B. LE CONFORT D'UNE PROCÉDURE INCHANGÉE JUSQU'À LA DÉLIVRANCE DU BREVET EUROPÉEN

Si beaucoup a été dit ou écrit sur les effets du protocole de Londres, votre rapporteur pour avis considère nécessaire d'insister aussi sur ce que ne change pas le protocole de Londres. En effet, la procédure reste absolument identique pour une entreprise française jusqu'à la délivrance du brevet, comme le montre le schéma qui figure à l'annexe 1 du présent rapport. Ceci emporte deux conséquences : l'entreprise française bénéficie toujours du confort de mener la procédure en français de bout en bout et les conditions de la veille technologique qu'elle peut vouloir exercer sont rigoureusement les mêmes.

1. Innover en français reste possible

En maintenant le français comme l'une des trois langues officielles de travail de l'Office européen des brevets, le protocole de Londres permet aux entreprises françaises de continuer à innover en français : en effet, elles peuvent toujours utiliser leur langue maternelle pour déposer leur demande, prendre connaissance de la recherche d'antériorité attestant du caractère nouveau ou non de l'invention par rapport à l'état de la technique, suivre la procédure d'examen qui peut conduire à négocier la brevetabilité de l'invention au regard des critères légaux, publier la demande de brevet et enfin obtenir sa délivrance, tout ceci exclusivement en français.

Il est évident et naturel que, quelle que soit sa taille, une entreprise française apprécie le confort que représente pour elle la possibilité de mener entièrement en français cette procédure d'obtention d'un brevet. C'est sans doute l'une des raisons majeures qui expliquent que l'Italie et l'Espagne refusent de signer l'accord de Londres dans la mesure où il confirme la position symétrique à l'OEB du français, de l'anglais et de l'allemand.

En outre, une entreprise française a tout intérêt aujourd'hui à déposer une demande de brevet d'abord par la voie nationale, qui la protège d'emblée sur son marché domestique, et aura encore cet intérêt après l'entrée en vigueur de l'accord de Londres. Effectivement, comme l'avait bien identifié le rapport Vianès 34 ( * ) en 2001 et comme l'a confirmé M. Benoît Battistelli, directeur général de l'INPI, lors de son audition par votre rapporteur pour avis, le brevet français présente le quadruple avantage :

- d'être rédigé dans la langue de travail des inventeurs francophones ;

- de permettre de bénéficier d'une année de priorité, c'est-à-dire d'une année supplémentaire de confidentialité par rapport à une demande directement adressée à l'OEB ;

- de fournir un rapport de recherche européenne à moitié prix (voire encore moins, dans la mesure où la facture est encore divisée par deux pour les PME) de celui de l'OEB, mais de même qualité, puisque l'INPI sous-traite cette tâche à l'OEB et rend ce rapport de recherche disponible en moyenne sous neuf mois;

- d'être délivré rapidement (en deux ans) et de raccourcir la procédure européenne puisque la recherche d'antériorité aura déjà été faite par l'OEB.

Ces avantages expliquent sans doute que 90 % des entreprises françaises déposent aujourd'hui leurs demandes de brevets d'abord à l'INPI et laissent présager qu'elles seront encore nombreuses à le faire, même après l'entrée en vigueur de l'accord de Londres. Il est en effet précieux, pour une entreprise, de pouvoir disposer, avant l'expiration du délai de priorité d'un an, d'un rapport de recherche de l'OEB permettant d'apprécier la pertinence d'une extension du brevet demandé à l'étranger.

Ceci éloigne la crainte, parfois exprimée, d'une dérive vers le tout anglais dans le dépôt de brevets européens après la ratification du protocole de Londres, crainte motivée par le fait qu'un dépôt direct en anglais permettrait d'obtenir et un brevet européen et un brevet américain. A cet égard, votre rapporteur pour avis relève qu'une grande entreprise comme Renault a été désignée par l'INPI, pour les années 2005 et 2006, comme premier déposant en France de demandes de brevets français en langue française . Renault, depuis sa création, a toujours déposé en France les inventions développées en France en utilisant la procédure française et décidé ensuite des extensions à l'étranger.

On peut en outre faire valoir que l'incitation à déposer en français se trouvera renforcée par la validité nouvelle que conférera le protocole de Londres à une version exclusivement française d'un fascicule de brevet 35 ( * ) dans les pays anglophones et germanophones, c'est-à-dire en Allemagne et au Royaume-Uni dans un premier temps, qui représentent d'ailleurs les principaux marchés des entreprises françaises 36 ( * ) , mais aussi, à terme, en Autriche ou en Irlande si ces pays venaient à signer l'accord. Sans l'accord de Londres, un brevet en français n'aurait été valable en Allemagne et au Royaume-Uni qu'à la condition de le traduire intégralement, c'est-à-dire y compris la description, en allemand et en anglais.

La possibilité de déposer en français une demande de brevet ne relève pas uniquement du confort. Elle est lourde d'enjeux : les brevets étant déposés sur le lieu de recherche, c'est la localisation des centres de recherche qui est en cause. Il existe donc une cohérence certaine entre la politique française des pôles de compétitivité et le maintien, par l'accord de Londres, de la possibilité de déposer en français.

* 34 Rapport de mission de M. Georges Vianès sur le brevet européen et les enjeux de l'accord de Londres, élaboré à la demande de M. Christian Pierret, alors secrétaire d'Etat à l`industrie.

* 35 La traduction en allemand et en anglais des seules revendications continuant évidemment à être fournies, en application du 7) de l'article 14 de la Convention de Munich sur la délivrance de brevets européens du 5 octobre 1973.

* 36 Avec l'Espagne et l'Italie.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page