IV. UN SOUTIEN CONSÉQUENT À LA JUSTICE ADMINISTRATIVE, ENGAGÉE DANS UNE MODERNISATION DE SON ORGANISATION ET DE SES PROCÉDURES

A. LE SORT BUDGÉTAIRE ENVIABLE DU PROGRAMME « CONSEIL D'ÉTAT ET AUTRES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES »

1. Des crédits en progression constante, permettant la création d'un nouveau tribunal administratif en Seine-Saint-Denis

? Des crédits en forte hausse en 2009

Les crédits alloués au programme « Conseil d'Etat et autres juridictions administratives » par le projet de loi de finances pour 2009 sont en augmentation de 14,45 %, en crédits de paiement.

Cette forte progression traduit le rattachement effectif au programme, à compter du 1 er janvier 2009, de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Ce rattachement s'accompagnera d'un transfert de 273 ETPT (251 ETPT en provenance du ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire et 22, dont 10 magistrats, du ministère de la justice).

Toutefois, lorsque l'on retire le transfert de la Cour nationale du droit d'asile, l'augmentation des crédits alloués à la justice administrative atteint encore 6,7 %. Cette hausse s'explique en grande partie par la création d'un tribunal administratif en Seine-Saint-Denis à l'automne 2009, conformément aux préconisations avancées par votre rapporteur en 2008.

A périmètre constant par rapport à 2008, le budget de la justice administrative atteint 278,7 millions d'euros de crédits de paiement, soit une progression de 4,5 % (+ 12,9 millions d'euros) par rapport à 2008. Hors crédits du CAS pension, cette progression s'élève à 3 % (+ 6,5 millions d'euros). M. Robert Le Goff, président du Syndicat de la juridiction administrative, a estimé que les arbitrages budgétaires étaient très favorables aux juridictions administratives en 2009.

Les crédits de personnel (titre II), hors dotation du CAS pension, progressent de 3,5 % (+ 5,7 millions d'euros). Cette progression est destinée à assurer le financement des mesures communes à l'ensemble de la fonction publique (évolution du point de la fonction publique, revalorisations statutaires et indemnitaires, etc.), ainsi que les mesures nouvelles propres au programme (créations et transformations d'emplois, revalorisation du régime indemnitaire des magistrats administratifs, des agents de greffe et des agents du Conseil d'Etat).

Le rattachement de la Cour nationale du droit d'asile à la justice administrative

La Cour nationale du droit d'asile sera rattachée au Conseil d'Etat à partir du 1 er janvier 2009. Cette juridiction administrative spécialisée a succédé à la Commission de recours des réfugiés, créée par la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952, en application de l'article 29 de la loi du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile.

La CNDA est compétente pour statuer sur les recours formés contre les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), qui peuvent accorder ou refuser le bénéfice de l'asile, ou encore retirer ou mettre fin à ce bénéfice. La Cour se prononce également sur les recours en révision dans les cas où il est soutenu que sa décision a résulté d'une fraude, ainsi que sur les recours formés contre les décisions portant rejet d'une demande de réexamen.

La Cour nationale du droit d'asile a été saisie de 22.676 recours en 2007 et a rendu 27.242 décisions. Elle est constituée de sections, chacune comprenant un président, magistrat de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif, et deux assesseurs qui sont des personnalités qualifiées.

Le président de la Cour est un membre du Conseil d'Etat, désigné par le vice-président de cette juridiction.

L'indicateur de performance relatif au délai moyen de jugement des affaires en stock devant la Cour fait apparaître un délai d'un an et 3 jours en 2006 et de 10 mois et 21 jours en 2007. Si un délai de 10 mois devrait être atteint en 2008, la cible est fixée à 6 mois en 2011.

M. Christophe Devys, secrétaire général du Conseil d'Etat, a indiqué à votre rapporteur qu'une réduction d'un mois de ce délai moyen de jugement permettrait au ministère de l'immigration de réaliser 13 à 20 millions d'euros d'économies, puisque la durée de versement des allocations aux demandeurs d'asile se trouverait également réduite.

Les crédits de fonctionnement et d'investissement (titres III et V) augmentent pour leur part de 1,5 % (+ 0,75 millions d'euros de CP). L'essentiel de cette progression est lié à la remise à niveau de la dotation de frais de justice, directement corrélés à l'augmentation importante du contentieux devant les juridictions administratives, ainsi qu'à l'extension en année pleine du fonctionnement du tribunal administratif de Toulon, ouvert en septembre 2008.

L'évolution pluriannuelle des crédits pour la période 2009-2011 apparaît également très favorable pour le programme « Conseil d'Etat et autres juridictions administratives » , puisqu'elle prévoit la création de 150 emplois, dont 60 en 2009 (30 magistrats et 30 agents de greffe), 50 en 2010 (20 magistrats et 30 agents de greffe) et 40 en 2011 (20 magistrats et 20 agents de greffe).

Ces créations d'emplois ont pour principal objectif d'atténuer l'engorgement des tribunaux administratifs d'Ile-de-France et d'éviter tout risque de dégradation des délais de jugement en raison de la forte augmentation du contentieux.

? Une exécution budgétaire privilégiée

La justice administrative apparaît enfin privilégiée en matière d'exécution budgétaire. En effet, selon les indications du Conseil d'Etat, par une lettre adressée au vice-président du Conseil d'Etat le 25 mai 2005, et à l'issue d'un arbitrage interministériel en bonne et due forme, le Premier ministre a indiqué que le programme « Conseil d'Etat et autres juridictions administratives » bénéficierait de modalités budgétaires particulières et ne serait pas affecté par les mises en réserve de crédits. Le programme « Cour des comptes et autres juridictions financières » bénéficie d'ailleurs de la même clémence.

En application de cette décision, aucune mise en réserve de crédits n'a été appliquée au programme « Conseil d'Etat et autres juridictions administratives » en 2006. Un courrier du directeur de cabinet du Premier ministre en date du 6 février 2007 a réaffirmé l'exemption, pour 2007, de la mise en réserve de crédits de ce programme.

En outre, à l'occasion de l'examen de la programmation budgétaire initiale 2008, M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, a indiqué que, conscient des charges nouvelles liées à l'ouverture du tribunal administratif de Toulon, il ne voyait aucune objection à ce que soit levée la réserve de précaution à titre exceptionnel pour 2008.

Cependant, le programme a été mis à contribution, avec l'accord du Conseil d'Etat, pour financer par exemple, en 2006, le plan de lutte contre l'épidémie de chikungunya et l'épizootie de grippe aviaire. De même, en 2008, le programme a été mis à contribution, à hauteur de 0,5 million d'euros en AE et de 0,6 million d'euros en CP, pour financer les dépenses d'hébergement d'urgence et les mesures en faveur du secteur de la pêche suite à l'augmentation du prix du pétrole.

? La montée en puissance du tribunal administratif de Nîmes

Le tribunal administratif de Nîmes a été créé en application de la LOPJ le 1 er novembre 2006, afin de répondre aux difficultés rencontrées par les juridictions de Marseille et Montpellier.

Le coût global de l'opération immobilière de création du tribunal administratif de Nîmes, définitivement soldée en 2007, s'élève au total à 7.025.000 euros, dont 1.445.000 euros pour l'achat du bâtiment et 5.580.000 euros de travaux. L'installation du tribunal administratif de Nîmes s'est également traduite par des dépenses de premiers équipements (mobiliers, documentation, véhicules, fournitures...) d'un montant de 160.000 euros.

En outre, l'opération de ravalement des façades du bâtiment principal abritant le tribunal administratif, estimée à 800.000 euros, sera réalisée en 2009.

Le budget de fonctionnement de ce nouveau tribunal pour l'exercice 2007, qui fut la première année complète de fonctionnement, s'est élevé à 360.000 euros, dont 241.000 euros de frais de fonctionnement (67 % des dépenses globales) et 119.000 euros de frais de justice (33 % des dépenses globales).

Les effectifs du tribunal comprennent 15 magistrats et 18 agents de greffe.

Au cours de l'année 2007, le tribunal de Nîmes a enregistré 3.787 affaires. La structure de ses entrées est la suivante : étrangers (760 affaires enregistrées soit 20 %), urbanisme et aménagement (575 soit 15 %), contentieux fiscal (465 soit 12 %), police (394 soit 10 %), fonctionnaires et agents publics (355 soit 9 %). Comme souvent dans les juridictions du sud de la France, le TA de Nîmes traite donc d'un contentieux lourd.

Le tribunal a jugé 4.082 affaires en 2007. Son ouverture a eu, comme attendu, un impact positif sur les tribunaux administratifs de Marseille et de Montpellier, qui ont conservé leurs effectifs.

Ainsi, en 2007, le TA de Marseille a vu ses entrées baisser de 13 % passant de 9.549 en 2006 à 8.352. Son stock s'est réduit de 26 % entre 2006 et 2007 et son délai prévisible moyen de jugement est passé de 1 an et 4 mois en 2005 à moins d'un an en 2006 et à moins de 9 mois en 2007.

De même, en 2007, le TA de Montpellier a vu ses entrées baisser de 24 %, passant de 7.075 en 2006, à 5.379 en 2007. Son stock s'est réduit de 23 % entre 2006 et 2007 et son délai prévisible moyen de jugement est passé de 1 an 5 mois en 2005 à 1 an en 2006 et à moins de 11 mois en 2007.

? L'ouverture du nouveau tribunal administratif de Toulon

En application de la LOPJ du 9 septembre 2002, et en complément de l'installation du TA de Nîmes en 2006, un nouveau TA a été créé à Toulon au 1 er septembre 2008, afin de répondre aux difficultés rencontrées par les TA de Nice et de Marseille.

Lors des premières études engagées, il fut envisagé d'installer ce nouveau tribunal administratif dans le palais Leclerc, actuellement occupé par le tribunal d'instance et le tribunal pour enfants. Les locaux en cause devaient en effet être libérés par ces juridictions à l'occasion de leur regroupement au sein de la nouvelle Cité judiciaire, constituée par l'extension de l'actuel Palais de justice. Cette solution avait reçu l'accord de principe du ministère de la justice, d'une part, et du conseil général, propriétaire du bâtiment, d'autre part.

Le ministère de la justice a toutefois informé le Conseil d'Etat que la nouvelle Cité judiciaire ne pourrait être livrée, au plus tôt, qu'à la fin de l'année 2011, ce qui aurait retardé l'installation du tribunal administratif à la fin de l'année 2012.

Aussi le Conseil d'Etat a-t-il fait le choix d'une installation transitoire dans un immeuble appartenant au conseil général du Var, que la collectivité loue à la juridiction administrative dans des conditions proches de celles convenues pour la mise à disposition future du palais Leclerc (71.305 euros par an, toutes charges et taxes comprises). Le bail est consenti pour une durée de 5 ans renouvelable.

L'opération dont le montant total s'est élevé à 1,34 millions d'euros a pu être réalisée grâce à l'obtention de fonds de concours à hauteur de 0,6 million d'euros.

La juridiction s'est installée dans ses locaux en septembre 2008, elle a commencé à enregistrer des affaires et tenir des audiences en novembre 2008. Elle fonctionnera avec 3 chambres, soit 13 magistrats, 17 agents de greffe et 3 assistants de justice.

M. Christophe Devys, secrétaire général du Conseil d'Etat, a souligné que dans les années à venir, la situation la plus difficile au sein des juridictions administratives serait celle de la Cour administrative d'appel de Marseille, dont le ressort est très étendu, puisqu'il comprend les tribunaux administratifs de Montpellier, Nice, Bastia, Nîmes et Toulon.

Redistribution des ressorts des tribunaux administratifs du sud de la France

2005

2006

2008

T.A. de Marseille

Alpes-de-Haute-Provence

Bouches-du-Rhône

Hautes-Alpes

Vaucluse

Alpes-de-Haute-Provence

Bouches-du-Rhône

Hautes-Alpes

Alpes-de-Haute-Provence

Bouches-du-Rhône

Hautes-Alpes

T.A. de Montpellier

Aude

Gard

Hérault

Lozère

Pyrénées-Orientales

Aude

Hérault

Pyrénées-Orientales

Aude

Hérault

Pyrénées-Orientales

T.A. de Nice

Alpes-Maritimes

Var

Alpes-Maritimes

Var

Alpes-Maritimes

T.A. de Nîmes

Gard

Lozère

Vaucluse

Gard

Lozère

Vaucluse

T.A. de Toulon

Var

Source : Conseil d'Etat

? Un nouveau tribunal administratif en Seine-Saint-Denis en 2009

Un nombre important d'emplois ont été affectés, depuis 2003, dans les tribunaux administratifs de la région parisienne, particulièrement sollicités : 20 emplois au TA de Cergy-Pontoise, 7 au TA de Melun, 2 au TA de Paris et 9 au TA de Versailles.

La situation particulièrement difficile de la région parisienne justifie que les efforts y soient concentrés dans les prochaines années. On y constate en effet, une croissance du contentieux de 12 % par an depuis 2002, alors que la moyenne nationale est de 9 % par an et le taux de couverture moyen y est de 93 % en 2007, malgré des gains de productivité très importants.

Les difficultés se concentrent notamment sur le TA de Cergy, où le taux de couverture en 2007 était de 84 %, le stock des affaires en instance atteignant 22.900, et le délai prévisible moyen de jugement de 1 an et 11 mois. Le tribunal de Versailles est également confronté à une situation tendue avec en 2007 un taux de couverture de 83 %, un stock de 15.200 affaires en instance et un délai prévisible moyen de jugement de 1 an et 4 mois.

Cette situation conduit à envisager la création en 2009 d'un nouveau tribunal administratif, grâce aux emplois créés en 2009 et envisagés pour 2010 et 2011, ayant pour ressort la Seine-Saint-Denis. Le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, ainsi libéré du contentieux de la Seine-Saint-Denis, conservera ses effectifs et se verra affecter le contentieux des Hauts-de-Seine, actuellement pris en charge par le tribunal administratif de Versailles.

M. Christophe Devys, secrétaire général du Conseil d'Etat, a indiqué que ce nouveau tribunal compterait d'abord six chambres et devrait ensuite connaître une rapide montée en puissance, avec quatre chambres supplémentaires en 2010.

2. L'amélioration des modalités de mesure de la performance

Si la nomenclature du programme « Conseil d'Etat et autres juridictions administratives » n'a pas connu de modification importante par rapport au projet de loi de finances pour 2008, une nouvelle action (n° 7) a été créée afin de permettre un suivi précis des moyens alloués à la Cour nationale du droit d'asile, rattachée pour sa gestion au Conseil d'Etat à partir du 1 er janvier 2009.

Par ailleurs, le projet annuel de performance a été enrichi d'un nouvel indicateur permettant de mesurer les délais moyens de jugement des affaires « ordinaires ». Ne sont pas regardées comme « affaires ordinaires » les référés - procédures d'urgence, les affaires dont le jugement est enserré dans des délais particuliers (contentieux des reconduites à la frontière, contentieux des refus de titre de séjour accompagnés d'une obligation de quitter le territoire français...), ainsi que les ordonnances.

Ce nouvel indicateur tend à corriger les imperfections de l'indicateur relatif au délai prévisible moyen de jugement des affaires en stock, qui mêle des catégories d'affaires très hétérogènes et peut donc masquer des délais en réalité très élevés dans certaines matières (affaires au fond en matière de contentieux fiscal, de contentieux des marchés).

Par ailleurs, la mise en oeuvre de la logique de performance semble avoir été bien assimilée par le Conseil d'Etat et les autres juridictions administratives. En effet, la justice administrative suit depuis plusieurs années des indicateurs d'activité, formalisés, dès 2002, au sein de contrats d'objectifs et de moyens entre les cours administratives d'appel et le Conseil d'Etat.

La LOLF a donc formalisé une logique de performance que les acteurs de la justice administrative avaient commencé à appliquer.

Les objectifs stratégiques définis pour le programme ont été déclinés en objectifs opérationnels au niveau de chaque juridiction administrative, à l'issue d'un dialogue de gestion entre le Conseil d'Etat et le chef de juridiction. La simplicité des objectifs du programme et la possibilité de les contrôler au niveau de chaque juridiction, grâce aux systèmes d'information utilisés par le Conseil d'Etat, ont facilité cette déclinaison.

De plus, la recherche de la performance a conduit le Conseil d'Etat à organiser, à compter de 2007, des conférences de gestion avec les présidents de tribunaux administratifs et de cours administratives d'appel, afin d'analyser l'exécution de l'année précédente et de déterminer les objectifs fixés à chaque juridiction ainsi que les mesures qui leur seront accordées.

3. L'objectif de maîtrise des délais de jugement atteint malgré l'exécution incomplète de la LOPJ

? Des créations d'emplois inférieures aux prévisions de la LOPJ

Malgré le renforcement continu des effectifs de la justice administrative, les objectifs fixés par la loi du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice (LOPJ) n'ont pas été remplis.

En effet, ce texte prévoyait la création de 210 emplois de magistrats administratifs entre 2002 et 2007. Au total sur cette période, ce sont 148 emplois qui ont été créés.

La LOPJ prévoyait en outre la création de 270 emplois de fonctionnaires au Conseil d'Etat et dans les juridictions administratives entre 2002 et 2007 36 ( * ) . Finalement, 187 emplois ont été créés au cours de cette période. En 2008, 28 nouveaux emplois ont été créés.

Nombre d'emplois de magistrats administratifs créés

Nombre d'emplois de fonctionnaires du CE
et agents de greffe créés

2003

42

58

2004

42

49

2005

21

24

2006

22

28

2007

21

28

TOTAL

148

187

Taux d'exécution de l'objectif fixé par la LOPJ

70,48 %

69,26 %

Source : Conseil d'Etat

Les emplois de magistrats créés sur la période 2003-2008 ont été affectés à hauteur de 88 dans les cours administratives d'appel, comme suit :

Cour administrative d'appel

Nombre de nouveaux emplois affectés entre 2003 et 2008

Bordeaux

13

Douai

0

Lyon

10

Marseille

18

Nancy

2

Nantes

5

Paris

10

Versailles

30

TOTAL

88

Source : Conseil d'Etat

? L'amélioration des délais de jugement

Si les objectifs de la LOPJ n'ont pas été respectés, les emplois créés depuis 2002 ont toutefois permis aux juridictions de respecter leurs contrats d'objectifs, malgré le transfert de l'appel du contentieux des arrêtés de reconduite à la frontière.

Les objectifs d'ensemble ont été atteints, tant en termes de délais de jugement que d'évolution du stock des affaires. Le délai moyen de jugement en 2007 est inférieur d'un jour par rapport à l'objectif fixé lors de la signature des contrats, qui était d'un an, un mois et quatre jours.

Le niveau du stock des affaires en instance est très proche de l'objectif fixé : 28.062 affaires étaient en instance au 31 décembre 2007, pour un objectif fixé à 27.903 . Ce stock s'est rajeuni puisque le nombre des affaires introduites depuis plus de deux ans est passé de 44 % en 2002 à moins de 10 % à la fin de 2007.

Par ailleurs, les progrès de la productivité par magistrat ont dépassé les prévisions. En effet, alors que l'objectif était d'atteindre 98 affaires par magistrat et par an, contre 88 en 2002, le résultat obtenu en 2007 est de 106.

Source : Conseil d'Etat

4. L'activité contentieuse stable au Conseil d'Etat et en progression dans les cours et tribunaux

L'activité contentieuse progresse toujours de façon soutenue dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, alors qu'elle est stable au Conseil d'Etat.

? La stabilisation de l'activité contentieuse du Conseil d'Etat

Si le nombre d'affaires enregistrées au Conseil d'Etat en 2007, en données brutes, est supérieur à celui de l'année 2006, il connaît, en revanche, un léger fléchissement en données nettes, tout en se maintenant à un niveau élevé.

En effet, mis à part les pourvois en cassation dirigés contre les arrêts des cours administratives d'appel dont le nombre ne cesse de progresser, les autres pourvois sont en baisse. Par ailleurs, le chiffre des sorties étant supérieur à celui des entrées, le stock en données nettes, a diminué de 4,3 %. L'année 2008, quant à elle, est marquée par le contentieux des élections municipales et cantonales, pour lequel le Conseil d'Etat est juge d'appel.

Depuis la réforme introduite par le décret du 19 avril 2002 qui a permis aux présidents de tribunal administratif de renvoyer une affaire ne relevant pas de la compétence de ce tribunal directement au tribunal compétent, sans solliciter l'intervention du président de la section du contentieux, les affaires de règlement de compétence au sein de la juridiction administrative ont fortement diminué devant le Conseil d'Etat.

Par ailleurs, depuis le transfert aux cours administratives d'appel de l'appel du contentieux des arrêtés de reconduite à la frontière le 1 er janvier 2005, le Conseil d'Etat s'est recentré sur son rôle de juge de cassation. En effet, les pourvois en cassation, plus difficiles à juger, représentent désormais, en données nettes, 65 % des entrées en 2007, contre 47 % en 2004.

Même si le taux de pourvoi en cassation demeure faible, la poursuite de l'application des contrats d'objectifs conclus avec les cours administratives d'appel se traduit par un accroissement du nombre de leurs arrêts qui entraîne une augmentation corrélative du nombre des pourvois en cassation (+ 15 % en données brutes en 2007).

Conseil d'Etat

2003

2004

2005

2006

2007

Affaires enregistrées (données brutes)

10 213

12 868

12 572

11 578

11 745

Affaires enregistrées (données nettes)

9 905

12 074

11 196

10 271

9627

Affaires jugées (données nettes)

11 135

11 001

11 270

11 242

9973

Affaires en stock (données nettes)

8 993

10 122

10 089

8 567

8201

Affaires par magistrat (données nettes)

69

69

70

80

85

Délai prévisible moyen des affaires en stock

1 an
et 5 jours

9 mois
et 19 jours

10 mois

Délai prévisible moyen de jugement
(y compris RAF)

10 mois

11 mois

11 mois

9 mois

10 mois

Délai moyen de jugement constaté pour les affaires « ordinaires »

19 mois

17 mois

17 mois

18 mois

17 mois

Source : Conseil d'Etat

Le stock des affaires en instance, en données nettes, a diminué de 4,3 % (8.201 dossiers 2007 contre 8.567 en 2006). Quant à la part des affaires enregistrées depuis plus de deux ans, tout en restant modeste, elle se maintient à 8 %. Cela s'explique notamment, par la progression de la part des pourvois en cassation dans l'ensemble des affaires soumises au Conseil d'Etat. Ces dossiers présentent en effet des difficultés supérieures à la moyenne.

Si le délai moyen de jugement des affaires en stock augmente légèrement (10 mois en 2007, contre 9 mois en 2006) il reste néanmoins inférieur à un an. Quant au délai moyen de jugement des affaires « ordinaires » il diminue légèrement en 2007 (17 mois, contre 18 mois en 2006).

? Une forte augmentation de l'activité dans les cours administratives d'appel

Après le ralentissement observé en 2006, l'année 2007 est marquée par une augmentation considérable des affaires enregistrées dans les cours administratives d'appel.

Ainsi, avec 26.554 nouvelles requêtes enregistrées en données nettes, le contentieux augmente devant les cours de 25,95 % par rapport à l'année 2006, et dépasse de plusieurs milliers d'unités le volume prévu pour l'année 2007, lors de l'élaboration des contrats d'objectifs passés entre le Conseil d'Etat et les juridictions d'appel en décembre 2002. Cette augmentation est surtout imputable au contentieux de la nationalité et au contentieux des étrangers .

Après une augmentation régulière du nombre d'affaires traitées depuis 2000, les cours administratives d'appel ont jugé en 2007 25.716 affaires en données nettes, soit une très légère diminution (- 0,67 %) par rapport à 2006. En effet, en dépit de la création de 10 postes supplémentaires, l'effectif réel moyen des magistrats présents dans les cours administratives d'appel a légèrement diminué, en raison de l'importance des départs (détachements, mobilité, retraite...), qui ne peuvent être instantanément remplacés.

Pour la première fois depuis la mise en place en 2002 des contrats d'objectifs, les cours n'ont pu juger plus d'affaires qu'elles en ont enregistrées . Le ratio des affaires traitées sur les affaires enregistrées est ainsi passé de 123 % à 97 %. Le stock des affaires en instance a donc progressé, passant de 27.153 en 2006 à 28.062 en 2007.

Néanmoins, la part, dans ce stock, des affaires de plus de deux ans a été ramenée de 20 % en 2006 à 10 % en 2007. En effet, les cours administratives d'appel ont jugé autant ou plus d'affaires qu'elles n'en ont enregistrées dans la grande majorité des matières, à l'exception du contentieux des étrangers, où l'écart entre entrées et sorties est de près de 4.000 affaires.

Le délai de jugement constaté se stabilise à 1 an et 10 mois. Sur la période, les entrées sont passées en données nettes de 15.267 affaires en 2002 à 26.554 en 2007, soit près de 4.150 affaires de plus que prévu, et une augmentation de 74 % (environ 12 % par an en moyenne).

Les sorties, quant à elles, sont passées en données nettes de 14.281 affaires jugées en 2002 à 25.716 affaires jugées en 2007, soit une augmentation de 80 %, dépassant chaque année les objectifs fixés par les contrats.

La situation en 2007 de chaque cour administrative d'appel en matière de délai prévisible moyen de jugement, objectif principal, apparaît dans le tableau suivant :

Cour

administrative d'appel

Délai moyen de jugement prévu par les contrats d'objectifs

Délai moyen de jugement réalisé

Ecart

Bordeaux

1 an et 29 jours

1 an 2 mois et 10 jours

+ 1 mois et 11 jours

Douai

9 mois et 28 jours

9 mois et 21 jours

- 7 jours

Lyon

1 an 2 mois et 25 jours

1 an 3 mois et 16 jours

+ 21 jours

Marseille

1 an 7 mois et 24 jours

1 an 10 mois et 15 jours

+ 2 mois et 21 jours

Nancy

1 an 6 mois et 20 jours

10 mois et 12 jours

- 8 mois et 8 jours

Nantes

7 mois et 7 jours

5 mois et 15 jours

- 1 mois et 22 jours

Paris

11 mois et 15 jours

11 mois et 4 jours

- 11 jours

Versailles

9 mois et 2 jours

1 an 1 mois et 7 jours

+ 2 mois et 5 jours

TOTAL

1 an, 1 mois et 4 jours

1 an, 1 mois et 3 jours

- 1 jour

Source : Conseil d'Etat

? Les tribunaux administratifs

Le nombre annuel d'affaires enregistrées devant les tribunaux administratifs en données nettes s'est accru de plus de 50 % entre 2002 et 2007, même si l'on constate un ralentissement de cette croissance sur la dernière année.

L'augmentation du nombre d'affaires nouvelles constatée en 2007 s'explique principalement par la progression du contentieux de la police (+ 15 %), dont principalement celui du permis de conduire, et du contentieux des étrangers (+ 6 %).

Pour la première fois depuis 2002, le nombre des affaires traitées est supérieur à celui des affaires enregistrées . Il en résulte une diminution des stocks, qui passent de 211.990 affaires en instance au 31 décembre 2006 à 206.676 affaires en instance au 31 décembre 2007.

Depuis 2003, le délai prévisible moyen de jugement des affaires en stock baisse régulièrement pour s'établir à 1 an 2 mois et 5 jours pour l'année 2007. Toutefois, ces bons résultats sont en partie liés à l'importance prise, dans le volume global des sorties, par les affaires visées par des textes imposant une intervention rapide du juge, au détriment des autres affaires.

Le délai moyen de jugement constaté toutes affaires confondues est d'1 an et 2 mois. Hors référés et procédures d'urgence, ce délai s'établit à 1 an 4 mois et 16 jours et il s'élève à 2 ans 2 mois et 16 jours pour les affaires non enserrées dans des délais particuliers et non traitées par voie d'ordonnance.

Les contentieux les plus inflationnistes sont :

- le contentieux de la police qui, avec 23.003 affaires, représente 13,5 % des entrées, et le contentieux fiscal avec 20.705 affaires, 12,2 % ;

- le contentieux des étrangers : l'ensemble des tribunaux administratifs a été saisi en 2007 de 46.377 requêtes concernant le contentieux des étrangers, soit 27,3 % du total des entrées. L'introduction du contentieux de refus de titre assorti d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF) représente 19.352 requêtes en 2007 ;

- le contentieux du permis de conduire , en constante progression jusqu'en 2004 et qui a explosé depuis 2005 (+ 146 % en deux ans) du fait notamment de l'augmentation du nombre de retraits de points à la suite de la mise en place des radars automatiques.

? Les risques d'augmentation de la charge des juridictions administratives

Si les résultats obtenus par le Conseil d'Etat et les juridictions administratives en matière de maîtrise des délais de jugement sont remarquables, il convient d'être attentif aux possibilités de développement du contentieux sous l'effet de réformes récemment adoptées par le Parlement.

Ainsi, l'impact de la loi du 5 mars 2007 instituant un droit au logement opposable (DALO) et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale sur le fonctionnement des juridictions administratives reste difficilement mesurable.

Au 30 juin 2008, 163 recours contre des décisions de rejet des commissions de médiation ont été enregistrées devant les tribunaux administratifs. Ces chiffres sont sans commune mesure avec le nombre de dossiers traités par les commissions et à ce stade, seulement 2 % des dossiers rejetés par ces commissions ont fait l'objet d'un recours devant les tribunaux administratifs. Plus de 63 % des demandes déposées devant les commissions de médiation se concentrent en région Ile-de-France, suivie par la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur (9 %) et la région Rhône-Alpes (5 %), tandis que 80 % du contentieux s'est porté devant les quatre tribunaux de la région Ile-de-France.

Mais les chiffres précités ne concernent que les recours « classiques » contre des décisions défavorables des commissions de médiation, or ce contentieux devrait monter en puissance à compter du 1 er décembre 2008, date à laquelle les tribunaux administratifs auront à connaître du contentieux spécifique à la procédure DALO, lié aux demandes de logement déclarées urgentes par les commissions de médiation, mais non satisfaites.

En outre, la loi généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion entraînera le transfert du contentieux des commissions départementales d'aide sociale vers les tribunaux administratifs. L'impact sur ces tribunaux devrait être massif (il est estimé à 12.000 affaires nouvelles, soit une croissance des entrées de près de 7 %). Par ailleurs, aux décisions concernant l'attribution de cette prestation s'ajouteront les mesures de suspension et de radiation, les actions en répétition de l'indû, ainsi que des sanctions administratives en cas de fraude.

* 36 Depuis 1991, les agents de greffe, tout en restant statutairement des agents du ministère de l'intérieur, sont gérés selon le système dit de double gestion. La gestion des emplois relève exclusivement du Conseil d'Etat et la gestion des personnels est partagée entre le ministère de l'intérieur et le Conseil d'Etat.

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