C. LES PROGRÈS À ACCOMPLIR EN MATIÈRE DE SANTÉ PUBLIQUE

L'outre-mer connaît une situation en matière de santé publique spécifique par rapport à celle de la métropole, caractérisée :

- par des risques sanitaires particuliers. Le déficit en équipements sanitaires lié à l'habitat insalubre ainsi que les retards de certaines infrastructures publiques d'assainissement produisent des infections et des épidémies gastro-entériques nombreuses outre-mer. De même, compte tenu du contexte climatique, se développent certaines pathologies propres à l'outre-mer (paludisme, dengue, chikungunya...). Par ailleurs, le taux de contamination par le VIH/Sida est notablement plus élevé dans la région des Antilles-Guyane 3 ( * ) que dans le reste de la France. En outre, le taux de mortalité infantile est encore beaucoup plus élevé dans certaines collectivités ultramarines qu'en métropole : à La Réunion, ce taux reste le double de celui de la métropole ;

- par une organisation sanitaire contrainte par le contexte d'insularité et d'isolement par rapport aux autres structures sanitaires nationales.

a) Le lancement du « plan santé outre-mer »

En mai 2008, a été lancé un « plan santé outre-mer » par le ministre de la santé. Dans le prolongement du rapport de la commission de concertation sur les missions de l'hôpital, présidée par le président Gérard Larcher, ce plan tend à mieux prendre en compte les spécificités de la Guadeloupe, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, la Guyane, la Martinique, la Réunion, Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon en matière de santé. Il s'agirait ainsi de « décliner » outre-mer certains des mécanismes qui devraient figurer dans le projet de loi « Hôpital, patients, santé, territoires », qui devrait être discuté au Parlement au début de l'année 2009.

Au stade actuel de la concertation, ce plan, qui devra trouver une traduction législative, pourrait être articulé autour de six axes et conduire aux actions suivantes :

- un ajustement des appareils de formations médicale et paramédicale outre-mer. Votre commission estime qu'il est nécessaire de renforcer les filières de formation médicale, en mettant en place des cycles complets dans les Dom et en accroissant le numerus clausus pour atteindre au minimum la moyenne nationale et compenser la sous-médicalisation des Dom. Une telle démarche, qu'elle avait déjà préconisée lors de l'examen de la loi de finances initiale pour 2008, devrait notamment permettre aux Dom tant de faire face à la pénurie de praticiens actuelle que de prévenir les effets du vieillissement de leur personnel médical. Elle est d'autant plus indispensable que, selon les dernières statistiques, plus de 60 % des médecins ou paramédicaux s'installent dans la région où ils ont fait leurs études.

Votre commission insiste en outre sur la nécessité de prendre en compte les difficultés majeures rencontrées par les établissements publics et privés de plusieurs départements ou collectivités d'outre-mer dans le recrutement et la fidélisation de leurs personnels ;

- une meilleure prise en compte des risques naturels spécifiques aux collectivités ultramarines . Il conviendrait en effet de prévoir, notamment aux Antilles, le respect des toutes dernières normes parasismiques à l'occasion de toute construction hospitalière nouvelle ou opération de réhabilitation de structures existantes ;

- le développement des programmes de recherche sur des pathologies spécifiques ou émergentes . Il pourrait être envisagé d'instituer dans chaque grande zone géographique (Océan Indien, Antilles/Guyane) une complémentarité entre les laboratoires hospitaliers, tout en suscitant des coopérations entre les équipes, afin de créer outre-mer des pôles d'excellence ou d'associer des équipes ultramarines à des pôles d'excellence métropolitains ;

- un traitement spécifique des questions financières liées aux activités de santé outre-mer, du fait de l'éloignement, de l'isolement, de la faiblesse des bassins de population à desservir et de l'importante proportion de population en situation précaire ou irrégulière dans les collectivités territoriales d'outre-mer. Il s'agirait ainsi d'actualiser le calcul du coefficient géographique applicable aux tarifs de prestation et de contribuer aux problèmes de créances irrécouvrables, dont la somme, pour les Dom, représente 21 % du montant constaté pour la France entière, alors qu'ils ne représentent que 0,3 % de la population totale ;

- un développement de la coopération régionale et internationale . La désignation d'un conseiller sanitaire du ministère des affaires étrangères par grande zone géographique constitue une première étape ; elle pourrait être complétée par la désignation d'un correspondant « coopération », couvrant la même zone géographique, au sein des futures agences régionales de santé (ARS) ;

- l'organisation de la continuité territoriale. A cet effet, il pourrait être envisagé de développer le recours aux nouvelles technologies en vue de fédérer les acteurs et d'abolir les distances, tout en instituant des jumelages entre les établissements de santé pour des spécialités préalablement identifiées.

Ces orientations doivent faire l'objet d'une concertation avec les professionnels et les élus.

Lors de son audition par votre rapporteur pour avis, Jacqueline Lhoyer, directrice de cliniques privées à la Réunion, a ainsi souligné l'importance de mieux mettre en réseau et de mieux mutualiser les données entre les différents intervenants du système de santé outre-mer : Drass, conseils généraux et régionaux, agence régionale de l'hospitalisation (ARH)... Votre commission relève que l'institution d'ARS dans les Dom devrait permettre de mettre fin au morcellement des compétences et assurer ainsi un meilleur pilotage de la politique de santé publique dans ces territoire.

Votre rapporteur pour avis est également sensible, comme l'a souligné Huguette Vigneron-Meleder, directrice de l'ARH de La Réunion-Mayotte, à la nécessité de renforcer les actions d'information et de prévention en matière de santé , la récurrence de certaines pathologies lourdes dans les collectivités ultramarines (cancer, dialyse...) pouvant s'expliquer en particulier par un système de soins trop porté sur le curatif et l'absence d'actions de dépistage suffisantes.

* 3 La Guyane regroupe 5 % des porteurs du Sida en France, alors que sa population représente moins de 2 % de la population française.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page