi

(en %)

Catégorie de bénéficiaires

RMI

API

Raisons invoquées

MS (1)

Sortis

Moy.

MS (1)

Sortis

Moy.

Absence de formation adéquate

22

21

22

24

27

26

Absence d'emploi à proximité dans votre domaine

14

19

15

11

7

9

Problèmes de santé

14

9

13

3

4

3

Absence de véhicule ou du permis

15

13

15

18

17

17

Trop âgé pour les employeurs

11

5

10

3

5

4

Les emplois proposés ne conviennent pas (salaires, horaires...)

6

5

6

5

7

6

Indisponible pour l'instant

2

4

2

19

15

17

Autre raison

13

15

13

13

12

12

Ne sait pas

3

9

4

4

6

6

(1) MS : toujours titulaire du minimum social au moment de l'enquête.

Champ : personnes déclarant rechercher activement un emploi sans en occuper déjà un.

Guide de lecture : 21 % des personnes interrogées, anciennement bénéficiaires du RMI et sans emploi, déclarent que l'absence de formation adéquate est la première cause de leurs difficultés pour trouver un emploi.

Source : DREES, Enquête auprès des bénéficiaires de minima sociaux 2006 - Études et résultats - n° 567 - avril 2007.

A ce stade, on observera que :

- dans les deux cas, l'aspect financier ne constitue pas le premier frein à la reprise d'un emploi. Il n'est invoqué que de façon très marginale ;

- les causes avancées diffèrent d'un minima à l'autre : pour l'API c'est, pour plus de 80 % des bénéficiaires sans activité ayant abandonné la recherche d'un emploi, l'indisponibilité du fait de leurs contraintes familiales ; pour le RMI, il s'agit dans 40 % des cas de raisons de santé ;

- par ailleurs, si la reprise d'emploi est le premier motif de sortie du RMI, la réalité est un peu différente pour l'API : la fin de la durée légale de son versement en est la cause principale. En effet, une fois sur deux, un sortant de l'API s'inscrit au RMI à l'échéance de son allocation.

Les raisons qui expliquent le non-retour à l'activité sont donc nombreuses et variables. Elles appellent la mise en oeuvre de politiques publiques d'insertion multiples et complémentaires, une mesure isolée ne pouvant à elle seule produire les effets escomptés.

3. Les mesures récentes en faveur de la reprise d'une activité

Plusieurs mesures ont déjà été prises pour améliorer la situation économique des bénéficiaires de minima sociaux et favoriser leur retour à l'emploi.

a) Le renforcement des effets incitatifs de la prime pour l'emploi

La loi de finances pour 2006 a permis la mensualisation et une augmentation substantielle de la prime pour l'emploi (PPE). Instaurée par la loi du 30 mai 2001, elle est versée aux salariés les plus modestes afin d'augmenter leur revenu et de rendre financièrement plus attractive la reprise d'emploi. Son versement est lié au paiement de l'impôt sur le revenu : elle permet d'en diminuer le montant ou prend la forme d'une restitution si elle est supérieure à l'impôt dont doit s'acquitter le contribuable.


Les premiers effets des mesures de la loi de finances pour 2006
en faveur de la prime pour l'emploi

L'article 6 de la loi de finances pour 2006 comporte plusieurs mesures relatives à la prime pour l'emploi (PPE) visant à revaloriser l'emploi par rapport à l'inactivité. Il prévoit :

- la majoration de 50 % de son montant sur deux ans ;

- un système de calcul plus favorable de la prime au travail à temps partiel ;

- la mensualisation de son versement ;

- l'augmentation du montant des acomptes versés pour les personnes reprenant une activité professionnelle ;

- le relèvement des divers seuils et limites de revenus afin de tenir compte de l'évolution des prix et des salaires.

En 2008, au terme de la mise en oeuvre progressive de ces mesures, et selon les calculs du Gouvernement, le gain net mensuel lié à la reprise d'emploi, par rapport à la situation d'un titulaire du RMI, sera de :

- 369 euros pour un célibataire (gain de 23 euros) ;

- 370 euros ou 455 euros pour un parent isolé, selon que l'enfant a plus ou moins de trois ans (gain de 20 euros) ;

- 249 euros pour un couple avec deux enfants lorsqu'un seul parent retrouve un emploi et 819 euros lorsque les deux retrouvent un emploi (respectivement 22 euros et 44 euros supplémentaires).

b) Le développement de l'intéressement

La loi n° 2006-339 du 23 mars 2006 pour le retour à l'emploi et sur les droits et devoirs des bénéficiaires de minima sociaux a procédé à une première refonte du système d'intéressement à la reprise d'une activité professionnelle pour les allocataires du RMI, de l'API et de l'ASS. Elle prévoit d'accorder aux personnes reprenant un emploi avec un horaire mensuel d'au moins soixante-dix-huit heures :

- le cumul intégral des minima sociaux et du salaire de l'activité professionnelle pendant trois mois ;

- une prime de retour à l'emploi de 1 000 euros après le quatrième mois de travail ou dès la fin du premier mois, si le contrat est à durée indéterminée ou d'une durée déterminée supérieure à six mois ;

- une prime forfaitaire mensuelle de 150 euros pour les personnes isolées et de 225 euros pour les couples ou familles durant neuf mois, au terme de la période de cumul intégral du revenu d'activité et de l'allocation.

Ces mesures sont ouvertes aux personnes accédant à un emploi aidé, sauf s'il s'agit d'un contrat d'avenir (CA) ou d'un contrat d'insertion-RMA), pour lesquels la prime de retour à l'emploi de 1 000 euros n'est pas accordée. Ces contrats offrent en effet déjà une forme d'intéressement, qui s'ajoute aux nouvelles primes forfaitaires mensuelles.

Pour leur part, les allocataires de l'API et du RMI travaillant moins de 78 heures par mois bénéficient du système antérieur qui leur permet de cumuler durant neuf mois 50 % de leur revenu d'activité avec leur minimum social.

Au total, plus de 84 000 allocataires du RMI bénéficient aujourd'hui de ces nouvelles mesures d'intéressement. Parmi eux, 54 000 ont repris une activité et bénéficient d'un cumul intégral de leur allocation avec leur revenu d'activité pendant trois mois. Cette réforme appliquée depuis le 1 er octobre 2006 a un véritable impact sur l'évolution du nombre d'allocataires du RMI. Elle entraîne une réduction de la durée maximale pendant laquelle l'allocataire cumule son salaire avec le RMI, et ceci pour deux raisons :

- dans le nouveau dispositif, la période de cumul intégral de l'allocation et des revenus d'activité est limitée à trois mois, alors qu'auparavant, elle se prolongeait jusqu'à la deuxième révision trimestrielle consécutive à la reprise d'activité (soit trois à six mois, selon la date de reprise d'emploi) ;

- de plus, au terme de la période de cumul intégral de trois mois, la personne travaillant 78 heures ou plus par mois bénéficiera encore de l'intéressement, mais sous la forme d'une prime forfaitaire mensuelle. Si ces revenus sont supérieurs au plafond du RMI, elle perd le statut d'allocataire de cette prestation. Ainsi, au 31 mars 2007, sur 27 000 foyers qui percevaient cette prime mensuelle, près de 75 % n'étaient plus payés au titre du RMI.

c) L'activation des emplois aidés

La loi a par ailleurs aménagé les règles s'appliquant aux contrats aidés 20 ( * ) :

- suppression de la période requise de six mois de perception d'un minimum social pour accéder au CI-RMA et au CA ;

- assouplissement des contraintes relatives aux agréments, à la durée des contrats, à leur forme juridique (les CI-RMA peuvent être désormais à durée indéterminée), à leur renouvellement et au temps de travail hebdomadaire (les CA peuvent proposer un temps de travail hebdomadaire compris entre 20 et 26 heures).


Le contrat insertion-RMA et le contrat d'avenir

Le contrat insertion-RMA (CI-RMA) et le contrat d'avenir (CA) sont réservés aux bénéficiaires de quatre minima sociaux : le RMI, l'ASS, l'AAH et l'API. Chaque bénéficiaire perçoit un salaire dont le montant est égal au Smic horaire, multiplié par le nombre d'heures travaillées.


• Le CI-RMA

Créé par la loi portant décentralisation du RMI du 18 décembre 2003, le CI-RMA a été ensuite recentré sur le secteur marchand par la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005. La personne embauchée bénéficie d'un contrat à durée déterminée ou d'un contrat de travail temporaire, à temps partiel (20 heures minimum par semaine) ou à temps plein, d'une durée de six mois minimum, renouvelable deux fois dans la limite de dix-huit mois. Le CI-RMA peut également revêtir la forme d'un contrat à durée indéterminée. Les actions d'accompagnement, de formation professionnelle ou de validation des acquis de l'expérience ne sont pas obligatoires mais recommandées.


• Le contrat d'avenir

Créé par la loi du 18 janvier 2005, le CA est un contrat ouvert aux employeurs du secteur non marchand. D'une durée déterminée de deux ans (avec possibilités de dérogation), il peut être renouvelé dans la limite de douze mois et sa durée hebdomadaire est fixée à 26 heures (éventuellement 20 à 26 heures pour un atelier, un chantier d'insertion ou une association de services à la personne). Le CA doit obligatoirement offrir au salarié des actions de formation et ouvrir droit à une attestation de compétences délivrée par l'employeur.

Pour l'employeur, l'embauche d'un salarié en CA permet une exonération de certaines cotisations patronales, dans la limite du Smic. De plus, l'État verse une prime de cohésion sociale dégressive, calculée sur la base de la différence entre la rémunération mensuelle brute du salarié dans la limite du Smic et le montant de l'aide forfaitaire versée par le département. Enfin, la transformation d'un CA en CDI entraîne le versement d'une aide de 1 500 euros à l'employeur, en une seule fois.


• Aide forfaitaire accordée à l'employeur

Le département verse à l'employeur embauchant un bénéficiaire du RMI en CI-RMA ou en CA une aide forfaitaire égale au montant mensuel du RMI pour une personne seule. Toutefois, pour les contrats conclus à compter du 15 octobre 2006, 12 % de ce montant sont pris en charge par l'Etat et versés à l'employeur par le centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles - CNASEA (décret du 19 février 2007 n° 2007-208).


• Prime de retour à l'emploi pour les titulaires d'un CA ou d'un CI-RMA

La loi du 23 mars 2006, entrée en vigueur le 1 er octobre 2006, prévoit que les bénéficiaires du RMI en CI-RMA et CA bénéficient de la prime de 1 000 euros lorsque leur activité est d'une durée supérieure ou égale à quatre mois. En revanche, ils ne bénéficient ni du cumul de leur allocation avec le revenu tiré du CI-RMA ou du CA pendant les trois premiers mois de la reprise d'activité, ni du versement d'une prime forfaitaire mensuelle pendant les neuf mois suivants. Auparavant, les bénéficiaires du RMI en CI-RMA ou en CA n'étaient pas concernés par le précédent mécanisme d'intéressement.

Source : d'après DREES, Les politiques d'insertion des conseils généraux en direction des bénéficiaires du RMI - Etudes et résultats - n° 582 - juillet 2007.

Grâce à l'ensemble de ces mesures, le nombre des bénéficiaires du RMI a sensiblement baissé. On observe notamment une diminution plus nette depuis le 1 er janvier 2007, soit trois mois après la mise en application de la loi du 23 mars 2006 pour le retour à l'emploi et sur les droits et devoirs des bénéficiaires de minima sociaux.

Nombre d'allocataires du RMI payés en fin de trimestre

(en milliers)

Périodes

mars 2006

juin
2006

sept.
2006

déc.
2006

mars
2007

Var. trimestr.
(en %)

Var. annuelle
(en %)

Allocataires RMI

1 260

1 269

1 266

1 260

1 211

- 3,9

- 3,9

Données CVS sur la France entière (métropole et DOM).

Source : Caisse nationale des allocations familiales - Direction des statistiques, des études et de la recherche .

4. Les freins au retour à l'emploi

Pourtant ces mesures n'ont eu que des effets limités. Elles n'ont en effet pas permis de corriger l'ensemble des imperfections du système.

a) Des primes d'intéressement trop faibles pour compenser les pertes de ressources liées au retour à l'activité

Les primes d'intéressement mises en place sont trop faibles pour compenser les pertes d'aides ou l'apparition de charges nouvelles lors de la reprise d'activité. En effet, la majorité des aides sociales, qu'elles soient nationales ou locales, sont attribuées selon le statut, c'est-à-dire par référence au bénéfice de tel ou tel minimum social, d'où leur appellation de « droits connexes ». Leur existence a une double conséquence :

- en premier lieu, il en résulte une iniquité entre les allocataires des différents minima sociaux et entre les salariés à bas revenus et les bénéficiaires de la solidarité nationale ;

- en second lieu, les personnes qui reprennent une activité perdent le plus souvent le bénéfice de ces aides, ce qui entraîne une dégradation de leur situation financière et rend, de fait, moins attractive voire dissuasive, toute reprise d'activité. Pour cette raison, on parle de « trappes à inactivité ». Ces effets sont d'autant plus perceptibles que les droits connexes représentent en réalité une part importante du revenu des ménages, le minimum social n'excédant pas, en moyenne, 20 % de leurs ressources globales. Partant de ce constat, votre commission avait préconisé de supprimer toute référence au statut et de retenir le niveau des ressources comme critère d'éligibilité à ces aides. 21 ( * )

Droits connexes et exonérations liés au statut d'allocataire de minimum social

Minimum social

Exonérations

Droits connexes liés au statut

CRDS (1)

CSG (2)

IR (3)

RA (4)

RMI

oui

oui

oui

oui

Allocation logement à taux plein automatique, suspension des dettes fiscales, exonération de taxe d'habitation (TH) automatique et prolongée un an après la suspension de l'allocation, exonération de cotisation CMU, accès automatique et gratuit à la CMU-c, tarification sociale téléphone, prime de Noël

AAH

oui

oui

oui

oui

Majoration pour vie autonome, tarification sociale téléphone, exonération de la taxe d'habitation sous conditions de ressources.

ASS

oui

non

non

non

Prime de Noël, tarification sociale téléphone

API

oui

oui

oui

non

Allocation logement à taux plein automatique, suspension des dettes fiscales, exonération de TH sous conditions de ressources

Minimum vieillesse

oui

oui

oui

oui

Exonération de TH sous conditions de ressources

Minimum invalidité

oui

oui

oui

oui

Exonération de TH selon l'incapacité ou non de travailler

AER

oui

non

non

oui

Prime de Noël, exonération de TH sous conditions de ressources

Allocation veuvage

oui

oui

oui

oui

Exonération de TH sous conditions de ressources

(1) Contribution au remboursement de la dette sociale.

(2) Contribution sociale généralisée.

(3) Impôt sur le revenu.

(4) Redevance audiovisuelle.

Mais la reprise d'une activité professionnelle occasionne également des charges nouvelles (garde des enfants, présentation, frais de transports) que l'intéressement mis en place ne permet pas forcément de couvrir.

La prime de retour à l'emploi (1 000 euros) vise précisément à financer ces charges nouvelles, mais son versement n'intervient qu'au bout de quatre mois et certains bénéficiaires d'un minimum social ne remplissent pas les conditions pour y avoir accès.

b) Des personnes exclues du système d'intéressement

Certaines personnes sont en effet exclues du dispositif d'intéressement :

- soit parce qu'elles sont bénéficiaires de contrats aidés, pour lesquels l'intéressement est partiellement versé sous forme d'aide pour l'entreprise. Dans ce cas, les personnes bénéficiaires du RMI qui acceptent un CA ou un CI-RMA ne percevront pas plus d'argent qu'en restant au RMI ;

- soit parce qu'elles ne sont pas dans une situation de reprise d'activité après avoir cessé de travailler. Tel est le cas par exemple des bénéficiaires de minimum social qui exercent une activité à temps partiel : 14 % des allocataires du RMI sont actifs, et parmi eux, 6 % ont exercé une activité professionnelle sans interruption pendant les dix-huit derniers mois 22 ( * ) .

c) Un système complexe et cloisonné

Une autre série de difficultés provient de la complexité et du cloisonnement du système. La multiplicité des acteurs (Etat, conseil général, caisses d'allocations familiales (Caf), caisses primaires d'assurance maladie (CPAM), Assedic, ANPE, associations de soutien diverses, etc.) et des dispositifs rend très fastidieux l'accès aux différentes prestations et aides et ne laisse pas suffisamment de temps disponible aux bénéficiaires de minima sociaux pour qu'ils se consacrent pleinement à leur recherche d'emploi et à la réussite de leur réinsertion.

La fusion des aides en une allocation unique (expérimentée dans l'Eure) et des dispositifs d'insertion en un contrat unique d'insertion (expérimenté en Côte d'Or) sont des pistes à explorer.

d) La nécessité d'un accompagnement et d'un soutien renforcés

Le soutien et l'accompagnement sont également insuffisants. Et pourtant ils permettraient aux allocataires de mobiliser plus efficacement les aides auxquelles ils ont droit et d'être mieux orientés dans leur recherche d'emploi ou d'activité d'insertion.

Le principe de plate-forme universelle, tel qu'il a été expérimenté à Pont-Audemer, dans le département de l'Eure pourrait être développé. Il consiste à réunir, en un même lieu, tous les intervenants afin d'améliorer la mobilisation des aides existantes et réduire ainsi la durée et le nombre des démarches des personnes bénéficiaires des minima sociaux.

e) Des entreprises réticentes

Par ailleurs, la réticence des employeurs constitue indéniablement un frein. C'est pourquoi certains départements, notamment la Meurthe-et-Moselle, expérimentent un système de tutorat à l'intérieur des entreprises et d'accompagnement par un travailleur social référent pour assurer la médiation entre l'employeur et le bénéficiaire de minimum social et le soutenir dans sa reprise d'activité.

f) Des formations insuffisantes et inadaptées aux besoins des entreprises

Enfin, le développement de formations adaptées à la demande du bassin local d'emploi devrait permettre d'augmenter le nombre de débouchés pour les bénéficiaires de minima sociaux. Cela suppose une mobilisation plus active des régions et des organismes de formation professionnelle tels que l'association nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa).

Ainsi que l'a souligné votre commission à maintes reprises, l'ensemble de ces dysfonctionnements justifierait une refonte globale du système de solidarité nationale, afin d'en simplifier l'organisation et le fonctionnement et d'en améliorer la lisibilité et l'accès pour les bénéficiaires.

* 16 « Minima sociaux : concilier équité et reprise d'activité » - Rapport d'information n° 334 (2004-2005) de Valérie Létard, déposé le 11 mai 2005.

* 17 Le Sénat a d'ailleurs adopté, le 23 janvier 2007, une proposition de loi en ce sens : Texte n° 51 (2006-2007) - Proposition de loi portant réforme des minima sociaux.

* 18 Environ 200 000 bénéficiaires au 31 décembre 2006 sur la France entière (métropole et DOM).

* 19 Environ 1,21 million d'allocataires au 31 mars 2007 sur la France entière (métropole et DOM).

* 20 Essentiellement les contrats d'avenir et les contrats d'insertion-RMA.

* 21 Rapport d'information n° 334 (2004-2005) précité sur les minima sociaux.

* 22 Haut commissariat aux solidarités actives contre la pauvreté - Dossier de présentation du projet de loi - juin 2007.

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