INTRODUCTION - UNE MISSION REGROUPÉE ET CLARIFIÉE
La mission « Santé » regroupe cette année, pour la première fois, l'ensemble des moyens mis à la disposition du ministère chargé de la santé. Elle regroupe en effet l'ancien programme 204 « Santé publique et prévention » et le programme 228 « Veille et sécurité sanitaire » issu de la mission « Sécurité sanitaire » qui a été supprimée. Elle accueille également un transfert de près de 12 millions d'euros en provenance du programme 124 « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales » destiné à la subvention pour charge de service public versée à l'Ecole des hautes études de la santé publique. Par ailleurs, le programme 183 « Protection maladie » a été transféré à la mission « Santé » depuis la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».
Bien que les interventions du ministère restent globalement inchangées depuis 2008, la mission offre une présentation d'ensemble plus claire par rapport aux années précédentes, conformément aux préconisations du comité interministériel d'audit des programmes (Ciap). Le budget de la mission en crédits de paiement s'élève pour 2009 à 1,15 milliards d'euros répartis de manière inégale entre trois programmes : la protection maladie (540 millions d'euros), la prévention et la sécurité sanitaire (488,9 millions d'euros) et l'offre de soins et qualité du système de soins (127,4 millions d'euros). Il faut ajouter à ces crédits 4,8 milliards d'euros de dépenses fiscales : 211 millions au titre de la prévention et de la sécurité sanitaire, 1,19 milliards pour l'offre de soins et la qualité du système de soins et 3,4 milliards pour la protection maladie. Une révision des mesures d'exonération paraît d'ailleurs nécessaire. Sur dix-sept mesures distinctes actuellement prévues par le droit, sept sont sans effet ou ne sont pas chiffrées. Dans une optique de simplification du droit et pour éviter qu'un effet d'aubaine ne soit préservé pour quelques-uns sans véritable bénéfice pour la politique publique de la santé, il conviendra de supprimer les exonérations sans utilité.
PREMIÈRE PARTIE - LA DIRECTION GÉNÉRALE DE LA SANTÉ AU CoeUR DU PROGRAMME « PRÉVENTION ET SÉCURITÉ SANITAIRE »
Le programme 204 « Prévention et sécurité sanitaire » est celui dont la présentation est la plus modifiée. Outre la fusion des programmes « Santé » et « Veille et sécurité sanitaires », il faut noter la sortie d'une partie du financement du plan d'intervention Chlordécone, intégré au programme 162 « Interventions territoriales de l'Etat » pour un montant de 431 000 euros ainsi que de 150 000 euros pour le financement du Gip-Cisbio.
Par rapport à son périmètre recomposé pour 2008, ce programme voit ses crédits augmenter de 26 millions d'euros, soit un peu plus de 5 %. Cette augmentation globale masque des évolutions contrastées entre les sept actions qui la composent, allant d'une réduction de crédits de 1,3 % pour l'action 14 « Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades » à une augmentation de 24,5 % pour l'action 16 « réponse aux alertes et gestion des urgences, des situations exceptionnelles et des crises sanitaires ».
Il faut noter que l'un des effets de cette nouvelle présentation budgétaire est d'inciter à la recherche de synergies, d'économies d'échelles, de mutualisations de moyens pour une meilleure efficacité de la politique de prévention et de sécurité sanitaire dans un contexte de restrictions budgétaires. Cette recherche de rationalisation est entreprise par la direction générale de la santé qui a déjà commencé à se doter des instruments nécessaires. En effet, ce programme dispose, pour sa mise en oeuvre, de onze opérateurs distincts dont sept agences, deux établissements publics (l'établissement français du sang [EFS] et l'établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires [Eprus]), un groupement d'intérêt public (Gip-Datis, drogues, alcool, tabac info service) et un grand établissement (l'école des hautes études en santé publique [EHESP]). Or, ces différentes entités présentent de nombreux points communs qui pourraient permettre de les regrouper sur le modèle des Etats-Unis, par exemple, qui ont distribué ces mêmes compétences entre trois agences principales seulement. C'est en effet sur le modèle américain que les agences françaises ont été créées 1 ( * ) : notamment, la Food and Drug administration a inspiré, en 1976, la direction des pharmacies et du médicament devenue, après des transformations, l'Afssaps. De même, les différentes structures qui ont précédé la Haute Autorité de santé (HAS), y compris celle-ci, se sont inspirées de l'organisation et des compétences de l' Agency for Healthcare Research and quality . Enfin, la constitution de l'InVS ressemble aux Centers for Disease Prevention and Control . Une structuration de l'ensemble des agences autour de trois grands pôles paraît donc possible.
Dix opérateurs contribuent à la mise en oeuvre de la politique de prévention et de sécurité sanitaire. Ils représentent 50 % des crédits de paiement du programme. Il s'agit de : - l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (Inpes) ; - l'Institut national du cancer (INCa) ; - le Groupement d'intérêt public-drogue alcool tabac info service (Gip-Datis) ; - l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) ; - l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) ; - l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (Afsset) ; - l'Institut de veille sanitaire (InVS) ; - l'Agence de la biomédecine (ABM) ; - l'Etablissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (Eprus) ; - l'Ecole des hautes études en santé publique (EHESP). A ces opérateurs s'ajoute l'établissement français du sang (EFS), qui n'a pas le statut d'opérateur au sens de la Lolf dans la mesure où il ne reçoit pas de subvention de l'État, mais qui occupe une place centrale dans la sécurisation de l'accès au sang et de la transfusion en France. |
On le voit, l'organisation de ce réseau d'agences est complexe ; l'efficacité et le coût de celles-ci doivent être clairement identifiés avant d'envisager de procéder à d'éventuels regroupements.
I. UNE IRRÉDUCTIBLE COMPLEXITÉ DU SYSTÈME D'AGENCES ?
A. L'ÉMERGENCE D'AGENCES À L'IDENTITÉ DE PLUS EN PLUS MARQUÉE
On distingue deux types d'agences : tout d'abord, celles dotées de pouvoirs propres en matière de police sanitaire, dont l'Afssaps est l'exemple le plus achevé, mais qui concernent aussi l'ABM et l'INCa. D'autre part, des agences d'expertise qui ont une compétence d'évaluation, de veille ou d'alerte mais pas de pouvoir de décision (InVS, Afssa, Afsset, HAS, Inpes). S'y ajoute une autre catégorie d'acteurs du système de santé : les opérateurs sanitaires, au premier rang desquels figure l'EFS, établissement public chargé de la collecte et de la distribution des produits sanguins labiles.
1. La constitution de grandes agences et la mutualisation des moyens : des occasions manquées
Le concept d'agence a été expérimenté dès 1988-1989 avec la création des premières agences de lutte et de recherche sur le Sida et s'est imposé avec l'invention des premières agences de sécurité sanitaire en 1993. Qu'elles persistent dans leur forme initiale ou aient été recomposées, les agences découlent dans leur forme actuelle d'une série de textes législatifs entre 1998 et 2004. Ainsi, l'InVS et l'EFS ont été créés en 1998, l'Afssa en 1999, l'Afsset en 2001, l'Inpes en 2002, l'ABM, l'INCa et la HAS en 2004. Il s'agit donc d'organisations relativement récentes dont la multiplication rapide a été à l'origine de nombreuses critiques. La première a été celle d'une « balkanisation » de l'administration de la santé du fait d'entités « multiples, aux compétences complémentaires et souvent intégrées dans des réseaux européens d'expertise » 2 ( * ) . L'un des risques lié à une telle organisation, qui a été décrite à votre rapporteur comme « un mille-feuille avec des trous d'air » , est le « syndrome du lampadaire » identifié dès 1997 par le Sénat qui pousse à se désintéresser des risques qui n'entrent pas dans le champ de compétences d'une agence spécialisée. Le second risque est celui du gaspillage d'effectifs et de moyens.
Sur ce point, un audit de performance sur l'optimisation des fonctions support et le renforcement de la coordination des agences sanitaires a été conduit à partir de février 2007 par les inspections générales des affaires sanitaires et sociales, de l'environnement et des finances. Celui-ci a conclu à l'impossibilité de mutualiser les moyens en matière de ressources humaines, de systèmes de paiement et d'informatique en raison des mesures déjà prises par chacune des agences et opérateurs en ce domaine. La désorganisation des systèmes individuellement mis en place serait plus coûteuse en termes d'efficacité à court terme que bénéfique en termes de gains financiers.
L'audit estimait cette mutualisation d'autant moins nécessaire qu'avec 20 % de leur budget consacrés en 2007 aux fonctions support (soit 116 millions d'euros), les agences se situent dans la moyenne des organismes administratifs. Néanmoins des inquiétudes subsistent. Ainsi, les coûts de personnel ont tendance à augmenter du fait que les agences privilégient les recrutements de catégorie A qui ne sont pas entièrement compensés par la tendance à diminuer les recrutements de personnels dans les catégories B et C. Par ailleurs, l'organisation de ses marchés publics d'achats par chaque agence peut entraîner des pertes d'efficacité ou des surcoûts, tel est le cas pour les difficultés d'adaptation du système informatique Noesis de l'ABM.
L'augmentation probable des coûts liée à la multiplicité des instances se double d'un risque de redondance en matière d'expertise. Plusieurs instances se saisissent ainsi d'un même sujet : les effets des téléphones portables sur la santé publique sont traités par l'Afsset et l'INCa. Il s'agit certes le plus souvent d'études complémentaires, certaines fondées sur des enquêtes tandis que d'autres sont de simples revues des publications, mais ici encore la nécessité de contrôler la multiplication des lieux d'expertise et donc de pouvoir, se fait sentir.
Ces défauts incitent au premier abord à souhaiter un regroupement des structures. Mais la plupart des agences ont progressivement créé leur propre identité qui se fonde notamment sur les fonctions support qu'elles ont adoptées. Le regroupement des agences et opérateurs en trois grandes entités sur le modèle américain paraît donc n'être plus envisageable et même un regroupement limité risque d'être plus coûteux qu'utile, puisque les centres dispersés en région parisienne sont en général loués au travers de baux de longue durée dont la dénonciation s'avérerait particulièrement onéreuse. L'occasion de créer de grandes agences a sans doute été manquée entre 1998 et 2004 et un regroupement autoritaire n'aurait sans doute plus aujourd'hui les effets souhaités en matière financière, ni surtout en termes de sécurité sanitaire.
* 1 Jean-François Lacronique, « Les Etats-Unis et la santé, modèle ou contre-modèle ? », Les tribunes de la santé n° 19, été 2008.
* 2 Dominique Tabuteau, « Les agences sanitaires : balkanisation d'une administration défaillante ou retour de l'Etat hygiéniste ? », Sève, hiver 2003.