B. DANS LE CADRE AINSI DÉFINI, LE PLF POUR 2009 S'EFFORCE DE DÉGAGER DES MARGES DE MANOEUVRE EN FAVEUR DES COLLECTIVITÉS LES PLUS DÉFAVORISÉES

1. La recherche de marges de manoeuvre en faveur de la péréquation

a) Une exigence constitutionnelle

Comme le rappelle l'Observatoire des finances locales dans son état des lieux des finances locales en 2008, la péréquation apparaît comme un prolongement indispensable de l'autonomie accordée aux collectivités locales. En effet, les inégalités de répartition des bases de la fiscalité locale (à titre d'exemple, 5% des collectivités locales collectent près de 80 % de la taxe professionnelle) sont telles que, sauf à laisser certaines collectivités en-dehors de toute possibilité de développement local, la péréquation doit impérativement accompagner l'accroissement des compétences locales. C'est pourquoi la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, qui a consacré le principe d'autonomie financière des collectivités territoriales, a accompagné cette nouvelle étape de la décentralisation en faisant de la péréquation une exigence constitutionnelle. Le dernier alinéa de l'article 72-2 de la Constitution dispose ainsi que « la loi prévoit les dispositifs de péréquation destinés à favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales ».

La péréquation consiste à atténuer les disparités de situations entre les collectivités locales. On distingue habituellement la péréquation verticale , qui consiste, pour l'Etat, à répartir équitablement les dotations entre collectivités, de la péréquation horizontale , qui s'opère directement entre collectivités.

Les formes de péréquation

Régions

Départements

EPCI

Communes

Péréquation verticale

- Dotation de péréquation des régions

- Dotation de fonctionnement minimal (DFM)

- Dotation de péréquation urbaine (DPU)

- Dotation d'intercommunalité

Dotation de solidarité urbaine (DSU)

- Dotation de solidarité rurale (DSR)

- Dotation nationale de péréquation (DNP)

Péréquation horizontale

- Dotation de solidarité communautaire (DSC)

facultative

- Fonds de solidarité de la région Île-de-France (FSRIF)

- Fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP)

Source : annexe au PLF 2009 « effort financier de l'Etat en faveur des collectivités territoriales »

b) Les dispositions du PLF pour 2009

Le PLF pour 2009 s'efforce de protéger, dans le cadre du contrat de stabilité, les concours financiers de l'Etat qui contribuent à l'objectif de péréquation. Un certain nombre de mesures techniques sont ainsi prévues afin de dégager des marges de manoeuvre en faveur des dotations de péréquation :

- en premier lieu, le PLF pour 2009 prévoit de diminuer de 2 % le complément de garantie des communes. Celui-ci constitue, au sein de la dotation forfaitaire des communes, un reliquat historique qui a contribué à pérenniser les écarts de dotations qui existaient auparavant entre communes de taille comparable. Cette mesure permettra de dégager environ 105 millions d'euros en faveur des dotations de péréquation ;

- en outre, le projet de loi de finances prévoit d'accroître la solidarité entre départements les plus défavorisés en alignant les modalités d'évolution de la dotation de compensation et de la dotation de base des départements sur les fourchettes d'indexation de la dotation forfaitaire des communes ;

- s'inscrivant dans la suite de la loi de finances pour 2008, la part de la DGF des régions consacrée à la péréquation est aménagée par l'introduction d'un système de garantie de sortie, permettant d'assurer aux régions cessant d'y être éligibles une attribution égale à la moitié de leur attribution au titre de l'exercice précédent. La disposition prévue pour 2009 vise à neutraliser le poids des garanties de sortie, consacrées aux régions de métropole, sur la part péréquation versée aux régions d'outre-mer ;

- par ailleurs, un certain nombre de mesures concernent les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre : les modalités d'évolution de la dotation d'intercommunalité par habitant des différentes catégories d'établissement sont alignées sur les fourchettes d'indexation de la dotation forfaitaire des communes et le montant de la dotation d'intercommunalité liée à la création de nouvelles communautés urbaines est ramené de 85 à 60 euros par habitant, dans le but d'atténuer le coût pour la péréquation communale de l'éventuelle création d'une nouvelle communauté urbaine à partir de 2009 3 ( * ) ;

- enfin, le seuil d'éligibilité des départements à la dotation de péréquation urbaine est ramené à 1,5 fois le potentiel financier moyen par habitant des départements urbains (au lieu du double aujourd'hui), ce qui permettra de redistribuer plus de 16,504 millions d'euros aux autres départements urbains éligibles.

Ce dégagement de marges de manoeuvre en faveur des dotations de péréquation apparaît d'autant plus nécessaire qu'il s'inscrit dans le contexte de l'entrée en vigueur, en 2009, des données démographiques issues de la procédure de recensement rénové , prévue par la loi « démocratie de proximité » du 27 février 2002. L'INSEE estime ainsi que la population municipale de métropole, prise en compte pour la répartition des dotations de l'Etat, devrait atteindre en 2009 65,25 millions d'habitants, ce qui représente près de 3 millions d'habitants supplémentaires par rapport au recensement général de 1999 (+ 1,29 million par rapport à la répartition de la DGF pour 2008). Compte-tenu de la composition actuelle de la DGF, cet accroissement démographique devrait peser fortement sur la DGF, en alourdissant mécaniquement le montant de la dotation forfaitaire. Le « surcoût » lié au recensement pourrait s'élever à 286 millions d'euros en 2009 , correspondant à 138 millions d'euros au titre de la dotation de base des communes (y compris les recensements ultramarins), 108 millions d'euros au titre de la dotation de base des départements (y compris les recensements ultramarins) et 41 millions d'euros au titre de la dotation d'intercommunalité. Le solde du recensement rénové ne laissera ainsi qu'un solde d'augmentation de 286 millions d'euros par rapport à la DGF des communes de 2008, soit + 1,25 %.

Préoccupée par les conséquences de cette nouvelle procédure pour les collectivités territoriales en perte de population, l'Assemblée nationale a adopté le 13 novembre 2008 deux amendements visant à atténuer l'effet de son entrée en vigueur pour, d'une part, les communes dont la population aurait diminué de plus de 10% depuis le précédent recensement de 1999 et, d'autre part, les syndicats d'agglomération nouvelle 4 ( * ) .

c) La création de trois nouvelles dotations

Parallèlement à cet effort, le PLF pour 2009 prévoit la création de trois nouvelles dotations destinées aux collectivités territoriales en difficulté ou confrontées à un accroissement important de leurs charges :

- une dotation de développement urbain (DDU) , dotée de 50 millions d'euros, est créée par l'article 71 du PLF afin de financer, sur la base d'un partenariat entre l'Etat et les collectivités territoriales, des projets d'aménagement et de développement urbains répondant à des politiques prioritaires fixées par le Comité interministériel des villes. Cette dotation est attribuée par le représentant de l'Etat dans le département aux communes éligibles à la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale et « qui figurent parmi les cent premières d'un classement de ces communes établi chaque année en fonction de critères tirés notamment de la proportion de population résidant dans des quartiers inclus dans les zones prioritaires de la politique de la ville, du revenu fiscal moyen des habitants de ces quartiers et du potentiel financier » ;

- l'article 72 du PLF crée par ailleurs un Fonds de soutien aux communes touchées par le redéploiement territorial des armées et le dote de 5 millions d'euros ;

- enfin, une dotation forfaitaire de 6 millions d'euros est mise en place au bénéfice des 2.000 communes sélectionnées pour assurer la mission d'accueil des personnes sollicitant un titre d'identité sécurisé (passeport biométrique et carte d'identité électronique) mais ne résidant pas sur leur territoire.

Il convient toutefois de relever que ces trois nouvelles dotations budgétaires, inscrites au sein de la mission « relations avec les collectivités territoriales », font partie intégrante de l'enveloppe normée, et seront donc de facto financées par la réduction ou le gel des autres dotations.

2. Le report de la réforme de la dotation de solidarité urbaine

Créée en 1991, la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU) est une dotation de péréquation qui a pour objet de « contribuer à l'amélioration des conditions de vie dans les communes urbaines confrontées à une insuffisance de leurs ressources et supportant des charges élevées ». Elle concerne à l'heure actuelle les trois quarts des communes de plus de 10.000 habitants (715) et 109 communes de moins de 10.000 habitants. En progression depuis l'adoption de la loi de programmation pour la cohésion sociale (dite « loi Borloo ») du 18 janvier 2005, ses crédits se sont élevés en 2008 à 1,1 milliard d'euros. Au cours de l'année 2008, le Président de la République a souhaité qu'une réforme de cette dotation soit engagée à l'occasion de l'examen de la loi de finances pour 2009, afin de mieux « cibler » la dotation en faveur des « communes pauvres ayant une population pauvre ».

C'est ainsi que l'article 70 du PLF pour 2009 proposait de réformer en profondeur la répartition de la DSU . Selon les dispositions initialement retenues par le gouvernement, cette dotation devait augmenter de 70 millions d'euros, mais, à compter de 2009, seule une ville de plus de 10.000 habitants sur deux aurait été éligible, contre trois sur quatre à l'heure actuelle, l'objectif affiché étant de mieux cibler les villes pauvres accueillant une population défavorisée et de mettre un terme au « saupoudrage » des crédits. A cet effet, les critères d'éligibilité auraient été modifiés, par la suppression du critère de logement social dans le classement des communes. Il s'agissait de ne plus prendre en compte que trois critères : le potentiel financier pour 50 %, le nombre de bénéficiaires d'aides au logement pour 35% et le revenu moyen des habitants pour 15%. Enfin, le projet supprimait la majoration de dotation accordée au titre des populations en zone franche urbaine et réduisait substantiellement le poids de la majoration de DSU relative aux populations en zone urbaine sensible. Les communes sortantes auraient toutefois bénéficié d'une garantie de sortie pendant deux ans. A terme, 238 villes auraient cessé d'être éligibles.

Ce projet de réforme a suscité l'émotion d'un grand nombre d'élus locaux. Le 8 octobre 2008, le Bureau de l'Association des maires de France (AMF) a officiellement demandé un réexamen des dispositions du PLF relatives à la DSU, afin d'appréhender l'ensemble de ses conséquences. Il est en effet apparu qu'avec l'application des nouveaux critères de répartition, des communes emblématiques de la politique de la ville telles que Clichy-sous-Bois, Villiers-le-Bel, Bobigny, Sarcelles, Vénissieux ou encore Creil, par exemple, pourraient sortir du dispositif.

Après avoir reçu les associations d'élus locaux le 23 octobre 2008, Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales a proposé un certain nombre d'aménagements au projet initial , lesquels ont reçu l'accord des associations d'élus locaux. Les termes de cet accord sont les suivants :

- toutes les villes éligibles sont assurées de percevoir en 2009 un montant au moins équivalent à celui perçu en 2008 ;

- l'essentiel de l'augmentation de la DSU (70 millions d'euros) sera concentré sur les 150 villes les plus défavorisées ;

- les 327 autres villes qui avaient été ciblées pour bénéficier elles aussi de l'augmentation de la DSU dès 2009 se verront garantir une progression minimale de 2% ;

- un travail de concertation sera mis en oeuvre au sein du Comité des finances locales en 2009 afin de définir les critères d'une réforme de la DSU qui n'entrerait en vigueur qu'à partir de 2010.

3. Un certain recul de l'efficacité des mécanismes de péréquation ?

S'agissant de l'évaluation de l'efficacité péréquatrice des dotations, une méthode, développée par les professeurs Guy Gilbert et Alain Guengant, permet de mesurer le taux de correction, grâce aux dotations de l'Etat, des inégalités de ressources des collectivités territoriales corrigées en fonction de leurs charges. La performance de la péréquation est mesurée par le taux de correction des inégalités de « pouvoir d'achat » imputable aux dotations nationales et fonds de péréquation.

Ces travaux ont mis en évidence l'efficacité d'un certain nombre de dispositifs de péréquation , en particulier des dotations de péréquation communales et intercommunales telles que la dotation nationale de péréquation (DNP), la DSU, la DSR et la dotation d'intercommunalité, la DNP ayant été la plus efficace en termes de correction des inégalités.

Au niveau global, cependant, il est possible de constater un certain recul du pouvoir péréquateur de l'ensemble des dotations .

Pour les communes, le recul de la performance péréquatrice des dotations provient de l'augmentation, ces dernières années, du nombre et du poids des dotations de compensation dans l'ensemble des dotations , sous l'effet notamment de la création en 2003 de la compensation de la suppression de la part salaires de la taxe professionnelle et de son intégration dans la dotation forfaitaire en 2004. En revanche, la performance des dotations expressément péréquatrices progresse, en particulier celles des composantes de la DGF (dotation d'intercommunalité, DSU, etc.).

Le même constat s'applique aux départements. Ainsi, l'intégration d'une part substantielle de la DGD dans la DGF en 2004 et l'augmentation du volume des compensations fiscales ont réduit l'effet péréquateur des dotations qui leur sont destinées. A l'inverse, la dotation de péréquation urbaine et la dotation de fonctionnement minimale ont conforté leur capacité à réduire conjointement les inégalités entre départements.

Enfin, depuis 2001, on relève une amélioration sensible de la performance de la péréquation de l'ensemble des dotations destinées aux régions.

Lors de la présentation de la mise à jour de leur étude au cours de la réunion du Comité des finances locales du 28 octobre 2008, MM. Guengant et Gilbert ont confirmé le recul de l'effet péréquateur des dotations de l'Etat aux communes et aux départements entre 2001 et 2006 . Selon eux, la performance péréquatrice des dotations de l'Etat aux communes a reculé de 2,3 % entre 2001 et 2006. La cause principale de ce recul réside dans l'impact négatif de la compensation de la suppression de la part salaires des bases de la taxe professionnelle : sa présence au sein des « dotations compensatrices » fait baisser de 4,1 points la performance péréquatrice de celles-ci . En revanche, l'efficacité des dotations expressément péréquatrices (DSU, DSR, etc.) progresse sur la période de 1,8 point. L'efficacité péréquatrice des dotations de l'Etat aux départements recule quant à elle de 2,9 points sur la période. En revanche, l'effet péréquateur des dotations de l'Etat aux régions progresse de 7 points en cinq ans.

* 3 A la suite d'un amendement adopté par l'Assemblée nationale le 13 novembre 2008, cette disposition concernera également les communautés urbaines créées au cours de l'année 2008.

* 4 Les communes membres d'un syndicat d'agglomération nouvelle ont bénéficié de règles de dénombrement avantageuses pendant plusieurs années, qui ont conduit à majorer leur population réelle. L'amendement adopté par l'Assemblée nationale a pour objet de lisser sur plusieurs années les effets de l'entrée en vigueur de la nouvelle procédure de recensement.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page