B. LE TARISSEMENT DES RESSOURCES DES RÉGIMES

1. Le moindre rendement des ressources issues des cotisations salariales

Alors que leurs dépenses augmentent, les régimes voient leurs recettes se tarir, en particulier celles provenant des cotisations salariales.

SNCF

Les cotisations sociales, qui représentent 36 % des recettes du régime de retraite de l'entreprise, ont diminué en 2008 alors qu'elles étaient restées stables en 2007. Cette diminution s'explique principalement par des modifications comptables dans la prise en compte de certains éléments de rémunération aboutissant à un basculement de ces cotisations de 2008 vers 2009 à hauteur de 75 millions d'euros. Hors ces écritures comptables, les cotisations sociales auraient augmenté de 3 % sous les effets combinés de la baisse du nombre de cotisants (0,5 %) et de la hausse du taux T2 1 ( * ) des cotisations patronales.

RATP

Contrairement au régime de retraite de la SNCF, celui de la RATP connaît une progression régulière de ses recettes de cotisations. Avec un nombre de cotisants quasi stable en 2008, les cotisations sociales ont augmenté de 2,2 % en 2008 , en partie grâce à l'intégration progressive d'une prime dans l'assiette des cotisations (prime négociée lors de la réforme du régime). Les effectifs de cotisants fluctueraient légèrement en 2009 et 2010, mais la mise en place en 2009 d'un treizième mois inclus dans l'assiette de cotisation, permettrait aux cotisations de poursuivre leur progression (2,7 % en 2009 et 2,4 % en 2010).

Marins

En 2008, la meilleure comptabilisation des cotisations et l'amélioration de la politique de recouvrement de l'établissement national des invalides de la marine (Enim), ainsi qu'une accélération des remboursements d'exonérations par l'Etat ont entraîné temporairement une forte croissance de l'agrégat « cotisations et impôts et produits affectés » (représentant près de 17 % des produits), alors que le nombre de cotisants et la cotisation moyenne ont diminué. En revanche, cet agrégat se réduirait fortement en 2009, puis plus faiblement en 2010 en lien avec la baisse du nombre de cotisants.

Mines

Compte tenu de la quasi-disparition des actifs (au rythme de 15 % de baisse par an environ), les cotisations sociales versées au régime diminuent rapidement (de 12,2 % en 2008, 13,7 % en 2009 et 13,6 % en 2010) et représentent à peine 2 % de ses produits.

Le constat est identique pour les autres régimes en extinction comme celui de la Seita.

2. La diminution des transferts au titre des mécanismes de compensation

a) La mise en place de mécanismes de compensation

Le système d'assurance vieillesse français se caractérise par une multiplicité de régimes structurés en fonction de critères d'appartenance professionnelle. L'ambition affichée en 1945 de créer un régime unique de sécurité sociale a été rapidement battue en brèche par le souhait de préserver l'existence de régimes préexistants (régimes spéciaux du secteur public, régimes complémentaires d'entreprise), de mettre en place un régime complémentaire pour les cadres et de placer hors du nouveau dispositif des professions qui ne souhaitaient pas y participer (travailleurs indépendants).

La généralisation de la sécurité sociale, qui a accompagné une longue période de croissance économique et la diffusion du modèle salarial, n'a pas pour autant mis fin à la diversité des régimes. Dès le milieu des années soixante-dix , il n'était plus question d'unification des régimes de retraite mais d'achèvement de la généralisation de la couverture vieillesse et d'harmonisation des règles entre les régimes. S'est alors imposée la nécessité de mécanismes de compensation financière permettant, d'une part, de remédier aux inégalités provenant des déséquilibres démographiques ainsi qu'aux disparités contributives entre les différents régimes de sécurité sociale, d'autre part, de traduire une volonté de solidarité, conforme à la logique du système de protection sociale élaboré après-guerre.

La loi n° 74-1094 du 24 décembre 1974 a instauré une compensation financière dite généralisée entre les régimes de base de la sécurité sociale au titre des risques maladie-maternité, prestations familiales et vieillesse. Cette compensation fonctionne en deux temps :

- entre l'ensemble des régimes de salariés et l'ensemble des régimes de non-salariés, elle neutralise les effets purement démographiques résultant des transferts de population d'un secteur à l'autre ;

- pour les régimes de salariés, elle neutralise également les effets résultant des inégalités de capacités contributives entre les différentes catégories de salariés.

Les principaux régimes contributeurs sont le régime général, la CNRACL et le régime des fonctionnaires civils, tandis que les deux plus importants bénéficiaires sont le régime des exploitants agricoles et celui des salariés agricoles.

Les régimes contributeurs à la compensation généralisée vieillesse

Montants en euros

Part en %

Cnav (régime général)

4 807 857 854

59

Fonctionnaires civils

1 233 448 998

15

Fonctionnaires militaires

35 886 923

0,4

CNRACL (collectivités locales)

1 510 507 174

18

RATP

26 649 154

0,3

Cnieg (industries électriques et gazières)

77 142 894

1

Banque de France

5 757 081

0,1

CNAVPL (professions libérales)

456 288 590

6

CNBF (avocats)

63 406 103

1

Total

8 216 944 771

100

Source : commission de compensation (2007)

Les régimes bénéficiaires de la compensation généralisée vieillesse

Montants en euros

Part en %

Salariés agricoles

2 249 646 782

27

ESPOEIE (ouvriers d'Etat)

26 492 080

0,3

CANSSM (mines)

308 304 090

4

SNCF

13 927 240

0,2

Enim (marins)

65 326 116

1

CRPCEN (clercs de notaire)

5 023 346

0,1

Exploitants agricoles

4 185 322 900

51

RSI-AVIC (commerçants)

919 363 876

11

RSI-AVA (artisans)

443 538 343

5

Total

8 216 944 771

100

Source : commission de compensation (2007)

Depuis 1985, s'ajoute à cette compensation une compensation supplémentaire, dite surcompensation , spécifique aux régimes spéciaux de retraite (fonctionnaires de l'Etat, caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales - CNRACL -, mines, marins, SNCF, RATP, caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires - CRPCEN -, Banque de France, Seita, etc.), instituée par la loi de finances pour 1986 n° 85-1403 du 30 décembre 1985. Celle-ci poursuit des objectifs similaires à ceux de la compensation généralisée, à savoir la compensation des disparités démographiques entre les régimes spéciaux et la résorption des inégalités de capacité contributive entre les assurés de ces régimes.

La surcompensation met à contribution principalement la CNRACL et le régime des fonctionnaires civils , et bénéficie essentiellement aux régimes de la SNCF et des mines .

b) La disparition progressive de la surcompensation

Les transferts au titre de la surcompensation étant devenus trop importants, plusieurs aménagements au dispositif ont été progressivement mis en oeuvre. La loi de financement de la sécurité sociale pour 1997 a tout d'abord plafonné, pour chaque exercice comptable, le montant de la compensation entre régimes spéciaux à 25 % du total des prestations servies par chaque régime. Puis, au début des années 2000, le Gouvernement s'est engagé à diminuer le taux de recouvrement de la surcompensation entre régimes spéciaux, le ramenant de 38 % à 34 % au 1 er janvier 2000, puis à 30 % au 1 er janvier 2001.

Le législateur a ensuite saisi l'opportunité que constituait la réforme des retraites de 2003 pour mettre progressivement fin au mécanisme de la surcompensation : l'article 9 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 dispose que la surcompensation prendra définitivement fin au 1 er janvier 2012. Durant cette période de neuf ans, il est prévu que le taux de la surcompensation soit progressivement réduit dans des conditions fixées par décret.

Toutefois, après avoir été abaissé à 12 % en 2008 , le taux de recouvrement de la surcompensation n'a pas été modifié et est resté à ce niveau en 2009 pour ne pas accroître les charges de l'Etat, déjà sous forte contrainte financière. Le mécanisme de la surcompensation entre régimes spéciaux est en effet corrélé à la subvention d'équilibre versée par l'Etat à ces régimes structurellement déficitaires : si le taux de la surcompensation augmente, les régimes spéciaux requièrent une subvention d'équilibre de l'Etat moins importante ; à l'inverse, si le taux diminue, leur besoin de financement s'accroît, ce qui conduit l'Etat à augmenter sa subvention.

Le taux devrait néanmoins poursuivre sa décrue en 2010 (8 %) et 2011 (4 %) avant de s'annuler en 2012 comme prévu. En conséquence, les transferts au titre de la surcompensation devraient chuter. Or ceux-ci représenteraient, pour l'exercice 2010, un financement de l'ordre de 525 millions d'euros pour les régimes de la mission .

*

L'évolution à la hausse des dépenses des régimes et à la baisse de leurs ressources crée un « effet de ciseaux » . Pour compenser cet écart, les dotations de l'Etat seront appelées à augmenter substantiellement dans les prochaines années.

* 1 Pour la branche vieillesse, le taux de cotisation salariale est de 7,85 % calculé sur l'assiette du régime spécial et le taux de cotisation à la charge de la SNCF en tant qu'employeur et la somme de deux composantes T1 et T2 :

- le taux T1 est déterminé chaque année afin de couvrir, déduction faite du produit des cotisations salariales, le montant qui serait dû si les salariés relevaient du régime général et des régimes de retraite complémentaire obligatoires. Depuis 2007, le taux retenu s'élève à 22,52 % ;

- le taux T2 est destiné à contribuer forfaitairement au financement des droits spécifiques de retraite du régime spécial. Il a été fixé à 11,96 % pour 2007 (à partir du 1 er juillet), à 12,23 % pour 2008, à 12,62 % pour 2009 et à 12,73 % pour 2010.

Ainsi, le taux global de cotisation patronale a été de 34,48 % en 2007, de 34,75 % en 2008 et, serait de 35,14 % en 2009 et de 35,25 % en 2010.

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