B. LA MISE EN oeUVRE PROGRESSIVE D'UNE RÉFORME DE LA JUSTICE ADMINISTRATIVE
1. L'amélioration des fonctions consultatives et juridictionnelles du Conseil d'Etat
? La recherche d'une plus grande efficacité de la fonction consultative du Conseil d'Etat
Lors de son audition par la commission des lois le 31 mars 2008, M. Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d'Etat, a exposé les efforts entrepris afin de renforcer l'efficacité de la fonction consultative du Conseil d'Etat.
Il a indiqué que pour faire face au décuplement de la production normative au cours des 40 dernières années, doublé en 15 ans et augmenté de 9,75 % au cours des 18 derniers mois, le décret n° 2008-225 du 6 mars 2008 relatif à l'organisation et au fonctionnement du Conseil d'Etat avait créé une section administrative supplémentaire - la section de l'administration - disposant d'un bloc de compétences homogène et d'une vision transversale des enjeux globaux de la réforme de l'Etat.
Alors que les projets de loi et de décret en matière de fonction publique étaient traités par trois sections différentes selon le ministère d'origine, la nouvelle section de l'administration traitera désormais de l'ensemble de ces questions au Conseil d'Etat.
M. Jean-Marc Sauvé a souligné que cette section aurait également seule compétence pour examiner les projets de loi et de décret en matière de relations entre l'administration et ses usagers, de procédure administrative non contentieuse, de défense nationale, ainsi que de contrats publics et de propriétés publiques. Il a souligné qu'elle aurait donc en charge l'examen des principaux instruments de la gestion publique. Cette section a été installée le 1er juillet 2008.
La réforme vise à permettre au Conseil d'Etat de mieux participer à l'amélioration de la qualité de la réglementation dans un contexte d'inflation normative et à préserver l'équilibre entre ses différentes missions face à la pression croissante de l'activité contentieuse.
Par ailleurs, le décret met en place, dans chaque section administrative, une formation ordinaire aux effectifs restreints -sept membres- chargée de l'examen des affaires les moins complexes pour organiser le traitement des dossiers en fonction de leur importance.
En outre, une voix délibérative est attribuée à tous les membres des sections administratives, les profils des membres exclusivement affectés aux tâches consultatives seront diversifiés et une fonction de président-adjoint sera créée pour accentuer la collégialité des travaux.
Enfin, le décret rend possible le recours accru à des personnes susceptibles, en raison de leurs connaissances ou de leur expérience, d'éclairer utilement les travaux des diverses formations consultatives pour une plus grande ouverture du Conseil d'Etat sur l'extérieur.
M. Jean-Marc Sauvé a indiqué que pour accroître encore l'efficacité de la fonction consultative du Conseil d'Etat, une réflexion était conduite sur la réduction du champ des décrets en Conseil d'Etat.
? L'inscription dans les textes de la séparation de fait entre activités consultatives et activités contentieuses
Le décret du 6 mars 2008 introduit dans le code de justice administrative un article R. 122-21-1 aux termes duquel « les membres du Conseil d'Etat ne peuvent participer au jugement des recours dirigés contre les actes pris après avis du Conseil d'Etat, s'ils ont pris part à la délibération de cet avis ».
Une telle règle figurait déjà à l'article 20 de la loi du 24 mai 1872, qui instaurait le Conseil d'Etat républicain et consacrait en particulier le passage de la justice retenue par le chef de l'Etat à la justice déléguée au Conseil d'Etat. Mais au début de la Seconde Guerre mondiale, cette règle fut suspendue par un décret du 4 octobre 1939, avant d'être abrogée par la loi du 18 décembre 1940, car il apparaissait difficile à respecter, compte tenu du nombre de membres du Conseil d'Etat mobilisés.
En pratique respectée depuis la Libération, cette règle coutumière est désormais à nouveau expressément affirmée. M. Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d'Etat, a précisé qu'en outre, les justiciables peuvent vérifier par eux-mêmes que cette règle est effectivement respectée en obtenant communication de la liste des membres des formations consultatives ayant pris part à l'avis rendu sur l'acte qu'ils attaquent.
Le décret du 6 mars 2008 met par ailleurs un terme à la présence des représentants des sections administratives dans la formation ordinaire de neuf membres, les sous-sections réunies, et dans la section du contentieux siégeant en formation de jugement. Le vice-président n'a plus de voix prépondérante en assemblée du contentieux et aucun membre d'une section administrative ayant rendu un avis sur un texte pendant devant l'assemblée du contentieux ne peut siéger dans cette formation de jugement.
La composition des formations de jugement du Conseil d'Etat (et notamment de ses formations supérieures, la section et l'assemblée du contentieux) avait été modifiée après les réactions virulentes qu'avait inspirées au général de Gaulle l'arrêt Canal du 19 octobre 1962.
En effet, cet arrêt avait annulé l'ordonnance du Président de la République créant une Cour militaire de justice, pour méconnaissance du principe qui veut que toute décision de justice puisse faire l'objet d'un recours, au moins en cassation. Dans le sens des préoccupations du chef de l'Etat, le décret du 30 juillet 1963 avait établi davantage de liens entre les formations consultatives et les formations contentieuses.
A cet égard le décret de mars 2008 procède à une véritable « désimbrication ». Il marque la conformité du fonctionnement de la plus haute juridiction administrative avec les prescriptions de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, relatives au droit à un procès équitable 37 ( * ) .
Enfin, le décret du 6 mars 2008 modifie la formation suprême de jugement du Conseil d'Etat. Ainsi, l'assemblée du contentieux passe à dix-sept membres, dont une nette majorité appartenant au contentieux, et devient la plus nombreuse des formations de jugement du Conseil d'Etat. Surtout, lorsque l'assemblée du contentieux est saisie d'un recours contre un acte pris après avis du Conseil d'Etat, le président de la section administrative qui a eu à délibérer de cet avis ne siège pas, alors même qu'il n'aurait pas siégé le jour où l'affaire a été examinée en section administrative.
La réorganisation du secrétariat général du Conseil d'Etat Sur le fondement des travaux réalisés par des groupes de travail internes et d'un rapport d'audit de l'inspection générale des finances sur l'organisation des services, plusieurs mesures d'organisation du Conseil d'Etat ont été décidées. Ainsi, le secrétariat général du Conseil d'Etat a sensiblement modifié l'organisation de ses services, depuis le 1 er octobre 2008, afin de s'adapter aux nouveaux modes de gestion induits par la LOLF. Cette nouvelle organisation a entraîné la création : - d'un cabinet, chargé d'assurer, outre l'organisation des débats de l'assemblée générale, le suivi des affaires institutionnelles et la réponse aux demandes relatives au fonctionnement de la juridiction administrative formulées par les particuliers ; - d'une direction de la prospective et des finances, chargée de l'animation et de la coordination de la stratégie budgétaire et financière du Conseil d'Etat, ainsi que du pilotage et de la mise en oeuvre du programme budgétaire « Conseil d'Etat et autres juridictions administratives » ; - d'une direction des ressources humaines transversale, compétente à l'égard de l'ensemble des personnels gérés par le Conseil d'Etat. En outre la direction des ressources humaines travaillera en étroite liaison avec le centre de formation de la juridiction administrative qui a vu le jour en 2008 ; - d'une direction des affaires immobilières ; - d'une direction de l'accueil et de la sécurité ; - d'une direction de la communication. |
? Vers le renforcement du statut des magistrats de l'ordre administratif
A la suite des réflexions menées au sein de la juridiction administrative, il est envisagé de renforcer le statut des magistrats tout en affirmant encore plus l'unité de la juridiction administrative :
- statutairement, il est proposé que le code de la justice administrative explicite la qualité de magistrats, dans l'exercice de leurs fonctions juridictionnelles, des membres du corps des TA et CAA ainsi que, corrélativement, le principe de leur inamovibilité ;
- sur le terrain de la déontologie, un recueil de règles communes à l'ensemble des membres de la juridiction administrative sera publié. Au-delà de la déclaration de principe, ce recueil énoncera de façon synthétique les règles de comportement à adopter face à certaines questions difficiles : déport et prévention des conflits d'intérêt, activités extérieures, activités politiques et devoir de réserve, secret du délibéré et obligations professionnelles... Le suivi en sera assuré par un collège de déontologie compétent pour l'ensemble de la juridiction administrative et comportant trois membres, dont une personnalité extérieure ;
- le renforcement substantiel du nombre de membres du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel pouvant être nommés maître des requêtes ou conseiller d'Etat au tour extérieur confortera l'unité de la juridiction administrative.
? L'amélioration de la procédure contradictoire devant le juge administratif et la transformation du « commissaire du Gouvernement » en « rapporteur public »
Le rôle du commissaire du Gouvernement consiste à exposer les questions que l'affaire présente à juger et à faire connaître, dans ses conclusions, son appréciation, qui doit être impartiale, sur les circonstances de fait de l'espèce et les règles de droit applicables, ainsi que son opinion sur les solutions qu'appelle, suivant sa conscience, le litige soumis à la juridiction à laquelle il appartient.
Pour améliorer les conditions du déroulement de la procédure contradictoire et lever toute ambiguïté sur le rôle du commissaire du Gouvernement, des modifications du code de justice administrative sont envisagées. Ces modifications auraient pour objet de :
- prévoir la communication systématique du sens des conclusions du commissaire du Gouvernement aux parties et à leurs conseils en temps utile, avant l'audience ;
- autoriser les parties à reprendre la parole après les conclusions du commissaire , pour de brèves observations. Après une procédure contradictoire qui est essentiellement écrite, cette possibilité permettra aux parties de porter immédiatement et oralement à la connaissance du juge les observations que suscitent les conclusions du commissaire du Gouvernement, là où elles ne pouvaient le faire jusqu'à présent que par le biais d'une note en délibéré écrite ;
- abandonner l'appellation de commissaire du Gouvernement au profit de rapporteur public , un titre qui ne laisse plus planer d'ambiguïté sur le rôle qu'il joue dans la procédure. Le commissaire du Gouvernement est en effet un membre de la juridiction (et non une personnalité extérieure) qui procède à une étude approfondie du dossier, tout comme le rapporteur. Mais dès lors qu'il s'exprime publiquement la solution que doit recevoir la requête, il ne peut participer au délibéré. En effet, si le rapporteur public siégeait après s'être publiquement exprimé sur la solution du litige, l'impartialité de la formation de jugement pourrait être contestée.
Selon les indications du Conseil d'Etat, les projets de texte nécessaires à la mise en oeuvre de ces réformes sont en cours de rédaction et devraient être finalisés très rapidement.
Les étapes suivantes de la réforme de la justice administrative devraient aboutir dans les mois à venir. Elles devraient assurer l'adaptation des procédures à la diversité des dossiers et permettre ainsi aux magistrats de se concentrer sur les questions les plus complexes. Pour cela, il est envisagé :
- de développer fortement l'aide à la décision ;
- de poursuivre l'adaptation des procédures en élargissant notamment le champ d'intervention du juge unique aux affaires qui ne présentent aucune difficulté sérieuse et pour lesquelles la jurisprudence est solidement établie (tout dossier complexe restant soumis à une formation collégiale) ;
- de supprimer l'intervention du commissaire du Gouvernement, en première instance comme en appel, dans certaines matières strictement définies, où son intervention n'est manifestement pas indispensable, comme dans le cadre du contentieux des permis à points.
2. Les perspectives de développement des recours administratifs préalables obligatoires (RAPO)
A la demande du Premier ministre, le Conseil d'Etat a réalisé une étude sur les recours administratifs préalables obligatoires (RAPO). Ce type de recours désigne l'ensemble des procédures par lesquelles une personne, souhaitant contester une décision administrative qui lui est défavorable, est tenue de former un recours devant l'autorité administrative préalablement à toute saisine du juge, généralement administratif.
Quatre objectifs étaient fixés par la lettre de mission du Premier ministre :
- dresser un état des lieux des procédures de recours administratifs préalables obligatoires existantes ;
- dégager des règles communes à ces procédures ;
- identifier les domaines dans lesquels l'introduction de telles procédures serait pertinente ;
- déterminer les conditions du succès de la démarche.
Un groupe de travail présidé par M. Olivier Schrameck et regroupant des personnalités de tous les horizons (universitaires, avocats, représentants de huit ministères) a procédé à de nombreuses auditions et a sollicité tous les ministères sur le sujet. Le rapport sur les recours administratifs préalables obligatoires a été adopté par l'assemblée générale du Conseil d'Etat.
Ces recours présentent plusieurs avantages. Pour le citoyen, ils constituent un moyen simple, peu coûteux et rapide d'obtenir la réformation d'une décision, avec des chances raisonnables de succès ou, à tout le moins, une meilleure explication de cette décision.
Pour l'administration, la procédure permet le réexamen effectif de ses décisions, la correction des éventuelles erreurs et l'harmonisation des pratiques par une meilleure connaissance des réactions des administrés.
Enfin, ces recours favorisent la prévention et la diminution du contentieux.
L'étude recense près de 140 procédures de recours administratifs préalables obligatoires. Leur champ d'application est vaste : impôts et créances publiques, élections administratives, élections ordinales, enseignement, décisions des fédérations sportives, refus de visa d'entrée en France...
Toutefois, en dépit de quelques principes communs, il existe des règles et une procédure propre pour chacun de ces recours. La pratique est donc hétérogène : si la Commission de recours des effectifs de marins des navires de pêche se réunit une ou deux fois par an, les recours en matière de recouvrement de l'impôt sur le revenu portent chaque année sur plusieurs millions de contestations.
L'étude propose par conséquent de clarifier les règles applicables et d'harmoniser les pratiques autour de principes généraux . En effet, si ces recours se caractérisent par la diversité des règles procédurales applicables (délais de saisine et d'instruction, place accordée aux tiers) et des autorités compétentes pour statuer (même autorité que celle ayant pris la décision initiale, autorité hiérarchique, organisme collégial spécifique), de grands principes communs peuvent être dégagés :
- ces recours se caractérisent par la substitution à la décision initiale de la décision prise à la suite du recours. Le requérant ne peut donc contester devant le juge que la seule décision rendue sur son recours administratif, et non la décision initiale ;
- l'autorité administrative statuant sur le recours se prononce sur la situation de fait et de droit existant à la date de sa décision, et non à la date de la décision initiale contestée ;
- l'autorité appelée à statuer sur le recours a dès lors, généralement, un pouvoir de réformation de la décision initiale ;
- enfin, le recours administratif préalable obligatoire a deux conséquences sur les éventuels recours contentieux postérieurs : d'une part, il a pour effet de proroger les délais de saisine du juge, préservant ainsi le droit au recours ; d'autre part, il n'a pas pour effet de cristalliser le recours contentieux. Si le requérant ne peut présenter au juge des conclusions différentes de celles du recours administratif, il conserve en revanche, sauf rares exceptions, toute latitude pour soulever de nouveaux moyens.
Par ailleurs, l'étude clarifie de nombreuses questions, dont la solution est propre à chaque procédure : soumission ou non des tiers à l'obligation de former le recours, motivation de la décision prise au terme du recours, maintien de la règle générale selon laquelle une décision implicite vaut rejet.
Elle préconise, dans ce cadre, une modification de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration, afin de renforcer les obligations pesant sur l'administration quant à l'information des requérants sur les voies et délais de recours.
Sur le fondement de ces principes, l'étude du Conseil d'Etat ouvre, de façon résolument opérationnelle, des perspectives concrètes d'extension des recours administratifs préalables obligatoires dans quatre grands domaines qui représentent près du tiers du contentieux en premier ressort devant les tribunaux administratifs .
Le premier est celui des invalidations de permis de conduire après la perte de tous leurs points par les conducteurs. Ce contentieux est en effet un contentieux de simple constatation, dans lequel le juge doit simplement confirmer ou infirmer le calcul établi par l'administration et vérifier l'existence des procès-verbaux. Il serait donc plus efficace et rapide d'introduire un dispositif de recours administratif préalable obligatoire, l'appréciation juridique propre à la fonction du juge n'ayant pas sa place.
De même, la fonction publique constitue un terrain privilégié de mise en oeuvre des recours administratifs préalables obligatoires. Voulue par le législateur en 2000 et restée lettre morte sauf pour les militaires (où la procédure est d'ailleurs un succès), cette procédure, sous réserve d'être adaptée aux spécificités des trois fonctions publiques, permettrait de résoudre rapidement des conflits et d'apaiser les relations entre l'autorité administrative et les agents publics avec lesquelles elle est en litige 38 ( * ) .
En matière de droit des étrangers , certaines situations pourraient également justifier l'introduction d'une telle procédure. Tel est notamment le cas des refus de titre de séjour aux conjoints de Français et aux parents d'enfants mineurs français. Ces deux cas de figure se caractérisent en effet par un lien spécifique avec la France, et par des critères précis et objectifs.
Enfin, en matière pénitentiaire, l'ouverture du prétoire issue des arrêts d'Assemblée Boussouar et autres du 14 décembre 2007, qui renforcent les garanties des droits des personnes incarcérées, est susceptible de générer un flux de recours contentieux.
Or, il est difficile pour le juge d'apprécier les situations concrètes et, en même temps, indispensable d'assurer l'harmonisation des pratiques de l'administration pénitentiaire entre les différents établissements. Aussi la mise en place d'un recours administratif préalable obligatoire pourrait-elle, sous certaines conditions, permettre aux détenus de faire valoir leurs droits dans des conditions d'efficacité et d'égalité de traitement, sans les priver d'un recours ultime au juge.
L'étude du Conseil d'Etat conclut par conséquent que la mise en place de recours administratifs préalables obligatoires apparaît souhaitable dans ces différents domaines, répondant à la double exigence d'efficacité et de respect du droit au recours. Les différentes procédures existantes devraient par ailleurs faire l'objet de clarifications ou d'améliorations, notamment quant à la motivation des décisions et à l'information des demandeurs sur les voies, délais et portées des recours.
Lors de son audition par votre rapporteur, M. Robert Le Goff, président du Syndicat de la juridiction administrative, a approuvé les perspectives de développement des RAPO.
Le développement du recours au juge unique Le décret du 23 décembre 2006 a étendu le champ d'intervention du juge statuant seul après audition du commissaire du gouvernement selon la procédure prévue par l'article R. 222-13 applicable aux tribunaux administratifs. Les contentieux relevant du juge unique selon l'article R. 222-13 sont les suivants : - litiges relatifs à certaines déclarations préalables prévues par le code de l'urbanisme ; - litiges relatifs à la situation individuelle des fonctionnaires ou agents de l'Etat et des autres personnes ou collectivités publiques, à l'exception de ceux concernant l'entrée au service, la discipline et la sortie du service ; - litiges en matière de pensions, d'aide personnalisée au logement, de communication de documents administratifs, de service national ; - litiges relatifs à la redevance audiovisuelle ; - recours relatifs aux taxes syndicales et aux impôts locaux autres que la taxe professionnelle ; - mise en oeuvre de la responsabilité de l'Etat pour refus opposé à une demande de concours de la force publique pour exécuter une décision de justice ; - actions indemnitaires, lorsque le montant des indemnités demandées n'excède pas 10.000 euros ; - requêtes contestant les décisions prises en matière fiscale sur des demandes de remise gracieuse ; - litiges relatifs aux bâtiments menaçant ruine ; - litiges relatifs aux permis de conduire. A ces matières s'ajoutent les arrêtés de reconduite à la frontière (ARF, art. L.512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers) et, à partir du 1 er décembre 2008, le droit opposable au logement. La rubrique « police » des statistiques d'entrées dans les tribunaux administratifs (hors police des étrangers) représentait quelque 6 à 7.000 entrées dans les années 2001 à 2003, autour de 6 % du total des entrées. La même rubrique comporte 9.688 affaires entrées en 2004, 14.186 en 2005, 19.984 en 2006 et 23.003 en 2007, cette hausse explosive étant entièrement due au contentieux du permis de conduire (retraits consécutifs à la perte de points), véritables rentes pour quelques avocats qui ont su déceler des failles dans les procédures. En 2006, les tribunaux administratifs ont traité 8.822 affaires relatives aux permis de conduire, dont 5.169 par ordonnance et 3.653 par des jugements rendus en formation collégiale. En 2007, sur 11.800 affaires relevant de ce contentieux, 88,8 % ont ainsi été jugées par ordonnance du juge unique. Plus largement, les matières relevant du juge unique représentent 29 % des affaires jugées par les tribunaux administratifs en 2007. M. Axel Barlerin, président de l'Union syndicale des magistrats administratifs, a considéré que le recours au juge unique avait atteint ses limites et ne pouvait désormais être étendu que de façon marginale. |
3. La revalorisation du régime indemnitaire des magistrats administratifs
Le nouveau régime indemnitaire des membres du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel à été institué par le décret n° 2007-1762 du 14 décembre 2007, relatif au régime de l'indemnité de fonction.
Ce régime indemnitaire distingue une part fonctionnelle et une part individuelle. La part fonctionnelle, versée mensuellement, tient compte des responsabilités, du niveau d'expérience et des sujétions afférentes aux fonctions exercées. Elle est définie au regard du grade, d'une part, et des fonctions exercées, d'autre part. Le maintien d'une référence au grade est justifié par le niveau d'expertise que reflète celui-ci. En revanche, au sein de chaque grade - et de manière progressive sur les trois années de mise en oeuvre de la réforme (2008-2010) - la distinction en fonction de l'échelon sera pour l'essentiel supprimée.
La part individuelle, versée annuellement, est quant à elle modulée par le chef de juridiction en fonction des résultats obtenus et de la manière de servir, par application au montant de référence défini pour le grade et la fonction d'un coefficient compris entre 0 et 3 et dans la limite de l'enveloppe allouée à la juridiction.
La part fonctionnelle et la part individuelle déterminent respectivement 75 % et 25 % de l'indemnité.
Cette indemnité de fonction qui s'est substituée, à compter du 1 er janvier 2008, à l'indemnité forfaitaire et à l'indemnité pour sujétions spéciales, est conforme aux orientations générales applicables aux nouveaux régimes indemnitaires dans la fonction publique.
Cette évolution s'accompagne d' une substantielle revalorisation sur trois ans du régime indemnitaire des magistrats administratifs . Dès 2008, le taux moyen de prime, en pourcentage du traitement brut, est porté globalement de 51 % à 55,3 %, pour un coût de 1,5 million d'euros. Ce taux global sera porté à 57,9 % en 2009, mesure inscrite dans le projet de loi de finances pour 2009, pour un coût supplémentaire de 1,2 million d'euros, et à 61 % en 2010, pour un coût de 1,4 million d'euros.
Cette revalorisation s'inscrit dans une démarche initiée en 2002, date à laquelle le taux moyen de primes n'était que de 37 % du traitement brut de chaque magistrat. Elle tient compte des efforts de productivité consentis pour faire face à l'augmentation du contentieux, réduire le stock des affaires en instance et les délais de jugement, et poursuit le rapprochement avec le régime indemnitaire des magistrats des chambres régionales des comptes.
La part individuelle permet d'assurer une rémunération au mérite. Afin de guider l'attribution de cette part tout en respectant les prérogatives du chef de juridiction, et de prévenir ainsi des contestations quant à des pratiques qui divergeraient entre juridictions sur des situations individuelles identiques, une circulaire du 9 juillet 2008 donne des orientations relatives au traitement de cette part individuelle de l'indemnité de fonction.
La revalorisation du régime indemnitaire vise également à renforcer l'attractivité du corps. Si cette réforme profite à la totalité des magistrats, ses effets favorables sont particulièrement marqués pour les magistrats en début de grade, dont le régime indemnitaire est progressivement hissé, sur les trois ans, au niveau des magistrats qui sont au sommet de grade, lorsque les fonctions exercées sont identiques.
Par ailleurs, le déroulement de la carrière devrait être amélioré par :
- l'accroissement du nombre de postes de présidents destinés d'une part à renforcer l'encadrement des juridictions de cinq chambres et plus, et d'autre part à doter la Cour nationale du droit d'asile de présidents de formation de jugement permanents, à temps complet ou partagé ;
- le renforcement substantiel du nombre de membres du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel pouvant être nommés maître des requêtes ou conseiller d'Etat au tour extérieur.
En revanche, M. Axel Barlerin, président de l'Union syndicale des magistrats administratifs (USMA), a jugé vexatoires les modalités de rachat des jours inscrits sur le compte épargne-temps des magistrats administratifs, fixées par l'arrêté du 3 novembre 2008 39 ( * ) .
En effet, cet arrêté fixe le taux brut forfaitaire à 125 euros, pour ces magistrats comme pour l'ensemble des fonctionnaires de catégorie A et assimilés. L'USMA considère que ce taux correspond à la valeur d'une journée de travail pour un magistrat administratif en début de carrière.
4. La création du centre de formation de la justice administrative
Un centre de formation de la juridiction administrative a été créé en 2008. Dirigé par un magistrat administratif, ce centre témoigne de l'unité de la juridiction administrative.
Il est chargé de concevoir et de mettre en oeuvre la formation initiale et continue des membres et du personnel du Conseil d'Etat, des magistrats et agents de greffe des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et, à compter du 1 er janvier 2009, des agents de la Cour nationale du droit d'asile. Ainsi, le public formé s'élève à 2.936 agents (chiffre extrait du bilan social 2007 du Conseil d'Etat).
Ce centre devrait donner aux personnels des juridictions administratives une formation adaptée aux impératifs d'une justice de qualité, afin de mieux juger, dans les meilleurs délais, tout en sécurisant toutes les procédures.
Le projet de formation devrait être mis en oeuvre dès 2009, après examen dans les différentes instances représentatives. Il sera établi conformément aux dispositions de la loi du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique et du décret du 15 octobre 2007 relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie des fonctionnaires de l'Etat, qui ont créé un droit individuel à la formation pour chaque agent.
La réflexion du centre se fonde sur les travaux conduits par les différents groupes de travail initiés par le vice-président du Conseil d'Etat, tant au sein du Conseil d'Etat que des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
*
Au bénéfice de l'ensemble de ces observations, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés à la justice et à l'accès au droit inscrits dans le projet de loi de finances pour 2009 .
* 37 Dans sa décision Procola c/ Luxembourg du 28 septembre 1995, la Cour européenne des droits de l'homme avait jugé que le cumul des fonctions consultatives et juridictionnelles au sein du Conseil d'Etat luxembourgeois portait atteinte au principe du droit à un procès équitable.
* 38 Le rapport propose d'ailleurs, au moins pour la fonction publique de l'Etat, de prévoir la possibilité pour le fonctionnaire demandeur de solliciter l'avis soit d'un tiers impartial, soit de la CAP, afin d'éclairer l'autorité compétente sur les éléments de droit, mais aussi d'opportunité.
* 39 Créé par le décret n° 2002-634 du 29 avril 2002 portant création du compte épargne-temps dans la fonction publique de l'Etat, le compte épargne-temps permet à son titulaire d'accumuler des droits à congés rémunérés. Il est ouvert à la demande de l'agent, qui est informé annuellement des droits épargnés et consommés.