N° 103

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2008-2009

Annexe au procès-verbal de la séance du 20 novembre 2008

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de finances pour 2009 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME VI

SOLIDARITÉ, INSERTION ET ÉGALITÉ DES CHANCES

Par M. Paul BLANC,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About , président ; Mme Isabelle Debré, M. Gilbert Barbier, Mme Annie David, M. Gérard Dériot, Mmes Annie Jarraud-Vergnolle, Raymonde Le Texier, Catherine Procaccia, M. Jean-Marie Vanlerenberghe , vice-présidents ; MM. François Autain, Paul Blanc, Mme Muguette Dini, M. Jean-Marc Juilhard, Mmes Gisèle Printz, Patricia Schillinger , secrétaires ; Mmes Jacqueline Alquier, Brigitte Bout, M. Jean Boyer, Mme Claire-Lise Campion, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Mme Jacqueline Chevé, M. Yves Daudigny, Mme Christiane Demontès, M. Jean Desessard, Mmes Sylvie Desmarescaux, Bernadette Dupont, M. Guy Fischer, Mme Samia Ghali, MM. Bruno Gilles, Jacques Gillot, Mme Colette Giudicelli, MM. Jean-Pierre Godefroy, Alain Gournac, Mmes Sylvie Goy-Chavent, Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Gélita Hoarau, M. Claude Jeannerot, Mme Christiane Kammermann, MM. Marc Laménie, Serge Larcher, André Lardeux, Dominique Leclerc, Jacky Le Menn, Jean-François Mayet, Alain Milon, Mmes Isabelle Pasquet, Anne-Marie Payet, M. Louis Pinton, Mmes Janine Rozier, Michèle San Vicente-Baudrin, MM. René Teulade, Alain Vasselle, François Vendasi, René Vestri.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) : 1127 , 1198 à 1203 et T.A. 204

Sénat : 98 et 99 (annexe n° 29 ) (2008-2009)

Les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » pour 2009

Programmes

Crédits de paiement (en euros)

Variation 2009/2008 (en %)

Lutte contre la pauvreté : revenu de solidarité active et expérimentations (libellé modifié)

582 462 856

+ 1192,1 %

Expérimentation du revenu de solidarité active

17 100 000

- 43 %

Autres expériences en matière sociale et d'économie sociale

10 000 000

- 33 ,7 %

Généralisation du revenu de solidarité active (nouveau)

555 362 856

+ 100 %

Actions en faveur des familles vulnérables

837 728 561

- 35,3 %

Accompagnement des familles dans leur rôle de parents

15 500 000

- 33,1 %

Soutien en faveur des familles monoparentales

601 476 989

- 41,0 %

Protection des enfants et des familles

220 751 572

- 12,1 %

Handicap et dépendance

8 651 122 059

+ 6,7 %

Evaluation et orientation personnalisée des personnes handicapées

14 100 000

- 5,4 %

Incitation à l'activité professionnelle

2 481 100 000

+ 5,9 %

Ressources d'existence

6 129 853 398

+ 7,2 %

Compensation des conséquences du handicap

18 268 661

+ 15,3 %

Personnes âgées

2 000 000

- 76,1 %

Pilotage du programme

5 800 000

- 3,3 %

Egalité entre les hommes et les femmes

29 242 962

+ 3,3 %

Accès des femmes aux responsabilités et à la prise de décision

529 922

- 4,8 %

Egalité professionnelle

5 513 647

- 4,8 %

Egalité en droit et en dignité

10 563 718

- 4,9 %

Articulation des temps de vie

168 113

- 4,8 %

Soutien du programme égalité entre les hommes et les femmes

12 467 562

+ 16,9 %

Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales

1 076 079 016

+ 2,3 %

Etat-major de l'administration sanitaire et sociale

53 515 821

- 4,8 %

Statistiques, études et recherche

34 212 648

- 0,3 %

Gestion des politiques sociales

247 293 572

+ 6,4 %

Gestion des politiques sanitaires

333 608 879

+ 3,2 %

Pilotage de la sécurité sociale

40 959 002

+ 4,3 %

Soutien de l'administration sanitaire
et sociale

366 489 094

+ 0,1 %

Total mission « Solidarité et intégration »

11 176 635 454

+ 6,2 %

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs

A périmètre constant, les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » pour 2009 augmentent de 6 % par rapport à 2008, pour atteindre 11,18 milliards d'euros . Pour 2010, cette hausse devrait être contenue à 4 %.

A ces crédits s'ajoutent les dépenses fiscales, dont le montant, de 11,84 milliards d'euros, permet de doubler les moyens alloués aux actions conduites dans le cadre de cette mission et d'accorder des exonérations ou déductions fiscales aux familles modestes et aux personnes âgées et handicapées.

Le périmètre de la mission est profondément modifié avec le transfert de deux programmes « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables » et « Protection maladie », respectivement vers les missions « Ville et logement » et « Santé ».

Les crédits sont donc répartis dans cinq programmes au lieu de sept, de poids très inégal, placés essentiellement sous la responsabilité du ministère du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, relativisant ainsi son caractère interministériel.


• Le premier, « Lutte contre la pauvreté » , qui relève du haut commissariat aux solidarités actives, est considérablement étoffé du fait de la mise en oeuvre, au second semestre de 2009, du revenu de solidarité active.


• Le deuxième, « Actions en faveur des familles vulnérables » , est constitué pour l'essentiel de l'allocation de parent isolé (API) et des dépenses en faveur des mesures de protection des majeurs. Il sera affecté, en 2009, par la mise en oeuvre de deux réformes : la généralisation du RSA qui fera disparaître l'API à compter du 1 er juin 2009 et la loi portant réforme de la protection des majeurs, dès le 1 er janvier, qui se traduit par une réduction des crédits d'Etat affectés au financement de ces mesures. Ainsi, la contraction progressive des crédits de ce programme au cours des deux prochaines années conduit à poser légitimement la question de son avenir.


• Le programme « Handicap et dépendance » concentre à lui seul plus de 77 % des crédits de la mission et bénéficie d'une forte croissance qui confirme les engagements pris par le Président de la République en faveur des personnes handicapées : augmentation du montant de l'AAH de 25 % d'ici à 2012, amélioration des conditions de cumul de cette allocation avec les revenus d'activité, renforcement des crédits accordés en faveur de l'emploi des personnes handicapées, notamment dans le secteur protégé, et appui au développement des maisons départementales des personnes handicapées.

L'ensemble de ces mesures traduisent un renversement de la logique qui a prévalu jusqu'alors et qui consistait à évaluer le taux d'incapacité permanente des personnes handicapées, plutôt que d'identifier leurs facultés à exercer une activité professionnelle.


• Le quatrième programme « Egalité entre les hommes et les femmes » conserve une dotation modeste par rapport aux autres programmes, ce qui ne préjuge en rien du caractère crucial des actions conduites et de l'efficacité des politiques mises en oeuvre, notamment en faveur de la lutte contre les violences faites aux femmes. Deux des actions de ce programme - « Articulation des temps de vie » et « Accès des femmes aux responsabilités et à la prise de décision », dotées de crédits très faibles, pourraient être intégrées dans l'action « Egalité professionnelle », qui recouvre des objectifs communs.


• Enfin, le programme « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales » , qui regroupe les moyens des administrations de la santé et du secteur médico-social, devrait être profondément réformé du fait de la révision générale des politiques publiques (RGPP) et de la prochaine mise en place des agences régionales de santé (ARS). De nombreuses inquiétudes se sont exprimées à ce sujet, en particulier sur les conséquences de cette restructuration pour le secteur médico-social et qui mériteront que l'on y prête une attention particulière.

I. UNE MOBILISATION FORTE DE L'ETAT EN FAVEUR DES PUBLICS LES PLUS VULNÉRABLES

La mobilisation de l'Etat en faveur des publics les plus vulnérables se traduit principalement par la mise en oeuvre, en 2009, de deux grandes réformes, la généralisation du RSA qui bénéficiera aux ménages les plus démunis et la réforme des tutelles qui vise à mieux protéger les personnes vulnérables, ainsi que par le développement des actions de lutte contre les violences faites aux femmes.

L'Etat participe au financement de ces politiques en mobilisant les crédits de trois programmes de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » : « Lutte contre la pauvreté : revenu de solidarité active et expérimentations sociales », « Actions en faveur des familles vulnérables » et « Egalité entre les hommes et les femmes ».

A. LES POLITIQUES EN FAVEUR DES FAMILLES DÉFAVORISÉES : UNE ANNÉE DE TRANSITION

Le programme « Actions en faveur des familles vulnérables », doté pour 2009 de 837,7 millions d'euros, finance principalement l'allocation de parent isolé (API) et les mesures de protection des majeurs, qui absorbent respectivement environ 72 % et 25,6 % des dépenses du programme.

L'année 2009 constitue une année de transition pour ce programme, qui est marqué à la fois par la disparition en cours d'année de l'API, intégrée à compter du 1 er juin dans le RSA, et par la mise en oeuvre, dès le 1 er janvier, de la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs.

Il en résulte, pour 2009, une diminution des crédits de 35,3 % par rapport à 2008, qui devrait se poursuivre les deux années suivantes. Ainsi, en 2011, la dotation de ce programme devrait être ramenée à 252 millions d'euros, conduisant à s'interroger sur son existence à terme.

Evolution pluriannuelle des crédits du programme « Actions en faveur des familles vulnérables »

(en millions d'euros)

2008

2009

2010

2011

Crédits de paiement

1 294,3

837,7

366,9

252,4

Evolution en %

ns

- 35,3

- 56,2

- 30,7

Source : projet annuel de performances - 2008

1. Les économies attendues de la réforme de la protection des majeurs

Dans la plupart des cas, les mesures de tutelle et de curatelle sont assurées par les familles. Toutefois, si celles-ci ne peuvent en assumer la charge, leur gestion est déléguée à l'Etat, qui en confie l'exercice à des associations tutélaires, qui se rémunèrent par prélèvement sur les ressources des majeurs, et à titre subsidiaire, par financement de l'Etat.

La mise en oeuvre de la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection des majeurs se traduit, en 2009, par une diminution des dépenses consacrées par l'Etat au financement de ces mesures, puisque les crédits programmés s'élèvent à 214,2 millions d'euros, contre 244 millions inscrits en loi de finances initiale pour 2008.

a) Un dispositif de protection plus juste et plus efficace

La loi du 5 mars 2007 modifie le fonctionnement du système de protection juridique des majeurs. Son entrée en vigueur au 1 er janvier 2009 doit permettre de limiter la progression du nombre de mesures de protection financées par l'Etat et de juguler l'augmentation des dépenses afférentes.


Les objectifs de la loi du 5 mars 2007

Cette réforme vise à la fois à :

- mieux adapter les mesures de protection aux besoins de la personne majeure protégée, en restreignant aux seuls motifs médicaux l'ouverture d'une mesure de tutelle, de curatelle ou de sauvegarde de justice ;

- limiter le recours aux tiers , en élargissant la liste des personnes proches susceptibles d'assurer la protection de la personne concernée ;

- professionnaliser et encadrer l'activité des différents intervenants extérieurs à la famille en les regroupant sous une nouvelle appellation commune de « mandataires judiciaires à la protection des majeurs » ;

- réformer le financement des mesures de protection , en généralisant le système expérimental de dotation globale, en confortant le principe d'une participation financière des majeurs protégés et en modifiant les règles de répartition entre financeurs publics.


Les économies attendues

Aujourd'hui, plus de 700 000 personnes, soit près de 1 % de la population française, sont placées sous protection juridique. Du fait du vieillissement croissant de la population, le nombre des personnes protégées devrait continuer d'augmenter à un rythme soutenu.

Aussi, votre commission se félicite que la mise en oeuvre de la réforme des tutelles permette d'interrompre cette spirale inflationniste , même si, pour 2009, la diminution des dépenses par rapport à 2008 ne devrait pas excéder 30 millions d'euros, soit une économie d'un montant inférieur aux 76,7 millions initialement escomptés.

Il convient toutefois de préciser qu'à dispositif constant, le coût pour l'Etat aurait atteint 270 millions d'euros, soit 56 millions d'euros de plus que la dotation prévue pour 2009. Le Gouvernement table en effet sur un ralentissement de la progression du nombre de mesures confiées à l'Etat, ce nombre étant ramené pour 2009 de 259 000, à dispositif constant, à 187 400 grâce à l'application de la réforme. Alors que le nombre de mesures augmente actuellement en moyenne de 7 % par an, leur progression devrait être contenue, en 2009, à 2,1 %.

Nombre de mesures de tutelle et de curatelle d'Etat

2004

2005

2006

2007

2008
(prévision)

2009
(prévision)

Nombre total de mesures, dont :

178 747

195 269

212 371

231 989

249 379

187 394

- mesures à domicile

123 854

131 578

141 119

156 825

168 580

nc

- mesures financées par DGF

25 661

50 389

85 734

94 599

119 565

nc

Besoins estimés (en millions d'euros)

170,2

185,53

200,7

225,34

247,82

214,2

Source : ministère du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité

Ce ralentissement s'explique principalement par :

- le recentrage des mesures de protection juridique sur les personnes touchées par une altération des facultés mentales se traduisant par leur incapacité avérée à exprimer leur volonté, les curatelles pour motifs sociaux étant supprimées ;

- la création de mesures subsidiaires moins contraignantes, en remplacement de la tutelle aux prestations sociales adultes (TPSA), telles que les mesures d'accompagnement judiciaire (Maj), obligatoirement précédées de mesures d'accompagnement social personnalisé (Masp), pour les personnes qui rencontrent des difficultés pour gérer leurs prestations sociales et dont la prise en charge relève désormais des départements ;

- la révision périodique des mesures de protection 1 ( * ) , sauf si l'état de santé de la personne concernée n'est pas susceptible d'évolution ;

- enfin, le moindre recours aux associations tutélaires du fait de l'intervention privilégiée d'une personne proche.

La généralisation du système de dotation globale à tous les services tutélaires, qui consacre l'abandon définitif du système du « mois mesure », financé en fonction du nombre de mesures gérées, doit permettre à la fois de privilégier la qualité du service rendu et d'en réduire le coût par une plus juste rémunération.

* 1 La loi prévoit que les mesures de tutelle et de curatelle sont révisées tous les cinq ans, tandis que les mesures d'accompagnement judiciaire font l'objet d'un réexamen tous les deux ans et ont une durée de vie limitée à quatre années.

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